Projet de loi sur l’interdiction de l’exportation par voie aérienne de chevaux destinés à l’abattage
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat
21 novembre 2024
Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole pour appuyer le projet de loi C-355, Loi visant à interdire l’exportation par voie aérienne de chevaux destinés à l’abattage et apportant des modifications connexes à certaines lois. Mon discours sera bref. Je suis heureux de parler de cette mesure législative qui porte sur le bien-être des chevaux, mais qui illustre aussi nos valeurs en tant que société en ce qui concerne le degré de soins auquel tous les êtres vivants ont droit, en particulier les êtres doués de sensibilité.
Chaque année, des chevaux sont expédiés du Canada au Japon pour y être abattus. Ce n’est pas le cas d’un certain nombre d’autres pays développés, qui interdisent cette pratique. Selon l’Agence canadienne d’inspection des aliments, depuis 2013, environ 50 000 chevaux ont été envoyés au Japon pour y être abattus et mangés. D’autres organisations citent des chiffres similaires, peut-être jusqu’à 20 000 chevaux par an. Les chiffres réels ne sont pas si importants, mais ils sont considérables.
Ces chevaux sont soumis à de longs trajets et se retrouvent souvent sur des vols en partance d’Edmonton ou de Winnipeg d’une durée minimale de 12 heures. Si l’on tient compte du temps nécessaire au chargement, au déchargement et aux déplacements à destination et en partance des aéroports, la durée totale du voyage peut facilement doubler. En effet, la durée maximale autorisée est de 28 heures, y compris le chargement et le déchargement. Il peut s’agir d’une période pendant laquelle il n’est pas nécessaire de nourrir ou d’abreuver les chevaux. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une expérience exténuante.
Au-delà de la durée du transport, les conditions de transport des chevaux sont considérées par beaucoup comme inhumaines et inacceptables. Les rapports faisant état de chevaux blessés ou morts dressent un sombre tableau de leur transport. L’Agence canadienne d’inspection des aliments a récemment signalé cinq morts depuis 2013, mais des documents obtenus récemment du gouvernement japonais grâce à une demande d’accès à l’information montrent qu’entre 2023 et 2024, soit en une seule année, au moins 21 chevaux sont morts pendant leur transport par avion à partir du Canada à des fins d’abattage ou dans les jours qui ont suivi leur transport.
Il va sans dire que j’ai quelques réserves au sujet de la qualité de la surveillance de ces pratiques. Je note que l’Agence canadienne d’inspection des aliments affirme maintenant que ses chiffres sont en cours d’examen.
Sénateurs, il me semble que le statu quo est insuffisant en ce qui concerne le transport des chevaux par voie aérienne. On peut débattre de la question de savoir si nous disposons des mécanismes d’application ou de surveillance nécessaires, mais, ce qui est certain, c’est que nous infligeons collectivement aux chevaux ce que n’importe qui qualifierait de mauvais traitements.
Le projet de loi C-355 contribuera à rectifier la situation en interdisant l’exportation par voie aérienne de chevaux destinés à l’abattage, en alignant nos pratiques sur les normes éthiques auxquelles les Canadiens s’attendent et qu’ils méritent, et qui ont été adoptées dans les pays voisins.
L’opinion publique sur cette question est largement en faveur d’un changement : plus de 36 000 Canadiens ont signé une pétition pour interdire l’exportation de chevaux destinés à l’abattage. En outre, le gouvernement s’est engagé à interdire cette pratique en 2021, mais aucune mesure n’avait été prise jusqu’à ce que ce projet de loi soit présenté, même si cet engagement figurait dans la lettre de mandat de la ministre de l’Agriculture cette année-là. À cet égard, je félicite le sénateur Dalphond d’avoir parrainé ce projet de loi au Sénat.
Personnellement, je n’aime pas beaucoup les animaux, mais je suis tout à fait déterminé à faire avancer ce dossier. Les chevaux, contrairement à de nombreux autres animaux domestiques, donnent leur vie au service des humains. À bien des égards, ils méritent une vie et une mort honorables. En particulier, ils méritent de ne pas être exploités, comme beaucoup le sont, puis maltraités pour servir de repas haut de gamme dans d’autres pays.
Un long et épuisant vol vers leur mort est cruel. Quel sens peut‑on donner à cela?
En conclusion, j’exhorte tous mes collègues sénateurs à appuyer ce projet de loi. Saisissons l’occasion de défendre le traitement sans cruauté des chevaux. En interdisant l’exportation par voie aérienne de chevaux destinés à l’abattage, nous pouvons faire un pas important vers la fin de souffrances inutiles et l’harmonisation de nos pratiques avec nos valeurs collectives.
Merci.
Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Cotter? Merci.
Je l’ai déjà mentionné à un autre intervenant. Il s’agit d’une activité qui génère 20 millions de dollars par an au Canada. Qu’allons-nous dire à nos producteurs de chevaux s’ils ne peuvent plus poursuivre leurs activités? C’est leur gagne-pain. Comment leur expliquer la situation?
Dans bien des régions, je leur dirais d’emblée d’élever des vaches.
Et si nous disions à tous les avocats en exercice de devenir enseignants? C’est la même chose. Peut-on faire cela? C’est une question.
J’allais dire que c’est comme comparer des pommes et des oranges, mais peut-être des chevaux et des vaches. Je ne pense pas que nous ayons déclaré que le comportement de tous les avocats est contraire à l’éthique. D’accord, c’est peut-être le cas de certains d’entre eux, mais il ne faut pas généraliser dans le cas de cette profession. En ce qui concerne les avocats, je dirais que certains devraient peut-être devenir enseignants. C’est ce que j’ai fait. Merci.
Je suis un ami des animaux, en fait. Vous dites d’élever des vaches plutôt que des chevaux. Si c’est à un mauvais traitement que nous soumettons les chevaux, je ne sais pas si vous laissez entendre qu’il est acceptable de faire subir un mauvais traitement à des vaches, ce qui est ce que j’ai compris de votre réponse. Je dirais que traiter avec cruauté un animal, quel qu’il soit, devrait être passible d’une sanction.
Vous dites que ces chevaux doivent bénéficier d’une reconnaissance spéciale parce qu’ils donnent leur vie au service des gens. En fait, ceux qui donnent leur vie à l’abattoir le font pour les gens aussi, parce que les gens les mangent. Toutefois, ces animaux n’ont pas été au service des gens. Ce sont des animaux qui sont nés et qui ont été élevés à cette fin. Ce n’est pas que nous prenons un animal qui a servi avec diligence la Gendarmerie royale du Canada — oui, j’en viens à ma question, Votre Honneur — et qui a offert ses services, pour décider tout à coup de l’abattre.
Ma question est la suivante, sénateur Cotter : le projet de loi précise qu’il est correct d’abattre un cheval pour la consommation humaine. Animal Justice ne s’y oppose pas. L’organisme ne s’oppose pas non plus à ce que ce cheval soit envoyé par avion au Japon pour y être vendu, que ce soit comme cheval de selle, cheval de trait ou cheval de compagnie. Tout cela est correct. Ce qui serait mal, ce serait de l’expédier par avion pour qu’il soit abattu à l’étranger. Donc, on peut abattre un cheval, on peut l’expédier par avion, mais on ne peut pas faire les deux.
Comment justifiez-vous cela? Est-ce que cela a un quelconque sens? Il est tout aussi cruel de faire faire un voyage de 14 heures à ce cheval dans une caisse à d’autres fins que la préparation de sushis.
Je suis d’accord avec vous, transporter un cheval de cette manière relève du mauvais traitement, peu importe la raison.
Je n’ai pas vraiment eu de réponse à ma première question. Le sénateur Cotter ne veut peut-être pas y répondre.
Je vous pose à nouveau la question. Vous dites qu’il est cruel de mettre les chevaux dans une caisse. J’imagine que vous avez vu les conditions de transport, que vous avez vu ces caisses dans un avion, et que c’est ainsi que savez que c’est de cette façon qu’on les transporte. Avez-vous également vu comment on les transporte de l’Ontario à Calgary par camion? On arrête à intervalles réguliers pour qu’ils puissent sortir, se reposer et boire de l’eau. Cependant, le transport par camion est beaucoup plus pénible que le transport par avion. Après le décollage, le trajet se passe assez bien.
Donc, encore une fois, on est en train de dire qu’il est acceptable de les transporter par camion d’un bout à l’autre du pays, de l’Ontario jusqu’à Calgary ou Edmonton, parce que dans ce cas-là, ce n’est pas un traitement cruel ou inusité. Cela signifierait que si on les expédie de l’Ontario vers là-bas, puis qu’on les abat, ce serait acceptable, mais que si on les met dans un avion, ce ne le serait plus. Il faut qu’il y ait une certaine logique dans tout cela, sénateur Cotter.
À votre avis, en quoi est-ce logique qu’il soit acceptable de les expédier dans un camion qui démarre, arrête, tourne et prend des courbes où ces animaux se font bousculer, et que l’on affirme que ce n’est pas comme dans un avion? En avez-vous déjà vu dans des remorques? Bien sûr, vous en avez vu dans un avion parce que vous savez comment ils y sont traités.
Je n’ai pas à tout vivre personnellement pour croire que c’est peut-être vrai, sénateur Plett. Je ne pense pas que vous ayez réellement passé 16 heures d’affilée dans un avion sans faire de pause pour quoi que ce soit. C’est la même chose pour les chevaux. À tout prendre, ils préféreraient traverser le pays en camion parce qu’ils aiment se tenir debout. Nous savons tous les deux qu’il y a des manières de tenter de faire preuve de compassion envers les chevaux, et je considère, par principe, que cette façon de traiter les chevaux est cruelle. C’est le transport qui me préoccupe.
Merci pour votre discours, monsieur le sénateur Cotter. Certains semblent dire qu’interdire la production de viande de cheval pour exporter l’animal vivant au Japon, c’est comme interdire aux avocats de pratiquer le droit. Il n’y a rien dans la loi qui interdit de vendre les chevaux pour l’abattage au Canada; c’est tout à fait permis. Il n’y a rien qui interdit de les faire abattre, puis de faire livrer la viande au Japon, congelée ou sous vide, et de la consommer sur place. Ce qu’on élimine, ce sont les transports qui sont stressants et qui font souffrir les animaux. Lorsque les avocats québécois se sont fait dire qu’ils ne pouvaient plus faire de l’assurance automobile...
Sénateur Dalphond, avez-vous une question?
Oui. J’y arrive et ce sera un peu moins long que celle du sénateur Plett, je vous le promets. Donc, au Québec, lorsqu’on a aboli le droit pour les avocats de plaider dans des causes d’accidents d’automobile, ce n’est pas devenu illégal; les avocats ont tout simplement fait autre chose. N’est-il pas vrai que les fermiers qui produisent des chevaux peuvent toujours les vendre dans les abattoirs au Canada, ce qui fait en sorte que leurs chevaux leur rapportent de l’argent?
J’ai l’impression que ma petite intervention a donné l’occasion à certains de mes collègues de faire de petits discours et de poser ensuite une petite question. Je suis d’accord avec le sénateur Dalphond.
Votre Honneur, je ne suis pas certain du Règlement. Dois-je faire un discours, ou puis-je passer directement à une question? Je ne prononcerai pas de discours.
Avant de venir ici, je n’étais pas conscient de cet enjeu concernant les chevaux. Moi qui suis un Canadien de l’Atlantique, je me préoccupe grandement pour l’industrie du homard, dont la valeur était évaluée à plus de 3 milliards de dollars il y a deux ans. Nous exportons vers l’Asie. Comme vous le savez, sénateur Cotter, les Chinois tiennent à avoir des homards frais; ils ne veulent pas de homards surgelés. Quelles conséquences le projet de loi à l’étude aura-t-il sur ce marché? Comme les chevaux dont on parle, les homards sont expédiés en Asie vivants, par avion. La distance et les conditions sont donc semblables.
Je crois que votre question nous amène sur un terrain glissant, sénateur. Je dirais, si je puis me permettre, que le point central de votre question porte sur l’endroit où on devrait tracer la ligne. Je ne sais pas vraiment où on devrait la tracer, mais j’imagine que c’est quelque part entre les chevaux et les homards.
J’ajouterais, pour être tout à fait clair, que je suis favorable à l’expédition de homards vivants.