DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — L'exploitation et la traite de personnes
31 mai 2023
Honorables sénateurs, je veux rendre hommage à mes invités qui ont tous contribué à lutter contre l’exploitation sexuelle au Québec. Le Groupe parlementaire multipartite contre l’esclavage moderne et la traite des personnes, dont je suis co-présidente, a organisé un panel passionnant ce midi au Parlement sur cet enjeu.
Tout d’abord, je veux rendre hommage à la survivante Marie-Michelle Desmeules qui a été au cœur de cet enfer. Elle a été soumise aux pires violences par un proxénète pendant 10 ans; violée, a-t-elle calculé, à 25 000 reprises, et qui souffre du syndrome post-traumatique. Merci d’avoir témoigné, madame.
Depuis 2016, le gouvernement du Québec a modifié sa politique. On considère maintenant que la prostitution est bel et bien de l’exploitation sexuelle dans la plupart des cas.
Geneviève Albert, réalisatrice du film primé Noémie dit oui, l’expose brillamment : contrairement à ce qu’on pense, dire oui ne suffit pas à consentir; on ne peut pas se cacher derrière l’argument trompeur du consentement pour cautionner la prostitution. Seule une infime minorité de celles qui vendent des services sexuels s’en tire indemne.
Malheureusement, il n’y a pas de campagne d’information visant le grand public pour marteler que l’achat de services sexuels, c’est de l’exploitation, les mentalités changent peu.
L’ex-ministre québécoise Christine St-Pierre a siégé au sein de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineures. Oui, l’exercice a donné un peu plus de budgets aux policiers et aux groupes d’aide, mais c’est encore trop peu face aux besoins criants et à la banalisation du phénomène, accélérée par les réseaux sociaux.
Il y a évidemment consensus pour dénoncer la pornographie juvénile. Toutefois, que se passe-t-il une fois que ces filles, prises au piège, atteignent 18 ans? C’est là que se cristallisent toutes les contradictions du regard qu’on porte sur la prostitution, car l’exploitation continue, dans bien des cas, dans un contexte de manipulation et de contraintes financières, psychologiques ou physiques.
Ce sont des victimes comme Marie-Michelle Desmeules qui ont inspiré la criminologue et ex-députée fédérale indépendante Maria Mourani à légiférer, et notamment à ajouter la traite de personne à la liste des infractions visées par la confiscation des produits de la criminalité. Une très longue bataille, dans laquelle elle a été épaulée au Sénat par nul autre que le sénateur Boisvenu.
Parmi les nouvelles initiatives prometteuses au Québec, on note les tribunaux spécialisés en violence sexuelle pour mieux accompagner les victimes et une sorte d’école pour les prostitueurs, ce qu’on appelle au Canada anglais John School.
C’est l’agent Ghyslain Vallières de la police de Longueuil qui s’est investi dans un projet pilote destiné à changer le comportement des hommes arrêtés parce qu’ils ont acheté des services sexuels. Ces clients paient une amende, évitent les tribunaux, à condition qu’ils acceptent de participer à une journée de sensibilisation et de témoignage de survivantes.
Pour conclure, je vais paraphraser notre cinéaste : la prostitution n’est pas une fatalité, la solution est politique. Merci.