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Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Fixation de délai--Adoption de la motion

25 avril 2023


L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole ce soir au sujet de la motion no 96 du gouvernement, qui propose d’allouer six heures complètes supplémentaires de débat au sujet de la motion en réponse au message de la Chambre au Sénat sur le projet de loi C-11.

Chers collègues, je présente cette motion par sens du devoir, et non par plaisir, mais je la présente également avec la ferme conviction que le gouvernement a agi correctement et avec le plus grand respect à l’égard du processus législatif du Sénat; avec la ferme conviction que le bureau du représentant du gouvernement a agi de même à chaque étape du processus; avec la ferme conviction que je ne propose pas d’empêcher la tenue d’un véritable débat; et avec la ferme conviction qu’il est maintenant nécessaire de mettre fin à une manœuvre clairement orchestrée d’obstruction délibérée afin que nous puissions enfin procéder à un vote démocratique.

Je ne prends pas à la légère la décision de fixer un délai pour l’étude de n’importe laquelle des affaires du gouvernement. Je crois pouvoir le dire avec une certaine crédibilité étant donné que le bureau du représentant du gouvernement n’a jamais imposé la fixation de délai auparavant.

Toutefois, je suis tout à fait convaincu qu’il s’agit là de la ligne de conduite responsable qui s’offre à nous. Ce soir, je vais concentrer mes remarques sur deux aspects de la question que mon bureau estime important de souligner. Tout d’abord, je voudrais parler du contexte et du processus qui nous ont amenés à cette motion aujourd’hui. Deuxièmement, je souhaite aborder les mécanismes de la motion et l’objectif du chapitre 7 de notre Règlement, c’est-à-dire le chapitre qui traite de la fixation de délais.

Permettez-moi de commencer par le contexte. Chers collègues, ce faisant, je veux vous faire une confidence. Je souhaite partager avec vous le raisonnement qui sous-tend plusieurs décisions stratégiques que nous avons prises au sein du bureau du représentant du gouvernement au sujet du processus d’étude et de débat sur le projet de loi C-11, y compris le temps considérable que cette Chambre a consacré à l’examen de ce projet de loi.

Il y a bien longtemps, honorables sénateurs, nous avons pris la décision, au bureau du représentant du gouvernement, de faire de notre mieux, dans le cadre de l’examen de cette mesure législative, pour essayer de protéger le travail du Sénat de cette arène politique trop tendue et partisane qu’est l’autre endroit et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour permettre aux sénateurs de tous les groupes de contribuer de manière constructive au processus législatif.

Au tout début, dès que le Sénat a reçu l’ancien projet de loi C-10, le parrain du projet de loi, le sénateur Dawson, et moi-même avons été très clairs avec le gouvernement, à savoir que le Sénat allait devoir prendre tout le temps nécessaire pour étudier ce projet de loi.

Malgré le climat qui règne entre les partis politiques à la Chambre des communes, nous nous sommes assurés que le Sénat prenait tout le temps nécessaire — je crois que nous avons tenu parole, et plus encore —, et ce, à partir du mois de mai 2022, avec notre proposition de tenir une étude préalable au Sénat.

Le 31 mai 2022, le Sénat a adopté une motion autorisant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications à entreprendre l’étude préalable de l’objet du projet de loi. Le comité a pu se prévaloir de tous les pouvoirs nécessaires en matière de procédure, y compris la capacité de se réunir pendant que le Sénat siégeait ou pendant l’ajournement du Sénat, afin d’avoir le plus de temps possible et de pouvoir établir un plan de travail complet.

Le comité n’a pas tenu sa première réunion avec des témoins avant le 21 juin 2022, soit près de trois semaines après l’adoption de la motion initiale. Une fois l’étude préalable lancée, le bureau du représentant du gouvernement a fait des démarches politiques considérables aux plus hauts échelons du gouvernement pour obtenir le temps dont le Sénat avait besoin, en se fondant sur une entente obtenue par écrit en juin dernier. Selon cette entente conclue avec le leader de l’opposition au Sénat et signée par tous les leaders, un dernier vote à l’étape de la troisième lecture devait avoir lieu en novembre 2022.

J’ai cette entente sous la main aujourd’hui, honorables collègues, au cas où quelqu’un voudrait en confirmer l’authenticité. Le paragraphe 5 de cette entente dit ceci :

En ce qui concerne l’étude au Sénat du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat tiendra un vote à l’étape de la troisième lecture au plus tard le vendredi 18 novembre, à moins que le débat ne prenne fin plus tôt.

Au bas de cette entente, on peut voir les signatures du sénateur Tannas, de la sénatrice Cordy et de la sénatrice Saint-Germain, ainsi que ma signature. L’entente est également signée par le sénateur Plett, qui a ainsi engagé le caucus conservateur du Sénat en tant que leader de l’opposition officielle.

Comme nous le savons tous, pendant l’ajournement estival, le Parti conservateur du Canada a choisi un nouveau chef. Avec l’arrivée de ce nouveau chef, il était évident que les conditions de l’entente n’allaient plus être respectées.

Le projet de loi a fait l’objet d’une première lecture au Sénat le 21 juin 2022 — il y a environ huit mois — et il a été étudié et débattu amplement.

Le 21 septembre 2022, le parrain du projet de loi, le sénateur Dawson, a commencé le débat en deuxième lecture, et le projet de loi a été soit débattu ou s’est maintenu pendant 12 jours de session parlementaire après, pour être enfin adopté en deuxième lecture au Sénat, le 25 octobre 2022.

Entre les mois de juin et décembre 2022, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a tenu 31 réunions, incluant l’étude préalable et l’étude proprement dite du projet de loi, y compris 9 réunions pour l’étude article par article, pour un total de 67 heures et 30 minutes.

Le comité a entendu près de 140 témoins d’horizons divers, notamment des radiodiffuseurs traditionnels et des plateformes en ligne plus récentes, des leaders des communautés artistiques et culturelles, des universitaires et des chercheurs, des créateurs de contenu en ligne, des intervenants autochtones, des dirigeants syndicaux et des fonctionnaires, ainsi que des Canadiens handicapés et des personnes appartenant à des groupes minoritaires.

Tout au long de ce processus, je suis resté optimiste quant au respect des modalités de l’accord initial. Cependant, bien que je ne sache pas à quel moment la directive a été donnée à l’opposition de rompre l’accord sur le projet de loi C-11, la direction du Parti conservateur ne nous a pas officiellement fait savoir que l’accord ne tenait plus jusqu’à très peu de temps avant la date limite du 18 novembre.

Chers collègues, tout au long de l’automne, j’ai régulièrement soulevé la question du calendrier du projet de loi C-11 à la table des leaders. Pendant de nombreuses semaines, nous avons obtenu des réponses évasives. Nous avons entendu des rumeurs et des spéculations sur la possibilité qu’on ne respecte pas l’accord, mais nous avons continué à croire en l’accord signé jusqu’à la toute fin. Cependant, en l’absence d’un accord en novembre, nous avons accepté, à contrecœur, d’accorder au Sénat un délai supplémentaire jusqu’en décembre et au début de la nouvelle année.

Au retour du congé de Noël, le Sénat a adopté le projet de loi C-11 à l’étape de la troisième lecture le 2 février 2023.

Honorables sénateurs, je veux que ce soit clair et sans équivoque pour vous. Je n’ai pas accepté d’augmenter le temps alloué pour répondre aux besoins de l’opposition officielle, qui, dès novembre, faisait tout pour faire de l’obstruction au comité.

Nous avons décidé d’établir une nouvelle entente, parce que c’était la seule façon de permettre aux sénateurs qui ne sont pas soumis aux dictats des objectifs partisans et qui ont la volonté sincère d’améliorer le projet de loi de le faire à l’étape de l’étude article par article. Fixer un délai aurait contré les sénateurs qui faisaient de l’obstruction, mais cela aurait également puni les sénateurs qui travaillaient de façon constructive. Nous ne voulions simplement pas que cela arrive. Nous ne voulions pas que nos actions aient de telles conséquences et nous nous sommes abstenus d’agir.

Comme je l’ai mentionné, dès le départ, notre objectif quant au projet de loi était de nous assurer que le processus se déroule de la manière la moins partisane possible et que les sénateurs puissent faire leur travail, le travail pour lequel ils ont été nommés. Nous y sommes parvenus. Grâce à la nouvelle entente, des amendements et des sous-amendements ont été adoptés. Nous avons réussi à mener le processus avec succès. Le projet de loi amendé a été renvoyé à l’autre endroit le 2 février 2023.

Chers collègues, après avoir passé un mois à examiner attentivement les travaux du Sénat et avoir fait preuve de diligence raisonnable, le gouvernement a accepté 20 des 26 amendements présentés. Le projet de loi a été renvoyé au Sénat avec l’appui du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois.

Cela nous amène au message dont nous sommes saisis. Je tiens à souligner que, dès réception de celui-ci, et conformément à mon rôle de représentant du gouvernement, j’ai consulté de bonne foi les dirigeants de tous les groupes pour tenter de mettre en place un calendrier productif pour l’examen du projet de loi C-11 à l’étape de l’étude du message.

Dès réception du message de l’autre endroit, j’ai clairement indiqué que je m’attendais à ce que le Sénat tienne un débat approfondi qui nous permettrait de mettre la motion aux voix avant la fin de la semaine dernière. Cela correspond à l’approche et aux délais habituels du Sénat en ce qui concerne les messages reçus de l’autre endroit.

Chers collègues, permettez-moi de mettre les choses en perspective. Au cours de la 42e et de la 43e législature, le Sénat a consacré en moyenne moins de deux jours de séance à l’examen des messages de la Chambre des communes. Cela comprend plusieurs projets de loi importants et controversés, comme le projet de loi C-45, la Loi sur le cannabis; le projet de loi C-69, Loi sur l’évaluation d’impact; le projet de loi C-48, Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers; les projets de loi C-14 et C-7 sur l’aide médicale à mourir, et le projet de loi C-6, qui mettait en œuvre des réformes en matière d’immigration, pour ne nommer que ceux-ci.

Malheureusement, malgré cela et les précédents qui montrent très clairement le temps consacré aux messages à cette étape du processus, je n’ai pas été en mesure de parvenir à un accord sur un vote avant la fin de la semaine dernière et je n’ai même pas reçu le moindre signal sur les intentions de l’opposition ou sur le nombre d’intervenants ou d’amendements.

Chers collègues, comme je l’ai dit dans un discours que j’ai prononcé plus tôt aujourd’hui, j’ai soulevé cette question de façon bilatérale avec le leader de l’opposition la semaine dernière. Il a été clairement établi qu’il n’y aurait pas d’accord pour résoudre ce problème avant la fin de la semaine dernière.

Au cours des discussions qui se sont tenues pendant les réunions préparatoires, nous avons également cherché, comme je l’ai dit, à obtenir des garanties sur un calendrier similaire, mais là encore ce fut le silence complet et cela n’a rien donné.

Au lieu de cela, le débat a été ajourné par l’opposition pendant deux jours consécutifs la semaine dernière, sans que personne prenne la parole, et ce, malgré une pause de deux semaines pour préparer le débat et le fait que le message de la Chambre soit du domaine public depuis plus d’un mois.

C’est aussi malgré le fait que le bureau du représentant du gouvernement ait communiqué ses intentions procédurales de manière ouverte et transparente à tous les groupes du Sénat, y compris le libellé de la motion en réponse au message et le libellé d’une motion d’amendement rédigée en collaboration avec le sénateur Tannas.

Jeudi, chers collègues, nous avons eu droit à ce manège d’amendements et de sous-amendements que nous ne connaissons que trop bien, qui a été suivi par une autre motion d’ajournement, une motion d’ajournement du Sénat, à laquelle nous avons consacré la soirée et qui a bouleversé les autres points qui étaient à l’ordre du jour et au sujet desquels des sénateurs auraient pu vouloir prendre la parole.

Si nous avions décidé de ne rien faire, chers collègues, je crois que nous serions tous ici aujourd’hui à ressasser et répéter cette triste affaire, cette suite d’événements.

Chers collègues, même si j’ai essayé de me convaincre que le gros bon sens prévaudrait à cette étape du message, je ne suis pas naïf. Je ne suis pas surpris compte tenu des déclarations publiques du chef du Parti conservateur dans lesquelles il exhorte les sénateurs à empêcher l’adoption de ce projet de loi.

Le 30 mars dernier, le chef du Parti conservateur à l’autre endroit a publié sur Twitter une vidéo dans laquelle il fait la déclaration suivante au sujet du projet de loi C-11 après son adoption à la Chambre des communes :

Nous avons de véritables guerriers de la liberté d’expression à cet endroit. Ils sont dirigés par Leo Housakos, le grand guerrier spartiate, qui a fait traîner la chose au Sénat pendant près d’un an, pendant une bonne partie de l’année. Elle retourne au Sénat en ce moment même. Il va tout faire pour empêcher son adoption.

De plus, il existe un site Web intitulé KillBillC11.ca, autorisé par la députée conservatrice Rachael Thomas, qui demande au Sénat de rejeter le projet de loi même s’il a été adopté dans les règles par les élus de la Chambre des communes.

Ne soyons pas naïfs par rapport au contexte de la question dont nous sommes saisis. Des efforts continus sont déployés pour torpiller ce projet de loi et prolonger le processus aussi longtemps que possible aux seules fins de partisanerie.

Comme le contexte que j’ai expliqué le montre, le bureau du représentant du gouvernement a suivi une démarche constructive. Les dossiers indiquent que le Sénat a mené une étude très exhaustive et a proposé d’excellents amendements au projet de loi. Nous n’avons rien fait pour écourter le débat.

Le contexte montre également que nous avons été déçus par des promesses non tenues et des manœuvres partisanes délibérées. C’est là où le chapitre 7 de notre Règlement revêt toute son importance, et je me permets d’attirer votre attention.

À propos de la motion de fixation de délai dont nous sommes saisis, il faut que nous comprenions, et que les Canadiens à l’écoute comprennent, exactement ce qui est proposé.

La motion prévoit d’ajouter six heures de débats, après quoi le Sénat pourra se prononcer démocratiquement sur le sous‑amendement du sénateur MacDonald, l’amendement du sénateur Plett et la motion principale sur laquelle je me suis prononcée la semaine dernière. J’estime qu’il n’y a rien d’abusif dans cette proposition. En pratique, il reste suffisamment de temps pour que chaque sénateur du caucus de l’opposition puisse prendre la parole pour la période maximale allouée. La motion prévoit que le leader de l’opposition disposera de 30 minutes maximum pour s’exprimer.

La motion prévoit que les membres de l’opposition et les autres sénateurs disposeront de 10 minutes chacun pour intervenir à cette étape du processus. Le leader de l’opposition officielle disposera de 30 minutes. Étant donné le temps maintenant alloué aux débats, tous les sénateurs de l’opposition et les autres auront amplement l’occasion de prendre la parole. Pendant le débat soumis à une fixation du délai, le débat de six heures, les temps de parole habituels s’appliqueront.

Il est important de bien comprendre conceptuellement l’objectif de la fixation d’un délai, parce que cet outil est parfois employé à mauvais escient, mais il peut aussi être employé de manière tout à fait légitime quand on empêche une Chambre d’arriver à une décision.

Chers collègues, je crois que le chapitre 7 du Règlement du Sénat a été rédigé justement pour des cas comme celui-ci, des cas où des tactiques dilatoires sont employées à répétition, où l’objectif visé est de causer des retards, où les intentions procédurales d’un parti sont cachées à leurs collègues, ou des cas dans lesquels on cherche à éliminer un projet de loi à force de retards procéduraux.

C’est vrai : la fixation de délai a mauvaise réputation, principalement à cause de gouvernements majoritaires successifs qui y ont recouru de façon autoritaire, y compris au Sénat, pour étouffer le débat — je parle du débat en bonne et due forme. Il est important de nous rappeler que l’objectif initial de la fixation de délai était de permettre non seulement à un gouvernement majoritaire de gérer le temps limité dont dispose une chambre législative, mais aussi à l’organe législatif lui-même de déjouer les manœuvres visant à ralentir délibérément l’avancement d’un projet de loi.

Dans un article intitulé Le second examen objectif : Comment le Sénat délibère et prend ses décisions, le sénateur Harder explique que :

[...] s’il faut décrier le recours abusif à l’attribution de temps [c’est-à-dire la fixation de délai], il en est de même pour les tactiques dilatoires qui étouffent les débats de fond sur les politiques. Il s’agit ici de deux côtés d’une même médaille. Malheureusement, conformément aux règles actuelles du Sénat, en l’absence de l’attribution de temps, les sénateurs obstructionnistes peuvent reporter les votes en ajournant le débat presque indéfiniment. Les tentatives de demande pour un vote immédiat afin de faire progresser le projet de loi peuvent être bloquées, ce qui entraîne une lutte pouvant durer des jours et monopoliser le temps de la Chambre.

Je siège ici depuis maintenant quelques années, chers collègues, et je sais exactement comment cela se passe. Pour ne citer que quelques exemples, il suffit de se remémorer nos débats sur des projets de loi tels que le projet de loi C-16, sur les droits des personnes transgenres, le projet de loi C-45, sur la légalisation du cannabis, le projet de loi C-210, sur un hymne national non sexiste, le projet de loi C-262, sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et le projet de loi S-203, pour mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins.

Dans le même texte, le sénateur Harder ajoute :

En fin de compte, le recours à ces tactiques dilatoires pour entraver l’examen des projets de loi n’est pas digne d’un second examen objectif. Les sénateurs qui s’adonnent à ces pratiques ne respectent pas le rôle législatif complémentaire que la constitution canadienne confère au Sénat. À un moment décisif de l’histoire du Sénat, ces pratiques entachent aussi la culture de l’institution, encouragent les conflits inutiles et détournent le Sénat de l’intérêt public.

En un mot, chers collègues, la fixation de délai peut être soit curative, soit abusive; tout est question de contexte. Je ne sais pas si c’est votre cas, mais je ne trouve pas que la tenue de multiples votes jeudi dernier a été une utilisation particulièrement efficace du temps du Sénat et des ressources financées par les deniers publics.

En outre, honorables collègues, comme des précédents l’illustrent, il n’y a rien d’extraordinaire à la fixation de délai. D’ailleurs, on y a eu régulièrement recours lors des diverses étapes de l’étude des affaires du gouvernement et, dans bien des cas sous le gouvernement précédent, après peu ou pas de débat. Toutefois, depuis la 42e législature, tant sous moi que sous mon prédécesseur, le sénateur Harder, la fixation de délai n’a jamais encore été invoquée sur une initiative ministérielle. Je pense que cela témoigne de notre désir de travailler en collaboration et d’obtenir un consensus pour faire avancer adéquatement le programme législatif du gouvernement. Malheureusement, ce n’est plus possible avec le projet de loi C-11.

Chers collègues, vous allez sans aucun doute entendre certains sénateurs dire que fixer un délai pour un débat sur un projet de loi de cette ampleur équivaut à étouffer le débat et est incompatible avec le rôle de Chambre de second examen objectif du Sénat. Laissez-moi placer cela dans une perspective historique. Le gouvernement précédent, représenté par les sénateurs d’en face, a eu recours à la fixation de délai à 22 reprises durant la 41e législature, dans certains cas après un seul jour de débat à une étape particulière de l’étude d’un projet de loi d’initiative ministérielle.

Dans le cas du projet de loi C-19, un projet de loi qui avait pour but d’éliminer le registre des armes d’épaule et qui correspondait à un engagement électoral de l’ancien gouvernement, le sénateur Carignan, alors leader adjoint du gouvernement, a donné préavis d’une motion de fixation de délai après une seule journée de débat à l’étape de la troisième lecture, avant même que le porte-parole ait eu l’occasion de s’exprimer. Pour justifier la nécessité de recourir à la fixation de délai, le sénateur Carignan a exposé son point de vue, le 3 avril 2012, comme suit :

Je crois qu’il était important de fixer un temps limite, une période de temps suffisante pendant laquelle les sénateurs pourraient débattre, qui leur permettrait d’exprimer leur opinion comme ils ont déjà pu le faire à l’étape de la deuxième lecture. Il y a eu beaucoup de débats de part et d’autre dans ce dossier, mais on devrait pouvoir clore ce débat, une fois pour toutes, à l’intérieur de la période impartie afin d’adopter ce projet de loi et de faire en sorte que la volonté des citoyens se traduise en un projet de loi raisonnable, effectif et qui nous permette de passer à d’autres projets de loi tout aussi importants pour la société canadienne.

Par conséquent, si nous appliquons la logique du sénateur Carignan, puisque le Sénat a amplement débattu du projet de loi C-11, il doit avoir le droit, malgré les obstacles procéduraux, d’en arriver rapidement à son adoption pour refléter la volonté de la Chambre des élus.

En effet, notre collègue le sénateur Plett a fait valoir de manière très convaincante que le processus de fixation de délai limite effectivement le débat relativement à un projet de loi en réponse à des manœuvres manifestement dilatoires. Le 11 juin 2014, au sujet d’une motion visant à fixer un délai pour l’étude du projet de loi C-23, Loi sur l’intégrité des élections, qui avait été proposée après que le Sénat n’avait consacré qu’une journée au débat à l’étape de la troisième lecture, le sénateur Plett a déclaré :

J’aimerais dire que, en fait, la fixation de délai avive le débat. Nous sommes actuellement en train de débattre. Nous discutons de la fixation de délai. Nous discuterons ensuite de la motion. En fait, c’est l’ajournement du débat qui étouffe celui‑ci. C’est ce que l’opposition tente sans cesse de faire quand elle n’a pas d’autre recours : ajourner le débat.

Plus loin dans le même discours, il a dit : « Quand on ne peut pas s’entendre, il faut faire quelque chose. »

Chers collègues, pour toutes ces raisons, je pense que le moment est venu de passer à l’action. Le bureau du représentant du gouvernement a soutenu le Sénat à chaque étape du parcours législatif du projet de loi C-11. Il a veillé à ce que les sénateurs de bonne foi puissent faire leur travail correctement, ce qui a été démontré à maintes reprises, comme je l’ai souligné plus tôt. Maintenant, chers collègues, je vous demande d’appuyer la proposition de mener à bien ce processus avec six heures supplémentaires de débat et un vote démocratique sur le message de la Chambre des communes, un message qu’ont soutenu le gouvernement, le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois, des partis ayant tous fait campagne sur un programme prévoyant la réforme de la Loi sur la radiodiffusion, ce qui est le sujet du message qui nous est soumis.

Chers collègues, il est temps d’agir. Merci de votre attention.

L’honorable Leo Housakos [ + ]

J’ai une question à poser au sénateur Harder... Je veux dire au sénateur Gold. Vous êtes interchangeables.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Gold, acceptez-vous de répondre à des questions?

Le sénateur Gold [ + ]

Je suis très réticent à ne pas répondre aux questions, mais je suis également conscient que nous disposons d’un temps limité. Je répondrai à une question par respect pour le sénateur qui me l’a posée et pour l’institution. Ensuite, avec votre indulgence, je ne répondrai plus à aucune question afin de laisser le temps à tous ceux qui le souhaitent de s’exprimer sur ce sujet.

Le sénateur Housakos [ + ]

Encore une fois, monsieur le leader du gouvernement, selon les traditions et les pratiques déjà établies au Sénat, en ce qui concerne plus particulièrement des projets de loi et des motions aussi importants que ceux dont nous sommes saisis, le leader du gouvernement doit permettre au Sénat de lui poser des questions. Je m’inscris en faux contre certaines choses que vous avez dites dans votre discours. Si vous ne donnez pas à l’opposition la possibilité de poser des questions et d’obtenir des réponses, encore une fois, cela crée le genre de frustration que nous voyons dans cette enceinte.

J’aimerais seulement parler de quelques aspects. Vous avez dit que l’opposition se sert de l’ajournement pour étouffer le processus. Or, tous les groupes dans cette enceinte, lorsqu’ils veulent étouffer un processus, le ralentir, prendre leur temps ou négocier la façon de procéder, proposent l’ajournement du débat sur des motions. Cela ne date pas d’hier. Le gouvernement le fait, l’opposition le fait et, bien sûr, depuis 2016, tous les groupes le font.

Par ailleurs, je suis heureux que vous ayez commencé à porter attention aux vidéos de Pierre Poilievre. Cependant, je m’inscris en faux contre vos propos lorsque vous dites qu’on fait preuve de partisanerie lorsque Pierre Poilievre, le chef de l’opposition à la Chambre des communes, s’engage dans un débat public pour s’opposer à un projet de loi d’initiative ministérielle, et lorsqu’on voit Rachael Thomas, porte-parole pour le projet de loi C-11 à la Chambre des communes, dans une vidéo...

Je pose une question, Votre Honneur, mais j’aimerais lui fournir une mise en contexte. Honorables collègues, encore une fois, la tradition du Sénat veut qu’on puisse faire une certaine mise en contexte relativement aux questions et aux réponses.

Le leader du gouvernement a dit qu’à l’autre endroit, Pierre Poilievre et Rachael Thomas faisaient campagne contre le projet de loi C-11. Êtes-vous tout aussi offusqué lorsque le premier ministre Trudeau et le ministre Rodriguez diffusent leurs vidéos ou lorsqu’ils prennent la parole sur la scène publique pour dire que le projet de loi C-11 est une bonne chose? Êtes-vous tout aussi offusqué?

Le sénateur Gold [ + ]

Je vous remercie pour votre question. Vous avez mal compris ce que j’essayais de dire, et je vous remercie de me donner l’occasion de le préciser.

Le contexte dans lequel nous débattons de la fixation de délai est celui de la campagne délibérée pour torpiller ce projet de loi. Ce n’est pas un exemple de débats ajournés ou de temps pris pour préparer un discours afin de s’assurer que la contribution est constructive pour faire avancer le projet de loi. J’ai cité votre chef qui vous a qualifié de « guerrier spartiate » pour illustrer le fait que ce n’est pas un secret, en tout cas pas pour le Sénat. C’est une chose de s’opposer à un projet de loi. C’en est une autre de mobiliser cette enceinte dans un effort visant à torpiller un projet de loi qui a reçu l’appui démocratique de la majorité de la Chambre des communes, et de le faire en prétendant simplement chercher à améliorer le projet de loi.

Avec tout le respect que je vous dois, vous êtes peut-être heureux de porter le titre de « guerrier spartiate ». Je préfère me voir comme un défenseur de la démocratie, et la fixation de délai est un outil approprié afin de combattre les tactiques dilatoires et obstructionnistes utilisées pour des raisons purement partisanes. C’est un outil approprié pour permettre au Sénat et aux sénateurs appelés ici à travailler au nom des Canadiens de se prononcer, d’abord sur la proposition du gouvernement d’ajouter six heures supplémentaires de débat et de passer au vote. Au bout du compte, les sénateurs ont le droit de se prononcer pour indiquer s’ils acceptent ou rejettent ma proposition d’accepter le message de l’autre endroit.

Nous sommes ici pour travailler au nom des Canadiens. Nous sommes ici pour faire preuve de jugement. À cet égard, la motion que je vous exhorte à soutenir nous donnera l’occasion de faire le travail pour lequel nous avons été nommés ici, le privilège de servir les Canadiens, et d’arrêter une campagne qui ne prendrait jamais fin sans le recours à la fixation de délai dans l’intérêt des Canadiens. Merci.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition)

Honorables sénateurs, je ne sais trop par où commencer. Le leader du gouvernement souhaite faire avancer un projet de loi et nous dit : « Je répondrai à une question, mais je ne répondrai à aucune autre question. »

Excusez-moi. Vouliez-vous poursuivre le débat? Je vous remercie.

Le sénateur Gold a déclaré — et le Hansard en témoignera —, qu’il refuserait de répondre à une deuxième question. Il dit maintenant que le temps est de nouveau écoulé. Cela revient à déformer quelque peu la vérité, sénateur Gold. Vous avez dit que vous n’accepteriez pas de répondre à une deuxième question.

Je trouve très déconcertant de voir le leader du gouvernement refuser de répondre aux questions des sénateurs d’en face, alors qu’il se présente comme le défenseur de la démocratie. Alléluia! Je remercie le sénateur Gold d’être enfin venu au Sénat pour y défendre la démocratie, car j’ignore comment ce dernier a pu fonctionner pendant plus de 150 ans sans les nominations du premier ministre Trudeau, des sénateurs « indépendants » qui ont voté à 96 % en faveur du gouvernement et qui ne cessent de prétendre être indépendants.

Il reste encore quatre, voire cinq sénateurs qui reconnaissent qu’ils aimeraient bien faire partie d’un caucus libéral, mais en raison de la merveilleuse réforme du Sénat de M. Trudeau, ils ont choisi de créer leurs propres caucus.

Quelques sénateurs nous ont quittés et il leur arrive maintenant parfois de voter pour les budgets libéraux. Je ne comprends pas non plus cette situation. Je ne sais pas en quoi le Sénat s’est amélioré au cours des dernières années.

Mes moments les plus mémorables au Sénat ont été mes prises de bec avec mon bon ami le sénateur Terry Mercer, qui était tout aussi partisan que moi. La sénatrice Ringuette le sait, de même que la sénatrice Cordy et le sénateur Massicotte. Ils savent à quel point le sénateur Mercer était partisan. Pourtant, nous étions d’excellents amis parce que nous comprenions que le Sénat est une arène politique où il y avait deux partis politiques qui s’affrontaient et débattaient de projets de loi et parfois de motions de fixation de délai.

Je ne comprends absolument pas pourquoi le sénateur Gold essaie de faire croire que nous sommes opposés à la fixation de délai. Ce n’est pas le cas. Nous avons appuyé la fixation de délai à maintes reprises. Demandez-le au sénateur Carignan. Nous avons été nommés au Sénat le même jour en 2009, de même que la sénatrice Seidman.

Nous avons déjà vu des cas de fixation de délai. Nous l’avons appuyée de notre côté et de l’autre. Là n’est pas la question, sénateur Gold. Il s’agit du fait que vous n’avez pas le droit de la demander. La Constitution et le Règlement du Sénat disent que vous n’avez pas le droit. Vous dites un jour au Sénat que vous êtes un sénateur non affilié et indépendant et que vous ne faites pas partie du gouvernement; pourtant, vous exécutez les basses besognes du gouvernement et vous êtes ici en train de nous dire que vous avez le droit de fixer un délai.

Non, vous n’avez pas le droit. J’ai lu le Règlement aujourd’hui. On peut souhaiter très ardemment de le modifier, mais il ne change pas pour autant. Ce que vous avez fait aujourd’hui, monsieur le leader du gouvernement, c’est que vous avez forcé le Président à réécrire le Règlement. C’est ainsi que l’histoire se souviendra de vous. Vous avez forcé le Président à réécrire le Règlement. En fait, peu importe ce que dit le Président à propos de cet enjeu, le Règlement ne change pas pour autant. Le Règlement parle de partis reconnus. Vous n’êtes pas membre d’un parti reconnu. Vous ne pouvez pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Vous ne pouvez pas dire « parfois, je suis membre d’un parti reconnu, parfois je suis représentant du gouvernement, parfois je suis leader du gouvernement. Aujourd’hui, je répondrai à vos questions. Demain, quand vous me poserez des questions à propos de CBC/Radio-Canada, je dirai que je ne peux pas répondre pour CBC/Radio-Canada. »

Tôt ou tard, sénateur Gold, vous devrez accepter ce que vous êtes et vous devrez l’admettre.

Le sénateur Carignan [ + ]

Être ou ne pas être.

Je ne voudrais pas répéter ce que le sénateur Dalphond a dit. Quelqu’un pourrait à nouveau suggérer qu’il s’agit d’un langage non parlementaire. Cependant, le sénateur Dalphond a fait allusion à quelque chose comme « si ça cancane comme un canard et si ça nage comme un canard, c’est probablement un canard ».

Comme je l’ai dit plus tôt — j’en informerai tous les sénateurs —, nous avons l’intention de demander que le sénateur Gold devienne le « leader du gouvernement au Sénat ». C’est ce qu’il a déclaré être aujourd’hui. Oui, je suis d’accord, sénatrice Lankin. Nous avons enfin compris. C’est ce que le Président a dit aujourd’hui.

Sénateur Gold, vous aurez du mal à dire la semaine prochaine que vous n’êtes pas le leader du gouvernement.

Encore une fois, nous ne sommes pas opposés à la fixation de délai. Il n’est pas nécessaire de raccourcir le débat sur une question qui a fait l’objet de six heures de débat.

Ce projet de loi est arrivé au Sénat — il y a eu un accord signé au printemps lorsque nous avons accepté que le comité se réunisse en septembre. Or, le comité ne s’est pas réuni. Il est devenu évident en novembre que d’autres réunions étaient nécessaires, y compris pour entendre des témoins autochtones, qui avaient été oubliés, comme l’a souligné le sénateur Klyne à ce moment au comité — quelque chose que le gouvernement a fait à l’autre endroit. Une fois de plus, il a négligé de consulter les Autochtones, ce qui l’a obligé à ralentir le processus.

Ils ont manqué à leur parole. Vous dites que je n’ai pas tenu ma promesse à propos d’une entente signée. Apparemment, vous ne connaissez pas tous les faits. Vous savez très bien pourquoi la promesse n’a pas été respectée. C’est parce que le gouvernement du Canada, le Parti libéral du Canada — Justin Trudeau et ses petits copains — ont rompu l’accord à l’autre endroit.

Combien de temps a-t-il fallu à la Chambre des communes? Le message a été envoyé le 2 février. Les amendements étaient connus depuis le 14 décembre. La Chambre des communes a adopté le message le 30 mars, trois mois et demi après que les amendements ont été transmis, sénateur Gold. Le débat sur les amendements a commencé le 18 avril et le sénateur Gold y a mis fin le 20 avril. Pourtant, ce serait la faute de l’opposition.

Quand l’opposition accomplit son travail — comme Jean Chrétien, l’un des grands premiers ministres libéraux de ce pays, l’a déclaré —, le rôle de l’opposition est de s’opposer. Nous faisons notre travail, mais certains sénateurs de l’autre côté disent que nous faisons de l’obstruction ou que nous faisons quelque chose de mal. Nous faisons notre travail.

On m’a envoyé ici pour y faire quelque chose. Sénateur Gold, on vous a envoyé ici. Vous avez clairement le sentiment qu’on vous a confié un mandat. Vous avez reçu des directives du premier ministre et vous faites votre travail. Je respecte cette part de ce que vous faites.

Mais pourquoi, chers collègues, ne pouvez-vous pas accepter et respecter ce que fait l’opposition?

Nous n’éprouvons pas d’antipathie à l’égard de certaines personnes au Sénat. Je peux dire ceci au sujet du sénateur Mercer et moi. Lorsque je m’en prenais au sénateur Mercer au Sénat, il ne le prenait jamais personnellement. Il ne s’est jamais dit « Don ne m’aime pas ». Il s’agissait d’échanges politiques, et lorsque la séance était levée, nous sortions prendre une bière ensemble. Nous avons voyagé ensemble, et nous faisions partie des mêmes associations parlementaires. Pendant presque tout le temps où nous avons été tous les deux au Sénat, nous faisions partie des mêmes comités et nous discutions ensemble à ces comités — les comités de l’agriculture et des transports. Nous avons fait du bon travail à ces comités.

J’ai entendu je ne sais plus combien de fois aujourd’hui que le premier ministre avait rendu le Sénat moins partisan. Chers collègues, le Sénat n’a jamais été plus partisan qu’aujourd’hui.

Il ne l’a jamais autant été et je ne dis pas cela pour attaquer qui que ce soit dans cette enceinte, mais il m’est impossible de faire valoir un argument sans qu’un sénateur se vexe et dise : « Don Plett s’en prend à moi. » Je suis désolé, mais ce n’est pas ce que je fais.

Je m’en prends au Parti libéral du Canada, parce que je crois qu’il est un fléau pour le pays; j’en suis convaincu. Je respecte vos croyances, veuillez respecter les miennes. Je suis d’avis que l’actuel premier ministre est le pire que le pays ait jamais eu, y compris son père, avec qui je ne m’entendais pas. Mais, au moins, lorsque Pierre Elliott Trudeau était premier ministre, il me semblait qu’un adulte dirigeait le pays.

Je dis donc cela ici, et c’est en quelque sorte non parlementaire, et nous sommes de mauvaises personnes parce que nous exprimons nos opinions — parce que nous faisons de la politique.

Le sénateur Gold veut avoir le pouvoir de faire cela, mais il ne l’avait pas auparavant. Aujourd’hui, le Président a réécrit le Règlement pour lui donner le pouvoir de mettre fin au débat. Encore une fois, ce que vous ressentez n’a pas d’importance. Il y a deux heures, vous n’aviez pas le droit de faire ce que vous faites maintenant en raison du Règlement — une personne a réécrit le Règlement, que cela vous plaise ou non. Vous pouvez hocher la tête autant que vous voulez, c’est simplement la réalité.

Le Règlement est clair. Lorsqu’il est question de partis reconnus, sénateur Gold, cela ne change rien; le terme n’est pas trop compliqué à changer. Partis reconnus, groupes reconnus.

Je pense que le sénateur Dalphond a interprété que les « groupes reconnus » ont les mêmes pouvoirs et les mêmes droits que les partis reconnus parce que les leaders des groupes reconnus ont obtenu une augmentation de salaire. Quant au sénateur Gold, il perçoit 92 000 $ pour être le leader du gouvernement. Je ne sais pas ce que cela implique, mais le fait est que les autres groupes reconnus n’ont pas les mêmes pouvoirs que l’opposition ou que le gouvernement. Et c’est intentionnel.

Le sénateur Harder a joué un rôle déterminant dans l’adoption de la Loi sur le Parlement du Canada. Pendant que le ministre LeBlanc était ici aujourd’hui, beaucoup d’entre nous ont eu des conversations avec lui à ce moment-là. Il a pris des engagements envers moi; je n’en parlerai pas ici, mais il a pris des engagements envers moi. Il a dit : « Voilà ce que nous voulons. Nous ne voulons pas que la Chambre aille plus loin ». Ils ont reconnu quatre groupes. Ils ne voulaient pas aller au-delà. Ils ont été clairs. La sénatrice Saint-Germain en témoignera, tout comme le sénateur Tannas, j’en suis sûr, et la sénatrice Cordy. Ils confirmeront que c’est ce que le ministre LeBlanc a dit : « Nous ne voulons pas aller plus loin ».

Si le gouvernement avait voulu que vous ayez le pouvoir que vous avez maintenant obtenu par des moyens détournés — car les francs moyens ne fonctionnaient pas —, il vous les aurait donnés. Il s’en serait chargé.

Comme l’a dit la sénatrice Lankin plus tôt aujourd’hui, pourquoi confier la question au Comité du Règlement? C’est « le comité où les choses n’aboutissent pas. » De plus, les comités sont incapables de fonctionner par consensus. Comment cela se fait-il? Nous avions des comités qui fonctionnaient par consensus à l’époque où les seuls partis au Sénat étaient les partis les plus partisans au Canada. Toutes les décisions du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration étaient prises par consensus. Sénateur Housakos, vous y étiez, tout comme le sénateur Furey. Nous réussissions à fonctionner par consensus lorsqu’il n’y avait que deux partis politiques au Sénat, mais maintenant, nous avons soudainement un Sénat non partisan et nous n’y arrivons plus.

Chers collègues, lorsque vous dites que vous rendez le Sénat moins partisan, songez à cela, car ce n’est pas le cas.

J’admets qui je suis. Je suis un conservateur et fier de l’être. Je suis fier d’avoir des valeurs conservatrices. Si vous êtes fiers d’avoir des valeurs libérales, alors dites-le franchement. Ne nous dites pas que vous êtes indépendants et que vous allez voter selon votre conscience pour ensuite appuyer le gouvernement 96 % du temps.

Le sénateur Gold a affirmé que nous avions un accord ou, du moins, qu’il avait proposé un accord. Dans mon ancienne vie, j’ai souvent eu à négocier. J’ai négocié pour des municipalités et pour différentes organisations. Pour qu’il y ait négociation, il doit y avoir au moins deux parties qui discutent.

La vérité, chers collègues, c’est que le sénateur Gold a affirmé lundi dernier, c’est un fait, qu’il voulait que le projet de loi soit adopté au plus tard jeudi de la semaine dernière. C’est vrai — je ne le remets pas en question.

Habituellement, le sénateur Gold demande d’abord à la sénatrice Saint-Germain quels sont les sénateurs qui auront l’occasion d’intervenir. Il me le demande ensuite. Il passe habituellement ensuite au sénateur Tannas, puis à la sénatrice Cordy et il leur demande leur avis. C’est ce qu’il a fait. Je ne vous dirai pas quelle était l’opinion des autres sénateurs, mais je vous dirai quelle était la mienne. J’ai répondu : « Sénateur Gold, il n’y a pas de motion. Vous me demandez combien il y aura d’intervenants de notre parti, mais je n’ai pas de motion. Je voudrais avoir une motion et, ensuite, je pourrai en débattre et en discuter. » Je crois que personne ne peut nier que c’est ce qui s’est dit. Il ne comprenait pas pourquoi.

Une des personnes présentes a dit : « On parle d’une motion qui tient sur deux lignes. Cela ne devrait pas prendre trop de temps. » J’ai répondu : « C’est vrai. Combien de temps vous faudrait-il pour produire la motion? » Mon personnel aurait besoin d’environ 10 minutes. Le gouvernement a eu deux semaines, et cette motion qui tient sur deux lignes n’a pas été produite. Pourquoi?

Ce retard commençait à éveiller mes soupçons : pourquoi ne présentaient-ils pas une motion? Ce serait très simple. J’ai donc dit : « Demain, quand nous verrons la motion », parce qu’on m’avait dit que nous la recevrions avant minuit. Mon chef de cabinet l’a reçue avant minuit, en effet, mais pas moi, parce que j’étais couché et qu’il a judicieusement choisi de ne pas me réveiller. Il m’a simplement donné la motion le lendemain.

Ce jour-là, nous avons débattu de la motion. Le sénateur Tannas a proposé un amendement. Le lendemain, le gouvernement a accepté son amendement. Les discussions se poursuivaient. Le sénateur Gold m’a appelé au sujet de cet amendement et m’a demandé si nous comptions le soutenir ou non. Je lui ai suggéré que nous attendions au moins jusqu’au lendemain — et j’ai dit que nous allions probablement soutenir l’amendement, mais que j’aimerais attendre jusqu’au lendemain parce que je voulais y réfléchir puisque je n’en avais pas encore parlé avec mon groupe parlementaire. Je ne veux pas mettre des mots dans votre bouche, sénateur Gold. Il a dit : « D’accord, laissez-moi y réfléchir. » Ensuite, il m’a rappelé et il m’a dit : « Non, nous avons l’intention d’aller de l’avant ce jour même. » Je lui ai dit : « D’accord, sénateur Gold, mais nous ne pouvons pas soutenir cela aujourd’hui; nous accepterons donc l’ajournement et nous adopterons probablement l’amendement demain », ce que nous avons fait. Nous l’avons adopté le lendemain. Il n’y a pas eu de vote; nous avons accepté. Le sénateur Gold m’a dit : « Don, je pense que vous et moi devrions discuter plus longuement cette semaine. »

Honorables sénateurs, je parle en toute honnêteté. Je ne croyais pas qu’il imaginait encore obtenir l’approbation du projet de loi jeudi. Je lui ai dit : « Oui, nous devrions discuter. Je serais heureux de discuter. » J’ai dit que nous pourrions en parler avant notre réunion des leaders de lundi suivant. Il m’a répondu : « Eh bien, je crois que nous devrions discuter plus tôt. » Je lui ai dit : « D’accord, nous pourrions peut-être en parler jeudi. » Cependant, j’ai dit : « Sénateur Gold, j’espère que vous comprenez que nous ne sommes pas prêts à nous prononcer sur cette question jeudi. » Je serai le premier à admettre cela.

Il n’y a pas de négociation, chers collègues. Nous n’avons même pas encore commencé à débattre. Nous n’avons même pas commencé à débattre dans cette enceinte, et il veut que, en une journée, j’accepte quelque chose qui a mis deux ans et demi à faire son chemin dans le processus législatif. Je ne vois vraiment pas comment le Président pourrait rendre aujourd’hui une décision à cet égard, parce que le sénateur Gold nous a donné moins de 30 heures pour traiter d’un projet de loi qui est à l’étude depuis trois ans. Est‑ce ainsi que les décisions doivent être prises?

Encore une fois, honorables sénateurs, quelle que soit notre allégeance politique, nous avons une obligation à l’égard des Canadiens. Le Parti conservateur du Canada représente plus de 7 millions de Canadiens. Nous avons remporté le vote populaire lors des deux dernières élections. Nous avons le devoir — nous sommes tenus par l’honneur — de parler au nom de ces 7 millions de Canadiens, et il y en aura encore plus après les prochaines élections. Nous avons un devoir, et je trouve vraiment déconcertant que, lorsque nous défendons les valeurs conservatrices, nous soyons considérés comme des personnes qui font de l’obstruction et qui ne coopèrent pas au Sénat.

On m’a demandé dernièrement — et je sais que beaucoup d’entre vous m’encourageraient à suivre le conseil de certaines personnes et à dire — : « Don, pourquoi te casser la tête? Pourquoi ne pas prendre ta retraite du Sénat? » Je sais que certains seraient probablement heureux de m’offrir un cadeau de départ si je le faisais, mais je dis qu’il y a toujours plus de bons jours que de mauvais. J’ai encore de l’espoir. Je l’ai dit à un couple qui se trouvait dans mon bureau aujourd’hui. Je continue à croire que je parle au nom de nombreux Canadiens et je veux continuer à les soutenir. Je veux parler au nom de ces Canadiens.

Comme je l’ai dit, il ne s’agit pas de savoir si nous soutenons ou non la fixation de délai. Je n’ai jamais dit, sénateur Gold, que nous ne la soutenions pas. Sénateur Gold, je m’attendais à ce que si nous ne faisions pas avancer ce projet de loi dans la semaine ou les deux semaines à venir... et vous et moi avons eu ces discussions, sénateur Gold. Vous et moi avons eu ces discussions il y a quelques mois lorsque vous avez fait votre offre. Vous avez dit : « Don, si vous avez besoin d’aide, je peux probablement vous aider. » Il ne fait aucun doute que nous nous attendions à disposer d’un temps limité pour débattre de ce projet de loi dans cette enceinte avant que vous n’essayiez au moins d’avoir recours à la fixation de délai.

Est-ce que les choses se seraient déroulées de la même manière aujourd’hui? Oui, nous aurions probablement fait la même chose parce que je suis toujours convaincu que vous n’avez pas le droit. Selon le Règlement, vous n’avez pas la légitimité pour un certain nombre de questions, comme je l’ai souligné plus tôt. Nous aurions tout de même fait valoir cet argument. Toutefois, sénateur Gold, vous nous auriez donné une occasion. C’est une occasion que vous retirez aux Canadiens, et non pas à l’opposition. Nous sommes ici, prêts à débattre de cette question.

J’ai effectivement proposé un amendement l’autre jour. J’ai proposé un amendement très raisonnable qui prévoyait de répondre une fois au gouvernement que nous nous attendons à ce qu’il accepte notre amendement. C’était tout. Cet amendement n’avait rien de répréhensible. La réalité, c’est que nous connaissons tous les procédures et nous devions veiller à ce que nous ne soyons pas — la sénatrice Lankin et moi, nous nous sommes affrontés il y a quelques années au sujet d’un projet de loi d’initiative parlementaire. Elle a remporté cet affrontement. Je la félicite; je n’en éprouve aucune rancune.

Devons-nous nous assurer que cela ne se produira pas? Oui. Est-ce que cela signifie que nous comptons faire de l’obstruction pendant trois mois? Non. Nous savions pertinemment, sénateur Gold, que le moment viendrait où vous alliez probablement — à part si nous laissions la mesure aller de l’avant — faire ce que vous avez fait ce soir, et nous espérions que la bonne décision serait rendue. De toute évidence, vous croyez que c’est le cas, et il n’y a rien de mal à cela. Nous en débattrons un autre jour.

Toutefois, nous ne croyions pas que vous feriez cela après six heures de débat — six heures, lors de la toute première journée du débat —, que vous refuseriez de parler au leader de l’opposition, d’aller le voir. Dans de telles situations, je parle toujours au leader à la Chambre des communes. Quand Mark Holland prévoit présenter une motion d’attribution de temps, il en informe Andrew Scheer, ainsi que les leaders des autres partis. Et vous, sénateur Gold, que faites-vous? Jeudi, je me suis rendu devant votre pupitre, et je vous ai demandé si nous devrions avoir une réunion. Vous m’avez répondu que le moment n’était pas bien choisi. Or, une demi-heure plus tard, votre préavis de motion était présenté, et vous laissez entendre que nous ne sommes pas dignes de confiance et que nous ne sommes pas honorables. Je trouve ce genre de comportement fort douteux.

Je vous ai demandé si nous devrions nous rencontrer. Quelle différence cela fait-il que ce projet de loi soit adopté ce jeudi, mardi prochain ou même jeudi prochain? À moins que le premier ministre ait pris peur et qu’il souhaite quitter Ottawa pendant un certain temps et qu’il dise « sénateur Gold, sénateur Furey, vous devez m’aider. On ne peut rester à Ottawa ». Vous secouez la tête. Nous verrons si cela a la moindre pertinence, car sinon, sénateur Gold, quelle différence une semaine de plus peut bien faire pour un projet de loi qui est au Sénat depuis trois ans? Je ne parviens pas à comprendre cela.

Sénateur Gold, vous auriez pu venir me voir à n’importe quel moment et me dire « Don, si vous ne laissez pas aller ce projet de loi d’ici cette date, je vais devoir recourir à la fixation de délais. » Cela aurait été la chose professionnelle et honorable à faire. Je l’aurais accepté. J’aurais pris la parole ici même et j’aurais probablement poussé les hauts cris, comme je le fais en ce moment, et déclaré que vous n’avez pas le droit de faire cela, mais au moins cela aurait été la façon appropriée d’agir, au lieu d’utiliser cette manière détournée. Je ne le prends pas.

Vous insinuez que j’ai rompu un accord. Non, c’est le gouvernement qui a rompu un accord. Vous savez très bien — et je ne vais pas le soulever — quelle est l’entente que nous avions convenue vous et moi, sénateur Gold, et que vous n’avez pas respectée. Je vous invite à la plus grande prudence sur le nombre de fois que vous m’accusez d’avoir brisé une promesse avant que je ne mentionne cette fameuse entente, car celle-là était de nature beaucoup plus personnelle que l’autre. Vous ne voulez pas que j’en parle ici, sénateur Gold. Je vous invite à la plus grande prudence sur le nombre de fois que vous m’accusez d’avoir rompu un accord. Je n’ai brisé aucun accord. C’est le gouvernement qui n’a pas respecté sa parole. Le gouvernement n’a pas mené les consultations attendues de sa part. J’ai donc dit, sénateur Gold, que le gouvernement n’avait pas assumé ses responsabilités, qu’il n’avait pas fait ce qu’il était censé faire ni ce qu’il affirmait avoir fait, et que nous ne pouvions pas continuer ainsi. Cela n’avait rien à voir avec les vidéos de Pierre Poilievre ou du sénateur Housakos. Il était question de défendre les intérêts des Canadiens.

On ajoute maintenant une couche de censure à propos d’un projet de loi de censure.

Pour conclure, sénateur Gold, je dirai qu’on récolte ce qu’on a semé. Vous pouvez m’adresser la même observation si vous le souhaitez. Aux prochaines élections, vous récolterez ce que vous avez semé. Le Sénat redeviendra une Chambre de second examen objectif où régnera le respect mutuel. C’est ce qui se passera après les prochaines élections, que cela vous plaise ou non. Les sénateurs auront de nouveau du respect les uns pour les autres, qu’ils soient du côté du gouvernement ou de l’autre côté. Nous travaillerons dans le respect, même lorsque la colère nous gagne comme cela est arrivé ce soir. Je prendrai l’avion vendredi matin avec des collègues manitobains. Pendant la fin de semaine, nous allons nous côtoyer et nous dire comment nous nous apprécions mutuellement puis, lundi ou mardi, nous reviendrons ici et nous continuerons de travailler comme nous l’avons fait aujourd’hui, car c’est ainsi, chers collègues, que le Sénat devrait fonctionner. Merci beaucoup.

L’honorable Raymonde Saint-Germain [ + ]

Merci, Votre Honneur. Chers collègues, même si je siège dans cette Chambre depuis un peu plus de six ans, je prends la parole pour la première fois afin de participer à un débat sur une motion de fixation de délai. Cela, a priori, m’amène à faire deux constats importants : le premier est que la fixation de délai est une procédure d’exception, un outil puissant et draconien aux conséquences définitives. Mon deuxième constat, c’est que cette mesure a été traitée avec la retenue qui est exigée à son égard par les représentants du gouvernement, les sénateurs Harder et Gold successivement. C’est d’ailleurs, il faut le souligner, la toute première fois que cette pratique d’exception est utilisée depuis l’arrivée au pouvoir de ce gouvernement en 2015 et, par le fait même, depuis l’amorce de la réforme du Sénat.

Je vais commencer mon intervention sur cette première motion de fixation de délai au Sénat de la part du gouvernement en disant que je souscris à bon nombre des arguments que le sénateur Marc Gold a présentés pendant son discours d’aujourd’hui et dans le cadre du discours qu’il a prononcé mardi, lorsque le Sénat a été saisi du message de l’autre endroit sur le projet de loi C-11, Loi sur la diffusion continue en ligne. Je ne vais pas répéter tous les arguments du sénateur Gold, mais je vais insister sur un point, c’est-à-dire la façon dont le rôle que nous devons jouer et les mesures que nous devons prendre sont définis par la Convention de Salisbury, ainsi que le rôle complémentaire du Sénat par rapport à la Chambre des communes.

Il est indéniable que le projet de loi C-11 faisait partie du programme électoral du Parti libéral du Canada. D’ailleurs, cette mesure législative avait déjà été présentée avant les dernières élections, sous la forme du projet de loi C-10, et on en avait amplement débattu à l’autre endroit. Ainsi, nous pouvons seulement conclure que les Canadiens ont élu ce gouvernement en étant bien au fait de l’objet du projet de loi et en sachant très bien qu’il serait présenté de nouveau au cours de la nouvelle législature. Par conséquent, en tant que sénateurs, nous pouvons examiner attentivement le projet de loi, proposer des modifications et des amendements, entendre l’avis de spécialistes et de témoins, et transmettre de nos préoccupations, comme nous l’avons fait. Cependant, nous ne pouvons pas agir d’une façon qui pourrait entraîner le rejet de ce projet de loi ou le faire mourir au Feuilleton à nouveau à cause de tactiques dilatoires.

La Convention de Salisbury est un guide, un rappel à la retenue face à la volonté d’une Chambre élue dans notre système parlementaire bicaméral de Westminster.

Je suis surprise lorsque j’entends des sénateurs, habituellement si prompts à défendre les vertus du système de Westminster traditionnel, ignorer soudainement l’une de ses conventions directrices parce que cela correspond aux intérêts partisans du moment.

Chers collègues, c’est avec regret que je dois dire que cette motion de fixation de délai est justifiée et qu’elle nous est même imposée par les circonstances. Elle est proposée aujourd’hui non pas par choix du gouvernement, mais en raison de l’abus de tactiques dilatoires jusqu’à présent.

Bien que la fixation de délais soit utilisée pour limiter les débats, personne ne peut sérieusement prétendre que le projet de loi C-11 et le projet de loi C-10, d’ailleurs, n’ont pas été suffisamment débattus. Au cours de la législature précédente, le projet de loi C-10 a été débattu sur huit journées à l’autre endroit, entre novembre 2020 et juin 2021. En comité, il a été étudié pendant 62 heures et pas moins de 142 témoins ont été entendus. Le projet de loi C-11, qui lui succède, a fait l’objet d’un examen encore plus approfondi puisqu’il a été débattu de l’autre côté de la Colline pendant 10 jours, entre février 2022 et juin 2022, que 80 témoins ont été entendus et que plus de 100 amendements ont été discutés et examinés.

Au Sénat, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a tenu 31 réunions totalisant 67 heures et 30 minutes, au cours desquelles 64 amendements ont été examinés et 26 ont été adoptés.

Nous avons débattu de ce projet de loi au Sénat au cours de six séances distinctes entre juin 2022 et février 2023.

Que dire d’autre? Ceci : l’idée selon laquelle la population canadienne ne veut pas du projet de loi C-11 ou qu’il ne lui plaît pas est fausse. En fait, c’est tout le contraire. Des sondages ont démontré qu’une majorité de Canadiens appuie le projet de loi C-11 et son objectif de réglementer la télédiffusion dans Internet. Un des sondages, commandé l’année dernière par le Globe and Mail, a révélé que 63 % des Canadiens appuyaient cet effort visant à réglementer le contenu d’Internet, tandis que seulement 37 % s’y opposaient. Je ne veux pas dire par cela qu’il n’est pas nécessaire d’écouter 37 % des Canadiens; je crois qu’ils ont été entendus. Cela est particulièrement vrai dans ma province, le Québec, où une majorité écrasante d’intervenants et d’artistes attendent avec impatience que le projet de loi C-11 reçoive la sanction royale.

Permettez-moi maintenant de prendre un instant pour vous parler du Groupe des sénateurs indépendants et du travail rigoureux que nous avons fait à l’égard de ce projet de loi. J’aimerais en particulier remercier les membres du groupe qui ont travaillé inlassablement pour améliorer le projet de loi au Comité des transports : les sénateurs Clement, Cormier et Dasko, la sénatrice Miville-Dechêne, la vice-présidente, les sénatrices Simons et Sorensen, ainsi que les sénateurs de tous les groupes qui l’ont étudié et qui se sont exprimés à son sujet au Sénat. Vous avez maintenu avec brio un état d’esprit indépendant et critique et vous avez voté selon votre conscience et votre opinion personnelle. Je peux dire fièrement que vous avez accompli le travail que l’on attend des sénateurs. Tout au long de cette étude, le Groupe des sénateurs indépendants s’est toujours montré prêt à examiner méticuleusement la teneur du projet de loi, ce qui a donné lieu, selon moi, à une étude très complète.

Pas une seule personne ayant manifesté le désir de témoigner devant le comité ne s’en est vu refuser l’occasion. Nous n’avons écourté aucun débat. Nous avons présenté de nombreux amendements, et un nombre considérable d’entre eux font partie de la version finale du projet de loi. Ce travail a donné lieu à un meilleur projet de loi, dans l’intérêt des Canadiens. En tout, nous avons proposé 64 amendements, et la Chambre des communes a accepté 20 des 26 que nous avions adoptés.

Sur une note moins positive, chers collègues, alors que de nombreux sénateurs travaillaient à améliorer le projet de loi C-11, certains de nos collègues avaient des objectifs différents. Qu’est-ce qui est en jeu ici? Soyons clairs : j’ai la conviction qu’ils agissent de bonne foi, qu’ils considèrent réellement que le projet de loi à l’étude est mauvais et qu’il faut empêcher par tous les moyens qu’il soit adopté. Or, chers collègues, même si nous aurions voulu que l’autre endroit et le gouvernement acceptent tous nos amendements, il est temps de passer à autre chose. La motion de fixation forcée d’un délai dont nous débattons aujourd’hui est le seul moyen de dénouer l’impasse et de passer à l’adoption du message que nous avons reçu sans avoir à avancer à pas de tortue, de sonnerie d’une heure en sonnerie d’une heure.

Parlons maintenant de démocratie. D’abord et avant tout, nous sommes ici pour défendre la démocratie. Nous ne sommes pas des élus. Tout le monde ici est au courant. Nous sommes cependant membres d’une institution de second examen objectif, un partenaire réfléchi de la Chambre des élus. Nous faisons bien partie du système parlementaire canadien.

À la base de tout système démocratique se trouve le concept de vote. Or, c’est précisément ce que l’autre endroit nous demande de faire : voter.

Bonsoir, sénateur Plett.

Certains collègues savent qu’ils perdront un vote libre et démocratique dans cette Chambre. Nous avons déjà adopté une version de ce projet de loi à l’étape de la troisième lecture, et il y a fort à parier que si nous devions voter sur ce message, le projet de loi C-11 prendrait le chemin de la sanction royale. Des sénateurs font tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher la tenue d’un vote. Est-ce vraiment démocratique que de faire de la désinformation et de la démagogie, avec des propos incendiaires, tout en refusant de procéder à la mise aux voix? Je sais que mes propos surprendront certains de mes estimés collègues, mais je tiens à le dire clairement aux fins du compte rendu et pour les Canadiens qui suivent ce débat : le projet de loi C-11 n’est pas une atteinte à la liberté d’expression ou d’opinion. Ne soyons pas victimes de la démagogie.

Lors de l’étude du projet de loi à l’étape de la troisième lecture, certains ont dit que le projet de loi C-11 nous ramènerait à l’époque de Cicéron, une époque dangereuse où les libres-penseurs étaient punis par amputation pour leur désaccord avec le régime. Je considère plutôt le projet de loi C-11 comme la voie d’accès au XXIe siècle, à une nouvelle ère de communication et de radiodiffusion. J’y vois un moyen pour les artistes et les créateurs canadiens de rayonner et de faire l’objet d’une promotion équitable. Je pense que cela fait longtemps qu’un tel projet de loi aurait dû être adopté.

Alors, si des tactiques dilatoires et des propos alarmistes démagogiques peuvent empêcher un vote sur un message émanant d’une Chambre élue, remplissons-nous notre rôle démocratique en tant que sénateurs? Croyons-nous vraiment que c’est ainsi que nous rétablissons la crédibilité du Sénat? La population attend-elle de nous, en tant que parlementaires non élus, que nous retardions le projet de loi adopté par ses représentants?

Comme on dit en français, poser la question, c’est y répondre.

La réponse est évidente : bien sûr que non.

Chers collègues, si nous ne limitons pas le débat aujourd’hui pour qu’il y ait un vote, je crains que nous n’ayons jamais l’occasion de remplir notre devoir en tant que parlementaires et de voter sur le message, ce qui rendrait un bien mauvais service à la démocratie.

En conclusion, ce que nous demandons aujourd’hui, c’est la tenue d’un vote. Ce que nous demandons, c’est le respect de la démocratie parlementaire, la tenue d’un vote libre en toute indépendance sur la limitation du débat, mais également un vote sur le message de la Chambre des communes, afin qu’une décision soit prise sur l’avenir du projet de loi C-11.

J’ai commencé ce discours en soulignant la nature exceptionnelle de cette motion et sa nature forcée. À mes yeux, limiter un débat parlementaire doit demeurer une exception.

Cela dit, je réitère que les circonstances auront forcé le représentant du gouvernement, un gouvernement démocratiquement élu, à recourir à cette option draconienne et prévue dans nos règles parlementaires. Il est désormais nécessaire de conclure le débat sur la réponse du gouvernement et de la Chambre des parlementaires élus sur les amendements que nous leur avons proposés au projet de loi C-11, la Loi sur la diffusion continue en ligne, et de continuer notre travail sur d’autres projets de loi tout en regardant vers l’avenir.

Merci. Meegwetch.

Le sénateur Housakos [ + ]

Accepteriez-vous de répondre à une question, sénatrice Saint-Germain?

La sénatrice Saint-Germain [ + ]

Certainement.

Le sénateur Housakos [ + ]

Merci, madame la sénatrice.

J’ai écouté l’histoire racontée par la sénatrice Saint-Germain et même, plus tôt, celle du sénateur Gold, qui ont dit « heureusement qu’il y a le Groupe des sénateurs indépendants, que nous avons eu des témoins très solides devant le comité, que nous avons eu autant de témoins, que nous avons tenu autant de réunions, que nous avons proposé autant d’amendements », et ainsi de suite.

Mais la vérité, chers collègues, c’est qu’en fin de compte, si nous n’avions pas fait d’obstruction, si nous ne nous étions pas battus à tout bout de champ au comité et ici même, nous aurions eu un vote. Si j’avais écouté mon collègue et la très compétente vice‑présidente, nous aurions voté sur ce projet de loi il y a un an parce qu’il était très urgent de l’adopter.

On m’a demandé tous les mois...

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Housakos, avez-vous une question?

Le sénateur Housakos [ + ]

Bien sûr que j’ai une question. Je ne me tiendrais pas debout si je n’avais aucune question à poser.

Sénatrice Saint-Germain, au bout du compte, à plus d’une occasion, nous avons proposé des amendements, et les amendements proposés par vous et vos collègues du comité avec notre appui, étaient des versions diluées pour protéger le contenu généré par les utilisateurs, si on les compare aux versions originales ayant été rejetées.

Ma question est donc la suivante: pourquoi le Sénat n’insisterait-il pas une fois de plus auprès du gouvernement pour qu’il écoute — comme vous l’avez souligné — les milliers de créateurs de contenu généré par les utilisateurs et de témoins? Pourquoi ne lui dirait-il pas que nous insistons pour maintenir les amendements raisonnables tels qu’ils ont été proposés par le Groupe des sénateurs indépendants, avec l’appui de tous les membres du comité, et que c’est dans l’intérêt des voix de la raison au pays qu’il appuie ces amendements?

La sénatrice Saint-Germain [ + ]

Merci de cette question, sénateur Housakos. C’est une bonne question et je suis d’accord avec vous pour dire que le Sénat a fait un travail réfléchi.

J’ai eu l’occasion de dire qu’aucun témoin ne s’est vu refuser la possibilité d’être entendu par le Comité des transports et des communications. Félicitations à tous les membres du comité.

Par ailleurs, nous devons écouter les témoins et interpréter leurs témoignages pour ce qu’ils sont. Nous nous sommes rendu compte que, dans tout le pays, l’industrie, les artistes et de nombreuses parties prenantes souscrivaient au projet de loi, en particulier à certains amendements que le comité a entendus et que cette Chambre a entendus. Mais, en définitive — et je me réfère à la convention de Westminster et à notre système parlementaire —, nous avons fait notre travail et nous avons présenté les amendements au gouvernement. Parmi les 26 amendements proposés, 20 ont été acceptés et, en fin de compte, si vous n’acceptez pas de vous en remettre à l’autre Chambre et au gouvernement, vous avez une décision à prendre, et cette décision consiste à vous porter candidat aux prochaines élections.

L’honorable Jane Cordy [ + ]

Honorables sénateurs, je vais prendre quelques instants pour participer au débat de ce soir sur la motion de fixation de délai du sénateur Gold. Je veux être claire dès le début : je parle en mon nom, et non en tant que représentante des membres de mon groupe. Les membres de mon groupe sont libres de voter comme bon leur semble, mais j’appuierai la motion.

Si une telle procédure peut sembler nouvelle à beaucoup de sénateurs, ce n’est vraiment pas le cas. Je siège au Sénat depuis assez longtemps pour avoir entendu les deux points de vue qui s’opposent dans ce débat. Par exemple, en 2014, mon ami le chef de l’opposition a déclaré ce qui suit :

J’aimerais dire que, en fait, la fixation de délai avive le débat. Nous sommes actuellement en train de débattre. Nous discutons de la fixation de délai. Nous discuterons ensuite de la motion. En fait, c’est l’ajournement du débat qui étouffe celui‑ci.

Bien sûr, Stephen Harper était premier ministre à l’époque.

Par le passé, je me suis opposée à la fixation de délai et à la fréquence où cet outil était utilisé, particulièrement sous le gouvernement précédent. Le sénateur Gold a parlé dans son discours de la question de la fréquence. J’aurais préféré — comme nous tous, j’en suis sûre — une entente qui aurait permis à tout le monde de se prononcer, puis de passer au vote. Comme cette option n’était pas possible, je dois tenir compte de tous les facteurs de la situation particulière que nous vivons. J’ai aussi tenu compte du fait que c’est la première fois que le leader du Sénat, le sénateur Gold, présente une motion de fixation de délai.

Le sénateur Harder a déjà donné un préavis de motion de fixation de délai, mais il a été retiré avant que le débat n’ait lieu. Contrairement aux fixations de délai précédentes — et il y en a eu beaucoup —, il ne s’agit pas ici d’un débat de fond sur le projet de loi. En fait, il s’agit d’un débat sur la fixation d’un délai.

Honorables sénateurs, nous débattons maintenant d’une motion visant à accepter le message de l’autre endroit. Beaucoup de temps et d’efforts ont été consacrés à l’examen des mérites de cette mesure législative, tant au Sénat que lors des audiences des comités. Comme d’autres l’ont dit, le Comité des transports et des communications — et je tire ces statistiques du discours du sénateur Housakos sur le rapport du comité — a tenu 31 réunions au total et entendu 138 témoins. Il a reçu 67 mémoires. Au total, le comité s’est réuni pendant près de 68 heures. Neuf réunions ont été consacrées à l’étude article par article. Les membres du comité ont examiné 73 amendements, dont 26 ont été adoptés. Il est certain qu’il y a eu beaucoup de témoins, beaucoup de temps pour les questions et beaucoup de débats au sein du comité et dans cette enceinte.

Notre ancien collègue, le sénateur Dawson, a été chargé de piloter ce projet de loi au Sénat, et il a fait un excellent travail en amenant le projet de loi C-11 jusqu’à la fin de l’étape de la troisième lecture. En tant que sénateurs, nous avons fait preuve de diligence raisonnable et avons envoyé nos amendements à l’autre endroit. La plupart ont été acceptés, et d’autres, rejetés. Deux ont été modifiés, puis, comme le veut la tradition, le Sénat s’en remet aux élus de l’autre endroit.

Pour ceux qui disent que nous n’avons pas encore eu le temps de débattre du message reçu de la Chambre des communes, je ne suis pas d’accord. Nous avons passé beaucoup moins de temps à débattre dans des circonstances bien plus compliquées. Lorsque le projet de loi C-69 a été présenté au Sénat, il était tout aussi litigieux, comme certains d’entre vous s’en souviennent peut-être. Comme l’a noté notre ancien collègue Grant Mitchell dans son discours sur le message du 17 juin 2019, « le gouvernement a accepté d’entrée de jeu 62 amendements ainsi que 37 autres avec quelques modifications, pour un total de 99 ».

Un autre sénateur a pris la parole ce jour-là, et le débat a été ajourné. Le 20 juin, le débat a repris avec une heure et demie de discours, une sonnerie de 15 minutes et un vote. C’est tout. En fin de compte, le Sénat a accepté la volonté des élus de l’autre endroit et n’a pas insisté sur ses amendements restants, tout cela en moins de temps que nous le ferons pour débattre de cette motion de fixation de délai.

Si la motion du sénateur Gold est adoptée, je dirais que nous pouvons facilement achever nos délibérations sur ce message dans les six heures à venir. Je serais même étonnée qu’on y consacre toute cette période.

Notre droit de parole n’est pas restreint de façon tangible. Je suis très à l’aise avec la voie que nous choisissons aujourd’hui. Je considère que la fixation de délai est une solution acceptable en l’occurrence, et je voterai en faveur de la motion. Merci.

L’honorable Pamela Wallin [ + ]

Je veux dire quelques mots à propos de la clôture — ou de la fixation de délai dans ce cas-ci — en partie parce que nous sommes rassemblés en tant que groupe, et qu’il y a de nombreux nouveaux membres dans notre groupe et au Sénat. Même si nous mettons la mesure législative de côté pour un instant, je crois qu’il est important de comprendre les principes régissant le fonctionnement de cette assemblée.

Je pense qu’il faudrait présenter les motions de fixation de délai avec prudence et retenue, et seulement quand aucune autre solution n’a fonctionné. La même règle s’applique pour les contestations des décisions réfléchies rendues par le Président du Sénat.

Nous sommes ici ce soir parce que certains d’entre nous ont des opinions arrêtées sur le projet de loi C-11. Je ne considère pas cela comme un enjeu partisan. Ce projet de loi nous touche de manière très personnelle et particulière. J’ai passé la grande partie de ma vie adulte dans le secteur du journalisme et des médias. J’ai des opinions bien arrêtées. Elles ne sont pas partisanes. Vous croyez peut-être, comme le gouvernement le prétend, que cette mesure législative n’est qu’une simple mise à jour de la Loi sur la radiodiffusion. Cependant, pour moi et d’autres, elle représente une menace à la liberté d’expression. Cette opinion ne fait pas de moi une démagogue. J’ai travaillé dans ce domaine, et je comprends le projet de loi en question.

La liberté d’expression n’est pas qu’un slogan. Ce n’est pas seulement la capacité de s’exprimer librement sur une bannière. La liberté d’expression va vraiment dans les deux sens : le droit de parler librement, mais aussi le droit d’entendre un large éventail de points de vue, de s’informer et d’échanger des points de vue possiblement opposés. C’est le cœur d’une démocratie.

Qu’il s’agisse du projet de loi ou du recours à la fixation de délai, la question est un aspect plutôt fondamental du fonctionnement du Sénat. Nous assistons au conflit de deux principes fondamentaux de notre tradition parlementaire. Les gouvernements sont effectivement élus et devraient s’attendre à ce que leur projet de loi soit adopté dans un délai raisonnable. Cependant, lorsque les gouvernements traitent les gens cavalièrement, ils peuvent s’attendre à une résistance. C’est ce qui s’est passé à l’autre endroit pendant l’étude au comité.

La fixation de délai est un peu le rejeton de la clôture, je suppose. C’est un outil que le gouvernement a tout à fait le droit d’utiliser, mais l’opposition a également le droit d’utiliser les outils à sa disposition pour retarder les votes et prendre des pauses d’une heure avant de faire retentir la sonnerie pour que nous votions, aussi agaçant et frustrant que cela puisse être. Cela nous ramène à l’éternel débat sur le rôle du Sénat. Il nous appartient de proposer, voire d’imposer de temps à autre, un second examen objectif, que le gouvernement le veuille ou non. Nous ne sommes pas obligés de nous en remettre à l’autre endroit. C’est un choix que nous ferons au Sénat.

Je dois dire que ce qui m’a particulièrement frappée dans ce débat, c’est le comportement des comités de la Chambre des communes. Le processus a été tout simplement épouvantable. Des débats ont été sommairement interrompus et des motions ont été adoptées en secret. Des débats ont été suspendus et des témoins renvoyés chez eux. L’obligation qui nous incombe dans cette enceinte n’en est que plus forte et plus importante. Donner une voix à ceux qui n’en ont pas eu — c’est notre travail. C’est la définition même du Sénat. C’est l’essence même de notre rôle de parlementaires. Nous ne sommes pas une Chambre secondaire. Nous ne sommes pas quelque chose qui vient simplement s’ajouter au processus qui se déroule à l’autre endroit. Nous avons un rôle à jouer en tant que parlementaires.

Pour beaucoup d’entre nous, ce projet de loi pose problème. Certains d’entre nous le trouvent vraiment offensant. En fin de compte, toutefois, nous nous rendons également compte que le gouvernement fera ce qu’il veut. Ce sera un peu désordonné. Ce n’est certainement pas efficace, mais la démocratie s’exprime de façon désordonnée. Les deux camps des deux Chambres qui débattent doivent tenir compte des conséquences de leurs actions. Si le gouvernement veut que ses projets de loi soient adoptés, il doit s’engager dans la discussion et la négociation. Je n’aime pas le fait que demain les réunions de nos comités seront probablement annulées pour que nous poursuivions le débat. Si vous voulez que votre projet de loi soit adopté, vous devez créer les conditions permettant à nos comités de siéger. L’opposition doit également prendre en compte les conséquences de cette situation.

Un esprit plus vif que le mien a déjà dit, « le premier geste de toute persuasion, c’est d’avoir un objectif clair ».

Ce ne sera pas notre dernier débat controversé au sujet d’un projet de loi, mais nous devons à tous ceux que nous représentons un objectif clair, soit de tenir un débat honnête. Plus important encore, nous leur devons de respecter les points de vue fondamentalement différents des Canadiens et des sénateurs à l’égard de ce projet de loi ou du droit du gouvernement de limiter le débat, car, si l’on ne peut pas offrir aux gens une vision de ce qu’ils devraient faire, on ne pourra jamais les persuader des choses qu’ils devraient éviter de faire. Voilà un défi pour les leaders du Sénat, ainsi que pour chacun des sénateurs. Merci.

Le sénateur Housakos [ + ]

Merci, chers collègues. Je fais écho à tout ce que la sénatrice Wallin a dit de façon si éloquente. Aucun d’entre nous ne prend position en fonction de la politique partisane; nous prenons position pour défendre les Canadiens. Je l’ai dit tout au long du débat sur le projet de loi C-11. Je n’ai jamais caché mes intentions au sujet du projet de loi C-11. Je n’ai jamais caché que je voulais protéger la liberté de parole et protéger ce que les créateurs numériques canadiens peuvent publier et regarder sur Internet. Je préférerais qu’on débatte du contenu du projet de loi ce soir comme je l’ai fait à chaque étape, au lieu d’avoir une discussion sur la fixation de délais avec un leader du gouvernement qui prétend ne pas être un leader du gouvernement, mais plutôt un représentant du gouvernement.

Tout au long du processus, il a dit qu’il ne représente pas le gouvernement, qu’il n’est qu’un indépendant. Vous l’avez dit à plusieurs occasions. Vous prenez un air choqué chaque fois que je dis que vous avez nié être un leader partisan du gouvernement, être un représentant du gouvernement et représenter le Parti libéral du Canada dans cette Chambre. Vous l’avez dit. Vous avez dit que vous n’êtes pas le leader du gouvernement, mais voilà que vous demandez la fixation de délais en utilisant une règle à laquelle seul un leader du caucus du parti libéral au pouvoir au Sénat devrait recourir.

Je tiens à dire clairement que je ne suis pas contre cette motion en particulier. Je pense que c’est un moyen formidable. Je l’ai déjà dit auparavant lorsque j’étais Président, je l’ai dit lorsque j’étais membre du caucus d’un gouvernement majoritaire. Bon nombre d’entre vous ne sont pas membres du caucus d’un gouvernement majoritaire, mais de façon très lucide, vous soutenez tous le gouvernement libéral. Vous le démontrez dans vos propos et vos discours, et surtout dans votre façon de voter. Il n’y a rien de mal à cela.

Ce que le sénateur Plett et bon nombre d’entre nous avons essayé de dire tout au long de la soirée, c’est que nous ne voyons pas d’inconvénient à ce que le gouvernement dise qu’il est le gouvernement. Nous ne voyons pas d’inconvénient à ce que les libéraux disent qu’ils sont libéraux. Ce n’est pas une insulte. Je sais que, ces temps-ci, il est un peu difficile d’admettre qu’on est libéral, mais au bout du compte, c’est un parti qui a une longue histoire dans ce pays. Je ne vois pas pourquoi on userait de faux-semblants en disant qu’on a des allégeances un jour, mais qu’on n’en a pas un autre jour. Au bout du compte, les Canadiens vous jugeront en fonction de votre façon de voter. C’est une réalité indéniable, monsieur le leader du gouvernement.

Il y a toujours de la frustration lorsque nous abordons ce sujet. Je pense que la partie la plus importante de notre travail ici est d’être transparent, de rendre des comptes à la population canadienne, d’exprimer notre opinion et de voter sans ambiguïté.

Nous avons été transparents. Le projet de loi C-11 est un projet de loi terrible, et durant le temps qui nous sera alloué — malheureusement, nous n’aurons que peu de temps — nous exprimerons à nouveau avec clarté les raisons pour lesquelles ce projet de loi est si terrible. Nous avons entendu des témoins et des témoignages expliquant à quel point ce projet de loi est épouvantable. Je comprends que le gouvernement ne veuille pas en parler parce qu’il veut s’assurer que les projets de loi qui ne sont pas populaires soient balayés sous le tapis et qu’ils soient adoptés le plus rapidement possible. Voilà pourquoi les gouvernements ont recours à la fixation de délai.

Sénatrice Saint-Germain, vous parlez de « démocratie ». Or, la vérité, c’est qu’au Sénat, le vote ne reflète aucunement la composition démocratique du pays, je regrette. Prenez par exemple les deux ou trois dernières élections. Le Sénat ne reflétait la composition démocratique du pays à aucune de ces élections. En 2015, le gouvernement libéral a été élu avec une écrasante majorité, et le Sénat a mis quelques années à représenter cette réalité. Grâce aux compromis de l’opposition, cela ne nous a pas empêchés de fonctionner au meilleur de nos capacités. En 2019, les Canadiens ont élu un gouvernement libéral minoritaire. En 2021, le gouvernement actuel a remporté les élections avec 32 % des votes, le pourcentage le plus faible de l’histoire du pays. Par conséquent, sachant que 75 % des sénateurs actuels ont été nommés par le parti au pouvoir, croyez-vous que chaque fois que nous votons sur un projet de loi d’initiative ministérielle, le résultat représente la composition démocratique du pays? Je vous en prie. Le résultat représente la volonté du gouvernement.

Il s’agit d’un aspect important du Sénat. On désigne un leader du gouvernement pour s’assurer de faire progresser les mesures législatives, ainsi qu’un leader adjoint du gouvernement qu’on a maintenant affublé d’un titre qui m’échappe. S’il y a une chose que nous savons, c’est que vous êtes membre d’office des comités. À ce titre, vous venez aux comités pour l’étude article par article des projets de loi afin d’y défendre la position du gouvernement, ce que vous faites très bien, sénateur Gold. Il n’y a rien de mal à cela. Tout comme la plupart des sénateurs que le premier ministre Trudeau a nommés, vous vous sentez obligés de défendre son programme, car vous partagez les mêmes valeurs politiques que lui. Cependant, sénatrice Saint-Germain, la démocratie, au Sénat, s’exprime dans les débats, et non dans le vote. Le vote n’est qu’un aspect mineur du processus, dans le cadre duquel le gouvernement finit par l’emporter, quels que soient les chiffres. C’est dans les débats que la démocratie s’exprime.

Je l’ai appris à la dure, parce que, en 2008, lorsque je suis arrivé ici, je faisais partie d’un caucus conservateur majoritaire de sénateurs nommés par un premier ministre et qui, comme bon nombre d’entre vous, partageaient tous la même vision du monde. Pendant quelques années, les sénateurs Mercer et Dawson et la sénatrice Fraser me frustraient, et je me demandais sans cesse pourquoi, avec seulement 30 %, ils pouvaient nous dire ce que nous pouvions et ne pouvions pas faire. Nous sommes le gouvernement. Passons au vote. Assez, passons à autre chose. Ce n’est pas cela la démocratie.

J’ai appris au fil des années en discutant avec des gens comme le sénateur Lowell Murray et le sénateur Serge Joyal — ces noms vous disent quelque chose? —, des monuments de la démocratie parlementaire, et ils m’ont dit : « Vous savez, sénateur, je comprends, vous êtes assis dans la troisième rangée et il y a 60 conservateurs et vous en avez assez, mais nous parlons au nom des parties intéressées et des Canadiens, et, ce qui compte le plus, c’est que nous reconnaissons que, en démocratie, le pouvoir corrompt, mais que le pouvoir absolu corrompt absolument. »

Évidemment, c’est naturel pour le premier ministre Trudeau d’être assis dans son bureau de l’édifice Langevin, comme le faisait le premier ministre Harper en 2014, et de se demander : « Pourquoi les sénateurs retardent-ils mes dossiers? Allez ouste, qu’ils accélèrent la cadence pour qu’on en finisse. » Savez-vous pourquoi les sénateurs retardent les dossiers? Peu importe s’il s’agit de mesures législatives comme le projet de loi C-377, auquel vous avez fait référence en parlant de la décision que j’avais rendue quand j’étais Président, ou des travaux que nous exécutons au nom des intervenants. Les sénateurs parlent au nom de millions de Canadiens qui veulent s’exprimer. La valeur de cette institution prend tout son sens quand, chaque jour de la semaine, quelques centaines ou quelques milliers de Canadiens pensent que des personnes dans cette enceinte défendent leurs intérêts.

On ne peut mesurer cela. Le baromètre pour ce type de démocratie ne se limite pas à 70 votes, sénateur Gold. Il pourrait y avoir seulement 15 votes, mais ils représentent des millions de voix. Alors, en ce qui concerne l’argument selon lequel nous devons faire avancer la démocratie, cette dernière prend diverses formes, surtout dans une Chambre élue. Je tiens à rappeler à toutes les personnes présentes que nous marchons sur un terrain très glissant aux yeux du public canadien et que nous le faisons depuis très longtemps parce qu’il remet en question la pertinence de notre institution.

On ne peut pas prétendre qu’il y avait un consensus autour du projet de loi C-11, ni que tout était clair. Il reste encore beaucoup d’incertitudes et le Sénat a une obligation à cet égard, mais pas dans une optique partisane. Oui, je sais, sénateur Gold, que l’autre endroit est immensément partisan, mais il nous incombe de ne pas l’être nous aussi. Vous croyez que nous le sommes, je le sais, parce que nous insistons constamment pour que le gouvernement écoute la voix de la raison, mais nous n’agissons pas ainsi à la demande de Pierre Poilievre. Nous agissons ainsi à cause des milliers de gens que je rencontre au quotidien.

J’irai à Toronto la fin de semaine prochaine. J’y animerai des tables rondes à propos du projet de loi C-11. Je vous invite à venir avec moi et à rencontrer des groupes de Canadiens. Ces gens ne sont pas membres du Parti conservateur. Ce sont de jeunes Canadiens préoccupés par la liberté d’expression et de parole, par les changements qui seront apportés aux algorithmes, par la façon dont on manipulera les plateformes dont ils se servent pour communiquer, et par les raisons de tous ces changements, leurs coûts et leurs conséquences. Nous débattrons aussi de ces questions pendant les quelques heures que vous nous avez allouées cette semaine.

Honorables sénateurs, un autre élément important est que, chaque fois que le leader du gouvernement prend la parole, il utilise des mots pour qualifier le gouvernement Trudeau de « curatif » et de « progressiste ». Vous ne vous en rendez peut-être même pas compte, mais vous avez parlé tout à l’heure de l’action du gouvernement Trudeau comme étant curative, vous avez dit essentiellement qu’il accomplissait l’œuvre de Dieu en ce qui concerne le projet de loi C-11, et que nous devions poursuivre dans cette voie. Je vous invite à écouter l’enregistrement. Dans le même souffle, vous avez dit que l’opposition faisait de l’obstruction et abusait de ses pouvoirs.

Si c’est là le point de départ d’un débat juste et ouvert dans une institution comme celle-ci — quand le gouvernement nous accuse d’inconvenance et affirme que nous faisons de l’obstruction et que nous sommes partisans — ce sont les termes que vous utilisez dans votre allocution quand vous vous adressez à nous. Le gouvernement, lui, est curatif et merveilleux, mais nous faisons obstruction à la démocratie dans sa forme la plus aboutie. C’est à ce moment que la frustration monte. Nous consacrons plus de temps à ce genre de discussion qu’au contenu même du projet de loi, monsieur le leader du gouvernement. Évidemment, c’est à ce moment que la frustration se fait sentir.

Je tiens simplement à réaffirmer que je n’ai pas de problème avec la prémisse de la motion, tant que l’on s’y prend de manière honnête et transparente. Inscrivez-vous en tant que leader du gouvernement. Constituez votre groupe parlementaire. Vous n’avez besoin que de neuf personnes; je pense que vous trouverez neuf personnes qui admettront être libérales. Merci.

L’honorable Tony Dean [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion de fixation d’un délai pour le projet de loi C-11. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’agit d’une journée extraordinaire au Sénat. Pourtant, à certains égards, c’est du pareil au même.

Je commencerai par dire que je soutiens la motion. Nos collègues conservateurs — et ce sont nos collègues — ont une fois de plus exposé à peu près tout ce qu’ils n’aiment pas d’un Sénat indépendant. En outre, il est devenu de plus en plus évident, au fil des jours, que nos collègues conservateurs auraient été heureux de voir ce projet de loi tomber à l’eau. Je ne suis certainement pas du même avis.

« Nous aurions dû changer le Règlement », nous a-t-on dit aujourd’hui. Eh bien, nous avons essayé, et nous avons été confrontés à un barrage d’obstacles. Il fallait s’y attendre, car nos amis conservateurs ont trouvé tous les moyens possibles pour faire échouer cette tentative au Comité du Règlement. Ils aiment le monde tel qu’il est, et je les comprends. C’est le propre d’un conservateur et d’un réfractaire au changement.

Nos collègues conservateurs ont fait valoir que le représentant du gouvernement au Sénat n’avait pas le pouvoir de proposer la fixation d’un délai parce qu’il est un sénateur non affilié; il n’est pas membre d’un parti politique. Ils préféreraient voir un bureau du représentant du gouvernement dépourvu de tout pouvoir, tout en conservant, à leur convenance, tous les pouvoirs qu’ils ont pour retarder les choses. Ce serait très pratique, en effet, n’est-ce pas? C’est ce que nous avons entendu aujourd’hui.

Personne ne s’étonne que nos collègues conservateurs ne soient pas étrangers à la fixation de délai, et on en a déjà parlé. Cette mesure a été adoptée pour la première fois au Sénat en 1991. Depuis, elle a été utilisée 68 fois. Au cours de la 41e législature, sous le gouvernement conservateur précédent, un préavis de motion de fixation de délai a été donné 24 fois au Sénat. À deux reprises, l’avis a été retiré. Par conséquent, les sénateurs conservateurs ont eu recours à la fixation de délai 22 fois au cours de la 41e législature.

Le sénateur Gold a souligné certaines des motions de fixation de délai les plus audacieuses et les plus expéditives des conservateurs, et elles concernaient des projets de loi très importants. Il s’agissait notamment du projet de loi C-23, la Loi sur l’intégrité des élections, qui proposait des changements radicaux à la Loi électorale du Canada, et du projet de loi C-51, la Loi antiterroriste de 2015, qui élargissait les pouvoirs de l’État, de la police et de la sécurité nationale, tout en sapant les libertés civiles et les droits démocratiques. Ces deux projets de loi ont été contestés en vertu de la Charte après leur adoption rapide.

Pour nos collègues conservateurs, c’était comme d’habitude. Je trouve donc un peu fort que nos collègues aient entendu raison, du moins temporairement, en accusant le gouvernement de clore le débat sur un projet de loi qui, comme nous l’avons déjà entendu, est à l’étude au Parlement depuis deux ans, a été analysé par 142 témoins et a bénéficié d’un temps considérable pour les débats et les délibérations, et qui était une promesse lors de la dernière campagne électorale. Il est de notre devoir, en tant que sénateurs, de veiller à ce que le projet de loi puisse faire l’objet d’un vote final.

C’est de toute évidence la première fois en sept ans que le représentant du gouvernement a recours à la fixation de délai. On nous a dit que cette motion a suivi de nombreuses tentatives de conclure une entente, de négocier et de passer au vote final sur le projet de loi. La fixation de délai est une voie qui n’était souhaitée par personne, mais, après un examen approfondi, le représentant du gouvernement a évidemment décidé, comme il en a le droit, qu’il était justifié de soumettre le projet de loi au vote en utilisant l’outil qui est à sa disposition : la fixation de délai. Nous savons, et le Président l’a confirmé ce soir, que cette façon de faire est admissible conformément au Règlement.

Nous avons entendu que le projet de loi C-11 est la mesure législative la plus débattue de l’histoire canadienne. Par conséquent, aucun d’entre nous ne peut raisonnablement dire que nous n’avons pas eu suffisamment de temps pour l’étudier. Nos collègues à la Chambre ont parlé longuement des objectifs clairs du projet de loi, ainsi que des détails techniques sur la façon dont la mesure législative créera de nouvelles exigences réglementaires pour les diffuseurs traditionnels du Canada et les plateformes de réseaux sociaux en ligne. Nous avons appris, chers collègues, tout ce que nous pouvions, et il est temps de soumettre le projet de loi à un vote final.

De toute évidence, il importe, dans n’importe quel contexte, d’équilibrer les règles. Certaines règles ont mené à un Sénat improductif et divisé par des conflits, où la capacité de l’opposition officielle de retarder indéfiniment la progression des projets de loi — en demandant un ajournement — est contrebalancée théoriquement par la capacité du gouvernement de recourir à la fixation de délai, tout en coupant court aux débats sur les projets de loi. Dans le pire des cas, notre Règlement permet à un seul sénateur de retarder l’adoption d’une mesure législative pendant des mois et — comme nous l’avons vu dans certains cas — pendant des années, en empêchant le Sénat de tenir un vote à son sujet. Nous en avons vu de nombreux exemples.

Ce soir, il est clair encore une fois que les sénateurs conservateurs sont mécontents depuis le début du passage à un Sénat plus indépendant et moins partisan. Ce n’est pas surprenant, n’est-ce pas?

Aujourd’hui, nous avons entendu le sénateur Plett — je suis content que vous trouviez cela si amusant — continuer de se lamenter sur la perte du duopole, à savoir l’époque où les libéraux et les conservateurs se relayaient au pouvoir. Or, nous avons dû plaider notre cause, et nous avons dû négocier — lorsque nous sommes arrivés ici comme sénateurs indépendants — pour obtenir des bureaux, des ressources, des sièges au comité et, à plus long terme, un traitement plus équitable dans la réglementation complexe de cette assemblée. Rien n’a été facile pour nous. Évitez donc de nous conseiller de modifier le Règlement si nous ne sommes pas contents.

Et ce n’est pas tout. Nous sommes arrivés dans un Sénat encore sous le choc d’un rapport cinglant du vérificateur général concernant des dépenses scandaleuses, des problèmes d’éthique, le manque total de responsabilisation de la structure de direction de l’administration sénatoriale et un climat d’inquiétude concernant le harcèlement sexuel. Voilà le contexte dans lequel nous sommes arrivés.

Les sénateurs indépendants se sont attaqués un à un à ces problèmes qui existaient et qui avaient été ignorés depuis trop longtemps. La recommandation portant sur l’importance de mettre en place une vérification indépendante a été prise en compte, ce qui n’avait que trop tardé. Nous nous sommes battus avec acharnement et avons réussi à faire adopter une politique beaucoup plus stricte en matière de harcèlement sur le lieu de travail, malgré des retards et une opposition considérables. Le Sénat est aujourd’hui plus sain et plus efficace.

Ainsi, chers collègues, alors que certains ici déplorent l’ancien duopole, il est évident qu’ils préfèrent l’ancienne politique intransigeante. Soit dit en passant, je ne crois pas un instant que les dernières années du gouvernement de Stephen Harper aient été une période faste, pleine de douceur et de lumière, pour les libéraux de l’opposition dans cette assemblée. Je pense que mon constat est assez juste.

Permettez-moi de conclure en disant que, comme d’autres sénateurs indépendants, je suis heureux de ne pas avoir à recevoir d’instructions de Pierre Poilievre ni de Justin Trudeau. Je ne voudrais pas qu’il en soit autrement. Je travaille avec mes collègues pour faire le meilleur travail possible pour les Canadiens, en adoptant une approche politique plutôt qu’une approche politicienne.

Ma dernière observation est que j’ai beaucoup de respect pour mes collègues de tous les caucus et de tous les groupes du Sénat. Nous pouvons accomplir de grandes choses si nous collaborons plus efficacement.

La nature oppositionnelle de certaines observations que nous avons entendues au cours des derniers mois et des dernières années — ainsi que ce soir — me dit que nous avons du chemin à faire avant d’y arriver, mais je crois tout de même que cela vaut la peine. Merci, chers collègues.

Le sénateur Housakos [ + ]

Le sénateur Dean accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Dean [ + ]

Non.

Le sénateur Housakos [ + ]

Il a peur.

L’honorable Diane Bellemare [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole sur la motion tendant à fixer un délai pour l’étude de la motion, telle que modifiée, pour répondre au message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-11. Tout d’abord, je suis très impressionnée par les débats éloquents des sénateurs.

Je compte voter en faveur de cette motion tendant à fixer un délai. C’est une journée historique sur le chemin vers la modernisation du Sénat, vers un Sénat moins partisan. J’en dirai un peu plus ultérieurement pour répondre aux commentaires de mes collègues conservateurs.

Aujourd’hui, nous avons, en quelque sorte, brisé un plafond de verre dans notre processus de modernisation du Sénat. Nous nous prononçons sur une motion tendant à fixer un délai dans le contexte d’un Sénat où siègent quatre groupes, en plus du représentant du gouvernement. Cette situation est tout à fait nouvelle. Auparavant, on adoptait des motions tendant à fixer un délai alors que deux groupes seulement siégeaient au Sénat depuis toujours, soit les conservateurs et les libéraux. L’un des deux partis détenait toujours la majorité et, ainsi, la motion tendant à fixer un délai était adoptée dans le but d’accélérer le débat.

À l’époque, les deux caucus étaient affiliés à leur parti et avaient des réunions avec leur parti. Pour le gouvernement, l’objectif était d’essayer que ses projets de loi soient adoptés ici, ou qu’ils soient étudiés, mais assez rapidement. Maintenant, avec plusieurs groupes, on ne peut pas aller aussi rapidement. Ce n’est pas facile pour un gouvernement d’imposer sa volonté. Je pense que c’est la différence entre le Sénat d’aujourd’hui et le Sénat d’hier. Dans le Sénat de la 41e législature et avant, puisque le gouvernement détenait souvent la majorité dans les deux Chambres, il pouvait imposer sa volonté, et le seul moyen pour le parti de l’opposition de faire valoir son point, c’était d’utiliser des procédés dilatoires. Conséquemment, la motion de fixation de délai était là pour empêcher ces mesures dilatoires.

Dans le contexte actuel, tout a changé, et je pense que tant qu’il y aura des groupes au Sénat qui utiliseront des stratégies avec leurs collègues de l’autre endroit, il est fort possible que des mesures dilatoires soient utilisées. Le chapitre 7, qui traite des motions de fixation de délai, est un outil éminemment important pour régler cette question de mesures dilatoires, qui sont si frustrantes, parce qu’elles nuisent au débat. Elles nous empêchent aussi de jouer notre rôle de second examen objectif et de tenir des votes.

Aujourd’hui, grâce à la décision du Président, qui a été appuyée par tout le monde, on a brisé un plafond de verre. Cela ne veut pas dire qu’on utilisera souvent cette pratique. Je ne crois pas que le représentant du gouvernement au Sénat et sa petite équipe ont intérêt à le faire, parce que cela ne passera pas nécessairement, étant donné le nombre de groupes. Donc, la motion de fixation de délai sans accord sera utilisée tant qu’il y aura des mesures dilatoires.

Toutefois, si tous les groupes travaillent dans le but d’exercer réellement leur rôle de second examen objectif, peut-être qu’un jour on utilisera non pas l’article 7-2, mais l’article 7-1, qui traite de la fixation de délai avec accord, pour dire qu’on a assez discuté. Puisqu’il n’y a pas de limite, on pourra prendre le temps nécessaire. Notre imagination permettra de tenir des débats ordonnés, comme on l’a fait pour l’aide médicale à mourir, pour le projet de loi sur la légalisation du cannabis et pour d’autres projets de loi.

Mon intervention vise simplement à souligner ce point, surtout pour les nouveaux sénateurs qui se demandent peut-être dans quoi ils sont tombés. Je pense qu’aujourd’hui, c’est une journée importante, mais je ne crois pas que cette pratique sera utilisée très souvent.

Je vais donc voter en faveur de la motion. Merci.

L’honorable Claude Carignan [ + ]

J’aimerais dire quelques mots seulement, compte tenu de l’heure tardive, pour préciser certains points. Le premier est que l’on fait grand cas du fait que c’est la première fois qu’on utilise une motion de fixation de délai depuis que le gouvernement Trudeau est au pouvoir. Je voudrais souligner que la raison de cela est assez simple : c’est parce que le Règlement ne le permet pas. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas eu de motion de fixation de délai auparavant, simplement parce que le Règlement est assez clair à ce sujet. Je comprends qu’aujourd’hui, au moyen d’une manœuvre, le sénateur Gold a décidé d’en faire une motion, mais il reste que le Règlement est très clair.

Deuxièmement, on a également fait grand cas de l’utilisation de la fixation de délais pour des projets de loi. Nous en sommes à l’étape de la réponse au message de la Chambre des communes, une étape on ne peut plus finale pour un projet de loi — ce que l’on voit plutôt rarement, d’ailleurs. Ce n’est pas souvent arrivé dans l’histoire qu’il y a eu un message à la Chambre des communes avec des amendements, qui est revenu au Sénat et avec une réplique par la suite.

De mémoire, je n’ai jamais vu la motion de fixation de délai utilisée à l’étape de la réponse au message de la Chambre des communes. On a parfois invoqué l’article 7-1 du Règlement sur un projet de loi, sur des amendements ou à l’étape des différentes lectures, mais je n’en ai jamais vu sur un message des Communes.

C’est assez décevant, parce que ce débat se déroulait quand même assez bien, au-delà de la question de savoir si on a pris trop de temps ou pas assez. Le sénateur Gold a mentionné qu’il avait conclu une entente avec les leaders et que le projet de loi devait être adopté avant le 10 ou le 11, mais cela n’a pas été fait.

Heureusement, d’ailleurs, parce que le débat a continué et que des amendements ont été proposés — des amendements qui venaient de l’autre groupe. Je ne sais plus comment l’appeler, car il y a plusieurs groupes avec des noms différents. Il m’arrive de me tromper, mais ils ont tous des couleurs qui ressemblent à la Chambre du Sénat. Ces amendements ont été adoptés et renvoyés à l’autre endroit, et la majorité de ces amendements ont été acceptés. Le débat n’a donc pas été futile; le fait qu’il ne se soit pas tenu à l’intérieur du délai initial prévu par le leader du gouvernement a permis de poursuivre le débat et de proposer des amendements qui ont été acceptés par la Chambre des communes.

Même si je ne suis pas d’accord sur le fait que d’autres amendements auraient pu être proposés, le débat s’est quand même déroulé de bonne façon, ce qui a amené des améliorations au projet de loi. De plus, même si je trouve qu’il aurait eu besoin d’autres amendements, il reste qu’un consensus se fera par le vote. Je suis triste qu’on en arrive là à la toute fin de ce processus. Nous sommes à l’étape du message, tout se passait bien, on avait un certain succès — pas moi, comme conservateur qui ne suis évidemment pas d’accord avec le projet de loi dans sa totalité —, mais au moins le processus était complet, respectueux, et il a permis de faire des améliorations au projet de loi, dont plusieurs ont été acceptées par la Chambre. On arrive à la toute fin, lorsqu’on est presque à la ligne d’arrivée et là, on fait un croc-en-jambe au coureur; on le fait tomber. On arrête de courir, c’est ici que la course s’arrête. Je trouve que c’est une fin disgracieuse pour un processus qui s’est quand même fait dans les règles de l’art.

La sénatrice Bellemare a parlé de manœuvres dilatoires. Je vous invite à lire l’ouvrage de Serge Joyal sur le Sénat. Le pouvoir du Sénat d’adopter une motion de fixation de délai est un acte important pour s’assurer que le débat est complet dans le contexte du processus qui se fait ici, dans cette Chambre.

Je trouve malheureux que l’on termine tout ce processus avec une fixation de délai sur un projet de loi qui touche particulièrement la liberté d’expression, au moment où l’on était à quelques jours de clore ce débat, et que le leader du gouvernement utilise une motion de fixation de délai pour répondre au message à la Chambre des communes. Je trouve cela triste, et c’est la première fois que je vois une fixation de délai à cette étape. Je crois que ce n’était pas le moment idéal pour créer ce précédent.

Encore une fois, Votre Honneur, je pense qu’on doit malgré tout être respectueux des règles et respectueux entre nous, mais c’est une fin décevante à ce processus, qui avait été quand même exemplaire jusqu’à maintenant.

L’honorable Peter M. Boehm [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole à cette heure tardive non pas pour offrir une analyse révolutionnaire au sujet, bien débattu, de la fixation de délai, mais simplement pour faire part de mon opinion, à l’instar d’autres collègues.

Ce débat a été controversé et parfois houleux, tout comme le débat sur le projet de loi C-11, en général. Bien que le recours à la fixation du délai suscite bien des désaccords, il est évident que tous les sénateurs agissent dans ce qu’ils estiment être l’intérêt des Canadiens.

J’appuie la motion. Je ne suis pas d’accord pour dire que le gouvernement étouffe le débat, car les faits n’appuient tout simplement pas cette affirmation. Chers collègues, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a fait un travail extraordinaire relativement au projet de loi C-11. Son étude a été longue et exhaustive. Rien qu’au Sénat, le projet de loi C-11 a fait l’objet d’une étude préalable amorcée le 31 mai l’an dernier, puis, à compter du 25 octobre 2022, le Comité des transports et des communications a tenu 31 réunions et consacré 67,5 heures à son étude, au cours de laquelle il a entendu 138 témoins. En plus du nombre incroyable de témoins qui ont comparu devant lui, le comité a reçu 67 mémoires au sujet de ce projet de loi. Sur les 31 réunions qu’il a tenues, 9 ont été entièrement consacrées à l’étude article par article, qui s’est amorcée le 23 novembre dernier.

Pendant l’étude article par article, 73 amendements ont été proposés, dont 26 qui ont été adoptés concernant 11 articles. Treize sous-amendements ont été proposés et deux ont été adoptés; il y a également eu huit votes par appel nominal.

Ayons une pensée pour les greffiers et du personnel des comités qui ont courageusement géré tout cela. Chers collègues, ces chiffres ne mentionnent même pas les huit jours au total pendant lesquels des débats ont eu lieu au sujet des messages échangés entre le Sénat et la Chambre des communes du 2 février au 19 avril de cette année.

Il y a, bien sûr, tout le travail accompli par le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes. Le comité a reçu 80 témoins lors de 12 réunions, pour un total de 32 heures, à partir du moment où il a entrepris son étude, le 24 mai 2022, et il a débattu d’une centaine d’amendements au cours des trois séances de son étude article par article, lancée le 14 juin de l’année dernière. Le comité a également reçu 52 mémoires. Chers collègues, je parle uniquement de ce qui concerne le projet de loi C-11.

Évidemment, une étude complète avait également été menée lors de la législature précédente au sujet du prédécesseur du projet de loi C-11, le projet de loi C-10, par le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, et le Sénat avait entamé le débat à l’étape de la deuxième lecture avant la dissolution de la 43e législature.

Le Sénat a consacré plus de temps au projet de loi C-11 — cela a été répété par tout le monde — qu’à toute autre mesure législative dans ses 156 années d’existence.

Bien honnêtement, chers collègues, que pourrais-je dire de plus? Le Sénat, et surtout les membres du Comité des transports et des communications, s’est dépassé dans l’accomplissement de son travail. Le comité a écouté et il a débattu, tout comme le Sénat. Soutenir que le gouvernement étouffe le débat, ce n’est tout simplement pas vrai.

C’est la première fois que le gouvernement impose la fixation du délai au Sénat depuis le début de la quarante-deuxième législature en décembre 2015, il y a près de sept ans et demi. Cependant, lors de la quarante et unième législature, sous le gouvernement précédent, on a imposé la fixation du délai 21 fois en moins de quatre ans. Il semblerait que l’appui de la fixation du temps dépend du côté du Sénat où l’on siège.

Chers collègues, je termine en réitérant que la fixation du temps est appropriée dans la situation actuelle, où le projet de loi dont nous sommes saisis a fait l’objet d’un débat approfondi, et où son principe a été débattu au cours de deux différentes législatures. Il ne reste plus rien à dire sur ce projet de loi qui n’a pas déjà été dit plusieurs fois. Je vous remercie, chers collègues.

Son Honneur le Président [ + ]

Sénateur Carignan, voulez-vous poser une question?

Le sénateur Carignan [ + ]

Oui.

Le sénateur Boehm [ + ]

Non, merci, sénateur Carignan.

Le sénateur Carignan [ + ]

Ce n’est pas à la hauteur de votre...

L’honorable Denise Batters [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion du gouvernement visant à invoquer la fixation de délai sur le débat du Sénat concernant le message de la Chambre des communes sur le projet de loi C-11. Comme vous l’avez entendu tout au long de ce débat, les amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-11 sont le fruit d’un processus rigoureux d’étude au comité. Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a entendu près de 70 heures de témoignages de 140 témoins, et a reçu 67 mémoires supplémentaires. Le comité a étudié cette question avec rigueur.

Depuis que nous avons reçu le message de la Chambre des communes sur le fruit de l’étude du comité, nous avons pu en débattre pendant seulement six heures avant que le sénateur Gold ne donne avis de l’intention du gouvernement d’invoquer la fixation de délai. Depuis des années, les leaders du gouvernement au Sénat, à commencer par le sénateur Harder, puis le sénateur Gold, se vantent du mépris du gouvernement pour la fixation de délai et du fait qu’il n’est pas nécessaire d’y avoir recours. Par conséquent, comment se fait-il que le gouvernement décide maintenant d’invoquer la fixation de délai?

Après presque huit ans au pouvoir, il est consternant de voir le gouvernement Trudeau décider d’imposer la fixation de délai pour la première fois au Sénat, dans le cadre du projet de loi C-11. En agissant ainsi, le gouvernement Trudeau cherche à censurer le débat sur un projet de loi de censure.

Honorables sénateurs, l’ironie de la situation n’échappe pas aux Canadiens. Les Canadiens ont grandement perdu confiance dans le gouvernement Trudeau tandis que le projet de loi franchissait les étapes du processus parlementaire. La réaction des Canadiens a été rapide et furieuse, car les citoyens, en particulier les jeunes, n’apprécient pas la tentative du gouvernement d’interférer avec le contenu auquel les Canadiens peuvent accéder et celui qu’ils peuvent produire en ligne.

Honorables sénateurs, je sais que vos boîtes de réception de courriels et vos boîtes vocales sont comme les miennes : elles débordent de courriels et d’appels de Canadiens opposés au projet de loi C-11. C’est parfois accablant, mais cela montre bien que de nombreux Canadiens comprennent que le projet de loi menace leur liberté d’accès à l’information et leur liberté d’expression. Des gens, en particulier des jeunes, m’arrêtent régulièrement pour me faire part de leur opposition au projet de loi, tant des conservateurs que de nombreuses personnes qui ont voté précédemment pour le gouvernement Trudeau et des personnes qui ne s’étaient jamais intéressées à la politique auparavant.

Les producteurs nationaux de contenu en ligne du Canada — musiciens, artistes et influenceurs — sont largement unis contre le projet de loi en raison des implications négatives de sa limitation de leur portée en ligne et de la perte d’une partie de leur gagne-pain qui en découle.

La fixation de délai est l’une des procédures parlementaires les plus politiques. De nombreux sénateurs dans cette enceinte affirment être indépendants et dépourvus d’affiliation partisane, mais ils finissent par faire volte-face et voter en faveur du recours à la guillotine législative sur le projet de loi C-11 dans le simple but d’appuyer le gouvernement Trudeau.

Honorables sénateurs, ne soyez pas dupes. La fixation du délai n’est qu’un outil très brutal du gouvernement pour couper court au débat et imposer son programme au Parlement.

Dans cette enceinte, l’un de nos rôles en tant que sénateurs est de préserver les droits et les intérêts des minorités qui risquent d’être bousculées dans une Chambre des communes élue selon le principe de la représentation par population. En quoi l’imposition de la fixation du délai est-elle conforme à cette aspiration, honorables sénateurs? Je soutiens qu’elle fait fi des intérêts des minorités que les sénateurs ont juré de protéger.

Pourquoi le gouvernement Trudeau insiste-t-il autant pour que le projet de loi C-11 soit adopté par les deux Chambres du Parlement le plus tôt possible? Le moment choisi est peut-être curieux, mais il n’est pas difficile à comprendre. Le Canada est au cœur d’une crise nationale de l’abordabilité. En effet, les Canadiens éprouvent des difficultés à se procurer les produits de première nécessité, comme un toit au-dessus de leur tête et de la nourriture sur leur table. Pendant ce temps, le gouvernement Trudeau a augmenté le coût de la bureaucratie de 50 %, tout en se retrouvant mêlé à la plus grande grève de la fonction publique de l’histoire du Canada, ce qui n’a pu être accompli que par ses gestionnaires financiers les plus incompétents.

Une fois que le projet de loi C-11 aura été adopté, je soupçonne que le gouvernement Trudeau aura tôt fait de demander la prorogation du Parlement pour tenter de calmer le jeu et détourner l’attention des nombreux scandales auxquels il est mêlé — et il y en a vraiment beaucoup, honorables sénateurs.

Il y a d’abord et avant tout, bien sûr, le scandale de l’ingérence présumée de Pékin dans les élections, qui continue de talonner le premier ministre Trudeau, comme une mauvaise odeur. Le pétrin dans lequel la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau, de sa famille, s’est empêtrée est lié à cette question. On nous dit un jour que le premier ministre n’a aucun lien avec cette fondation depuis 10 ans même si son frère a signé l’entente pour un don discutable qui pointe directement vers le gouvernement communiste chinois. En fait, vous pourriez être tentés d’accorder au premier ministre le bénéfice du doute jusqu’à ce que vous lisiez dans le journal que son cabinet a organisé une rencontre entre la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau et des hauts fonctionnaires du gouvernement dans le Cabinet même du premier ministre.

On dirait que chaque jour apporte plus de mauvaises nouvelles pour le premier ministre, et nous savons que répondre de son comportement n’est pas en tête de sa liste de priorités. La prorogation présente l’avantage de tenir le premier ministre bien à l’écart des questions embêtantes et indiscrètes de l’opposition et des médias sur la Colline du Parlement. Au lieu de cela, il peut se cacher, bien à l’écart, en attendant que son rapporteur spécial révèle, comme par magie, juste avant la longue fin de semaine de mai, que — surprise — il n’est pas nécessaire de lancer une enquête publique sur l’ingérence étrangère de Pékin, alors le premier ministre est libre de se rendre dans autant de villas luxueuses au bord de la mer qu’il voudra, à 9 000 $ par nuitée. Surfons!

Entretemps, le projet de loi C-11 ayant été adopté à toute vapeur au Parlement, le long bras du gouvernement Trudeau lui permettra de manipuler et d’influencer les informations que les Canadiens voient ou produisent en ligne, juste à temps pour de nouvelles élections. Quel beau hasard!

Honorables sénateurs, vous n’avez pas à offrir une couverture politique au premier ministre Trudeau en adoptant ce projet de loi. Notre Sénat a présenté 26 amendements très solides et raisonnables au sujet du projet de loi C-11 après des semaines d’un examen minutieux, de recherches et de témoignages d’experts. Qu’a fait la majorité libérale-néo-démocrate à la Chambre des communes de ces amendements? Elle en a effectivement accepté 20 sur 26, ce qui peut sembler être une victoire, jusqu’à ce qu’on y regarde d’un peu plus près et que l’on constate qu’elle a rejeté certains des amendements les plus importants, dont celui prévoyant l’exemption du contenu généré par les utilisateurs proposé par la sénatrice Miville-Dechêne et la sénatrice Simons, toutes deux nommées par Trudeau et provenant du groupe le plus important au Sénat.

Le gouvernement Trudeau a adopté le projet de loi amendé puis l’a renvoyé au Sénat, où nous devons encore une fois faire un choix. Le gouvernement refuse toujours de protéger le contenu généré par les utilisateurs dans le projet de loi actuel, insistant plutôt sur le fait qu’ajouter une promesse à cet effet dans le libellé de la motion fera l’affaire. Cette motion est la suivante :

Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [...]

Honorables sénateurs, je ne suis pas née de la dernière pluie. J’ai vu les promesses libérales du premier ministre Trudeau aller et venir. Vous souvenez-vous de la réforme électorale, de la plantation de 2 milliards d’arbres, de l’eau potable dans toutes les réserves et d’une taxe sur le carbone plafonnée à 50 $ la tonne? C’est bizarre comme toutes ces promesses se sont tout simplement évaporées. Ce sera également le cas pour celle-ci.

Le gouvernement Trudeau veut que les sénateurs et, par le fait même, les Canadiens lui accordent toute leur confiance. Un peu de la même façon que le leader du gouvernement au Sénat a consulté notre leader avant de déclarer qu’une promesse avait été brisée et de proposer une motion de fixation de délai. S’agit-il de ce type de confiance? Il n’y a aucune raison de croire que cette promesse libérale sera respectée plus que toutes les autres promesses auxquelles les libéraux n’ont pas donné suite.

Les libéraux ont précipité la préparation de ce message à l’autre endroit, et ils veulent maintenant faire la même chose au Sénat en imposant une motion de fixation de délai. Honorables sénateurs, c’est votre chance de prouver votre indépendance. Nous avons la possibilité et l’obligation de prendre notre temps pour le bien de tous les Canadiens qui accordent de la valeur à la liberté de pensée et d’expression. Si ceux d’entre vous qui ont été nommés par le premier ministre Trudeau votent selon la volonté du gouvernement pour mettre fin au débat, alors soyez assurés que cela sonnera la mort du Sénat indépendant de Trudeau. Vous détenez la majorité dans cette enceinte, alors c’est à vous de trancher. J’espère que vous ferez un choix judicieux. Merci.

Son Honneur le Président [ + ]

Voulez-vous prendre la parole ou poser une question, sénatrice Audette?

L’honorable Michèle Audette [ + ]

J’aimerais poser une question à la sénatrice Batters.

Son Honneur le Président [ + ]

Vous avez droit à une minute.

La sénatrice Audette [ + ]

Avec plaisir. Je suis très fatiguée. Sénatrice Batters? Non? D’accord. C’est la démocratie.

L’honorable Frances Lankin [ + ]

Honorables sénateurs, j’ai écouté très attentivement la discussion de ce soir. Il s’agissait parfois d’une discussion claire sur le bien-fondé du recours à la fixation de délai à cette étape-ci, et parfois d’échanges sur la réforme du Sénat, la direction que nous avons prise ou celle que nous devrions prendre. Il reste assurément beaucoup de divergences d’opinions. J’espère que nous poursuivrons ces discussions jusqu’à pouvoir imaginer, peut-être, une voie que nous pourrons suivre ensemble.

Je tiens à dire que tous les discours que j’ai écoutés ce soir contenaient des éléments avec lesquels j’étais d’accord. Par contre, je n’étais pas du même avis que les sénateurs à propos de certains points.

Étant donné mon tempérament, je ne peux pas garder le silence quand le sénateur Plett dit certaines choses — tout comme il ne peut pas se taire quand je dis certaines choses — ce qui a du bon des deux côtés de la Chambre. Toutefois, je trouve particulièrement difficile de ne pas réagir quand l’opposition présente son comportement comme méritoire en disant qu’elle ne fait que parler au nom des Canadiens. Nous parlons tous au nom des Canadiens. Certains Canadiens ont des points de vue polarisés à propos du projet de loi à l’étude et d’autres mesures.

C’est le cas des deux côtés. Je le dis aussi bien pour le bureau du représentant du gouvernement que pour l’opposition. Il n’y a pas de monopole lorsqu’il s’agit de représenter le point de vue des Canadiens. Les gens d’en face nous manifestent un profond mépris; ils disent douter de notre indépendance et ils nous taxent de partisanerie. Cela répondrait à leurs préoccupations quant à la perte du statut d’opposition officielle dans un Sénat réformé. Nous savons que ces choses sont en jeu, mais toutes les personnes présentes sont ici pour faire entendre les voix des Canadiens.

Comme on l’a dit, votre tâche consiste à faire connaître et à mettre en évidence les points de vue des Canadiens qui ne sont pas entendus dans le cadre d’autres processus. Cela ne signifie pas que nous adhérions nécessairement à tout ce que ces voix ont à dire. C’est comme il y a quelques heures, peut-être, lorsque le sénateur Plett s’en est pris à moi en disant que j’avais déclaré que le Comité du Règlement travaillait par consensus et que cela ne devrait jamais se produire. Eh bien, non, sauf que je ne pense pas que le Comité du Règlement fonctionne par consensus; je pense que le Comité du Règlement prétend travailler par consensus et que certaines personnes disent : « Non, non, non. Il n’y a pas de consensus. » Pour moi, cela revient essentiellement à exercer un droit de veto.

Il y a des tensions, et je crois qu’elles sont issues d’une conception et d’une volonté différentes concernant l’orientation du Sénat.

Pour ce qui est de la motion de fixation de délai dont nous sommes saisis, j’ai eu l’expérience de la partisanerie politique et je déteste les motions de fixation de délai. Je pense que les gens doivent être suffisamment responsables pour laisser le débat suivre son cours aussi longtemps que nécessaire pour entendre l’ensemble des opinions, tout en veillant à ce que les discussions se déroulent de manière à ce que nous puissions nous écouter mutuellement.

Rien dans cette enceinte ne justifie de telles motions.

Quand j’ai été nommée, j’ai été choquée de constater qu’une personne pouvait avoir la parole et qu’une autre pouvait l’interrompre et proposer l’ajournement. Il pouvait s’écouler parfois deux à trois semaines avant qu’on revienne à cette personne. Comment pouvons-nous nous écouter les uns les autres et nous assurer de mener des débats cohérents à l’avenir? On m’avait pourtant avisée que les sénateurs ont besoin de temps pour se préparer après avoir entendu les autres.

Ce n’est peut-être pas un bon exemple, c’est peut-être juste un exemple de ce que j’ai vécu à l’Assemblée législative de l’Ontario, mais lorsque nous avions des débats et des discussions sur un projet de loi dont nous étions saisis, nous faisions des efforts, et nous ne passions pas notre temps à tergiverser et à ajourner le débat pour ne plus nous pencher sur la question. Nous discutions. La plupart du temps, on pouvait présenter les arguments de façon responsable. On pouvait les entendre en comité, et on s’assurait d’entendre l’avis d’une foule de témoins. D’ailleurs, tous les groupes pouvaient proposer des témoins, alors on pouvait ainsi entendre une foule d’avis sur la question. Ensuite, on en débattait à l’assemblée législative, et on finissait pas voter sur la question.

Ici, le problème — et c’est la raison pour laquelle je vais appuyer la motion de fixation de délai à contrecœur —, c’est que j’ai vu que nous avons amplement débattu de ce projet de loi. D’ailleurs, personne n’a vraiment parlé du fait que nous avons déjà étudié un projet de loi identique, le projet de loi C-10, lors de la législature précédente. Nous avons débattu de ces mesures à quelques reprises ici. Nous avons amplement débattu de cette question dans cette enceinte. Nous avons étudié ces mesures en détail au comité. S’il y avait des lacunes à l’autre endroit, alors, comme la sénatrice Wallin l’a indiqué, nous y avons remédié.

Je trouve malheureux que, plus tôt ce soir, le leader de l’opposition ait dit notamment qu’on tente de faire adopter ce projet de loi à toute vitesse. Je ne pense pas que cela décrit bien la situation. Nous sommes à l’étape du message. Pour ceux qui nous écoutent et qui se demandent de quoi il s’agit, nous ne sommes pas saisis du projet de loi en ce moment. Nous débattons de l’imposition d’une limite de temps pour débattre du message qui nous est parvenu de l’autre endroit, et la question fondamentale est de savoir si nous acceptons ce message ou si nous le renvoyons. Pourtant, un certain nombre de sénateurs estiment que les six heures qui ont été réservées à ce débat sont insuffisantes, sont le résultat d’une tentative du représentant du gouvernement d’imposer sa volonté, et ne respecte pas le point de vue des sénateurs. À mon avis, rien de tout cela n’est vrai.

J’aimerais que nous puissions tenir un véritable débat sur la vision de la réforme du Sénat. Si l’opposition en a assez d’avoir l’impression de ne pas être respectée, je dirais que je respecte ce qu’elle dit. Je ne respecte pas souvent la manière dont elle se comporte, mais je dois dire qu’il m’arrive parfois de m’abaisser au même niveau dans cette enceinte, ce dont je m’excuse, monsieur le Président, car c’est vous qui devez gérer ce type de situation.

Toutefois, je serais ravie d’avoir cette discussion. Je ne suis pas opposée à ce que les voix de l’opposition et les valeurs conservatrices soient mises en avant. Je crois en la diversité cognitive. Je crois qu’il est nécessaire que tous les points de vue soient mis sur la table. Je m’oppose à ce que vous essayiez de coller une étiquette à mes opinions politiques, comme quand le collègue directement en face de moi m’a dit ce soir : « Vous êtes une libérale. » C’est intéressant. J’ai voté pour les conservateurs et j’ai voté pour les néo-démocrates. Désolé, monsieur le premier ministre, mais je n’ai jamais voté pour votre parti.

Ne me dites pas qui je suis. J’ai mes propres valeurs et mes propres idées politiques, et je les applique du mieux que je peux dans l’esprit et dans le respect de ce qui est, selon moi, la raison d’être de cette Chambre. Le problème fondamental, c’est que je ne pense pas que nous soyons d’accord sur la raison d’être de cette Chambre.

Merci beaucoup, Votre Honneur.

L’honorable René Cormier [ + ]

Je prends la parole au sujet de la motion de fixation de délai. Je ne le fais pas en pensant au gouvernement ni au leader de l’opposition. Je ne le fais pas en pensant au leader du gouvernement du Sénat ni au président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Je ne le fais pas pour convaincre ou prouver à quiconque dans cette Chambre que je suis un sénateur indépendant. J’ai passé une partie de ma vie à défendre mon identité, et ce n’est pas dans cette Chambre qu’on va m’imposer une identité à laquelle je ne m’identifie pas.

Quand je pense aux citoyens de ma province et du Canada, j’ai un travail beaucoup plus important à faire. Je me lève en pensant aux artistes et au secteur culturel qui participent, grâce à leurs créations, à leur vision du monde et à leur humanisme, au développement économique, culturel et social de notre pays et au rayonnement de notre culture dans le monde.

Les points soulevés au cours des dernières heures remettent sur la table les importants enjeux qui entourent la modernisation du Sénat. La modernisation de notre institution prend tout son sens quand nous nous retrouvons dans des situations comme celles-ci, et je remercie tous ceux et celles qui élèvent le débat de façon constructive.

Je prends la parole en tant que sénateur issu du secteur des arts et de la culture, mais surtout en tant que membre du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui a étudié le projet de loi C-11 et qui a été aux premières loges du cheminement de ce projet de loi depuis le début de son étude préalable, le 31 mai 2022.

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a entendu 138 témoins et tenu 31 rencontres, dont 9 réunions pour l’étude article par article. Nous avons tenu, en tout, 67,5 heures de réunions. Cela a permis au comité de faire une étude exhaustive, et je pèse bien ce mot. Nous avons entendu les témoignages de créateurs de contenu, d’experts de la radiodiffusion, de représentants du milieu académique et d’anciens présidents et commissaires du CRTC; des associations qui représentent des artistes et des travailleurs du secteur de la musique et de l’audiovisuel; des associations qui représentent les intérêts des personnes autochtones, noires et racisées; des personnes en situation de handicap; des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Un travail considérable a été effectué par le Comité sénatorial permanent des transports et des communications et j’ai été impressionné par le travail des membres du comité, l’expertise autour de la table, la diversité des points de vue, la pertinence des questions et la valeur des modifications. Je remercie tous les membres du comité de leur travail remarquable.

En plus du travail en amont qui a été fait et durant l’étude du comité, mon équipe et moi avons reçu de nombreux appels et courriels de la part d’artistes inquiets, d’associations du milieu de l’audiovisuel, de réalisateurs et de producteurs du milieu de la musique et de l’édition musicale, tant des milieux anglophones que francophones. Tous nous ont demandé d’adopter rapidement le projet de loi C-11.

Pour témoigner de ce qui précède, je reprendrai ici la courte séquence des témoignages publics que le sénateur Dalphond a soulignés dans l’un de ses discours de la semaine dernière, qui fait état du sentiment du secteur culturel autour du projet de loi C-11.

Le 31 mars dernier, après l’adoption par les députés du message proposé par le gouvernement, le coprésident de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles, Bill Skolnik, a déclaré ce qui suit :

Dans un climat acrimonieux et marqué par la désinformation, nous saluons le travail et le courage des élus qui, depuis deux ans, appuient sans relâche le secteur culturel et veillent à la pérennité de notre souveraineté culturelle.

Hélène Messier, coprésidente du même organisme, a pour sa part indiqué ce qui suit :

Au cours des derniers mois, les sénateurs et sénatrices se sont livrés à une analyse rigoureuse du projet de loi, lui apportant certaines améliorations. Nous saluons leur travail, mais les invitons aujourd’hui à prendre acte des décisions des élus et à faire cheminer le plus rapidement possible le projet de loi dans sa forme actuelle vers la sanction royale.

Alors qu’un récent article du Globe and Mail rapportait que le projet de loi C-11 était probablement le projet de loi qui a été le plus longtemps à l’étude dans l’histoire du Sénat, je ne peux que saluer la patience et la résilience des travailleurs du milieu des arts et de la culture, qui sont touchés de près ou de loin par le projet de loi C-11. Nous ne pouvons laisser pour compte les milieux de la musique et de l’audiovisuel canadiens. Cela n’est pas une option : ils attendent ce projet de loi depuis beaucoup trop longtemps.

Chaque semaine durant laquelle le projet de loi C-11 n’est pas adopté signifie que le CRTC a une semaine de moins pour entamer son travail de consultation des parties prenantes. Le CRTC effectuera ce travail incommensurable en plus ou moins deux ans. C’est à la suite de ces consultations que les mécanismes qui permettront aux plateformes de contribuer au contenu canadien et à sa découvrabilité verront enfin le jour. Autrement dit, c’est à ce moment-là que nos artistes et notre milieu culturel pourront enfin bénéficier de ce projet de loi.

La culture acadienne est au cœur de ce que je suis. La musique acadienne m’a permis de gagner ma vie et a fait en sorte que je suis devant vous aujourd’hui. Elle a forgé le peuple dont je suis issu, le peuple acadien. Le secteur de la musique en Acadie s’est développé grâce à des initiatives d’un ensemble structuré de réseaux et de professionnels qui ont découvert et soutenu les talents acadiens.

Je citerai ici un extrait de l’ouvrage L’état de l’Acadie, qui fait un tour d’horizon de l’Acadie contemporaine :

Alors que l’industrie musicale s’est complètement transformée et que l’écoute en ligne entraîne une baisse de revenus et met en péril l’écosystème de l’industrie musicale, en particulier celle des joueurs les plus fragiles qui se produisent en milieu minoritaire francophone, la solution passe indéniablement par une réglementation favorisant un partage plus équitable des revenus entre les différentes composantes de l’industrie musicale.

Le projet de loi C-11 est porteur d’un projet sociétal culturel important. La motion de fixation de délai a été mûrement réfléchie et, à mon point de vue, elle est appuyée par un argumentaire solide. Je crois avoir exprimé, par cette prise de parole, les raisons pour lesquelles six heures me semblent insuffisantes. Quand on est en processus de création, il arrive un moment où l’on s’est posé des questions, où l’on voudrait aller plus loin, ou l’on voudrait approfondir encore plus. Toutefois, quand on fait de la création et qu’on pense au public qui nous attend, on se dit qu’il est temps d’adopter cette création, dans ce cas-ci le projet de loi C-11. Je vous remercie.

Son Honneur le Président [ + ]

Honorables sénateurs, vous le savez, deux heures et demie avaient été prévues pour le débat concernant cette motion. Nous sommes à deux minutes de l’heure de la mise aux voix. À moins qu’un sénateur souhaite prendre part au débat pendant ces deux minutes, je vais mettre la motion aux voix. Dois-je mettre la motion aux voix maintenant?

Son Honneur le Président [ + ]

L’honorable sénateur Gold propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Gagné, que, conformément à l’article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l’étude de la motion, telle que modifiée, tendant à répondre au message de la Chambre des communes concernant les amendements du Sénat au projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Son Honneur le Président [ + ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Son Honneur le Président [ + ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur le Président [ + ]

À mon avis, les oui l’emportent.

Son Honneur le Président [ + ]

Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Son Honneur le Président [ + ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président [ + ]

Le vote aura lieu maintenant.

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