Le Code criminel
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat
6 février 2020
Propose que le projet de loi S-207, Loi modifiant le Code criminel (divulgation de renseignements par des jurés), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-207, dont je suis le parrain.
Je profite de l’occasion pour remercier du fond du cœur la sénatrice Moncion pour sa grande collaboration, et particulièrement pour avoir partagé le côté humain de son expérience en tant qu’ancienne membre d’un jury. Merci beaucoup, sénatrice.
Ce projet de loi, intitulé Loi modifiant le Code criminel (divulgation de renseignements par des jurés), vise à mettre de l’avant une recommandation importante émise par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Dans son rapport intitulé Mieux soutenir les jurés au Canada, qui a été rendu public en mai 2018, le comité a émis la recommandation no 4 portant sur l’assouplissement de la règle du secret des délibérations, qui dit ce qui suit :
Que le gouvernement du Canada modifie l’article 649 du Code criminel afin que les jurés soient autorisés à discuter des délibérations avec des professionnels de la santé mentale désignés une fois que le procès est terminé.
Cette recommandation, faut-il le rappeler, avait été appuyée par tous les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne lors de la 42e législature, et ce, peu importe leur allégeance politique. Ce rapport faisait suite à une étude de huit jours sur la question.
J’ajouterais que ce projet de loi est basé sur des considérations humaines. Les jurés forment la base de notre système de justice. Ils doivent être appuyés autant que les criminels.
Plus tard, le 29 octobre 2018, le député de St. Albert—Edmonton, Michael Cooper, a déposé le projet de loi C-417 à la Chambre des communes, qui a appuyé unanimement ce projet de loi. Le projet de loi s’est rendu au Sénat à l’étape de la deuxième lecture, où il est mort au Feuilleton lors de la dissolution du Parlement en septembre dernier. Le projet de loi S-207, que j’ai déposé le 13 décembre dernier, reprend les éléments contenus dans le projet de loi C-417 de Michael Cooper.
Le projet de loi S-207 porte sur un enjeu non partisan qui a déjà été étudié en profondeur à l’autre endroit. Ce projet de loi modifie le Code criminel afin de prévoir que l’interdiction de divulgation de tout renseignement relatif aux délibérations d’un jury ne s’applique pas, dans certaines circonstances, à la divulgation de renseignements par des membres d’un jury à des professionnels de la santé.
Nous le savons tous, la santé mentale des jurés est un dossier qui transcende les allégeances politiques. Ce projet de loi contribuera à bâtir un système de justice plus humain, en plus d’aider nos jurés, c’est-à-dire celles et ceux qui servent le système de justice du pays. Nous avons le devoir de travailler en commun pour leur venir en aide.
Comme le disait M. Mark Farrant, un ancien juré qui milite pour les droits de tous les jurés au Canada :
Le devoir de juré est la pierre angulaire de notre système de justice. Les jurés sont souvent exposés à des preuves troublantes et graphiques. Il est juste de dire que le devoir de juré n’a pas suivi le rythme des exigences croissantes de notre monde moderne et ma mission est de demander des changements. Ce projet de loi, qui est un simple amendement au Code criminel, fera une énorme différence pour les jurés qui cherchent de l’aide après la fin de leur procès.
Au cours de l’étude, le Comité de la justice a entendu le témoignage d’anciens jurés dont la vie a changé à jamais après avoir rempli leur devoir civique. En raison de témoignages perturbants qu’ils ont entendus lors de procès horribles, d’anciens jurés ont souffert de problèmes de santé mentale, y compris des troubles de stress post-traumatique.
Plusieurs anciens jurés sont devenus ce que j’appellerais des « victimes » de notre système de justice, parce que ce système leur interdit d’aller chercher de l’aide pour obtenir une thérapie efficace.
Selon les anciens jurés qui ont témoigné, la règle du secret qui s’applique actuellement aux jurés en vertu du Code criminel les empêche d’obtenir les services de santé mentale dont ils ont tant besoin. En effet, selon l’article 649 du Code criminel, tout juré qui divulgue pendant sa vie tout renseignement relatif aux délibérations du jury, même à un professionnel de la santé mentale, commet une infraction.
Être juré dans un procès criminel — pensons à celui du criminel Paul Bernardo — peut devenir l’un des moments les plus stressants, sinon le plus stressant dans la vie d’un juré. Pensons, notamment aux chocs post-traumatiques. Ce matin, j’étais en compagnie de Mme Tina Daenzer, une jurée qui a siégé lors du procès de Paul Bernardo. Elle m’a raconté toute la souffrance post-traumatique qui envahit ceux et celles qui ont voulu servir la justice en assumant les responsabilités de juré dans le cadre de procès criminels.
Voilà précisément ce que le projet de loi vise à changer en établissant une exception limitée à la règle du secret, afin que les anciens et les nouveaux jurés qui ont des problèmes de santé mentale qui sont une conséquence de leurs fonctions puissent parler de tous les aspects de ce rôle à un professionnel de la santé.
L’intégrité de la règle du secret serait protégée parce que, encore une fois, la divulgation se ferait dans un contexte strictement confidentiel après le procès auprès de professionnels qui sont également liés au secret professionnel.
Cependant, cette exception permettrait aux anciens jurés d’aborder des sujets essentiels avec un professionnel de la santé afin d’obtenir le soutien dont ils ont besoin et auquel ils ont droit. Si une seule modification au Code criminel pouvait faire l’unanimité, ce serait très certainement l’amendement proposé dans ce projet de loi.
Pensez à une personne qui est membre d’un groupe de 12 jurés qui regardent, entendent des enregistrements, voient des photos de meurtres, d’agressions violentes ou d’autres crimes atroces. Toute cette expérience peut être dévastatrice sur le plan de la santé mentale. Ces personnes protègent, en quelque sorte, notre société des criminels qui font l’objet de ces procès. Elles sont le rempart qui protège le public des détails les plus sanglants et troublants qui entourent des crimes comme ceux qui ont été commis par Paul Bernardo.
Réfléchissons au sort des 12 personnes appelées à former un jury. Elles prennent leurs fonctions sans aucune formation, sans préparation psychologique et sans expérience. Elles sont plongées dans un univers macabre. Puis, après qu’elles ont été séquestrées et qu’elles ont délibéré, et après le jugement, le système de justice les renvoie tout bonnement chez elles, démunies et sans aucune aide. Je pense aujourd’hui tout particulièrement aux jurés qui ont siégé lors du procès du meurtrier de ma fille, Julie. Ces personnes ont été confrontées à des détails qui dépassent toute forme d’humanité. C’est ce que j’appelle survivre à l’innommable.
Par conséquent, il faut maintenant tout faire pour que le projet de loi progresse au Sénat. J’ai bon espoir que ce projet de loi ralliera le soutien de tous mes collègues du Sénat, peu importe leur allégeance politique. Je remercie encore une fois du fond du cœur l’honorable sénatrice Moncion, qui appuie sans réserve ce projet de loi et qui a un intérêt particulier pour celui-ci en raison de son expérience passée.
Comme le disait la sénatrice Moncion :
Lors de la dernière législature, tant les juristes, les professionnels de la santé mentale que les députés des deux côtés de la Chambre des communes ont appuyé ce projet de loi, dont le bien-fondé transcende la partisanerie. Considérant l’intérêt que suscite le changement proposé, il m’apparaît essentiel que cette législation chemine au Sénat dans un esprit de collaboration.
Honorables sénateurs, je vous exhorte aujourd’hui à adopter ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture le plus rapidement possible, afin qu’il soit étudié en comité.
Je vous remercie.
Honorables collègues, je m’adresse à vous aujourd’hui en qualité de porte-parole du projet de loi S-207, Loi modifiant le Code criminel (divulgation de renseignements par des jurés). Le projet de loi met en œuvre l’une des principales recommandations du vingtième rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes en ce qui concerne l’assouplissement de la règle du secret des délibérations. Dans son rapport intitulé Mieux soutenir les jurés au Canada, le Comité de la justice proposait, dans sa recommandation no 4, « que le gouvernement du Canada modifie l’article 649 du Code criminel afin que les jurés soient autorisés à discuter des délibérations avec des professionnels de la santé mentale désignés une fois que le procès est terminé. »
À l’heure actuelle, la règle du secret du délibéré interdit indéfiniment à un juré de divulguer à quiconque tout renseignement relatif aux délibérations. Dans le cadre de ce discours, je vous ferai part des conséquences de cette règle sur la vie et le bien-être des jurés en partageant avec vous des témoignages d’anciens jurés ainsi que le mien. J’ai moi-même été sélectionnée pour agir à titre de jurée dans un procès pour meurtre au premier degré. Je ferai également le point sur l’opinion qu’ont les juristes et les experts en santé mentale relativement au projet de loi.
J’aimerais souligner d’emblée — et le sénateur Boisvenu l’a mentionné il y a quelques instants — que tant les juristes, les professionnels de la santé mentale et les membres de toutes les allégeances politiques siégeant au Comité de la justice de l’autre endroit souscrivaient à l’objet et au texte du projet de loi lors de la 42e législature. Notons également que le projet de loi avait franchi avec succès toutes les étapes à la Chambre des communes. C’est d’ailleurs dans cet esprit que j’envisage le progrès de ce projet de loi dans cette Chambre.
Qu’en est-il de l’opinion des juristes par rapport au projet de loi S-207? Lors de son témoignage devant le Comité de la justice, la professeure Vanessa McDonnell, membre de l’Association des avocats de droit criminel, expliquait que le fait d’introduire une exemption bien circonscrite à la règle du secret du délibéré ne viendrait miner d’aucune manière le caractère définitif des décisions en délibéré, la préservation de l’intégrité du processus ainsi que la protection des jurés contre les harceleurs potentiels. Puisqu’il s’agit d’une recommandation unanime des membres du Comité de la justice, il est d’autant plus manifeste que cette règle peut être modifiée en ce sens, en toute conformité avec les principes juridiques qui la sous-tendent.
L’article 649 du Code criminel prévoit ce qui suit :
Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire tout membre d’un jury [...] [qui] divulgue tout renseignement relatif aux délibérations du jury [...]
On remarque tout de suite que cette disposition est dépourvue de considérations pour le bien-être et la santé mentale des jurés. Les modifications que l’on propose d’apporter au Code criminel par l’intermédiaire du projet de loi S-207 créent une exception afin de permettre aux jurés de divulguer des informations relatives aux délibérations à un professionnel de la santé mentale après la tenue du procès.
Les juristes s’entendent donc pour dire que cette exception, bien précise, ne compromet pas l’essence ni la fonctionnalité de la règle du secret des délibérations au sein de notre système judiciaire.
En ce qui a trait à la question du partage des compétences, le Comité de la justice de l’autre endroit reconnaît que la réglementation des jurys est un domaine de compétence que l’on attribue a priori aux provinces et aux territoires. Effectivement, l’administration de la justice relève des provinces, en vertu de l’article 92(14) de la Loi constitutionnelle de 1867. Néanmoins, cette compétence provinciale est limitée notamment en ce qui a trait au droit criminel, une compétence fédérale en vertu de l’article 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867. Cela explique donc l’étendue et la portée du projet de loi S-207, qui modifie un article bien spécifique du Code criminel dans le respect du partage des compétences.
Notons que l’État de Victoria, en Australie, a inscrit une exception semblable dans sa législation afin de résoudre cette situation problématique. Les recommandations du rapport du Comité de la justice s’inspirent en partie de cet exemple.
Afin de mieux comprendre l’importance du projet de loi S-207 pour les anciens jurés, je mentionnerai quelques procès qui ont été fort médiatisés. Ces exemples nous permettent de mieux comprendre les répercussions que le rôle de juré peut avoir sur des Canadiennes et des Canadiens ordinaires.
Prenons le cas de Kristen French et de Leslie Mahaffy. Imaginez que vous êtes assis sur un banc de juré. La pièce à conviction qu’on vous présente est la vidéo des tortures, du viol et du meurtre de ces deux adolescentes.
Prenons le cas de la petite Victoria Stafford, ou encore celui de Tim Bosma. On vous présente les photos de leur corps mutilé, le rapport d’autopsie et les détails liés à la cause de leur décès.
Dans l’exercice du devoir civique de juré, on est exposé à des images choquantes, à des détails sordides et à l’immense souffrance des victimes. On découvre l’horreur de leur mort et on peut ressentir beaucoup d’angoisse. Des torts inqualifiables sont faits aux êtres humains. En tant que membre d’un jury, il est interdit de discuter de la preuve avec les autres jurés ou avec les membres de sa famille pendant toute la durée du procès qui précède les délibérations du tribunal. Cette période peut sembler interminable, surtout si le procès est long. La salle des jurés est le seul endroit où il peut parler de la preuve, mais, comme il se trouve avec des étrangers, il exprime très peu de sentiments personnels et d’émotions. Tout ce qu’un juré a vu et entendu est gravé dans sa mémoire et y restera jusqu’à la fin de ses jours.
Le juré est confronté à l’accusé. Pendant toute la durée du procès, il partage la salle d’audience avec la personne accusée qu’il voit tous les jours. Il peut ressentir du dégoût, de la colère et de l’anxiété. Il peut développer des craintes et un malaise en ce qui concerne sa sécurité personnelle et celle de sa famille.
Vous devez être disponible pendant toute la durée du procès et être capable de comprendre et d’interpréter l’énorme quantité d’informations qui vous sont fournies pendant les procédures. À la fin du procès, vous devez garder tout cela pour vous.
À l’heure actuelle, nos tribunaux créent des victimes, les jurés, en plus de les dépouiller des moyens qui leur permettraient de remédier aux préjudices qu’ils ont subis dans le cadre d’une obligation civique. Ces lacunes associées à la règle du secret du délibéré affectent négativement la perception du public par rapport au système de justice canadien. Nous demandons à des Canadiennes et à des Canadiens ordinaires d’assumer une fonction inhérente au système de justice sans toutefois les préparer ou les outiller afin qu’ils puissent faire face aux horreurs auxquelles ils sont exposés.
Il est primordial que les anciens jurés puissent se prévaloir des soins et des services de santé essentiels dont ils pourraient avoir besoin. Par conséquent, le fait d’introduire cette exemption à l’article 649 du Code criminel permettrait de rehausser la confiance du public envers le système judiciaire tout en veillant au mieux-être de nos jurés. Le rapport intitulé Mieux soutenir les jurés au Canada, qui a été adopté à l’unanimité à l’autre endroit, contenait plusieurs recommandations qui font écho aux témoignages d’anciens jurés ayant éprouvé des problèmes de santé mentale, d’anxiété, de stress post-traumatique et des difficultés dans leurs relations interpersonnelles, à la suite de l’exercice de leur fonction de juré.
Permettez-moi de vous faire part de quelques témoignages recueillis par le comité. M. Patrick Fleming, un ancien juré qui avait témoigné à titre personnel devant le comité de l’autre endroit, a partagé d’autres effets pervers liés à la règle du secret du délibéré. Il disait, et je cite :
Je me suis senti isolé de ma famille et de mes amis. Je prenais mes distances, et je ne pouvais pas parler de ce que je traversais [...] Je me sentais coupable de ne pas être émotionnellement et physiquement présent pour ma famille.
Un autre ancien juré, M. Daniel Cozine, expliquait ce qui suit devant le comité :
[...] le procès a duré trois semaines pendant lesquelles on est loin de tout. Il y a donc des répercussions sur la vie familiale, pendant ces trois semaines, pas seulement pour soi, mais pour la conjointe, le conjoint et la famille. Et cela ne comprend pas le temps, beaucoup plus long, qu’on met après le procès pour retrouver ses repères.
Il convient de noter que la majorité des témoins ayant comparu devant le Comité de la justice étaient là à titre personnel, car, à l’époque, aucune organisation et aucun groupe d’intérêt n’était présent pour représenter les jurés. Les témoins avaient la responsabilité de se mobiliser pour faire valoir leurs droits et expliquer les problèmes liés à leur expérience. Depuis, il y a eu la création de la commission canadienne des jurys, un programme national visant à adopter une approche collective à l’égard de cet enjeu.
J’aurais pu servir de témoin à ce comité en y racontant ma propre histoire. En 1989, j’ai été appelée à exercer mon devoir de citoyenne dans un procès pour meurtre au premier degré. Ce procès de deux mois aura été pour moi une plateforme d’apprentissage exceptionnelle du domaine de la justice criminelle et un lieu d’échange où la collaboration entre « étrangers » de compétences diverses et provenant de milieux différents pouvait mener à un verdict unanime.
Au cours du procès, nous avons entendu des témoins, recueilli des pièces à conviction, vu des photographies de la victime, reçu différents rapports, dont celui de l’autopsie et ceux des policiers qui ont travaillé sur ce dossier.
Je vous invite encore une fois à vous imaginer dans cette situation. Vous êtes assis sur le banc des jurés. On vous montre des photos de la victime : il a été trouvé étendu sur le côté, du gazon dans les mains comme si c’était sa dernière chance de survie. Vous ressentez sa douleur, mais vous vous sentez également impuissants. Vous ne regardez pas un film. Ce n’est pas de la fiction. Il s’agit d’un être humain. On vous montre les blessures par balles. Il y en a six : deux d’un fusil de chasse à canon scié de calibre 12 et quatre d’une arme de poing de calibre .22. Ensuite, on vous montre des photos de l’autopsie de la victime. On vous explique qu’il est mort de blessures internes, noyé dans son propre sang. Je pourrais continuer en parlant des points d’impact des balles et des dommages qu’elles ont faits, mais je pense que vous avez compris.
Pendant les délibérations, nous avons passé plusieurs jours en isolement, sans pouvoir communiquer avec nos familles. C’était particulièrement difficile pour une maman de deux enfants de 3 et 5 ans. De plus, au moment de partir, le juge nous a informés que l’article 649 du Code criminel nous interdisait indéfiniment de divulguer tout renseignement relatif aux délibérations du jury. Une telle infraction entraînerait des poursuites.
Ce procès s’est terminé un samedi après-midi. Je reprenais le cours de ma vie, là où je l’avais laissé deux mois plus tôt. Je n’étais plus la même personne. Bien que positive, cette expérience a laissé des traces et créé chez moi des peurs profondes, qui ont mené à un stress post-traumatique. Ce problème, je m’y suis arrêtée 12 ans plus tard, lorsque j’ai fait ma formation en programmation neurolinguistique. Grâce à cette formation, j’ai pu trouver l’origine de mes peurs profondes, mieux comprendre leur impact et la spontanéité de mes réactions et remédier à mon stress post-traumatique sans toutefois divulguer les détails des délibérations du procès. Vous pouvez d’ailleurs constater que j’en suis encore affectée aujourd’hui.
Mais seulement quand on en parle, par contre.
Dans le cadre de l’étude de ce projet de loi, j’ai rencontré un ancien juré, M. Mark Farrant, qui m’a raconté son histoire, les troubles de santé mentale avec lesquels il vit maintenant depuis cinq ans et le peu de ressources auxquelles il a accès. Mark est un combattant, une personne vigoureuse. Il mène une croisade personnelle afin de revendiquer des droits pour les anciens jurés. J’ai choisi de l’aider à atteindre son objectif.
La commission canadienne des jurys, dont j’ai parlé plus tôt, est un organisme sans but lucratif mis sur pied par Mark en 2019. Le mandat de cette commission s’appuie directement sur certaines des recommandations formulées dans le 20e rapport du Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes sur l’amélioration du soutien offert aux jurés au Canada.
Bien que cet organisme n’ait pas encore de financement, il poursuit la mise en place de son programme et travaille directement avec de nombreuses parties prenantes; il est en bonne voie d’atteindre ses objectifs. Ainsi, la commission canadienne des jurys travaille actuellement en collaboration avec l’Association canadienne pour la santé mentale afin de mettre en place un programme de soutien par les pairs pour les jurés dans le cadre duquel on formera d’anciens jurés pour que les autres jurés puissent les consulter. On sait déjà que les délibérations constituent une grande source de stress pour bien des jurés, d’où l’importance du projet de loi S-207, qui permet à cet organisme de s’attaquer à un important problème efficacement et sans limites.
Mark fait partie d’un groupe d’anciens jurés qui sont prêts à témoigner afin de raconter leur histoire. Ces personnes veulent que le système de justice canadien cesse de faire des victimes et qu’il permette aux citoyens qui assument leurs responsabilités civiques d’avoir accès aux services des professionnels de la santé. Qu’en est-il de l’opinion des professionnels de la santé par rapport au projet de loi S-207?
Manifestement, les personnes qui exercent la fonction de juré peuvent développer des troubles d’anxiété, de stress post-traumatique, de dépression ou encore des problèmes dans leurs relations interpersonnelles. Pourtant, l’expérience de juré, dans la plupart des provinces, s’exécute sans aucune considération ayant trait au bien-être de ceux-ci.
Permettez-moi de donner des exemples de ce que les jurés doivent subir. D’abord, les jurés peuvent être exposés à des éléments de preuve dérangeants. Ils peuvent vivre des situations stressantes lorsqu’ils croisent l’accusé à l’entrée du palais de justice ou dans le stationnement. Ils peuvent se sentir coupables de ne pas pouvoir en arriver au verdict souhaité par la victime ou sa famille ou devenir eux-mêmes victimes de l’acharnement des médias si le verdict rendu ne faisait présumément pas en sorte que la personne lésée ait obtenu justice. En outre, les jurés peuvent être séquestrés pendant de longues périodes, parfois pendant des semaines. Pendant la séquestration, ils perdent l’accès à leur réseau de soutien, que ce soit leur famille ou leurs amis, et ils peuvent se sentir mal d’avoir à quitter leur conjoint et leurs enfants pendant plusieurs semaines.
Ces situations peuvent expliquer pourquoi certains ex-jurés développent des troubles de santé mentale. D’ailleurs, M. Patrick Baillie, qui est venu témoigner au Comité de la justice, a confirmé que les jurés pouvaient souffrir de symptômes de troubles du stress post-traumatique comme l’anxiété, la dépression, l’anorexie, l’insomnie et d’autres symptômes nerveux. C’est ce que nous révèlent les données scientifiques. Les recherches montrent également que le processus de délibération peut être la partie la plus difficile et stressante du travail de juré.
Comment les jurés, à la fin d’un procès, peuvent-ils gérer adéquatement des troubles mentaux lorsque la dernière instruction donnée par le juge consiste à leur rappeler qu’ils ne peuvent parler des délibérations à personne? Plusieurs professionnels de la santé s’entendent également pour dire que la règle du secret du délibéré, telle qu’elle est en vigueur aujourd’hui, restreint la recherche de l’étude des conséquences de la fonction de juré sur la santé mentale des individus.
La règle du secret du délibéré empêche donc le progrès et les anciens jurés ont un fardeau d’autant plus grand s’ils souhaitent faire valoir leur cause, puisqu’ils sont les seuls véritables détenteurs de la connaissance dans le domaine. Plus encore, il arrive que la règle du secret du délibéré empêche carrément qu’un ancien juré puisse recevoir les services d’un professionnel de la santé.
Mark Farrant qui souffre d’un stress post-traumatique causé par son expérience de juré, m’a indiqué s’être fait refuser à maintes reprises les services d’un professionnel de la santé mentale. Les professionnels de la santé, en toute connaissance de cause et de l’état du droit en ce qui a trait à cette règle, ont adapté leurs pratiques au détriment de la santé mentale et du bien-être des anciens jurés.
Le fait qu’un régime juridique ait pour effet de refuser l’accès à des services de santé essentiels à une portion de la population est grandement problématique. La loi, plutôt que la profession, doit être blâmée pour cette situation aberrante. Cette expérience, qui est partagée par d’anciens jurés, n’est qu’un exemple parmi d’autres des failles associées à la latitude excessive relative à la règle du secret du délibéré.
À la lumière de ces témoignages, nous pouvons assurément conclure que le projet de loi S-207 est un premier pas dans la bonne direction du point de vue des professionnels de la santé mentale. Force est de constater que le projet de loi S-207 s’attaque à un problème qui dépasse la partisanerie, c’est-à-dire la santé mentale des jurés au Canada.
En permettant la divulgation d’informations relatives au procès à un professionnel de la santé mentale, le projet de loi S-207 cible et remédie à l’une des principales difficultés auxquelles sont confrontés de nombreux jurés après un procès. La fonction de juré est fondamentale à notre système de justice. Outre le fait qu’il s’agit d’un devoir civique qui est parfois même nécessaire à l’exercice des droits fondamentaux de l’accusé, la formation d’un jury constitue une façon d’amener la perspective des membres du public dans l’engrenage du système judiciaire et d’assurer une certaine représentativité de la société civile au sein des tribunaux.
L’exercice de la fonction de juré ne devrait toutefois pas se faire au détriment de la santé mentale ou du bien-être des citoyens qui y sont convoqués. Quoique crucial, le projet de loi S-207 n’est qu’un premier pas dans la bonne direction. En vertu du partage des compétences, la réforme du système de justice en ce qui a trait au bien-être des jurés doit se faire en partie par les parlements des provinces et des territoires.
Permettez-moi ici de suggérer dans ce discours une solution provisoire qui est en place dans certaines provinces et qui pourrait venir en aide aux jurés. Il s’agit de donner accès aux jurés à des sessions de débreffage, ce qui leur permettrait ainsi d’échanger, d’exprimer et de mieux comprendre les émotions qui les habitent tout en étant supervisés par des professionnels de la santé mentale. Le processus collectif mènerait à l’atténuation des émotions et pourrait permettre aux jurés libérés de leurs fonctions de mieux reprendre le cours normal de leur vie.
Pour ceux qui auraient besoin d’une aide ponctuelle, l’accès à des services et à des professionnels de la santé mentale leur permettrait de retrouver l’équilibre et de guérir. Toutes les situations permettant aux anciens jurés de s’exprimer favorisent la guérison. Ces déclarations, qui peuvent être verbales ou écrites, décrivent les dommages psychologiques subis après avoir expérimenté des événements traumatisants qui ont placé directement ou indirectement les jurés dans des situations où ils sont devenus des victimes.
Dans mon cas, être choisie jurée numéro 1 dans une cause de meurtre au premier degré m’a placée dans une situation où je suis devenue une victime du système pénal. Je devais accomplir mon devoir de citoyenne et je n’avais pas le choix. Une session de débreffage m’aurait peut-être permis d’alléger ce fardeau, de mieux comprendre les émotions qui m’ont habitée pendant plusieurs années, à savoir l’impuissance face à des situations répugnantes, la colère par rapport à des actes répréhensibles et le désarroi que j’ai éprouvé face à une société qui banalise ces actes.
Le projet de loi S-207 n’aborde pas cette situation problématique, mais le gouvernement fédéral doit toujours, de sa propre initiative, tenter d’encourager les provinces et les territoires à offrir de tels services, notamment par l’exercice de son pouvoir de dépenser et par la mise sur pied de programmes offrant du financement aux organismes qui œuvrent dans le domaine. Le gouvernement peut jouer le rôle de leader afin de faire bouger les choses.
De plus, au cours de nos discussions sur le projet de loi, M. Baillie a soulevé un point intéressant. Il a proposé un amendement qui empêcherait toute information qui est divulguée à un professionnel de la santé mentale d’être exigée comme preuve par un tribunal. Le libellé de cet amendement fait écho à celui de l’article 10 de la Loi sur le divorce.
L’amendement proposé a également été présenté au Comité de la justice lors du témoignage du M. Baillie. Je suggère que le comité chargé de l’étude du projet de loi se penche sur la possibilité d’ajouter une observation ou une recommandation à cet effet dans son rapport.
Pour conclure, j’aimerais poser la question suivante : étant donné que nous savons depuis longtemps que les jurés subissent des préjudices psychologiques dans l’exercice de leurs fonctions, pourquoi avons-nous attendu si longtemps avant de discuter du sujet et de créer des lois pour assurer le bien-être des jurés? Est-ce parce que la loi du silence ne tient plus chez les jurés ou parce que les questions de santé mentale font l’objet de préjudices et sont relativement nouvelles dans l’arène politique?
Chers collègues, au-delà de la partisanerie, nous pouvons agir afin d’aider les Canadiens et les Canadiennes appelés à exercer leur fonction de juré à mieux vivre et à survivre à l’exercice d’une obligation civique. Je vous encourage à voter en faveur de ce projet de loi et à faire en sorte qu’il soit renvoyé à la Chambre des communes le plus rapidement possible. Je vous remercie de votre attention.
Je vous remercie, sénatrice Moncion, de votre intervention.
Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-207, Loi modifiant le Code criminel (divulgation de renseignements par des jurés), présenté par le sénateur Boisvenu et inspiré du projet de loi C-417, qui a été adopté à l’unanimité à l’autre endroit l’an dernier.
Le projet de loi S-207 vise à modifier l’article 649 du Code criminel, qui prévoit de garder secrètes les délibérations d’un jury, également connu sous le nom de « règle du secret des délibérations ». Cette disposition interdit expressément aux jurés de discuter du contenu des délibérations du jury avec quiconque, y compris des professionnels de la santé. Par souci de clarté, je précise qu’il existe des exceptions limitées liées à une divulgation et elles concernent les enquêtes criminelles relatives à l’entrave à la justice.
La modification que propose le projet de loi S-207 découle d’une étude sur le counseling et d’autres services de soutien en santé mentale pour les jurés, menée par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes en 2017-2018, et plus précisément de la recommandation 4 du rapport, qui se lit comme suit :
Que le gouvernement du Canada modifie l’article 649 du Code criminel afin que les jurés soient autorisés à discuter des délibérations avec des professionnels de la santé mentale désignés une fois que le procès est terminé.
Ce projet de loi répond à cette recommandation du rapport en proposant de modifier l’article 649 afin de prévoir l’exception suivante à la « règle du secret des délibérations », permettant aux anciens jurés de discuter des délibérations avec des professionnels de la santé au besoin une fois que le procès est terminé.
c) soit, suivant la fin d’un procès, d’un traitement médical ou psychiatrique, d’une thérapie ou de services de consultation, fournis par un professionnel de la santé à toute personne visée au paragraphe (1) relativement à des problèmes de santé consécutifs ou liés aux fonctions de cette personne en tant que membre d’un jury ou personne ayant fourni de l’aide à un membre d’un jury lors d’un procès.
Essentiellement, ce changement vise à permettre à un juré d’obtenir des soins de santé mentale ou des soins médicaux s’il est durement touché ou traumatisé par l’expérience. On assurera ainsi la protection et l’aide dont les membres du jury ont besoin pour gérer les informations auxquelles ils ont été exposés durant le procès.
Chaque année, des milliers de Canadiens sont appelés à servir au sein d’un jury. Si vous me le permettez, je vais décrire le processus entourant les procès avec jury.
Pour les affaires au criminel, l’alinéa 11(f) de la Charte canadienne des droits et libertés indique que tout inculpé a le droit :
[. . .] de bénéficier d’un procès avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l’infraction dont il est accusé est un emprisonnement de cinq ans ou une peine plus grave [...]
Comme le prévoit l’article 471 du Code criminel, la Charte énonce également les circonstances exceptionnelles qui permettent à l’accusé de renoncer à un procès avec jury. En fait, le Code criminel désigne certains crimes ou infractions qui font systématiquement l’objet d’un procès devant juge et jury, à moins que l’accusé et le procureur s’entendent pour tenir un procès sans jury.
Il existe également un certain nombre de moyens d’avoir un procès devant jury dans une affaire civile. Je n’en parlerai pas trop, à part pour souligner qu’il y a aussi des exemples où les gens peuvent se retrouver dans des circonstances semblables, en dehors de la juridiction criminelle.
Les enquêtes de coroner, qui ont pour but d’informer la police et le public des circonstances d’une mort, utilisent également le système de jury.
Les paramètres des fonctions de juré sont établis dans les lois provinciales et territoriales. Les lois établissent les critères d’exemption à la fonction de juré, ainsi que le processus de sélection des jurés et la rémunération qui peut être offerte. L’administration de la fonction de juré peut varier considérablement d’une province ou d’un territoire à l’autre.
Il suffit de dire que servir de juré peut être une énorme source de stress, qui touche sérieusement la vie de la personne. Le processus de prise de décision pendant les délibérations peut être stressant, car certaines personnes craignent de prendre la mauvaise décision quand elles rendent un verdict qui aura des conséquences majeures pour la vie de la victime ou de l’accusé. Certains procès traitent de crimes horribles, et la preuve et les témoignages peuvent être extrêmement traumatisants.
Un exemple dont j’ai été personnellement témoin s’est produit quand j’étais agent de la GRC à Yellowknife : j’étais l’enquêteur principal de l’enquête sur l’explosion de la mine Giant. Un mineur en grève était entré dans la mine, y avait installé 50 kilogrammes d’explosifs et, en se servant d’un fil-piège, il a tué neuf personnes, dont les restes sont restés éparpillés dans une grande partie de la mine souterraine.
Les membres du jury ont regardé des centaines de photos et d’enregistrements vidéo; ils ont entendu ce que disaient les enquêteurs tandis qu’ils ramassaient des morceaux de toutes sortes de choses sur la scène de l’explosion; et ils ont regardé l’enregistrement vidéo dans lequel l’accusé explique comment il a organisé l’explosion. La présentation des innombrables éléments de preuve a duré plusieurs mois. Ceux qui y ont assisté ont pu être traumatisés par ce qu’ils ont vu et entendu.
Pendant le procès, les jurés ont regardé des vidéos souvent épouvantables. Il serait difficile pour n’importe qui de regarder des photos de scènes de crimes et d’écouter le témoignage de victimes d’agressions et celui de délinquants qui décrivent leurs crimes. Cela dit, seulement quelques personnes doivent entendre toute la preuve : le juge, le personnel du tribunal, le procureur, la défense, l’accusé et, bien sûr, les jurés. Ils ne peuvent pas échapper à ce qui est communiqué, et ils n’ont souvent personne à qui parler, mis à part les autres jurés.
Les jurés ne réagissent pas tous de la même manière à leur expérience. Le niveau de stress varie d’une personne à l’autre. Il arrive que des personnes qui assistent à un événement traumatisant ou entendent des détails à ce sujet reçoivent, par la suite, un diagnostic de stress post-traumatique. Cela peut aussi arriver aux jurés qui doivent, sans formation préalable, regarder des éléments de preuve souvent horribles et traumatisantes.
Une fois le procès terminé, les personnes que j’ai mentionnées peuvent déterminer si elles ont besoin d’une aide, le plus souvent offerte par des professionnels de la santé mentale, en raison de ce qu’elles ont vu ou entendu, à l’exception des personnes qui ont fait partie du jury. Ces gens n’ont pas accès à une aide comme celle qui m’a été offerte ainsi qu’à d’autres personnes avec qui j’ai travaillé. C’est pourquoi ce projet de loi est très important. Il permettra aux jurés de discuter des événements auxquels ils ont participé et de divulguer des renseignements relatifs aux délibérations en vue de recevoir des soins de santé mentale ou physique.
Pour bien évaluer l’aide nécessaire, il faut que ceux qui ont besoin d’aide puissent faire part de leurs pensées intimes et de leurs sentiments et, dans bien des cas, des choses qu’ils ont vues et entendues.
Or, toutes les parties ayant participé au procès ont librement accès à toute l’aide dont ils ont besoin, à l’exception des jurés.
Honorables sénateurs, il est extrêmement important que nous appuyions tous ce projet de loi. J’espère que ce projet de loi sera étudié en comité et adopté au Sénat avec célérité afin que l’on puisse offrir de l’aide à ceux qui en ont besoin. Merci.
Propose que le projet de loi S-208, Loi modifiant le Code criminel (indépendance des tribunaux), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, l’objectif du projet de loi S-208 est d’accorder aux juges le pouvoir discrétionnaire de ne pas imposer des peines minimales lorsqu’ils considèrent qu’une telle décision est juste et raisonnable.
Le projet de loi S-208 fait écho à d’autres mesures législatives qui visent à ce que les peines minimales n’empêchent pas les juges de remplir leur devoir d’imposer des peines justes et appropriées. Je pense notamment aux projets de loi qui ont été présentés par l’ancien ministre de la Justice Irwin Cotler en 2015, par Elizabeth May, qui était alors la chef du Parti vert, en 2016, et par l’ancienne députée néo-démocrate Sheri Benson en 2018.
À la dernière législature, les débats sur une version antérieure de ce projet de loi ont fait ressortir la nécessité de légiférer pour corriger une injustice toujours présente. Ce besoin pressant a également été soulevé dans les discussions du Comité des affaires juridiques sur les longs délais dans le système judiciaire et le projet de loi C-75.
Il nous faut renvoyer ce projet de loi au comité sans tarder. Nous le devons à la population canadienne. Chaque jour d’inaction permet le maintien d’un système qui, nous le savons, porte atteinte au droit d’un accusé de recevoir une peine proportionnelle, fait en sorte que certains prisonniers soient soumis à une peine cruelle et inusitée, continue d’entraîner des délais et des coûts dans le système judiciaire, discrimine les personnes racialisées et les plus marginalisées, surtout les Autochtones, les femmes et ceux qui souffrent de problèmes de santé mentale invalidants, contribue à causer des erreurs judiciaires et mine la sécurité publique.
À première vue, certains pourraient penser qu’une approche uniforme en matière de détermination de la peine est juste et équitable. En réalité, toutefois, les peines minimales obligatoires enlèvent aux juges la possibilité d’imposer des peines justes, qui tiennent compte des circonstances de chaque cas. Le projet de loi S-208 prévoit une marge de manœuvre permettant aux juges de mettre à profit leur expertise afin d’éviter d’imposer une peine minimale obligatoire dans les cas où une telle mesure serait injuste ou inappropriée.
Soyons clairs : le pouvoir discrétionnaire des juges à l’égard des peines minimales obligatoires ne permet pas à ceux-ci d’agir de manière arbitraire. Les juges sont tenus d’énoncer les motifs de leurs décisions en matière de détermination de la peine, conformément à l’article 726.2 du Code criminel, qui dit ceci :
Lors du prononcé de la peine, le tribunal donne ses motifs et énonce les modalités de la peine; les motifs et les modalités sont consignés au dossier de la poursuite.
Leurs décisions doivent être conformes aux principes juridiques et elles sont assujetties à l’examen minutieux du grand public, du milieu juridique et des autres juges au moyen des processus d’appel.
Cette transparence contraste fortement avec ce qui se passe dans les cas où des peines minimales obligatoires sont prévues. Les peines minimales obligatoires ont souvent pour effet de transférer le pouvoir discrétionnaire des juges à d’autres personnes, sans que celles-ci aient à rendre des comptes au public ou à la procédure d’appel. Par exemple, en déterminant quelles accusations porter et s’il convient de porter une accusation assortie d’une peine minimale obligatoire, les procureurs de la Couronne prennent en fait des décisions clés en matière de détermination de la peine. Leurs motifs peuvent n’avoir que peu de rapport avec les principes juridiques. Par exemple, ces pratiques sont trop souvent utilisées comme monnaie d’échange lorsque les autorités cherchent à obtenir des plaidoyers de culpabilité pour des accusations moins graves.
En outre, le projet de loi S-208 n’empêcherait pas les juges d’imposer des peines minimales obligatoires — conformément à l’alinéa 718.2e) du Code criminel, connu sous le nom de principes Gladue. Il exigerait simplement d’eux qu’ils réfléchissent et fournissent les motifs justifiant le caractère équitable de la peine minimale obligatoire imposée. Bref, les peines minimales obligatoires empêchent que justice soit faite.
En 1987, la Commission canadienne sur la détermination de la peine a constaté que 9 juges sur 10 estimaient que les peines minimales obligatoires avaient entravé leur capacité à prononcer une sentence juste. Au cours des décennies qui ont suivi, le nombre de peines minimales obligatoires au Canada a augmenté de manière exponentielle. À l’époque de la Commission sur la détermination de la peine, il y avait environ 10 types de condamnations susceptibles de donner lieu à une peine minimale obligatoire. Le ministère de la Justice en recense aujourd’hui 72.
Chers collègues, voici 10 raisons pour lesquelles ce projet de loi est nécessaire.
Premièrement, la multiplication des peines minimales obligatoires va complètement à l’encontre d’un principe reconnu depuis longtemps selon lequel toute personne a le droit — tandis que la magistrature a le devoir d’appliquer ce principe — de recevoir une peine proportionnelle à la gravité de l’infraction et adaptée en fonction des circonstances propres à la cause. L’article 718.1 du Code criminel dit ceci :
La peine est proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.
Dans une décision rendue en 2015, la Cour suprême a jugé inconstitutionnelle l’imposition d’une peine minimale obligatoire, rappelant que la détermination de la peine doit être « une opération éminemment individualisée ».
Par définition, les peines minimales obligatoires vont à l’encontre de ce principe, puisqu’elles imposent une norme universelle préétablie sans la moindre souplesse.
Il y a depuis longtemps un consensus non partisan sur la nécessité de rejeter les peines minimales obligatoires. Par exemple, en 1976, pendant le débat sur la possibilité de remplacer la peine de mort par une peine d’emprisonnement à vie obligatoire, des parlementaires des deux côtés de la Chambre ont remis en question ce que le député conservateur David MacDonald appelait le remplacement d’une « peine barbare, cruelle et inacceptable par une autre qui n’est pas aussi mauvaise, mais qui n’est pas loin de l’être ».
Lorsque le sénateur Wetston a pris la parole au sujet de la version précédente de ce projet de loi, il a cité le professeur Kent Roach, qui estime que les peines minimales obligatoires sont inadéquates pour les raisons suivantes :
[...] elles ne se penchent pas sur la question de savoir si les délinquants vivent dans une pauvreté abjecte, ont des déficiences intellectuelles ou des problèmes de santé mentale, ont été victimes de racisme et de violence ou ont des enfants qui comptent sur eux. Les peines minimales obligatoires ne permettent pas à un juge de décider si l’incarcération est nécessaire pour dissuader, réhabiliter ou punir [...]
Anatole France a dit un jour :
La loi, dans un grand souci d’égalité, interdit aux riches comme aux pauvres de coucher sous les ponts, de mendier dans les rues et de voler du pain.
Ses paroles nous rappellent que si les peines ont pour but de rendre justice et non de perpétuer l’injustice, il faut tenir compte de la situation et du comportement des individus dans le contexte des choix qui s’offrent à eux.
Intuitivement, nous en sommes tous conscients. Les études démontrent que les membres du public qui, au départ, semblent être en faveur des peines minimales obligatoires vont qualifier même les peines obligatoires d’emprisonnement à perpétuité d’injustes et d’inadaptées une fois qu’on leur présente les faits du dossier.
Deuxièmement, nous avons besoin du projet de loi parce que les tribunaux rendent de plus en plus de décisions selon lesquelles les peines minimales obligatoires sont inconstitutionnelles. Comme le sénateur Plett l’a fait remarquer lorsqu’il a parlé de la version précédente du projet de loi, il arrive que les peines minimales obligatoires soient jugées si exagérément disproportionnée qu’elles violent des garanties constitutionnelles contre les peines cruelles et inusitées, comme dans les récentes affaires R. c. Nur et R. c. Lloyd de la Cour suprême.
Je partage l’avis du sénateur Plett, qui a dit ceci :
Cela n’est pas acceptable et il faut en tenir compte, comme la Cour suprême du Canada l’a recommandé.
Il incombe au Parlement d’agir et non d’attendre que les tribunaux invalident les peines une à la fois. Nous abdiquons nos responsabilités si nous agissons autrement.
Dans l’arrêt R. c. Lloyd , la Cour suprême a fait remarquer que :
[...] le fait est que la disposition qui rend passible d’une peine minimale obligatoire l’auteur d’une infraction qui peut être perpétrée de nombreuses manières et dans de nombreuses circonstances différentes, par une grande variété de personnes, se révèle vulnérable sur le plan constitutionnel, car elle s’appliquera presque inévitablement dans des situations où le minimum obligatoire équivaudra à une peine inconstitutionnelle.
Les tribunaux canadiens ont invalidé un nombre important de peines minimales obligatoires pour de tels motifs. Près de la moitié de ces peines, soit environ 31 des 72 peines minimales obligatoires imposables actuellement, ont été jugées inconstitutionnelles par au moins un tribunal. Environ 25 de ces peines ont été invalidées dans diverses provinces. Dans 11 cas, le tribunal qui a invalidé la peine minimale obligatoire était une cour d’appel ou la Cour suprême du Canada. Ces contestations constitutionnelles fréquentes ont pour effet de créer une mosaïque confuse et incohérente, ce dont le sénateur Wetston a parlé dans son discours lors de la dernière législature.
Ce mélange hétéroclite existe parce que, sans mesure législative comme le projet de loi S-208, les peines minimales obligatoires doivent être contestées devant les tribunaux une à la fois, ce qui mobilise des ressources judiciaires et gouvernementales considérables et qui oblige les Canadiens à porter le lourd fardeau d’une contestation constitutionnelle. Trop souvent, ceux qui encourent une peine minimale obligatoire qui pourrait s’avérer inconstitutionnelle n’ont tout simplement pas les moyens de défendre leurs droits.
Parallèlement, pour ceux qui ont les moyens de se défendre, les peines minimales obligatoires encouragent les contestations sans fin, notamment les contestations constitutionnelles. Les gens n’ont rien à perdre et tout à gagner en allant devant les tribunaux et en tentant par tous les moyens d’éviter une peine sévère plutôt que d’en arriver rapidement à un règlement.
Le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sur les délais dans le système judiciaire fait état des pressions que les peines minimales obligatoires exercent sur les ressources limitées des tribunaux ainsi que de la question pressante des délais dans les procès. Au cours de l’étude, au moins 11 criminalistes ont pointé du doigt les peines minimales obligatoires en tant que facteur contribuant à l’engorgement et à l’inefficacité du système judiciaire.
Troisièmement, nous avons besoin du projet de loi parce que l’approche intransigeante et impitoyable du Canada en matière de peines minimales obligatoires nous met en marge du reste du monde. La situation actuelle au Canada s’oppose à l’expérience d’autres démocraties dont les lois prévoient des peines minimales obligatoires. En effet, la plupart des pays, dont l’Angleterre et le pays de Galles, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud ainsi que l’Australie et ses États, et même un certain nombre d’États américains, ont fait le nécessaire pour assurer l’intégrité et la constitutionnalité de leurs lois ainsi que les droits de leurs citoyens en laissant un certain pouvoir discrétionnaire aux juges. Dans la plupart des cas, ce pouvoir discrétionnaire s’applique même aux peines d’emprisonnement à vie les plus graves.
Dans la décision qu’elle a rendue en 2016 dans l’affaire R. c. Lloyd, la Cour suprême s’est penchée sur la position précaire du Canada en ce qui concerne les peines minimales obligatoires et elle a formulé la suggestion suivante au législateur :
[...] recourir à un mécanisme qui permettrait au tribunal d’écarter la peine minimale obligatoire dans les cas exceptionnels où elle constituerait une peine cruelle et inusitée.
Le projet de loi S-208 mettra en œuvre cette recommandation en laissant aux juges le pouvoir discrétionnaire de ne pas imposer une peine minimale obligatoire.
Quatrièmement, nous avons besoin du projet de loi parce qu’il représente l’un des engagements pris par le gouvernement à l’égard de la réconciliation avec les peuples autochtones. Le projet de loi S-208 répond aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation ainsi qu’aux appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones portées disparues et assassinées.
Le travail de ces commissions a permis d’établir des liens clairs entre les traumatismes et la marginalisation qui sont les séquelles des pensionnats indiens et des politiques colonialistes, d’une part, et la surreprésentation actuelle des Autochtones parmi les victimes, les accusés et les personnes incarcérées, d’autre part. Comme l’a fait valoir Niigaan Sinclair hier — le jour même où un tribunal a dénoncé l’arrestation d’une Inuk qui cherchait à se protéger contre un agresseur —, les Autochtones obtiennent trop souvent des peines de prison plutôt que la justice, des peines de prison plutôt que de l’aide pour leurs traumatismes, des peines de prison plutôt qu’une réduction du nombre d’enfants autochtones sous la tutelle de l’État, des peines de prison plutôt que des solutions à la pauvreté, au manque de nourriture, au mal-logement et aux autres besoins essentiels non satisfaits.
En 2015, la plateforme électorale du gouvernement contenait la promesse de mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. En 2019, la lettre de mandat du ministre de la Justice a réaffirmé la nécessité de progresser vers cet objectif et dans l’application des appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones portées disparues et assassinées. Les deux commissions demandent de régler la question des peines minimales.
Or, au lieu d’assister à des réparations et à une réconciliation, on voit plutôt la situation se détériorer. Selon les nouvelles statistiques publiées par le Bureau de l’enquêteur correctionnel, dans les prisons fédérales, les Autochtones représentent 30 % de la population carcérale et 42 % des femmes incarcérées. Ce taux a grimpé de 43 % depuis 2010. Par comparaison, au cours de la même période, l’incarcération de personnes non autochtones a diminué de 14 %.
L’enquêteur correctionnel souligne que le système de justice pénale semble insensible aux besoins, aux antécédents et aux réalités sociales à l’origine des taux élevés de délinquance autochtone. Les peines minimales obligatoires empêchent les tribunaux de se conformer à l’alinéa 718.2e) du Code criminel en tenant compte de ce qu’on appelle les principes Gladue.
Cela nous amène à la cinquième raison pour laquelle ce projet de loi est nécessaire : les peines minimales obligatoires sont discriminatoires à l’endroit des personnes marginalisées et elles ont pour effet de rendre la société moins juste et moins équitable.
En 1995, préoccupé par la discrimination à l’endroit des peuples autochtones, le Parlement a adopté l’alinéa 718.2e) du Code criminel, connu sous le nom de principes Gladue. Cette disposition exige que le tribunal tienne compte de « l’examen [...] de toutes les sanctions substitutives qui sont raisonnables » et porte particulièrement attention à la situation des délinquants autochtones, pour qui une peine d’emprisonnement pourrait n’être ni appropriée ni efficace. En raison des peines minimales obligatoires, il est impossible d’appliquer cette disposition comme le souhaitait le législateur.
La sixième raison s’inscrit dans la même veine. Les peines minimales obligatoires minent la primauté du droit en encourageant les faux plaidoyers de culpabilité. La peine minimale obligatoire la plus sévère que prévoit le Code criminel est l’emprisonnement à perpétuité. Au cours de la dernière décennie, 45 % des femmes condamnées à l’emprisonnement à vie étaient autochtones. Cette statistique est renversante.
La révision des condamnations criminelles de 1995, menée par le ministère de la Justice et supervisée par la juge Lynn Ratushny, a révélé un lien net et consternant entre les condamnations à l’emprisonnement à perpétuité et la criminalisation des survivants d’actes de violence. Après avoir étudié les cas de 98 femmes condamnées pour avoir eu recours à une force mortelle afin de se protéger ou protéger leurs enfants d’un agresseur, la juge Ratushny a conclu que beaucoup trop de femmes avaient plaidé coupable à des accusations moindres, comme homicide involontaire, malgré le fait que la légitime défense ou la défense d’autrui aurait été un argument valide dans leur cas.
Étant donné toutes sortes de circonstances, que ce soit des moyens financiers limités pour naviguer dans un système juridique qui n’a pas réussi à les protéger de la violence ou la crainte de faire subir à leurs enfants l’épreuve angoissante d’un témoignage devant un tribunal, le spectre des peines minimales obligatoires pousse les femmes maltraitées à choisir de ne pas risquer un procès.
Même si on fait souvent passer les peines minimales obligatoires comme des mesures de répression musclée de la criminalité, trop souvent, ce sont les personnes qui sont déjà les plus marginalisées et victimisées qui en sont la cible. La décision Persad, qui a été rendue le mois dernier en Ontario, nous rappelle qu’un des rôles du prononcé des peines est de communiquer « les valeurs qui devraient avoir de l’importance pour la société ».
Dans cette affaire, la cour a réduit la durée d’une peine en raison des conditions épouvantables de détention avant le procès, qui incluaient : le recours fréquent à l’isolement; le confinement à la cellule pour des périodes allant jusqu’à sept jours sans accès à de l’air frais, à une douche ou à un téléphone; de la literie, des serviettes et des vêtements tachés d’urine, d’excréments et de sang; des prisonniers qui devaient parfois porter les mêmes vêtements pendant des mois. En citant le professeur Allan Manson, la cour a indiqué que la prise en considération de la situation d’un délinquant en vue de l’établissement de sa peine doit aussi tenir compte de « l’intérêt de la société au respect de la primauté du droit et des valeurs communes de la société canadienne par les personnes chargées d’appliquer la loi ».
Dans les cas où une peine minimale s’applique, les juges ont peu de latitude pour réduire la durée d’emprisonnement afin de tenir compte des conditions inhumaines de la détention avant le procès et de l’inconduite policière. Le projet de loi S-208 permettrait aux juges de déterminer une peine juste et appropriée qui, selon le juge LeBel dans la décision Nasogaluak, inclut « l’intérêt de la société au respect de la primauté du droit et des valeurs communes de la société canadienne par les personnes chargées d’appliquer la loi ».
Encore et encore, les peines minimales obligatoires mènent à la criminalisation et à l’emprisonnement accrus de personnes pauvres, de femmes qui ont été victimes de violence toute leur vie, de personnes vivant avec des problèmes de santé mentale invalidants et de personnes racialisées, dont, en particulier, les Autochtones. Le but d’une peine est de faire en sorte que la personne assume ses responsabilités et soit tenue responsable de ses actes, en tenant compte des facteurs qui ont mené à sa criminalisation, de même que son intégration et de sa contribution à la collectivité. Les conditions d’emprisonnement inhumaines et les violations répétées des droits de la personne ne sont pas censées faire partie de la pénalité. Dans son discours à l’égard de la version précédente de ce projet de loi, le sénateur Dean a dit :
Nous savons que la criminalisation cause d’importants préjudices sociaux aux individus et à leur famille. Comme l’a souligné la Commission de réforme du droit du Canada, les peines plus longues et plus sévères ne préviennent pas efficacement la criminalité.
Voilà la septième raison pour laquelle ce projet de loi est urgent. En plus de tous les préjudices qu’elles causent, les peines minimales obligatoires n’ont pas d’effet dissuasif sur la criminalité. Dans l’arrêt Nur, la Cour suprême du Canada résume une documentation considérable sur les peines minimales obligatoires et la prévention de la criminalité en seulement 16 mots :
La preuve empirique indique que, dans les faits, les peines minimales obligatoires ne sont pas dissuasives [...]
Au moins 50 ans de recherche et de preuves indiquent que, en fait, nous devrions plutôt mettre l’accent sur d’autres facteurs, tels que les interventions hors du système de justice pénale appropriées et la certitude que les contrevenants seront tenus responsables de leurs actes.
La huitième raison, c’est que les peines minimales obligatoires ne servent pas les intérêts des victimes. Une représentante des Mères contre l’alcool au volant, un groupe de défense des droits des victimes, a comparu devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes et a déclaré ceci :
En tant que mère, belle-mère et victime, je ne peux pas être pour. Rien ne prouve que cela améliorerait les choses. Nous savons que lorsque nous enterrons nos enfants ou un être cher, il est trop tard. Nous devons chercher surtout à ce que cela n’arrive pas.
Pendant toutes les années où j’ai travaillé avec des personnes condamnées pour des motifs liés à un homicide, je peux vous dire que rares sont celles qui ne renonceraient pas à leur vie si cela ramenait le défunt. Aucune peine ne peut faire cela. Nous faisons donc de notre mieux pour réparer le tort qui a été fait en donnant aux gens d’autres façons de payer leur dette et de contribuer positivement à la société. Trop souvent, les peines d’emprisonnement plus longues constituent le moyen le moins efficace et le plus coûteux d’atteindre ces objectifs.
La neuvième raison pour laquelle nous devons adopter maintenant ce projet de loi est le coût financier énorme et inutile engendré par les peines minimales. Lorsqu’une personne est déclarée coupable et qu’elle reçoit une peine minimale obligatoire, les contribuables doivent assumer un coût considérable pour l’administration de cette peine plus sévère que nécessaire. Par exemple, dans le cas d’une femme détenue dans un pénitencier fédéral, le directeur parlementaire du budget estime que, pour chaque année d’emprisonnement supplémentaire, les contribuables doivent assumer un coût indu de 343 000 $ à 600 000 $. En guise de comparaison, le coût annuel à assumer pour subvenir aux besoins d’une femme qui purge une peine dans la collectivité s’élève à 18 000 $ et ce genre de peine augmente les chances de réinsertion sociale, tout en réduisant les risques de se retrouver de nouveau devant la justice pénale.
En tout, 25 % des détenus des pénitenciers fédéraux sont des aînés, qui purgent souvent une peine d’emprisonnement à perpétuité. Bon nombre de ces personnes vivent avec un handicap ou une maladie, y compris la démence. La prestation de services de santé provinciaux n’est pas bon marché, mais les coûts liés à l’incarcération sont bien plus élevés. Nous devons nous demander s’il vaut la peine de payer des centaines de milliers de dollars par année pour chaque personne qui purge une peine de prison juste pour pouvoir dire que nous sévissons contre la criminalité, alors que nous savons que l’imposition de peines minimales obligatoires n’a pas l’effet promis, soit celui de mieux protéger la société.
Cela nous amène à la dixième et dernière des raisons qui, à mon humble avis, expliquent pourquoi il est urgent qu’une mesure législative soit adoptée pour corriger la situation des peines minimales obligatoires : la majorité des Canadiens savent que c’est la chose à faire. Lors de la dernière législature, le mandat du ministre de la Justice et de sa prédécesseure comprenait ce qui suit :
Réviser les changements apportés [...] à notre système de justice pénale ainsi que les réformes de la détermination des peines [...] Ce processus devrait notamment permettre d’accroître le recours à la justice réparatrice et à d’autres initiatives visant la réduction du taux d’incarcération chez les Autochtones du Canada.
Les travaux menés par le ministère de la Justice comprenaient des consultations publiques lors desquelles neuf Canadiens sur dix ont dit souhaiter que les juges aient le pouvoir discrétionnaire de ne pas imposer les peines minimales obligatoires. Malheureusement, ce processus n’a mené à aucune mesure législative. Il faut tout de même reconnaître que le ministre Lametti a récemment affirmé qu’il y avait « [...] beaucoup de documentation spécialisée sur les avantages du pouvoir discrétionnaire des juges » et que la réforme de la détermination des peines était un élément central de sa responsabilité en tant que ministre.
La surreprésentation des personnes autochtones dans les prisons a continué d’augmenter régulièrement de plusieurs points de pourcentage depuis que le projet de loi qui a précédé le S-208 a été présenté pour la première fois en 2018, Cela correspond à trop de personnes chaque année. Au moins 50 nouveaux cas ont été publiés par les tribunaux, dans lesquels diverses peines minimales obligatoires ont été jugées inconstitutionnelles. Les personnes et les organisations qui ont témoigné devant le comité du Sénat chargé de l’étude du projet de loi C-75, notamment Aboriginal Legal Services, l’Association du Barreau canadien, le Barreau du Québec et l’Association canadienne des chefs de police ont insisté sur la nécessité d’agir de toute urgence pour éliminer les conséquences néfastes des peines minimales obligatoires.
Le projet de loi S-208 donne suite aux recommandations, aux préoccupations et aux priorités énoncées par des instances telles que la Cour suprême du Canada, le Comité sénatorial des affaires juridiques et de nombreux autres comités, commissions et enquêtes, notamment la Commission de vérité et réconciliation et la Commission d’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Chers collègues, ce projet de loi ne remplace pas l’examen systémique et la réforme du système de détermination des peines. Une commission de réforme des peines ou du droit s’impose toujours pour revoir l’ensemble du système. Trois Canadiens sur quatre l’ont dit au ministère de la Justice lors des consultations de 2018.
En attendant, il est urgent d’agir pour prévenir les injustices liées aux peines minimales obligatoires. Ce projet de loi est certes un petit pas en avant, mais il a son importance. J’espère que nous travaillerons ensemble pour renvoyer ce projet de loi au comité et pour prendre des mesures législatives sur les peines minimales obligatoires, qui se font attendre depuis longtemps. Meegwetch. Je vous remercie.
Honorables sénateurs, je suis heureuse d’avoir l’occasion de parler du projet de loi S-208, un projet de loi qui, comme nous le savons, a été présenté par notre collègue la sénatrice Pate. Le projet de loi modifie le Code criminel afin de donner aux juges un plus grand pouvoir discrétionnaire dans la détermination des peines et leur permettre de ne pas imposer de peines minimales obligatoires.
Je tiens à prendre quelques instants pour remercier la sénatrice Pate de sa vigilance, de sa persévérance, de sa passion et de son expertise. Nous avons la chance de l’avoir pour collègue et de pouvoir compter sur la perspicacité dont elle fait preuve dans nos délibérations.
Je voudrais évoquer quelques raisons pour lesquelles nous devrions permettre aux juges de ne pas imposer de peines minimales obligatoires. C’est un peu difficile à faire après que la sénatrice Pate en ait passé dix en revue, mais je me m’attarderai sur quelques-unes d’entre elles seulement. Je ne reprendrais pas toute la liste.
Comme nous le savons, dans tous les aspects de la vie, chaque situation est unique. En l’occurrence, la situation actuelle mérite non seulement un remède juridique, mais aussi une perspective humaine et un filtre humain pour examiner les circonstances et les faits qui se présentent à nous.
Permettre que chaque situation soit jugée individuellement garantit la possibilité de préserver la justice par le biais de la loi. La justice pour les victimes, bien entendu, mais aussi pour les auteurs d’un crime lorsque la situation le justifie. Je tiens à insister sur ce point. On parle toujours des cas où la situation le justifie.
Une autre raison, et la sénatrice Pate en a parlé brièvement : les délais judiciaires. Nous connaissons tous très bien ici l’affaire R. c. Jordan dans laquelle la Cour suprême a établi des délais que doivent respecter les cours provinciales et supérieures afin d’éviter les délais excessifs. Je me rappelle, à l’époque où j’étais à l’Assemblée législative de l’Ontario, quand la décision a été rendue dans l’affaire Askov et que de nombreuses causes ont fini par être rejetées en raison d’un délai excessif, des causes très graves dans bien des cas. Chose certaine, justice n’a pas été rendue dans ces cas.
On pense souvent que les peines minimales obligatoires permettent de réprimer la criminalité. Or, si on se retrouve dans une situation où justice n’est pas rendue parce que les causes sont rejetées, on ne réprime pas du tout la criminalité. D’ailleurs, en 2017, dans un rapport intitulé Justice différée, justice refusée, le Comité des affaires juridiques du Sénat recommandait :
[...] que la ministre de la Justice procède à un examen intégral des peines minimales obligatoires afin de dégager des principes raisonnables basés sur des données probantes pour déterminer dans quelles circonstances elles sont appropriées [...].
Lorsque cela convient, l’imposition d’une peine plus courte permet de réduire les coûts liés à l’incarcération. La sénatrice Pate vient de nous expliquer tout cela. Je ne vais pas répéter ce qu’elle a dit. Tous ces facteurs doivent être pris en compte au moment d’examiner les données probantes sur l’efficacité des peines minimales obligatoires.
L’une des principales raisons qui m’incitent à appuyer ce projet de loi, c’est le fait que les peines minimales obligatoires provoquent une surreprésentation des membres des communautés marginalisées. J’ai pu le constater moi-même. Bon nombre d’entre vous savent que, très tôt dans ma carrière — il y a donc bien des années —, j’ai travaillé dans le système correctionnel.
Pendant les débats au Sénat, nous parlons souvent des injustices que subissent les Autochtones. Nous savons que l’imposition de peines minimales obligatoires est l’une des raisons pour lesquelles les Autochtones sont surreprésentés dans les prisons canadiennes. Le fait d’empêcher les juges de tenir pleinement compte des antécédents d’une personne en tant qu’Autochtone au moment de déterminer sa peine est un des facteurs qui contribuent à la surreprésentation des Autochtones. Comme on l’a entendu — et cette situation me scandalise et me révolte —, les femmes autochtones sont particulièrement surreprésentées dans les prisons. En fait, elles représentent 42 % du nombre total de détenues de sexe féminin incarcérées au Canada. Comparativement à leur pourcentage au sein de la population générale, ces chiffres témoignent d’une injustice qui saute aux yeux.
Dans la lettre de mandat qu’il a envoyé aux membres du Cabinet, le premier ministre a promis de continuer :
[...] d’avancer sur le chemin de la réconciliation avec les peuples autochtones.
La réconciliation suppose que les juges peuvent, au besoin, renoncer aux peines minimales obligatoires pour les délinquants autochtones.
C’est aussi vrai pour les communautés racialisées et les personnes qui vivent dans la pauvreté. Je le répète, j’ai vu de mes propres yeux les ravages que la surreprésentation et la surcriminalisation au sein du système de justice pénale ont causés dans la vie des gens.
Il existe toutefois des assertions contraires qui appuient les peines minimales obligatoires. Je tiens à parler de certaines d’entre elles parce qu’il est important de comprendre pourquoi on en est venu à les imposer. Ce n’était pas dans un but malveillant. Les motifs que les gens ont examinés leur avaient semblé concluants. Je sais que, au fil du temps, la plupart de ces motifs ont été discrédités, mais examinons-les.
Certains affirment qu’il existe certainement des crimes si odieux que les juges devraient automatiquement imposer une peine minimale à leurs auteurs. Il est vrai qu’il y a beaucoup de crimes très graves et qui causent énormément de tort aux victimes et aux collectivités. Je vais donner un exemple. L’enlèvement est un crime extrêmement grave, mais chaque cas doit être évalué individuellement. Prenons le cas d’un parent qui fuit un partenaire violent et qui « enlève » son enfant du parent qui en a la garde à ce moment-là pour sa propre sécurité et celle de l’enfant. Chaque cas a un contexte particulier. Nous voulons évidemment que le système judiciaire tienne compte du contexte de chaque cas avant de tirer une conclusion. En politique, on dit souvent qu’il n’existe pas de solution unique. En ce qui concerne les considérations régionales, nous parlons souvent des orientations politiques imposées par Ottawa et les capitales provinciales et qui n’ont rien à voir avec les communautés locales et leurs particularités. Dans de nombreuses situations, il n’existe pas de solution unique. C’est particulièrement vrai en ce qui a trait aux peines.
Une des assertions contraires prétend que ces peines auront un effet dissuasif. Nous l’avons entendu à maintes reprises au fil des ans. Lorsque l’idée des peines minimales obligatoires a été proposée au Canada, ce facteur a été l’un des principaux à être pris en considération et à convaincre le Parlement d’aller de l’avant. Comme nous l’avons entendu — et je ne vais pas entrer dans les détails et citer des études aujourd’hui —, il existe un nombre considérable de données selon lesquelles les peines minimales obligatoires ne sont pas un moyen de dissuasion efficace.
De plus — et je tiens à le souligner —, c’est très important pour moi, mais aussi pour ceux qui s’interrogent et qui croient au bien-fondé des peines minimales obligatoires. Le projet de loi donne seulement aux juges un pouvoir discrétionnaire leur permettant de ne pas imposer une telle peine. Dans certains cas graves, un juge utilisera son pouvoir discrétionnaire pour imposer une peine minimale obligatoire, appliquer des lignes directrices sur la détermination de la peine ou, comme nous le savons dans certains cas, imposer une peine plus longue que la peine minimale obligatoire. Il s’agit d’examiner les faits, les éléments de preuve et le contexte de chaque cas qui se présente et d’appliquer un pouvoir discrétionnaire.
Je pense que nous ne devrions pas limiter le pouvoir discrétionnaire d’un juge de réduire les peines de prison pour un certain nombre d’infractions criminelles s’il estime que les faits ne justifient pas une telle peine.
J’aimerais aussi indiquer certaines raisons qui ont amené le pays à adopter certaines politiques publiques et à mettre en place des peines minimales obligatoires. Nous connaissons tous au moins un exemple d’une situation où les victimes ou les communautés concernées n’ont pas obtenu justice parce que la durée des peines était si étonnamment courte que, selon notre conscience morale ou nos valeurs, elles n’étaient pas proportionnelles au tort causé par le crime commis. Nous connaissons tous des exemples. Dans les cas de violence faite aux femmes, j’ai vu trop souvent des peines qui ne rendent pas justice aux victimes.
Nombre d’entre nous avons participé au débat pendant la dernière législature, et nous sommes de nouveau saisis de ce projet de loi. Il est important que le gouvernement améliore la formation des juges pour qu’ils soient mieux sensibilisés aux problèmes qui touchent les Autochtones, aux problèmes liés aux agressions sexuelles et à d’autres problèmes de nature délicate et systémique dont les tribunaux n’ont pas bien tenu compte par le passé. Je ne veux pas seulement jeter le blâme sur les tribunaux. Les tribunaux, les services de police et tous les intervenants du système de justice pénale s’efforcent de mieux comprendre les questions délicates qui peuvent avoir une incidence sur l’évaluation des circonstances propres à l’affaire qui les occupe.
Mardi, le ministre de la Justice, David Lametti, a présenté de nouveau à la Chambre un projet de loi qui avait été présenté à l’origine par l’honorable Rona Ambrose. Je l’avais soutenu, à l’époque, quand la Chambre l’avait renvoyé au Sénat. Il n’a toutefois pas été adopté au Sénat pour de multiples raisons. Il est inutile de chercher sur qui jeter le blâme. Maintenant que ce projet de loi est de nouveau à l’étude, nous devons l’examiner sans tarder et le faire avancer. Je tiens à affirmer clairement que je l’appuie et que j’appuie son adoption.
Le projet de loi de la sénatrice Pate, le projet de loi S-208, est un pas dans la bonne direction. S’il est adopté, il permettra aux juges d’utiliser la formation dont nous venons de parler pour évaluer chaque situation individuellement, de tenir compte du contexte culturel et historique, et d’apporter, comme je l’ai dit plus tôt, une perspective humaine, un regard humain sur les condamnations.
Ce projet de loi a été présenté lors de la dernière législature; c’était alors le projet de loi S-251. Il a été examiné par le Sénat et a été renvoyé au Comité des affaires juridiques. Une fois de plus, je vous demande de vous joindre à ceux d’entre nous qui ont pris et prendront la parole, qui soutiennent ce projet de loi et qui souhaitent son renvoi pour étude au Comité des affaires juridiques.
Nous avons entendu la sénatrice Pate le dire, et je tiens à le répéter : dans son rapport de 2017 intitulé Justice différée, justice refusée, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, ainsi que la plus récente Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et bien d’autres voix, rapports, universitaires et militants — les voix des victimes comme celles des avocats de la défense au criminel, entre autres — ont recommandé de revoir les peines minimales obligatoires. Dans cette optique, il est important que le Sénat étudie cette question et la fasse avancer.
Je suis convaincue que nous devons permettre aux juges de prendre des décisions en matière pénale afin de protéger la société et de se concentrer sur la justice. Quand je dis cela, je parle de la justice au sens large. Merci, meegwetch.
Bravo et merci pour vos discours, sénatrice Lankin et sénatrice Pate.
Vous y faites référence à l’étude qu’a faite le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles — dont j’ai fait partie — sur les délais du système de justice, laquelle a été appelée « l’étude Runciman » et que je salue bien bas. Le comité recommandait au gouvernement de revoir les sentences minimales. Or, le projet de loi de la sénatrice Pate parle de les abolir. Selon vous, les termes « abolir » et « réviser » ont-ils la même définition?
Ces mots ne veulent pas dire la même chose ni dans mon dictionnaire, ni dans mon vocabulaire. Permettez-moi toutefois de parler du fait que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, dont j’ai fait partie au cours des deux ou trois dernières années, a été saisi de nombreux projets de loi modifiant le Code criminel, dont celui sur la reclassification de certaines infractions. La question des peines minimales obligatoires a été soulevée à maintes reprises. Le gouvernement s’est engagé à éliminer les peines minimales obligatoires.
Nous avons demandé au gouvernement ce qu’il faisait et à quel moment il passerait à l’action. Nous lui avons fait remarquer que la reclassification d’un grand nombre d’actes criminels en infractions mixtes n’avait pas éliminé les peines minimales obligatoires dans ces cas. Chaque fois, le gouvernement nous a répondu qu’il allait examiner la situation et qu’il allait tout faire en même temps.
Le travail n’a pas été fait. On le sait, les gouvernements ont toujours un grand nombre de priorités, mais il s’agit ici d’un engagement à l’égard duquel, comme la sénatrice Pate l’a dit à maintes reprises, le gouvernement n’agit pas de manière adéquate, suffisante et opportune. C’est pourquoi j’appuie cette mesure. Peu importe l’examen en cours au ministère de la Justice, j’espère que des représentants de celui-ci interviendront au cours de l’étude du projet de loi à l’étape de la deuxième lecture devant le Comité des affaires juridiques du Sénat. Merci beaucoup.
Donc, si je comprends bien votre position — qui m’apparaît tout à fait logique —, vous êtes davantage en faveur d’une révision de la portée des peines minimales obligatoires que de leur abolition.
Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à la question?
Non, je demande 30 secondes.
Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Merci, chers collègues. J’espère que le ministère de la Justice procédera bientôt à cet examen. J’espère que le gouvernement remplira l’engagement qu’il a pris d’examiner cette pratique. Je crois que, à la suite de cet examen, il prendra les mesures nécessaires pour l’abolir. J’espère que cet examen coïncidera avec la deuxième lecture du projet de loi.