DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — Hommages
Le décès de l'honorable Andrée Champagne, c.p., C.M.
17 juin 2020
Honorables sénateurs, c’est un privilège pour moi d’intervenir aujourd’hui dans cette enceinte pour rendre hommage à notre regrettée collègue Andrée Champagne.
La meilleure façon de commencer, c’est de souligner le fait qu’Andrée était une force de la nature. Elle était une source d’inspiration, un modèle et une ardente défenseure des femmes dans le monde entier. Pour les Québécois, elle sera toujours la « belle Donalda », une héroïne qui aura brillé à la télé pendant 14 ans.
Ses exploits sont trop nombreux pour que je puisse tous les énumérer ici aujourd’hui, mais je vais tenter d’en souligner quelques-uns.
Andrée a amorcé sa carrière en tant qu’artiste du spectacle à l’âge de 17 ans dans la célèbre série télévisée Les Belles Histoires des pays d’en haut, mais elle était aussi une animatrice, une merveilleuse chanteuse et une femme d’affaires vouée à l’amélioration du sort des artistes. En tant qu’hôtesse, elle a présidé les cérémonies d’ouverture des deux plus grands événements internationaux jamais tenus à Montréal, soit l’Expo 67 et les Jeux olympiques de 1976.
Andrée a réussi à conjuguer les deux principales trames de sa vie — « l’artiste et la politicienne » — pour en tirer le maximum. Sa détermination farouche à protéger le Québec, sur les plans de la langue et de la culture, s’est manifestée tout au long de sa carrière politique.
Élue pour la première fois sous la bannière progressiste-conservatrice en 1984 dans la circonscription de Saint-Hyacinthe—Bagot, elle a siégé pendant neuf ans à la Chambre des communes, où elle a assumé les fonctions de ministre d’État à la Jeunesse et été la première femme à agir comme vice-présidente.
En 2005, Andrée Champagne a été nommée au Sénat du Canada, où elle a défendu ouvertement les minorités linguistiques. Elle a elle-même cité le portefeuille des langues officielles et le travail qu’elle a accompli dans la Francophonie comme ses plus grandes réalisations.
La sénatrice Champagne m’a généreusement pris sous son aile lorsque je suis arrivé ici, en 2009. Elle était gracieuse, éloquente, tenace et passionnée.
Permettez-moi de vous faire part d’un moment mémorable que nous avons connu après sa retraite. Elle venait de rentrer à la maison après avoir donné un concert communautaire, où elle avait chanté, accompagnée par son époux Sébastien, un pianiste reconnu. Elle était si humble et parlait avec joie; elle était presque surprise de l’enthousiasme du public. Elle a éprouvé une telle satisfaction à ravir une fois de plus un public.
Mme Champagne avait de nombreuses passions dans la vie, mais son amour pour Sébastien, ses enfants Liliane et Patrick, et sa petite-fille Laurence était ce qui maintenait son équilibre et une source d’inspiration qui lui a permis de garder espoir et de toujours se tourner vers l’avenir.
Chers collègues, pour terminer, j’aimerais citer un extrait de la préface de Mme Champagne dans son autobiographie intitulée Je reviens de loin..., qui a été publiée en 2008 :
En écrivant ce texte, mon souhait le plus sincère est de vous inciter à regarder autour de vous. Aujourd’hui et tous les jours que vous passerez sur cette Terre, prenez le temps de répandre tout l’amour que votre cœur peut générer : chaque moment qui nous voit respirer est une faveur que la vie nous apporte.
Chers collègues, c’est à mon tour de prendre la parole pour rendre hommage à la sénatrice Andrée Champagne, qui est décédée la semaine dernière.
J’ai connu Andrée au Sénat. Lorsque j’ai été nommé au Sénat, elle siégeait ici depuis déjà quatre ans. Même si elle avait été nommée par le premier ministre Paul Martin, un premier ministre libéral, elle avait fait le choix de siéger au sein du caucus conservateur. Ce choix audacieux montrait déjà son indépendance d’esprit. Je ne vous cacherai pas, chers collègues, que j’étais impressionné de siéger aux côtés de cette dame plus grande que nature.
Tout le monde sait que, avant d’entreprendre sa carrière politique, Andrée était une grande comédienne très reconnue au Québec. Elle a évidemment marqué plusieurs générations en jouant le rôle inspirant de Donalda dans la série Les Belles Histoires des pays d’en haut. Toutefois, à son grand désarroi, ce rôle lui collait à la peau, et les gens, lorsqu’ils la rencontraient, ne lui parlaient que de Donalda. Au fait, pourquoi ce personnage qu’elle a incarné a-t-il tant touché et bouleversé les chaumières québécoises? À mon avis, c’est notamment parce qu’elle jouait « vrai ». Les qualités que l’on retrouvait chez Donalda, soit la douceur, l’émerveillement, la détermination, l’amour, l’abnégation et le courage n’étaient pas « jouées » par Andrée. Elle se dévoilait au public en toute candeur et avec générosité, cette toute jeune actrice de 17 ans qui a probablement très intuitivement plongé corps et âme dans ce rôle. Je crois que c’est ce qui a tant marqué les Québécois et, surtout, les Québécoises.
La sénatrice Champagne était également une femme intègre, franche et sûre d’elle. Malgré son apparence frêle et même fragile, elle montrait une force de caractère hors du commun. Elle a d’ailleurs pu mettre à profit ces qualités lorsqu’elle a siégé comme vice-présidente à la Chambre des communes de 1990 à 1993. Puis, quand j’ai occupé les fonctions de leader du gouvernement au Sénat, entre 2013 et 2015, j’ai remarqué qu’Andrée n’hésitait jamais, lors de nos réunions de caucus, à prendre la parole sur les causes qu’elle embrassait avec passion et sur tout autre sujet qui la touchait. Elle avait ce don de faire valoir un angle peu ou pas exploré et de soulever des questions qui amenaient une nouvelle perspective sur l’enjeu étudié.
La sénatrice Champagne avait beaucoup de qualités. Cependant, l’une de celles-ci était peu connue de ses collègues parlementaires, députés comme sénateurs, et c’est qu’Andrée Champagne avait une magnifique voix. Pendant les années 1960, elle a d’ailleurs endisqué plusieurs magnifiques chansons, dont celle qui s’intitule Tu es venu.
Lorsqu’elle a pris sa retraite du Sénat en 2014, j’ai conclu mon hommage à son égard en lui répétant ces paroles de la célèbre chanteuse Barbara : « Dis, quand reviendras-tu? » Cette fois, je dirai simplement à cette belle Andrée : « Au revoir et bon vol, Andrée. » Merci pour tout, sénatrice Champagne.
Chers collègues, je prends la parole à mon tour pour commémorer la mémoire de l’une des femmes les plus connues du Québec, l’honorable Andrée Champagne.
Bien longtemps avant de prendre sa place dans l’univers politique comme députée, ministre et enfin sénatrice, Andrée Champagne est devenue l’une des plus grandes vedettes du petit écran au Québec lorsqu’on lui a confié le rôle de Donalda dans la série télévisée Les Belles Histoires des pays d’en haut.
Comme on l’a déjà dit, elle était une jeune fille d’à peine 17 ans à l’époque, et personne ne pouvait deviner que ce téléroman remporterait un tel succès. Pendant une quinzaine d’années, le personnage de Donalda est devenu un trésor national.
Cependant, ce destin hors du commun illustre aussi les stéréotypes dont les femmes peuvent être victimes. Le personnage de Donalda était une femme complètement soumise à son mari, un avare détestable qui n’aimait que son or et le pouvoir qu’il lui conférait. Le réalisateur avait choisi Andrée Champagne parce qu’elle était une blonde aux yeux pâles. Cela lui donnait une image plus douce, parfaite pour un rôle de victime. Cette image de douce blonde lui colla tellement à la peau qu’elle fut incapable de trouver d’autres rôles quand prit fin l’émission phare, même si elle s’était teint les cheveux en roux. La vraie Andrée Champagne n’avait rien d’une femme dominée et passive.
Elle a fait mentir les clichés en devenant une femme d’affaires et en créant la première agence artistique de Montréal. C’est là qu’elle a commencé à défendre les artistes, en mettant fin à une pratique douteuse des producteurs de l’époque qui réclamaient un pourcentage des maigres cachets des artistes.
Son habileté en affaires l’a ensuite amenée à la direction de l’Union des artistes.
Puis, elle a fait un saut en politique, en 1984, au côté de Brian Mulroney, dans l’espoir de faire modifier la Loi sur les droits d’auteur, ce que le premier ministre a fait en fin de mandat. Elle défiait ainsi une autre norme dans le milieu artistique québécois. Mme Champagne était conservatrice, et une ardente fédéraliste.
Mme Champagne fut donc très surprise lorsque le premier ministre libéral Paul Martin lui a offert de siéger comme sénatrice en 2005. Elle allait siéger comme conservatrice, bien sûr, mais, précisait-elle, elle allait aussi essayer de remettre un peu de progressisme dans le parti.
Elle n’était pas encore au bout de ses peines puisque, pendant un voyage diplomatique, elle a contracté une maladie très grave et a bien failli mourir. Elle a alors profité de sa convalescence pour écrire un livre sur cette épreuve, qui s’intitule Je reviens de loin... Dans cet ouvrage, elle insiste sur ce message clé qui résonne en ces temps de pandémie. Je la cite :
Aujourd’hui et tous les jours que vous passerez sur cette Terre, prenez le temps de répandre tout l’amour que votre cœur peut générer.
Je vous laisse sur d’autres mots de Mme Champagne, qui résumait ainsi sa vie :
Une fille qui a travaillé beaucoup, qui a osé, qui a foncé et qui a beaucoup aimé.
Merci.
Honorables sénateurs, je veux à mon tour rendre hommage à l’ex-sénatrice Andrée Champagne.
Le Canada a perdu une grande dame, mais pas seulement le Canada. Le Québec, la circonscription de Saint-Hyacinthe—Bagot, qu’elle a représentée comme députée pendant neuf ans, la colonie artistique du Québec et les téléspectateurs du Québec pleurent cette grande dame qui a, sans contredit, marqué l’histoire.
Sa vie publique a duré 64 ans, et je dis bien 64 ans parce que, pas plus tard que l’automne dernier, elle était encore politiquement active. D’ailleurs, j’ai eu l’occasion et le privilège de la côtoyer lors de sa dernière sortie publique durant la dernière campagne électorale, où elle a participé à l’investiture du candidat conservateur dans sa circonscription de Saint-Hyacinthe—Bagot.
Quand on regarde tout ce qu’elle a accompli, on peut facilement mesurer la grandeur du personnage.
Sur le plan artistique, comme mes collègues l’ont mentionné, un seul rôle, celui de Donalda, dans la série Les Belles Histoires des pays d’en haut, lui a valu d’être élevée au rang des grandes stars de la télévision canadienne. Elle a campé ce rôle de 1956 à 1970, soit durant 14 ans. Cependant, cette série a été diffusée et rediffusée pendant plus de 50 ans sur les ondes de Radio-Canada tellement elle représentait un grand moment de télévision.
Imaginez. Cinquante ans à l’antenne. Elle avait eu le temps de devenir vice-présidente de l’Union des artistes, puis députée, puis sénatrice. Toutefois, pendant tout ce temps, le personnage de Donalda demeurait présent à la télévision. Aucun artiste canadien ne peut se vanter d’une telle performance.
Laissons un peu de côté son travail de comédienne pour mettre en relief d’autres grandes réalisations de Mme Champagne.
Alors que ce sont les hommes qui tirent les ficelles de la télévision à son époque, elle lance une agence artistique au début des années 1970 pour aider de jeunes comédiens à dénicher des rôles et elle décide de s’impliquer dans l’Union des artistes, où elle a été active jusqu’à son entrée en politique. C’est à elle que les artistes du Québec doivent la création du Chez-nous des artistes, une résidence dont la vocation était d’offrir un hébergement aux artistes retraités.
La politique est arrivée ensuite. Puisqu’elle voulait proposer une réforme à la Loi sur les droits d’auteurs, c’est l’ex-sénateur Jean Bazin qui l’a invitée à joindre les rangs de l’équipe de Brian Mulroney à l’élection de 1984.
Après son élection comme députée de Saint-Hyacinthe—Bagot, M. Mulroney lui confia successivement les postes de ministre d’État à la Jeunesse, puis de vice-présidente de la Chambre des communes et de Présidente par intérim. Elle fut d’ailleurs la première femme à occuper cette fonction.
En 2004, elle a tenté de reconquérir sa circonscription de Saint-Hyacinthe—Bagot. Après cette tentative ratée, le premier ministre Paul Martin l’a nommée au Sénat, et elle est ainsi devenue la première Maskoutaine à siéger dans cette Chambre.
La sénatrice Champagne n’a jamais cessé de combattre. La langue française et les droits des minorités ont fait partie des dossiers qui lui tenaient à cœur. Son engagement lui a valu d’être élue en 2013 présidente de l’Assemblée des parlementaires de la Francophonie.
Mme Champagne était une combattante. Elle était aussi une comédienne. Je peux donc dire merci à Mme Champagne pour tout ce qu’elle a fait pour la langue française et pour les minorités. Je la remercie surtout pour les beaux moments de télévision qu’elle nous a procurés pendant tant d’années.
Honorables sénateurs, comme il ne reste qu’environ un an avant la fin de mon mandat, je me remémore beaucoup de sénateurs avec qui j’ai travaillé ces dernières années, notamment Mike Forrestall, Sharon Carstairs, Norman Atkins et, bien sûr, Andrée Champagne.
J’ai eu le plaisir de travailler avec la sénatrice Andrée Champagne au sein de comités sénatoriaux. Ce fut une expérience de collaboration enrichissante. Elle était toujours un rayon de soleil, toujours animée et curieuse. C’était une joie de travailler avec elle.
La sénatrice Champagne est décédée le 6 juin dernier. Plusieurs parmi vous ne connaissent peut-être pas le parcours fascinant de la sénatrice Champagne. Elle était une comédienne de grande renommée au Québec et dans le Canada francophone. Pendant 15 ans, elle a tenu le rôle de Donalda dans la série télévisée Les Belles Histoires des pays d’en haut. Elle était une grande vedette populaire. Elle était aussi chanteuse et animatrice, femme d’affaires engagée dans l’avancement dans la cause des artistes et dans l’amélioration de leurs conditions de vie. Fédéraliste convaincue, elle s’est lancée en politique en 1984 et est devenue députée fédérale de Saint-Hyacinthe—Bagot dans le gouvernement Mulroney, puis membre de son Cabinet. Après la défaite du gouvernement en 1993, elle a fait un retour comme comédienne à la télévision et au cinéma.
Par la suite, le premier ministre Paul Martin l’a invitée à siéger au Sénat en 2005. Elle a été très impliquée dans les dossiers concernant les minorités linguistiques et la Francophonie. Elle a aussi été élue à la présidence de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie en 2013. Elle a pris sa retraite du Sénat le 17 juin 2014. Elle a reçu l’Ordre du Canada en 2017.
Je tiens à offrir mes condoléances à sa famille. Je suis reconnaissant d’avoir pu travailler avec elle.
Je suis également convaincu que Mme Champagne affiche un léger sourire et rit même un peu après m’avoir entendu parler si bien français. Merci.
Honorables sénateurs, au Canada français et en Acadie, le nom d’Andrée Champagne est d’abord associé à celui d’une artiste. Cette Maskoutaine aura marqué l’imaginaire de plusieurs générations de francophones en interprétant le célèbre personnage de Donalda dans la populaire série télévisée Les Belles Histoires des pays d’en haut, diffusée à la télévision de Radio-Canada. Ce rôle mythique qu’elle a assumé dès l’âge de 17 ans lui a collé à la peau toute sa vie, à un point tel que nous avions l’impression que cette comédienne était à l’image de son personnage, une femme soumise et victime de son destin.
À l’époque, les familles se rassembleraient devant le téléviseur, émues par la vie triste et misérable de cette femme qui ne pouvait pas vivre son histoire d’amour avec son beau Alexis et qui a accepté, pour que son père échappe à la faillite, de marier un homme obnubilé par l’appât du gain. Bon nombre d’entre nous, surtout les femmes, ont été consternés par l’incapacité de cette citoyenne de Sainte-Adèle d’échapper à son triste sort pour vivre pleinement.
Dans ce cas, on voit à quel point la fiction peut s’écarter de la réalité. Lorsque Andrée Champagne s’est lancée dans la vie politique, en 1984, ceux qui la connaissaient seulement dans son rôle télévisé ont découvert en elle une femme forte et déterminée qui a pris le taureau par les cornes et qui est devenue une politicienne québécoise et canadienne expérimentée qui n’avait pas peur de défendre ses convictions et de prendre sa place en tant que citoyenne.
Contrairement à plusieurs d’entre vous, je n’ai pas eu le privilège de connaître Mme Champagne alors qu’elle était sénatrice. Toutefois, comme Acadien, je me souviens très bien de son engagement à l’égard de la défense des droits des minorités linguistiques au Canada. En effet, bien qu’elle n’ait pas été issue elle-même d’une communauté en situation minoritaire, elle a fait preuve d’une très grande sensibilité à l’égard des minorités linguistiques à titre de vice-présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles, auquel elle a siégé pendant plusieurs années. Durant ses nombreux mandats, des études importantes ont été réalisées, notamment sur les arts et la culture francophone en milieu minoritaire et sur les obligations linguistiques de CBC/Radio-Canada. Aujourd’hui, alors qu’une modernisation de cette loi s’impose de manière urgente, la force de ses interventions passées et de son engagement est toujours d’actualité et une source d’inspiration.
Cela dit, le legs le plus émouvant de Mme Champagne est la création du Chez-nous des artistes, une résidence pour artistes âgés de 50 ans et plus, dont une bonne proportion vit dans la précarité.
À une époque où beaucoup d’aînés vivent dans une précarité inacceptable, où les conditions de vie des artistes sont de plus en plus imprévisibles et où la victoire récente, en Colombie-Britannique, des parents francophones qui ont obtenu le droit à la scolarisation en langue française pour leurs enfants met malheureusement en lumière les nombreux défis auxquels doivent encore faire face les minorités linguistiques au Canada, la contribution d’Andrée Champagne à notre pays résonne haut et fort et continuera de nous inspirer pendant de nombreuses années encore.
Merci, Andrée Champagne.
Honorables sénateurs, je vous demande de vous lever afin d’observer une minute de silence en hommage à notre regrettée collègue.