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Question de privilège

Report de la décision de la présidence

11 juin 2019


L’honorable Marilou McPhedran [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour soulever une question de privilège différente. Je prends la parole ce soir après notre pause de deux heures, que nous avons prise parce qu’il était 18 heures.

Conformément à l’article 13-4 du Règlement, j’estime que j’ai le droit, en tant que sénatrice, de soulever cette question de privilège, étant donné que j’ai pris connaissance d’une affaire au cours de la séance du Sénat et que, par conséquent, je n’ai pas à fournir d’avis écrit.

Votre Honneur, je commencerai en indiquant clairement que je soulève cette question parce que, selon ce que je comprends, lorsqu’un sénateur embauche un employé, ce dernier représente ensuite ce sénateur, et les deux représentent l’institution du Sénat. Selon ce que je comprends du droit et de mon examen du code d’éthique des employés, de celui des sénateurs ainsi que de nos règles, la liberté d’expression pour les sénateurs et leurs employés n’est pas un droit absolu et les commentaires faits dans le cadre de ce rôle doivent respecter les normes d’équité, d’exactitude et de pertinence prévues dans nos règles et nos codes.

Ma question de privilège porte sur l’utilisation ou l’utilisation abusive — ce sera à vous de décider — des plateformes de médias sociaux, particulièrement Twitter, par certains de nos collègues du Sénat, notamment, dans certains cas, par leurs représentants, soit leurs employés, qui font des publications qui sont ensuite retransmises par le sénateur qui les emploie.

La question de privilège que je soulève ce soir est en gestation depuis un certain temps. Ce n’est pas la première fois qu’une telle chose m’arrive ou arrive à d’autres sénateurs mais, aujourd’hui à 16 h 59, heure de l’Est, la directrice des affaires parlementaires du sénateur Leo Housakos a publié un autre gazouillis méchant et inexact. Puis, le sénateur l’a partagé, ce qui démontre les liens entre un employeur et ses employés, liens dont le sénateur, à titre d’employeur, est responsable. Les sénateurs ont aussi la responsabilité de se demander s’ils se servent des médias sociaux pour encourager le harcèlement et l’intimidation.

Pour vous aider à vous prononcer sur cette question de privilège, Votre Honneur, je décrirai comment les quatre critères énoncés à l’article 13-2(1) du Règlement du Sénat du Canada ont été respectés.

Premièrement, la question est soulevée à la première occasion. Comme je l’ai dit, la plus récente attaque sur Twitter a été commise aujourd’hui, à 16 h 59, en réponse à un gazouillis publié par J.P. Tasker de la CBC. Les gazouillis de ce dernier étaient des mises à jour concernant ce qui s’est passé lors de l’étude article par article du projet de loi C-262 ayant eu lieu ce matin au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. L’employée du sénateur Housakos a répondu à l’un de ces gazouillis en disant ceci :

Imaginez un peu. Une sénatrice qui demande qu’un sénateur soit expulsé d’un comité parce qu’elle n’approuve pas son point de vue. Pensez-y un peu. Elle veut qu’il soit exclu d’un comité sénatorial parce qu’il a une opinion différente de la sienne. La diversité fait notre force?

C’est inexact. Ce n’est pas la raison pour laquelle j’ai demandé au sénateur Tkachuk de quitter la salle. Je le lui ai demandé parce que, comme l’ont décrit avec exactitude d’autres sénateurs, notamment la sénatrice Lovelace Nicholas, il y a eu de l’intimidation, de constantes interruptions et de l’obstruction à un point tel que je dois maintenant dire que, dans bien des situations, lorsque je regarde mes collègues d’en face, je ne vois pas l’opposition officielle; je vois l’obstruction officielle.

En plus du gazouillis publié par l’employée du sénateur Housakos...

J’invoque le Règlement.

La sénatrice McPhedran [ - ]

... en réponse à un article du Globe and Mail...

Son Honneur le Président [ - ]

Sénatrice McPhedran, un sénateur invoque le Règlement.

Il y a quelques semaines, en prononçant un discours, j’ai employé le mot « duplicité ». Une collègue d’en face m’a rappelé à l’ordre, et vous, Votre Honneur, m’avez prévenu quant à l’utilisation de ce mot. Je ne l’ai pas utilisé depuis, autrement que dans la présente situation.

J’estime que les accusations d’obstructionnistes officiels de la part de la sénatrice d’en face sont tout aussi à la limite de ce qui est acceptable, voire la dépassent. Si la sénatrice veut soulever une question de privilège, je lui suggère d’expliquer cette question de privilège comme il se doit, et la question est mieux de porter sur un sénateur, et non sur un ou une membre du personnel, car il n’y a personne ici pour se défendre.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Vous m’empêchez de...

Vous aurez de nouveau l’occasion de prendre la parole, sénatrice McPhedran. Je ne vous ai pas interrompue. J’ai invoqué le Règlement.

Par conséquent, Votre Honneur, je vous demande d’essayer de modérer un peu nos discussions. J’essaierai de le faire maintenant et à l’avenir. Cependant, j’estime que les sénateurs qui nous traitent d’« obstructionnistes officiels » dépassent les bornes, Votre Honneur, et je vous demande de vous prononcer à ce sujet.

Son Honneur le Président [ - ]

Je remercie le sénateur Plett d’avoir soulevé la question. De toute évidence, il n’y a pas très longtemps, j’ai dit à tous les sénateurs que les mots sont très importants. Lorsqu’un sénateur soulève la question de privilège ou invoque le Règlement, il est important qu’il n’utilise pas des propos incendiaires. Cela ne contribue aucunement au rappel au Règlement ou à la question de privilège. Je recommande encore une fois aux sénateurs de s’abstenir d’utiliser des termes inutiles et incendiaires.

Pour ce qui est de savoir s’il y a ou non une question concernant une employée d’un sénateur, cela sera évidemment pris en considération dans la question de privilège.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Merci beaucoup, Votre Honneur.

Les gazouillis que j’ai mentionnés donnent une idée fausse de ce qui s’est passé lors des délibérations de ce matin, lorsque j’ai réagi aux tactiques et aux tentatives de perturbation du sénateur Tkachuk, qui contestait ou ne respectait pas les décisions de la présidente du comité. À plusieurs reprises durant la réunion de ce matin, des sénateurs criaient plus fort que la sénatrice Dyck alors qu’elle présidait la réunion conformément au Règlement, ayant consulté maintes fois les experts qui étaient disponibles et qui ont donné des conseils sur ce qu’il convenait de faire.

Il ne s’agissait pas d’une divergence d’opinions, comme l’a laissé entendre le sénateur Housakos et son employée. Il s’agissait d’un manque de respect et d’une conduite non parlementaire pendant une réunion de comité, ce matin.

Deuxièmement, selon l’article 13-2(1)b), la question doit se rapporter directement aux privilèges du Sénat, d’un de ses comités ou d’un sénateur. Dans le cas présent, c’est une question de privilège personnelle en raison de la nature des attaques personnelles répétées contre moi et, incidemment, d’autres sénatrices.

Le 2 mai 2019, sur Twitter, j’ai communiqué avec l’employée du sénateur Housakos, après avoir publié un gazouillis sur la motion concernant le génocide des Rohingyas. Pourrait-il y avoir quelque chose de moins partisan que la question des Rohingyas? Elle devait faire l’objet d’un vote ce soir-là; du moins, c’est ce que j’avais compris. J’ai publié le gazouillis pour informer les nombreux intéressés au sein de la population qui étaient inquiets et qui attendaient les résultats qu’il était déjà 21 h 30 et que, en raison de retards, le vote n’allait probablement pas avoir lieu ce soir-là. Peu après, l’employée du sénateur Housakos m’a envoyé ce gazouillis :

Vous voulez dire que vous avez pris de l’avance en envoyant ce gazouillis et communiqué de presse, et que maintenant la procédure appropriée s’est revirée contre vous. Oups.

Ce sont là ses paroles.

Son Honneur le Président [ - ]

Je m’excuse de vous interrompre, sénatrice McPhedran, mais, comme vous l’avez souligné à juste titre dans vos observations préliminaires, pour soulever une question de privilège sans préavis approprié, il faut respecter l’une de deux conditions. Vous avez nommé à juste titre la situation pour laquelle vous avez pris la parole, soit une question qui a été soulevée au cours de la séance, de sorte que vos remarques pour votre question de privilège devraient se rapporter à une question qui a été soulevée au cours de la séance.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Je vous remercie, Votre Honneur. Je vous inviterais néanmoins à considérer que ce geste s’inscrit dans une tendance, d’où sa pertinence.

Je trouve franchement sidérant que l’employée d’un sénateur prenne l’initiative de se moquer d’une sénatrice et, pire encore, qu’elle le fasse sur une tribune publique. Cet incident me touche directement, puisqu’il donne l’impression que je suis incapable de comprendre la procédure du Sénat et de m’y conformer. De telles affirmations donnent à la population l’impression que je ne suis pas apte à exercer mes fonctions parlementaires et elles tournent tout cela en dérision.

De tels incidents devraient aussi préoccuper l’ensemble du Sénat, Votre Honneur. Ils touchent le privilège du Sénat et ils ternissent l’image de cette institution.

Les employés du Sénat représentent le sénateur à qui ils sont rattachés et l’institution même du Sénat. Nous tous, sénateurs et employés, avons la responsabilité d’agir avec courtoisie les uns envers les autres.

La semaine dernière, le sénateur Housakos a dit au Sénat : « [...] je suis désolé de vous l’apprendre, mais les abonnements aux comptes Twitter relèvent du domaine public. »

Son Honneur le Président [ - ]

Je suis désolé, sénatrice McPhedran, mais j’aperçois encore une fois des sénateurs qui se lèvent probablement pour invoquer le Règlement parce que, comme je l’ai dit plus tôt et comme vous l’avez souligné à juste titre lorsque vous avez pris la parole sur cette question de privilège, une question de privilège doit porter sur un événement survenu sans préavis, dans ce cas-ci, pendant la séance. Je vous demande donc de limiter vos observations à la question de privilège survenue pendant la séance.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Je crois, Votre Honneur, que je peux faire référence à des sources d’information pour appuyer mon plaidoyer, et c’est pour cette raison que j’ai repris la citation du sénateur Housakos, qui affirmait que les gazouillis relèvent du domaine public.

Donnez-moi un moment parce que je ne sais plus où j’étais rendue.

Votre Honneur, le 16 mai 2019, vous avez dit :

Je rappelle...

Votre Honneur, le 16 mai...

Son Honneur le Président [ - ]

Je suis désolé, sénateur Plett. Écoutons...

La sénatrice McPhedran [ - ]

Le Président a dit...

Son Honneur le Président [ - ]

Sénatrice McPhedran, je vous en prie.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Merci, Votre Honneur. Vous avez déclaré ceci :

[...] je rappelle aux honorables sénateurs que, dans une décision précédente, j’ai mentionné l’utilisation des médias sociaux. Lorsque vous souhaitez écrire des gazouillis, veuillez bien les relire avant de les publier. Si vous pensez que le message peut être offensant ou si vous n’êtes pas certains de la nature appropriée du message, ne le publiez pas. En effet, ce genre de messages peut entacher tant la réputation de l’auteur du message que celle du Sénat.

L’image du Sénat en tant qu’institution est ternie par les attaques en ligne de ce genre. Comment un sénateur peut-il laisser son personnel prendre l’habitude d’attaquer d’autres sénateurs sur un réseau social public? Comment peut-il approuver ou encourager une telle pratique? Où sont passés l’esprit de collégialité et le respect dont nous devons faire preuve au Sénat? Le décorum et le respect mutuel doivent s’étendre aux médias sociaux, comme vous l’avez indiqué dans votre décision, Votre Honneur.

Quatrièmement, selon l’article 13-2(1)d) du Règlement, la question doit être soulevée afin de chercher à obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire. En conséquence, je demande, Votre Honneur, en tout respect, que le sénateur Housakos présente ses excuses au nom de son employée, sa directrice des affaires parlementaires, dont il retransmet les gazouillis, que les sénateurs ne permettent plus aux membres de leur personnel d’utiliser Twitter ou des plateformes en ligne et que les sénateurs eux-mêmes n’utilisent pas les médias sociaux pour dénigrer d’autres sénateurs et pour propager des faussetés au sujet d’autres membres de cette institution.

Merci, meegwetch.

L’honorable Leo Housakos [ - ]

Merci, Votre Honneur. Je serai très bref. En ce qui a trait à l’intervention de la sénatrice McPhedran, qui prétend qu’il s’agit d’une question de privilège, je soutiens que c’est loin d’en être une. Les médias sociaux et leur place dans le discours public font l’objet d’un débat incessant dans cette enceinte. Je crois qu’à un moment donné, il nous faudra reconnaître que le Sénat est une institution publique. Ce que nous faisons dans cette enceinte est public, de même que ce que nous faisons et disons en comité, et nous devons faire face aux conséquences.

Je n’ai aucun problème à défendre le gazouillis qu’a envoyé mon employée ce soir. J’ai partagé ce message et je l’ai fait avec prudence. Il est factuel et il dépeint fidèlement les événements révoltants qui ont eu lieu à une réunion d’un comité sénatorial ce matin, où l’un de nos collègues s’est levé — je ne connais pas le contexte. Je n’étais pas là, mais je me fie aux propos d’un journaliste et d’une source crédible — la CBC — qui a diffusé la nouvelle suivante :

Un comité sénatorial adopte le projet de loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Les conservateurs craignent que les Autochtones aient droit de veto.

L’article raconte une longue histoire pour décrire l’essentiel de ce qui s’est passé. Le journaliste — pas moi — a diffusé le gazouillis suivant :

Au milieu de la pagaille qui a eu lieu ce matin au comité, la sénatrice Marilou McPhedran a proposé que le sénateur conservateur David Tkachuk, qui est résolument contre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, soit exclu des délibérations du comité.

C’est ce qu’a publié la CBC, votre média d’information préféré. Mon employée a seulement partagé le gazouillis en ajoutant ceci :

Imaginez un peu. Une sénatrice qui demande qu’un sénateur soit expulsé d’un comité parce qu’elle n’approuve pas son point de vue. Pensez-y un peu. Elle veut qu’il soit exclu d’un comité sénatorial parce qu’il a une opinion différente de la sienne. La diversité fait notre force?

C’est ce que disait son gazouillis, en anglais. Je l’ai partagé et je ne le regrette pas.

Chers collègues, si vous voulez éviter pareille humiliation publique, réfléchissez bien au comportement que vous adoptez pendant les réunions publiques des comités. L’atteinte la plus grave au privilège d’un sénateur, c’est de demander qu’il soit expulsé d’un comité, pour quelque raison que ce soit. Ce matin, l’atteinte la plus grave au privilège s’est produite quand une sénatrice a demandé que le doyen du Sénat, qui compte 25 ans d’expérience comme sénateur et préside des comités avec succès depuis plus de deux décennies, soit expulsé du comité. Expulsé par qui? Par une autre collègue? Par la présidente? On n’a jamais vu une chose pareille au Sénat.

Chers collègues, je pense qu’au final, la leçon que nous devons tirer est que, si l’on ne peut supporter la pression dans les médias sociaux et la sphère publique, mieux vaut se tenir à l’écart. J’ai dressé une liste de gazouillis absurdes du Groupe des sénateurs indépendants — non pas de sénateurs, mais d’employés — et j’ai un dossier. Je l’apporterais volontiers au comité si jamais nous faisions une étude à ce sujet pour voir quels gazouillis sont plus absurdes ou plus offensants. Inutile de dire que, du côté des conservateurs, nous trouverons vos gazouillis très absurdes. Manifestement, du haut de votre perchoir, vous direz : « Oh, les méchants conservateurs nous offensent quotidiennement. »

Je pense que ce à quoi nous devons faire le plus attention, c’est de nous bien nous conduire comme sénateurs dans cette institution, cette Chambre, et dans les comités, et de faire notre travail de manière diligente, prudente et digne. Merci, chers collègues.

Son Honneur le Président [ - ]

Honorables sénateurs, je sais que d’autres sénateurs veulent participer au débat sur cette question, mais j’ai entendu les deux points de vue qui s’opposent et je vais prendre l’affaire en délibéré. Merci.

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