Le Code criminel—La Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels—La Loi sur le transfèrement international des délinquants
Projet de loi modificatif--Message des Communes--Adoption de la motion d’adoption des amendements des Communes
26 octobre 2023
Propose :
Que, en ce qui concerne le projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants, le Sénat accepte les amendements apportés par la Chambre des communes;
Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S‑12, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants.
Vous vous souviendrez que notre Chambre a apporté plusieurs amendements à ce projet de loi en juin dernier, notamment en ce qui concerne le régime traitant des interdictions de publication. Ce projet de loi nous revient encore une fois, puisqu’il nous a été renvoyé avec d’autres amendements à considérer.
Le projet de loi S‑12 propose d’importantes réformes visant à donner du pouvoir aux victimes d’actes criminels. À cette fin, il modifie les règles qui régissent les interdictions de publication et le droit à l’information des victimes. Il modifie également le Registre national des délinquants sexuels en réponse à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R c. Ndhlovu, qui, comme vous vous en souviendrez, a déclaré que certaines dispositions relatives à l’inscription des délinquants sexuels et à la durée de ces ordonnances étaient inconstitutionnelles.
Les dispositions relatives à l’interdiction de publication sont celles qui ont été modifiées par l’autre endroit et qui font l’objet de notre examen aujourd’hui.
Chers collègues, les interdictions de publication sont des outils utiles pour protéger l’identité des victimes et des témoins et leur permettre ainsi d’éviter de subir d’autres préjudices. Cependant, il n’est pas rare que certains survivants souhaitent rendre leur histoire publique et ils peuvent être surpris d’apprendre qu’ils ne peuvent pas le faire en raison des interdictions en vigueur. En outre, les survivants sont rarement au courant des procédures à suivre pour faire lever ces interdictions.
C’est en réponse à ces préoccupations que le projet de loi S‑12 propose de modifier le régime d’interdiction de publication, dans le but de permettre aux victimes de mieux se faire entendre et d’avoir davantage de pouvoir au sein du système de justice pénale, y compris les survivants d’agressions sexuelles et les victimes qui souhaitent raconter leur histoire.
Les groupes de victimes qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles étaient d’avis que, tel qu’il a été présenté, le projet de loi n’allait pas assez loin pour atteindre l’objectif, qui est de respecter la volonté des victimes et des témoins lors de l’imposition d’une interdiction de publication. Les témoins estimaient qu’il fallait plus de clarté pour identifier les comportements censés être protégés par une interdiction et qu’il fallait simplifier le processus de modification ou de révocation d’une interdiction. Par conséquent, le comité a apporté plusieurs amendements pour créer une approche plus solide et centrée sur la victime en ce qui concerne les interdictions de publication.
Même si la majorité de ces amendements du Sénat sont maintenus dans le projet de loi dont nous sommes saisis, un petit nombre de changements ont été apportés à l’autre endroit, et ces derniers ont une incidence sur les amendements que nous avions apportés. Ces changements ont été faits en raison des préoccupations exprimées par les témoins quant aux conséquences imprévues qui y sont associées. Il demeure néanmoins, à mon avis, que la version actuelle du projet de loi reflète l’esprit et les objectifs du projet de loi adopté par le Sénat plus tôt cette année.
Le premier changement concerne l’amendement du Sénat selon lequel le poursuivant doit informer la victime ou le témoin de l’existence d’une interdiction de publication et des effets qu’elle pourrait avoir. Cela comprendrait les circonstances dans lesquelles il serait possible de divulguer des renseignements d’identification sans enfreindre l’ordonnance.
Des procureurs généraux — en particulier ceux de l’Ontario et de la Nouvelle‑Écosse — ont émis des réserves au sujet de la deuxième partie de l’amendement, selon lequel le poursuivant doit expliquer quels renseignements peuvent être divulgués. Ils avaient l’impression que cet élément risquait d’exiger involontairement que le poursuivant fournisse des conseils juridiques aux victimes et aux témoins sur un dossier au sujet duquel le poursuivant pourrait devoir intenter des poursuites plus tard en cas d’infraction. Mme Megan Stephens, une avocate spécialisée en droit criminel et constitutionnel qui a travaillé comme procureure pendant plus de dix ans et qui représente les victimes dans des procès pour agression sexuelle, y compris des procès visant à faire lever des interdictions de publication, abonde dans le même sens.
Par conséquent, compte tenu de cette information, le projet de loi S‑12 a été amendé afin de supprimer cette exigence, éliminant ainsi les risques juridiques et en matière de politique concernant l’indépendance de la poursuite et les conflits d’intérêts possibles pour les poursuivants dans de tels cas. Chers collègues, les poursuivants devront toujours, toutefois, fournir des renseignements aux victimes au sujet des interdictions de publication, y compris sur le droit de demander une modification ou une révocation.
Chers collègues, deux amendements de forme ont également été inclus afin de veiller à ce que les objectifs du projet de loi soient bien compris. Le premier précise le type de communication de renseignements qui ne serait pas visé par une interdiction de publication, y compris lorsqu’une victime ou un témoin communique des renseignements à son propre sujet, à condition que ces renseignements n’identifient pas une personne qui est protégée par une autre interdiction de publication. Lorsqu’elles ont été adoptées par le Sénat, les dispositions du projet de loi à cet égard se limitaient aux personnes protégées par une même interdiction de publication. Grâce à cette modification de forme, on reconnaît que des victimes peuvent être protégées par différentes interdictions de publication.
Le deuxième amendement de forme portait sur le libellé de la version anglaise du projet de loi adopté par le Sénat qui parlait des personnes « subject to the order ». Cette disposition permettait aux victimes qui étaient protégées par une interdiction de publication de divulguer des renseignements à leur propre sujet. Cependant, comme l’a fait remarquer le témoin représentant l’Association nationale Femmes et Droit à l’autre endroit, cette idée serait mieux reflétée par la formulation « subject of the order ». À mon avis, cet amendement est approprié et harmonise le libellé de la version anglaise de la loi avec celui de la version française.
Ensuite, lors de l’étude du projet de loi S‑12 au comité de l’autre endroit, certains témoins ont dit souhaiter que le projet de loi établisse plus clairement à qui les victimes ou les témoins peuvent communiquer des renseignements sans tomber sous la portée d’une interdiction de publication. Le comité sénatorial a ajouté une disposition au projet de loi S‑12 pour garantir qu’une interdiction de publication ne s’applique pas quand c’est une personne dont l’identité est protégée qui communique des renseignements, à condition que la communication n’ait pas pour but de rendre les renseignements publics.
Cette limite a été amendée par souci de clarté et elle précise maintenant qu’elle comprend aussi les cas où les renseignements sont communiqués à un professionnel du droit ou de la santé, ou à une personne de confiance, mais pas dans le but de les rendre publics.
J’aimerais maintenant attirer votre attention sur un changement mineur, mais important, apporté au libellé de l’article 4 du projet de loi, qui comprenait une référence au droit à la vie privée de l’accusé. L’amendement du Sénat incluait l’expression, et je cite, « autre que l’accusé » dans les paragraphes proposés 486.51(2) et 486.51(3), dans le but de montrer clairement que le droit à la vie privée de l’accusé ne devrait pas être pris en compte au moment de déterminer s’il convient de révoquer ou de modifier une interdiction de publication. Cet amendement a été compris comme étant une modification reflétant la common law, et on a conclu que les considérations liées à la vie privée de l’accusé n’étaient pas pertinentes pour déterminer s’il fallait prononcer une interdiction de publication ou s’il fallait la révoquer.
Toutefois, des inquiétudes ont été soulevées quant au fait qu’un libellé excluant spécifiquement le droit à la vie privée de l’accusé pourrait avoir l’effet inverse et conduire à la conclusion erronée que, sans ce libellé, l’accusé aurait pu autrement invoquer un droit à la vie privée dans la demande.
La common law est claire. Un accusé n’a aucun droit à la vie privée dans le cadre d’interdictions de publication. C’est pourquoi ce libellé a été supprimé du projet de loi, afin de mieux refléter l’intention politique de la disposition et, ainsi, éliminer tout risque de confusion.
Un autre changement porte sur l’amendement apporté par le Sénat aux dispositions relatives à l’interdiction de publication dans le contexte du régime relatif aux troubles mentaux. Chers collègues, ce régime s’applique aux accusés qui sont déclarés inaptes à subir un procès ou qui ne peuvent pas être tenus criminellement responsables en raison de troubles mentaux.
Cet amendement aurait exigé que la commission d’examen — l’organe chargé de la surveillance des personnes assujetties à ce régime — informe toute personne dont l’identité est protégée par une interdiction de publication aux termes de l’article 486.4 de l’existence d’une ordonnance, des exigences qui y sont liées et des conséquences en cas de non-respect.
De toute évidence, cet amendement visait un objectif louable, mais il suscitait des préoccupations, certains craignant que son ajout ne tienne pas compte des autres modifications apportées aux articles 486.4 et 486.5 en ce qui concerne les interdictions de publication. Il a été établi qu’une étude plus approfondie serait avantageuse.
Le régime de non-responsabilité criminelle, qui comporte divers aspects, constitue un élément unique en droit criminel et il doit être examiné de façon exhaustive. Je comprends également que les commissions d’examen mises sur pied dans le cadre de ce régime sont constituées au niveau provincial. Par conséquent, le gouvernement estime que le régime relatif aux troubles mentaux devrait faire l’objet d’un examen distinct de celui du projet de loi parce qu’il exige une étude plus approfondie, particulièrement au regard de ces dispositions. Par conséquent, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de l’autre endroit a décidé à l’unanimité de supprimer cet article.
Finalement, une disposition de coordination entre le projet de loi S‑12 et le projet de loi d’initiative parlementaire C‑291 a été ajoutée. Le projet de loi C‑291, qui a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles en juin dernier, propose plusieurs modifications au Code criminel en remplaçant l’expression « pornographie juvénile » par l’expression « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels ». Cette disposition de coordination ferait en sorte que la nouvelle définition proposée pour « infraction désignée » dans le projet de loi S‑12 soit harmonisée à la nouvelle terminologie proposée dans le projet de loi C‑291, dans l’éventualité où ces deux mesures législatives obtiendraient la sanction royale et entreraient en vigueur.
En résumé, chers collègues, le comité de l’autre endroit a approuvé six amendements proposés par le Sénat, quoique présentés par le gouvernement et rédigés en collaboration avec des intervenants clés. L’autre endroit a aussi approuvé cinq autres amendements comportant d’autres modifications proposés par le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, s’est opposé à un amendement du comité qui portait sur les troubles mentaux et a suggéré une disposition de coordination.
Honorables sénateurs, je soutiens le projet de loi S-12 tel qu’il a été modifié. Ces amendements favorisent les objectifs initiaux du projet de loi et honorent l’esprit des améliorations que le Sénat a précédemment apportées. Je vous invite à soutenir ce projet de loi et à faciliter son adoption rapide.
Avant de conclure, j’aimerais apporter une dernière précision. Comme vous le savez, chers collègues, le projet de loi S‑12 donne suite à la décision de la Cour suprême du Canada, qui a cerné un manquement à la Constitution dans les lois actuellement en vigueur. La cour a fixé au 28 octobre 2023 la date limite pour mettre en place les corrections législatives nécessaires.
Plus tôt cette semaine, le sénateur Dennis Patterson m’a demandé si le gouvernement serait disposé à demander un sursis à la Cour suprême. On m’a subséquemment informé que pour parer à toutes les éventualités, le gouvernement a effectivement agi de manière responsable et demandé un report de la date limite au cas où les choses ne fonctionnent pas à l’autre endroit ou au Sénat. Plus tôt aujourd’hui, on m’a informé qu’un sursis a effectivement été accordé hier.
Cela dit, j’encourage les sénateurs à procéder à l’étude et à l’adoption du message relatif au projet de loi S‑12 dès aujourd’hui, car je crois que le Sénat est prêt, sans compter que l’autre endroit a agi rapidement pour que ce projet de loi puisse recevoir la sanction royale et que les dispositions inconstitutionnelles en cause puissent être abrogées et remplacées par d’autres, plus solides, que notre travail a permis d’améliorer.
Tout comme le gouvernement a agi de manière responsable en demandant un sursis, je me permets d’avancer que la chose responsable à faire pour le Sénat aujourd’hui serait de conclure le débat et d’adopter le message afin d’éviter de prolonger la situation actuelle, que la Cour suprême a jugée inconstitutionnelle.
Le projet de loi S‑12 apporterait des précisions fort nécessaires concernant le Registre national des délinquants sexuels au Canada, il conférerait des pouvoirs accrus aux victimes d’actes criminels et contribuerait à renforcer la confiance dans le système de justice criminelle.
Chers collègues, je vous remercie du temps que vous m’avez accordé aujourd’hui.
Sénateur Gold, accepteriez-vous de répondre à une question?
Bien sûr.
Vous et moi avons abordé le sujet plus tôt, et je vous en suis reconnaissant. Je ne veux pas que ma question soit perçue comme une tentative de retarder les choses. Je crois que nous avons assurément démontré que nous sommes d’accord avec l’intention de ce projet de loi, tant au Sénat qu’à l’autre endroit.
Vous avez tout à fait raison. Non seulement le sénateur Dennis Patterson a posé cette question ici, mais nous l’avons également posé à plusieurs reprises lors de la réunion des leaders : pourquoi ne pourrions-nous pas demander une prolongation? Pourquoi nous demande-t-on de procéder à toute vitesse? On nous a constamment rappelé que nous devions faire vite, et c’est ce que nous avons fait.
Vous dites que le gouvernement a agi de façon responsable. Je dirais qu’être responsable, ce serait d’au moins nous dire qu’il essaie d’obtenir une prolongation, mais on ne nous a rien dit.
Alors, pourquoi le gouvernement ne nous a-t-il rien dit? Pourquoi ne nous avez-vous rien dit? Je reconnais que vous n’étiez peut-être pas au courant. Pourquoi le gouvernement ne vous a-t-il pas dit qu’il essayait de demander une prolongation?
Combien de temps durera cette prolongation? Si ce projet de loi n’est pas adopté aujourd’hui, combien de jours additionnels le gouvernement a-t-il obtenus? Quelle est la date butoir?
Il s’agit de bonnes questions. Je vous en remercie.
La réponse courte à la dernière partie de votre question, c’est que le gouvernement a demandé une prolongation de trois mois, ce que le tribunal lui a accordé en fin de journée hier. Mon bureau en a été informé en milieu de journée aujourd’hui, et la première chose que j’ai faite — j’espère que ceux qui peuvent le confirmer l’ont aussi dit à leurs collègues —, c’est de transmettre la nouvelle aux leaders de tous les groupes parlementaires. J’ai aussi appelé le sénateur Patterson, qui est le premier à avoir posé la question. À l’époque, je ne savais pas que le gouvernement avait demandé une prolongation et encore aujourd’hui, j’ignore à quel moment il a pris cette décision au juste.
Je peux toutefois affirmer avec assez de certitude que, lorsque le gouvernement demande une prolongation de délai, la date de l’audience n’est pas fixée automatiquement, et la réponse des tribunaux n’est jamais certaine. Je suis fermement convaincu que le gouvernement a agi de manière responsable en demandant une prolongation — qu’il a obtenue — lorsqu’il a vu que la date butoir approchait, car il arrive que les débats à l’autre endroit soient plus ou moins mouvementés et il a dû craindre de ne pas pouvoir nous renvoyer la version amendée à temps ou qu’une fois entre nos mains, nous n’ayons pas le temps, ou la volonté, de l’étudier sur‑le‑champ.
À cet égard, j’adresse à la fois un rappel et des remerciements aux sénateurs puisque, lorsque le projet de loi a été présenté ici même au Sénat, j’ai demandé aux leaders et aux sénateurs de l’étudier soigneusement — ce que nous avons fait, nous l’avons d’ailleurs amélioré — et de le faire rapidement, afin de pouvoir le renvoyer à la Chambre avant la pause estivale.
Pourquoi ai-je fait cette demande? Je l’ai faite parce que nous connaissions la date d’échéance et qu’il m’apparaissait approprié de laisser à la Chambre des communes autant de temps pour étudier le projet de loi que nous avions choisi d’en prendre nous-mêmes. Nous n’avons pas fait notre étude à la hâte et au final, les députés ont consacré moins de temps à ce dossier que nous avons pu le faire.
Votre question est légitime, sénateur Plett, et je n’en contesterais qu’une partie : on ne nous demande pas, selon moi, de précipiter l’étude de ce dossier. Je crois que notre comité a fait un travail fantastique. Plus tôt cette semaine, j’ai fait circuler parmi les leaders et les sénateurs un résumé général des amendements qui ont été acceptés, modifiés et présentés à l’autre endroit.
C’est aujourd’hui jeudi. Il est 15 h 30. Nous disposons d’amplement de temps pour que chaque sénateur puisse prendre la parole et participer au débat. Je continue d’espérer que nous conclurons le débat, que nous enverrons le projet de loi pour qu’il reçoive la sanction royale et que nous achèverons ainsi ce travail que nous avons si bien commencé.
Merci.
J’ai une brève question complémentaire. Vous avez raison, sénateur Gold; vous nous avez téléphoné à midi. Nous avons avisé notre porte-parole, mais, évidemment, compte tenu de l’heure, nous n’avons pas avisé tout le monde. Cependant, vous m’avez dit très clairement que vous alliez en parler au Sénat afin que tout le monde soit au courant avant de passer au vote. Je vous en remercie.
Vous avez répondu en partie à ma question, mais, puisque vous avez dit qu’ils demandaient une prolongation de trois mois, l’ont-ils obtenue?
Je suis désolé. Oui, ils l’ont obtenue. Ils ont demandé et obtenu une prolongation de trois mois.
Je suis désolé si je n’ai pas été clair à ce sujet.
Accepteriez-vous de répondre à une autre question, sénateur Gold?
Bien sûr.
Un des amendements que le Sénat a adoptés visait à garantir que les victimes et les témoins touchés par une ordonnance de non-publication soient informés des effets de l’ordonnance et des circonstances où le projet de loi S‑12 permet la communication des informations visées par l’ordonnance de non‑publication.
Comme vous l’avez dit, cet amendement a été supprimé à l’autre endroit. Je me demande ce que le gouvernement entend faire pour s’assurer que les personnes visées par une ordonnance de non‑publication, en particulier les personnes les plus marginalisées et défavorisées, reçoivent l’information dont elles ont besoin pour comprendre leurs droits et avoir assez d’assurance pour les faire respecter — qu’elles soient convaincues qu’elles ne risquent pas de faire l’objet d’accusations criminelles, ce qui a motivé en partie la présentation de ce projet de loi.
C’est une excellente question. Je vais y répondre, et je ferai ensuite une observation.
J’ignore exactement quelles mesures pourraient être prises à l’avenir, que ce soit par le gouvernement fédéral, les procureurs, ou d’autres intervenants responsables de l’administration de la justice. Bien que le comité ait rejeté l’amendement, il n’en reste pas moins que les victimes et les témoins sont informés de la nature des ordonnances de non-publication et des procédures. Je ne manquerai pas de me renseigner. C’est une question importante pour la simple raison que certaines personnes savent s’y retrouver lorsque des tels renseignements leur sont transmis, mais que ce n’est pas aussi évident pour d’autres, que ce soit en raison des circonstances dans lesquelles ils se trouvent, du stress qu’ils éprouvent, ou de leur difficulté à accéder à des ressources que d’autres ont la chance d’avoir à leur disposition.
C’est une question légitime, et le gouvernement estime que l’objectif de ce projet de loi est louable. Cependant, certaines préoccupations ont été soulevées à la Chambre des communes. Je crois, sénatrice Pate, que c’est une décision qui a été prise à l’unanimité. Tous les membres du comité ont voté en faveur du rejet de cet amendement. Je ne manquerai pas de faire un suivi pour savoir ce qui est fait, le cas échéant, et pour transmettre vos préoccupations au ministre responsable, ce que vous allez également continuer de faire, j’en suis certain.
Merci beaucoup. J’attendrai la réponse avec impatience.
Un des autres amendements que le Sénat avait adopté et que l’autre endroit a pour ainsi dire rejeté porte sur le paragraphe 672.501(4) du Code criminel, et je sais que vous en avez parlé vous aussi. Cette disposition porte sur les ordonnances de non-publication qui peuvent être prises par les commissions d’examen chargées d’établir la responsabilité criminelle d’un prévenu souffrant de problèmes de santé mentale.
Bien qu’on trouve des ordonnances de non-publication très similaires ailleurs dans le Code criminel, elles n’ont pas été modifiées par le projet de loi S‑12, et l’amendement du Sénat devait garantir que les mêmes règles continueraient de s’appliquer à toutes les ordonnances de non-publication prévues dans le Code criminel. Selon ce que vous avez dit, l’autre endroit souhaite qu’on étudie davantage la question, mais je suis curieuse de savoir ce que le gouvernement entend faire avec les dispositions du Code criminel qui portent sur ce type d’ordonnance et qui n’ont pas été adaptées aux changements proposés dans le projet de loi S‑12.
Je vous remercie, car il s’agit encore une fois d’une question aussi importante que légitime. Je ne connais pas l’opinion du gouvernement là-dessus, et pour tout vous dire, je ne sais même pas s’il s’est penché sur cette question. Le changement apporté par l’autre endroit est encore très récent. Vous pouvez être sûre d’une chose : je vais poser la question. J’imagine qu’une fois la sanction royale accordée, on pourra s’attarder à cette question ainsi qu’à toutes les autres qui ressortent du projet de loi S‑12.
Sénateur Gold, j’aimerais vous poser une question sur la disposition de coordination avec le projet de loi C‑291 — un projet de loi proposé à la Chambre des communes par mes collègues les députés Mel Arnold et Frank Caputo et adopté à l’unanimité à l’autre endroit, que j’ai l’honneur de marrainer au Sénat. Nous attendons maintenant que le Comité des affaires juridiques l’étudie. Je pense que ceux qui ont modifié le libellé pour remplacer le terme « pornographie juvénile » par « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels » sont très visionnaires. Je tiens simplement à remercier ceux qui ont apporté cet amendement au projet de loi et je remercie également le gouvernement d’y avoir consenti. Je me demande si vous pouvez nous donner plus d’explications à ce sujet. Merci.
Je vous remercie pour vos observations. Franchement, je ne sais pas s’il y a quelque chose à ajouter. Je pense que cela reflète l’accord du gouvernement sur le fait que l’ancienne description de ce matériel était inappropriée et que la définition proposée dans le projet de loi — dont vous êtes la marraine au Sénat — est plus appropriée et plus juste pour désigner ce matériel. Aucun d’entre nous ne souhaite l’existence de ce matériel, mais il existe et, par conséquent, il faut le traiter de manière appropriée et dans le contexte du Code criminel.
J’invoque le Règlement. Maintenant que nous disposons d’une prolongation de trois mois, j’aimerais que Son Honneur et ses collaborateurs m’informent des fondements législatifs sur lesquels nous nous appuyons.
D’après mon expérience, les messages de la Chambre des communes au Sénat proviennent toujours du greffier de cette assemblée. Or, j’ai cru comprendre — et je me trompe peut‑être — qu’il n’y a pas actuellement de greffier à la Chambre des communes, mais un greffier par intérim. Est‑ce que le document que j’ai sous les yeux a été signé par le greffier par intérim ou par quelqu’un d’autre en son nom? Est-il admissible?
Sénateur Downe, on me dit que, oui, le document a été signé par le greffier par intérim de l’autre endroit et qu’un préavis en bonne et due forme a été donné. Le document est recevable.
Merci.
Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole du projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants, déposé par l’honorable Marc Gold, représentant du gouvernement libéral au Sénat.
Chers collègues, j’aimerais commencer mon discours sur les mesures que contient le projet de loi S-12 en traitant des ordonnances de non-publication. Au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le projet de loi avait reçu une série d’amendements visant à refléter les demandes de My Voice, My Choice, une initiative créée par des victimes d’actes criminels qui souhaitent modifier l’article 486.4 du Code criminel pour qu’aucune personne ne soit jamais forcée au silence en raison d’une interdiction de publication non désirée.
Chers collègues, j’aimerais vous rappeler certaines des histoires partagées par ce groupe de victimes.
En 2021, une victime de Victoria, Kelly Favreau, s’est présentée elle-même devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique pour demander la levée de son interdiction de publication. Elle a découvert l’existence de cette interdiction quatre ans après la conclusion des procédures judiciaires. Elle a affirmé que ce processus avait de nouveau empiété sur sa liberté et qu’elle se sentait, encore une fois, victimisée par le système de justice canadien. L’auteur présumé dans cette affaire a été autorisé à présenter des arguments pour expliquer pourquoi l’interdiction ne devait pas être levée. La victime n’avait jamais consenti à une interdiction de publication.
En mai 2021, une victime d’Ottawa, Morrell Andrews, a demandé une audience à la procureure de la Couronne associée à son dossier pour lever l’interdiction de publication, mais celle-ci a déclaré qu’elle n’était pas sûre de la procédure ou de la politique en vigueur et qu’elle ignorait si le ministère public consentirait à la levée de l’interdiction.
Après avoir fait cette demande directement au juge, pendant l’audience de détermination de la peine, Mme Andrews s’est fait dire que le juge n’avait plus compétence dans le dossier.
Lorsqu’un troisième procureur de la Couronne a finalement demandé la levée de l’interdiction de publication devant le tribunal, l’avocat de la défense du présumé criminel s’est opposé à la demande et a été autorisé à présenter des arguments sur les raisons pour lesquelles l’interdiction ne devait pas être levée. Cette victime n’avait jamais donné son consentement à une interdiction de publication.
Est-il normal que l’agresseur soit celui qui contrôle la décision de la victime? Ces interdictions de publication sont censées être un outil pour protéger les victimes. Elles ne devraient jamais se retourner contre elles. Lorsqu’une victime demande la levée d’une interdiction de publication, une procédure devrait automatiquement être mise en place par le système de justice afin d’étudier la demande et de décharger la victime de toute responsabilité.
Dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’avais affirmé qu’il est essentiel que le consentement de la victime soit sollicité avant d’émettre une interdiction de publication en son nom. Souvent, dans les premières étapes d’un procès, notamment à la comparution initiale de l’accusé, les procureurs de la Couronne ont tendance à appliquer des ordonnances de non-publication. Habituellement, la victime n’est pas présente à ce moment-là. Dans de tels cas, les victimes ne sont ni avisées ni consultées, ce qui contrevient à leurs droits à l’information et à la participation, droits pourtant garantis par la Charte canadienne des droits des victimes. Cela a pour résultat d’exclure les victimes des décisions judiciaires et de les réduire au silence, alors qu’elles sont les principales concernées et qu’elles devraient, en toute logique, être les premières informées.
Le projet de loi S-12, dans sa forme actuelle, suggère simplement d’informer les victimes. Il est toutefois important d’obtenir leur consentement explicite. Les victimes doivent pouvoir décider si elles souhaitent parler publiquement de leur expérience, dans la mesure où elles estiment que cela sert leurs intérêts. Il est inacceptable que quiconque puisse leur refuser ce droit ou restreindre leur liberté de parole sous le couvert de la protection.
Or, dans le cadre de l’étude du projet de loi S-12 par le Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, les libéraux et les néo-démocrates ont rejeté l’amendement PV-2, proposé par le Parti vert. Cet amendement avait une intention claire et essentielle : celle de s’assurer que toutes les victimes soient informées et aient la possibilité de décider si une interdiction de publication est appropriée, dans leur situation, avant qu’une telle mesure soit imposée de manière unilatérale par le tribunal.
Permettez-moi d’expliquer pourquoi cette décision est si problématique.
Dans le cadre actuel, lorsqu’une affaire judiciaire est ouverte, notamment à la première comparution de l’accusé devant le tribunal, il est fréquent que les juges ordonnent des interdictions de publication. Or, ces décisions sont prises sans que les victimes en soient informées, et encore moins consultées. Par conséquent, en maintenant le rejet de l’amendement PV-2, nous perpétuons un statu quo inacceptable.
Les victimes se voient donc privées de leur droit de choisir. Cette situation est non seulement contraire à l’esprit de notre système de justice, qui se veut équitable et transparent, mais elle néglige aussi les droits fondamentaux des victimes. Cela les laisse dans une position de faiblesse, souvent à un moment où elles sont particulièrement vulnérables. Cette situation perpétue la tradition juridique qui veut que les victimes soient accessoires à notre système de justice.
Les victimes méritent d’être entendues, informées et impliquées dans un processus qui les concerne directement. Il est impératif que notre système de justice reconnaisse et respecte ce droit fondamental.
J’aimerais maintenant aborder un autre aspect des modifications apportées à la Chambre des communes.
Tout d’abord, rappelons qu’à l’origine le projet de loi permettait à la victime ou au témoin de demander une modification ou une annulation de l’ordonnance de non-publication, ce qui exigeait la tenue d’une audience par le tribunal. Toutefois, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a modifié cette disposition dans le but de simplifier la procédure pour les victimes ou les témoins qui souhaitent changer ou lever une ordonnance de non-publication. Le texte de loi révisé impose maintenant au procureur de déposer une demande de modification ou d’annulation en leur nom, et ce, le plus rapidement possible, bien que les victimes ou les témoins puissent toujours le faire eux-mêmes s’ils le souhaitent.
Le tribunal est tenu de modifier ou d’annuler l’interdiction de publication, conformément à la volonté des victimes ou des témoins, sauf si cela compromet la protection de la vie privée d’une autre personne également visée par l’interdiction. Dans ce cas, une audience doit être fixée pour déterminer si l’interdiction doit être modifiée ou levée.
Il est crucial de noter qu’un amendement apporté par la sénatrice Simons faisait en sorte que la vie privée de l’accusé n’était pas considérée dans la protection offerte par une ordonnance de non‑publication. L’intention d’une ordonnance de non-publication est avant tout de protéger la vie privée des victimes et des témoins, et non celle de l’accusé. L’accusé doit toutefois être informé en cas de levée, d’annulation ou de modification de l’interdiction. Or, au Comité de la justice et des droits de la personne des Communes, les libéraux ont décidé de proposer un amendement ayant pour effet de supprimer l’amendement de la sénatrice Simons et permettant ainsi aux criminels de bénéficier de la protection des ordonnances de non-publication.
Il est ironique et franchement inquiétant de constater que, sous le couvert de la protection, ces modifications permettent de maintenir le pouvoir des accusés dans le processus judiciaire. En vertu de ces changements, si une victime souhaite contester ou faire lever une ordonnance de non-publication, l’accusé peut toujours bénéficier d’une protection.
En effet, l’accusé, qui est souvent au cœur de l’affaire, peut se retrouver dans une position où il influence le maintien d’une ordonnance de non-publication, même si cette ordonnance va à l’encontre du souhait de la victime. Cela crée un déséquilibre flagrant. Nous sommes confrontés à une situation où les droits de l’accusé semblent prendre le dessus sur ceux de la victime, particulièrement en ce qui concerne la liberté d’expression et la capacité de partager sa propre histoire. Comment est-il juste qu’une victime, qui cherche à retrouver sa voix et à partager son récit, se retrouve bloquée par l’accusé, la personne même qui est à l’origine de ses souffrances?
Cette mesure, telle qu’elle a été adoptée, ouvre la porte à une forme d’injustice où l’accusé, qui bénéficie déjà de nombreuses protections en vertu de notre système judiciaire, peut se voir accorder un pouvoir supplémentaire : celui de museler indirectement la victime. Il est essentiel de remettre en question la logique d’une loi qui, au lieu de créer un équilibre entre les droits de l’accusé et ceux de la victime, penche davantage du côté de la personne qui se trouve en position de force par rapport à la victime. Devons-nous tolérer que notre système judiciaire soit utilisé non seulement pour défendre les accusés, ce qui est juste et nécessaire, mais pour potentiellement réprimer la voix des victimes?
La justice, dans sa forme la plus pure, doit permettre d’atteindre un équilibre entre la défense des droits de l’accusé et la protection des droits de la victime. Or, ces modifications récentes semblent avoir perturbé cet équilibre délicat.
Honorables sénateurs, il y aurait bien d’autres choses à dire sur les changements apportés à ce projet de loi, qui ont considérablement réduit la portée des amendements apportés par le Sénat. L’examen des modifications récentes apportées au projet de loi S-12 révèle une tendance inquiétante de la part de ce gouvernement, qui semble ignorer non seulement les contributions précieuses du Sénat, mais aussi, et c’est bien plus troublant, les voix des victimes elles-mêmes. En limitant considérablement la portée des amendements proposés par le Sénat, le gouvernement montre une réticence à accepter des perspectives extérieures et expertes. Cette approche unilatérale soulève de sérieuses préoccupations quant à la volonté du gouvernement d’écouter et d’intégrer des points de vue divers et essentiels pour concevoir une législation juste et équilibrée.
Le Sénat, en jouant son rôle de Chambre de réflexion, a apporté des modifications réfléchies au projet de loi visant à renforcer les droits et la protection des victimes. Cependant, en écartant ces amendements, le gouvernement envoie un signal très clair : ses actions ne correspondent pas à ses paroles. Bien qu’il affirme défendre et écouter les victimes, ses actes montrent un manque de considération et de sensibilité pour les besoins réels des victimes et pour les recommandations qui cherchent à améliorer leur sort dans un processus judiciaire complexe et insensible.
Honorables sénatrices et sénateurs, j’aimerais maintenant faire un rappel de mon point de vue sur l’autre partie du projet de loi, qui concerne le Registre national des délinquants sexuels, que j’avais déjà exprimé dans cette Chambre il y a quelques mois. Mon propos sera donc plus bref.
Le projet de loi S-12 a été proposé pour répondre à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ndhlovu, comme nous le savons tous. Le cas qui a été porté à l’attention de la Cour suprême est celui d’un jeune homme de 19 ans qui a agressé sexuellement deux femmes lors d’une fête pendant laquelle il avait touché les parties intimes des deux femmes.
Malgré ces actes que je qualifierais de graves et préoccupants, on a le sentiment, en lisant la décision de la Cour suprême, que l’inscription de ce délinquant au registre est injustifiée au regard des conséquences que l’inscription pourrait avoir sur sa vie. De même, la décision semble justifier l’invalidation des dispositions qui exigeaient l’inscription automatique de toute personne déclarée coupable ou non criminellement responsable d’une infraction de nature sexuelle, ainsi que les dispositions prévoyant l’inscription obligatoire à perpétuité au Registre national des délinquants sexuels dans le cas de certains agresseurs plus violents ayant commis des crimes plus graves.
Personnellement, je me demande si nous avons pris en compte le point de vue des victimes dans cette décision, si on leur a demandé si elles avaient subi des traumatismes et si elles conservent des séquelles à la suite de ces agressions. Pourquoi ne pas leur avoir demandé si elles croyaient que ce délinquant devait être inscrit au registre?
Ce genre de décision banalise les violences sexuelles envers les femmes au Canada et envoie un message négatif à celles qui sont victimes d’agressions sexuelles et qui n’osent pas dénoncer leur agresseur. Ce délinquant devrait être inscrit au Registre national des délinquants sexuels, car il est un délinquant sexuel. Les actes qu’il a commis sont inacceptables dans une société de droit comme la nôtre. L’objectif, c’est pourtant de protéger les femmes contre de futurs agresseurs.
Prenons le cas récent d’un agresseur sexuel condamné à trois ans et neuf mois de prison, le 11 avril 2023. Entre le 7 janvier et le 5 juin 2022, cet homme a agressé six femmes âgées de 30 à 65 ans.
Sénateur Boisvenu, je regrette de vous interrompre, mais je me dois de vous rappeler que, en tant que porte-parole du projet de loi, lors d’une réponse à un message, le temps de parole est de 15 minutes. Vous pourriez conclure votre allocution en débat.
Je vais lire l’article du Règlement en question.
Dans ce cas, Votre Honneur, je demanderais cinq minutes de plus.
Est-ce que le consentement est accordé, honorables sénateurs?
Je vais d’abord faire la lecture de l’article du Règlement et je demanderai ensuite si le consentement est accordé. L’article dit ceci :
[...] limité à 45 minutes aux étapes des deuxième et troisième lectures dans le cas du porte-parole du projet de loi, sauf si le porte-parole est le leader du gouvernement ou de l’opposition;
Donc, la durée est bien de 15 minutes en toute autre occasion.
Le sénateur a-t-il le consentement du Sénat pour poursuivre encore cinq minutes, honorables sénateurs?
Merci beaucoup, chers collègues. Je vais essayer de lire vite.
Prenons le cas récent d’un agresseur sexuel condamné à trois ans et neuf mois de prison, le 11 avril 2023. Entre le 7 janvier et le 5 juin 2022, cet homme a agressé six femmes âgées de 30 à 65 ans. Les crimes ont été perpétrés dans la région de Québec.
Imaginez : trois ans et neuf mois pour avoir agressé et traumatisé six femmes! Permettez-moi de dénoncer la permissivité de notre système de justice, qui est trop laxiste envers ces criminels. Ne nous étonnons pas d’avoir des statistiques aussi élevées par rapport aux crimes sexuels, et ne soyons pas surpris que les femmes renoncent à dénoncer leurs agresseurs. Les données de 2015 indiquaient que 50 % des femmes agressées sexuellement abandonnaient leur plainte durant les procédures judiciaires. Additionnez à cette statistique la non-dénonciation, qui est tout aussi élevée; seule une femme sur dix dénonce son agresseur. À peine 1 agresseur sur 30 sera condamné à une peine d’emprisonnement.
Honorables sénatrices et sénateurs, la cour avait fixé un délai jusqu’au 28 octobre 2023 pour que le gouvernement fédéral réagisse. Nous avions été pressés par le temps pour étudier ce projet de loi, car le gouvernement fédéral a attendu six mois avant de proposer un projet de loi. Ce retard a particulièrement affecté notre capacité d’étudier les modifications concernant le Registre national des délinquants sexuels.
Il est essentiel de prendre en compte les voix des victimes et de réfléchir aux séquelles qu’elles subissent. Les lois et les décisions judiciaires comme celle-ci peuvent dissuader les femmes de rapporter des agressions, ce qui est contre-productif dans notre combat en vue de contrer la violence faite aux femmes.
Les statistiques montrent clairement que la violence envers les femmes, notamment les femmes autochtones, est un problème majeur au Canada. Il est impératif que notre système de justice reflète l’urgence de traiter ces crimes avec le sérieux qu’ils méritent. Face aux statistiques alarmantes sur la violence faite aux femmes, il est impératif que nous renforcions notre législation. Le projet de loi S-12, en ne ciblant que les agresseurs de mineurs et les récidivistes pour ce qui est de l’inscription automatique au Registre national des délinquants sexuels, ne répond pas suffisamment à cette urgence. Les femmes sont majoritairement les victimes de crimes sexuels, et il est fondamental que tout homme condamné à plus de deux ans pour de tels crimes contre une femme soit automatiquement inscrit au registre.
J’avais soumis un amendement pour corriger cela et pour demander l’inscription systématique de délinquants condamnés à plus de deux ans pour crimes sexuels contre les femmes. Malheureusement, cet amendement a été rejeté. Je ne comprends toujours pas la décision de mes collègues du Comité des affaires juridiques sur ce sujet, qui est si important pour les victimes.
Certains évoquent une possible contradiction avec la décision de la Cour suprême, mais rappelons-nous que la Cour suprême n’a pas à dicter notre travail législatif. Nous devons agir avec courage pour la sécurité de nos citoyennes. Quand nous défendons les intérêts des victimes, la peur ne doit pas guider nos pas; c’est plutôt le courage qui doit nous animer, le même courage dont ont fait preuve ces victimes en dénonçant leurs agresseurs.
Nous sommes sur le point d’adopter le projet de loi S-12, mais je crains profondément qu’il ne soit pas à la hauteur de la réalité de la criminalité au Canada, surtout en ce qui concerne la violence envers les femmes. Ce projet de loi laisse de côté des améliorations essentielles au Registre national des délinquants sexuels et, par conséquent, pourrait permettre à de nombreux agresseurs de récidiver et de faire encore plus de victimes.
J’en parle en connaissance de cause, car ma propre fille Julie a été la victime tragique d’un délinquant sexuel. Le laxisme de notre système de justice envers ce dernier a été l’un des facteurs expliquant son acte criminogène. En 2002, le registre n’existait pas, ce qui a permis à un prédateur qui venait de sortir de prison de prendre la vie de ma fille. Je passe sous silence sa sentence qu’il avait reçue avant cette agression mortelle, laquelle aura été, en quelque sorte, un permis de récidiver pour ce criminel.
La sécurité des citoyennes canadiennes devrait toujours être prioritaire par rapport au droit à la vie privée d’un délinquant. Nous ne devons jamais sous-estimer les conséquences désastreuses d’une agression sexuelle, qui peuvent parfois mener jusqu’au féminicide. Je crains qu’un jour, avec ce projet de loi, nous regrettions nos actions.
Il est essentiel de reconnaître que les victimes, souvent oubliées ou mises à l’écart dans le processus judiciaire, méritent une attention et un soutien beaucoup plus marqués que de simples mots de réconfort. Ces femmes, marquées par des épreuves souvent traumatisantes, ont besoin que nous posions des actes réfléchis qui témoignent d’une véritable compréhension de leurs souffrances et de leurs besoins spécifiques.
En tant que membres engagés et responsables de notre société, il est de notre devoir de garantir que chaque victime soit traitée avec le respect et la dignité qu’elle mérite. Merci.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)