
PÉRIODE DES QUESTIONS — Le ministère de la Justice
Les ordonnances de sursis
5 octobre 2022
Monsieur le ministre, dans le cadre du projet de loi C-5, le gouvernement propose d’élargir l’application des ordonnances de sursis pour y inclure des infractions graves comme les agressions sexuelles. Des groupes de femmes et de victimes ont exprimé de vives inquiétudes par rapport à l’idée qu’un agresseur puisse purger sa peine chez lui ou dans la collectivité de la victime.
Lorsqu’elle a témoigné au Comité de la justice de la Chambre des communes, le 29 avril 2022, Jennifer Dunn, du London Abused Women’s Centre, a dit ceci :
[...] Les femmes et les filles sont cinq fois plus susceptibles que les hommes d’être victimes d’une agression sexuelle, un crime violent en hausse au Canada. Avec l’ordonnance de sursis, de nombreuses femmes seront coincées dans la collectivité avec le délinquant, ce qui les expose à un risque encore plus élevé.
Monsieur le ministre, quel message le gouvernement enverra-t-il aux victimes d’agression sexuelle en étant plus indulgent envers leurs agresseurs?
Je vous remercie, sénateur, de cette question. Cependant, je ne suis pas d’accord avec la façon dont vous présentez le problème. Il ne fait aucun doute que les crimes graves seront toujours assortis de peines sévères et que la sécurité publique constitue notre principale priorité.
Honorable sénateur, le gouvernement prend des mesures pour que la sécurité publique ne soit jamais menacée. L’imposition d’une ordonnance de sursis n’est une option que dans les cas où il n’y a pas de menace à la sécurité publique et où la peine imposée serait inférieure à deux ans. Dans de tels cas, l’incarcération ne constitue pas la meilleure solution.
Je rappelle les récentes observations du juge Michael Moldaver — un des plus grands juristes au Canada qui a récemment pris sa retraite de la Cour suprême du Canada —, qui a déclaré que notre système de justice pénale doit concentrer ses ressources sur les crimes graves et ne devrait pas recourir à l’incarcération lorsque ce n’est pas la meilleure solution, ni pour la victime ni pour la société dans son ensemble.
Puisque vous parlez de crimes graves, je répète que lorsque la situation et les circonstances le justifient, de tels crimes seront toujours assortis de peines sévères. Nous procédons de façon à donner une certaine souplesse lorsque les délinquants présentent une dépendance problématique ou un autre problème social auquel il faut s’attaquer directement, plutôt que de recourir à l’incarcération comme solution.
Je répète encore une fois que les crimes graves seront toujours assortis de peines sévères et que les ordonnances de sursis ne s’appliquent que lorsque le délinquant ne représente aucune menace pour la sécurité publique.
C’est bien ce que j’ai dit. L’agression sexuelle, monsieur le ministre, est un crime grave — très grave. Si ce projet de loi est adopté, les agresseurs sexuels purgeront leur peine dans la collectivité. Or, comme l’a dit Jennifer Dunn, d’un autre côté, il y a des femmes qui doivent vivre avec leur passé et qui demeurent constamment sur leurs gardes dans la collectivité. Cela, monsieur le ministre, représente une véritable peine à perpétuité. C’est grave, monsieur le ministre.
Quel message votre gouvernement envoie-t-il aux victimes d’agression sexuelle en faisant preuve d’indulgence envers ces crimes? L’agression sexuelle étant le crime le moins signalé au Canada, qu’avez-vous à répondre aux groupes de défense des victimes qui affirment que cette mesure dissuadera davantage les victimes de se manifester?
Sénateur, avec tout le respect que je vous dois, aucun gouvernement dans l’histoire du Canada n’en a fait plus que le nôtre pour venir en aide aux victimes. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les victimes d’agression sexuelle. Nous avons investi des ressources dans le système pour former les juges. Nous avons investi des ressources dans le système pour soutenir les groupes d’aide aux victimes d’agression sexuelle. Nous avons modifié le Code criminel pour faire en sorte que les agressions sexuelles soient traitées plus efficacement par les tribunaux.
Les ordonnances de sursis, dans tous les cas, mais surtout dans les cas très graves que vous avez évoqués, ne sont accordées que lorsque le contrevenant ne représente pas une menace pour la sécurité publique. Cela inclut les victimes, honorable sénateur. Nous nous efforçons de corriger les erreurs qui ont été commises par le gouvernement Harper, dont les soi-disant politiques de répression de la criminalité ont eu pour seul résultat d’engorger le système de justice pénale et de provoquer la surreprésentation des Autochtones, des Noirs et d’autres personnes racialisées dans le système de justice canadien, ce que l’éminent juge et expert Michael Moldaver a lui-même qualifié d’échec.