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La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat

30 novembre 2021


L’honorable Peter Harder [ - ]

Propose que le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada et apportant des modifications corrélative et connexes à d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je suis de retour, ou devrais-je plutôt dire, le projet de loi est de retour. Il y a quelques mois, j’ai pris la parole pour vous inciter à appuyer le projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada et apportant des modifications corrélative et connexes à d’autres lois, et je prends la parole de nouveau en cette nouvelle législature pour vous remémorer les détails de ce même projet de loi. En fait, j’ai eu envie de proposer, il y a quelques instants, que le projet de loi soit lu pour la cinquième fois, mais je ne voulais pas m’attirer la colère du Président. Le projet de loi se nomme maintenant le projet de loi S-2, et j’en propose la deuxième lecture.

Avant de poursuivre, j’aimerais reconnaître que nous sommes rassemblés sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe. Je suis l’exemple de la gouverneure générale, qui a noté dans le récent discours du Trône que cette reconnaissance n’est pas une simple déclaration symbolique, mais qu’elle reflète véritablement notre histoire. J’estime qu’il n’y a pas de projet de loi qui revête plus d’importance que celui dont nous sommes saisis, puisqu’il porte sur la responsabilité du Parlement de suivre les conseils de la gouverneure générale.

D’entrée de jeu, je me permets de préciser que les mesures et les objectifs énoncés dans le projet de loi S-2 sont exactement les mêmes que ceux sur lesquels nous avons voté au printemps dernier. Comme vous le savez, le projet de loi n’a malheureusement pas été soumis au vote à l’autre endroit avant le déclenchement des dernières élections fédérales. Je reviendrai là-dessus vers la fin de mon intervention.

Pour le moment, j’aimerais souligner la nécessité de cette mesure législative et en exposer les détails, à la fois pour rafraîchir la mémoire de ceux d’entre nous qui ont participé au débat du printemps et pour mieux informer les nouveaux sénateurs récemment assermentés.

Comme je l’ai mentionné au printemps, cette mesure législative mettrait à jour la Loi sur le Parlement du Canada pour mieux tenir compte de la nouvelle réalité au Sénat. Les nouveaux venus parmi nous sont certainement au courant des modifications apportées au lendemain des élections de 2015; ce sont ces modifications qui ont créé le nouveau processus qui a encadré leur arrivée au Sénat. Quoi qu’il en soit, il est peut-être utile de répéter certains faits pour mettre les choses en contexte.

Après l’entrée en vigueur du nouveau processus indépendant de nomination des sénateurs, en 2016, plusieurs d’entre nous ont passé beaucoup de temps à chercher la façon la plus efficace de nous organiser pour nous acquitter de notre responsabilité qui est d’étudier les projets de loi et d’en faire un second examen objectif.

Pendant la même période, évidemment, d’autres sénateurs, dont plusieurs sont présents aujourd’hui, ont choisi de se joindre aux caucus des partis existants. Cette décision présentait des avantages organisationnels, bien sûr, en particulier la possibilité pour les recrues d’obtenir du soutien, mais aussi de structurer les débats au Sénat. Malgré tout, le système était en transformation et, personnellement, je peux dire que j’ai trouvé le travail d’organisation intimidant. Il n’y avait pas de mode d’emploi, mais les avis ne manquaient pas sur la meilleure façon de procéder.

Par exemple, certains proposaient que les sénateurs soient regroupés en caucus régionaux aux fins de la représentation au sein des comités et du partage des ressources. D’autres songeaient à la possibilité de former des groupes d’affinités en fonction des enjeux débattus.

Pendant que les universitaires et les spécialistes des politiques discutaient de ces questions, la nomination de nouveaux sénateurs se poursuivait à un rythme assez régulier. Une chose sur laquelle la plupart des gens s’entendent, c’est qu’il était impossible que les 105 sénateurs travaillent chacun en vase clos. Alors, à mesure que de nouveaux sénateurs étaient nommés, ils ont commencé à se réunir pour se soutenir et, éventuellement, ils ont formé différents groupes.

Même si nous y sommes souvent allés à tâtons depuis, et que c’est franchement toujours le cas, nous avons commencé à laisser notre marque sur cette institution. Les efforts que nous avons déployés — à coup d’essais et d’erreurs et avec beaucoup de bonne volonté — ont mené au Sénat d’aujourd’hui, une assemblée très différente formée de cinq groupes distincts, mais qui fonctionne toujours d’après un modèle conçu pour une époque bien différente.

Le projet de loi dont nous débattons actuellement aligne ces réalités sur de nouvelles mesures législatives qui cherchent à traiter tous les sénateurs équitablement et à donner à cette assemblée des pouvoirs consultatifs accrus.

Je dois admettre que tous les sénateurs ont reconnu que les choses changeaient et ont agi en conséquence. Tous les sénateurs, même ceux qui préféraient la division traditionnelle en deux partis, étaient prêts à adapter les règles et la procédure rigoureuses du Sénat pour arriver à une façon de faire plus moderne.

Le principe fondamental selon lequel tous les sénateurs sont égaux a mené à un examen réfléchi et à une modification des règles et des pratiques, afin que nos nouveaux collègues disposent de sièges dans les comités et que les divers caucus et groupes qui sont apparus au Sénat soient tous traités équitablement. Tout comme le projet de loi S-4 avant lui, le projet de loi S-2 viendrait inscrire dans la loi un grand nombre de pratiques et d’ordres sessionnels déjà instaurés par le Sénat.

Depuis 2016, 60 sénateurs ont été nommés dans le cadre du processus fondé sur le mérite d’un comité consultatif indépendant. De plus, depuis lors, trois groupes non partisans ont été formés au Sénat : le Groupe des sénateurs indépendants, le Groupe des sénateurs canadiens et le Groupe progressiste du Sénat.

À mesure que ces groupes ont vu le jour, le Sénat a modifié ses règles internes afin de leur faire une place, de leur accorder des fonds de recherche et de leur assigner un nombre de sièges au sein des divers comités proportionnel au nombre de sénateurs qui en font partie. En plus du caucus du Parti conservateur et du bureau du représentant du gouvernement au Sénat, le projet de loi S-2 tient compte du fait que de nombreux groupes composent désormais le Sénat et adapte la rémunération de ses dirigeants en conséquence, exactement comme le fait l’autre endroit.

Cette mesure législative permet également d’actualiser la loi afin qu’elle reflète la nature moins partisane du Sénat. Le premier ministre a en effet promis de modifier la Loi sur le Parlement du Canada lorsqu’il a annoncé la mise sur pied du Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat, en décembre 2015. La modification de la loi est l’aboutissement du processus qui s’est entamé avec la création de ce comité.

Avant de discuter du fond des modifications, je tiens à prendre un instant pour remercier et féliciter tous les sénateurs, les dirigeants et les facilitateurs, surtout les sénateurs Plett, Woo, Cordy et Tannas, dont l’esprit de coopération nous a permis d’en arriver à ce stade.

De nombreuses consultations auprès de tous les leaders avaient eu lieu avant la rédaction du projet de loi S-4, à la législature précédente. Nous avons écouté leurs points de vue, et la mesure législative proposée, à ce moment comme aujourd’hui, tient compte de ces discussions. Le gouvernement a convenu qu’il devait consulter ceux qui seraient le plus directement touchés par toute modification de la loi.

De façon générale, le projet de loi S-2 accorderait un statut officiel aux nouveaux groupes qui ont été formés. Il précise les rôles dans la gouvernance du Sénat et le processus de nomination. Il prévoit le versement aux leaders des groupes d’une indemnité proportionnelle au nombre de sièges occupés par leur groupe au Sénat. Plus précisément, le projet de loi S-2 ferait d’abord en sorte que le groupe le plus important — à part ceux du gouvernement et de l’opposition — recevrait des indemnités équivalentes à celles de l’opposition. Les deux groupes suivants dans l’ordre selon la taille recevraient des indemnités équivalant à environ la moitié de celles de l’opposition.

Les nouvelles indemnités entreraient en vigueur le 1er juillet 2022 et aideraient les partis ou les groupes reconnus à assumer leur rôle consistant à donner leur avis lors des seconds examens objectifs.

Deuxièmement, le projet de loi modifie la Loi sur le Parlement du Canada et apporte des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois qui autorisent le leader ou facilitateur de chacun des autres partis ou groupes parlementaires reconnus au Sénat à apporter des changements à la composition du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. Cela confirmerait simplement la situation actuelle.

De même, le projet de loi prévoit que tous les leaders soient consultés au sujet de la nomination des mandataires du Parlement suivants : le conseiller sénatorial en éthique, le vérificateur général, le commissaire au lobbying, le commissaire aux langues officielles, le commissaire à l’intégrité du secteur public, le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire à l’information et le directeur parlementaire du budget. La contribution de tous les leaders est aussi exigée concernant la nomination de sénateurs au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. La nomination de ces mandataires est cruciale pour le fonctionnement du gouvernement et, par extrapolation, du pays.

Troisièmement, le projet de loi S-2 modifie la Loi sur les mesures d’urgence pour faire en sorte qu’au moins un sénateur de chaque groupe soit représenté dans tous les comités formés en vertu de cette loi. À l’heure actuelle, la Loi sur les mesures d’urgence exige qu’un comité d’examen parlementaire mixte de la Chambre et du Sénat soit mis sur pied pour examiner la façon dont le gouvernement a exercé ses pouvoirs après avoir déclaré une situation de crise. Sous le régime de la loi actuelle, le comité doit comprendre au moins un député de chaque parti reconnu à la Chambre des communes et au moins un sénateur de chaque parti représenté au Sénat. En reconnaissant officiellement le Groupe des sénateurs indépendants, le Groupe progressiste du Sénat et le Groupe des sénateurs canadiens, comme le propose le projet de loi S-2, on permettrait à chaque groupe d’obtenir un siège au sein de cet important comité.

Enfin, le projet de loi S-2 permettra d’ajouter les titres de représentant du gouvernement au Sénat, de coordonnateur législatif auprès du représentant du gouvernement au Sénat et d’agent de liaison du gouvernement, selon les besoins, pour refléter la structure actuelle du bureau du représentant du gouvernement. Encore une fois, cela confirme ce qui est déjà mis en pratique.

Le projet de loi S-2 prévoit également des indemnités pour cinq postes occupés par les représentants du gouvernement au Sénat et cinq postes occupés par l’opposition, ainsi que pour quatre postes occupés par les représentants de chacun des trois autres partis ou groupes qui comptent le plus grand nombre de sénateurs.

Puisque le projet de loi S-2 porte sur le cadre institutionnel et les processus organisationnels du Sénat, le gouvernement a déterminé, à juste titre selon moi, que les mesures proposées dans ce projet de loi devaient venir du Sénat et que les sénateurs devraient en discuter et en débattre en premier puisqu’ils sont les premiers concernés par ces modifications. Voilà pourquoi le projet de loi S-4 a d’abord été présenté au Sénat lors de la dernière législature.

En raison de la convention de longue date qui interdit au Sénat de dépenser des fonds publics, le projet de loi S-2 contient une disposition de non-affectation de crédits qui permettrait à ce projet de loi d’entrer en vigueur seulement une fois que les crédits ont été affectés par le Parlement, ce qui explique que nous devions adopter ce projet de loi pour ensuite le renvoyer à l’autre endroit afin de permettre à la Chambre appropriée de présenter le projet de loi nécessaire pour parachever les modifications. Ce processus dure depuis longtemps. Le Sénat a commencé à exiger de tels changements à la loi il y a plusieurs années. Je peux en témoigner personnellement, et j’ai dû encaisser quelques coups pendant ce processus. Il est dans l’intérêt de tous les sénateurs de faire avancer l’étude du projet de loi S-2 pour qu’il puisse être renvoyé à l’autre endroit dès que possible. Nous ne devons pas rater cette occasion.

Je m’en voudrais de ne pas saisir l’occasion de souligner le fait que nous nous retrouvons à étudier ce projet de loi, alors que nous l’avons déjà fait il y a quelques mois à peine. Nous l’avons étudié durant le dernier mois de la législature précédente, et nous revoici à l’étudier durant le premier mois de la nouvelle législature.

Le projet de loi S-4 initial exigeait un examen approfondi de même que des discussions, des consultations et des accommodements substantiels parmi les divers groupes qui composent le Sénat. Nous y sommes parvenus en grande partie et nous avons renvoyé le projet de loi S-4 à l’autre endroit. Nous avons maintenant l’occasion de le faire de nouveau avec le projet de loi S-2, et cette fois-ci, nous pouvons nous attendre à ce que la Loi sur le Parlement du Canada soit étudiée et mise aux voix à l’autre endroit, afin qu’elle reflète finalement la réalité du Sénat au XXIe siècle.

Il a fallu deux législatures pour présenter des modifications à la loi. Ces modifications sont le fruit des accommodements auxquels nous avons consenti au fil des ans. Après avoir travaillé si fort et fait preuve de diligence raisonnable, j’ai été déçu que le projet de loi ne soit pas présenté à l’autre endroit, à l’instar, je le présume, de nombreux autres sénateurs.

Je me réjouis à l’idée d’un examen respectueux de cette mesure législative à l’autre endroit, tout comme je sais que les projets de loi qui proviennent de l’autre endroit sont traités avec attention et respect au Sénat.

Cependant, chers collègues, le projet de loi S-2 est une mesure législative pleine d’égards. Il vise à assurer le traitement égal de tous les leaders et renforce l’équité accordée à tous les groupes en matière de consultation, notion qui existe déjà en pratique, mais qui n’est pas inscrite dans la loi.

On peut considérer que le projet de loi S-2 reflète l’évolution du Sénat. Il n’a pas besoin d’être révolutionnaire pour répondre à nos besoins. Le gouvernement n’impose pas des modifications dans le cadre de ce projet de loi. Le projet de loi S-2 peut être décrit comme permissif, et non prescriptif, ce qui est incidemment conforme à la façon dont nous menons la majorité de nos travaux.

Enfin, le projet de loi S-2 ne vise aucunement à mettre le point final à la réforme et à la modernisation du Sénat. Toutefois, il apporte les modifications législatives dont nous avons besoin pour poursuivre l’examen d’autres pratiques relevant de la compétence du Sénat qui favoriseront davantage la modernisation. Ce projet de loi reflète ce que nous sommes et il n’exclut pas d’autres changements visant à refléter ce que les Canadiens veulent que le Sénat soit à l’avenir. Merci.

L’honorable Denise Batters [ - ]

Sénateur Harder, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Harder [ - ]

J’en serais ravi. Cela me manque presque.

La sénatrice Batters [ - ]

C’est pour cette raison que je suis ici.

Sénateur Harder, au printemps dernier, vous étiez le parrain du projet de loi S-4, qui était, d’après ce que j’ai compris, identique au projet de loi S-2. Le gouvernement Trudeau avait fait pression pour que le projet de loi soit adopté très rapidement par le Sénat afin que la Chambre des communes ait amplement de temps pour l’adopter avant l’ajournement estival, mais il a prorogé le Parlement et déclenché des élections. Pourtant, malgré le fait que le projet de loi S-4 ait été adopté par le Sénat des semaines avant l’ajournement de la Chambre des communes, le gouvernement Trudeau ne l’a pas mis aux voix. En fait, il n’a même pas présenté cette mesure législative soi-disant prioritaire à l’étape de la première lecture et elle n’a fait l’objet d’aucun débat à la Chambre des communes. Sénateur Harder, pourquoi? Comment les sénateurs peuvent-ils avoir l’assurance que le nouveau projet de loi S-2 ne sera pas encore une fois ignoré par le gouvernement Trudeau à la Chambre des communes après avoir tenté d’en précipiter l’adoption au Sénat?

Le sénateur Harder [ - ]

Vous posez une question très pertinente et je chercherai à bien y répondre. J’ai été déçu — tout comme l’ont sûrement été la majorité des sénateurs, du moins je l’espère — que l’autre endroit n’étudie pas cette mesure législative. L’autre endroit en a été saisi en mai, c’est vrai, mais nous avons vu d’autres projets de loi qui ont été étudiés dans des délais similaires. La mission n’était donc pas irréaliste. Toutefois, comme vous le savez également, dans le contexte minoritaire à l’autre endroit, des discussions avaient lieu entre les leaders, et tous les partenaires nécessaires à l’adoption de la mesure législative n’étaient pas disposés à faire progresser son étude d’une façon qui lui permettrait d’obtenir la sanction royale. C’est dommage, mais c’est la politique et la réalité dans laquelle nous vivons.

La bonne nouvelle, c’est que le même projet de loi est présenté à nouveau dans le mois suivant les élections pour montrer à l’autre endroit, je l’espère, non seulement la volonté du Sénat d’adopter cette mesure, mais également l’engagement du gouvernement du Canada à y arriver.

La sénatrice Batters [ - ]

Sénateur Harder, le gouvernement Trudeau a présenté ce nouveau projet de loi S-2 comme une réplique identique du projet de loi S-4. Le gouvernement a eu plusieurs mois pour réévaluer ce projet de loi et apporter les modifications nécessaires. Je constate que certains termes qui n’ont pas de définition dans la Loi sur le Parlement du Canada et n’ont jamais été définis en 150 ans d’histoire, des termes comme « agent de liaison » et « facilitateur », qui sont des postes qui seraient financés par les contribuables en vertu de ce projet de loi, ne sont toujours pas définis dans le projet de loi S-2. Pourquoi le gouvernement Trudeau n’a-t-il pas effectué un second examen objectif et fourni une définition pour ces nouveaux termes dans ce projet de loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada?

Le sénateur Harder [ - ]

Il me semble que vous aviez posé la même question lors de mon discours sur le projet de loi S-4. Lorsqu’il a rédigé ce projet de loi, le gouvernement du Canada n’a pas omis ces définitions, mais il a volontairement laissé la responsabilité de définir ces termes au Sénat lui-même dans le respect de ses pratiques. N’oubliez pas que ce projet de loi est permissif. Il n’exclut pas dans le futur de revenir à l’ancienne nomenclature. Il ajoute à la nomenclature dont nous disposons déjà, tout simplement.

Le sénateur Harder accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Harder [ - ]

Volontiers.

Je vous remercie. J’ai été frappée par ce que vous avez dit lorsque vous avez évoqué le traitement égal. En tant que nouvelle sénatrice indépendante non affiliée, je me demande si vous pourriez me rassurer sur les conséquences de ce projet de loi pour les sénateurs indépendants non affiliés.

Le sénateur Harder [ - ]

La Loi sur le Parlement du Canada ne fournit aucun cadre qui guiderait la façon de traiter les sénateurs non affiliés ni, en fait, les députés indépendants. Il revient donc à chaque Chambre de préciser ces éléments dans le cadre de ses pratiques normales, par exemple pour la formation des comités. Le projet de loi vise à fournir un cadre pour les partis, les groupes, les caucus et les responsabilités organisationnelles de chaque Chambre. C’est aussi l’occasion de moderniser le Sénat en tenant compte de l’expérience des quelque six dernières années.

Pouvez-vous me garantir que ce projet de loi ne diluera aucunement l’égalité de traitement dont bénéficient les sénateurs non affiliés?

Le sénateur Harder [ - ]

Sénatrice, je ne vois rien dans le projet de loi qui changerait ce traitement égal, donc je peux vous le garantir. Comme cet enjeu n’est pas traité dans le projet de loi, le cadre établissant la façon de traiter les sénateurs non affiliés restera le même.

L’honorable Donna Dasko [ - ]

Sénateur Harder, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Harder [ - ]

Volontiers.

La sénatrice Dasko [ - ]

Ma question fait suite à celle de la sénatrice Batters. Je vous remercie pour votre exposé. Je trouve encourageant d’entendre que le gouvernement place ce dossier dans le haut de sa liste. J’aimerais revenir un peu sur ce qui se passe à l’autre endroit. Vous avez laissé entendre tout à l’heure que le projet de loi n’aurait pas été accueilli avec enthousiasme par certains partis à l’autre endroit. Je me demande si la donne a changé. Le gouvernement a-t-il un partenaire avec qui danser, si je peux m’exprimer ainsi? Pouvez-vous nous éclairer davantage quant à ce qui se passe au juste à l’autre endroit? Y a-t-il lieu d’être optimiste et d’espérer que les choses aboutiront très bientôt? Merci.

Le sénateur Harder [ - ]

Madame la sénatrice, le gouvernement ne procéderait pas à ce moment-ci avec autant d’empressement si ses réflexions et ses discussions ne l’avaient pas convaincu que l’occasion est propice pour faire adopter le projet de loi. Je crois qu’il serait insensé de ma part de prétendre qu’il y a... disons des engagements auxquels je peux faire référence. Réunissons-nous en comité plénier, invitons le ministre pour qu’il nous dise comment le gouvernement compte aller de l’avant. J’espère que le projet de loi sera renvoyé à la Chambre avant Noël, parce que cela ajoute à l’ampleur des attentes concernant l’adoption et que la législature est encore jeune. Ce n’est donc pas comme si le programme législatif du gouvernement pouvait empêcher les discussions auxquelles on pourrait s’attendre normalement de la part d’un gouvernement minoritaire sur la manière de faire avancer et adopter un projet de loi.

L’honorable Patricia Bovey [ - ]

Propose que le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste visuel officiel du Parlement), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je parle depuis le territoire non cédé du peuple algonquin et, en tant que Manitobaine, je vis sur le territoire du Traité no 1, qui n’a pas encore été respecté, soit les terres traditionnelles des Anishinabes, des Cris, des Oji-Cris, des Dénés et des Dakotas et le berceau de la nation métisse.

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste visuel officiel du Parlement). C’est la quatrième version de ce projet de loi, présenté pour la première fois en mai 2016 par notre ancien collègue le sénateur Wilfred Moore. Adopté à l’unanimité par le Sénat à deux reprises, le projet de loi est malheureusement mort au Feuilleton deux fois à l’autre endroit, même s’il bénéficiait de l’appui de tous les partis avant la dissolution du Parlement en juin 2021.

Ce serait formidable de pouvoir faire adopter cette mesure législative par les deux Chambres avant que je prenne ma retraite du Sénat dans 18 mois. Le projet de loi S-202 créerait le poste d’artiste visuel officiel du Parlement, dont les fonctions seraient semblables à celles du poète officiel du Parlement. Les deux titulaires assumeraient des rôles complémentaires, mais dans des disciplines différentes. À l’instar du poète officiel, l’artiste visuel officiel serait un membre du personnel de la Bibliothèque du Parlement, ce qui lui permettrait d’être indépendant du Parlement, comme le directeur parlementaire du budget.

S’il est adopté, le projet de loi prévoit que les Présidents de la Chambre des communes et du Sénat choisissent l’artiste visuel officiel du Parlement à partir d’une liste de trois noms reflétant la diversité du Canada, qui est fournie par un comité présidé par le bibliothécaire parlementaire. Le comité serait composé du bibliothécaire et archiviste du Canada, du commissaire aux langues officielles du Canada, du président du Conseil des Arts du Canada, du directeur du Musée des beaux-arts du Canada et du président de l’Académie royale des arts du Canada, ou de leurs représentants.

L’artiste lauréat servirait les Présidents des deux Chambres pour un mandat maximal de deux ans. Comme je l’ai déjà mentionné, son mandat serait de promouvoir les arts au Canada en produisant ou en faisant produire des créations artistiques. À la demande de l’un ou l’autre des Présidents, il ou elle pourrait créer des œuvres artistiques pour le Parlement ou pour des cérémonies officielles. L’artiste lauréat pourrait également parrainer des événements artistiques et conseiller le bibliothécaire parlementaire sur la collection de la Bibliothèque du Parlement et sur les acquisitions propres à enrichir le fonds culturel de la bibliothèque. L’un ou l’autre des conférenciers pourrait également demander à l’artiste lauréat d’accomplir d’autres tâches connexes.

Comme je l’ai déjà dit dans cette Chambre, un artiste visuel lauréat montrera certainement la diversité du Canada, peu importe le médium visuel utilisé — peinture, impression, sculpture, dessin, vidéo, film, installation, photographie ou autre. N’importe quel artiste nommé au poste d’artiste visuel lauréat considérerait que c’est un honneur de servir d’ambassadeur des arts et de créateur d’œuvres liées à la Colline du Parlement. En effet, le mot « lauréat » lui-même désigne l’honneur de la distinction dans un domaine particulier.

Ce portrait de notre diversité et de notre besoin de se comprendre les uns les autres, que ce soit au niveau fédéral, provincial, territorial ou culturel, est primordial, surtout à l’heure actuelle, alors que nous progressons en tant que pays. Depuis toujours, les artistes représentent ou abordent des questions contemporaines dans leurs œuvres et attirent l’attention sur des préoccupations essentielles. Par exemple, il est évident que notre compréhension les uns des autres jouera un rôle clé dans la réconciliation, laquelle doit passer par la compréhension culturelle.

Par exemple, l’installation de 1990 de l’artiste albertaine Joane Cardinal-Schubert, The Lesson, était un appel clairvoyant et claironnant à comprendre la réparation lancé avant même l’établissement de la Commission de vérité et réconciliation. L’œuvre de 1985 de Faye Heavyshield, Sisters, qui a vu le jour bien avant l’établissement de l’enquête nationale, a attiré l’attention sur la nécessité, pour les sœurs, de s’appuyer les unes les autres, une déclaration universelle très émouvante concernant la tragédie des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées. Depuis des années, les tableaux de Jane Ash Poitras présentent son point de vue émouvant à l’égard des tombes anonymes des pensionnats autochtones, tandis que Robert Houle décrit les nombreux problèmes liés à la colonisation dans nos traités collectifs. N’est-il pas temps que le travail de nos deux Chambres fasse partie de ce dialogue visuel? J’éprouve le même sentiment à l’égard des préoccupations concernant l’environnement et les changements climatiques que des artistes tels que Don Proch font valoir dans leurs œuvres depuis des décennies.

Nous avons tous entendu la déclaration émouvante de la sénatrice Ataullahjan la semaine dernière dressant le portrait de la situation en Afghanistan. Elle a mentionné l’histoire d’un ustad qui a enterré son rebab, un geste symbolique d’expression culturelle du peuple afghan. Elle a dit :

Pour moi, enterrer un rebab est un geste significatif. La musique de cet instrument touche le cœur de tous les habitants de cette région. Pour moi, c’est comme enterrer le cœur et l’âme de l’Afghanistan.

Je le répète ici parce que la culture est au cœur de notre identité. Sans les arts, nos voix ne peuvent pas être entendues avec tout ce qu’elles ont d’unique. Je crois que ces expressions artistiques visuelles devraient faire connaître notre travail et nos messages parlementaires.

Chers collègues, je pourrais multiplier les exemples qui montrent que le Canada compte beaucoup d’excellents artistes qui représentent les enjeux de la société selon différents points de vue, mais je ne le ferai pas. Nous avons pu constater dans la Chambre du Sénat elle-même — notamment grâce aux petites installations consacrées à des œuvres autochtones, à la nouvelle présentation d’art inuit et aux deux initiatives rendant hommage aux artistes noirs du Canada — que l’expression visuelle change les choses et ouvre la voie à une nouvelle compréhension. Je crois que notre travail et le leur seraient renforcés par le travail et la présence d’un artiste visuel officiel du Parlement, comme dans le cas du poète officiel du Parlement.

Dans des discours précédents, j’ai mis en lumière la valeur que le secteur culturel apporte à l’économie canadienne. Il existe des statistiques économiques convaincantes produites par les industries culturelles du pays. Par ailleurs, Statistique Canada publie le Compte satellite canadien de la culture, qui nous apprend, par exemple, qu’en 2017 la contribution au PIB des industries culturelles s’élevait à 58,9 milliards de dollars, soit 1 611 dollars par habitant, ce qui représente 2,8 % du PIB du pays.

Selon le rapport le plus récent publié par Statistique Canada et Hill Stratégies, la contribution au PIB des produits culturels a augmenté de 16 % entre 2010 et 2017. Pendant la même période, le nombre d’emplois liés aux produits culturels a augmenté de 7 %. En 2017, on comptait 715 400 emplois liés directement aux industries culturelles au Canada, soit 3,8 % des emplois au pays.

Bien sûr, la pandémie a porté un dur coup à notre économie et à notre secteur des arts et de la culture; le gouvernement fédéral l’a reconnu. Le dernier budget prévoit du financement pour ce secteur, car il sera l’un des derniers à se remettre des effets de la pandémie.

Selon une recherche de Hill Stratégies, la valeur totale des biens et des services dans le secteur culturel a diminué de 10 % entre 2019 et 2020, et 55 % des organismes et des entreprises du secteur des arts, des spectacles et des loisirs ont connu une baisse de revenu d’au moins 30 % pendant la même période. Huit pour cent des organismes ont tout simplement mis la clé sous la porte depuis 2019. En 2020, les 594 000 salariés et travailleurs indépendants du secteur culturel n’avaient jamais été aussi peu nombreux depuis 2010. Les arts de la scène et les festivals ont été les plus durement touchés, avec une chute des ventes de 52 % et une perte d’emplois de 36 % entre 2019 et 2020.

Comme je l’ai indiqué dans un débat lors de la législature précédente, pendant la pandémie, j’ai discuté avec plus de 600 artistes, qui m’ont dit que l’adoption de ce projet de loi serait importante même s’il prévoit de ne nommer qu’un seul artiste visuel officiel tous les deux ans. Ce serait une expression de soutien moral qui serait bien accueillie par les artistes canadiens en cette période difficile. Les artistes d’autres disciplines — les musiciens, les écrivains, les acteurs — m’ont aussi fait part de ces sentiments lors de rencontres et de conversations. Je peux vous assurer que le soutien parlementaire pour cette mesure serait extrêmement bien reçu.

Chers collègues, les arts sont une langue universelle que nous parlons tous. Les arts brisent les barrières et nous aident à nous comprendre. J’aime croire que, en repensant à l’histoire de notre nation, nous nous souvenons des nombreux grands artistes qui ont représenté le Canada au moyen de multiples médias visuels et de la riche tapisserie des nombreux peuples et cultures qui habitent cet endroit.

Notre histoire est et a été racontée par de nombreux artistes visuels qui voient cette terre à travers une myriade de points de vue et de lentilles. Chacun contribue à la vision du Canada. Il en est de même pour notre artiste visuel lauréat.

C’est sur cette pensée que je vous remercie tous d’appuyer le secteur canadien des arts et de la culture et que je vous demande à nouveau d’adopter cette mesure législative, idéalement d’ici à ce que je quitte le Sénat. J’espère que nous pourrons contribuer à relancer le secteur des arts de ce pays en renvoyant rapidement ce projet de loi à l’autre endroit, compte tenu du fait que nous l’avons déjà adopté deux fois à l’unanimité et qu’il était sur le point d’être adopté à l’autre endroit au moment du déclenchement des élections. Merci.

Son Honneur le Président [ - ]

Sénateur Cormier, avez-vous une question?

L’honorable René Cormier [ - ]

Honorables sénateurs, je remercie la sénatrice de sa détermination, de sa patience et de son engagement à l’égard de cette importante mesure législative pour les artistes au Canada.

Je vous suis reconnaissant de tout le travail que vous faites pour les arts et la culture au Canada. Votre dévouement nous inspire tous. Simplement pour plus de certitude, j’aimerais vous poser une question au sujet de la définition du terme « vidéographie ». Comprend-elle l’ensemble des technologies numériques? Vous savez comment les jeunes créateurs d’aujourd’hui utilisent les technologies numériques de différentes façons. Je voulais être certain que lorsque vous parlez de vidéographie, ces technologies sont incluses. Merci.

La sénatrice Bovey [ - ]

Je vous remercie de votre question, sénateur Cormier. Effectivement, elles sont incluses. Comme nous ne savons pas ce que les artistes en art médiatique utiliseront dans les années à venir, j’ai indiqué « peu importe le médium visuel utilisé ». Mais cette mesure porte sur l’expression visuelle de ce qui est réalisé sur la Colline du Parlement, au Sénat ou à la Chambre des communes. Comme vous le dites, je crois que c’est vraiment important. Il s’agit d’accueillir parmi nous le représentant d’un domaine de création qui parle vraiment un langage international. Je crois que cette mesure rehausserait l’image du travail que font les parlementaires. C’est le son de cloche que j’entends de la part des députés, de mes collègues du Sénat et des artistes, et c’est pourquoi j’étais tellement emballée d’entendre tant d’artistes dire que cette modeste mesure sera bien reçue et vraiment appréciée de tous.

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