Projet de loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu
Motion d'amendement
14 mai 2019
Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi C-71 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 4, à la page 7, par adjonction, après la ligne 30, de ce qui suit :
« (2.4) Le particulier titulaire d’un permis de possession d’armes à feu à autorisation restreinte ou d’armes de poing visées au paragraphe 12(6.1) doit, si son permis est renouvelé, être autorisé, dans sa province de résidence, à les transporter :
a) vers tout lieu où se trouve un agent de la paix, un préposé aux armes à feu ou un contrôleur des armes à feu pour enregistrement, vérification ou disposition en conformité avec la présente loi ou la partie III du Code criminel, et à partir de celui-ci;
b) vers une entreprise titulaire d’un permis l’autorisant à réparer et à évaluer les armes à feu prohibées ou les armes à feu à autorisation restreinte, et à partir de celle-ci;
c) vers une exposition d’armes à feu, et à partir de celle-ci;
d) vers un port de sortie afin de les emporter à l’extérieur du Canada, et à partir d’un port d’entrée. ».
Le sénateur Plett a la parole.
J’aimerais à mon tour intervenir dans le débat et remercier le sénateur Richards de son amendement. C’est un excellent amendement. Il est probable que personne ici ne soit surpris que je l’appuie.
Le changement apporté aux autorisations de transport est probablement la partie la plus ridicule de ce projet de loi. Après tout, c’est complètement inutile. Permettez-moi de vous expliquer rapidement pourquoi il en est ainsi. Le sénateur Richards a déjà parlé de certains de ces aspects, mais je voudrais ajouter quelques précisions.
D’abord, la question a été complètement dénaturée par le gouvernement. Dans sa plateforme électorale, le Parti libéral du Canada a fait la promesse suivante :
C’est pourquoi nous prendrons des mesures concrètes pour qu’il soit plus difficile pour les criminels de mettre la main sur une arme. Voici ce que nous ferons :
Nous annulerons les changements apportés par le projet de loi C-42 qui autorisent le transport d’armes prohibées ou à autorisation restreinte sans permis [...]
Honorables collègues, cette information est très trompeuse. En effet, aux termes de la loi en vigueur, le transport des armes prohibées ou à autorisation restreinte nécessite déjà un permis. Il est déjà illégal de transporter une arme à feu à autorisation restreinte sans un permis à cet effet. Ainsi, la suggestion du gouvernement d’annuler « les changements apportés par le projet de loi C-42 qui autorisent le transport d’armes prohibées ou à autorisation restreinte sans permis » n’a absolument aucun sens. Elle donne une fausse image des mesures qui sont en vigueur en ce moment.
Ce que fait le gouvernement est très différent. Actuellement, il y a deux catégories de permis pour le transport d’une arme à feu à autorisation restreinte : un permis de transport à long terme et un permis de transport à court terme. Certaines destinations exigent le second, d’autres, le premier.
Je le répète, on ne peut pas aujourd’hui transporter d’arme à autorisation restreinte sans l’un de ces deux permis. Lorsqu’on reçoit un permis de port d’armes pour une arme à feu à autorisation restreinte, celui-ci permet de transporter l’arme à six endroits bien précis, aussi longtemps que le permis est valide. Comme l’a fait remarquer le sénateur Richards, ces six endroits sont les suivants : le domicile ou un champ de tir dans la même province; un poste de police ou le bureau du contrôleur des armes à feu pour fins de vérification ou d’inscription, ou pour s’en défaire; un armurier pour des réparations ou un magasin d’armes aux fins d’évaluation ou de vente; une exposition d’armes à feu; un point frontalier, comme un poste frontalier ou un aéroport international; du lieu d’achat jusqu’au domicile.
On ne peut pas transporter une arme à feu n’importe où en la plaçant dans le coffre d’une voiture. Celle-ci ne peut être transportée que vers l’une de ces destinations autorisées. Pour toute autre destination, le propriétaire doit prendre contact avec le bureau du contrôleur des armes à feu pour obtenir un permis de transport à court terme.
Selon le projet de loi C-71, quatre de ces six destinations feraient l’objet dorénavant d’une autorisation de transport à court terme plutôt qu’à long terme. Contrairement à ce que les libéraux prétendent, ce projet de loi n’a pas pour effet « [d’annuler] les changements apportés par le projet de loi C-42 qui autorisent le transport d’armes prohibées ou à autorisation restreinte sans permis » pour la simple raison que le projet de loi C-42 ne comportait pas de tels changements.
Il est déjà nécessaire d’obtenir une autorisation pour transporter une arme à feu à autorisation restreinte où que ce soit.
Deuxièmement, en plus d’avoir été présentée de manière inexacte par le gouvernement, la situation n’est pas du tout bien comprise par la population. Permettez-moi de vous en donner un exemple. Le mois dernier, Léger a publié un sondage dans lequel il posait la question suivante :
Un projet de Loi (C-71), portant sur des modifications sur la loi du contrôle des armes à feu du Canada, est présentement à l’étude au Sénat. Veuillez indiquer si vous êtes [pour ou contre les] changements suivants [...]
Rendre obligatoire l'obtention d'un permis de transport pour tout propriétaire d'une arme restreinte (armes de poing, pistolets, etc.) avant que cette personne puisse [transporter son arme ou voyager avec celle-ci].
Quatre-vingt-un pour cent des répondants ont indiqué être « totalement » ou « plutôt » en faveur. Je me demande combien parmi eux savaient qu’une autorisation est déjà nécessaire pour transporter une arme à autorisation restreinte. Combien de ces répondants comprenaient qu’une personne doit non seulement détenir un permis, mais aussi remplir les huit conditions suivantes pour transporter une arme à feu à autorisation restreinte?
L’arme à feu ne peut être transportée que par le propriétaire; le propriétaire doit être titulaire d’un permis d’armes à feu à autorisation restreinte valide et non expiré; il doit avoir le permis avec lui en tout temps lorsqu’il transporte l’arme à feu; l’arme à feu doit être non chargée pendant son transport; elle doit être munie d’un verrou de détente; elle doit se trouver dans un coffret verrouillé; le propriétaire doit se rendre à une destination autorisée prévue par la loi; et son trajet doit être relativement direct.
Si ces faits sur le transport d’armes à feu à autorisation restreinte avaient été mentionnés dans la question du sondage, je soupçonne que les réponses auraient été très différentes.
Il est très difficile d’imaginer comment une personne pourrait croire qu’après qu’un propriétaire d’armes à feu se soit déjà plié à toutes ces conditions, exiger une autorisation de transport à court terme plutôt qu’à long terme est ce qui améliorerait la sécurité publique. Défendre cette position relève vraiment de l’acte de foi, car il n’y a absolument aucune preuve à l’appui.
Troisièmement, les tribunaux ont déjà tranché sur la question. En 2012, Daniel Balofsky, un propriétaire d’arme à feu qui détenait un permis, a traîné le contrôleur des armes à feu de l’Ontario devant les tribunaux parce qu’il lui avait refusé une autorisation de transport à long terme. Aux termes du paragraphe 74(1) de la Loi sur les armes à feu, toute personne à qui on refuse une autorisation de transport peut soumettre la question à un juge de la cour provinciale aux fins de décision.
Pendant l’audience, le contrôleur des armes à feu a indiqué qu’il était prêt à accorder une autorisation de transport à long terme à M. Balofsky pour qu’il puisse apporter son arme à un club de tir. Toutefois, il ne serait pas autorisé à apporter son arme chez un armurier. Il pourrait apporter son arme à un club de tir, mais pas à un armurier, un peu comme ce que le gouvernement propose de faire avec le projet de loi C-71.
M. Balofsky a eu gain de cause. Dans sa décision, le juge R. Khawly a déclaré ce qui suit :
[...] l’autorisation [de transport] devrait inclure le transport d’une arme chez un armurier ou un vérificateur. Logiquement, il est dans l’intérêt public, sur le plan de la sécurité, que les armes à feu soient en bon état de fonctionnement. Il est absurde de rejeter une telle autorisation en fonction de la fréquence limitée, comme l’a fait le contrôleur des armes à feu.
Chers collègues, cette décision remonte à 2012, et on me dit que c’est en partie à cause de cette affaire judiciaire que, dans le projet de loi C-42 qu’il a fait adopter en 2015, le gouvernement a décidé de prolonger les autorisations de transport à long terme afin qu’elles comprennent les déplacements chez l’armurier. Pour reprendre le mot du juge Khawly, il serait totalement absurde d’annuler cette décision.
Permettez-moi de conclure en soulignant ce qui suit. Les tenants du contrôle des armes à feu et certains sénateurs affirment sans cesse que les propriétaires d’armes à feu devraient être prêts à accepter quelques mesures de sécurité publique supplémentaires pour que l’on puisse débusquer les éléments malhonnêtes ou criminels.
La semaine dernière, le sénateur Deacon a donné l’exemple du renforcement des contrôles de sécurité dans les aéroports pour illustrer ce point. Le problème, c’est que, contrairement aux contrôles de sécurité dans les aéroports, les mesures que l’on demande de prendre aux propriétaires d’armes à feu sont complètement inutiles du point de vue de la sécurité publique. Croyez-moi, si ces mesures avaient un certain intérêt pour la sécurité publique, les propriétaires d’armes à feu seraient on ne peut plus disposés à les prendre, mais ce n’est pas le cas. Tout ce qu’elles font, c’est faire planer des soupçons sur tous les propriétaires d’armes à feu, ce que ces derniers n’apprécient pas.
Révoquer les autorisations de transport à long terme est le pire élément du projet de loi C-71, et j’encourage tous les sénateurs à voter pour l’amendement du sénateur Richards.
Merci.
Excellent, sénateur Plett. Il me reste cinq minutes, et j’aimerais clarifier quelques points que j’estime importants.
Premièrement, lorsque nous parlons d’autorisations de transport, nous parlons d’armes à feu à autorisation restreinte et d’armes à feu prohibées. Cela ne comprend pas les carabines de chasse. On peut transporter sa carabine de chasse, ce qui veut dire que la grande majorité des fusils au pays ne sont pas visés par ce régime d’autorisations de transport.
Donc, auparavant, avant l’adoption du projet de loi C-42 en 2015, il fallait détenir une autorisation de transport, qui n’était bonne qu’une fois, pour transporter son fusil n’importe où dans sa province de résidence. Le projet de loi C-42 a apporté un changement : lorsqu’on obtient son permis, on obtient aussi ce qu’on appelle une autorisation de transport automatique, qui permet de transporter son fusil à différents endroits, qui sont les plus fréquents, comme le champ de tir, les postes frontaliers, les expositions d’armes à feu et les armuriers.
Cela a créé une situation où il est devenu extrêmement difficile pour les policiers de remettre en question une personne soupçonnée de transporter une arme à feu à autorisation restreinte ou prohibée à des fins illégitimes. Si vous êtes sur la route, vous pouvez simplement dire que vous vous rendez à une exposition d’armes à feu. Si le policier n’est pas satisfait, vous pouvez dire que vous allez au magasin d’armes à feu. Si le policier n’est toujours pas satisfait, vous pouvez dire que vous allez au poste frontalier. Il y a toujours moyen de trouver une de ces destinations quelque part sur le chemin de la personne qui transporte l’arme à feu.
Voici la façon dont Adam Palmer, président de l’Association canadienne des chefs de police, a décrit la situation. Le régime actuel d’autorisation de transport est si vaste qu’il vise les gens qui mettent leur arme à feu sous clé dans un véhicule et se rendent à la frontière, ceux qui vont à une exposition d’armes à feu, à un champ de tir ou ceux qui vont faire réparer leur arme à feu. Il y a tellement d’endroits différents.
Il s’ensuit que certaines personnes transportent très régulièrement une arme à feu dans un véhicule. Il serait possible de réduire le nombre de fois où l’arme à feu est transportée dans le véhicule conformément à des restrictions très strictes.
Le projet de loi C-71 maintient l’octroi automatique de l’autorisation de transport pour les destinations les plus courantes, c’est-à-dire le magasin d’armes, le domicile et, surtout, le champ de tir, ce qui répond à 95 p. 100 des besoins en matière de transport d’armes à feu.
Ainsi, lorsqu’on affirme que le projet de loi imposera un énorme fardeau aux propriétaires d’armes à feu, sachez que l’autorisation de transport sera accordée automatiquement dans 95 p. 100 des cas.
Le sénateur Richards disait plus tôt que cela obligerait les gens à faire un appel téléphonique; on pourra également utiliser le site Internet pour obtenir une autorisation de transport dans les quelques cas qui restent, c’est-à-dire pour aller dans une foire d’armes à feu, chez l’armurier ou pour traverser un poste-frontière. Il sera possible d’obtenir une autorisation de transport électronique, donc le fardeau imposé aux propriétaires d’armes à feu sera léger.
Si cet amendement était adopté, cela irait à l’encontre de l’un des aspects fondamentaux du projet de loi, qui est d’empêcher les propriétaires d’armes à feu de les transporter partout dans leur province de résidence sans aucune restriction .
Cette mesure déraisonnable a été adoptée dans le projet de loi C-42. Le projet de loi C-71, quant à lui, propose une mesure raisonnable, pragmatique, qui n’oblige en rien les propriétaires d’armes à feu à obtenir une autorisation spécifique de transport pour 95 p. 100 de leurs besoins. L’impact sur les propriétaires d’armes à feu sera très léger; par contre, l’impact sur la sécurité et la capacité des policiers à faire leur travail sera considérable. Je vous remercie.
Merci beaucoup, sénateur Pratte. Selon vous, à quel point le projet de loi correspond-il à la promesse électorale qu’ont faite les libéraux à cet égard en 2015?
Je n’ai pas le document avec moi. L’avez-vous? Pourriez-vous me le prêter?
Il se trouve dans la trousse des indépendants.
Je ne le consulterai pas.
Le projet de loi C-71 correspond parfaitement à la plateforme électorale des libéraux en ce qui concerne la législation sur les armes à feu. Le projet de loi correspond exactement à ce qu’ils avaient promis et c’est pourquoi l’amendement est inacceptable, selon moi.
Merci, sénateur Gold.
Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligé de quitter le fauteuil, à moins que nous ne consentions à ne pas tenir compte de l’heure. Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?
J’entends un « non ». La séance est suspendue jusqu’à 20 heures.