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Projet de loi sur le traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture

20 juin 2023


L’honorable Brent Cotter [ + ]

Propose que le projet de loi C-51, Loi portant mise en vigueur du traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate et modifiant d’autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois.

 — Avant de commencer, je tiens à souligner que le Sénat du Canada est situé sur le territoire ancestral non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Je voudrais commencer mon discours en évoquant la guerre de 1812. Je n’y étais pas et je pense que la plupart d’entre vous n’y étaient pas non plus, mais ce fut une guerre assez importante. Ce fut notre seule guerre contre les États-Unis d’Amérique, et vous vous souviendrez peut-être que nous l’avons gagnée. En effet, bien que cet événement soit quelque peu tombé dans l’oubli au fil du temps, la structure politique et la gouvernance du continent nord-américain et de notre pays seraient très différentes si cette guerre avait connu une autre issue.

Les Dakotas ont été des alliés militaires essentiels des Britanniques dans cette guerre. Pendant la guerre de 1812, ils ont défendu ce qui est aujourd’hui le Canada et ils ont reçu des médailles du roi George et des promesses de protection de leurs terres et de leurs droits.

Il s’agit d’un moment charnière dans les relations entre la Couronne, les Dakotas et les Lakotas, qui ont débuté au milieu du XVIIIe siècle, dans un contexte de conflit croissant entre l’Amérique du Nord britannique et les États-Unis.

Dans les années qui ont suivi, les Dakotas qui vivaient aux États‑Unis s’y sentaient plutôt persona non grata. Le chef Whitecap fut l’un des chefs qui partirent vers le nord avec sa communauté pour rejoindre le Canada. Ils voulaient continuer à faire partie d’un territoire britannique et ils rappelaient aux autorités les promesses qui leur avaient été faites.

Dire que leur attachement à l’Amérique du Nord britannique ne les a pas rendus populaires aux États-Unis est un euphémisme. Comme je le soulignerai plus loin, depuis la nuit des temps, les Dakotas, et plus particulièrement les Dakotas de Whitecap, se gouvernent eux-mêmes.

J’aimerais maintenant dire quelques mots sur l’histoire des Dakotas et, en particulier, des Dakotas de Whitecap, puis sur l’autodétermination et l’autonomie gouvernementale de la Première Nation dakota de Whitecap, qui ont mené à ce projet de loi et à cet accord. Ce faisant, j’espère montrer pourquoi le projet de loi dont nous parlons est essentiel pour faire progresser la réconciliation au Canada. J’espère montrer que, même si certains détails du projet de loi sont nouveaux, les concepts d’autodétermination et d’autonomie gouvernementale sur lesquels il repose ne sont pas récents. En fait, le projet de loi ne fait que redonner vie à ce qui existait auparavant.

Les Dakotas font partie de l’Oceti Sakowin Oyate, ou le peuple des sept feux du conseil, qui était une alliance de sept groupes dakotas, lakotas et nakotas. Ces groupes partageaient une langue, une histoire et une culture similaires et leur territoire s’étendait dans les régions centrales des États-Unis et du Canada.

Le mot « dakota » signifie « amis ou alliés », ce qui est significatif dans le contexte de la guerre de 1812, je pense, et la nation dakota-lakota a réussi à construire des alliances pour établir la paix et la prospérité.

Au début des années 1860, de nombreux Dakotas sont venus se réfugiés dans le Nord, dirigés par le chef Whitecap, le chef Standing Buffalo et le chef Little Crow. Le chef Whitecap a établi sa communauté en bordure de la rivière Saskatchewan Sud, et vous serez peut-être étonnés d’apprendre qu’il a par la suite cofondé ma ville, Saskatoon.

La plupart des bandes sont situées au Manitoba et en Saskatchewan. La bande des Dakotas de Whitecap est située dans une réserve à une trentaine de kilomètres au sud de Saskatoon. Cette Première Nation de petite taille compte 692 habitants. Sa réserve n’est qu’une petite parcelle de terre, beaucoup plus petite que celle des autres nations visées par un traité en Saskatchewan. Ces terres, situées près de la rivière Saskatchewan Sud, ne sont pas de très bonnes terres et, depuis plus d’un siècle, les Dakotas de Whitecap n’ont pas la vie facile.

Parlons un peu de son histoire. Remontons, en particulier, à une époque plus récente, c’est-à-dire en 1991, lorsque Darcy Bear est devenu chef. La nation avait un taux de chômage de 50 %, les services sociaux et de santé offerts à sa population étaient déplorables et la situation financière de la bande était épouvantable. Le chef Bear m’a dit récemment que lorsqu’il est devenu chef, il fréquentait l’école de commerce à l’université. En tant qu’étudiant, il avait un peu d’argent dans son compte de banque. En comparaison, le compte de banque de la bande était non seulement vide, il était à découvert. En un sens, le chef Bear était plus riche que sa Première Nation toute entière.

Qu’en est-il aujourd’hui de la Nation dakota de Whitecap? La bande a mis en place des services pour ses membres dans les domaines de l’éducation, des services sociaux et de la santé. Elle a créé une série d’entreprises commerciales, et son taux de chômage est pratiquement inexistant. Parmi les entreprises les plus connues figurent un casino des Premières Nations — le plus spectaculaire et le plus réussi de la Saskatchewan —, un terrain de golf de classe mondiale et un complexe hôtelier adjacent. Lors de son ouverture, le Dakota Dunes Golf Links a été désigné comme le meilleur nouveau parcours de golf du Canada. Le Professional Golfer’s Association Tour Canada s’y arrête chaque année en juillet.

La gestion avisée des terres, une série d’initiatives de développement économique et les efforts déployés par la nation pour créer une assiette fiscale pour ses revenus autonomes sont exceptionnels.

La Nation dakota de Whitecap est bien connue dans tout le Canada pour son remarquable développement socioéconomique et les diverses réussites de ses entreprises commerciales et de ses partenariats, dont un grand nombre sont conclus avec le secteur privé et la province de la Saskatchewan.

Bien que la réserve soit petite et que sa population, comme je l’ai dit, ne soit que de 692 personnes, ses entreprises génèrent chaque année des millions de revenus autonomes pour leur collectivité. Cette prospérité s’étend au-delà de la réserve de la Nation dakota de Whitecap et a des retombées importantes pour les entreprises locales voisines et la ville de Saskatoon. Par exemple, les entreprises de la réserve emploient autant de personnes non autochtones vivant à l’extérieur de la réserve que le nombre total de citoyens dans la réserve de Whitecap. Environ 650 non-membres sont employés à Whitecap, qui est un moteur économique pour ma ville. En résumé, la collectivité de Whitecap est forte et prospère et a une longue histoire d’autonomie gouvernementale.

La Couronne a promis de soutenir et de protéger cette nation après sa participation à la guerre de 1812. Qu’est-il advenu de cette promesse?

Eh bien, elle a vite été brisée. La guerre a commencé en 1812, et les engagements ont été rompus dès qu’on a entrepris les négociations qui ont mené au Traité de Gand, conclu trois ans plus tard, en 1815, pour mettre fin à la guerre de 1812.

La Couronne n’a pas reconnu les Dakotas comme des alliés. Au lieu de cela, on leur a permis de rester au Canada, mais ils ont été désignés comme des « réfugiés amérindiens » dans les décennies qui ont suivi. Lorsque la Couronne a commencé à négocier les traités numérotés avec les Premières Nations de l’Ouest canadien, à la fin des années 1860, les Dakotas ont été délibérément exclus de ces ententes.

En raison des décisions politiques injustes qui ont été prises il y a plus d’un siècle, les Dakotas se sont vu refuser la reconnaissance officielle de leur statut de peuple autochtone du Canada au titre de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Espérons que nous pourrons corriger la situation ce jeudi. Votre Honneur, à tous les égards, à une exception près, les Dakotas ont été traités comme toutes les autres Premières Nations, et dans l’ensemble, cela signifie qu’ils n’ont pas été bien traités. Ils ont subi la Loi sur les Indiens, les pensionnats autochtones, la rafle des années 1960, le système de laissez-passer, l’enlèvement de leurs enfants, le système des réserves ainsi que nombre d’autres lois et politiques qui ont généralement nui aux peuples autochtones du Canada. Les Dakotas ont dû subir tout cela tout en n’ayant pas les mêmes droits constitutionnels que les autres communautés autochtones. Encore à ce jour, ils sont considérés comme des « réfugiés amérindiens » qui peuvent rester au Canada aussi longtemps qu’il plaira à la Couronne.

Le Traité d’autonomie gouvernementale reconnaissant la Nation dakota de Whitecap dont il est question aujourd’hui dans le projet de loi C-51 changera tout cela. Il renforcera l’esprit d’alliance des Dakotas, comme cela avait été reconnu il y a longtemps. Que pense la Nation dakota de Whitecap de ce projet de loi? Elle considère qu’il s’agit de la prochaine étape vers la concrétisation de ce qu’est l’autodétermination pour son peuple. Le traité est le fruit de 12 années de négociations. Le sénateur Arnot a été l’un des premiers défenseurs de ce projet de loi, et j’espère qu’il en parlera lui-même dans ses observations. Le projet de loi a été approuvé à l’automne par les membres de la Première Nation dakota de Whitecap, dans le cadre d’une campagne d’approbation communautaire qui s’est déroulée de manière conforme à leurs processus décisionnels traditionnels. Le taux d’appui était de 92 %. Au bout du compte, quand les membres de la nation se sont prononcés sur ce traité de gouvernance, ils ont voté à 100 % en sa faveur. Cela me semble plutôt positif : un appui communautaire solide.

Que fait le projet de loi C-51? Deux choses : premièrement, il reconnaît la Première Nation dakota de Whitecap comme Première Nation en vertu de l’article 35 de la Constitution. Cela change son statut, passant d’un peuple de réfugiés à un peuple autochtone reconnu en vertu de l’article 35, corrigeant ainsi plus d’un siècle d’injustice. Deuxièmement, il soustrait la Nation dakota de Whitecap à la surveillance sous la plupart des aspects de la Loi sur les Indiens, et reconnaît une vaste gamme de pouvoirs gouvernementaux pour la Nation dakota de Whitecap dans le traité d’autonomie gouvernementale. Comme nous le savons, de nombreuses lois et politiques fédérales, y compris la Loi sur les Indiens, ont fait obstacle à l’autonomie gouvernementale des Premières Nations.

Or, la Loi sur les Indiens a imposé une forme coloniale de gouvernance à la Nation dakota Whitecap et à de nombreuses autres Premières Nations, avec des formes limitées d’administration locale. Depuis des décennies, la Première Nation dakota de Whitecap s’efforce de se libérer de la Loi sur les Indiens. Au moyen d’une série d’initiatives pendant la période allant de 1989 à 2012, la Première Nation dakota de Whitecap s’est libérée d’environ 35 % — comme si les pourcentages avaient une importance — du contrôle exercé par la Loi sur les Indiens, en vue de rétablir sa pleine autonomie gouvernementale.

Pour remplacer le très vaste cadre de la Loi sur les Indiens dans le traité concernant l’autonomie gouvernementale, le traité en question prévoit que le gouvernement du Canada reconnaîtra la Nation dakota de Whitecap et lui donnera compétence sur la gouvernance de base; ses membres; la langue et la culture; la gestion des terres; les situations d’urgence; l’ordre public; la paix et la sécurité; la fiscalité; l’environnement; la gestion des ressources; l’agriculture; les travaux publics et l’infrastructure; le transport et la circulation locale; les testaments et successions; l’éducation; la santé; la délivrance de permis, la réglementation et l’exploitation des entreprises; le développement économique; l’alcool, le jeu et les substances intoxicantes; les questions relatives aux locataires et aux propriétaires; ainsi que l’administration et l’application des lois de la Nation dakota de Whitecap. Il s’agit là d’un éventail assez spectaculaire de pouvoirs gouvernementaux.

Je veux dire quelques mots sur la fiscalité, et je vais maintenant mettre de côté le discours que j’ai préparé, si vous le permettez.

À mon avis, une des grandes contraintes de la Loi sur les Indiens et de la relation du Canada avec les Premières Nations, c’est que nous ne sommes pas passés à des modèles de revenus autonomes et à la création de gouvernements financièrement responsables, par exemple. Nous avons trop compté sur les transferts d’Ottawa.

Nous devons bâtir les modèles de gouvernement que les communautés veulent et dont elles ont besoin. Une des clés est l’établissement d’un régime fiscal qu’un gouvernement pourra gérer lui-même. Selon mes échanges avec des représentants gouvernementaux au cours des derniers jours, le ministère des Finances s’affaire à négocier une entente complémentaire sur l’impôt foncier et un accord sur le traitement fiscal afin de déterminer la portée de la compétence fiscale de la Nation dakota de Whitecap sur les terres de réserve.

Le ministère a souligné que la Nation dakota de Whitecap a fait ses preuves avec des outils et des pouvoirs fiscaux innovateurs, et que ces ententes complémentaires à venir fourniront des pouvoirs fiscaux accrus à la communauté afin qu’elle puisse promouvoir ses intérêts. En fait, l’entente sur l’impôt foncier établie dans cette mesure législative est la première de ce genre au pays.

Honorables sénateurs, c’est un bon projet de loi. Il remet les pouvoirs décisionnels entre les mains des gouvernements autochtones afin qu’ils puissent faire leurs propres choix au sujet de la prestation de programmes et de services à leurs propres communautés. J’ajoute par ailleurs qu’il renomme l’entité autonome « Nation dakota de Whitecap ». Cette nation avait perdu son nom en quittant la Loi sur les Indiens et il lui en fallait un nouveau. C’est un bon nom, et c’est le nom que la communauté souhaitait.

Ce projet de loi est un pas important vers la revitalisation de l’autonomie gouvernementale et de l’autodétermination pour les membres de la Nation dakota de Whitecap qui contribuent à notre pays depuis très longtemps, un apport qui n’est pas très bien reconnu, d’ailleurs. C’est aussi un important pas vers la réconciliation, en tournant la page sur le colonialisme et le paternalisme pour adopter une mesure législative fondée sur l’égalité et le respect.

Honorables sénateurs, je vous encourage à vous joindre à moi pour franchir cette prochaine étape.

Merci, pidamayado.

Le sénateur Cotter accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Cotter [ + ]

Bien sûr.

La dépossession des terres a été la mesure la plus dévastatrice prise contre les Premières Nations.

Parmi les dispositions les plus importantes du projet de loi, il est prévu que l’administration de la Première Nation dakota de Whitecap aurait compétence dans les domaines suivants : la gouvernance de base, les terres et les ressources, les règlements et les programmes. Tout cela est lié à la terre.

Sous la rubrique des terres et des ressources, il est dit que la gestion des terres et des ressources naturelles relèverait de la compétence de cette Première Nation. Avant Noël, nous avons adopté la Loi sur le développement d’une économie verte dans les Prairies. En tant que parrain de ce projet de loi, vous avez dit que la province avait compétence sur les ressources naturelles ou qu’elle en était propriétaire. Lequel est-ce? Qui sera propriétaire des ressources naturelles : le gouvernement de la Première Nation dakota de Whitecap ou la province?

Le sénateur Cotter [ + ]

Je vous remercie. Je n’ai pas entendu la première partie de la question, sénatrice McCallum. Je ferai de mon mieux pour répondre à la partie concernant les terres.

Il s’agit ici de terres situées dans les réserves, qui seraient sous le contrôle absolu de la Première Nation dakota de Whitecap pour ce qui est du développement des ressources. Il y a des problèmes connus. Cette Première Nation estime qu’elle a reçu une part infiniment petite des terres lorsque ses membres sont venus au Canada. Elle a d’ailleurs conclu un accord de revendications territoriales.

En Saskatchewan, un grand nombre de ces accords de revendications territoriales ont été réglés. L’accord-cadre sur les droits fonciers issus de traités a mis à la disposition des Premières Nations d’importantes sommes d’argent après que le gouvernement ne leur a pas donné ce à quoi elles avaient droit il y a environ un siècle.

Je ne peux affirmer sans l’ombre d’un doute que c’est ce qui se passera dans ce cas-ci, mais il n’est pas rare qu’on fournisse des ressources financières aux Premières Nations pour qu’elles puissent acquérir des terres — ce qui en fait des terres de réserve. Lorsque les terres achetées comptent des ressources souterraines, par exemple, ces dernières sont acquises par le fait même. C’est ce qui s’est passé partout en Saskatchewan et j’imagine que c’est également le cas dans d’autres provinces. J’espère que ma réponse vous a aidée.

Vous êtes donc au courant que tout le territoire de la Saskatchewan est couvert par des traités. La province est donc entièrement constituée de territoires non cédés, alors pourquoi ce territoire est-il sous l’autorité de la province?

Le sénateur Cotter [ + ]

Tout le territoire est couvert par des traités, mais la plupart des terres qui ne constituent pas des réserves pourraient être qualifiées de territoires ancestraux. Votre question concerne l’autorité provinciale surtout, mais le point de vue qui avait été retenu — à la suite de la Convention sur le transfert des ressources naturelles de la fin des années 1930 — était de transférer les terres qu’Ottawa considérait siennes aux provinces.

Les terres qui sont constituées en réserves sont régies par les Premières Nations. L’autorité concernant les terres qui sont considérées comme étant des territoires ancestraux est une question moins consensuelle.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) [ + ]

Sénateur Cotter, je vous remercie de votre intervention. J’ai aimé votre exposé historique sur la Première Nation dakota de Whitecap.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-51, Loi portant mise en vigueur du traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate et modifiant d’autres lois en conséquence.

Le mardi 2 mai 2023, la Nation dakota de Whitecap a conclu un traité d’autonomie gouvernementale la reconnaissant comme titulaire de droits en vertu de l’article 35 de la Constitution du Canada. Ces négociations ont débuté en 2009 sous l’ancien gouvernement Harper. L’accord a été élaboré conjointement et en consultation avec la Première Nation dakota de Whitecap et affirme son droit inhérent à l’autonomie gouvernementale en vertu de la Loi constitutionnelle de 1982. Il s’agit du premier traité de ce type en Saskatchewan.

Comme l’a expliqué le sénateur Cotter, la Première Nation dakota de Whitecap était une alliée de la Couronne britannique, ce qui est tombé aux oubliettes de l’histoire et n’a jamais été dûment reconnu. Cette mesure législative vise à corriger les oublis des gouvernements précédents et à doter la Première Nation dakota de Whitecap d’un traité d’autonomie gouvernementale.

Cette mesure législative a fait l’objet de négociations pendant 13 longues années et est le fruit de la collaboration de la Première Nation dakota de Whitecap, des ministres conservateurs Chuck Strahl et John Duncan, et des ministres libéraux Carolyn Bennett et Mark Miller.

Je suis heureuse que cette mesure législative ait été adoptée rapidement à l’autre endroit, et j’espère que nous pourrons en faire autant au Sénat.

Le projet de loi reconnaît que la Première Nation dakota de Whitecap a compétence et détient des pouvoirs législatifs sur les terres de sa réserve dans le domaine de la gouvernance, des terres, des ressources naturelles, des membres de la bande, des questions culturelles, de la revitalisation linguistique et de la préservation de la langue, de l’éducation, de la gestion financière et de l’obligation de rendre compte, de la santé et des services sociaux. Le traité est considéré comme une occasion importante pour la Première Nation dakota de Whitecap de s’affranchir de la Loi sur les Indiens.

Le projet de loi fait plusieurs choses importantes : il reconnaît la Première Nation dakota de Whitecap comme un peuple autochtone qui jouit de tous les droits prévus aux articles 35 et 25 de la Constitution. Sur le plan constitutionnel, il protège le droit inhérent de cette nation à l’autonomie gouvernementale, comme le prévoit le traité. Il renforce sa position dans ses futures discussions avec le Canada sur les terres et les titres. Il soustrait la Première Nation dakota de Whitecap à l’application de la Loi sur les Indiens et fait en sorte qu’elle continue d’avoir accès à la Loi sur la gestion financière des premières nations.

La Première Nation dakota de Whitecap appuie sans réserve le projet de loi et le chef Darcy Bear a déclaré ceci :

Je suis extrêmement fier des membres de notre communauté au moment où nous écrivons ensemble une page d’histoire pour améliorer le sort des générations à venir. Le traité de gouvernance que nous avons conclu avec le Canada confirme notre place en tant que peuple dakota aux côtés de tous les autres peuples autochtones du Canada, et nous offre des protections constitutionnelles. Il établit également un gouvernement dakota de Whitecap doté des outils et du statut nécessaires pour continuer à bâtir notre nation et à apporter notre contribution à la Saskatchewan et à l’ensemble du Canada.

Toute la communauté a participé au processus. Un comité consultatif composé d’aînés, de jeunes, de femmes et de membres de la communauté de Whitecap a contribué à façonner l’accord et à faire en sorte que le processus protège les perspectives, la culture et les coutumes de la Première Nation. Par conséquent, 92 % des membres de la Nation de Whitecap ont voté en faveur du traité, lequel affirme le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale de cette Première Nation.

Quand on lui a demandé pourquoi il était important pour la communauté d’être enfin reconnue comme détentrice de droits garantis par l’article 35 au Canada et ce que cela signifiait pour elle, voici ce qu’a répondu le conseiller Dwayne Eagle au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes :

Je répondrai d’une façon plutôt personnelle. Parfois, quand survient un différend avec d’autres Premières Nations, elles disent quelque chose comme « retournez d’où vous venez ». Nous venons du Canada. C’est notre terre, notre territoire. Quand nous serons reconnus en tant que peuple autochtone du Canada...

C’est l’une des choses dont nous avons parlé avec la communauté, et c’est ce que veulent les membres. Ils tiennent à ce que ce soit inclus dans l’accord. C’est vraiment important pour nous.

Honorables sénateurs, j’ai été brève car je sais qu’il est crucial d’adopter ce projet de loi dans les plus brefs délais. La reconnaissance inhérente accordée par le projet de loi C-51 a de l’importance pour les membres et les aînés de la Nation dakota de Whitecap. Il s’agit de protéger leur traité d’autonomie gouvernementale. À partir de là, nous pourrons aller de l’avant et poursuivre le travail de réconciliation avec la communauté.

Comme Fraser Tolmie, député de Moose Jaw—Lake Centre—Lanigan, en Saskatchewan, l’a dit hier pendant la réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes :

[...] l’une des choses qui me contrarient lorsque je pense au déroulement des événements passés et récents dans le dossier, c’est que les choses semblent si simples. Cela aurait dû être réglé il y a bien longtemps [...]

Alors, honorables sénateurs, ne tardons pas davantage. Les conservateurs appuient les droits issus des traités et le processus de réconciliation avec les peuples autochtones du Canada, et ils appuient le projet de loi C-51.

L’honorable David M. Arnot [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-51, Loi portant mise en vigueur du traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate et modifiant d’autres lois en conséquence.

Chers collègues, le projet de loi C-51 vient boucler la boucle pour moi. Il y a plus de 25 ans, j’étais commissaire aux traités de la Saskatchewan et j’avais le mandat de faire des recherches pour documenter et saisir la signification des traités dans un contexte moderne en Saskatchewan.

En janvier 1999, la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le chef de la Fédération des nations autochtones souveraines m’ont demandé de faciliter les discussions entre les Dakota et les Lakota sur les revendications relatives à l’adhésion aux traités en Saskatchewan.

Or, il y a trois nations dakotas sur le territoire de l’actuelle Saskatchewan — la Nation de Standing Buffalo, la Nation des Wahpeton et la Nation de Whitecap — et une nation lakota, la Nation de Wood Mountain. Ces Premières Nations n’avaient jamais négocié de traités ou d’adhésions avec le Canada, mais ce n’était pas par manque d’efforts de leur part.

James Morrison, un spécialiste de la recherche juridique et historique, a découvert que plusieurs chefs des Dakotas avaient manifesté un intérêt à adhérer aux traités au moment où ceux-ci ont été conclus, à savoir le Traité no 4 en 1874 et le Traité no 6 en 1876. Selon le compte-rendu du conseil réunissant les commissaires du Traité no 4, le lieutenant-gouverneur Alexander Morris a dit aux Dakotas qu’ils devraient s’installer loin de la frontière américaine. Ils auraient droit à la même considération que les Dakotas à qui on avait offert des terres de réserve au bord de la rivière Little Saskatchewan, qui sont aujourd’hui situées au Manitoba.

En 1862, le chef Whitecap s’est installé au nord du 49e parallèle après les massacres du Minnesota. Cependant, les Dakotas occupaient le territoire depuis des siècles, ce qu’on a été en mesure de démontrer.

En 2003, j’ai eu la chance de voir et de tenir une médaille vieille de plusieurs siècles pendant les discussions à la table des traités. Cette médaille, connue sous le nom de médaille « Lion et Loup » et appelée « Mazaska Wanpin » par les Dakotas, représente la naissance de la relation avec la Couronne.

Cette médaille a été exposée au Bureau du commissaire aux traités pendant un certain temps. Si on regarde l’avers de la médaille, on peut voir qu’elle est bien usée et qu’elle a été fièrement portée par les chefs dakotas pendant quelque 200 ans.

Le 17 août 1778, à Montréal, 11 chefs dakotas reçoivent des mains du général britannique Frederick Haldimand des médailles « Lion et Loup ». Le lion symbolisait la Couronne britannique, et le loup symbolisait le gouvernement américain mordillant les pattes du lion. Les chefs ont reçu ces médailles parce que leur contribution a été essentielle dans les campagnes britanniques dans l’Illinois et le Kentucky pendant la Révolution américaine.

Les Dakotas ont également reçu sept médailles « Lion et Loup » pendant la guerre de 1812, très probablement en juin 1812 au village du chef Wabasha. Les guerriers dakotas ont joué un rôle essentiel dans la prise de Michilimackinac par les Britanniques et le siège de Fort Meigs qui était tenu par les Américains pendant cette guerre.

Une histoire beaucoup plus unique et convaincante du lien entre la Couronne et le peuple dakota a été présentée lors des discussions à la table de négociation des traités en Saskatchewan.

J’ai rédigé un rapport recommandant que l’on permette au peuple dakota d’adhérer au Traité no 4 et au Traité no 6, respectivement. J’ai également recommandé que, sinon, le Canada entreprenne des discussions avec le peuple dakota en vue de conclure un traité, puisque le gouvernement du Canada peut choisir de conclure un traité avec qui il l’entend, et que cela se fasse dans un contexte moderne. Surtout, ce serait la bonne chose à faire.

Malgré la bonne volonté et la bonne foi des parties à la discussion, et malgré les heures de discussions fondées sur les intérêts qui se sont tenues, le processus — auquel j’ai participé — a fini en queue de poisson. Néanmoins, je crois que ces premiers efforts ont jeté les bases du projet de loi que nous étudions aujourd’hui. Les négociations en vue de conclure un accord global d’autonomie gouvernementale, qui ont recommencé en 2009, font fond sur les relations forgées une décennie plus tôt lors des discussions en vue de conclure un traité en Saskatchewan.

C’est la compréhension, l’appréciation et l’acceptation de l’histoire transmise oralement et des documents historiques qui nous ont menés jusqu’ici. Il existe de nombreuses preuves que les Dakotas étaient présents sur le territoire depuis des siècles. Les documents historiques nous disent que, même en l’absence de la signature d’un traité ou de l’adhésion à un traité dans la deuxième moitié des années 1800, des promesses ont été faites au peuple dakota.

Sarah Carter, professeure d’histoire à l’Université de l’Alberta, a décrit en détail la rencontre du 16 septembre 1874 avec le commissaire aux traités et lieutenant-gouverneur Alexander Morris :

[Le chef] White Cap commence par dire qu’il « ne sait pas quoi faire, car il a entendu dire que le pays allait être vendu et il veut des conseils sur la façon de vivre. Il met sa main dans celle du gouverneur pour montrer qu’il serre la main de la reine...

 — la reine Victoria —

... Ses ancêtres faisaient de même. » Morris a dit que nous ne voulions pas que tous vos amis [des États-Unis] viennent ici. [Toutefois], pour ceux qui sont ici depuis un certain nombre d’années, c’est différent. Il a déclaré qu’il avait la possibilité de donner 80 acres de terre à chaque famille.

Chers collègues, le premier énoncé du préambule du projet de loi C-51 clarifie l’importance de l’histoire, alors nous regardons vers l’avenir. Il se lit comme suit :

Attendu : que la Nation dakota de Whitecap et le gouvernement du Canada reconnaissent les liens historiques et distinctifs entre certaines communautés dakotas et la Couronne fondés, au fil du temps, sur des traités ou alliances de paix et d’amitié;

En comprenant le passé et en réfléchissant aux besoins du présent — comme l’ont fait les rédacteurs du projet de loi C-51 —, cette loi nous oblige à envisager l’avenir de la Première Nation dakota de Whitecap, un avenir largement libéré des contraintes de la Loi sur les Indiens, fondé sur le principe du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale et une relation de gouvernement à gouvernement.

Nous savons tous que la Première Nation dakota de Whitecap a signé avec le Canada un traité concernant l’autonomie gouvernementale le 2 mai 2023. Ce traité confirme que la Première Nation Dakota de Whitecap a la compétence sur ses terres de réserve en ce qui concerne la gouvernance, les ressources naturelles, la citoyenneté, la gestion financière et la responsabilisation, la promotion et la préservation de la langue et de la culture, et l’éducation. L’affirmation du droit constitutionnel de cette nation en tant que peuple autochtone en vertu de l’article 35 représente un changement historique en ce qui concerne la position du Canada à l’égard de la Nation dakota et permet la réconciliation.

La communauté, les dirigeants et le peuple dakota de Whitecap attendaient le projet de loi C-51 et ce traité sur la gouvernance depuis longtemps — près de 140 ans, selon une estimation.

Chers collègues, je tiens à saluer le leadership, les conseils et la détermination du chef Darcy Bear. Le chef Bear est un leader, un créateur de liens et un entrepreneur extraordinaire. J’ai eu la chance d’apprendre à le connaître et de travailler avec lui ces 30 dernières années. Il a connu le succès dans de nombreux domaines, dont le logement dans la réserve, la construction d’un casino et d’un hôtel, ainsi que la création d’un parcours de golf de classe mondiale, comme on l’a déjà mentionné.

Je tiens à saluer les contributions de deux conseillers de longue date, MM. Frank Royal et Dwayne Eagle.

Je remercie les aînés qui aident à guider le chef Bear et sa communauté. Eux aussi ont participé aux mêmes processus que moi.

Je suis profondément reconnaissante envers l’aînée Melvina Eagle et le regretté aîné Mel Littlecrow — deux aînés qui ont généreusement partagé leurs connaissances, leur sagesse et leurs conseils aux parties prenantes et à moi-même, il y a de nombreuses années. Leur savoir est le fondement de ce projet de loi, des relations qui ont été forgées et de la réconciliation que permet ce traité et qui est enchâssée dans le projet de loi.

Chers collègues, la Première Nation dakota de Whitecap a toujours eu des attentes élevées pour son peuple et les membres de sa communauté. Le projet de loi C-51 reconnaît sa juste place au sein de l’État canadien. Je crois que ce projet de loi est très favorable au Canada. Je vous invite à vous joindre à moi pour appuyer ce projet de loi qui corrige une erreur historique et qui constitue un exemple moderne de réconciliation. Merci.

L’honorable Renée Dupuis [ + ]

Le sénateur Arnot accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Arnot [ + ]

Oui.

La sénatrice Dupuis [ + ]

Merci, sénateur Arnot. Pourriez-vous nous préciser qui est propriétaire des terres de la réserve sur lesquelles la Première Nation compte installer son gouvernement autonome?

Le sénateur Arnot [ + ]

À mon avis, c’est la Première Nation dakota de Whitecap qui possédera ces terres.

La sénatrice Dupuis [ + ]

Est-ce que je pourrais attirer l’attention du comité sur cette question? Peut-être apportera-t-il la réponse à cette question dans son rapport sur cette étude.

L’honorable Michèle Audette [ + ]

Conformément à la Loi sur les Indiens, les femmes qui épousaient des non-Indiens étaient expulsées. Je comprends que, selon le document, la Charte canadienne des droits et libertés va s’appliquer, mais pouvez-vous nous dire si les femmes autochtones de cette nation, qui ne sont pas reconnues dans les projets de loi C-31, C-3 et S-3, ont été réinscrites, ou pas du tout?

Le sénateur Arnot [ + ]

Ma réponse à cette question, c’est que la Première Nation dakota de Whitecap pourra décider qui accueillir comme membre. Elle prendra elle-même cette décision sans restriction imposée par les dispositions de la Loi sur les Indiens. La Première Nation dakota de Whitecap aura le dernier mot. Elle bénéficiera de l’autodétermination en vertu de son accord d’autonomie gouvernementale. C’est ce que je comprends du traité.

La sénatrice Audette [ + ]

Cela veut dire que ce qui est arrivé dans le passé est une question que je devrais poser aux témoins lorsqu’ils comparaîtront devant le Comité des peuples autochtones. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

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