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Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2021

Deuxième lecture

28 juin 2021


L’honorable Lucie Moncion [ + ]

Propose que le projet de loi C-30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 avril 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour présenter le projet de loi C-30, Loi no 1 d’exécution du budget de 2021. Je suis fière du fait que, pour la première fois de l’histoire du Canada, une femme ministre des Finances ait présenté cette mesure législative fondamentale. C’est avec fierté que je parraine, en tant que femme, ce projet de loi au Sénat. Nous devons souligner ces moments historiques et nous réjouir des progrès réalisés envers l’égalité des femmes au Canada.

La sénatrice Moncion [ + ]

Le projet de loi comprend de nombreuses mesures qui aideront les femmes à se remettre de la pandémie et qui leur donnent la possibilité de participer pleinement à l’économie au cours des années à venir.

Le projet de loi permet au gouvernement d’aller de l’avant avec certaines mesures prévues dans le budget de 2021, afin de poursuivre sa réponse à la pandémie de COVID-19 et gérer la relance économique.

Le budget de 2021, déposé le 19 avril, est le plan détaillé qu’entend suivre le gouvernement afin d’établir son programme économique annuel. Il vise une relance de l’économie plus verte, plus équitable et plus prospère pour toutes les Canadiennes et tous les Canadiens.

Ce plan comporte un nombre important de mesures qui sont articulées selon les fondements économiques et sociaux communs de notre pays. Il tient compte des défis à relever et de nos perspectives pour l’avenir.

Plusieurs des mesures qui sont proposées ont une portée beaucoup plus longue et plus importante, ce qui signifie qu’elles déborderont sur les exercices financiers suivants. Il s’agit, entre autres, de la création d’un système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, d’investissements visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, de l’aide apportée aux personnes âgées grâce à la bonification de la pension de la Sécurité de la vieillesse et de la prolongation des mesures d’aide aux entreprises. Ces mesures reflètent les aspirations contemporaines des Canadiens et des Canadiennes, et le projet de loi C-30 est un premier pas vers la mise en œuvre de ce plan ambitieux.

La récession causée par la COVID-19 a touché de façon disproportionnée certains Canadiens, comme les travailleurs à faible revenu, les jeunes, les femmes et les personnes racisées.

En ce qui concerne les entreprises, il s’agit d’une récession à deux vitesses. Certaines ont trouvé des façons de prospérer et de croître, tandis que d’autres, surtout les petites entreprises, luttent pour leur survie.

Les mesures prévues dans le projet de loi C-30 visent à régler les problèmes que la récession causée par la COVID-19 pose pour le Canada, à soutenir les particuliers et à mettre en place des mesures pour aider les entreprises à retrouver la voie de la croissance à long terme.

Honorables sénateurs, le gouvernement est convaincu que les dépenses prévues dans le budget sont raisonnables et viables. Il a attiré l’attention sur deux indicateurs clés dans le budget. Le premier est la baisse du ratio de la dette par rapport au PIB, qui sera de 49,2 % en 2025-2026. Le deuxième est la baisse du déficit, qui est tombé à 1,1 % au cours de la dernière année.

Des valideurs externes ont également évalué la situation et déclaré que le budget est viable. Le 26 avril, l’organisme de crédit Standard & Poor’s a réaffirmé la cote de crédit AAA du Canada, la plus élevée qui soit, et a déclaré que les perspectives étaient stables. De plus, Steven Poloz, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada qui a été nommé par le premier ministre précédent, a dit qu’à son avis, les hypothèses contenues dans le budget sont en réalité assez conservatrices et que, selon lui, la trajectoire proposée est viable.

Le budget prévoit non seulement une trajectoire viable, mais aussi une croissance économique importante. Il fournit des projections de croissance prudentes fondées sur la moyenne des prévisions économiques du secteur privé. L’utilisation de ces indicateurs est une pratique de longue date qui remonte à 1994. En outre, selon un récent rapport du directeur parlementaire du budget, les mesures budgétaires :

[…] auront pour effet de doper temporairement la croissance du PIB réel en 2021 et 2022. Selon nos prévisions, d’ici la fin 2025, ces mesures auront permis la création de quelque 89 000 emplois nets.

Premièrement, nous savons que pour revitaliser l’économie canadienne, les Canadiens doivent être vaccinés. Les campagnes de vaccination s’accélèrent partout au pays. Cela nous apporte une lueur d’espoir et d’optimisme après une année difficile, remplie de sacrifices.

Pour soutenir ces efforts, le projet de loi C-30 propose un paiement unique de 1 milliard de dollars aux provinces et aux territoires afin de renforcer le déploiement des programmes de vaccination. Les efforts consentis par le gouvernement fédéral au chapitre de l’approvisionnement des vaccins et les investissements prévus permettront aux Canadiens d’amorcer la relance avec confiance.

Malgré les progrès de la vaccination, la pandémie de COVID-19 continue d’exercer des pressions importantes sur les systèmes de soins de santé partout au pays, et les Canadiens ont des besoins urgents à cet égard.

Le projet de loi C-30 propose donc de verser 4 milliards de dollars dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé pour aider les provinces et les territoires à faire face aux pressions immédiates exercées sur le système de soins de santé.

Ces fonds s’ajoutent aux investissements réalisés par le gouvernement fédéral en faveur des systèmes de santé depuis le début de la pandémie, y compris l’enveloppe de 13,8 milliards de dollars accordée dans le domaine de la santé dans le cadre de l’Accord sur la relance sécuritaire. Ce financement supplémentaire aidera les systèmes de santé à fournir aux Canadiens les soins de santé dont ils ont besoin et à résorber le retard en ce qui a trait aux interventions médicales.

Le projet de loi C-30 prévoit aussi plus de 2,9 milliards de dollars en financement initial pour d’éventuelles ententes avec les provinces et les territoires afin d’appuyer l’investissement gouvernemental de 30 milliards de dollars sur cinq ans visant à établir un système pancanadien d’éducation préscolaire et de garderies de haute qualité, abordable et accessible.

Comme l’a souligné l’économiste Armine Yalnizyan, la pandémie est une « récession au féminin ». Après 15 mois de pandémie, les femmes représentent 66 % des personnes ayant perdu leur emploi au Canada et elles ont assumé le gros de l’augmentation des coûts. Cette situation s’explique par l’augmentation du travail non rémunéré découlant de la fermeture des écoles et de la perte de services dans le secteur de l’éducation préscolaire et des garderies.

Le gouvernement veut stimuler la croissance économique pour les femmes et les familles, et les garderies peuvent les aider à traverser cette période difficile. D’ici cinq ans, le gouvernement prévoit fournir aux familles de tout le Canada l’accès à des services d’éducation préscolaire et de garderie de haute qualité à un coût moyen de 10 $ par jour.

Le financement prévu dans le projet de loi C-30 permettrait de lancer un système qui fonctionnerait pour les familles de tout le pays, étant donné que des services d’éducation préscolaire et de garderie de qualité procurent de nombreux avantages sociaux et économiques. Selon un rapport du Conference Board du Canada, chaque dollar investi dans des programmes d’éducation préscolaire génère environ 6 $ de retombées économiques en retour.

Pour les enfants, les avantages sont inestimables. Selon le rapport du Comité sénatorial des affaires sociales intitulé Éducation et garde des jeunes enfants : Prochaines étapes, les premières années de vie sont cruciales pour la croissance et le développement des enfants, et le fait de fournir des programmes d’éducation et de garderie de qualité leur permet d’avoir une longueur d’avance.

Le président du rapport, notre ancien collègue le sénateur Art Eggleton, avait l’habitude de résumer la situation ainsi : « Les études sont unanimes : les enfants prêts à apprendre lorsqu’ils arrivent à l’école deviennent des adultes prêts à réussir. »

La province de Québec a agi comme leader dans ce domaine, en traçant la voie à suivre pour le reste du Canada. L’engagement du gouvernement fédéral en la matière arrive à point, afin de régler une problématique de longue date, mise en exergue par la pandémie. La COVID-19 a exposé le fait que, sans services de garde, les parents — généralement les femmes — ne peuvent pas travailler à l’extérieur du foyer. La COVID-19 a exacerbé la situation et nous a montré l’ampleur de cet enjeu économique et sociétal.

Le plan du gouvernement d’établir un système d’apprentissage et de service de garde pour les jeunes enfants contribuera à accroître la participation des parents — surtout celle des mères — au marché du travail. De plus, il créera des emplois pour les travailleurs en garderie, dont plus de 95 % sont des femmes, et donnera à tous les enfants du Canada des fondations solides pour un avenir meilleur.

Chers collègues, le budget de 2021 et le projet de loi C-30 prévoient des mesures pour retrouver le plus rapidement possible le chemin de la création d’emplois et de la prospérité des entreprises durement touchées durant la pandémie. Dans le budget de 2021, le gouvernement s’est engagé à créer près de 500 000 nouvelles possibilités de formation et d’emplois pour les Canadiens. Par ailleurs, dans le projet de loi C-30, le gouvernement propose de reconduire les mesures de soutien existantes pour que la population et les entreprises canadiennes puissent traverser la troisième vague de la pandémie, tout en pavant la voie à la relance économique.

Jusqu’à maintenant, la Subvention salariale d’urgence du Canada a aidé plus de 5,3 millions de Canadiens à conserver leur emploi, au moyen de 81 milliards de dollars versés en subvention à plus de 440 000 entreprises. La Subvention d’urgence du Canada pour le loyer et la mesure de soutien en cas de confinement ont aidé plus de 190 000 entreprises, au moyen de subventions de plus de 4,14 milliards de dollars, à payer leur loyer, leur prêt hypothécaire et d’autres dépenses. La subvention salariale, la subvention pour le loyer et la mesure de soutien en cas de confinement devaient prendre fin en juin 2021.

Cependant, il est clair que les impacts de la troisième vague et des fermetures prolongées nécessitent le maintien de ces programmes, afin de remettre les entreprises à flot dans un contexte économique encore trop précaire. Le projet de loi C-30 prolonge donc ces mesures jusqu’au 25 septembre 2021, pour un soutien additionnel total de 12,1 milliards de dollars.

Le projet de loi C-30 prévoit également de maintenir l’accès souple aux prestations d’assurance-emploi pendant une année de plus, soit jusqu’à l’automne 2022, pour les personnes qui ne peuvent toujours pas travailler. Le gouvernement propose aussi de prolonger le nombre de semaines de prestations pour d’autres mesures d’aide importantes comme la Prestation canadienne de la relance économique et la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants.

La Prestation canadienne de la relance économique a été conçue pour soutenir les Canadiens non admissibles à l’assurance-emploi. Près de 2 millions de Canadiens ont eu recours à ce programme, pour une aide financière totale de 19 milliards de dollars. Le projet de loi C-30 prévoit une période de 12 semaines de prestations additionnelles pour les Canadiens.

Cette mesure législative prolonge de 4 semaines la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants, pour une période maximale de 42 semaines. Le versement de 500 $ par semaine est aussi maintenu dans les cas où les options de prestations de soins ne seraient pas suffisamment disponibles, surtout pour les personnes ayant des enfants à leur charge, quand l’économie redémarrera en toute sécurité. Ce soutien au revenu a déjà aidé près de 420 000 Canadiens, pour une aide financière totale de 2,6 milliards de dollars.

En outre, avec ce projet de loi, le gouvernement s’engage à offrir un soutien accru aux Canadiens malades ou blessés une fois que les mesures d’aide liées à la pandémie prendront fin. Pour ce faire, il prévoit faire passer de 15 à 26 semaines les prestations de maladie de l’assurance‑emploi. Cette prolongation entrerait en vigueur à l’été 2022 et elle accorderait chaque année à quelque 169 000 Canadiens plus de temps et de souplesse pour retrouver leurs capacités et reprendre le travail.

Chers collègues, dans ce budget, le gouvernement s’engage à améliorer la prospérité de la classe moyenne canadienne et l’égalité des chances. Au Canada, les travailleurs à faible revenu sont parmi les plus durement touchés par la pandémie. Au cours de la dernière année, ils ont fait face à des risques d’infection importants et nombre d’entre eux ont perdu leur emploi. Ce sont ces travailleurs qui ont été la pierre angulaire de l’économie canadienne en période de haute perturbation, et leurs nombreux sacrifices ont permis d’assurer la continuité de l’offre de biens et de services essentiels aux Canadiens.

Pourtant, parmi ces travailleurs, nombreux sont ceux qui vivent sous le seuil de la pauvreté, malgré le fait qu’ils occupent un emploi à temps plein. Ces injustices et ces iniquités n’ont pas lieu d’être dans un pays privilégié comme le nôtre. Le gouvernement propose de traiter cette problématique en élargissant l’Allocation canadienne pour les travailleurs, en investissant 8,9 milliards de dollars sur six ans pour offrir un soutien additionnel aux travailleurs à faible revenu. Ce montant permettra d’assurer un revenu complémentaire à environ 1 million de travailleurs supplémentaires, en plus d’aider 100 000 Canadiens à sortir de la pauvreté. Le projet de loi C-30 prévoit également un salaire horaire minimum fédéral à 15 $, ce qui profitera à plus de 26 000 travailleurs.

Les jeunes ont été parmi les plus durement et les plus rapidement touchés par la pandémie, perdant plus d’emplois que tout autre groupe démographique. Le gouvernement s’engage à les placer au cœur de la relance économique du Canada, non seulement pour les aider à s’en remettre aujourd’hui, mais aussi pour investir dans leur réussite future et dans la stabilité future de l’économie.

L’engagement du gouvernement envers les jeunes Canadiens est l’un des plus importants plans au monde, totalisant 13,1 milliards de dollars sur six ans. Il s’agit notamment d’aider les Canadiens en rendant le collège et l’université plus accessibles et abordables. Pour ce faire, le projet de loi C-30 prévoit prolonger jusqu’en mars 2023 la renonciation aux intérêts sur les prêts fédéraux consentis aux étudiants et aux apprentis. La renonciation aux intérêts sur les prêts étudiants pour une année supplémentaire permettra aux quelque 1,5 million de Canadiens qui remboursent des prêts étudiants de réaliser des économies.

Par ailleurs, personne n’a subi d’effets plus dévastateurs sur la santé que les aînés au cours des 15 derniers mois. Les Canadiens âgés ont également dû composer avec un fardeau économique supplémentaire, car ils ont dû assumer des coûts supplémentaires pour rester en sécurité. Même avant la pandémie, de nombreux aînés comptaient sur des prestations mensuelles pour joindre les deux bouts. En vieillissant, les personnes âgées ont généralement des revenus plus faibles et elles doivent souvent composer avec des dépenses de santé plus élevées en raison d’une maladie ou d’une incapacité. Cette vulnérabilité est accentuée par une capacité réduite à augmenter les revenus par un travail rémunéré, le risque d’épuiser les économies et le risque de devenir veuf ou veuve.

Un rapport publié récemment par le Centre canadien de politiques alternatives montre aussi que certains aînés sont touchés plus durement que d’autres lorsqu’ils prennent de l’âge. Selon le rapport, les aînés autochtones et racisés ont un revenu de retraite beaucoup moins élevé que les aînés non racisés et ils sont plus nombreux à vivre dans la pauvreté. Le taux de pauvreté s’établit à 22 % pour les aînés autochtones et à 20 % pour les aînés racisés, alors qu’il est de 14 % pour les aînés non racisés. Bon nombre d’entre eux doivent compter sur les régimes de pension publics, par exemple sur la Sécurité de la vieillesse, pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille.

Le rapport met aussi en évidence un écart entre les hommes et les femmes : parmi les aînés de tous les profils démographiques, on constate chez les femmes des revenus plus faibles et un taux de pauvreté plus élevé que chez les hommes. Le rapport souligne aussi que la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti sont des mesures essentielles pour lutter contre la pauvreté et qu’ils constituent des sources de revenus cruciales pour les aînées autochtones et racisées. Les auteurs du rapport accueillent favorablement la proposition, prévue dans le projet de loi C-30, d’augmenter les prestations de la Sécurité de la vieillesse pour les aînés de 75 ans et plus, car elle permettrait selon eux de réduire la disparité des revenus de retraite.

Pour contribuer à fournir une retraite plus sécuritaire, plus sûre et dans la dignité, le gouvernement propose, dans le projet de loi C-30, une augmentation de 10 % des prestations de la Sécurité de la vieillesse destinées aux personnes âgées de 75 ans et plus, de façon permanente, et ce, à compter du mois de juillet 2022. Cette mesure permettra d’augmenter les prestations d’environ 3,3 millions d’aînés. Outre cette augmentation, ce projet de loi permettra un versement unique de 500 $, en août 2021, aux bénéficiaires de la Sécurité de la vieillesse qui seront âgés de 75 ans ou plus en date de juin 2022, pour combler dès maintenant le fossé entre ces augmentations permanentes et les besoins des aînés plus âgés.

Chers collègues, le gouvernement s’engage aussi, dans ce projet de loi, à soutenir les petites entreprises, des entreprises qui sont au cœur de notre économie et qui ont terriblement souffert à cause des confinements.

Dans le cadre du budget de 2021, le gouvernement présente un plan à long terme afin de favoriser la croissance robuste et continue des petites entreprises canadiennes. Il propose aussi de prolonger la subvention salariale, la subvention pour le loyer et le soutien en cas de confinement afin d’aider les entreprises à faire le pont entre le ralentissement et la reprise économique.

Le projet de loi C-30 propose l’instauration du nouveau Programme d’embauche pour la relance économique du Canada, qui serait en vigueur de juin à novembre et qui permettrait aux entreprises d’embaucher plus facilement des employés mis à pied ou de nouveaux travailleurs. Le gouvernement estime que cette mesure fournira un soutien de 595 millions de dollars au total.

Les petites entreprises ont besoin d’avoir accès à du financement pour investir dans les personnes et dans l’innovation, ainsi que pour avoir l’espace nécessaire pour fonctionner et croître. Pour aider ces entreprises, le projet de loi C-30 propose d’améliorer le Programme de financement des petites entreprises du Canada en modifiant la Loi sur le financement des petites entreprises du Canada. Cela se traduira par un élargissement de l’admissibilité et une augmentation des limites de prêt.

Les modifications proposées dans le budget de 2021 devraient accroître le financement annuel de 560 millions de dollars, ce qui offrira un soutien à environ 2 900 petites entreprises de plus.

À l’instar des petites entreprises, les villes et les villages ont été confrontés à de fortes baisses de revenus en raison de la COVID-19.

Pour aider les collectivités de l’ensemble du pays, et pour entretenir et construire les infrastructures locales dont les Canadiens ont besoin, le projet de loi C-30 prévoit un investissement de 2,2 milliards de dollars au titre du Fonds fédéral de la taxe sur l’essence, qui serait rebaptisé Fonds pour le développement des collectivités du Canada. Les projets ainsi financés contribueront à jeter les bases d’une relance à long terme et à renforcer les collectivités pour les rendre plus résilientes.

Enfin, j’aimerais parler des mesures pour accroître la transparence à l’égard de la propriété effective des entreprises. Le Canada a essuyé des critiques au fil des années parce qu’il semble y avoir des lacunes quant à l’application des dispositions visant la corruption et le blanchiment d’argent, mais les mesures proposées dans le budget de 2021 et dans le projet de loi C-30 permettraient d’y remédier en optant pour une méthode de lutte contre le blanchiment d’argent axée sur les risques.

Les mesures du budget de 2021 pour exiger la divulgation de renseignements sur la propriété effective ainsi que les modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes qui sont prévues dans le projet de loi C-30 pour renforcer les sanctions pénales s’accordent avec les mesures prises par d’autres États.

Je précise également que le projet de loi contient des mesures qui visent expressément à lutter contre l’évitement fiscal, notamment en élargissant la portée des règles sur les opérations de transfert de sociétés étrangères affiliées. En plus des mesures du projet de loi C-30, le gouvernement a récemment convenu avec ses homologues du G7 d’établir un taux global d’imposition des sociétés d’au moins 15 %. C’est une mesure importante pour coordonner les efforts visant à lutter contre les paradis fiscaux qui sont exploités par un trop grand nombre de multinationales.

Je remercie mes collègues les sénateurs Wetston et Downe de l’excellent travail qu’ils ont réalisé dans ce dossier au fil des années, et je les félicite des efforts de sensibilisation qu’ils ont faits à l’égard des ces enjeux importants.

Chers collègues, comme vous pouvez le constater, le projet de loi C-30, tel qu’il est présenté dans le budget de 2021, est fondamental à la mise en œuvre d’une relance économique forte et équitable.

Il prévoit des investissements pour appuyer la relance après la récession causée par la COVID et également des mesures destinées à permettre aux Canadiens et aux entreprises canadiennes les plus durement touchés par la pandémie de tenir bon jusqu’à la fin de la tempête.

J’exhorte tous les sénateurs à se joindre à moi pour appuyer l’adoption de ce projet de loi essentiel. Merci.

Merci, sénatrice Moncion, de nous avoir présenté un excellent aperçu du projet de loi C-30 qui, par surcroît, s’ouvre sur une perspective positive.

Honorables sénateurs, j’aborde le projet de loi C-30 en pensant plus particulièrement aux millions de personnes au Canada qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Selon les statistiques qu’on utilise, entre 1 Canadien sur 10 ou 1 Canadien sur 7 vit dans la pauvreté, et bon nombre de ces défavorisés sont des Autochtones et des femmes et des enfants racialisés. Or, il est absolument vital de tenir compte de cette réalité alors que le Canada doit encore régler des crises en matière de logement et de santé, notamment des avis de faire bouillir l’eau; qu’il continue à contester devant les tribunaux des décisions rendues en faveur des enfants des Premières Nations; qu’il n’a pas encore donné suite aux appels à la justice découlant de la Commission de vérité et réconciliation, et de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées; et que le modèle honteux des pensionnats autochtones est encore appliqué dans les services d’aide à l’enfance et les établissements carcéraux pour les adolescents et les adultes.

Le gouvernement propose certaines initiatives louables dans le budget de 2021, mais il continue à laisser pour compte un trop grand nombre de Canadiens. Depuis le début de la pandémie, le taux de chômage a atteint des sommets qu’on n’avait pas vus depuis la Grande Dépression, et les travailleurs et les ménages à faible et à moyen revenus ont été confrontés à l’éviction, à l’itinérance et à l’insécurité alimentaire. De surcroît, un enfant sur trois dont la famille fréquente une banque alimentaire ne mange pas à sa faim. Des femmes, des Autochtones, des personnes racialisées, des aînés et des personnes handicapées ont vu les inégalités qui les pénalisent se creuser davantage à cause de la pandémie.

Aujourd’hui, on rapporte qu’en comparaison avec le reste de la population, les Noirs et les Autochtones sont 2,7 fois plus susceptibles d’éprouver de la difficulté à payer leur loyer et que les Autochtones qui vivent en milieu urbain sont 8 fois plus susceptibles de connaître l’itinérance.

Chers collègues, beaucoup d’entre nous ont eu l’immense privilège et la responsabilité d’écouter des personnes qui font partie de ces statistiques, des personnes dont le bien-être, la santé et même la vie ont été mis en péril par les politiques du Canada. Je pense aux personnes qui ne pouvaient bénéficier des types de mesures d’urgence que nous avons jugées prioritaires, aux personnes chassées de leur logis et jetées à la rue en plein hiver, durant une ordonnance de confinement et aux préposés aux bénéficiaires — un des emplois parmi les plus essentiels et les plus risqués durant la pandémie. Ces derniers gagnent un salaire dérisoire pour prendre soin des aînés dans les établissements de soins de longue durée et certains doivent dormir dans des refuges pour sans-abri parce que dans presque tous les quartiers du Canada travailler au salaire minimum, même à temps plein, ne permet pas de s’acquitter d’un loyer. Il y a aussi les personnes vivant de l’aide sociale et les enfants en âge de quitter leurs familles d’accueil que l’on a encouragés à demander la Prestation canadienne d’urgence parce qu’ils en avaient désespérément besoin. Ce faisant, ils sont devenus inadmissibles à d’autres mesures et programmes d’aide pour les personnes à faible revenu, et le remboursement d’une part de cette prestation au gouvernement implique pour eux de se priver de nourriture et d’autres produits essentiels.

Rien dans ce budget ne permettra d’améliorer les perspectives des gens qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Une majorité grandissante de Canadiens de toutes les allégeances politiques et de tous les niveaux de revenus réclament un revenu de subsistance garanti qui assurerait à tous ceux dans le besoin un accès aux fonds nécessaires pour vivre librement et de façon sécuritaire en faisant des choix pour assurer leur propre bien-être.

Au lieu de ce type de programme permanent et complet, le projet de loi C-30 prévoit de brèves prolongations et des programmes à court terme qui répondent à certains besoins des Canadiens, mais pas de tous les Canadiens. De même, le projet de loi C-220 prévoit un congé de deuil pour les employés du secteur fédéral protégés par le Code canadien du travail, et beaucoup réclament des congés de maladie, mais aucune de ces mesures ne serait accessible aux travailleurs autonomes, aux personnes handicapées ou à celles qui s’occupent d’enfants, d’amis ou de membres de la famille âgés ou handicapés.

Le programme phare du projet de loi C-30 visant les personnes vivant sous le seuil de la pauvreté consiste en un ajout mineur de 1 000 $ par année à l’Allocation canadienne pour les travailleurs. Le gouvernement reconnaît qu’au mieux, cette mesure pourrait porter le revenu de 3 % des personnes travaillant au salaire minimum et vivant actuellement dans la pauvreté à quelques centaines de dollars au-dessus du seuil de la pauvreté. Cette mesure ne fait rien pour lutter véritablement contre la pauvreté au Canada dans toute son ampleur et ne change en rien au fait que beaucoup de Canadiens qui travaillent à temps plein au salaire minimum ne parviennent pas à se sortir de la pauvreté.

À l’instar de la Prestation canadienne d’urgence et des réformes de l’assurance-emploi, l’initiative actuelle n’aide pas tous les gens dans le besoin : ses bénéficiaires sont sélectionnés en fonction de leur situation d’emploi. Le principe selon lequel certaines personnes méritent d’être soutenues et d’autres, non, est contraire à l’engagement du Canada à respecter les droits de la personne et la dignité humaine. Il fait fi de données probantes provenant de projets pilotes sur le revenu de base, qui démontrent que les gens touchant directement des revenus contribuent davantage, et non moins, à leur collectivité, que cet argent soit gagné dans le cadre d’un travail rémunéré ou non rémunéré. En prenant une telle initiative, le gouvernement choisit d’ignorer le fait que garder les gens dans la pauvreté coûte plus cher que de les aider à s’en sortir. La pauvreté a des coûts sanitaires, humains et sociaux, mais aussi des coûts financiers liés à la perte de productivité et d’investissements dans les soins de santé d’urgence et les refuges, de même que des coûts pour le système judiciaire. En tout, on estime que ces coûts s’élèvent à 33 milliards de dollars par année uniquement pour les Ontariens.

Craignons-nous tellement que les gens refusent de travailler — même si rien ne porte à le croire — que nous sommes prêts à dépenser plus d’argent pour les maintenir dans la pauvreté qu’il en coûterait pour leur donner des moyens de s’en sortir?

On prétend que les mesures contenues dans le projet de loi C-30 en vue d’appuyer la mise en place de services de garde d’enfants accessibles à tous sont indispensables pour aider les femmes à s’intégrer à la population active et à gagner un revenu. Je suis d’accord. Toutefois, à lui seul, un programme de garde d’enfants ne sera pas d’une grande utilité pour ceux qui ne peuvent pas travailler ou ne trouvent pas d’emploi, ceux qui gagnent si peu d’argent qu’ils n’ont même pas les moyens de payer quelques dollars par jour en frais de garde; ceux qui travaillent par quart ou font du travail à la demande à des heures où des services de garde ne sont pas offerts, ceux dans les régions rurales et éloignées où l’on ne trouve pas de services de garde, ou ceux dont les enfants ont besoin de services de garde adaptés à leur culture ou répondant à des besoins de santé particuliers.

Certains parents n’auront pas d’autres choix que de rester à la maison ou ne pourront pas bénéficier de ce type de services de garde d’enfants et devront payer plus pour trouver d’autres solutions. Une mesure directe de soutien du revenu, comme un revenu minimum garanti, pourrait apporter plus d’équité pour accéder aux services de garde d’enfants et à d’autres services qui prennent soin des enfants.

Le budget de 2021 et le projet de loi C-30 n’apportent pas non plus de solution pour lutter contre la pauvreté à long terme pour régler la crise du logement. D’ici octobre 2021, plus de 125 000 foyers crouleront sous les arriérés de loyer, une somme qu’on estime à 150 millions de dollars, et seront vraisemblablement menacés d’expulsion. Les données du recensement indiquent que le Canada a perdu 322 000 logements abordables dans les 10 dernières années. La demande pour les logements abordables dépasse de loin l’offre promise dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement et de l’Initiative pour la création rapide de logements. En outre, les modifications apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu dans le projet de loi C-30 ne limitent pas la capacité des grands fonds d’investissement ni des fiducies de revenu immobilier à acheter des logements locatifs; cela aurait pourtant permis d’endiguer le déclin rapide du nombre de logements abordables.

Les Canadiens qui ont communiqué avec nous pendant la pandémie pour parler d’un revenu minimum garanti ont demandé si dans notre position privilégiée nous avons déjà eu du mal à joindre les deux bouts, comme c’est le cas absolument tous les jours pour les plus démunis que nous sommes censés représenter. Les gens nous demandent ce que nous ferions si nous et notre famille étions dépendants de l’aide sociale provinciale ou territoriale — qui équivaut à moins de la moitié du revenu équivalant au seuil de pauvreté, qui grappille chaque dollar et qui criminalise les personnes qui tentent de gagner suffisamment pour sortir de la pauvreté — et si on nous interdisait d’économiser de l’argent ou si nous étions imposés à 100 % sur tout autre revenu, y compris les emprunts.

Alors que nous sommes à la veille de la pause estivale et que plane la menace d’éventuelles élections, nous sommes nombreux à penser que ce statu quo, assorti du projet de loi C-30, est inacceptable. On repousse et on refuse encore de l’aide à ceux qui en ont besoin d’urgence et on les abandonne encore à plusieurs mois de souffrance qui auraient pu être évités.

Le projet de loi C-30 devrait tous nous mettre mal à l’aise et nous pousser à agir. Nous ne devrions pas nous consoler avec les mesures inadéquates qu’il offre aux personnes qui vivent dans la pauvreté ou justifier le fait qu’il ne va pas plus loin. Bien franchement, nous devrions être révoltés par la maxime que nous entendons parfois au sujet des projets de loi, soit qu’il ne faut pas laisser la perfection être l’ennemi du bien. Lorsque des droits de la personne sont en jeu, ou plus particulièrement l’accès aux ressources nécessaires pour survivre et prospérer, le gouvernement du Canada et nous, sénateurs, ne pouvons promouvoir les droits des uns et faire fi de ceux des autres et prétendre que cela suffit pour l’instant.

Dans notre travail collectif, nous avons le devoir de refuser de fermer les yeux sur les réalités des personnes qui vivent dans la pauvreté et l’obligation corollaire d’accepter notre part de responsabilité pour les conséquences de l’abandon, une fois de plus, des personnes les plus marginalisées et les plus vulnérables, non seulement en ce qui a trait à la COVID-19, mais également en ce qui concerne l’héritage du colonialisme et de l’inégalité, la crise du climat et les autres crises qui nous guettent.

Il faut insister sur la mise en place d’un revenu minimum garanti et demander qu’elle soit priorisée dans le plan d’action national que créera le gouvernement en réponse au rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et aux demandes des provinces, dont l’Île-du-Prince-Édouard et le Yukon, sans parler de celles d’innombrables municipalités et leaders communautaires. Travaillons ensemble, honorables collègues, à répondre à l’appel lancé l’été dernier par 50 d’entre nous de tous les groupes et de toutes les régions dans le but d’alerter le gouvernement à propos de la nécessité de transformer toutes ces mesures de soutien du revenu en un revenu minimum garanti.

Comme l’ont souligné certains de nos collègues — comme la sénatrice Galvez dans son livre blanc et le sénateur Woo dans sa récente lettre d’opinion —, le revenu minimum garanti n’est pas seulement un outil de lutte contre la pauvreté, mais aussi un élément vital de la résilience, de la stabilité et du dynamisme de l’économie post-COVID-19, qui place le bien-être des Canadiens au cœur des efforts de relance. Il donnerait à chacun la possibilité d’évaluer le meilleur moyen de contribuer à la société et d’agir en conséquence. C’est le pas en avant dont a besoin le Canada.

J’ai hâte de travailler avec vous tous pour que nous nous acquittions de nos responsabilités en tentant de faire de cette mesure une réalité. Meegwetch. Merci.

L’honorable Tony Loffreda [ + ]

Je remercie les sénatrices Moncion et Pate de leurs discours.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-30, Loi no 1 d’exécution du budget de 2021. En tant que membre du Comité des finances nationales et du Comité des banques et du commerce, j’ai eu le plaisir de participer à l’étude préalable de ce projet de loi.

J’ai toujours su que l’examen des lois d’exécution du budget était une entreprise de grande envergure. Le projet de loi C-30 ne fait pas exception à la règle. Il compte 366 pages au total et contient quatre parties et des dizaines de sections modifiant de nombreuses lois.

Je tiens moi aussi à féliciter la vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland. C’est le premier budget fédéral de l’histoire canadienne à être présenté par une femme. Toutes mes félicitations.

Le projet de loi C-30 est très volumineux, et je l’appuie, mais je concentrerai mes observations sur quelques recommandations à propos de la stratégie pour la suite des choses. Je parlerai aussi de l’économie en général par rapport à ces recommandations.

À mon avis, le gouvernement a fait un bon travail pour soutenir les Canadiens pendant la pandémie. Au début de cette crise mondiale, le gouvernement a agi sans attendre en mettant en œuvre divers programmes ciblés pour aider les Canadiens à survivre. Il a assez bien réussi à adapter, à améliorer et à prolonger ces programmes au fil du temps.

Je vais commencer par souligner quelques-uns des programmes ciblés qui ont grandement aidé les Canadiens et les entreprises d’ici. Parmi ces programmes d’urgence, mentionnons la subvention salariale et l’aide au loyer, sans oublier la mesure de soutien en cas de confinement. Le projet de loi C-30 prolonge la durée de ces programmes jusqu’à la fin de septembre et les périodes d’admissibilité jusqu’à novembre, si la situation sanitaire et économique l’exige.

Avec le projet de loi C-30, le gouvernement propose aussi le nouveau programme d’embauche pour la relance économique — ce qui est très important — pour les entreprises qui continuent de subir des baisses de revenus admissibles. Je me réjouis de cette mesure parce que nous savons tous que les entreprises ont été touchées de façon inégale et que certaines d’entre elles sont toujours en difficulté.

Le projet de loi C-30 propose aussi de modifier la Loi sur le financement des petites entreprises du Canada, une autre mesure importante qui contribuera assurément à une solide reprise économique. Grâce aux changements proposés dans le projet de loi C-30, un plus grand nombre d’entrepreneurs auront accès à du financement; les critères d’admissibilité seront élargis, le montant maximal des prêts sera augmenté, la période de couverture des prêts sera prolongée, les entreprises à but non lucratif et les entreprises de bienfaisance seront désormais admissibles au financement, et on lancera une nouvelle gamme de produits de crédit afin de fournir des liquidités aux entreprises et de répondre à leurs besoins à court terme en fonds de roulement. Selon les prévisions, ces changements permettront de verser 560 millions de dollars de plus en financement annuel et d’aider près de 3 000 petites entreprises supplémentaires.

Comme vous pouvez le comprendre, cela me réjouit, car j’y vois une excellente nouvelle pour nos entreprises. J’espère que le milieu des affaires pourra profiter des différentes mesures du projet de loi C-30, dont celle-ci, et continuer de contribuer à la reprise et à la prospérité économiques du pays.

Parmi les autres enjeux qui ont été mentionnés, soulignons la disponibilité et l’abordabilité des logements ainsi que le retour des femmes sur le marché du travail. Il s’agit d’enjeux cruciaux auxquels le budget de 2021 porte toute l’attention voulue. La sénatrice Moncion en a fait une excellente description.

Je souhaite maintenant formuler quelques recommandations que nous pourrions examiner.

Je recommanderais fortement de prévoir une stratégie de sortie à l’égard des dépenses de relance supplémentaires. Les nouvelles dépenses de 101,4 milliards de dollars qui visent à la fois à soutenir le pays pendant la troisième vague de la pandémie de COVID-19 et à stimuler la reprise économique après la pandémie pourraient être conditionnelles et dépendre de la vigueur réelle de la reprise. Je ne veux pas dire par là que ces fonds ne seront pas nécessaires, mais bien qu’ils devraient être conditionnels, puisqu’il est possible que nous n’ayons pas besoin de toutes les mesures de relance et de toutes les dépenses prévues.

Il serait préférable d’avoir une stratégie de sortie appropriée, puisque les foyers canadiens font des économies importantes à l’heure actuelle et qu’on commence à voir des prévisions et des tendances inflationnistes. Il ne s’agit pas de réduire l’aide accordée aux personnes qui en ont besoin, mais bien d’agir prudemment afin de contrôler l’inflation et de guider l’économie vers une pleine reprise, ce qui suppose de contrôler l’inflation. Rappelons, en effet, qu’il existe un risque réel que la hausse des dépenses de relance entraîne une hausse de l’inflation.

Deux variables importantes peuvent influer sur l’inflation : la rareté des ressources et l’excès de liquidités. Il peut y avoir des signes des deux dans bien des domaines, ce qui est inquiétant parce que cela pourrait creuser l’écart entre les riches, la classe moyenne et ceux qui aspirent à y accéder. L’inflation repose sur les attentes. Lorsqu’elle commence à augmenter, il est difficile de la maîtriser. Si les dépenses de relance ne s’accompagnent pas de conditions et que l’inflation commence à augmenter, tout ce que nous faisons, c’est ajouter de l’huile sur le feu.

Pour étayer mon point, à l’échelle mondiale, les banques centrales commencent aussi à avoir des craintes inflationnistes. En raison de ces craintes, certaines d’entre elles prévoient la possibilité d’augmenter les taux d’intérêt dans un proche avenir. Une autre raison de surveiller les dépenses de relance et l’inflation est que toute augmentation possible des taux d’intérêt peut nuire gravement non seulement à l’énorme dette nationale, mais aussi au niveau d’endettement des ménages canadiens. Il vaut la peine de souligner que, en 2020, selon l’OCDE, le niveau d’endettement des ménages canadiens était le plus élevé parmi les pays du G7 : il se situait à 176 %. Cette préoccupation a été confirmée par le gouverneur de la Banque du Canada lors de l’une de mes récentes interventions au Comité des banques.

Historiquement, le consommateur s’est avéré être le moteur de nombreuses relances économiques et une force motrice importante de notre économie. Le niveau d’endettement sera encore plus préoccupant dans le contexte d’une hausse des taux d’intérêt, ce qu’il faut éviter. Il faut donc que l’inflation ne devienne pas un problème, que la hausse de l’inflation supérieure à la moyenne soit seulement transitoire, que l’inflation finisse par se stabiliser et que les taux d’intérêt restent bas dans un avenir prévisible.

Je tiens également à aborder un point que j’ai déjà soulevé au Sénat et au comité auprès de la vice-première ministre et ministre des Finances, à savoir le besoin de cibles et de garde-fous budgétaires plus solides, plus concrets et plus ciblés. Cela fait partie intégrante de toute politique financière saine, surtout en temps de crise. J’ai l’impression que le budget de 2021 est un peu vague à ce sujet. À mesure que la relance économique prend de l’ampleur et gagne en certitude, notre engagement d’établir des cibles et des garde-fous budgétaires moins vagues, mais plus fermes nous permettra de mieux surveiller nos dépenses de relance et notre niveau d’endettement. Cette stratégie renforcerait également notre capacité à permettre des dépenses futures, au besoin, au lieu de faire des dépenses qui pourraient entraîner de nouvelles tendances et attentes inflationnistes lorsque le besoin n’est pas aussi évident.

Cela m’amène à une autre de mes préoccupations, soit la hausse de notre niveau d’endettement. Les dépenses supplémentaires, bien que nécessaires, ont porté notre niveau d’endettement à des sommets inégalés.

Lors de sa comparution devant le Comité des finances nationales, la ministre Freeland a, en réponse à une question sur la dette et les déficits, soutenu ce qui suit : « Le profil d’évolution financière dans le budget est durable et responsable, et il montre [...] un déclin du ratio dette-PIB, qui sera de 49,2 % d’ici 2025-2026. Le ratio dette-PIB du Canada continue d’être parmi les moins élevés des pays du G7. » Pourtant, Yves Giroux, le directeur parlementaire du budget, nous rappelle ce qui suit :

Le gouvernement a décidé dans les faits de stabiliser le ratio de la dette fédérale à un niveau plus élevé, au risque d’épuiser sa marge de manœuvre budgétaire à moyen et à long terme. Ainsi, toute nouvelle dépense permanente importante entraînera une hausse du ratio de la dette au PIB ou devra être financée par une augmentation des recettes ou une réduction des dépenses dans d’autres secteurs.

Quelles recommandations puis-je formuler sur cette question importante? J’aimerais commenter quelques façons de rembourser la dette, qui est une préoccupation croissante pour de nombreux Canadiens. La façon privilégiée est de faire croître l’économie. Grâce à des investissements ciblés et à des programmes créateurs d’emplois, j’ai bon espoir que les mesures annoncées dans le budget de 2021 contribueront à réduire le fardeau de la dette.

Dans son Rapport sur la politique monétaire publié en avril dernier, la Banque du Canada a indiqué s’attendre à ce que l’économie croisse d’environ 6,5 % cette année, puis de 3,75 % en 2022. La banque s’attend à une forte croissance tirée par la consommation durant la seconde moitié de l’année. J’espère que ces prévisions encourageantes se concrétiseront et qu’elles permettront de rembourser la dette plus facilement.

Deuxièmement, si nous réduisons les dépenses et suivons de près les dépenses de relance, qui dépassent les 101 milliards de dollars, nous pourrions consacrer une partie de cette somme au remboursement de la dette. La pandémie justifiait qu’on dépense autant l’année dernière. Il faut maintenant trouver le bon équilibre entre les recettes et les dépenses. Ce devrait être une priorité de la relance de l’économie canadienne.

Permettez-moi de mentionner trois moyens souvent utilisés pour rembourser la dette. Il s’agit de moyens à éviter, mais ils me permettront de souligner à quel point il est maintenant important d’augmenter les recettes et de contrôler les dépenses consacrées à la relance.

Un troisième moyen pour rembourser la dette qu’il convient de mentionner, même s’il n’est assurément pas souhaitable, c’est l’inflation. L’inflation produit de nombreux effets négatifs et il faut éviter cette solution, mais elle a un effet positif sur le remboursement de la dette. Les profits et les revenus suivent la montée des prix, et c’est la même chose pour les recettes gouvernementales et les recettes fiscales, mais il faut éviter que cela se produise.

Un quatrième moyen de réduire la dette est d’augmenter les taxes et les impôts. Je ne crois pas que ce soit une bonne solution, puisque cela pourrait nuire à l’économie. Par contre, certaines augmentations fiscales ciblées peuvent être souhaitables, comme une augmentation de la taxe d’accise sur les produits du tabac et l’application de la TPS/TVH sur le commerce électronique, comme le propose le projet de loi C-30. L’augmentation de la taxe d’accise sur le tabac pourrait générer 2,1 milliards de dollars dans cinq ans, ce qui veut dire de nouvelles recettes dont le trésor a bien besoin.

La dernière mesure consiste à monétiser la dette. Cela ne peut certainement pas se poursuivre à long terme, car cela entraîne une augmentation de la masse monétaire totale dans le système et, par conséquent, l’inflation.

Dans le budget de 2021, le gouvernement fournit des renseignements supplémentaires sur la sensibilité des projections budgétaires aux chocs économiques et il offre d’autres scénarios économiques à la page 401 du budget. À l’aide de tableaux, le gouvernement illustre l’impact de trois chocs économiques éventuels sur ses projections de revenus et de dépenses.

J’ai passé une grande partie de ma carrière dans le secteur des services bancaires aux entreprises et aux grandes sociétés, où on n’effectuait jamais assez d’analyses de simulation de crise et de sensibilité. Dans le contexte du budget de 2021, je pense qu’il aurait été nécessaire de mener une analyse de sensibilité plus approfondie. Cependant, lors de l’une de nos réunions, un fonctionnaire du ministère des Finances m’a rassuré en expliquant que le plan de gestion de la dette est élaboré à l’aide d’une vaste gamme d’analyses de scénarios, y compris l’analyse de diverses courbes de rendement et différents profils financiers. Il nous a dit que la Banque du Canada et le ministère des Finances travaillent conjointement pour faire toutes sortes d’analyses de manière continue. Je recommande fortement que cette analyse approfondie de la sensibilité soit maintenue activement en tenant compte de tous les scénarios possibles pour veiller à ce que les niveaux d’endettement demeurent supportables.

En terminant, honorables sénateurs, je pense qu’il faut garder à l’esprit ce que le gouvernement a dit dans l’énoncé économique de l’automne, en novembre dernier. Il a écrit :

[...] il n’est pas nécessaire de prolonger à l’infini l’approche globale que le gouvernement adopte sur le plan budgétaire pour lutter contre la pandémie de la COVID-19. Et cela ne se produira pas. Cette approche a ses limites, et elle est provisoire. Les Canadiens comprennent que la crise exige des mesures de soutien ciblées temporaires pour aider les citoyens et les entreprises à survivre.

Il sera important, au fur et à mesure de la réouverture de notre économie, de surveiller de près les nombreux programmes d’urgence du gouvernement et de les rajuster. Ce dont le Canada a besoin maintenant, c’est d’un plan à long terme en matière de croissance et de prospérité. L’innovation, les investissements et l’immigration seront trois facteurs importants nous permettant de déterminer dans quelle mesure nous aurons réussi à relancer et à repenser l’économie aujourd’hui et à l’avenir.

Nous devons accorder une attention particulière à l’offre en matière de logement, nous assurer de son caractère abordable et trouver des moyens d’accélérer la réintégration des femmes dans le marché du travail. Ce sont deux enjeux majeurs qui ont été aggravés par la pandémie et qui, heureusement, ont été mis en évidence dans le budget de 2021.

Selon moi, le projet de loi C-30 propose des changements bénéfiques pour l’économie, les Canadiens et notre compétitivité tout en finançant notre système de soins de santé et d’autres initiatives tant vantées telles que les programmes d’apprentissage et de garde des jeunes enfants dont nous avons tant besoin. En effet, la relance de notre économie et, surtout, sa croissance reposeront en grande partie sur ces politiques ciblées et ces investissements judicieux, au fur et à mesure de la réouverture de notre pays en toute sécurité. Nous avons des raisons d’espérer, je pense, une reprise ascendante soutenue. Néanmoins, chemin faisant, le gouvernement ne devra pas oublier d’administrer adéquatement la dette et de la rembourser, d’envisager une stratégie de sortie, au cas où les dépenses de relance ne seraient pas toutes nécessaires, d’établir des cibles budgétaires claires et mesurables et de se livrer à des analyses de sensibilité plus approfondies vu l’incertitude qui plane, en particulier en ce qui concerne l’inflation et l’avenir. Merci. Meegwetch.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

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