La Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat
30 avril 2019
Honorables sénateurs, je vous adresse la parole aujourd’hui afin de vous parler du projet de loi C-344, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux en ce qui a trait aux retombées locales.
J’aimerais souligner d’emblée mon appui à ce projet de loi et me positionner en faveur d’une stratégie d’attribution des marchés fédéraux qui tient compte des considérations socioéconomiques et des communautés canadiennes de l’est à l’ouest du pays.
Mon propos se tiendra en deux temps. Premièrement, je résumerai les principaux points du projet de loi en mettant de l’avant son caractère modeste et non contraignant. Deuxièmement, je ferai part d’exemples concrets qui font la preuve que, quand un gouvernement dépense intelligemment, tout le monde y gagne, tant les communautés que les promoteurs.
Le projet de loi C-344 modifie le processus d’attribution des marchés fédéraux en créant un pacte socioéconomique tenant compte du développement durable dans les collectivités. Plus précisément, le projet de loi donne au ministre le pouvoir d’exiger que les soumissions pour des projets d’infrastructures du gouvernement fédéral contiennent de l’information sur les retombées locales que les travaux généreront.
Le projet de loi définit les retombées locales comme étant des retombées sociales, économiques et environnementales générées à l’échelle locale par des travaux de construction, d’entretien ou de réparation, notamment la création d’emplois et les possibilités de formation, l’amélioration de l’espace public et toutes autres retombées précisées par la population locale.
Ainsi, le cadre législatif proposé dans ce projet de loi n’est aucunement contraignant ni restrictif quant aux pouvoirs du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. La modification proposée à l’article 20 de la Loi sur le ministère Travaux publics et des Services gouvernementaux est modeste, mais est tout de même susceptible d’avoir un impact positif notable sur le bien-être des communautés.
Le projet de loi donne au gouvernement la possibilité de faire appel aux talents locaux et de contrer la pénurie de main-d’œuvre annoncée en amont. Il garantit aussi que la richesse découlant des marchés fédéraux sera répartie plus équitablement.
En guise d’exemple, je vais vous faire part de certaines réussites associées au projet de reconstruction de quatre barrages hydro-électriques sur la rivière Mattagami dans le Nord de l’Ontario.
Le projet de loi C-344 vise à ce que des ententes sur les avantages pour les communautés — que l’on appelle en anglais les « community benefit agreements » — soient mises de l’avant lorsqu’il s’agit de marchés fédéraux. L’exercice des pouvoirs discrétionnaires du ministère en vertu de l’article 20 de la loi lui permettra de devenir un leader dans la mise en œuvre de telles ententes. Ultimement, les ententes sur les avantages des communautés permettront aux collectivités de toucher leur juste part des investissements dans les infrastructures du gouvernement fédéral, en plus de promouvoir une société plus égalitaire. De toute évidence, il est primordial que le gouvernement fédéral considère le bien-être des gens qui seront le plus directement affectés par la réalisation de projets d’infrastructure dans leur communauté.
Cela m’amène à mon deuxième point. Une des caractéristiques uniques des ententes sur les avantages pour les communautés est qu’elles prévoient des résultats tangibles et mesurables. Qui plus est, les avantages qu’il y a à tenir compte des intérêts socioéconomiques des populations locales et des considérations touchant au développement durable dans les stratégies d’acquisition d’un organe de gouvernance ont maintes fois été démontrés.
D’abord, il est établi que l’attribution des marchés en fonction des retombées locales est liée à la réduction de la pauvreté, à la croissance du développement économique, à l’accès à des logements abordables et à l’atteinte des objectifs de développement durable, ce qui explique pourquoi plusieurs juridictions ont déjà emboîté le pas dans cette direction. Notons que cinq provinces canadiennes, soit la Nouvelle-Écosse, le Québec, l’Ontario, le Manitoba et la Colombie-Britannique, ont déjà intégré les objectifs socioéconomiques à leurs procédures d’approvisionnement, soit par la modification de leur législation ou par des changements dans leurs politiques et leurs pratiques. Par exemple, le gouvernement de l’Ontario a adopté la Loi de 2015 sur l’infrastructure au service de l’emploi et de la prospérité, et la Ville de Toronto a déjà adopté une politique et un programme d’approvisionnement social. Du côté du gouvernement fédéral, la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, la SAEA, réserve d’office des occasions d’affaires afin d’encourager la participation d’entreprises autochtones au processus d’approvisionnement fédéral. Depuis 1996, ce programme fédéral a octroyé à des entreprises autochtones plus de 100 000 marchés d’une valeur totale de plus de 3,3 milliards de dollars. Permettez-moi, à ce moment-ci, de vous parler d’initiatives qui ont déjà été mises de l’avant et qui montrent les résultats positifs que vise le projet de loi C-344.
Dans Downtown Eastside à Vancouver, la Ville de Vancouver et un entrepreneur du secteur privé ont conclu une entente sur les retombées locales pour relocaliser et agrandir un lieu de séjour et un casino urbains. Résultat? Plus de 20 p. 100 de la main-d’œuvre pour les travaux de construction est embauchée localement, quelque 75 millions de dollars sont dépensés dans l’économie locale et 1,5 million de dollars sont versés en salaires à plus de 500 employés locaux. Globalement, le projet devrait créer au moins 180 emplois ou l’équivalent de 8,5 millions de dollars en salaires pour les résidants de la collectivité.
Dans le Nord de l’Ontario, un montant de 2,6 milliards de dollars a été investi dans le projet hydroélectrique Lower Mattagami, qui consiste à réaménager quatre centrales hydroélectriques sur la rivière Mattagami. Pour que le projet fonctionne, les parties prenantes devaient conclure une entente pour pouvoir toutes y trouver leur compte.
Premièrement, on a conclu l’entente de partenariat Amisk-oo-Skow selon laquelle la Première Nation crie de Moose détient une participation de 25 p. 100 dans le projet.
Deuxièmement, les entreprises de la Première Nation ont obtenu pour plus de 300 millions de dollars en contrats de sous-traitance. Au plus fort des travaux de construction, 1 800 personnes travaillaient au projet, dont plus de 250 membres des Premières Nations et Métis.
Troisièmement, un programme de formation a été mis en place grâce auquel les travailleurs ont pu recevoir une formation en salle de classe et en cours d’emploi. Cette initiative est le fruit d’un effort concerté des fournisseurs, des syndicats des métiers de la construction, du gouvernement fédéral et du ministère de la Formation et des Collèges et Universités de l’Ontario. Directement lié à des occasions d’emploi de débutant et avancées pour les employeurs locaux, ce programme a été offert aux membres de la Première Nation crie de Moose, de la Première Nation Taykwa Tagamou, de la Première Nation Moocreebec et aux Métis du bassin inférieur de la rivière Moose.
Près de 70 apprentis ont obtenu leur titre aux étapes de construction civile du projet, dont des charpentiers, des chefs, des ouvriers, des opérateurs d’équipement lourd et de grue ainsi que des ferronniers, ce qui fera en sorte qu’il y aura des travailleurs des métiers spécialisés tout au long du projet de même que pour les projets d’infrastructure à venir.
Le projet de la rivière Mattagami n’était pas régi par la Loi de 2015 sur l’infrastructure au service de l’emploi et de la prospérité de l’Ontario. Toutefois, il a été conçu en tenant compte des besoins des communautés locales en matière d’éducation, d’emplois et de prospérité à long terme et pour contrer la pénurie de main-d’œuvre en amont.
Les exemples du casino de Vancouver et de la rivière Mattagami illustrent bien mes propos du début de mon discours, alors que je disais que, quand un gouvernement dépense intelligemment, tout le monde y gagne, tant les communautés que les promoteurs. Plusieurs secteurs profitent des retombées locales générées par ces ententes, notamment pour ce qui est de la création d’emplois, de la formation d’apprentis, de la construction de logements abordables ou de l’éducation, en plus de bénéficier aux membres des groupes démographiques sous-représentés au sein des métiers spécialisés, comme les femmes et les Autochtones.
Résultat : les ententes sur les retombées locales dans l’attribution des projets fédéraux créent des possibilités socioéconomiques pour les collectivités, de même que des incidences environnementales. Ces ententes jettent les fondements d’un partenariat entre les collectivités et les promoteurs. En ce sens, le projet de loi C-344 favorise la vitalité et la durabilité de nos collectivités.
En conclusion, bien qu’on puisse tenter de mesurer les succès de ces initiatives d’un point de vue strictement financier, le retour global sur l’investissement dans un projet d’infrastructure fédéral qui prend en compte les retombées locales surpasse de loin ce qui est quantifiable d’un point de vue économique. Qu’il s’agisse de donner une occasion d’emploi à une personne qui n’aurait pas eu cette chance autrement, ou encore de favoriser le développement durable pour les générations à venir, le dollar investi dans un projet d’infrastructure qui prend en compte les retombées locales travaille beaucoup plus fort et va beaucoup plus loin que le dollar investi dans un projet d’infrastructure dépourvu de sens pour les communautés.
Encore là, le projet de loi donne un sens au fédéralisme canadien en mettant au premier plan la pertinence et l’importance, pour le gouvernement fédéral, de tenir compte des spécificités et des besoins des régions. C’est un moyen de promouvoir une société plus équitable de même que les avantages en amont de distribuer équitablement les occasions d’affaire au Canada, plutôt que d’observer l’élargissement des inégalités une fois le fait accompli, avec tous les problèmes que cela implique pour notre société.
Le gouvernement fédéral devrait agir en qualité de leader dans ce domaine, et le projet de loi C-344 est un premier pas dans cette direction. J’invite donc mes collègues à étudier le projet de loi C-344 en comité, dans une perspective orientée vers l’avenir et à l’écoute des besoins de nos communautés.
Je vous remercie de votre attention.