Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale
Deuxième lecture--Suite du débat
16 mai 2023
Merci, Votre Honneur. Je veux aussi vous féliciter et vous souhaiter la bienvenue en tant que Présidente.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-226, Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale. Je souligne que nous nous trouvons sur le territoire non cédé de la nation algonquine et que je vis à Mi’kma’ki, le territoire ancestral et non cédé du peuple mi’kmaq. Il est particulièrement important pour moi de le souligner aujourd’hui, compte tenu du sujet qui nous occupe, le racisme environnemental. Je remercie Elizabeth May et Lenore Zann pour leur travail à l’autre endroit. Je remercie la sénatrice McCallum d’avoir parrainé ce projet de loi très important ici au Sénat et d’avoir partagé ses façons de savoir et d’être. C’est un véritable cadeau.
Honorables sénateurs, lorsque je parle de communautés marginalisées, je parle de groupes de personnes qui sont parfois physiquement en marge des collectivités. Pensons à la périphérie des grands centres urbains. Vous y verrez des décharges, des industries et des sites indésirables. Vous y verrez également des communautés racialisées. Lorsque je prononce le nom d’une communauté située au sud de notre pays, Flint, dans le Michigan, la plupart des Canadiens comprennent l’ampleur de la crise dévastatrice de l’eau potable qui touche les Afro-Américains. Permettez-moi de vous dire qu’il y a de nombreuses collectivités comme Flint ici même au Canada, où, dans bien des cas, les conditions de vie sont délétères.
L’un des exemples les plus connus de racisme environnemental envers une localité marginalisée du Canada est le cas d’Africville. Le sénateur Klyne en a parlé dans son discours. Permettez-moi d’en parler un peu plus. Africville était une localité dynamique où vivaient des Néo-Écossais d’origine africaine. Une décharge à ciel ouvert a été créée à 350 mètres de cette localité côtière. Les habitants n’avaient pas l’eau potable. Africville a existé pendant 170 ans. Au cours de cette période, un chemin de fer traversant la localité a été construit et l’explosion d’Halifax y a causé des dommages. Un hôpital traitant les maladies infectieuses y a été construit à proximité, ainsi qu’une fosse d’enfouissement de matières à vidange, une prison et un abattoir. C’est aussi l’endroit qu’on a choisi pour construire une usine d’engrais.
Imaginez-vous un endroit entouré de lieux dangereux, le dernier endroit sur terre près duquel vous voudriez que vos enfants et vos petits-enfants grandissent. Voilà les conditions qui ont été imposées à Africville. Située près d’Halifax, cette localité n’avait même pas les services essentiels, comme l’eau courante et les égouts. Au lieu d’offrir ces services, la Ville a choisi de déplacer ses habitants. Lors de cette relocalisation forcée, en 1967, certains habitants ont été transportés dans des camions à ordures jusqu’à des logements sociaux situés au nord d’Halifax. Si cela ne vous fait pas comprendre comment le gouvernement voyait les Néo-Écossais d’origine africaine, je ne sais pas quoi vous dire d’autre. On me raconte encore des anecdotes qui montrent le nombre ahurissant d’anciens habitants d’Africville qui sont morts d’une forme ou d’une autre de cancer. Les membres de la communauté ont fait les liens qui s’imposent. Le gouvernement devrait peut-être les faire aussi.
Je remercie le groupe acharné de militants qui se mobilisent depuis des dizaines d’années pour protéger les membres de leur communauté et voir à leur santé. La professeure afro-canadienne Ingrid Waldron a publié l’ouvrage There’s Something in the Water, qui lève le voile sur l’une des vérités les plus difficiles et honteuses de la Nouvelle-Écosse : l’omniprésence du racisme environnemental à l’endroit des Mi’kmaq et des Néo-Écossais d’origine africaine.
Ce livre a inspiré un documentaire qui met en lumière la détresse des Néo-Écossais racisés. Ce film nous fait découvrir la communauté afro-néo-écossaise de Shelburne grâce à Louise Delisle, une militante locale, qui dresse la liste des personnes décédées, atteintes d’un cancer du poumon, ou d’un myélome multiple. Ces familles sont dans l’impossibilité de déménager, et même si elles le pouvaient, elles seraient obligées de quitter leur foyer et de s’éloigner de leur communauté.
Bien que le dépotoir ait été fermé, les déchets qui y sont enfouis continuent de contaminer l’eau. Louise décrit les souvenirs d’enfance qu’elle a gardés de la fumée noire qui envahissait régulièrement le ciel de son quartier lorsqu’on mettait le feu aux monticules de déchets dangereux provenant des hôpitaux, des usines et des résidences. Elle se souvient d’être arrivée à l’école imprégnée de cette odeur d’ordures brûlées.
Non loin de là, à Pictou Landing, en Nouvelle-Écosse, se trouve une communauté mi’kmaq totalement sinistrée en raison de la contamination de l’eau par les déchets toxiques de l’usine Northern Pulp.
Le collectif Grassroots Grandmothers est un groupe de militantes pour la protection de l’eau qui lutte pour faire respecter le droit à l’eau potable de leur communauté. Chers collègues, je vous invite à prendre une heure pour regarder le documentaire intitulé There’s Something in the Water, et en apprendre davantage sur la crise du racisme environnemental qui se déroule au Canada.
Nous pourrions citer de nombreuses collectivités : Whitney Pier, les étangs bitumineux de Sydney, Membertou, Lincolnville, Indian Brook — les exemples ne manquent pas, chers collègues. Dans ma propre communauté, East Preston, les habitants s’opposent depuis des décennies au projet de construction d’une décharge à proximité. Dans une lettre de doléances datant de 2016, Spencer Colley a documenté trois exemples d’implantation de décharges dans des quartiers de Preston, qui sont les plus grandes communautés noires de Nouvelle-Écosse, ou à proximité de ceux-ci : en 1992 près d’East Lake à North Preston; en 1997 à North Preston; et en 2016, la proposition de déplacer une installation de Porters Lake à East Preston en face de l’autoroute 107, près de la sortie 17, où je vis.
Chers collègues, l’élaboration de politiques sur les questions environnementales ne peut exclure la question de la race, car les deux sont intrinsèquement liées. Nous pouvons dresser la carte de la Nouvelle-Écosse en y plaçant les sites de décharges et d’industries dangereuses. Elles sont situées à côté des communautés néo‑écossaises autochtones et africaines. L’environnement, la race et la terre ont toujours été liés et le seront toujours.
La manifestation d’Eddy Carvery contre la relocalisation forcée des habitants d’Africville nous le rappellera toujours.
Dans son livre, Ingrid Waldron affirme que :
La violence raciale et sexiste sanctionnée par l’État est subtile et invisible, et, souvent, il n’y a pas de responsable (ou de futur responsable) tout désigné, contrairement à la violence interpersonnelle où l’on peut identifier le principal auteur de l’acte.
Comme il n’existe pas de responsable tout désigné, il est nécessaire d’obliger tous les décideurs politiques à prendre des décisions qui soient bonnes pour les communautés avoisinantes.
Ce projet de loi propose une stratégie nationale pour examiner le lien entre la race, les dangers environnementaux et l’emplacement des sites dangereux. Il vise à réformer les lois, les politiques et les programmes fédéraux qui se rapportent à la justice environnementale, à envisager l’indemnisation des collectivités touchées et à recueillir des renseignements sur l’état de santé de sorte que nous possédions les données voulues pour prouver ce que les résidants de certaines collectivités savent depuis des décennies, c’est-à-dire que le racisme environnemental est néfaste pour la santé.
Honorables collègues, les collectivités concernées savent bien ce que c’est que de se battre pour défendre leurs intérêts, et il est temps que le Sénat se batte pour elles. Le racisme environnemental est un excellent exemple du colonialisme à l’œuvre : il vise à éliminer les Autochtones et les Noirs du Canada.
La réconciliation ne peut se concrétiser sans que l’on mette fin au racisme environnemental. Renvoyons ce projet de loi au comité dans les plus brefs délais. Ce n’est pas un dossier dont il faut débattre; c’est un dossier à l’égard duquel il faut agir sans plus tarder. Nous sommes prêts à mettre en place des politiques publiques qui sauveront des vies au sein de certaines des populations les plus marginalisées du Canada.
Merci. Asante.
Votre Honneur, je joins ma voix à celle de mes collègues pour vous féliciter de votre nomination à la présidence et pour vous féliciter d’avoir accepté d’occuper ce poste vital et important pour vous, mais également pour nous tous. C’est un honneur qui rejaillit sur le Sénat. Je vous en remercie.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour exprimer mon appui au projet de loi C-226. On a déjà parlé abondamment de nombreux exemples de racisme environnemental, notamment dans les discours prononcés récemment par la sénatrice Bernard, la sénatrice McCallum, le sénateur Klyne et la sénatrice Audette. Les excellentes interventions de ces sénateurs ont mis en lumière la profondeur et l’étendue de ce problème à l’échelle du Canada. Comme l’a si bien expliqué la sénatrice McCallum la semaine dernière, et comme vient de le faire la sénatrice Bernard, le racisme environnemental est l’une des facettes du problème intersectionnel beaucoup plus vaste du racisme systémique.
Le racisme systémique exacerbe et facilite la propagation des formes de racisme intersectionnelles, dont il normalise en fait l’existence et les effets auprès de la population générale en la désensibilisant trop souvent. Autrement dit, le racisme environnemental n’est pas un fait isolé ni involontaire. Il peut cependant passer inaperçu, parce que ses conséquences sont rarement ressenties par les personnes privilégiées et dans les secteurs favorisés.
Trop souvent, on décide en toute connaissance de cause, en parlant parfois de compromis nécessaires ou politiques, de permettre que des ravages écologiques soient causés dans ce qu’on appelle fréquemment des « zones de sacrifices », des collectivités qui sont bien loin des préoccupations de la population en général. De telles décisions sont ancrées dans le racisme géographique et l’alimentent. À l’échelle mondiale, le racisme environnemental est la raison pour laquelle certaines collectivités, certains pays et certains endroits — souvent racisés — subissent les conséquences les plus désastreuses de la crise climatique.
C’est ainsi qu’on s’est approprié dans le passé, et qu’on s’approprie toujours, des terres et des ressources afin de favoriser la commodité et la facilité d’accès pour les mieux nantis, notamment en rasant des collectivités pauvres et racisées comme Africville ou des espaces verts pour construire des autoroutes, des aéroports et des industries. On a délibérément construit les infrastructures polluantes dans les collectivités pauvres, autochtones et noires ou à proximité de celles-ci, en se préoccupant apparemment très peu des effets des polluants toxiques sur la santé respiratoire ou cardiaque des habitants, sans parler de l’indifférence fondée sur la classe sociale et la race pour ce qui est de la prolifération connexe de cancers et d’autres maladies.
La semaine dernière, alors que je survolais la Saskatchewan et l’Alberta, les feux de forêt dévastateurs qui font rage dans l’Ouest étaient au cœur de mes préoccupations. Les conséquences dévastrices de ces feux sont immédiatement ressenties par les peuples autochtones et les habitants des collectivités rurales. Les ravages qu’ils causent toucheront de nombreuses personnes pendant des décennies. Bien des gens ont perdu leur maison et n’ont nulle part où aller. Beaucoup ne se remettront jamais financièrement de ces pertes et auront besoin d’une aide financière. Nombreux sont ceux qui auront besoin d’une aide et d’un soutien psychologiques tout au long de leur vie à cause du traumatisme qu’ils ont subi.
Ces feux de forêt sont liés à la crise climatique, et ils sont des conséquences directes et prévisibles de notre approche colonialiste, qui consiste à privilégier la réalisation individualiste de bénéfices excessifs et la poursuite de la richesse au moyen des industries et des technologies. La crise climatique amplifie directement la gravité et la fréquence des feux de forêt, et les pertes environnementales, financières et personnelles qui en résultent ont des répercussions négatives disproportionnées sur les personnes les plus marginalisées, racialisées et défavorisées.
Ni les épreuves et les traumatismes subis ni l’aide ou les ressources correctives ne sont répartis équitablement. C’est ce que les communautés autochtones nous disent clairement.
Le jour de mon arrivée à Edmonton, Carol Johnston, une habitante de l’établissement métis d’East Prairie s’inquiétait dans les médias que les collectivités à proximité d’Edmonton et du centre de l’Alberta obtiennent davantage d’attention que les communautés autochtones situées plus au nord qui étaient détruites par le feu. Elle décrivait comment l’incendie de quatre maisons près de Drayton Valley faisait les manchettes, tandis que la perte de 14 maisons dans l’établissement d’East Prairie ne valait même pas une mention même si le sort de cette communauté était en jeu.
Dans la même veine, la destruction de dizaines d’habitations de la nation crie de Sturgeon Lake et de la nation crie de Little Red River a pour ainsi dire laissé les médias indifférents. La province a demandé l’aide du gouvernement fédéral, mais aucun des gouvernements ne semble avoir vraiment remarqué qu’une dizaine de communautés autochtones sont actuellement touchées ou menacées par ces feux de forêt. Ni la province ni le gouvernement fédéral ne semblent vouloir assumer la responsabilité de cette crise qu’ils ont en partie causée.
À sa décharge, la ministre fédérale des Services aux Autochtones a admis qu’au moins 150 maisons et infrastructures communautaires avaient été détruites et que plus de 4 000 personnes avaient été évacuées. Pourtant, on n’entend presque rien au sujet de mesures de soutien. Selon le peu que l’on sait, des Autochtones ont de la difficulté à avoir accès aux sommes limitées disponibles parce qu’ils n’ont pas les pièces d’identité requises, y compris celles qui indiquent qu’ils habitent l’Alberta.
Les personnes déplacées se retrouvent souvent loin de leur collectivité, dans des endroits qu’elles n’ont jamais fréquentés. Crystal McAteer, maire de High Level, l’a récemment expliqué :
Un grand nombre des personnes évacuées viennent des réserves et ces réserves, dont Fox Lake, sont éloignées [...] beaucoup de gens n’ont donc jamais quitté Fox Lake. Beaucoup d’aînés parlent le cri. C’est la même situation pour les [membres des communautés] dénées, ils parlent le déné. Ils ne parlent aucune autre langue.
En l’absence de centres d’évacuation centraux ou de ressources adaptées à la culture, les familles et les communautés sont également souvent séparées. Ces communautés, déjà dévastées par des pertes incommensurables, perdent leurs systèmes de soutien, ce qui exacerbe les expériences traumatisantes qu’elles vivent.
S’il s’agissait d’une exception, nous pourrions être moins inquiets. Mais vous souvenez-vous des incendies de forêt qui ont ravagé la Colombie-Britannique en 2021? La Première Nation de Lytton a été pratiquement détruite, sans qu’aucune aide n’ait été apportée et sans qu’aucun plan n’ait été mis en place pour aider les plus démunis. Comme le chef Matt Pasco nous l’a rappelé de manière effarante à l’époque : « Ils avaient mis en place des processus pour notre bétail, mais aucun pour les Nlaka’pamux. »
Deux ans plus tard, leur collectivité n’a toujours pas terminé sa reconstruction et doit à nouveau assumer le fardeau d’une préparation à la saison des incendies de forêt. La sécheresse sévit toujours, et le risque d’un nouvel incendie demeure présent. Il a fallu 19 mois pour que le magasin communautaire de la Première Nation de Lytton, une épicerie temporaire pour les habitants de la collectivité, ouvre ses portes. Auparavant, les membres de la collectivité devaient faire plus de trois heures de route, jusqu’à Kamloops, pour acheter des produits alimentaires essentiels. Ils attendent toujours le début de la reconstruction permanente. La mairesse de Lytton, Denise O’Connor, a déclaré :
C’est extrêmement frustrant. Nous avons demandé des échéanciers et des dates, mais on ne nous en donne pas.
Ces collectivités sont déjà aux prises avec une surpopulation, un manque de financement, des soins de santé inadéquats et un déficit global pour ce qui est du soutien social et économique et du soutien en matière de logement et de santé. Les crises environnementales créent des difficultés et entraînent des responsabilités supplémentaires pour des collectivités déjà en difficulté. Cette situation les désavantage encore plus et perpétue le cycle des lacunes systémiques, de la méfiance et du racisme auxquels elles sont confrontées.
L’année dernière, la vérificatrice générale du Canada a publié un rapport sur cette question. Voici les conclusions de ce rapport.
Premièrement :
Services aux Autochtones Canada n’a pas fourni aux collectivités des Premières Nations le soutien dont elles avaient besoin pour gérer les urgences, comme les inondations et les feux de forêt, dont la fréquence et l’intensité ne cessent d’augmenter.
Deuxièmement, la vérificatrice générale a constaté que « les mesures prises par le Ministère visaient plutôt à réagir aux urgences qu’à les prévenir », et ce, malgré le fait que les Premières Nations avaient été proactives en cernant de nombreux projets d’infrastructure qui permettraient d’atténuer les répercussions des situations d’urgence. En fait, le ministère avait un arriéré de 112 projets admissibles en attente de financement.
Troisièmement — et c’est le pire jusqu’à maintenant —, un grand nombre des problèmes que l’ancien vérificateur général avait cernés dans le cadre de son audit de 2013 sur la gestion des urgences dans les réserves n’ont toujours pas été réglés.
Enfin :
Le Ministère ne savait pas non plus si les Premières Nations recevaient des services d’urgence adaptés sur le plan culturel et comparables à ceux offerts aux municipalités de taille semblable dans des situations similaires, car il n’avait pas défini les services ni les niveaux de service devant être fournis aux Premières Nations, ni surveillé rigoureusement la prestation de ces services.
La ministre Hajdu a déclaré qu’il est évident que les Premières Nations sont sur la ligne de front de cette crise environnementale, qui entraîne des coûts astronomiques liés à l’évacuation, à l’hébergement d’urgence, à la reconstruction des collectivités et à l’aide aux entreprises pour sauver le gagne-pain des gens de ces collectivités. Pourtant, nous faisons toujours bien peu, voir rien du tout pour aider véritablement ces collectivités, et nous ne prenons pas de mesures proactives pour régler le problème.
Bref, l’absence de stratégie nationale et l’accent mis sur la prise de mesures visant à réagir aux urgences plutôt qu’à les prévenir continuent de privilégier les populations les plus privilégiées, et ce n’est là qu’un exemple parmi tant d’autres du racisme environnemental qui perdure au Canada et auquel nous devons remédier. De grâce, renvoyons ce projet de loi au comité et poursuivons le travail.
Meegwetch. Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-226, Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale. Je tiens à remercier la sénatrice McCallum d’avoir marrainé cet important projet de loi. Je suis heureux d’indiquer que le gouvernement appuie entièrement le projet de loi C-226.
Lors de la présentation de ce projet de loi à l’autre endroit, la députée Elizabeth May a raconté l’historique parlementaire du projet de loi en disant « que cette démarche demeure non partisane à l’instar de la démarche d’origine ». Elle faisait référence au projet de loi qui l’a précédé, le projet de loi C-230, présenté initialement par l’ancienne députée libérale Lenore Zann.
Le gouvernement considère le projet de loi C-226 et ses objectifs de prévention et de lutte contre le racisme environnemental et de promotion de la justice environnementale comme un travail important pour tous les Canadiens. Le projet de loi s’inscrit également dans l’engagement pris par le gouvernement de présenter un projet de loi visant à élaborer une stratégie de justice environnementale et à examiner le lien entre la race, le statut socioéconomique et l’exposition aux risques environnementaux.
S’il est adopté, le projet de loi C-226 créera une nouvelle loi obligeant le ministre de l’Environnement et du Changement climatique à élaborer une stratégie nationale visant à promouvoir les efforts déployés dans l’ensemble du Canada pour faire progresser la justice environnementale et pour évaluer, prévenir et combattre le racisme environnemental. L’élaboration d’une stratégie nationale ajouterait deux éléments importants aux efforts déployés pour lutter contre le racisme systémique et les inégalités liées à l’inclusion des Autochtones, des Noirs et des communautés racialisées dans la prise de décisions et les initiatives en matière d’environnement.
Premièrement, le processus d’élaboration de la stratégie servirait de véhicule pour favoriser la justice environnementale en permettant aux collectivités marginalisées de s’exprimer pour définir le problème et déterminer les solutions possibles. Les avantages de ce processus sont énoncés dans le projet de loi, comme suit :
[...] l’importance d’une participation significative de tous les Canadiens, en particulier des collectivités marginalisées, à l’élaboration des politiques environnementales [...]
Deuxièmement, le fait d’instaurer une stratégie nationale contribuerait à encadrer l’ensemble des mesures qui devront être prises par les diverses entités gouvernementales et non gouvernementales, compte tenu des liens complexes et des priorités concurrentes des intervenants, des partenaires et des secteurs stratégiques. Pour ce faire, la version définitive de la stratégie devra renforcer les efforts et les possibilités qui existent déjà pour réaliser des progrès en matière de justice environnementale au Canada, même dans les cas où l’injustice environnementale et le racisme environnemental n’ont pas été directement reconnus.
Si bon nombre de ces autres initiatives ne sont peut-être pas aussi explicites dans leur prise en compte de la justice environnementale, le projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé, est un exemple où ce concept est directement incorporé. Comme les sénateurs s’en souviendront, après un examen et une étude approfondis, le projet de loi S-5 a été adopté à l’étape de la troisième lecture au Sénat le 22 juin 2022.
Ce projet de loi se trouve maintenant à l’autre endroit après une étude approfondie par le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes. S’il est adopté, en plus de renforcer le régime canadien de gestion des produits chimiques, il reconnaîtrait le droit à un environnement sain prévu par la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999). Ces modifications à la loi exigeraient que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique et le ministre de la Santé élaborent un cadre de mise en œuvre décrivant la prise en compte du droit à un environnement sain dans l’administration de cette loi.
De plus, le cadre indiquera plus en détail comment des principes, comme le principe de justice environnementale, seront pris en considération dans l’administration de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Grâce à des consultations, les Canadiens auront l’occasion de participer à l’élaboration du cadre de mise en œuvre. Favoriser la prise de conscience et la réflexion sur les possibilités d’injustice environnementale dans les approches adoptées en matière de protection de l’environnement peut nous aider à prévenir les injustices environnementales avant qu’elles ne se produisent ou à mieux comprendre celles qui existent déjà.
Comme autre exemple des efforts simultanés qui contribuent à la justice environnementale au Canada, citons le travail réalisé par le gouvernement pour délimiter, afin d’en prioriser l’assainissement, les sites contaminés là où vivent des peuples autochtones et des Canadiens racialisés et à faible revenu. Dans ce cas, les efforts d’assainissement des sites contaminés à proximité de populations pouvant être marginalisées répondent directement au problème soulevé dans le projet de loi C-226, soit « [...] qu’un nombre disproportionné de personnes qui vivent dans des zones qui présentent un danger sur le plan de l’environnement font partie [...] » de ces mêmes collectivités.
Nous nous attendons certainement à ce que d’autres programmes qui gèrent les risques environnementaux, comme les sites d’enfouissement ou les industries polluantes, offrent également des possibilités apportent une contribution positive à la réparation des injustices environnementales.
Nous pouvons également nous pencher sur la Stratégie fédérale de développement durable récemment publiée et sur la manière dont elle cherche à tenir compte des questions d’équité et de justice environnementales, qui désignent généralement le traitement équitable et l’inclusion significative de toutes les personnes dans les lois, les règlements et les programmes afin de les protéger contre les risques environnementaux; ainsi qu’à éviter de faire porter de façon disproportionnée le fardeau de la pollution et des autres dommages environnementaux aux groupes identitaires et à faciliter l’accès aux avantages et aux possibilités pour l’environnement indépendamment des facteurs identitaires, y compris l’identité et l’expression de genre, la race, l’ethnicité, l’appartenance autochtone, la langue, le revenu ou l’orientation sexuelle.
Compte tenu de la gamme des efforts décrits ci-dessus, et d’autres qui peuvent également avoir une incidence sur les résultats de la justice environnementale, un rôle important de la stratégie nationale consistera à expliquer comment ces efforts interagissent pour contribuer aux objectifs de la stratégie. Ensemble, nous avons la possibilité de faire progresser le pays de manière à ce que nous puissions profiter d’un environnement sain de manière plus juste et équitable.
Dans le contexte du projet de loi C-226, la collecte et l’utilisation de données pour mieux comprendre les liens entre la race, le statut socioéconomique et le risque environnemental sont d’une importance capitale. L’adoption du projet de loi C-226 devrait entraîner une collecte et une compilation supplémentaires de données dans le cadre de l’étude requise, qui pourrait également fournir des renseignements, notamment de la part des peuples autochtones, sur la collecte, la désagrégation et l’analyse des données en vue de soutenir la justice environnementale.
Toutefois, il convient aussi de mentionner qu’il existe au sein du gouvernement fédéral un grand nombre d’ensembles de données déjà disponibles qui comprennent des informations relatives aux risques environnementaux, à la composition des collectivités et aux résultats en matière de santé. Étant donné le délai de deux ans fixé dans le projet de loi pour l’élaboration et la publication d’une stratégie nationale après l’entrée en vigueur de la loi, on s’attend à ce que le travail de soutien à la stratégie exploite également les données existantes provenant d’initiatives gouvernementales plus larges et en cours. Nombre de ces initiatives contribuent déjà, directement ou indirectement, à fournir les informations nécessaires pour prendre des décisions sous l’angle de la justice environnementale.
Par exemple, depuis le lancement de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé en 2007, Santé Canada, en collaboration avec l’Agence de la santé publique du Canada et Statistique Canada, a recueilli des données sur l’état de santé général et les comportements liés à la santé des Canadiens. Ces données contribueront à améliorer la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies, ainsi qu’à promouvoir la santé et le bien‑être des Canadiens. Parmi les autres exemples notables, citons le recensement de l’environnement de Statistique Canada et son travail pour fusionner les données environnementales existantes afin de créer des renseignements complets sur les atouts des écosystèmes du Canada, qui sont intégrés aux données socioéconomiques pour aider à surveiller les tendances environnementales et à mieux éclairer la prise de décision.
En outre, Environnement et Changement climatique Canada entretient les réseaux de surveillance de la qualité de l’air et collabore également avec les provinces et les territoires pour mettre en œuvre le Système de gestion de la qualité de l’air, qui comprend l’élaboration et la mise en place d’exigences en matière d’émissions industrielles et de normes de qualité de l’air ambiant afin de favoriser l’amélioration de la qualité de l’air à l’échelon local.
Il est essentiel de disposer d’informations de qualité pour pouvoir prendre des décisions publiques éclairées et pour demander des comptes au gouvernement. L’Inventaire national des rejets de polluants joue un rôle important dans l’atteinte de cet objectif. Il s’agit d’un inventaire prévu par la loi et accessible au public des polluants rejetés, éliminés et transférés. Il fait le suivi de plus de 320 polluants provenant de plus de 7 000 installations au pays. Les installations déclarantes comprennent des usines qui fabriquent divers produits, ainsi que des mines, des exploitations pétrolières et gazières, des centrales électriques et des usines d’épuration des eaux d’égout. L’inventaire comprend les informations déclarées par les installations à Environnement et Changement climatique Canada conformément à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.
L’Inventaire national des rejets de polluants est au cœur des efforts que déploie le gouvernement pour faire le suivi des substances toxiques et d’autres substances préoccupantes. Il s’agit d’un outil essentiel pour repérer les sources de pollution au Canada et en faire le suivi. Il contient notamment des renseignements sur la pollution produite par les installations sous forme de rejets dans l’air, l’eau et le sol; les substances éliminées à l’installation ou transférées à un autre endroit pour élimination; les substances transférées à un autre endroit à des fins de traitement ou de recyclage; ainsi que les activités de l’installation, son emplacement, le nom de personnes-ressources, et ses plans et activités en matière de prévention de la pollution.
Il permet aussi d’élaborer des indicateurs de la qualité de l’air, de l’eau et du sol. Les données recueillies grâce à l’Inventaire national des rejets de polluants servent à l’élaboration d’initiatives de gestion des produits chimiques. Elles sont accessibles aux Canadiens afin de les aider à comprendre en quoi consistent les rejets de polluants dans leur collectivité, de les inciter à prendre des mesures pour réduire la pollution et de les aider à en suivre les progrès chaque année. L’accès public à l’Inventaire national des rejets de polluants motive aussi l’industrie à prévenir et à réduire les rejets de polluants. Les données de cet inventaire aident le gouvernement à suivre l’évolution de la prévention de la pollution, à évaluer les rejets et les transferts de substances préoccupantes, à déterminer les priorités environnementales et à y donner suite, à effectuer de la modélisation de la qualité de l’air et à mettre en œuvre des mesures de gestion des risques et des initiatives stratégiques.
L’Inventaire national des rejets de polluants adopte de plus en plus le paradigme de la connaissance sur demande en fournissant des outils permettant de traduire les données publiées en interprétations plus compréhensibles des risques, des répercussions et des priorités. En ajoutant du contexte, les priorités et les zones problématiques sont plus clairement visibles, sans parler des effets environnementaux sur la population en général, y compris les membres des communautés autochtones et racialisées. Les données recueillies grâce à l’Inventaire national des rejets de polluants pourraient permettre d’appuyer le travail requis dans le cadre du projet de loi C-226.
En plus de tout le travail déjà en cours, je me permets de revenir sur les modifications proposées à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement dans le projet de loi S-5. Ces modifications exigeront que des recherches, des études ou des activités de surveillance soient menées pour aider le gouvernement à protéger le droit à un environnement sain. Ces activités devraient fournir des renseignements précieux à mesure que le gouvernement avance sur les questions de justice environnementale. Par exemple, elles pourraient inclure la collecte et l’analyse de données pour identifier et surveiller les populations dans les collectivités qui sont particulièrement vulnérables aux risques environnementaux et sanitaires en raison d’une plus grande susceptibilité ou d’une plus grande exposition.
Enfin, je tiens à parler du programme des Indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement qui est administré par Environnement et Changement climatique Canada. Ce programme fournit actuellement des indicateurs pour mesurer les progrès réalisés sur des questions environnementales clés, y compris les objectifs de la Stratégie fédérale de développement durable, pour lesquels il fournit des données contextuelles. L’expérience du programme des Indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement en matière d’élaboration d’indicateurs intégrant des données et des renseignements provenant de plusieurs ministères fédéraux, ainsi que des gouvernements provinciaux et territoriaux, servirait probablement de base pour élaborer des indicateurs, suivre les progrès et rendre compte de l’efficacité d’une stratégie nationale tous les cinq ans, comme l’exige le projet de loi C-226.
Tout cela pour dire que le gouvernement s’est engagé à concrétiser la stratégie nationale en matière de justice environnementale. Dans cette optique, je crois comprendre qu’il étudie déjà la façon dont les ensembles de données, les lois et les politiques existantes peuvent être employés de manière coordonnée pour continuer à faire progresser la justice environnementale et pour mettre en œuvre le projet de loi C-226, s’il est adopté.
En conclusion, honorables sénateurs, comme la députée de Saanich—Gulf Islands et plusieurs de nos collègues à l’autre endroit et dans cette enceinte, j’encourage tous les sénateurs à voter en faveur de ce projet de loi. S’il est adopté, une stratégie nationale pourrait être l’occasion de discuter de la meilleure façon d’aborder les risques environnementaux auxquels sont confrontés les groupes historiquement défavorisés.
Pour ceux qui auraient encore des inquiétudes, dont certaines ont été soulevées lors de l’étude du projet de loi au Comité permanent de l’environnement et du développement durable, je rappelle que le projet de loi permettra à la stratégie d’être « toujours d’actualité », notamment au moyen d’une évaluation de son efficacité tous les cinq ans. Puisque nous savons que ce projet de loi et la stratégie qui en découle représentent le début d’un parcours, et non la fin, il est important que nous fassions notre part pour aider à faire avancer les choses.
Cela ne résoudra pas tous les problèmes liés au racisme systémique ou aux inégalités dans le domaine de l’environnement, mais cela ne devrait certainement pas entraver notre progrès social. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que le projet de loi soit examiné et adopté dès que possible. À partir de là, les gouvernements et les communautés pourront travailler ensemble pour instaurer la confiance et la connaissance et pour obtenir des résultats plus équitables sur les plans de l’environnement et de la justice.
Honorables sénateurs, je remercie encore une fois la sénatrice McCallum de son travail et de son plaidoyer, et j’espère que nous pourrons renvoyer ce projet de loi au comité dès que possible.
Je vous remercie de votre attention.
Sénatrice Batters, souhaitez-vous poser une question?
Oui.
Sénateur Gold, accepteriez-vous de répondre à une question?
Oui, bien sûr.
Sénateur Gold, je suis curieuse de savoir ce qui motive vos décisions lorsque vous prononcez un discours au nom du gouvernement sur un projet de loi, car vous prononcerez aujourd’hui un discours sur ce projet de loi d’initiative parlementaire à la Chambre des communes. La semaine dernière, cependant, bien que vous ayez parrainé, au nom du gouvernement, le projet de loi C-46, un projet de loi d’initiative ministérielle, vous n’avez pas prononcé de discours à l’étape de la troisième lecture, si bien que je n’ai pas pu vous poser de question à la fin de votre intervention ce jour-là. Comme vous n’avez pas vraiment présenté d’observations, je n’ai pas eu l’occasion de vous demander quel était le seuil de revenu. Je vous l’avais demandé après votre discours à l’étape de la deuxième lecture, mais vous n’aviez pas la réponse alors.
Je me demande simplement ce qui guide votre décision de présenter ou non un discours. Par ailleurs, comme votre intention de prononcer ce discours ne figurait pas dans le plumitif d’aujourd’hui, je me demande quand vous avez décidé de le présenter. Personne ne s’attendait à ce discours et, par conséquent, n’a préparé de questions à vous poser.
Je vous remercie de votre question et du soin que vous portez à la préparation des questions que vous me posez. J’ai décidé — après la tenue de la réunion d’organisation — de faire mon discours aujourd’hui lorsque j’ai compris que j’avais l’occasion de prononcer mon discours hâtivement.
La position du gouvernement en ce qui a trait aux projets de loi qui n’émanent pas du gouvernement est d’étudier avec attention chaque projet de loi. Quand nous considérons que nous pouvons appuyer un projet de loi, nous votons pour, et quand c’est le contraire, nous votons contre.
En ce qui concerne la présentation d’un discours, dans le cas présent, le gouvernement considère que ce projet de loi est important, et j’ai cru qu’il serait dans l’intérêt des sénateurs de savoir que le gouvernement appuie entièrement le projet de loi. Ce fut donc pour moi un plaisir de prendre la parole aujourd’hui et je suis heureux de l’attention que vous m’avez accordée.
Quant à votre question au sujet de la semaine dernière, sénatrice Batters, le projet de loi du gouvernement, que j’ai été heureux de parrainer, était un projet de loi important qui devait être adopté avant une date précise pour que les Canadiens puissent recevoir leurs prestations en temps opportun — des prestations qui étaient importantes pour eux. J’avais donc pris la décision, pour des raisons de rapidité et de collaboration, après discussion avec d’autres sénateurs, de laisser tomber mon discours afin que le projet de loi puisse être adopté et que les Canadiens reçoivent leurs prestations à temps.