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Projet de loi sur la stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale

Deuxième lecture--Débat

1 novembre 2022


L’honorable Fabian Manning [ - ]

Propose que le projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je me réjouis d’avoir l’occasion de dire quelques mots au début de la deuxième lecture du projet de loi S-249, loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale.

Pour les sénateurs qui l’ignoreraient peut-être, il s’agit de ma deuxième tentative — bien qu’avec quelques ajustements mineurs — pour enchâsser cette mesure législative dans la loi du pays. J’ai d’abord présenté un projet de loi similaire au Sénat le 24 avril 2018. Oui, j’ai bien dit 2018. J’espère donc que le Sénat accordera son appui à cette version du projet de loi et que le projet de loi S-249 franchira la ligne d’arrivée dans un délai raisonnable.

Cela dit, j’aimerais encore une fois commencer mon intervention aujourd’hui par une citation de Kofi Annan, l’ancien secrétaire général des Nations unies :

La violence à l’égard des femmes est sans doute la violation des droits de l’homme la plus honteuse et peut-être la plus répandue. Elle ne connaît pas de clivages géographiques, culturels ou sociaux. Tant que des actes violents continueront d’être perpétrés, nous ne pourrons prétendre à des progrès pour atteindre l’égalité, le développement et la paix.

C’est avec des sentiments mitigés que je prends la parole devant vous aujourd’hui pour parler de ce projet de loi et vous demander de l’appuyer. Je vais employer mon temps de parole à vous exposer l’origine et l’objet de ce projet de loi, et, surtout, à vous expliquer certaines des raisons pour lesquelles je crois vraiment que cette stratégie nationale est plus nécessaire que jamais, plus nécessaire encore, honorables sénateurs, que lorsque j’ai présenté ce projet de loi pour la première fois en 2018.

D’un côté, je suis fier de parrainer cette mesure législative; de l’autre, je suis extrêmement triste et déçu de vivre encore dans un monde où une situation aussi grave continue de s’aggraver. Le secret qui entoure la violence conjugale a donné lieu à un simulacre de justice qui règne à cause de la peur, des préjugés et de l’absence d’une loi qui protège les personnes vulnérables de la société. Il est temps pour nous tous de briser ce secret et de trouver des solutions qui offriront à bon nombre de nos concitoyens un choix qu’ils n’ont pas aujourd’hui. Il y a bien longtemps que nous aurions dû lutter sérieusement contre ce problème. Le fait que nous vivions dans le meilleur pays du monde n’empêche pas des gens de vivre dans la peur. Nombre de nos concitoyens continuent d’être maltraités physiquement, mentalement, émotionnellement, sexuellement, financièrement et de bien d’autres façons. Il reste beaucoup à faire pour régler les problèmes de violence familiale. J’espère que ce projet de loi constituera une assise solide pour y parvenir.

Mon travail à propos de ce projet de loi a commencé par un appel téléphonique que j’ai reçu au début de 2017 d’une femme qui avait trouvé le courage d’essayer de changer les choses et qui est devenue une très ardente défenseure de cette cause. Par ses efforts, elle a donné une voix à toutes ces femmes maltraitées qui ont été — ou qui sont toujours — incapables de parler pour elles-mêmes.

Elle m’a autorisé à faire le récit de sa vie, ce qui vous permettra, je l’espère, de comprendre l’origine de ce projet de loi ainsi que les raisons pour lesquelles je trouve si important de conjuguer nos forces afin de donner une voix à celles qui ont été battues et maltraitées et de leur offrir un endroit vers où se tourner en cas de besoin.

C’est l’histoire d’une femme courageuse du nom de Georgina McGrath, originaire de la petite ville de Branch, dans la baie de St. Mary’s, à Terre-Neuve. Si elle peut jouir aujourd’hui d’une paisible solitude, cela n’a pas été toujours le cas.

Mme McGrath a grandi à Labrador City et, aujourd’hui, à l’âge de 53 ans, elle peut affirmer qu’elle a survécu à la violence familiale et aussi à une tentative de suicide. Elle a raconté son histoire dans l’espoir d’aider d’autres femmes victimes de violences physiques et de la violence verbale qui, souvent, les accompagne.

Georgina est une fille, une sœur, une nièce, une tante, une belle‑mère et une amie. Toutefois, elle est avant tout la mère de deux formidables enfants adultes : son fils Nathan, 33 ans, et sa fille Kelty, 32 ans. De plus, elle est maintenant la très heureuse et fière grand-mère de Thomas, un garçon de 3 ans. Georgina est la première à dire qu’elle sera toujours une victime de violence entre partenaires intimes, mais elle est aussi fière de préciser qu’elle ne permettra jamais qu’on définisse qui elle est vraiment en fonction de cette période de sa vie. J’ai discuté avec Georgina à maintes reprises. J’admire sa force, sa détermination, son enthousiasme et sa ferme volonté de débusquer les agresseurs afin qu’ils paient pour leurs crimes, ainsi que de faire du Canada un pays où les personnes maltraitées peuvent demander de l’aide à quelqu’un quand elles en ont besoin.

Georgina menait une vie dont la plupart des gens auraient rêvé. Elle a été propriétaire d’une entreprise à Labrador City pendant huit ans et elle était plus indépendante que la plupart des gens ne le seront jamais dans leur vie. Parfois, elle employait jusqu’à 30 personnes, et sa situation et son avenir financiers semblaient très prometteurs. Elle a remporté des prix nationaux et internationaux pour son travail et elle profitait de la vie en tant que membre productif de la société.

Tout a changé lorsqu’elle a rencontré l’homme qui allait devenir son premier agresseur. Au cours de la relation, elle a constamment été victime de violence physique et psychologique. Ultimement, l’homme lui a mis un fusil sur la tempe, et cela a été la goutte qui a fait déborder le vase.

Après cette relation, Georgina a reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique et de fibromyalgie. Elle a recollé les morceaux de sa vie et, avec l’aide de ses amis et de sa famille, elle a continué à bâtir son entreprise. Elle devait subvenir aux besoins de ses deux enfants, et les joies d’être mère lui ont donné l’énergie et la détermination nécessaires pour continuer.

Elle a rapidement créé des liens d’amitié avec un Irlandais qui s’était installé au Labrador. Il était poli, la traitait bien au début et semblait vraiment se soucier du bien-être de Georgina et de ses enfants. Leur amitié s’est transformée en relation amoureuse, et ils ont fini par devenir un couple. Elle se sentait à l’aise et heureuse de nouveau. Elle a oublié ses insécurités et était prête à passer le reste de sa vie avec cet homme. Elle voulait que la relation soit un succès parce qu’elle ne voulait pas accepter d’échec dans sa vie privée. Ils travaillaient, profitaient de la vie et s’amusaient — et Georgina estimait qu’elle avait pris la bonne décision, cette fois, et qu’elle était en voie de jouir d’une vie de bonheur et de sécurité.

Environ un an plus tard, en septembre 2013, Georgina et son conjoint sont allés en vacances à Las Vegas. Malheureusement, c’est là que cet homme est devenu son deuxième agresseur en la frappant pour la première fois. Toutefois, cette fois-là, elle a riposté. Le lendemain matin, il l’a regardée et lui a dit : « Sais-tu quelle est la meilleure chose chez toi, GMac? » C’est le surnom qu’il lui avait donné. « Tu es capable de te lever et d’oublier tout simplement ce qui s’est passé. » À ce moment précis de sa vie, c’est exactement ce qu’elle a fait, car elle était devenue une experte pour cacher ce qui lui arrivait.

Elle espérait que la situation s’améliorerait, mais malheureusement, ce ne fut pas le cas. Son agresseur a poursuivi son règne de terreur au cours des mois suivants en lui faisant un œil au beurre noir, en lui brisant une dent et en lui donnant un coup de tête si fort qu’elle en a eu une bosse sur le front. La violence physique de plus en plus brutale était toujours accompagnée d’un torrent de violence psychologique et mentale. Georgina croit fermement que tous les types de violence sont indissociables.

Le 9 août 2014, la nuit précédant le 45e anniversaire de Georgina, elle et son partenaire sont sortis avec des amis. Soudainement, il s’est mis à l’agresser verbalement. De retour à la maison plus tard en soirée, monsieur s’est rendu dans le garage, a bu une bière puis il a lancé la bouteille à la tête de Georgina. Dieu merci, la bouteille est passée à côté d’elle. Le lendemain, il lui a fait parvenir des fleurs avec une note pour exprimer son amour pour elle. La carte était signée « Ton humble serviteur ». Georgina m’a raconté qu’il était incroyablement habile pour la manipuler et faire croire au reste de la planète à quel point c’était un homme génial et charmant. À Terre-Neuve-et-Labrador, on surnomme les individus de ce type « les anges de la rue et démons de la maison ». Plus tard ce soir-là, il lui a dit que s’il avait réellement voulu l’atteindre à la tête avec la bouteille de bière, il aurait pu facilement le faire. Tout ce qu’il faisait avait comme seul objectif de maintenir une emprise totale sur elle.

Le 25 septembre 2014 a failli être le dernier jour de Georgina sur Terre. Cependant, pour une raison ou pour une autre, contre vents et marées, elle a survécu. La soirée a commencé par un film et un verre de vin, mais s’est rapidement transformée en une nuit d’horreur. Une dispute verbale a mené à un coup de poing, qui a rapidement dégénéré en une raclée quasi mortelle. Le conjoint de Georgina l’a poussée au sol, s’est jeté sur elle et s’est mis à l’étrangler. Alors qu’elle gisait sur le plancher, elle pouvait sentir la vie abandonner lentement son corps. Lorsqu’il a approché son visage du sien, elle a instinctivement profité de l’occasion et lui a mordu le nez. Il a immédiatement lâché prise et s’est précipité dans la salle de bain pour inspecter les dommages que Georgina lui avait infligés. Péniblement, elle a réussi à se relever et a couru s’enfermer dans la chambre à coucher. Or, aveuglé par la rage, il a défoncé la porte de son poing, a atteint la poignée et l’a déverrouillée. Il a de nouveau poussé Georgina au sol et s’est mis à lui frapper le côté de la tête à répétition. Elle a réussi à le pousser à l’écart, mais, comme il était plus fort qu’elle, il l’a immobilisée au sol une fois de plus et s’est mis à lui frapper l’autre côté de la tête.

Incapable de se défendre, Georgina restait étendue là, attendant le coup de poing fatal. C’est alors qu’il l’a retournée et a continué de la frapper. Il lui a dit qu’elle était grosse, laide et ridée et que personne ne voudrait jamais d’elle. Puis, il s’est levé, est descendu chercher un couteau et est allé à la salle de bain. Une fois de plus, Georgina a réussi à se relever et, réfléchissant à toute vitesse, elle a retenu la porte de tout son corps tandis qu’il poussait de l’autre côté. Enfin, pour une raison ou pour une autre, il a abandonné, Dieu merci, et a donné le couteau à Georgina.

Georgina est descendue et a appelé sa sœur alors qu’il lui criait des insultes et continuait de lui dire qu’elle était grosse, laide et ridée. Lorsqu’elle était au téléphone avec sa sœur, Georgina ne souhaitait qu’une chose, que la maltraitance cesse. Elle a donc tenté de se suicider avec des médicaments d’ordonnance. Elle a avalé six fois la dose prescrite. Sa sœur pouvait bien entendre le désespoir dans sa voix. Lorsque Georgina a raccroché le téléphone, elle s’est allongée sur le divan pour attendre la mort. Elle n’avait plus l’énergie de vivre. Heureusement, sa sœur a eu le courage d’appeler le 911.

La seule chose dont Georgina se souvient est qu’elle s’est réveillée à l’hôpital et a vu ses deux beaux enfants au pied du lit. L’auteur de la maltraitance est allé à l’hôpital et lui a dit qu’il ne comprenait pas pourquoi il l’avait traitée ainsi. Il n’a rien dit par rapport aux nouvelles ecchymoses sur son visage et son corps qu’il lui avait infligées quelques heures plus tôt seulement. Il voulait simplement qu’elle revienne à la maison.

Lorsque les enfants de Georgina le questionnaient au sujet des événements, il disait que c’était de la légitime défense. La fille de Georgina, qui travaille pour les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille, lui a répondu que personne ne frappe l’autre à la tête pour se défendre. La seule marque qu’il avait était l’endroit où Georgina l’avait mordu sur le nez. Georgina avait subi un grave traumatisme crânien, une rupture des deux tympans, des dommages aux deux tempes, des lésions aux nerfs faciaux et des ecchymoses qui sont restées pendant sept semaines avant de finalement disparaître. Les traumatismes mentaux et émotionnels étaient incommensurables.

En cette soirée de septembre 2014, il n’y avait personne pour défendre Georgina. Dans notre pays, le signalement obligatoire de la violence entre partenaires intimes n’existe pratiquement pas. Personne n’a l’obligation légale d’informer les autorités compétentes — ni votre médecin, ni le personnel infirmier, ni les conseillers et ni même les employés des refuges pour femmes. La police n’a pas enquêté sur ce qui est arrivé à Georgina parce que l’affaire a été considérée comme une urgence médicale, et non comme un cas de violence entre partenaires intimes. Il n’y a pas eu enquête sur le fait que cet homme avait tenté de tuer Georgina avant qu’elle attente à ses jours.

Après avoir quitté l’hôpital, Georgina, qui vivait dans la peur d’être encore maltraitée, a finalement pris le contrôle de sa vie. Il n’a pas été facile pour elle de faire ce pas de géant qui allait changer sa vie à tout jamais. En fait, il a fallu plusieurs semaines à Georgina, de même que les encouragements de sa famille et de ses amis, pour trouver le courage de porter plainte à la police. Lorsqu’un mandat d’arrestation a été lancé, l’homme était dans un avion en direction de l’Irlande. Ce lâche a quitté le pays avant qu’on puisse le traîner en justice. Aujourd’hui, il y a un mandat d’arrestation pancanadien à son endroit, au cas où il remettrait les pieds sur le territoire canadien. Je doute fortement que cela se produise.

Pour quiconque n’a jamais subi le genre de violences que Georgina et bien d’autres, surtout des femmes, ont subies, il peut être facile de dire: « Pourquoi une personne dans sa situation ne le quitte tout simplement pas? » Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles une femme ne quitte pas son conjoint. Dans la plupart des cas, elles n’en ont pas les moyens ou elles n’ont nulle part où aller ou personne vers qui se tourner pour obtenir soutien et protection. Certaines femmes maltraitées croient que, pour une raison obscure, elles sont fautives. Elles sont amenées à croire qu’elles ont provoqué la violence et qu’elles ne pourront pas faire face aux préjugés envers les victimes de violence. Il y a toujours la peur que cela se reproduise, que la loi ne protège pas les innocents et que la prochaine fois pourrait être la dernière.

Judith Lewis Herman explique très bien la situation dans son ouvrage Trauma and Recovery: The Aftermath of Violence—From Domestic Abuse to Political Terror :

La sécurité de la personne qui se fait battre ne peut absolument pas se fonder sur une promesse de la personne qui la bat, aussi sincère soit-elle. Elle doit plutôt reposer sur la capacité qu’a la victime de se protéger. Tant que celle-ci n’a pas élaboré un plan d’urgence précis et approfondi et qu’elle n’a pas prouvé qu’elle a la capacité de le mettre en œuvre, elle court toujours le risque de se faire battre de nouveau.

Honorables sénateurs, voilà ce que Georgina McGrath a subi et ce dont elle peut maintenant témoigner. La triste réalité, toutefois, c’est que bien d’autres personnes n’ont pas eu la chance de s’en sortir. Georgina m’a souvent dit qu’elle ne peut pas changer ce qui lui est arrivé, mais tout le temps et toute l’énergie qu’elle a consacrés à cette cause ne seront pas perdus s’ils permettent d’aider une autre victime de violence. Elle est profondément convaincue que si elle a survécu, c’est pour nous amener à traiter la violence entre partenaires intimes autrement — à modifier les lois ou à en créer de nouvelles afin que les femmes, les enfants, les hommes et toutes les personnes qui sont maltraitées au Canada sachent qu’ils ont des recours quand le monde entier semble leur avoir tourné le dos.

Depuis que j’ai entamé ce parcours législatif au Sénat, j’ai rencontré un grand nombre de victimes de violence entre partenaires intimes, des familles qui ont perdu un être cher à cause de la violence entre partenaires intimes, des services de police, des défenseurs de la justice pour les victimes, des représentants de groupes de femmes et de refuges et plusieurs dirigeants locaux dans ma province natale, Terre-Neuve-et-Labrador. J’ai également discuté avec des professionnels de la santé, notamment ceux qui travaillent au service des urgences, et ils m’ont fait part à maintes reprises des frustrations qu’ils ressentent du fait qu’ils sont limités par les lois sur la protection de la vie privée lorsqu’ils doivent soigner des victimes de ce qu’ils savent être de la violence entre partenaires intimes. J’ai organisé plusieurs tables rondes au cours desquelles j’ai donné l’occasion à ceux qui le souhaitaient de raconter leur histoire.

Au fil de ces rencontres, j’ai découvert une bien triste réalité. Beaucoup de femmes à qui j’ai parlé ont insisté pour que la conversation ait lieu en privé, et après avoir entendu leurs histoires, je comprends parfaitement pourquoi. J’ai été témoin de la peur qui se reflétait dans leurs yeux, alors qu’elles continuaient à regarder par-dessus leur épaule en me parlant à voix basse. J’ai respecté leur demande de confidentialité chaque fois que cela était possible, et je souhaite profiter de cette occasion pour remercier chacune de ces femmes de m’avoir fait confiance en me racontant sa vie. Cette expérience a été incroyable et m’a vraiment ouvert les yeux sur la souffrance et la solitude que tant de femmes ont dû endurer. Cela m’a donné la détermination nécessaire pour faire adopter ce projet de loi afin que nous puissions commencer à trouver des moyens de lutter contre ce fléau de notre société.

Honorables sénateurs, je ne prétends aucunement avoir toutes les réponses pour savoir comment remédier à cette triste réalité qui nous entoure, mais je crois sincèrement qu’en unissant nos efforts, nous pouvons améliorer la situation. Chers collègues, il n’y a pas d’autre choix.

Lorsque la pandémie de COVID-19 s’est déclarée, mes projets de déplacements pour rencontrer d’autres personnes et organismes préoccupés un peu partout au Canada ont déraillé. Je suis impatient m’y remettre dès que mon horaire me le permettra. Grâce aux discussions que je tiens à ce sujet depuis plusieurs années, je suis beaucoup plus conscient de ce qui se passe au pays et beaucoup plus alarmé par le traitement réservé aux victimes de violence contre un partenaire intime et à leur famille. Je crois fermement que bon nombre de nos concitoyens ne sont pas au courant des statistiques accablantes concernant ce fléau au pays. Permettez-moi de citer quelques-unes de ces statistiques, tout en vous assurant que beaucoup d’autres renseignements sont disponibles. D’ailleurs, j’encourage mes collègues et tous les Canadiens à prendre connaissance des données facilement accessibles.

Dans ce pays libre et démocratique qui est le nôtre, chaque soir, 4 600 femmes et leurs 3 600 enfants doivent dormir dans un refuge d’urgence parce qu’ils fuient la violence. Chaque jour, 379 femmes et 215 enfants se voient refuser l’accès à un refuge, généralement parce qu’il ne reste aucune place de disponible.

La violence entre partenaires intimes est considérée comme un important problème de santé publique au Canada. En 2021, les policiers canadiens ont rapporté que 114 132 personnes avaient été des victimes de leur partenaire intime. Cela signifie 344 victimes par 100 000 habitants. Il s’agissait de la septième augmentation annuelle consécutive de ce type de violence pour laquelle 79 % des victimes, soit près de 8 victimes sur 10, étaient des femmes et des filles. En 2021 en particulier, il y a eu une forte augmentation du taux d’agressions sexuelles de niveau 1, c’est-à-dire des agressions où il y a violation de l’intégrité sexuelle de la victime. En 2021, il y a eu une augmentation de 22 % par rapport à 2020. Les agressions sexuelles de niveau 2 par des partenaires intimes, qui sont commises avec une arme ou qui ont causé des lésions corporelles, ont également augmenté de 6 % comparativement à 2020. Les cas rapportés de violence entre partenaires intimes concernent le plus souvent le partenaire actuel de la victime, soit dans 36 % des cas. Ils concernent son conjoint dans 29 % des cas, un ex-partenaire dans 21 % des cas ou un ex-conjoint dans 12 % des cas. De toutes les victimes de violence entre partenaires intimes, 79 % étaient des femmes.

En 2021, 90 victimes d’homicide au Canada ont été tuées par un partenaire intime. Les trois quarts de ces victimes, soit 76 %, étaient des femmes ou des filles. Le nombre de victimes d’homicide conjugal en 2021 a été plus élevé qu’en 2020, année où l’on a dénombré 84 victimes, et plus élevé qu’en 2019, où il y a eu 77 victimes.

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, en 2020, une plus grande attention a été portée à la question de la violence familiale et de la violence entre partenaires intimes. Étant donné que beaucoup de gens devaient passer plus de temps à la maison avec des membres du ménage et qu’ils vivaient, travaillaient et étudiaient souvent dans l’isolement pendant cette période incertaine et stressante, la sécurité des personnes exposées à de la violence familiale était préoccupante et, dans bien des cas, elle l’est demeurée. Cette question retient grandement l’attention depuis longtemps dans l’univers des services aux victimes, par exemple, dans les refuges pour victimes de mauvais traitements. Selon certains rapports récents, les cas de violence entre partenaires intimes ont grimpé en flèche dans l’ensemble du pays pendant l’arrêt des activités causé par la pandémie de COVID-19. On compile toujours les statistiques pour cette période en provenance de nombreuses sources. J’ai hâte de recevoir bientôt ces informations qui, je le crois, m’aideront à faire en sorte que le projet de loi S-249 soit adopté.

Il a été prouvé à maintes reprises que les ordonnances de protection et les engagements de ne pas troubler l’ordre public ne suffisent pas à protéger les victimes contre une personne enragée et décidée à leur faire du mal. C’est, entre autres, l’une des principales raisons pour lesquelles de nombreux incidents de violence entre partenaires intimes ne sont jamais signalés à la police. Les statistiques nous disent que seulement environ 10 % des cas de violence entre partenaires intimes sont signalés. C’est très malheureux, et nous devons trouver un moyen de changer cela et de faire augmenter ce nombre.

Bien que l’agression physique constitue le principal type d’agression, les victimes subissent de mauvais traitements de tant d’autres manières, comme le harcèlement criminel, la violence sexuelle, la violence psychologique, la violence financière et spirituelle, la coercition liée à la reproduction et le contrôle coercitif. En outre, plus répandue que jamais, il y a aujourd’hui la violence facilitée par la technologie, également appelée cyberviolence.

Une femme que j’ai rencontrée plus tôt cet été a parfaitement résumé les dommages causés aux victimes de violence entre partenaires intimes :

Il y a beaucoup d’actes de violence que j’ai endurés qui n’ont jamais laissé de marque sur mon corps, mais qui m’ont bel et bien laissé des cicatrices que je ne pourrai jamais effacer.

À Terre-Neuve-et-Labrador, environ 50 % des femmes de plus de 16 ans sont victimes de violence sexuelle ou physique au moins une fois dans leur vie. Ce renseignement se trouve sur le site Web de la Western Regional Coalition to End Violence, un organisme établi à Corner Brook, à Terre-Neuve. On peut aussi lire ceci sur ce site Web :

Cette épidémie de violence fondée sur le sexe est nourrie par le discours oppressif empreint de domination patriarcale, d’autorité et de contrôle qui est omniprésent dans la société. Nos institutions sociales, économiques et politiques, nos idéologies et la culture du silence qui entoure la violence faite aux femmes et aux jeunes filles reflètent l’inégalité entre les sexes et la renforcent [...]

Nous savons que, pour venir à bout de la violence fondée sur le sexe, il est essentiel de mettre en valeur la voix des femmes que la marginalisation a réduites au silence. C’est en découvrant leur expérience de l’oppression et de la violence que nous pourrons voir et comprendre combien il est crucial de changer et d’améliorer les services offerts aux victimes de violence fondée sur le sexe, notamment les services juridiques et médicaux.

Honorables sénateurs, il y a trois statistiques très importantes que je tiens à répéter aujourd’hui et que je vous prierais de garder en mémoire. La première : au Canada, une femme sur quatre sera agressée au cours de sa vie. La deuxième : on estime que seulement 10 % des agressions sexuelles sont signalées à la police. La troisième : très tragiquement, la violence entre partenaires intimes entraîne des décès. En effet, environ tous les six jours, au Canada, une femme est tuée par son partenaire intime. Ces chiffres sont tirés de la réalité et sont absolument ahurissants. Nous devrions tous nous en préoccuper.

Les conclusions de l’Enquête sociale générale de 2019 sur la sécurité des Canadiens (victimisation) indiquent qu’approximativement 432 000 femmes et 279 000 hommes au Canada ont vécu un épisode de violence entre partenaires intimes dans les cinq années précédant l’enquête.

En raison de la complexité des relations intimes, la violence conjugale est particulièrement susceptible de ne pas être signalée à la police. Par conséquent, la déclaration volontaire des expériences de violence constitue un important complément aux données signalées à la police.

La violence entre partenaires intimes a tendance à se produire de façon répétée pour certaines victimes. Environ 3 femmes sur 10 qui sont victimes de violence entre partenaires intimes déclarent avoir subi au moins un type de violence...

Son Honneur le Président [ - ]

Je suis désolé, sénateur Manning. Comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que nous consentions à ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Son Honneur le Président [ - ]

J’ai entendu un « non ». La séance est suspendue jusqu’à 20 heures.

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