Le Code criminel
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat
22 juin 2021
Propose que le projet de loi S-233, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je présente le projet de loi S-233, visant à abaisser le taux d’intérêt criminel. J’estime que le moment est bien choisi pour présenter ce projet de loi. Il l’était aussi lorsque j’ai déposé des versions semblables du projet de loi par le passé. Toutefois, il est encore plus urgent maintenant, compte tenu du fardeau de la dette qui pèse sur les Canadiens en raison de la pandémie et en raison des efforts entrepris pour relancer l’économie.
J’ai déposé à deux reprises un projet de loi visant à abaisser le taux d’intérêt criminel. La première fois, il s’est rendu à l’étape de l’étude en comité, mais est mort au Feuilleton lorsque des élections ont été déclenchées. La deuxième fois, il a franchi l’étape de l’étude en comité avec une proposition d’amendement. Je n’étais pas d’accord avec l’amendement, mais le projet de loi n’a pas franchi d’autres étapes avant la tenue d’autres élections.
Nous voilà donc encore une fois, et je crois que le projet de loi est plus crucial que jamais. Il modifie l’article 347 du Code criminel, qui fixe le taux d’intérêt criminel à 60 % à l’heure actuelle. Le projet de loi fixera ce taux d’intérêt à 20 % de plus que celui de la Banque du Canada, qui est actuellement de 0,25 %. Pourquoi fixer le taux d’intérêt à 20 % de plus que celui de la Banque du Canada? En faisant évoluer le taux au même rythme que celui de la Banque du Canada, la limite suivra le rythme des taux d’intérêt généraux. Ainsi, il représentera toujours adéquatement la situation du marché.
Lorsque le taux d’intérêt criminel a été mis en place pour la première fois en 1981, soit il y a 40 ans, le taux de la Banque du Canada était d’environ 21 %. Aujourd’hui, il est de 0,25 %. Le taux de la Banque du Canada a chuté de 99 %, mais le taux d’intérêt criminel est resté le même. Il est grand temps que le taux d’intérêt criminel change.
Un taux d’intérêt de 20 %, compte tenu du taux en vigueur de la Banque du Canada, est supérieur à celui de la majorité des cartes de crédit. Il est aussi bien au-dessus de n’importe quel taux hypothécaire ou du taux de la plupart des prêts bancaires courants. Cette mesure n’aura aucune incidence sur la grande majorité des opérations financières courantes. Qui plus est, il est très peu probable que le taux de la Banque du Canada descende à un niveau inférieur à ce qu’il est actuellement. Il n’y a donc aucun risque de voir le taux descendre à un taux inférieur à la plupart des taux de transaction courants. Bien que ces taux puissent augmenter à l’avenir, ils évolueraient avec le taux de la banque, et ces augmentations seraient donc intégrées au système. Cependant, il y aura des répercussions sur les valeurs aberrantes, les taux excessifs sur les frais de retard des entreprises de téléphonie et de câblodistribution, les prêts à tempérament et les cartes de crédit à taux d’intérêt élevés, entre autres.
À l’heure actuelle, le gouvernement utilise sa capacité d’emprunter à des taux extrêmement bas pour couvrir ses dépenses — et je ne lui en tiens nullement rigueur. Toutefois, pourquoi les Canadiens devraient-ils tolérer que des taux d’intérêt frôlent les 60 %? Je précise ma pensée. Les taux des prêts automobiles, des marges de crédit et des prêts hypothécaires des grandes banques sont nettement inférieurs à ce seuil de 60 %. Les cartes de crédit de presque toutes les grandes banques ont un taux d’intérêt qui s’élève à 19,99 % ou moins. Les cartes de crédit, pour leur part, comme celle de la Banque Scotia, ont un taux d’intérêt de 20,99 %, ce qui représente un petit ajustement.
Le projet de loi aurait un effet sur d’autres cartes de crédit. La carte Home Depot, par exemple, a un taux d’intérêt qui s’élève à 28,8 %, comme les cartes d’autres magasins. Il aurait aussi un effet sur les frais de retard facturés par de nombreuses entreprises, comme Rogers et Bell, qui exigent un taux d’intérêt de 42,58 %.
Après 31 jours, l’Alberta Utilities Commission applique un taux d’intérêt de 30 % supérieur au taux d’intérêt préférentiel pour les entreprises indiqué sur le site Web de la Banque du Canada.
Cette mesure aura une incidence sur les prêts à tempérament et les marges de crédit offerts par de nombreuses entreprises, dont certains se démarquent des prêts sur salaire traditionnels.
Fairstone annonce des prêts à tempérament allant de 26,99 à 39,99 % et Easy Financial des taux de prêts à tempérament non garantis à partir de 29,99 %. Money Mart annonce des taux allant de 29,9 à 46,9 % et Loans Canada, de 2,99 à 46,96 %. Le taux des prêts de Capital Cash est de 59 %.
Comme vous le voyez, il y a beaucoup d’endroits qui appliquent des taux d’intérêt que beaucoup considèrent comme excessifs.
Bon nombre de ces entreprises diront qu’elles ne sont pas prédatrices et qu’elles ne recherchent pas les membres les plus vulnérables de la société sur le plan financier, mais voyez où se trouvent leurs locaux. Elles prolifèrent aussi en ligne et leurs publicités sont éloquentes. Aucune vérification de solvabilité! Mauvaise cote de crédit? Pas de problème! De l’argent facile!
Si vous cherchez « prêts sur salaire » dans Google, vous trouverez 24 pages Web sur le sujet. Ces entreprises ciblent les personnes financièrement vulnérables et se présentent non pas comme des prêteurs de dernier ressort, mais comme un moyen d’obtenir de l’argent facilement, et elles minimisent les coûts.
Tout cela m’amène aux prêts sur salaire. Ce projet de loi, tout comme le taux d’intérêt criminel en général, n’a pas d’effet sur les prêts sur salaire. En 2006, on a ajouté une exception à l’article 347 du Code criminel, intitulé « Taux d’intérêt criminel », qui confie aux provinces la réglementation des petits prêts à court terme, c’est-à-dire les prêts de moins de 1 500 $ d’une durée de moins de 62 jours. C’est un sujet auquel je reviendrai un autre jour. Ils n’ont donc pas à offrir de prêts inférieurs à cette limite, reconnaissant que les prêts à court terme nécessitent des frais plus élevés par rapport au taux d’intérêt annualisé.
La réglementation varie d’une province à l’autre. Généralement, il est question d’environ 15 $ par tranche de 100 $ empruntés. Au Québec, on n’autorise pas les prêteurs qui facturent plus que 35 %. Cela a pour effet d’interdire les prêts sur salaire.
Maintenant, quand je dis que cela n’aura pas d’effet sur les prêts sur salaire, cela ne s’applique qu’à la condition précise énoncée au paragraphe 347(1), soit les prêts de moins de 1 500 $ d’une durée de moins de 62 jours. Cela dit, bon nombre de ces prêteurs sur salaire ont étendu leurs services à des prêts plus importants et à des périodes plus longues. Ces mesures devraient actuellement être visées par les dispositions relatives au taux d’intérêt criminel, mais il y a des lacunes en matière d’application. En abaissant le taux, nous envoyons un signal aux prêteurs de tous les types sur ce que notre société juge acceptable.
Certains seront préoccupés par les restrictions de l’accès au crédit. Voulons-nous que les personnes les plus financièrement vulnérables de notre société accumulent des prêts assortis de taux d’intérêt excessifs, ces personnes qui sont les plus susceptibles de se retrouver prises dans un cycle d’endettement?
Est-il vrai que les entreprises ne peuvent se permettre d’offrir à ces Canadiens des prêts à des taux d’intérêt raisonnables? Il y a des entreprises en activité aujourd’hui qui offrent des prêts à faible taux d’intérêt. Par exemple, Borrowell, une société à but lucratif, offre des prêts à un taux annuel moyen d’environ 11 % ou 12 %.
Permettez-moi de prendre un moment pour vous expliquer le choix du seuil de 20 %. J’ai choisi ce pourcentage parce qu’il englobe la grande majorité des options existantes, qu’il s’agisse de prêts hypothécaires, de cartes de crédit, de marges de crédit ou de taux gouvernementaux. Le fait que la grande majorité de ces instruments financiers puissent fonctionner à ces taux et, dans de nombreux cas, bien en dessous, montre qu’il s’agit d’un taux fondamentalement raisonnable. Il convient également de noter que la plupart de ces taux étaient également en place lorsque les taux de la Banque du Canada étaient beaucoup plus élevés.
L’objectif de ce projet de loi n’est pas de criminaliser l’activité financière légitime, mais puisque c’est à l’article 347 du Code criminel que l’on a fixé une limite à l’intérêt, c’est aussi le meilleur endroit pour y abaisser les taux d’intérêt. Les dispositions actuelles n’ont été invoquées que dans des litiges contractuels civils; elles ne l’ont pas été au pénal. On peut s’attendre à ce que le taux réduit ait un effet dissuasif en ce qui concerne les taux d’intérêt, sans qu’il soit nécessaire de criminaliser la pratique.
Malgré le ralentissement de cette année, attribuable à la pandémie, l’endettement des ménages canadiens est de nouveau à la hausse. En pourcentage du revenu disponible, il s’établissait à 170,7 % à la fin de 2020, comparativement à 162,8 % au deuxième trimestre, selon Statistique Canada. Le ratio d’endettement des ménages est passé de 12,36 à 13,22 % au cours de la même période. Dans l’ensemble, la dette des ménages canadiens s’élève à 2,041 billions de dollars, en hausse de 3,8 % par rapport à l’année dernière. Les faillites personnelles ont atteint leur plus haut niveau en 10 ans à la fin de 2019.
L’indice des dettes à la consommation de MNP, qui permet d’évaluer le comportement des Canadiens à l’égard de leurs dettes et leur capacité à effectuer leurs paiements mensuels, a atteint son plus faible niveau jamais enregistré. MNP constate aussi que trois Canadiens sur dix se sont endettés davantage pendant la pandémie.
L’endettement des ménages était préoccupant avant la pandémie, mais il s’est davantage alourdi pour certains Canadiens. Il s’agit d’une crise imminente qui aura des répercussions sur la reprise économique.
La COVID-19 a poussé le gouvernement fédéral à engager des dépenses de programme historiquement élevées, mais il soutient que le déficit est « maîtrisable » puisque l’emprunt est également à un niveau historiquement bas.
Compte tenu de ce qui précède et de l’article 347 du Code criminel, qui fixe le taux d’intérêt criminel à 60 %, pourquoi de nombreux Canadiens paient-ils des taux d’intérêt allant jusqu’à 59 %? Pourquoi les Canadiens sont-ils désavantagés sur le plan financier alors que les taux d’intérêt ont atteint un niveau historiquement bas? Pourquoi acceptons-nous deux normes d’intérêt, l’une pour le gouvernement et l’autre pour les citoyens, en particulier les ménages à faible revenu?
Le gouvernement canadien emprunte actuellement à des taux d’intérêt historiquement bas. Le coût élevé des mesures contre la pandémie est atténué par ces bas taux, mais les Canadiens qui alimentent l’État avec leurs impôts doivent-ils payer des taux extrêmes?
Cette mesure serait un moyen parfait d’aider les Canadiens pendant la présente crise. Corriger l’article 347 en abaissant le taux d’intérêt criminel n’augmente pas les dépenses du gouvernement; cela ne lui coûte rien. Cela aidera les Canadiens qui ressentent la pression d’une dette croissante, particulièrement pendant la pandémie actuelle. Il s’agit d’une question d’équité qui permet le remboursement efficace des prêts par les plus marginalisés.
Honorables sénateurs, le trésorier de Victoria, Tim Pallas, a appelé en avril dernier à une révision des taux d’intérêt des cartes de crédit, les qualifiant de déraisonnables à 20 %. L’Australie plafonne les taux d’intérêt à 48 %.
Chers collègues, vous verrez de plus en plus de pays revoir leurs taux d’intérêt au cours des prochaines années. Nous avons créé un système qui fonctionne grâce au crédit, à l’endettement. Très peu d’entre nous peuvent s’en passer, en particulier ceux qui sont en marge de la société. Il ne s’agit pas de leur faire la charité. Il s’agit de les aider à éliminer leurs dettes.
Comment pouvons-nous laisser la vie d’une personne s’effondrer parce qu’elle doit contracter un prêt pour réparer une voiture dont elle a besoin pour se rendre au travail, pour faire garder ses enfants pendant qu’elle cherche un emploi ou suit une formation?
Nous disons que nous souhaitons toutes ces mesures pour les Canadiens afin qu’ils aient la possibilité d’améliorer leur situation et celle de leur pays, mais nous permettons la mise en place de ces obstacles. Comment pouvons-nous rester les bras croisés et laisser les personnes les plus vulnérables financièrement payer les taux d’intérêt les plus élevés alors que les riches non seulement bénéficient de taux faibles, mais ils en sont récompensés?
J’ai récemment participé à l’émission Marketplace de la CBC où l’on décrit un certain nombre de taux d’intérêt excessifs. Je vous recommande de la regarder pour voir par vous-même les répercussions sur les gens. Il ne s’agit pas d’un concept financier abstrait. Il ne s’agit pas seulement de chiffres dans un grand livre. Ce sont de vraies personnes qui subissent de véritables répercussions qui touchent leur famille et leur collectivité.
Honorables sénateurs, il est temps d’agir. C’est ma troisième tentative. S’il vous plaît, lorsque nous reviendrons à l’automne, donnons à la population canadienne le taux d’intérêt qu’elle mérite. Je vous remercie.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-233 de la sénatrice Ringuette. Des Canadiens dans le besoin se font exploiter par des prêteurs depuis trop longtemps.
Abaisser le taux d’intérêt criminel est une mesure essentielle pour aider ceux qui se retrouvent inévitablement pris au piège de l’endettement à cause de prêts qui sont présentés comme étant le contraire de ce qu’ils sont en réalité. Comme le révèlent de récentes publicités télévisées, ces entreprises exploitent les gens en profitant du désespoir de ceux qui s’enfoncent dans la pauvreté et la marginalisation économique.
Cela me rappelle mon tout premier emploi au gouvernement, au sein de ce qu’on appelait le ministère de la Consommation et des Affaires commerciales. Pendant les mois où j’y ai travaillé, j’ai vu l’équipe responsable des « prêteurs parallèles » prendre de l’expansion en passant de deux personnes dans un bureau à un personnel occupant un étage en entier. En peu de temps, les pratiques de prêts abusives ont pris une telle ampleur que les fonctionnaires n’avaient pas suffisamment de ressources pour les surveiller, et encore moins les contrôler.
Je tiens à remercier la sénatrice Ringuette de son travail pour ce projet de loi et du leadership dont elle a fait preuve en nous rappelant que l’économie canadienne peut fonctionner et prendre son essor sans que les pauvres se fassent imposer un taux d’intérêt de 60 %.
L’engagement, dans le cadre du budget de 2021, à entamer des consultations en vue d’abaisser le taux d’intérêt criminel a souligné l’urgence d’agir pour prévenir cette forme d’exploitation. Le projet de loi S-233 pourrait nous permettre de prendre cette mesure essentielle dès maintenant.
Comme dans tant d’autres secteurs où il y avait de la marginalisation et de la discrimination, la pandémie de COVID-19 a exacerbé les effets néfastes des taux d’intérêt usuraires. La sénatrice Ringuette vient de parler de l’enquête de l’émission Marketplace de la CBC, réalisée en janvier 2021, qui a révélé que les prêteurs marginaux imposaient un taux d’intérêt annuel de presque 50 % sur certains prêts pluriannuels.
Le taux d’intérêt criminel courant a été difficile à justifier au moment où il a été établi dans les années 1980, alors que le taux d’intérêt de la Banque du Canada était de 21 %, comme la sénatrice Ringuette l’a également souligné. Cette année, il est inférieur à 1 %. Comment expliquer un tel écart? Les prêteurs, qui se présentent comme un service essentiel pour les Canadiens que les institutions financières traditionnelles ont refusés, exploitent ce créneau.
Des personnes comme Patricia Edwards, une mère de Toronto, ont été forcées d’emprunter à un prêteur marginal. Comme elle l’a dit à la CBC, elle voudrait bien obtenir un prêt bancaire, mais puisqu’elle ne possède ni véhicule ni résidence et qu’elle n’a donc aucun actif, elle n’arrive pas à y être admissible. Elle doit donc payer un intérêt de 47 % à un prêteur marginal, envers qui elle a encore une dette de 5 000 $ pour un prêt de 1 500 $.
Alors que les riches ont accès à de bas taux d’intérêt, quelque 9 millions de Canadiens dont la cote de crédit est faible ou qui vivent dans la pauvreté font face à de l’exclusion financière, puisque les institutions financières courantes refusent de leur prêter de l’argent.
Personnellement, je ne sais plus combien de fois j’ai remboursé de telles dettes ou garanti des prêts, notamment en les cosignant, pour éviter, parfois en vain, que de trop nombreuses personnes se retrouvent sans-abri, soient judiciarisées et plongent dans la pauvreté abjecte.
Pour les personnes vivant de l’aide sociale, ces dettes sont comptabilisées dans leur revenu au moment de l’emprunt. Or, les coûts réels ne sont jamais crédités, pas plus que le montant du capital, et les taux d’intérêt le sont encore moins.
Imaginons un instant le tollé qui s’élèverait si, chaque fois que vous et moi empruntions de l’argent pour acheter une maison, une voiture ou un meuble, ou encore pour prendre soin d’un être cher — peu importe la raison —, Revenu Canada le calculait comme un revenu et qu’il récupérait la somme au dollar près. Qu’en serait-il si les défauts de paiement étaient considérés comme des infractions criminelles?
Comme nous le savons, les tentatives des gens pour échapper à la pauvreté peuvent trop facilement conduire à leur judiciarisation, à leur incarcération et à la séparation d’avec les membres de leur famille qu’ils s’efforcent de faire vivre. Ils doivent ensuite composer avec les préjugés et les défis supplémentaires associés à un casier judiciaire.
La majorité des prêts usuraires à tempérament sont contractés pour prendre soin de la famille. Les études révèlent que la plupart des emprunteurs utilisent l’argent pour payer le loyer, le compte d’électricité et l’épicerie, et qu’ils demandent de tels prêts après avoir essuyé un refus des banques traditionnelles en raison de leur faible cote de crédit. Beaucoup plus de gens ont été plongés dans cette réalité lorsqu’ils ont appris qu’ils étaient inadmissibles à la PCU alors qu’ils pensaient l’avoir reçue en toute légitimité pendant la pandémie.
Le projet de loi S-233 est nécessaire pour prévenir l’oppression économique des personnes les plus marginalisées. Cependant, aussi important que puisse être ce projet de loi, il est loin d’être suffisant pour éradiquer l’exclusion financière.
Comme le directeur parlementaire du budget et beaucoup d’autres personnes nous l’ont rappelé, le Canada pourrait, en quelques mois, réduire de moitié le nombre de gens vivant dans la pauvreté s’il instaurait le revenu minimum garanti pour que les Canadiens dans le besoin aient suffisamment d’argent pour se nourrir, se loger et combler leurs autres besoins fondamentaux. Cela empêcherait aussi les gens de devoir se tourner vers des institutions financières marginales, en plus de garantir que toutes les personnes ont les moyens financiers d’avoir accès au crédit à un taux légal, raisonnable et abordable.
La Prestation canadienne d’urgence a montré qu’il est possible d’offrir des mesures d’aide économique directement aux personnes dans le besoin, et ce dans les plus brefs délais, lorsqu’il existe une volonté politique et publique. Nous serions tous avantagés si nous vivions dans des localités où tout le monde est en sécurité, en bonne santé et se porte bien.
Nous disposons des moyens nécessaires et de l’appui de la population. De plus, l’instauration d’un revenu minimum garanti est considérée comme une priorité dans le récent Plan d’action national 2021 pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées. Si on ajoute à cela le fait que des provinces et des territoires comme l’Île-du-Prince-Édouard, le Yukon et Terre-Neuve-et-Labrador portent intérêt à une telle mesure, il ne nous reste plus qu’à procéder à sa planification et à son exécution pour réduire considérablement la pauvreté au Canada.
Chers collègues, le taux d’intérêt criminel actuel permet d’exploiter les Canadiens les plus pauvres et les plus vulnérables. À quelle fin? Pour faire prospérer les prêteurs marginaux?
Le projet de loi S-233 de la sénatrice Ringuette abaissera le taux d’intérêt criminel et réduira les injustices des prêts abusifs dont sont victimes les plus démunis. Il est urgent et important d’adopter ce projet de loi pour réduire l’inégalité des revenus. Concertons nos efforts pour soutenir ce projet de loi ainsi que les futures mesures qui luttent contre la pauvreté et qui favorisent l’équité.
Meegwetch. Merci.
Honorables sénateurs, je veux saluer le travail de la sénatrice Ringuette, qui a défendu ce dossier pendant de très nombreuses années et qui a tenté de trouver une solution. Nous avons une occasion que nous continuerons d’explorer à l’automne. Cette démarche me semble extrêmement importante. Je la remercie et j’appuie complètement ce projet de loi.
Je remercie aussi la sénatrice Pate d’avoir contribué au débat ce soir. Leur expérience leur a permis de parler des répercussions réelles sur la vie des Canadiens. J’ai travaillé plusieurs années pour Centraide et cela m’a permis de travailler aux côtés de personnes ayant ce vécu. Nous avions alors effectué une étude qui est devenue un rapport historique pour nous à Toronto. Il nous a permis de répartir nos investissements communautaires et d’organiser nos efforts de renforcement des capacités. Ce rapport était intitulé Poverty by Postal Code. Nous avions élaboré une carte démographique de tous les quartiers de Toronto — en fonction de la race, du revenu et de l’éducation — et nous avions constaté très clairement la présence de poches de pauvreté dans une large partie de la ville de Toronto.
Bien sûr, je ne vous surprendrai pas en disant qu’une majorité de la population vivant dans les quartiers concernés est racialisée. Ils sont nombreux à être de nouveaux arrivants. Pour autant, ils sont aussi nombreux à venir de familles établies depuis longtemps qui viennent des Caraïbes ou d’autres endroits, et qui ont vécu à la fois le racisme systémique, mais aussi le manque d’opportunités et les difficultés liées au fait d’avoir grandi dans ces communautés pauvres.
Nous avons lancé en collaboration un projet appelé Action for Neighbourhood Change dont l’objectif était de donner les moyens aux habitants de prendre contact avec des entreprises ou des gouvernements pour leur présenter des solutions en matière de politiques aux problèmes auxquels ils étaient confrontés.
On nous a dit un certain nombre de choses. Par exemple, il n’y a pas de supermarchés dans ces quartiers. C’est ce qu’on appelle un « désert alimentaire » dans le jargon des services sociaux. Les gens, dans ces quartiers, n’ont pas accès au transport ou doivent prendre plusieurs bus pour aller faire leurs courses, leurs enfants à la remorque dans des poussettes, ce qui veut dire qu’ils font leurs courses, dans bien des cas, dans des magasins de proximité, où les prix sont plus élevés et les produits de moins bonne qualité nutritionnelle.
Nous avons découvert que le désert alimentaire va de pair avec une prolifération de magasins de location-vente, de meubles, d’appareils électroménagers et de bien d’autres choses. C’est logique. C’est là que se trouve leur marché, car les personnes qui ont un pouvoir d’achat peuvent avoir recours à des plans de crédit ou à des services de vente à la livraison différée, mais ils utilisent rarement la location avec option d’achat. Je l’ai utilisée à une époque de ma vie, en raison de ma situation économique et de celle de ma famille.
L’exercice était intéressant. Nous avons parlé aux gens de littératie économique, de mettre sur pied des programmes et de soutenir la Fondation canadienne d’éducation économique dans ses démarches auprès du gouvernement provincial en vue d’intégrer la littératie économique dans nos écoles élémentaires et secondaires de manière à préparer les gens au monde qui les attend et de leur inculquer toutes ces connaissances qui font défaut à tant d’entre nous en matière de fiscalité, de taux d’imposition, de taux d’intérêt et de questions financières.
Évidemment, nous étions conscients du problème d’insécurité économique, mais en échangeant avec les gens, nous avons rapidement constaté que beaucoup dépendent, par exemple, de prêteurs parallèles, de prêteurs marginaux et d’usuriers. Dans bien des cas, c’était leur dernier recours. Nous nous sommes mis à examiner l’emplacement de ces prêteurs. Nous avons repéré tous les emplacements sur une carte de la ville de Toronto. Encore une fois, ils convergent autour des voisinages les plus pauvres. C’est peu étonnant, puisque c’est là que leur marché est situé.
Je ne vais pas parler en détail des taux exigés. Vous les avez entendus de la bouche des deux intervenants précédents, qui ont fait un excellent travail d’examen des preuves. Les taux étaient peut-être compréhensibles étant donné l’absence de précision dans le Code criminel pour faire un lien avec tout autre point de repère économique, mais ils étaient usuraires; s’ils ne sont pas définis ainsi dans le Code criminel, ils sont tout de même usuraires sur le plan de la pratique, de l’effet et des conséquences.
Il y a longtemps, à mon avis, que cette question aurait dû être réglée. Les gouvernements provinciaux ont tenté de le faire à plusieurs reprises. Dans certains cas, les provinces ont obtenu de bons résultats dans les secteurs qu’elles peuvent réglementer. Il y a eu de bons résultats, mais il n’y a vraiment pas d’uniformité. Comme certains l’ont souligné, alors que les taux sont à des niveaux historiquement bas — du moins, historiquement bas de mon vivant —, le taux d’intérêt criminel n’a pas été ajusté.
C’est un vol pur et simple. Ce sont les personnes qui vivent dans la pauvreté et les familles qui en paient le prix. Cette mesure bien simple est un pas vers la solution. Je ne saurais exagérer mon appui à cette mesure législative. D’après toute mon expérience de travail communautaire auprès des gens des quartiers défavorisés, je peux vous dire qu’il s’agit d’une occasion sans pareille de rétablir un tant soit peu l’équilibre. Il y a encore beaucoup de travail à accomplir, comme l’a souligné la sénatrice Pate, en matière de sécurité économique et de sécurité d’emploi au pays. Je suis donc impatiente que le Sénat étudie la question de l’avenir des travailleurs de l’économie à la demande, parce que nous savons que ce sont surtout des personnes qui ont un faible revenu qui sont touchées par ces enjeux et par les problèmes qui ont été constatés concernant les travailleurs essentiels pendant la pandémie.
J’ajoute ma voix à celles de ceux qui appuient ce projet de loi, et je vous demande à tous de songer à en faire autant pour que nous puissions l’étudier au comité puis le renvoyer ici afin qu’il puisse faire une grande différence dans l’économie canadienne et dans la vie des Canadiens à faible revenu. Merci beaucoup.