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Projet de loi instituant le Jour commémoratif de la pandémie
Troisième lecture
12 mai 2022
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’occasion de la troisième lecture du projet de loi S-209, Loi instituant le Jour commémoratif de la pandémie. Je remercie la sénatrice Mégie d’avoir proposé cette mesure.
Cela fait maintenant 792 jours que la COVID-19 est officiellement devenue une pandémie, et 792 jours que nos vies sont bouleversées. Les rues étaient désertes. Les magasins étaient fermés. Nous avons dû nous isoler les uns des autres. Dans l’obscurité de la pandémie, la seule lumière qui demeurait dans notre société provenait de nos travailleurs essentiels : tous les professionnels de la santé, les camionneurs, les employés des épiceries, les employés des banques, et ainsi de suite.
Permettez-moi, honorables sénateurs, de citer une partie du préambule du projet de loi, qui donne du contexte à mon discours au moment de la troisième lecture. Il se lit ainsi :
[Attendu] que le 11 mars 2021 a été désigné par décret le 8 mars 2021 et par proclamation le 31 mars 2021 comme « journée nationale de commémoration » pour rendre hommage aux personnes décédées des suites de la COVID-19, pour souligner le travail des personnes œuvrant en première ligne et souligner les répercussions graves de la COVID-19 sur la santé de la population canadienne;
Honorables sénateurs, plus de deux ans se sont écoulés depuis le début de la pandémie, et des millions de héros canadiens méconnus nous ont aidés à la traverser. Alors que toutes les provinces lèvent lentement, mais sûrement, les diverses restrictions liées à la COVID-19, la désignation du Jour commémoratif de la pandémie est une occasion pour tous les Canadiens de se rappeler comment le pays a pu traverser la pandémie et de souligner la contribution des millions de Canadiens qui ont travaillé sans relâche pour la population canadienne. Près d’un demi-million d’infirmiers, des milliers de médecins et de nombreux autres professionnels de la santé, y compris des fournisseurs de soins à domicile, ont fait bien plus que leur devoir dans des conditions des plus difficiles. Ces gens ont fait des sacrifices, mais les membres de leur famille ont dû en faire également. Combien de fois a-t-on entendu parler des infirmiers et des médecins qui ont dormi dans une chambre à part juste pour protéger leurs proches? Combien de fois a-t-on entendu parler des camionneurs qui ont dû conduire pendant des heures, sans avoir accès à des douches ni à des salles de toilette sur leur chemin? Combien de fois a-t-on entendu parler des infirmiers et des médecins à la retraite qui sont retournés dans les cliniques et les hôpitaux pour leur prêter main-forte?
J’ai entendu parler de camionneurs de ma province, le Nouveau-Brunswick, qui ont conduit pendant des jours pour livrer des marchandises importantes. Les camionneurs pouvaient déjà se sentir assez seuls en conduisant pendant des heures. Ils se sont sentis encore plus seuls lorsque, au plus fort de la pandémie, il n’y avait pratiquement personne d’autre qu’eux sur les routes, même en plein jour.
De plus, partout au pays, des infirmiers et des médecins à la retraite ont fait une différence en prêtant main-forte au système de santé. Au début de janvier 2022, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a demandé à des bénévoles d’occuper diverses fonctions cruciales. En un jour seulement, plus de 1 600 bénévoles ont répondu à l’appel.
Prenez l’exemple de Suzanne Landry, retraitée depuis 2016. Lorsqu’on lui a demandé d’aller aider dans les cliniques, elle n’a pas hésité à se retrousser les manches. Dans une période où des employés étaient en isolement, ce sont des retraités comme Mme Landry qui sont venus prendre la relève. Il y a aussi l’histoire de Paul Auffrey, retraité depuis 2013, qui trouvait le temps un peu long, mais qui voulait surtout faire du bénévolat pour aider la cause. Tous les deux se sentent valorisés d’avoir fait une différence. C’est nous qui les remercions et sommes reconnaissants du sacrifice qu’ils ont fait pendant la crise.
Honorables sénateurs, aux quatre coins du Canada, on a relaté des histoires similaires à celles de Mme Landry et de M. Auffrey. Leurs histoires sont emblématiques de l’esprit d’entraide canadien en période de crise — et il ne s’agit pas que des retraités, mais bien du courage de l’ensemble de la profession infirmière partout au pays.
À juste titre, en février dernier, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada a dévoilé une murale pour célébrer cette profession dans tout le pays. Tim Guest, le président de cette association, a déclaré :
Sans les infirmières et infirmiers, il n’y a pas de soins de santé. [Ils doivent] savoir [que la population canadienne les appuie]. Nous espérons que chaque membre du corps infirmier qui verra cette murale se souviendra de ce sentiment et des interventions concrètes positives qu’il a encouragées dans la foulée de cette crise.
Grâce au projet de loi S-209, j’espère que nous enverrons un signal fort au corps infirmier, mais aussi à tous les professionnels de la santé. Nous vous voyons et nous vous sommes plus que reconnaissants pour votre dévouement au service du bien-être de notre société. J’espère que le gouvernement et tous les Canadiens répondront présents pour les infirmiers et les infirmières qui ont besoin de notre aide et de notre compréhension.
Au sein de la profession, les cas d’anxiété et de dépression ont augmenté de 40 %. Nous avons aussi constaté avec stupéfaction que 66 % ont signalé qu’ils souffraient d’épuisement professionnel. En outre, un sur trois a déclaré avoir sérieusement envisagé de quitter son établissement ou sa profession. Ces professionnels ont besoin de nous maintenant et pendant un certain temps, afin qu’ils puissent, eux aussi, se remettre du stress généré par la pandémie dans leur quotidien.
Il n’y a pas que les infirmières et les travailleurs de la santé, honorables sénateurs, dont la santé mentale a été touchée, il y a aussi beaucoup d’autres Canadiens. Des études ont montré que la santé mentale s’était dégradée pendant la pandémie. Un sondage publié par Angus Reid en mars dernier montrait que la santé mentale de 54 % des répondants s’était détériorée et que la santé physique générale et le bien-être de 53 % d’entre eux s’étaient dégradés.
Toujours dans ce sondage, lorsqu’on leur a demandé si la pandémie avait perturbé leur vie, 47 % des répondants ont répondu beaucoup et 11 % ont répondu extrêmement. Cependant, les Canadiens qui ont été les plus touchés sont les personnes âgées de 18 à 34 ans : 16 % des hommes et 18 % des femmes ont répondu extrêmement.
Selon un article qui cite deux études publiées par Cambridge University Press :
La détérioration de la santé mentale pendant la pandémie ne s’est pas fait de façon linéaire; elle était affectée par les mesures sociétales (confinements, restrictions, réouvertures, etc.). Au Danemark, par exemple, il y a eu une détérioration de la santé mentale pendant le confinement de la première vague, mais il y a eu amélioration à mesure que le gouvernement danois a graduellement levé les mesures.
Autant les confinements et les restrictions ont été des outils efficaces de lutte contre la transmission de la COVID-19 au début de la pandémie, autant les effets à long terme des confinements et de l’imposition de restrictions à répétition ont causé du tort à la santé mentale de toute la population. Dans bien des cas, la solitude a été le principal facteur de détérioration de la santé mentale. Il ne suffira pas de tout rouvrir pour que tout revienne à la normale.
De nombreuses études révèlent que, sur le plan de la santé mentale, ce sont les jeunes qui ont été les plus affectés par la pandémie et que les adultes plus âgés ont semblé mieux composer avec la situation. Il sera extrêmement important d’offrir des ressources pour aider les jeunes à composer émotionnellement avec les conséquences de la crise sanitaire. Par ailleurs, ces ressources devront être facilement accessibles.
Les effets à long terme de la COVID sur la santé des Canadiens — les experts parlent de COVID longue — sont une autre conséquence à laquelle on ne s’est pas beaucoup attardé. D’une vague à l’autre et d’un variant à l’autre, une tendance se dessine dans cette pandémie, soit la possibilité de développer la COVID longue. Comme cette forme de la maladie peut se manifester par de nombreux symptômes généraux comme des douleurs musculaires et articulaires, de la fatigue, de la confusion mentale, des maux de tête, une augmentation du rythme cardiaque, des difficultés respiratoires, les patients et les médecins ont de la difficulté à la diagnostiquer.
La Dre Angela Cheung, chercheuse chevronnée au Réseau universitaire de santé à Toronto, a déclaré que des estimations conservatrices fondées sur les données de l’Organisation mondiale de la santé indiquent qu’au moins 10 % des personnes infectées développent la COVID longue, ce qui représenterait environ 300 000 Canadiens. Outre le fait que le système de soins de santé est surchargé par les cas ordinaires de COVID, les Canadiens souffrant de la COVID longue ont eux aussi besoin de soins. On ne peut faire abstraction des conséquences graves et persistantes de cette forme de la COVID.
À ce jour, honorables sénateurs, la COVID-19 a fait plus de 6 millions de victimes dans le monde, dont près de 40 000 victimes ici, au Canada. Il est important de reconnaître tous les Canadiens qui ont tristement perdu la vie à cause de la COVID-19.
Le Jour commémoratif de la pandémie que propose la sénatrice Mégie serait une journée importante pour la famille et les amis des 40 000 Canadiens qui ont perdu la vie en raison de la COVID-19 et pour tous ceux dont la vie a été bouleversée.
Honorables sénateurs, tout n’est pas sombre. Le Canada affiche encore un taux de vaccination respectable qui frise les 85 %. Les entreprises se remettent sur pied, et les Canadiens peuvent être optimistes quant à la possibilité de retrouver le mode de vie qu’ils avaient avant la pandémie. La reprise sera un défi, mais la solidarité et l’altruisme dont nous avons été témoins à maintes reprises au cours des deux dernières années me font croire en notre capacité à surmonter les défis actuels et futurs.
Je crois que le projet de loi S-209 nous offrira une excellente occasion de nous souvenir non seulement des sacrifices consentis, mais aussi de la force et de la détermination dont tous les Canadiens ont fait preuve pour traverser les moments difficiles. J’appuie le projet de loi S-209 et j’encourage tous les sénateurs à l’appuyer également. Je vous remercie.
Chers collègues, je suis heureuse de prendre la parole dans le cadre de la troisième lecture du projet de loi S-209, intitulé Loi instituant le Jour commémoratif de la pandémie.
J’aimerais remercier tous les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présidé par la sénatrice Omidvar, ainsi que les témoins pour leur contribution au projet de loi. En plus des nombreux témoignages et des mémoires que nous avons reçus lors des trois séances d’étude du projet de loi, les commentaires de mes collègues ont contribué à bonifier le texte législatif.
En tenant compte de tout ce qui précède, un amendement au préambule a été adopté pour clarifier les intentions du Jour de la pandémie. Le préambule a été renforcé et on y reconnaît explicitement les effets multidimensionnels de la pandémie sur chaque personne au Canada, la mise en évidence des diverses formes d’inégalités sociosanitaires, son impact disproportionné sur les personnes appartenant aux groupes historiquement discriminés de notre société, incluant les peuples autochtones, les communautés racisées, les aînés et les membres de la communauté LGBTQ2+. Nous y avons précisé les trois axes autour desquels pourront s’articuler les commémorations du Jour de la pandémie. Je les avais déjà abordés à l’étape de la deuxième lecture, mais je les ai enrichis avec l’apport de nos témoins. Les trois axes sont les suivants : s’en sortir, se souvenir, se préparer.
Axe 1 : s’en sortir. Pendant la Seconde Guerre mondiale, qui aura duré six ans, plus de 45 000 Canadiens et Canadiennes sont décédés. Aujourd’hui, après seulement deux ans de pandémie, la COVID a fauché la vie de près de 40 000 personnes, soit l’équivalent de la population du Nunavut, et nous comptons plus de 250 000 cas actifs au pays, soit l’équivalent des populations du Nunavut, du Yukon et de l’Île-du-Prince-Édouard combinées.
Ce n’est certainement pas de gaieté de cœur que nos gouvernements ont dû imposer des mesures sanitaires à la population canadienne. Il y a six mois, lors du dépôt du projet de loi S-209, nous étions à la veille de la cinquième vague de la COVID-19 au Canada. Aujourd’hui, la sixième vague s’estompe. À notre retour du congé pascal, le risque était encore considéré comme élevé par l’Agence de la santé publique du Canada, en raison de l’arrivée des sous-variants d’Omicron BA.1, BA.2 et BA.3. Durant cet intervalle, le nombre de cas de COVID a doublé au Canada et le nombre de décès est passé de 30 000 à 40 000, soit une augmentation de 33 %.
Malgré ces données statistiques, l’Agence de la santé publique du Canada vient de modifier ses publications épidémiologiques. Elle parle de risques plus ou moins élevés pour les Canadiens, selon plusieurs facteurs comme la vaccination et les traitements disponibles. C’est un changement de paradigme : nous évoluons d’une gestion collective vers une gestion individuelle du risque.
À cet effet, un site Internet a été conçu par le National Institute on Ageing de ce qui s’appelait alors l’Université Ryerson pour aider les personnes, selon leur âge et leur état de santé, à comprendre les facteurs qui interviennent dans le risque de contracter le virus lors de visites ou de rassemblements. Plusieurs de ces facteurs nous informent sur le risque de contracter d’autres infections respiratoires comme la grippe. En trois minutes, vous pouvez évaluer, avec le calculateur, votre risque d’attraper ou de transmettre les virus.
Ce changement de paradigme annonce-t-il notre sortie prochaine du tunnel de la pandémie? Nous l’espérons fortement, surtout avec le beau temps de ces derniers jours. Les experts rappellent néanmoins que la pandémie n’est pas tout à fait terminée, d’où l’importance de continuer à respecter les mesures sanitaires. De nouveaux variants peuvent encore apparaître et, comme l’a affirmé le directeur de la santé publique du Québec, une septième vague est possible. Ne le souhaitons pas. Nous devons continuer à faire preuve de vigilance et à prendre toutes les mesures possibles pour limiter la propagation du virus.
Cela dit, ici au Canada, nous avons le privilège de pouvoir compter sur plusieurs mesures pour contrer la pandémie.
Sur le plan préventif, nous disposons de tests de dépistage et de vaccins accessibles; sur le plan thérapeutique, des médicaments pour traiter la COVID-19 sont disponibles; sur le plan organisationnel, le télétravail contribue encore à freiner la transmission du virus.
Nous pouvons compter sur des agences de santé publique indépendantes et fiables. La grande majorité de notre population demeure informée et vigilante. De plus, Santé Canada vient d’autoriser l’usage d’un médicament pour prévenir la COVID-19 pour les personnes immunodéprimées.
Si nous ne baissons pas la garde, nous avons de meilleures chances de nous en sortir.
Les publications scientifiques s’accordent pour dire que, pour venir à bout de la pandémie, il faut continuer de faire des efforts sur le plan planétaire. La seule manière de s’en sortir, c’est de lutter tous ensemble.
Axe 2 : se souvenir. De qui devra-t-on se souvenir? De beaucoup de personnes. D’abord de nos aînés, décédés de la COVID-19 dans les milieux d’hébergement, car ils ont eu une fin de vie vraiment douloureuse, dans la solitude et l’indignité; des familles endeuillées; des groupes déjà marginalisés qui ont été affectés de façon disproportionnée par la pandémie. On doit se souvenir de leurs vies et de leur souffrance.
Souvenons-nous d’un autre groupe dont on n’entend pas beaucoup parler, soit les enfants orphelins de la COVID-19. Un article d’Isabelle Paré paru dans le quotidien Le Devoir, le 1er mars dernier, disait ce qui suit, et je cite :
Le nombre d’enfants laissés orphelins par la COVID-19 a presque doublé depuis six mois, portant à 5,2 millions les petits ayant perdu un père, une mère ou leur principal pourvoyeur, soit un toutes les six secondes. Pas moins de 2 000 enfants seraient touchés au Canada.
Nous devons penser à eux.
Souvenons-nous de ceux et celles qui ont été en première ligne, parfois au péril de leur vie, pour soigner et accompagner les malades. Rendons hommage à leur courage et manifestons-leur toute notre reconnaissance. Ils sont nos anges gardiens.
Souvenons-nous aussi du travail et du dévouement des travailleurs essentiels œuvrant dans d’autres domaines.
Ils sont nombreux et souvent méconnus. Ils travaillent dans le transport — ambulance, taxi, camionnage et livraison —, l’enseignement et l’éducation, la restauration, la sécurité, la police, et cetera; la liste est longue. Ils contribuent, par leur service continu à la population, à nous faire cheminer durant cette période pénible. Un grand merci aux artistes qui ont contribué à nous apaiser durant le confinement et qui ont continué à travailler même s’ils ne pouvaient pas performer en public.
Souvenons-nous aussi des jeunes qui ont dû affronter des bouleversements dans leur parcours académique. L’isolement de ces jeunes, créé par le confinement, a brisé leurs liens sociaux, ce qui a porté atteinte à leur santé mentale a causé un risque accru de décrochage.
Souvenons-nous aussi des personnes qui ont subi des pertes financières majeures, soit à cause de la faillite d’une entreprise, soit en raison d’une perte d’emploi; ces personnes devront lutter pour se relever de leurs déboires économiques.
Souvenons-nous de la population, des sacrifices qu’elle a consentis, de sa résilience et de son respect des restrictions sanitaires. Il faut aussi apprécier les élans d’entraide et de solidarité qui se sont manifestés dans toutes nos communautés.
Le système de santé, surpris par l’ampleur de la crise sanitaire, a, certes, connu des ratés dans la gestion de la situation. À cet égard, une de nos témoins au Comité des affaires sociales, la Dre Straus, représentante de la Société royale du Canada, nous a rappelé de célébrer aussi tout ce qui a été fait de bien au cours des deux dernières années.
Elle a présenté certains exemples, comme l’élargissement du champ d’action et la création d’équipes chargées de la réorientation des tâches pour prendre soin des patients dans différents cadres.
Les instances de santé se sont adaptées à l’urgence et aux incertitudes du début de la pandémie. Pour reprendre une expression qu’on a souvent entendue ces deux dernières années, on construisait l’avion pendant qu’il volait.
Il y a eu des avancées intéressantes, du point de vue de la recherche, comme la création de plateformes nationales, la collaboration internationale en matière de recherche pour les essais cliniques à grande échelle et l’adaptation rapide des professionnels de la santé aux soins virtuels. Tout ceci s’est produit en un laps de temps relativement court. Ce sont de bons coups qui méritent d’être soulignés et pérennisés.
Comment commémorer? Comme toute journée de commémoration, ce moment sera un temps d’arrêt qui favorisera la réflexion et l’action individuelle et collective.
Le projet de loi laisse la liberté à tout un chacun de commémorer cette journée à sa façon. Cette latitude a été appréciée par les témoins. Beaucoup d’entre eux ont verbalisé ce sentiment lors de leur comparution au comité.
Les personnes et les groupes peuvent vivre cette journée selon la nature et l’intensité des souffrances endurées, selon leurs besoins, selon leurs cultures.
Durant les échanges avec les témoins, il a été question à plusieurs reprises de recueillement, de rassemblement pour briser l’isolement ou de création d’un lieu de parole et d’échanges. Certaines personnes pourraient y exprimer leur peine, entamer un processus de deuil et partager leurs réflexions en vue d’apporter des solutions pour aller de l’avant. Des rites spirituels et des cérémonies pourraient aussi être organisés.
La technologie actuelle permet de mettre à contribution des plateformes pour tenir des rencontres virtuelles, pour faire une mobilisation collective et pour diffuser de l’information scientifique. Elle permet également de faire de la sensibilisation en matière de santé mentale et de rappeler l’importance de l’interaction sociale, comme l’a mentionné Mme Hannah Ehler, de l’Alliance canadienne des associations étudiantes.
Les organismes communautaires qui travaillent avec les personnes vulnérables peuvent planifier des événements en fonction des besoins du moment, dans le respect des traditions culturelles de ces groupes.
Sur le plan gouvernemental, cette commémoration peut prendre la forme d’une journée de bilan : on pourrait tenir des discussions sur ce qui a fonctionné et sur ce qui a moins bien fonctionné et en tirer des leçons, afin de bâtir des structures viables pour l’avenir.
Devant une telle diversité d’activités de commémoration possibles, et avec l’évolution des besoins des populations au fil des générations, ce projet de loi ne se veut pas prescriptif. C’est là sa richesse. Le projet de loi S-209 laisse libre cours à l’imagination et à la créativité des individus et des collectivités.
Dans son rapport portant sur la première vague de la COVID-19, la protectrice du citoyen du Québec recommandait ce qui suit, et je cite :
[Nous devons] instaurer des actes de commémoration annuelle en mémoire des pertes et des souffrances vécues. Ce doit être aussi l’occasion de souligner l’apport essentiel et généreux de toutes les personnes qui ont porté à bout de bras les services et les soins durant cette période troublée.
L’Agence de la santé publique du Canada a également affirmé qu’une telle catastrophe planétaire ne devait pas tomber dans l’oubli.
Alice Girard-Bossé, du quotidien La Presse, a publié un article au sujet des statistiques dont le titre est « On a oublié les visages derrière ces chiffres ». L’article cite le Dr Donald Vinh, infectiologue et microbiologiste au Centre universitaire de santé McGill :
La surexposition aux données, combinée à la fatigue pandémique, a conduit les Québécois à voir les décès comme des chiffres, soutient le Dr Vinh.
L’article se poursuit ainsi :
Anthropologue médicale de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), Mme Ève Dubé est aussi de cet avis. « Un nombre de décès, c’est facile de le contourner si on ne s’arrête pas pour y réfléchir. Quand ce ne sont pas nos parents, nos grands-parents, ça demeure très abstrait », dit-elle. [...]
Cette banalisation des chiffres n’est pas sans conséquence, indiquent les experts.
Dans les sondages menés par l’INSPQ depuis mars 2020, elle observe que la perception des risques de la COVID-19 ne cesse de diminuer.
De plus, avec les réseaux sociaux, où la nouvelle d’aujourd’hui n’est plus une nouvelle, le lendemain, tout s’oublie très vite, au risque de répéter les erreurs du passé.
À preuve, en mars 2022, l’Italie et l’Irlande ont commémoré la journée du souvenir pour les victimes de la COVID-19.
Le 11 mars, le premier ministre du Québec a mis en berne le drapeau de l’Assemblée nationale. Mis à part ces exemples, le 11 mars dernier est passé sous silence. La pandémie est donc déjà en voie d’être oubliée.
Axe 3 : se préparer. Pour y parvenir, il faut avoir un tableau à jour de la situation à gérer. L’objectif est de faire mieux la prochaine fois. Parallèlement au tableau actuel évoqué précédemment dans ce discours, une autre conséquence importante s’est déjà installée. La sénatrice Poirier l’a souligné plus tôt : c’est la COVID longue.
Nous devrons étudier son impact sur notre population, sur notre système de santé et sur les coûts socioéconomiques que cette maladie entraînera pour plusieurs générations.
L’immigration, l’épine dorsale de notre croissance, est un autre enjeu qui surgira en postpandémie. Elle a été gravement paralysée.
Plus de 1,8 million de dossiers étaient toujours en attente de traitement le 1er février dernier, selon le ministre de l’Immigration. Cette paralysie pandémique a un impact non négligeable sur l’économie, qui recense aujourd’hui près de 1 million d’emplois à combler. Elle affecte aussi le maintien démographique des communautés francophones d’un océan à l’autre.
La liste des actions à prendre pour préparer l’avenir devra faire l’objet d’une réflexion plus soutenue et plus globale. Elle pourra se faire en temps opportun, probablement par un comité parlementaire, pour étudier les impacts de la pandémie.
À cet égard, la vérificatrice générale du Québec a déposé hier un rapport dont un chapitre complet porte sur la gestion des équipements de protection individuelle durant la pandémie. Ce serait un exemple à suivre.
En réponse aux questions des membres du Comité des affaires sociales, les témoins ont émis quelques propositions intéressantes. Celles-ci faisaient appel au leadership fédéral. En bref, il faudra solidifier les acquis et planifier pour l’avenir à court, moyen et long terme.
Cependant, comme je vous l’ai expliqué, le projet de loi S-209 n’est pas prescriptif, ni pour la population ni pour les gouvernements. Il laisse à chacun toute la liberté de choix pour commémorer cette Journée de la pandémie.
En conclusion, je remercie la sénatrice Duncan, les collègues qui se sont prononcés sur le projet de loi, de même que la porte-parole, la sénatrice Poirier. Je remercie aussi l’équipe de mon bureau pour son travail acharné dans le but de faire cheminer ce projet de loi jusqu’à sa troisième lecture.
Chaque commémoration annuelle du 11 mars servira à se rappeler ce qui s’est passé, tant les choses dramatiques que les manifestations de solidarité et d’empathie au sein des communautés. Je compte sur vous, chers collègues, pour rendre tout cela possible en adoptant aujourd’hui le projet de loi S-209, Loi instituant le Jour commémoratif de la pandémie, et en le renvoyant à l’autre endroit pour que le processus législatif suive son cours.
Je vous remercie.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)