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Le Sénat

Adoption de la motion tendant à décerner le titre de « citoyen canadien honoraire » à Vladimir Kara-Murza et à demander sa libération immédiate

13 juin 2023


L’honorable Pierre J. Dalphond [ + ]

Conformément au préavis donné le 8 juin 2023, propose :

Que le Sénat reconnaisse que le prisonnier politique russe Vladimir Kara-Murza — lauréat du prix des droits de l’homme Václav Havel, collaborateur émérite du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, ami du Parlement du Canada — est un défenseur internationalement reconnu des droits de la personne et de la démocratie, dont l’emprisonnement injustifié pour avoir manifesté son désaccord avec la guerre injuste en Ukraine est emblématique des milliers de prisonniers politiques en Russie et dans le monde;

Qu’il soit résolu par le Sénat de décerner le titre de « citoyen canadien honoraire » à Vladimir Kara-Murza et de demander sa libération immédiate.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole pour coproposer que le Sénat appuie la motion adoptée à l’unanimité par la Chambre des communes la semaine dernière, et qu’il adopte une motion visant à décerner le titre de citoyen canadien honoraire au prisonnier politique russe Vladimir Kara-Murza. Je remercie le sénateur Housakos, la sénatrice Omidvar, la sénatrice Miville-Dechêne et la sénatrice Patterson, de l’Ontario, de leurs efforts de collaboration envers l’atteinte de cet objectif.

Comme cette motion l’indique, Vladimir Kara-Murza est un défenseur internationalement reconnu des droits de la personne et de la démocratie. Il est lauréat du prix des droits de l’homme Václav Havel et collaborateur émérite du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, à Montréal. L’emprisonnement injustifié de M. Kara-Murza pour avoir manifesté son désaccord avec la guerre injuste en Ukraine est un symbole pour des milliers de prisonniers politiques en Russie et dans le monde.

Après avoir survécu à deux tentatives d’assassinat, M. Kara-Murza purge actuellement une peine de 25 ans en Russie à la suite d’un simulacre de procès qui a eu lieu après son retour courageux dans son pays natal l’année dernière.

Honorables sénateurs, le Parlement du Canada doit être solidaire d’un tel héros et d’un tel ami du Canada. M. Kara-Murza a visité notre Parlement à deux reprises. En 2016, il a témoigné devant le Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce international pour exhorter le Sénat à adopter la loi de Sergueï Magnitski, qui porte le nom d’une autre victime du régime de Poutine. Cette loi est entrée en vigueur en 2017.

En 2019, M. Kara-Murza a apporté son aide au Comité des affaires étrangères de la Chambre des communes, avec l’honorable Irwin Cotler, ancien ministre de la Justice et procureur général du Canada, dans l’étude sur l’état des droits de la personne en Russie.

L’épouse de Vladimir, Evgenia Kara-Murza, est coordonnatrice des efforts de défense des droits au sein de la Free Russia Foundation. En octobre dernier, elle a offert son soutien au comité de la Chambre que je viens de mentionner, dans le cadre d’une étude sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Elle a dit aux députés que 19 335 personnes ont été détenues de façon arbitraire en Russie depuis février 2022, soit depuis le début de la guerre en Ukraine.

La même semaine, Mme Kara-Murza a été invitée au Sénat. Bon nombre d’entre nous avons eu l’immense honneur de parler avec elle. Cette année, plusieurs sénateurs ont parlé de la situation de Vladimir Kara-Murza dans cette enceinte, y compris le sénateur Boehm, la sénatrice McPhedran et le sénateur Gold.

En avril dernier, la ministre des Affaires étrangères, l’honorable Mélanie Joly, a condamné le verdict de culpabilité de Vladimir Kara-Murza. Elle a déclaré ce qui suit, et je cite :

M. Kara Murza est un symbole de la défense courageuse et fondée sur des principes des valeurs démocratiques et des droits de la personne. Les tentatives de la Russie de réduire au silence les personnes de conscience ne font que renforcer la puissance de leur voix.

Au début du mois, la sénatrice Omidvar a coprésidé une conférence de presse avec l’honorable Irwin Cotler et un groupe de parlementaires, dont la sénatrice Miville-Dechêne et moi, pour jeter les bases de cette motion. Si M. Kara-Murza est informé de nos travaux, il doit savoir que ses amis, l’honorable Irwin Cotler, Bill Browder, Brandon Silver et bien d’autres, ont défendu sa cause sans relâche jusqu’à aujourd’hui.

Je veux aussi évoquer une lettre de soutien à cette initiative de la Ligue des droits de la personne, une agence de B’nai Brith Canada. Je cite un extrait de cette lettre :

Kara-Murza représente une lueur d’espoir pour une population de plus en plus opprimée par le régime autoritaire de Valdimir Poutine, qui tente d’écraser toute dissidence tout en poursuivant sa guerre criminelle contre son voisin, l’Ukraine.

Chers collègues, la citoyenneté canadienne honoraire est un honneur rarement conféré par le Parlement, et ce, par le biais d’une motion de la Chambre des communes et du Sénat. Parmi les quelques récipiendaires passés figurent des héros de l’humanité tels que Raoul Wallenberg, Nelson Mandela et Malala Yousafzai.

Le 8 juin, soit jeudi dernier, le député conservateur Tom Kmiec a obtenu le consentement unanime des députés du Parlement à l’égard d’une motion visant à conférer la citoyenneté honoraire à Vladimir Kara-Murza et à demander à la Fédération de Russie de le libérer.

En adoptant la motion dont nous sommes saisis, le Sénat du Canada se joindra à l’autre endroit pour montrer au monde que le Parlement du Canada défend ses amis et les prisonniers politiques du monde entier. Avec cette motion, exprimons-nous d’une seule voix en faveur de la liberté et de la justice pour Vladimir Kara-Murza. Envoyons un message fort aux dissidents de la tyrannie emprisonnés dans le monde entier : « Au Canada, on ne vous oublie pas. »

L’année dernière, l’épouse de M. Kara-Murza, Evgenia, a reçu le prix des droits de l’homme Václav Havel au nom de son époux. Ce prix lui a été décerné par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Dans une déclaration qu’elle a lue en son nom, M. Kara‑Murza a dédié le prix aux milliers de Russes qui ont exprimé leur opposition à la guerre et qui ont choisi de ne pas demeurer « silencieux face à cette atrocité, même au prix de leur propre liberté ».

Il a ajouté ceci :

Il me tarde [...] qu’une Russie pacifique, démocratique et sans Vladimir Poutine revienne à cette Assemblée et au Conseil de l’Europe, et que nous puissions enfin commencer à bâtir l’Europe unie, libre et pacifique que nous voulons tous. Même aujourd’hui, en cette période des plus sombres, je crois fermement que ce jour arrivera.

Sénateurs, cette motion vise à conférer la citoyenneté canadienne honoraire à l’homme ayant prononcé ces paroles courageuses. Rendons hommage à Vladimir Kara-Murza, un rayon d’espoir dans le ciel de Russie, et soutenons-le dans cette période difficile qu’il traverse. J’invite les sénateurs à adopter cette motion. Merci, meegwetch.

Honorables sénateurs, en tant que coprésidente du groupe omnipartite militant en faveur de Vladimir Kara-Murza, groupe que je préside avec Irwin Cotler, défenseur des droits de la personne, président du Centre Raoul-Wallenberg pour les droits de la personne et ancien procureur général du Canada, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion du sénateur Dalphond visant à conférer la citoyenneté canadienne honoraire à Vladimir Kara-Murza. Des députés de tous les partis et des sénateurs de tous les groupes font partie de notre groupe. Cela prouve encore une fois que, lorsqu’une cause est puissante, nous pouvons mettre de côté nos divergences politiques pour unir nos efforts afin de faire ce qui s’impose. Merci, sénateur Dalphond, de nous aider à faire ce qu’il s’impose dans cette enceinte.

Vladimir Kara-Murza est un leader de l’opposition, un défenseur des droits de la personne, un ancien journaliste et, maintenant, un prisonnier politique en Russie. Lors d’un simulacre de procès l’année dernière, il a été condamné à 25 ans de prison. C’est la plus longue peine d’emprisonnement jamais imposée à un dissident politique en Russie depuis le règne de Staline. Pensez-y, sénateurs : le régime russe n’avance pas vers la démocratie et le progrès, mais recule, en fait, vers un passé sombre.

Pendant de nombreuses années, Vladimir Kara-Murza a risqué sa vie pour défendre ses idéaux et lutter pour une Russie libre. Proche de feu Boris Nemtsov, un homme politique de l’opposition, il a travaillé sans relâche pour promouvoir les réformes démocratiques en Russie. Il a participé à l’organisation de manifestations et a plaidé en faveur d’un changement politique, s’exposant souvent à des risques importants et à des menaces personnelles. Il a ainsi failli mourir par deux fois d’empoisonnement, en 2015 et en 2017, en raison de ses activités de défense des droits de la personne. Malgré ces obstacles, il continue d’être une voix éminente et forte pour la démocratie et les droits de la personne en Russie.

Honorables sénateurs, comme l’a souligné le sénateur Dalphond, il a joué un rôle clé. En fait, il a été au cœur de la mise en place des sanctions Magnitski, non seulement au Canada, mais aussi dans le reste du monde. Il s’est exprimé à de nombreuses reprises au Parlement sur la nécessité de cette loi et nous a incités à exiger que les responsables étrangers corrompus rendent mieux compte de leurs actes.

En accordant la citoyenneté d’honneur à M. Kara-Murza, nous pouvons attirer l’attention sur lui, sur ses idéaux et son parcours ainsi que sur les 400 autres prisonniers politiques en Russie.

J’espère que nous pouvons tous comprendre qu’en fin de compte, seuls les Russes eux-mêmes libéreront la Russie. Poutine ne craint personne plus que Vladimir Kara-Murza, car il est la voix que les Russes écoutent.

Nous n’avons accordé la citoyenneté honoraire qu’en de rares occasions, comme le sénateur Dalphond l’a fait remarquer. Je pense que nous l’avons accordé à sept personnes en tout. Bien que le Sénat ait révoqué la citoyenneté d’Aung San Suu Kyi, nous avons agi de manière responsable en accordant la plus haute distinction canadienne qui soit — car il ne s’agit pas d’une véritable citoyenneté, mais d’une citoyenneté honoraire — à des personnes qui incarnent nos idéaux à bien des égards. Recevoir cette distinction permettrait également à M. Kara-Murza, dont la santé est très fragile, de savoir qu’il n’est pas seul, qu’on se préoccupe de lui ailleurs dans le monde, et que ses actes et son courage ne sont pas vains.

Pour conclure, je citerai Vladimir Kara-Murza lui-même : « La nuit, comme vous le savez, est plus sombre avant l’aube. » En lui accordant la citoyenneté honoraire, je crois que nous pourrons lui apporter, ainsi qu’à ses confrères incarcérés, cette promesse de l’aube en ces temps sombres — pour lui, pour sa famille, et pour les citoyens opprimés par le régime russe. Chers collègues, je vous remercie.

L’honorable Julie Miville-Dechêne [ + ]

Honorables sénateurs, je prends brièvement la parole pour appuyer cette motion qui accorde la citoyenneté honoraire canadienne à Vladimir Kara-Murza.

Il s’agit, bien sûr, d’un geste symbolique. Comme femme pragmatique et ancienne journaliste, je ne peux faire autrement que de m’interroger sur les initiatives du genre, qui sont souvent sans lendemain. J’ai donc réfléchi au sens de cette motion et à la valeur de mon appui.

Je vois deux réponses.

La première est une volonté de publiciser la cause de Vladimir Kara-Murza, de contribuer à sa visibilité, de faire connaître son courage, de dénoncer l’injustice dont il est victime, d’accroître ses appuis et de ne pas permettre, dans la mesure du possible, qu’il tombe dans l’oubli et que ses tortionnaires s’en tirent en toute impunité. Vladimir Kara-Murza a la double nationalité russe et britannique; peut-être que notre voix peut inspirer d’autres parlementaires à Londres.

Democracy dies in darkness, comme le dit le Washington Post.

Malheureusement, il fait déjà très noir en Russie. Cette motion est une tentative, modeste, mais légitime, visant à apporter un peu de lumière et à inscrire — ne serait-ce que dans les livres d’histoire — que le combat de cet homme politique, qui est d’abord journaliste, est juste.

L’autre utilité de cette motion concerne moins Vladimir Kara-Murza que nous-mêmes. Le récit de sa résistance à l’intimidation, de son courage infaillible face à ceux qui ont voulu le faire taire, de sa détermination sans limites à se battre pour la vérité et l’intérêt public et de son indépendance sauvage face au pouvoir, aux intérêts économiques et à la propagande ambiante devrait nous inspirer.

Il va sans dire que notre situation de législateurs confortables, vivant dans une société paisible et sécuritaire, n’a rien à voir avec celle de Vladimir Kara-Murza. Nos défis et nos tribulations sont bien modestes, comparativement à son péril. On peut néanmoins espérer que l’héroïsme de Vladimir Kara-Murza nous inspire. Les vertus de courage et de détermination dans la recherche de la vérité ne devraient pas être réservées uniquement aux dissidents russes. Ici aussi, les sirènes du pouvoir et les intérêts particuliers peuvent compromettre notre indépendance et notre engagement authentique envers l’intérêt public.

La valeur exemplaire de Vladimir Kara-Murza dépasse la Russie. La motion d’aujourd’hui, en plus d’attirer l’attention des Canadiens sur son sort, devrait nous rappeler que son combat devrait aussi être le nôtre. J’aimerais, en terminant, citer la fin du plaidoyer de ce héros russe devant un tribunal fantoche, celui-là même qui l’a condamné à 25 ans de prison.

Ce jour viendra aussi inévitablement que le printemps après l’hiver le plus froid. Notre société ouvrira alors les yeux et sera horrifiée par les crimes terribles qui ont été commis en son nom. C’est à partir de cette prise de conscience, de cette réflexion, que s’ouvrira le long, difficile mais vital chemin vers le redressement et la restauration de la Russie, vers son retour dans la communauté des pays civilisés.

Aujourd’hui encore, même dans l’obscurité qui nous entoure, même assis dans cette cage, j’aime mon pays et je crois en notre peuple. Je crois que nous pouvons suivre ce chemin.

L’honorable Andrew Cardozo [ + ]

Honorables sénateurs, compte tenu de l’heure tardive, je n’ajouterai pas grand-chose à part le fait que j’appuie totalement cette motion. Elle a bien entendu été portée à mon attention par le parlementaire remarquable qu’était l’honorable Irwin Cotler. D’autres sénateurs ont parlé avec une grande éloquence de ce sujet, que j’appuie de tout cœur. Il est important que les parlementaires se portent à la défense des droits de la personne de toutes les manières possibles, et c’est une manière très concrète de le faire. Merci.

L’honorable Leo Housakos [ + ]

Honorables sénateurs, je suis également très fier et heureux de prendre la parole et d’appuyer personnellement et au nom du caucus conservateur cette initiative du sénateur Dalphond. Je suis très heureux de constater que nous avons un regain d’enthousiasme pour les droits de la personne au Sénat du Canada, et ce, en toute collégialité. Je suis heureux de travailler avec les sénateurs Dalphond, Omidvar et Miville-Dechêne, ainsi qu’avec tous ceux qui reconnaissent évidemment le sort de Vladimir Kara-Murza.

Nous savons tous qu’il est un homme politique, un journaliste, un défenseur de la démocratie et de la liberté, qu’il a reçu le Civil Courage Prize, qu’il est membre du Centre Raoul-Wallenberg pour les droits de la personne et qu’il a été reconnu par Amnistie internationale pour son travail de défense des droits de la personne et de lutte contre l’autoritarisme, mais plus important encore, c’est un fils, un mari et un père. Au bout du compte, il est en prison et sa vie a été mise en danger, car il a fait l’objet de deux tentatives d’assassinat pour le simple fait d’avoir fait ce que nous devrions faire et ce que nous faisons régulièrement ici : prendre la parole et remettre en question un gouvernement lorsqu’il dépasse les bornes, remettre en question les politiques publiques dans une démocratie, critiquer son gouvernement, remettre en question une guerre scandaleuse, une crise contre l’humanité avec ce qui se passe en Ukraine à cause de ce que fait ce régime brutal et tyrannique.

Évidemment, nous offrons notre soutien en reconnaissant et en soulignant les difficultés que vit Vladimir Kara-Murza. Ce serait un honneur pour le Canada de décerner le titre de citoyen canadien honoraire à ce gentleman.

Notre démarche est noble — et bien entendu, la Chambre des communes y travaille également depuis des mois —, mais je me demande pourquoi c’est si long. J’applaudis les efforts d’Irwin Cotler, excellent ex-parlementaire et défenseur des droits de la personne, ainsi que de Bill Browder. Toutefois, leur intervention n’aurait pas dû être nécessaire pour pousser le gouvernement à faire ce qu’il aurait dû faire il y a des mois. L’excellent parlementaire qui s’est battu pour ses principes ici est le député Tom Kmiec, qui a proposé cette motion à la Chambre des communes au début avril. Il l’a proposée avec l’appui du député James Bezan, car, chers collègues, comme je l’ai déjà dit, les droits de la personne ne devraient pas être une question partisane. Ils devraient constituer une valeur fondamentale et un principe de la société canadienne. Nous devons toujours défendre la liberté, la démocratie, la primauté du droit et les droits de la personne, car ces valeurs définissent le Canada.

La situation n’a jamais été plus précaire pour la démocratie qu’en 2023. Les régimes démocratiques sont contestés partout dans le monde, et, bien souvent, nous restons les bras croisés à notre propre péril et par notre faute parce que nous avons adopté une approche quelque peu transactionnelle en ce qui concerne nos valeurs. Il fut une époque où des Canadiens mourraient sur les côtes de l’Europe au nom de la liberté, mais, aujourd’hui, nous sommes prêts à vendre des drones à un pays qui tue des gens en Artsakh ou qui bloque des corridors à Latchin en empêchant l’acheminement de nourriture et de médicaments vers des populations. Nous permettons à des gouvernements, encore une fois pour des raisons transactionnelles, de s’abstenir de voter pour reconnaître la situation du peuple ouïghour. Nous sommes prêts à fermer les yeux sur toutes ces personnes qui sont en prison et toutes celles qui luttent pour la démocratie à Cuba parce que, vous savez, quelques compagnies du Canada envoient des avions remplis de Canadiens pour se prélasser sur les plages à faible coût. Lorsque nous faisons de telles choses pour quelques millions de dollars ou quelques centaines de millions de dollars, nous sacrifions l’identité de notre nation.

Lorsque Tom Kmiec et James Bezan présentent une motion à un comité de la Chambre des communes pour offrir la citoyenneté honoraire à Vladimir Kara-Murza, motion qui a l’appui des conservateurs, du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois, le pouvoir exécutif devrait y donner suite automatiquement. Il ne devrait pas la modifier, honorables collègues, mais c’est ce qu’il a fait, en avril, en proposant essentiellement qu’on lance un message de condamnation et de solidarité. Pourquoi reculer ainsi à l’égard d’une motion qui va de soi? C’est une proposition qui va de soi pour tous les sénateurs. Pourquoi le gouvernement se montre-t-il aussi hésitant? Pourquoi hésite-t-il à dénoncer cette situation, surtout après tous nos efforts pour soutenir la cause de l’Ukraine?

Il a fallu attendre trois mois. Il a fallu qu’Irwin Cotler et Bill Browder interviennent en disant au gouvernement que ce n’est pas un enjeu partisan, que c’est une question d’humanité et de droits de la personne.

Je les félicite de cette intervention, mais nous devons rester vigilants et nous demander pourquoi on accorde plus d’importance à la situation de Vladimir Kara-Murza qu’à celle des Ouïghours. Je rappelle aux sénateurs que le Sénat a voté contre une motion visant à reconnaître que les Ouïghours sont victimes d’un génocide.

Nous avons également le pouvoir exécutif du gouvernement qui ignore les motions de la Chambre des communes demandant au gouvernement d’inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des groupes terroristes. Une fois de plus, dans ce nouvel enthousiasme à soutenir les droits de la personne, la sénatrice Omidvar a présenté la semaine dernière, au nom du Sénat, une motion fantastique demandant l’inscription du Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des groupes terroristes. Nous avons soutenu cette motion à l’unanimité, mais pas le gouvernement, n’est-ce pas? Il y avait de la dissidence au gouvernement, qui n’a pas appuyé la motion.

Les sénateurs Dalphond et Omidvar, l’ancien ministre Cotler et Bill Browder vont-ils demander au leader du gouvernement au Sénat de prendre la parole pour appuyer à l’unanimité cette demande légitime pour que Vladimir Kara-Murza obtienne la citoyenneté honoraire? En fin de compte, le Parlement exprime la volonté du peuple, en particulier la Chambre des communes où les députés sont élus. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et respecter la volonté du peuple. Ainsi, peu importe la motion, comme nous l’avons vu à maintes reprises, avec la volonté du Parlement, peu importe si nous demandons l’inscription du Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des groupes terroristes ou que nous reconnaissons que ce qui se passe avec les Ouïghours est un génocide, ou s’il s’agit d’une simple motion réclamant une enquête publique, ces motions obtiennent le soutien de la majorité à la Chambre des communes, mais le gouvernement dit : « Rien ne nous oblige à honorer cette motion. »

Cela remet en question, sénateur Dalphond, toutes ces motions. Pourquoi faisons-nous tout cela? Nous ne le faisons pas simplement pour être une chambre d’écho ou pour publier un communiqué disant : « Regardez comme nous sommes nobles. » C’est très bien. La noblesse est une chose fantastique, mais si elle n’est pas accompagnée de mesures et d’un soutien tangible de la part de la Couronne, de notre pouvoir exécutif, tout cela est vain. En fin de compte, lorsque nous présentons des motions comme celle-ci, si nous n’avons pas la certitude qu’elles seront suivies par des gestes... Nous avons maintenant une motion concrète de M. Kmiec qui a été soutenue à l’unanimité il y a quelques jours à la Chambre des communes. J’espère qu’elle sera soutenue à l’unanimité, et non avec dissidence, au Sénat. On ne peut pas demander un appel à l’action plus unanime au Parlement. J’espère que le gouvernement agira rapidement.

Chers collègues, ce n’est pas la première fois que des gouvernements interviennent pour décerner une citoyenneté honoraire à de grands défenseurs des droits de la personne. Cela s’est déjà produit. Cela ne s’est peut-être pas produit au cours des huit dernières années, mais cela s’est déjà produit. Ce fut le cas en 2014, quand Malala Yousafzai a reçu la citoyenneté honoraire; l’Aga Khan a reçu la citoyenneté honoraire en 2010; le dalaï-lama, en 2006; Nelson Mandela, en 2001, et nul autre que Raoul Wallenberg l’a reçue en 1985.

J’espère que cette motion sera adoptée à l’unanimité et que ce regain d’enthousiasme pour les droits de la personne n’est pas un phénomène isolé. En outre, j’espère que, en ce qui concerne les droits de la personne, nous mettrons de côté notre politique partisane et nous travaillerons à l’unisson.

La semaine dernière, Benedict Rogers, directeur général de Hong Kong Watch, m’a demandé : « Que fait votre pays en matière d’ingérence étrangère? » Soit dit en passant, chers collègues, la Russie est l’un des principaux coupables en matière d’ingérence étrangère. C’est l’un des principaux coupables derrière les cyberattaques lancées contre notre pays pour ce qui est de la manipulation des médias sociaux. À l’heure actuelle, nous savons que des oligarques dirigent des exploitations minières dans ma province, le Québec, et notre ministre des Affaires étrangères n’a pas encore pris de mesures pour faire cesser leurs activités. Cette affaire a fait la une des journaux il y a quelques mois. Nous avons posé des questions à ce sujet à la Chambre. J’aimerais que le gouvernement prenne des mesures concrètes contre le régime russe, qu’il mette en place les sanctions au titre de la loi de Magnitski et qu’il accorde la citoyenneté honoraire à des personnes méritantes comme Vladimir Kara-Murza, mais qu’il aille plus loin et qu’il interdise à tous les oligarques d’entrer au Canada et de se servir de notre pays comme d’un guichet automatique.

Ce que j’essaie de dire, c’est que lors de son passage ici la semaine dernière, Benedict Rogers a dit : « Ottawa est le seul endroit où des enjeux comme le génocide des Ouïghours et l’ingérence étrangère sont des enjeux partisans. Pourquoi? À Washington, à Londres, à Paris, en Australie et dans toutes les autres démocraties occidentales, les gens cherchent à régler la question de l’ingérence étrangère et à déterminer comment les démocraties occidentales pourraient devenir, une fois de plus et de façon tangible, des défenseurs des droits de la personne, au lieu d’avoir une politique étrangère transactionnelle. » Il a dit : « Le seul endroit où je suis allé où cela semble être un enjeu partisan. » Je n’ai rien pu répondre, car il n’y a aucune explication. Je ne pourrais vraiment pas affirmer sérieusement que le gouvernement du Canada, peu importe le parti au pouvoir, est favorable aux régimes autoritaires. Il m’apparaît évident soit que les gouvernements tentent d’avoir une approche transactionnelle et de faire passer les intérêts économiques avant les droits de la personne, soit qu’ils sont incompétents ou ambivalents. Dans un cas comme dans l’autre, cela ne peut pas continuer.

Chers collègues, je sais que j’ai parlé un peu trop longtemps, étant donné l’heure, mais il s’agit d’un enjeu qui me tient à cœur et qui a aussi, je crois, de l’importance pour Vladimir Kara-Murza et pour tous les prisonniers politiques de notre pays. Qu’ils soient en Turquie, en Chine, en Russie ou en Iran, nous avons l’obligation de défendre ce qui est juste et bien. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

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