Recours au Règlement
Report de la décision de la présidence
17 septembre 2024
Honorables sénateurs, j’invoque moi aussi le Règlement aujourd’hui, et je vais présenter quelques faits. Le recours au Règlement porte sur des événements ayant eu lieu durant la pause estivale. Permettez-moi de résumer ce qui s’est passé, Votre Honneur.
Cet été, j’ai été contacté par le Hill Times, qui m’a demandé de rédiger un article d’opinion sur le « nouveau Sénat de Trudeau ». On a fait appel à moi en tant que leader de l’opposition au Sénat et leader des conservateurs.
Le 21 août 2024, le Hill Times a publié mon article d’opinion sous le titre Trudeau’s experimental Senate changes are turning out to be a dud, ou les changements expérimentaux apportés par Trudeau au Sénat s’avèrent être un échec.
Le 26 août, Alison Korn, conseillère en relation avec les médias et gestion des enjeux pour le Sénat, a envoyé une note de service à 32 personnes, dans laquelle elle disait ceci :
Pour votre information, je signale qu’une modification a été apportée à un article d’opinion paru dans le Hill Times qui comparait de manière incorrecte les dépenses réelles et les budgets.
Le courriel contenait un lien vers mon article d’opinion. À aucun moment avant de contacter le Hill Times, Mme Korn ne m’a contacté ou n’a contacté mon bureau pour discuter du contenu de l’article. Elle a communiqué avec le Hill Times sans mon autorisation et à mon insu. Elle l’a fait secrètement, dans mon dos.
Quand elle a appris que ma lettre d’opinion avait été modifiée, Karine Leroux, la directrice des communications de mon bureau, a communiqué avec le Hill Times pour demander la raison de la modification du texte sans l’approbation de l’auteur. Les représentants du Hill Times ont répondu qu’ils croyaient que Mme Korn avait discuté des changements avec moi et ils ont supposé qu’elle agissait en mon nom.
Quand ils ont compris qu’on les avait trompés pour qu’ils apportent le changement, les gens du Hill Times m’ont transmis leurs excuses et publié de nouveau le texte d’origine sur le site Web. Quand on lui a demandé pourquoi elle avait fait changer le texte de ma lettre d’opinion, Mme Korn a répondu que c’était la présidente du Comité de la régie interne, la sénatrice Moncion, qui lui avait donné ordre de communiquer avec le Hill Times.
Ni la sénatrice Moncion ni son personnel n’ont communiqué avec moi ou avec mon bureau avant d’ordonner à Mme Korn de faire changer en secret la lettre d’opinion. La sénatrice Moncion n’a même pas demandé à Mme Korn de communiquer avec moi avant de demander la modification.
À titre de conseillère en relation avec les médias et gestion des enjeux au Sénat, Mme Korn relève officiellement de la dirigeante principale des services corporatifs et greffière du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. Pour l’instant, je ne peux pas dire si Mme Pascale Legault a joué un rôle dans la décision de demander à mon insu que la lettre d’opinion soit modifiée. Il semble que Mme Korn ait reçu ses ordres directement de la sénatrice Moncion.
En sa qualité de conseillère en relation avec les médias et gestion des enjeux pour le Sénat, Alison Korn envoie souvent des courriels à un petit groupe de personnes concernant des corrections apportées à des articles de presse. En fait, mon bureau a été en mesure de trouver 75 de ces courriels envoyés depuis 2017. Avant cette situation particulière, l’objet de ces courriels était toujours « MEDIA CORRECTION ». Le courriel qui portait sur la modification de ma lettre d’opinion est le seul parmi ceux que nous avons trouvés dont l’objet était « MEDIA EDIT ». La modification de l’objet est le signe que Mme Korn voulait faire une distinction entre cette situation unique et ce qu’elle fait habituellement. Elle montre qu’il y a eu un changement dans la façon de faire et prouve que la lettre d’opinion a été modifiée intentionnellement et délibérément.
Quelle modification Mme Korn a-t-elle apportée?
Dans ma lettre d’opinion, j’ai écrit que les dépenses du Sénat s’élevaient à 85,4 millions de dollars en 2014-2015. Elle a ordonné que le texte soit modifié afin d’indiquer que le budget du Sénat dans le Budget principal des dépenses était de 91,5 millions de dollars en 2014-2015. Les deux chiffres sont exacts, Votre Honneur. Ce que Mme Korn et la sénatrice Moncion n’aimaient pas, c’est que j’ai utilisé le chiffre le plus bas pour l’exercice 2014-2015, soit les dépenses réelles. Elles n’ont pas corrigé une erreur que j’ai commise. Elles ont voulu changer le sens du texte, essayant de minimiser l’augmentation des dépenses du Sénat depuis l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau.
Votre Honneur et chers collègues, c’est scandaleux. Il y a maintenant une police des communications du Sénat qui non seulement vérifiera ce que les sénateurs disent ou écrivent à l’extérieur de l’enceinte, mais qui, en secret, changera la façon dont vous présentez vos idées. Cette situation mène vers une pente dangereusement glissante.
Imaginez, Votre Honneur, si, dans quelques années, un conservateur était président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, et que ce président ordonnait au conseiller en relations avec les médias et en gestion des enjeux de réécrire la lettre d’opinion de la sénatrice Boniface, dans laquelle elle disait que Justin Trudeau était un bon premier ministre. Le président conservateur du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration pourrait facilement soutenir que c’est inexact; j’aurais des arguments en ce sens. Je ne pense pas que la sénatrice Moncion serait très heureuse de cette correction.
Personne au Sénat ne devrait voir ses lettres d’opinion modifiées, et personne ne devrait avoir à vivre ce que j’ai vécu ici.
Même si j’avais utilisé des chiffres inexacts, la sénatrice Moncion et Mme Korn n’avaient absolument pas d’affaire à changer le texte de ma lettre d’opinion à mon insu. Je le répète, la bonne façon de procéder aurait été de communiquer avec moi pour me demander d’apporter la modification ou encore de rédiger une réplique et de la faire publier dans le Hill Times.
Avant de poursuivre, j’aimerais expliquer ce qu’est une lettre d’opinion. Il ne s’agit pas d’un article d’actualité. Il s’agit d’une lettre dans laquelle l’auteur exprime son opinion. D’ailleurs, les journaux et les médias d’information effectuent une nette distinction entre les articles d’actualité et les lettres d’opinion, en plus de préciser le nom de l’auteur. Une lettre d’opinion est une brève chronique de journal dans laquelle l’auteur expose son opinion. Elle représente le point de vue de cette personne, ses valeurs, son expertise, ses croyances politiques, etc. Les lettres d’opinion donnent l’occasion à l’auteur d’expliquer des nuances, sa vision et son avis. Enfin, les journaux et les médias d’information offrent habituellement à d’autres auteurs l’occasion de fournir une réponse et une perspective différente par rapport à une lettre d’opinion publiée, ce qui favorise la tenue d’un dialogue public.
Ainsi, sur les ordres de la sénatrice Moncion, Mme Korn a modifié le texte, l’opinion personnelle que j’avais soumis à titre individuel, en tant que sénateur et chef de l’opposition, et non à titre de représentant du Sénat ou du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.
Comme tous les Canadiens, je bénéficie des droits et des libertés reconnus par la Charte canadienne des droits et libertés, et plus particulièrement des libertés inscrites au paragraphe 2b) : « liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication [...] »
Les gestes posés par Mme Korn et la sénatrice Moncion équivalent ni plus ni moins à de la censure. Elles n’ont pas aimé ou approuvé mes propos et, grâce à un subterfuge, elles sont parvenues à modifier mon texte. Il est clair qu’elles ont sciemment porté atteinte à mes droits et libertés.
Dans un document commandé par la Commission sur l’état d’urgence, le professeur Richard Moon, de l’Université de Windsor, a résumé en ces mots ce qu’est la liberté d’expression :
Pour protéger la liberté d’expression, les personnes doivent être libres de s’exprimer et d’écouter les autres, sans ingérence de l’État. Selon certains, il faut répondre à un discours de propagande ou de diffamation, non pas par la censure, mais par davantage de discours.
Les tribunaux ont rendu plusieurs décisions sur la liberté d’expression. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais j’aimerais utiliser le document du professeur Moon pour m’attarder sur certaines décisions de la Cour suprême.
La Cour suprême a déclaré que la liberté d’expression est protégée « [...] sans égard aux sens ou message particulier que l’on cherche à transmettre ». Elle a aussi déclaré ceci :
[...] dans une société libre, pluraliste et démocratique, nous attachons une grande valeur à la diversité des idées et des opinions qui est intrinsèquement salutaire tant pour la collectivité que pour l’individu [...]
Enfin, il y a ce qui suit :
La Cour a [...] déclaré qu’elle n’exclurait pas un acte d’expression de la portée de la garantie de la liberté d’expression simplement parce que l’acte est considéré comme étant sans valeur [...]
À mon avis, le Sénat, le Comité sénatorial de la régie interne, des budgets et de l’administration et l’Administration du Sénat n’ont pas le pouvoir de restreindre les droits d’un Canadien ou d’un sénateur en vertu de la Charte.
Bien qu’on puisse dire que le Sénat peut effectivement restreindre les droits et les libertés des citoyens canadiens, y compris ceux d’un sénateur, il est clair pour moi que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, sa présidente, un sénateur individuel ou un employé du Sénat ne peut pas le faire de son propre chef au mépris de la loi et du Règlement du Sénat.
Permettez-moi à nouveau de citer le professeur Moon :
Pour être prescrite par une règle de droit, la restriction doit prendre la forme de mesure législative, comme une loi, un règlement ou une politique exécutoire, et elle ne doit pas être vague, bien qu’il suffise que la règle restrictive énonce « une norme intelligible » pour établir si une conduite est visée par l’interdiction [...]
Il n’y a ni loi, ni règlement, ni règle qui permette au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, à un sénateur ou à un employé du Sénat de restreindre la liberté d’expression d’un sénateur. L’article 12-7 du Règlement du Sénat et l’article 19 de la Loi sur le Parlement du Canada — deux articles qui définissent les pouvoirs du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration — ne contiennent rien qui permettrait de censurer ce qu’un sénateur peut dire à l’extérieur du Sénat.
Par conséquent, les gestes posés par Mme Korn et la sénatrice Moncion allaient clairement au-delà de leurs pouvoirs.
Les sénateurs conviendront, je crois, que lorsqu’un sénateur souhaite corriger ce qu’un autre sénateur dit dans une lettre d’opinion, la façon normale de procéder consiste soit à communiquer avec l’auteur pour lui signaler l’erreur en question, soit à écrire une réplique à la lettre d’opinion. La sénatrice Moncion avait tout à fait le droit de ne pas être d’accord avec moi. Elle avait tout à fait le droit de penser que les faits que j’avais présentés étaient erronés, même s’ils étaient en fait exacts. Mais elle n’avait pas le droit d’ordonner à Mme Korn, à mon insu, de demander au Hill Times de modifier mon texte, et Mme Korn n’avait pas le droit de laisser le Hill Times croire qu’elle avait le pouvoir de changer mon texte ni qu’elle agissait ainsi au nom du Sénat.
À titre de présidente du comité — surtout qu’il s’agit du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration, qui revêt une grande importance pour nous tous —, la sénatrice Moncion devrait agir de manière professionnelle, juste et équitable.
En tant que membre de l’Administration du Sénat, Mme Korn devrait aussi agir avec professionnalisme et toujours de façon non partisane. En agissant comme elles l’ont fait, non seulement la sénatrice Moncion et Mme Korn ont outrepassé leurs pouvoirs selon nos règles, mais elles ont aussi manqué à leur obligation d’agir de façon professionnelle et juste. Elles ont manqué à leurs obligations à mon égard et envers le Sénat.
J’aimerais citer la décision que le président Furey a rendue le 13 juin 2019 :
Nous avons le grand privilège d’être membres de la Chambre haute du Parlement du Canada. Ce grand privilège impose une grande responsabilité. Ensemble, nous nous employons tous à servir les intérêts de notre pays. Nous pouvons certainement être en désaccord les uns avec les autres. En fait, l’échange d’idées divergentes est essentiel à la santé de notre régime parlementaire. Nous devons toutefois toujours faire preuve de courtoisie et de respect les uns envers les autres et valoriser le vaste éventail d’expériences et les différents points de vue que nous apportons au Parlement. Nous sommes tous responsables d’assurer le bon fonctionnement de cette institution, et nous devons éviter de la discréditer ou de nous discréditer les uns les autres.
Il est évident qu’en ordonnant à Mme Korn de changer ma lettre d’opinion à mon insu, la sénatrice Moncion a voulu me discréditer. Je dois dire que je ne peux m’imaginer comment une sénatrice peut croire qu’elle a le pouvoir d’ordonner tout simplement la réécriture d’une lettre rédigée par un autre sénateur, à moins, évidemment, qu’elle ait la dangereuse impression d’être supérieure aux autres, de détenir la vérité et que toute opinion dissidente doit être non pas débattue, mais supprimée.
Le comportement de la sénatrice Moncion et de Mme Korn s’inscrit dans la tendance générale du gouvernement libéral de ne reculer devant rien pour réduire au silence les dissidents et l’opposition. Cet événement est survenu quelques semaines seulement après que les sénateurs nommés par M. Trudeau ont adopté, dans le cadre d’une motion d’attribution de temps, une série de changements au Règlement dans le but de réduire les pouvoirs de l’opposition conservatrice. Évidemment, la sénatrice Moncion s’est rangée du côté du gouvernement Trudeau et a voté en faveur d’une réduction des pouvoirs de l’opposition.
La sénatrice Moncion est une ardente défenseure du gouvernement libéral qui a adopté le projet de loi C-11, une mesure législative qui accorde à deux organismes gouvernementaux la capacité de réglementer le contenu généré par les utilisateurs. Elle a voté en faveur de ce projet de loi. Le gouvernement libéral a présenté le projet de loi C-63, un autre projet de loi qui vise à donner au gouvernement le pouvoir de contrôler ce qui se dit sur Internet. Je suis convaincu que, si le projet de loi arrive au Sénat, la sénatrice Moncion l’appuiera.
Lors de leur dernier congrès national, les libéraux ont voté pour la mise en œuvre d’une politique faisant en sorte que les nouvelles en ligne proviennent seulement de sources vérifiables par le gouvernement. C’est une preuve de plus de cette tendance du gouvernement libéral à voir seulement sa vision de l’histoire dans les tribunes publiques. Or, les médias ont découvert de nombreuses demandes que le gouvernement libéral a envoyées aux entreprises de médias sociaux pour supprimer des commentaires peu favorables à son image. Il semblerait que ce que la sénatrice Moncion et Mme Korn ont fait est monnaie courante dans les cabinets ministériels.
Compte tenu de tout cela, il n’est pas étonnant que la sénatrice Moncion ait pensé qu’il était normal de museler un sénateur conservateur. Ces libéraux détiennent la vérité et ne supportent pas qu’on s’oppose à eux.
Dans un sondage Léger réalisé au printemps, on a questionné les Canadiens sur l’état actuel de la liberté d’expression au pays. Il est choquant de constater que 57 % des personnes interrogées estimaient que la liberté d’expression au Canada est quelque peu ou gravement menacée. Elles ont de bonnes raisons de penser cela. Ce qui m’est arrivé cet été le prouve.
En conclusion, Votre Honneur, je pense que vous constaterez que les actions de la sénatrice Moncion et de Mme Korn ont clairement violé les droits et libertés qui me sont garantis par la Charte en tant que Canadien. Vous constaterez également que ces gestes sortent du cadre de la charge de la sénatrice Moncion et de Mme Korn à titre de présidente du Comité de la régie interne et de membre de l’Administration du Sénat, respectivement.
Enfin, je pense que vous constaterez que la sénatrice Moncion a mal agi envers un collègue en ne respectant pas les usages habituels nécessaires au bon fonctionnement du Sénat. Certaines personnes, y compris des sénateurs, se demandent peut-être pourquoi je n’ai pas plutôt soulevé une question de privilège, étant donné que mes droits ont été clairement bafoués. Votre Honneur, le privilège parlementaire est défini de manière très étroite, et la liberté d’expression d’un sénateur n’est un privilège que dans le cadre des débats dans l’enceinte du Sénat.
Il y a quelques mois, quand une question de privilège a été soulevée, j’ai avancé l’argument selon lequel le privilège devait être défini avec précision. Cependant, Votre Honneur, vous avez décidé en décembre dernier d’aller au-delà de la jurisprudence et d’élargir la portée du privilège parlementaire. Vous avez fait valoir que le Sénat évolue et qu’il n’est plus la même institution qu’il y a quelques années.
La composition et la culture du Sénat ont changé, comme vous l’avez signalé avec justesse, alors vous voudrez peut-être utiliser le même argument dans le cas présent et décider que ce qu’ont fait la sénatrice Moncion et Mme Korn constituait bel et bien une atteinte au privilège. Je serais heureux de soulever la question en présentant une motion de fond, après préavis, comme le prévoit l’article 13-2 du Règlement.
Votre Honneur, vous conclurez également peut-être que les actions de la sénatrice Moncion et de Mme Korn étaient si graves qu’elles constituent un outrage au Sénat. Nous pourrons alors débattre des étapes suivantes.
Enfin, j’invite tous les sénateurs à réfléchir à ce qu’ils ressentiraient si la même chose leur arrivait un jour. Comme je l’ai dit, la présidence du Comité de la régie interne sera un jour assurée par un conservateur. La présidence du Sénat sera assurée par un conservateur d’ici environ un an. Voulez-vous voir la Présidente du Sénat rendre une décision stipulant que le Président du Sénat ou le président du Comité de la régie interne a le pouvoir de modifier votre lettre d’opinion parce qu’il n’aime pas la façon dont vous présentez les faits? Le Sénat du Canada doit-il s’engager dans cette voie dangereuse et irréversible? Est-ce là le nouveau Sénat que vous souhaitez?
Je vous remercie de votre attention.
Je vois deux sénatrices se lever. La sénatrice Batters s’est levée en premier. Je donnerai ensuite la parole à la sénatrice Moncion.
Merci, Votre Honneur.
Votre Honneur, j’ai été la vice-présidente du Comité de la régie interne du Sénat pendant environ deux ans et demi, à savoir de l’automne 2017 au printemps 2020. J’ai donc été profondément alarmée quand le sénateur Plett a invoqué le Règlement aujourd’hui pour parler du fait que la présidente de ce comité, la sénatrice Moncion, avait chargé Mme Korn de communiquer avec le Hill Times pour apporter cette correction médiatique.
Ce n’est pas la présidence qui devrait prendre une telle initiative. C’est le rôle du comité directeur du Comité de la régie interne, généralement composé de quatre membres — la présidence, la vice-présidence et les autres membres — de donner ces instructions, pas seulement de la personne présidant le comité. Cette dernière n’a pas l’autorité royale de donner ce type d’instructions.
Lorsque j’étais vice-présidente du Comité de la régie interne, Mme Alison Korn occupait la même fonction qu’actuellement au sein de ce comité et envoyait régulièrement des courriels au sujet des demandes des médias et des commentaires aux sénateurs siégeant au comité directeur du Comité de la régie interne. En tant que vice-présidente, je prenais ce rôle au sérieux. J’examinais avec diligence les courriels, et je demandais des modifications aux commentaires au besoin ou j’approuvais ces derniers si des modifications n’étaient pas nécessaires. C’est ainsi que Mme Korn a procédé pendant des années lorsque j’étais vice-présidente.
J’ignore pourquoi la présidente actuelle, la sénatrice Moncion, a demandé à Mme Korn de contourner le comité directeur du Comité de la régie interne et de réclamer à la place une correction médiatique basée uniquement sur la consigne d’un membre du comité directeur, et non des quatre, sans même demander le consentement du vice-président conservateur du Comité de la régie interne, ni même de l’en informer. Par conséquent, et compte tenu de ce contexte, je soutiens le rappel au Règlement du sénateur Plett dans cette affaire. Merci.
Honorables sénateurs, en tout respect, ce recours au Règlement n’est pas fondé. Pour les fins des délibérations, ma contribution sera axée sur le rôle et le mandat du comité directeur du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration en matière de relations avec les médias, et je vais laisser de côté tous les commentaires qui ont été faits en ce qui concerne mes choix et mes préférences politiques. Je vais donc m’en tenir aux faits.
Il relève du mandat du comité directeur du Comité de la régie interne de fournir des informations factuelles aux médias et, ultimement, aux Canadiennes et Canadiens. Dans une démocratie, il est essentiel de garantir que l’information diffusée sur nos institutions soit véridique, afin d’éviter de contribuer même passivement à la propagation de la mésinformation et de la désinformation qui caractérisent notre paysage médiatique. Le Comité de la régie interne a adopté un processus décisionnel afin d’habiliter le comité directeur à fournir des informations factuelles aux médias en créant le poste de conseillère en matière de relations avec les médias et en gestion des enjeux. Ce processus nous permet d’aviser les médias lorsqu’un article ou un éditorial contient des informations erronées en leur fournissant la bonne information, le cas échéant.
Au cours de l’été, nous avons dû exercer une vigie constante afin de fournir à certains médias des informations factuelles au sujet des finances du Sénat. Une fois qu’un journal détient les informations factuelles, celui-ci est libre de modifier un article, de le retirer ou de le laisser tel quel. Je répète : le journal est libre d’apporter des correctifs. Bien évidemment, le comité directeur du Comité de la régie interne ou la conseillère n’ont pas le pouvoir de contraindre un journal à faire quoi que ce soit. La liberté de presse permet au journal d’apporter ou non des modifications. Notre processus actuel de relations avec les médias remonte à 2015, quand le personnel du président et de la vice-présidente du Sous-comité des communications s’occupait des relations avec les médias et des fonctions de porte-parole au nom du Comité de la régie interne. À l’époque, le sénateur Housakos, président, et la sénatrice Cordy, vice-présidente, étaient à la tête du comité directeur et du Sous-comité des communications.
Le poste de conseillère en relation avec les médias et gestion des enjeux a été créé à la suite du treizième rapport du Comité de la régie interne et du rapport de Blueprint de 2015. Les recommandations et principes donnés dans le rapport de Blueprint concernant ce poste demandent qu’une fonction moderne de gestion des dossiers et de relation avec les médias soit mise en œuvre, qu’un porte-parole soit nommé et que les parlementaires répondent au nom des parlementaires. Ce rôle correspond aux principes du rapport de Blueprint et, ce qui est peut-être le plus important, c’est que les parlementaires répondent au nom des parlementaires.
En 2017, le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration a approuvé la création du poste de conseiller en relation avec les médias et en gestion des enjeux et le poste a été pourvu. La description de poste a été revue et mise à jour en 2021 et la nouvelle version a été approuvée par le comité directeur. Le conseiller en relation avec les médias et en gestion des enjeux est responsable de veiller à ce que les médias reçoivent une réponse précise en temps opportun à toutes les demandes concernant des questions qui relèvent du Comité de la régie interne. Au besoin, cela peut comprendre la communication de corrections à apporter. En ce qui concerne la couverture médiatique des questions qui relèvent du Comité de la régie interne, c’est le comité directeur du Comité de la régie interne qui est en responsable, ce qui correspond au principe voulant que les parlementaires répondent au nom des parlementaires.
Maintenant, au cours de l’été, sénateur, plus d’un article a été publié et plus d’une correction a été envoyée. Vous l’avez mentionné, au cours des dernières années, environ 75 demandes de correction ont été envoyées à des journalistes. Nous avons envoyé des demandes de correction... je ne vous ai pas interrompu et vous ne devriez pas m’interrompre.
Pour vous répondre, sénatrice Batters, l’information et les demandes de correction ont été transmises au comité directeur. Chaque fois qu’une correction a été demandée, le comité directeur avait d’abord donné son approbation.
Je me permets maintenant de profiter de cette occasion pour fournir des informations factuelles au sujet du budget. À l’ère de la désinformation et de la mésinformation, nous devons renforcer notre vigilance et notre discernement face aux informations que nous recevons. À titre de présidente du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration du Sénat, j’estime qu’il est primordial et qu’il est de mon devoir de vous fournir un point de référence fiable et intègre relativement aux questions budgétaires de cette institution. L’information que je vous donne aujourd’hui est donc factuelle et elle a été répertoriée et vérifiée assidûment par la Direction des finances et de l’approvisionnement du Sénat.
D’abord, il importe de comparer les dépenses réelles avec les dépenses réelles ou les budgets avec les budgets. Un budget se distingue des dépenses réelles qui sont connues à la fin de l’exercice seulement. Par conséquent, pour analyser la hausse au fil des ans, on ne peut pas tirer de conclusions en comparant, par exemple, les dépenses d’un exercice et le budget d’un autre. Il ne fait aucun doute que le pourcentage de la hausse serait important parce que nous prévoyons systématiquement un coussin pour permettre une gestion financière prudente.
À l’exercice 2014-2015, les dépenses du Sénat s’élevaient à 85,4 millions de dollars. À l’exercice 2022-2023, elles étaient de 104,9 millions de dollars. Par conséquent, entre 2014-2015 et 2022-2023, les dépenses réelles du Sénat ont augmenté de 22,8 % sur huit ans. Cette hausse suit de près le taux d’inflation de 21 % pendant la même période.
Pour ce qui est de l’exercice 2023-2024, les dépenses réelles seront publiées dans les Comptes publics du Canada cet automne. Je ne manquerai pas de communiquer l’information au Sénat dès que possible.
Pour ce qui est des budgets, la hausse annuelle est de 4,2 % en moyenne pour les 10 dernières années. Le Sénat reste régulièrement en deçà de son budget avec 10 % de sommes excédentaires chaque année, qui sont rendues au fonds central. Le Sénat n’a jamais dépassé son budget.
En 2014-2015, le budget du Sénat s’élevait à 91,5 millions de dollars, et il était de 134,9 millions de dollars pour 2024-2025, ce qui correspond à une hausse globale de 47 % en 10 ans. Encore une fois, je tiens à rappeler à tout le monde que l’on ne peut pas comparer une hausse des dépenses et une augmentation des budgets. Ce serait comparer des pommes et des oranges.
En conclusion, je répète que le recours au Règlement est sans fondement, et j’espère que mes observations vous aideront, Votre Honneur, à vous faire une opinion à ce sujet. Je vous remercie.
Je vous remercie beaucoup, Votre Honneur. Merci, sénateur Plett, d’avoir porté à notre attention des actes qui sont souvent tenus secrets au Sénat. Je suis ici depuis maintenant huit ans et je suis toujours étonnée de la passion que cette enceinte nourrit pour le secret. Je suis vraiment heureuse d’avoir l’occasion de répondre à ce sujet et je suis également reconnaissante à la sénatrice Moncion pour les renseignements qu’elle nous a transmis.
Je vous invite à examiner les points qui ont été soulevés devant vous aujourd’hui à la lumière de la conduite du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration telle qu’elle ressort de plusieurs affaires judiciaires liées au sénateur à la retraite Michael Duffy. Je vous prie également de prêter attention aux observations du juge Vaillancourt dans la décision qui a entièrement disculpé le sénateur Duffy, à la retraite, qui faisait face à 31 chefs d’accusation.
Quand on lit cette décision, on voit très clairement que les préoccupations que le juge a relevées en matière de conduite étaient des préoccupations relatives au Sénat et au Cabinet du premier ministre dans le contexte de la disculpation complète du sénateur Duffy.
Je demanderais qu’une attention particulière soit portée au fait que des tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada, ont rendu des décisions très claires et refusé d’entendre d’autres appels du sénateur Duffy, dont l’argument reposait essentiellement sur ce qu’il percevait comme son droit protégé par la Charte. J’ai lu ces décisions judiciaires, dont je vous prie de tenir compte dans votre réponse, et la triste et choquante vérité, c’est que les sénateurs ne peuvent pas invoquer leurs droits protégés par la Charte en tant que sénateurs en raison de l’autogouvernance du Sénat. Il s’agit d’un circuit fermé dont la validité a été confirmée dans de récentes décisions judiciaires et qui est gouverné par une certaine interprétation du privilège parlementaire qui fait en sorte que le pouvoir du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, au sommet de la classe dirigeante du Sénat, est pratiquement illimité et n’est certainement pas restreint par les droits individuels des sénateurs en vertu de la Charte.
Je vous demanderais, dans votre considération des questions soulevées, de tenir compte de cela et des conditions actuelles auxquelles nous sommes confrontés. Merci beaucoup.
Votre Honneur, je voudrais dire quelques mots pour préciser le contexte. La sénatrice Moncion a parlé du processus qui a été mis en place depuis 2015 pour nos relations avec les médias, mais aussi pour la gestion de certains enjeux. Effectivement, le comité directeur va de temps à autre faire des corrections, mais c’est toujours dans le cas où ce sont des reportages externes qui sont présentés par rapport au Sénat, jamais quand c’est un sénateur lui-même qui s’exprime. Le fait de corriger un sénateur sur ce qu’il affirme, je crois que c’est la première fois que je vois cela depuis que ce processus a été établi. Pour ma part, j’ai suggéré qu’on refasse une procédure. Il y a peut-être un processus qui peut être mis en place; c’est d’ailleurs ce que j’ai suggéré aux gens responsables des communications. Lorsqu’on veut corriger un sénateur, on devrait d’abord lui poser les questions suivantes : « Vous êtes-vous trompé? » « Avez-vous les bons chiffres? »« Est-ce vraiment ce que vous vouliez dire, parce que ce n’est pas cela qui est exprimé? » Si la personne dit : « Oui, c’est ce que je voulais dire et c’est conforme à mon opinion », le Sénat ou les services de communications ne peuvent pas intervenir pour corriger un texte d’opinion ou une lettre d’opinion que présente un sénateur. La façon de faire cela, ce serait que le comité dise par la suite : « Nous émettons également une lettre d’opinion et nous contestons ceci. »
Il est possible qu’il y ait des intérêts opposés — on l’a vu dans des dossiers de suspension et dans le cas de la sénatrice Beyak —, mais cela doit se faire par le biais de communications distinctes, et non en s’introduisant dans la lettre ou l’opinion présentée par un sénateur pour corriger celle-ci. Je pense que la nuance est là. Quand j’ai vu ce qui s’était produit, effectivement, j’ai trouvé que cela atteignait le privilège du sénateur. C’est sérieux. Il y a des façons de faire autrement pour respecter les droits de chacun. Voilà ce que je vous suggère.
Honorables sénateurs, il s’agit d’un recours au Règlement important. Il concerne nos droits, le fonctionnement du Sénat et les principes fondamentaux de la démocratie. Avec tout le respect que je vous dois, sénatrice Moncion, dans votre réfutation du recours au Règlement, vous avez soulevé des questions de fond, mais elles portaient sur des problèmes fondamentaux relatifs au budget et elles visaient à savoir si cette institution a été financièrement responsable au cours des dix dernières années — plus ou moins —, ce qui n’a rien à voir avec le recours au Règlement. Le recours au Règlement concerne l’article d’opinion du sénateur Plett. Vous étiez libre d’intervenir dans le débat, de discuter de l’article et de rédiger une réfutation au nom du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration pour exprimer votre opinion selon laquelle, au cours des dix dernières années, cette institution a été l’incarnation de la responsabilité budgétaire et de la transparence et qu’elle est meilleure aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a dix ans. Vous en avez le droit.
Toutefois, en tant que présidente du Comité permanent de la régie interne, vous n’avez pas le droit — pas plus que personne au Sénat, que ce soit la Présidente, le leader du gouvernement au Sénat ou le leader de l’opposition — de parler au nom des sénateurs et de corriger ce que vous pensez être de la désinformation ou de la mésinformation. Il ne vous appartient pas de prendre cette décision. Il vous appartient plutôt d’opposer une réfutation dans le cadre d’un débat, rien de plus, rien de moins.
Sur ce recours au Règlement, il est important pour moi de souligner que, lors de l’examen du plan directeur du service des communications du Sénat, nous étions peu nombreux. Il se trouve que j’étais le président du comité qui a mené cet examen, en compagnie du sénateur Dawson et, je crois, du sénateur Wells et d’un petit nombre d’entre nous qui sont toujours sénateurs.
Permettez-moi de clarifier les faits. Notre objectif à l’époque était de faire en sorte que l’administration, les ressources humaines et la communication cessent de parler en votre nom à tous. Nous sommes un organe parlementaire indépendant. Le Comité de la régie interne n’est pas le patron administratif de cette institution; c’est chacun d’entre nous qui l’est. En définitive, nous sommes responsables de notre propre comportement et de l’administration de cette institution. Nous nommons le président, le comité directeur et les membres du Comité de la régie interne pour assurer le fonctionnement quotidien et mensuel du Sénat, mais c’est à nous qu’ils doivent rendre des comptes au final.
À l’époque, nous pensions qu’il incombait au Comité de l’économie interne d’avoir un porte-parole qui puisse parler au nom du président et du comité. J’ai engagé Alison Korn pour travailler au comité et, à moins que le Comité de l’économie interne ne les ait modifiées, ses instructions à l’époque consistaient à communiquer la volonté du comité directeur et à s’occuper des corrections qui devaient être apportées dans l’opinion publique et dans les médias au sujet de la mésinformation dans les articles, les reportages et autres dont nous sommes constamment les victimes. Cependant, elle n’a jamais eu le droit de corriger l’opinion d’un sénateur, même moi, en tant que président, je n’avais pas ce droit.
Le sénateur Plett a écrit une lettre d’opinion. Il ne s’agissait pas d’une entrevue au cours de laquelle il affirme quelque chose au sujet de l’administration actuelle du Comité de l’économie interne qui pousse un journaliste à contacter le comité afin de lui demander s’il approuve la déclaration du sénateur Plett. Dans un tel cas, le comité serait libre de contredire son opinion, de la réfuter et de lancer un débat. Cependant, il ne s’adresserait pas à un organe de presse au nom d’un sénateur... De plus, d’après ce que j’ai compris, Mme Korn a présenté la chose au Hill Times comme si elle apportait une correction à la lettre d’opinion du sénateur Plett. Elle la modifiait.
La vérité — d’après les renseignements que j’ai obtenus du Hill Times —, c’est que la seule raison pour laquelle ils ont acquiescé, c’est parce qu’ils pensaient qu’elle parlait au nom du sénateur Plett, qu’elle le représentait. C’est la seule raison pour laquelle ils ont accepté un acte aussi grotesque commis au nom d’un collègue. Cette situation va au-delà d’un simple recours au Règlement et devrait préoccuper chacun d’entre nous : une collègue pense que sa fonction, que nous lui avons accordée, lui donne le droit de gérer l’opinion d’un sénateur. Nous pouvons être en désaccord quant à savoir si vous faites du bon travail ou non avec l’Administration du Sénat sur le parquet du Sénat. Nous pouvons même avoir des désaccords en ce qui concerne l’opinion publique, les entrevues publiques, les échanges et les lettres d’opinion, mais je n’ai pas le droit de demander à mon personnel d’appeler n’importe quel organe de presse au pays pour faire modifier ce que vous dites, sénateur, et personne ne devrait avoir le droit de faire cela au sénateur Plett ou à qui que ce soit d’autre.
Votre Honneur, je pense que ce rappel au Règlement est crucial. Je pense que le Comité de la régie interne est allé trop loin. C’est inacceptable. En outre, je tiens à souligner que lorsque nous avons mis en place des changements et procédé à l’embauche de la porte-parole, Alison Korn, et de la personne qui l’a précédée, le comité avait décidé — sans même prendre ce cas-ci comme exemple — qu’en ce qui concerne les demandes des médias portant sur une question touchant un sénateur, il ne ferait jamais de commentaires sans d’abord offrir l’occasion au sénateur de répondre à la question. Nous n’avons pas ménagé nos efforts pour consolider le respect envers les 105 sénateurs et préserver leur autorité. Par conséquent, nous devrions tous considérer comme inacceptable la décision du Comité de la régie interne d’agir comme il l’a fait à l’égard du sénateur Plett, sans même l’en informer. Je vous remercie, Votre Honneur.
Honorables sénateurs, nous avons entendu beaucoup de choses au sujet du rappel au Règlement. Nous avons entendu parler des budgets et de la question de savoir s’ils étaient justes ou si nos dépenses avaient dépassé le budget. Le fait qu’un sénateur estime que quelque chose a été présenté d’une manière qu’il n’aurait pas lui-même choisie n’a rien à voir avec la question. Le fait que le sénateur Plett ait pu disposer de renseignements inexacts — ce qui n’est pas le cas — n’a rien à voir non plus. Le fait qu’un autre sénateur n’ait pas été d’accord avec la manière dont les choses ont été présentées n’a rien à voir non plus. À l’évidence, la sénatrice Moncion s’est servie de son titre de présidente du Comité de la régie interne pour demander au personnel d’intervenir dans un processus qui n’est absolument pas de son ressort. Je n’aurais pas pu appeler Mme Korn pour lui donner cette directive. Le sénateur Quinn n’aurait pas pu donner cette directive à Mme Korn, ni le sénateur Plett. La seule personne qui pouvait donner cette directive à Mme Korn, c’était la présidente du Comité de la régie interne. Si cela m’arrivait, je serais absolument furieux.
La présidente du Comité de la régie interne n’avait manifestement pas le droit de le faire. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que si l’on n’est pas d’accord avec ce qu’écrit quelqu’un, on ne va pas le modifier. On peut y réagir ou rédiger une lettre d’opinion. On peut y répondre. C’est la voie à suivre, et il n’est pas acceptable d’utiliser les ressources du Sénat qui sont à sa seule disposition pour agir de la sorte.
Honorables sénateurs, j’aimerais dire quelques mots. La plus grande partie de ce qui doit être dit a déjà été dite. Dans l’environnement politique dans lequel nous évoluons, il est trop facile de lancer des mots tels que « mésinformation » et « désinformation ». Ces mots sont devenus des outils politiques. Ce qui est de la mésinformation ou de la désinformation dépend du point de vue de l’interlocuteur. Si vous n’êtes pas d’accord avec moi et que je n’aime pas votre point de vue, je peux alors déclarer qu’il s’agit de mésinformation. Si on ne s’entend pas sur les faits, qu’il s’agisse du budget ou de crédits, alors je parlerai de mésinformation ou de désinformation.
En l’occurrence, le concept de base est la liberté d’expression, le droit d’exprimer notre pensée. C’est le fondement d’une lettre ouverte, d’une lettre d’opinion. Une telle lettre permet aux gens d’exprimer ce qu’ils pensent, ce qu’ils ressentent. On peut y avoir raison ou tort. Il est possible qu’elle contienne des erreurs. Elle peut aller à l’encontre de vos croyances ou de celles d’autres personnes, ou même de ce en quoi vous avez déjà cru. Tout le monde peut changer. Mais une lettre d’opinion, ce n’est qu’une lettre d’opinion.
Je suis consciente que, dans les médias, les journaux et, assurément, sur nos écrans de télévision, la démarcation entre les opinions et les reportages fondés sur les faits est de plus en plus floue. Il est de plus en plus difficile de faire la distinction, mais j’estime qu’il est fondamental que nous y mettions un frein dès le début de cette discussion au Sénat.
J’hésite à utiliser l’exemple américain, mais nous pouvons constater ce qui se passe et tenter d’éviter que notre pays et notre institution s’engagent dans la même voie. Je me suis souvent exprimée, dans cette enceinte et au sein du comité, sur la question de la censure et au sujet de certains projets de loi que je trouve très troublants.
C’est à cette limite que nous nous situons. On ne peut pas modifier le point de vue d’une autre personne, sauf de la manière que d’autres sénateurs ont suggérée, c’est-à-dire en répliquant, en rédigeant son propre article ou en prenant la parole sur les ondes. Il existe plusieurs manières de réfuter l’opinion d’une personne avec laquelle on n’est pas d’accord, mais on ne peut pas modifier sa pensée et on ne peut assurément pas modifier ses paroles — certainement pas sans s’entretenir directement avec elle. Il s’agit d’une question très importante. Merci.
Votre Honneur, j’aimerais vous fournir l’information pour que vous puissiez la vérifier. Un courriel m’a été envoyé le 21 août au sujet de la correction à apporter. Lorsque j’ai demandé à Alison de transmettre l’information au comité directeur, elle m’a demandé ce qui suit dans son courriel :
Pourriez-vous, s’il vous plaît, me faire savoir si vous souhaitez que j’aille au comité directeur avec une demande de correction?
Elle a identifié la phrase en question. J’ai répondu à Alison la même journée en lui disant : « Bonjour, Alison. Oui, s’il vous plaît. » Le comité directeur a donc été informé.
Il y a de l’information inexacte dans ce qui a été présenté. Alison a travaillé dans le cadre de son mandat. Elle m’a demandé la permission d’aller au comité directeur. Le comité directeur du Comité de la régie interne a approuvé la demande. On a tout fait dans les règles de l’art.
L’autre commentaire que j’aimerais faire ici est le suivant : si la procédure ne convient plus, il faut que la question soit confiée au Comité de la régie interne et que le dossier soit étudié. Ce dossier figure effectivement sur la liste des dossiers que nous allons examiner au comité directeur et au Comité de la régie interne.
Je vous remercie, Votre Honneur.
Je voudrais juste faire une précision. La sénatrice Moncion a dit que le comité directeur avait approuvé la demande. Je siège au comité directeur, mais j’étais à l’extérieur du pays, avec le décalage horaire, dans un endroit paradisiaque. Je n’ai pas reçu ce courriel en temps opportun et je n’ai pas donné mon accord pour qu’on apporte cette correction. Je voulais que ce soit bien clair. Merci.
Je vais vous corriger, honorable sénateur, parce que nous avons parlé avec votre adjoint et nous avons eu un échange de courriels par rapport à cette question. Je ne suis pas nécessairement d’accord avec vous pour dire qu’on peut sortir l’information.
Mon adjoint était sinistré à la suite des inondations. Il n’a pas donné son accord.
Votre Honneur, pourrais-je...
Pouvez-vous être bref?
Ce sera court. Je n’ai que quelques remarques à faire. Je vous prie de m’excuser, Votre Honneur, mais il s’agit de mon recours au Règlement.
Très franchement, Votre Honneur, je pensais que nous finirions par entendre un mot d’excuse — l’aveu d’une erreur ou d’une ligne qui a été franchie — et que l’affaire serait réglée très rapidement. La sénatrice Moncion savait manifestement que j’allais soulever cette question. Elle avait d’ailleurs bien préparé ses notes à ce sujet. Elle ne m’a jamais appelé. À présent, elle persiste et signe, et c’est ce qui m’effraie le plus, Votre Honneur. Il ne fait aucun doute que ce qu’elle a fait est mal. Reste à savoir si vous allez trancher en ma faveur dans ce recours au Règlement.
Toutefois, il ne fait aucun doute que changer l’opinion de quelqu’un, écrire : « Don Plett a changé d’avis; il ne croit plus cela » — car c’est bien ce qu’on a fait... Ils ont dit au Hill Times : « Don Plett a changé d’opinion sur ce sujet ». Ensuite, elle a insisté et elle a mis la faute sur le comité directeur. Enfin, un membre du comité directeur a dit qu’il se trouvait à l’extérieur du pays. Alors, elle a dit : « Eh bien, nous avons parlé à votre personnel. »
C’est bien là le problème. C’est d’abord elle qui a demandé à son personnel de faire ce qu’elle a fait. Elle aurait dû m’appeler et me dire : « Don, votre chiffre de 85 millions de dollars est erroné; il s’agit plutôt de 91 millions de dollars. » Nous aurions pu en débattre.
Elle n’aurait jamais dû agir ainsi, point final.
Toutefois, le fait est qu’il s’agit d’une opinion. C’était mon opinion, et elle était correcte.
Ce que je redoute, Votre Honneur, c’est que la présidente pense qu’elle a le droit de changer l’opinion des gens; c’est ce qu’elle croit. Ce Sénat tout entier… elle dit qu’elle a communiqué avec le comité directeur. Elle aurait pu communiquer avec 99 sénateurs et faire en sorte que 98 d’entre vous lui donnent leur accord. Ces 98 sénateurs n’auraient pas eu le droit de changer mon texte d’opinion. La seule personne dont l’avis comptait, c’était moi, car il s’agissait de mon article d’opinion. La sénatrice Moncion pense que si elle demande à suffisamment de gens, elle pourra faire changer les choses.
Votre Honneur, une seule chose compte : quelqu’un a changé ce que je pensais. C’est mal. Le nombre de personnes à qui elle a posé la question est sans importance. Si cela avait été un article de presse, une entrevue, alors elle aurait pu faire un certain nombre de choses. Elle aurait pu m’envoyer un courriel. Elle aurait pu envoyer une copie à tout le Sénat et dire : « Le sénateur Plett fourni de faux renseignements ». La seule chose qu’elle n’aurait pas pu faire, c’est appeler le journal Hill Times et dire : « Donald Plett a changé d’avis. »
Votre Honneur, je m’en tiens à cela. Je sais que vous ferez ce qu’il faut et j’attendrai votre réponse. Je vous remercie.
Je profite de l’occasion pour remercier tous les collègues qui ont participé au débat. C’est une question importante dans le cadre du recours au Règlement et je vais la prendre en délibéré. Merci beaucoup.