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L'étude du Cadre fédéral de prévention du suicide

Quinzième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et demande de réponse du gouvernement--Ajournement du débat

13 juin 2023


Propose :

Que le quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Se laisser guider par les résultats : repenser le Cadre fédéral de prévention du suicide, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le jeudi 8 juin 2023, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Santé mentale et des Dépendances étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de la Santé.

 — Honorables sénateurs, je sais qu’il se fait tard, mais il s’agit d’une étude très importante qui met en lumière un sujet particulièrement sombre : le suicide. Avant de vous présenter la substance des conclusions de notre rapport, permettez-moi de prendre une minute pour remercier tous les témoins qui nous ont fait part de leur expérience vécue du suicide.

La stigmatisation du suicide et de la santé mentale persiste, et si l’on ne discute pas de ces sujets, il y a peu d’espoir d’amélioration. Je tiens à remercier tout particulièrement nos collègues les sénateurs Stan Kutcher et Patrick Brazeau des commentaires et des points de vue qu’ils ont présentés dans le cadre de notre étude.

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, de la science et de la technologie a entamé son étude sur le Cadre fédéral de prévention du suicide en septembre 2022 et a tenu 5 réunions de témoignages au cours desquelles 23 témoins ont été entendus. Le Cadre fédéral de prévention du suicide a été publié en 2016 après une période de consultation qui a suivi l’adoption, en 2012, de la Loi sur le Cadre fédéral de prévention du suicide.

Bien que le cadre établisse une vision idéaliste d’un « Canada où on prévient le suicide et où chacun vit avec espoir et résilience », le comité a appris que le taux global de suicide au Canada n’a guère changé depuis la mise en œuvre du cadre. En fait, le taux annuel global est resté pratiquement stable au cours des deux dernières décennies, oscillant entre 11 sur 100 000 et 12 sur 100 000.

Le comité s’est posé la question suivante : où en sommes-nous sept ans plus tard? Notre rapport, intitulé Se laisser guider par les résultats, aurait tout aussi bien pu s’intituler Se laisser guider par l’inefficacité. En effet, le Cadre fédéral de prévention du suicide est un échec du point de vue du seul indicateur qui compte vraiment, à savoir le nombre de vies sauvées.

Depuis que le cadre a été mis en place, le taux de suicide au Canada n’a pas changé de manière significative. En 2020, on a enregistré une légère diminution du taux de suicide, que les témoins ont attribuée à des mesures d’aide liées à la pandémie. Pour le reste, il est demeuré le même, et nous voulions savoir pourquoi.

On ne peut pas reprocher au cadre de ne pas avoir de nobles aspirations ni d’objectifs louables. Il vise à prévenir le suicide au moyen de partenariats, de la collaboration, et de l’innovation. Il vise à atteindre cet objectif tout en respectant la diversité des cultures et des communautés touchées par ce problème. Le cadre vise à susciter l’espoir et la résilience, ainsi qu’à mettre à profit les partenariats. Comme nous avons pu le constater, bien que tout cela soit réconfortant et inspirant, ce cadre reste inefficace. Les témoignages que nous avons entendus indiquent que les belles paroles n’ont aucune incidence sur l’état de santé des personnes en situation de crise.

Le comité a formulé une dizaine de recommandations que je n’énumérerai pas. Je me contenterai d’en souligner quatre, en espérant que vous consulterez le rapport.

Premièrement, nous devons aller là où le problème se pose réellement. Il n’est pas présent dans la population en général, mais plutôt dans des segments précis de la population, surtout chez les hommes et les garçons des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Le sénateur Brazeau a été un témoin particulièrement convaincant sur ce point.

Deuxièmement, nous devons investir dans des programmes qui fonctionnent et dont l’efficacité est prouvée, et non dans des idées acceptables ou des pratiques exemplaires subjectives. Le sénateur Kutcher a souligné la nécessité d’examiner l’efficacité et les répercussions des programmes de prévention du suicide qui génèrent des recettes.

Troisièmement, nous devons nous concentrer sur les interventions qui visent à réduire les moyens de se suicider. Autrement dit, cela signifie que nous devons restreindre l’accès facile aux méthodes de suicide efficaces, notamment en installant des barrières sur les ponts et en empêchant l’accès facile aux médicaments.

Quatrièmement, et fait important, nous devons recueillir et ventiler activement des données afin de nous en tenir aux données probantes. Bref, ce qui importe, c’est de faire ce qui fonctionne plutôt que de partir dans tous les sens. Il s’agit de sauver des vies et ce rapport formule des recommandations importantes qui pourraient nous permettre d’atteindre cet objectif, en particulier à la lumière du fait que le Cadre fédéral de prévention du suicide doit être passé en revue.

Merci, chers collègues.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Sénatrice Omidvar, acceptez-vous de répondre à une question?

Bien sûr.

L’honorable Denise Batters [ + ]

Sénatrice Omidvar, j’ai été surprise de voir dans votre rapport qu’il semblait être une révélation pour votre comité que les décès par suicide chez les hommes représentent 75 % du total des décès par suicide au Canada.

Il y a 13 ans, en 2010, j’ai produit une publicité télévisée à la mémoire de mon défunt mari pour sensibiliser le public à la maladie mentale et à la prévention du suicide. Parmi les renseignements diffusés dans cette publicité de 2010 figurait le fait que les hommes sont trois fois plus nombreux à mourir du suicide que les femmes. Avec de nombreux autres défenseurs de la santé mentale au Canada, j’ai pris la parole à l’échelle nationale sur ce sujet pendant plus d’une décennie.

La courte section de votre rapport sur les garçons et les hommes commence par cette phrase :

Le comité n’a pas reçu autant de témoignages sur les garçons et les hommes et reconnaît que cette population devrait être prise en compte de manière plus approfondie dans les futures études sur la prévention du suicide au Canada.

Sénatrice Omidvar, votre comité, comme vous l’avez mentionné, n’a tenu que cinq séances avec des témoins sur ce sujet. Pourquoi n’avez-vous pas organisé plus de séances pour recevoir ce type de témoignage essentiel sur les hommes?

Merci de votre question, sénatrice Batters, et merci de continuer à défendre cette cause. Je n’ai pas vu la publicité télévisée que vous aviez faite, mais je vais la chercher.

Notre comité a un plan de travail et nous avons consacré cinq réunions à discuter du rapport. Même si nous étions conscients des lacunes associées au fait de ne pas entendre davantage de témoins au sujet du taux de suicide parmi les garçons et les hommes, nous l’avons indiqué dans notre étude et notre recommandation tient compte des conclusions du comité.

Merci.

La sénatrice Batters [ + ]

Sénatrice Omidvar, votre recommandation 2 parle de « cibler les groupes dans lesquels le taux de suicide est disproportionnellement élevé [...] » Dans sa courte liste, votre comité a inclus les « personnes atteintes de maladies mentales ».

Sénatrice Omidvar, un autre fait noté dans la publicité de 2010 dont j’ai parlé est que 90 % des personnes qui se suicident ont une maladie mentale. Il ne s’agit donc pas d’un sous-groupe des décès par suicide au Canada. La presque totalité des décès par suicide est attribuable à la maladie mentale.

Pourquoi votre comité a-t-il inclus cela dans votre liste démographique ciblée?

Sénatrice Batters, je comprends ce que vous dites. La santé mentale est probablement une cause sous‑jacente du suicide, peu importe le segment de la population. Je prends note de votre opinion, mais je crois que le comité a reconnu l’importance de la santé mentale comme condition. C’est d’ailleurs énoncé dans les recommandations.

Si vous n’êtes pas satisfaite, avec le recul, je pense qu’il aurait mieux valu vous inviter à titre de témoin. Cela aurait été très utile. J’espère que la prochaine fois que nous examinerons la question, nous n’oublierons pas de vous convoquer.

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