La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Suite du débat
26 novembre 2024
Honorables sénateurs, nous et le Sénat dans son ensemble travaillons depuis longtemps à faire respecter les droits de la personne des détenus sous responsabilité fédérale, ce qui est étroitement lié à notre rôle de représentants et de protecteurs des groupes dits minoritaires, ceux qui risquent trop souvent d’être laissés pour compte ou abandonnés par les lois que nous adoptons. Le projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, témoigne de ces efforts.
En 2021, le Comité des droits de la personne a publié un rapport sur les droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral, approuvé par le Sénat, et contenant des recommandations sur l’isolement et les unités d’intervention structurées, que le projet de loi S-230 vise à mettre en œuvre. Dans le cadre de son étude, en 2018, les membres du comité ont visité l’Hôpital médico-légal de la Côte Est à Burnside, en Nouvelle-Écosse, et ont eu le privilège de s’entretenir avec Tona Mills, dont cette loi porte le nom, et qui avait espéré être présente au Sénat avec nous aujourd’hui.
Femme autochtone et victime de ce qu’on appelle la rafle des années 1960, Mme Mills a été emprisonnée pendant une décennie dans des pénitenciers fédéraux, y compris dans des unités isolées dans des prisons pour hommes. Elle a passé tout ce temps en isolement cellulaire.
Pour ceux qui n’ont jamais été emprisonnés dans de telles conditions, il est impossible de trouver les mots pour décrire ce qu’elle a vécu. Pendant plus de 10 ans, elle a passé presque toutes les heures de la journée enfermée dans une cellule de la taille d’une place de stationnement ou d’une petite salle de bains, à peine plus qu’un placard en béton. En plus d’être parfois enchaînée au sol et souvent attachée à sa couchette, elle avait droit à très peu de temps à l’extérieur. On a construit pour elle une cage métallique de la taille d’une cellule qu’on a installée à l’arrière de la prison des femmes de Kingston. Cette cellule s’y trouve toujours, rappelant la façon dont Tona a été enfermée et l’horrible fait que le temps passé entre ces barreaux de métal se voulait un répit après un enfermement encore plus restrictif à l’intérieur.
Lorsque Tona a finalement été admise dans le système de santé mentale, elle a reçu un diagnostic de schizophrénie causée par l’isolement. Tona a imploré les sénateurs de tout faire pour mettre fin à l’isolement cellulaire et obtenir que d’autres personnes sortent de prison pour être prises en charge par des services de santé mentale appropriés, afin que ce qui lui est arrivé n’arrive plus jamais à personne d’autre. Elle ne veut pas que quelqu’un d’autre soit poussé à la folie. Elle nous a demandé d’envisager d’appeler la mesure législative la « loi de Tona ».
Mme Mills a quitté l’unité de médecine légale il y a un an. Elle a récemment reçu un diagnostic de cancer terminal. Comme elle l’a fait pendant des décennies, y compris pendant les trois années où le projet de loi S-230 a été paralysé par des délais de procédure et des contestations au comité et au Sénat, Mme Mills poursuit ses efforts incroyables. Pendant le temps qu’il lui reste, je pense que nous lui devons, ainsi qu’à beaucoup trop d’autres personnes soumises à l’isolement, d’étudier le projet de loi dans les meilleurs délais et de prendre une décision ferme à son sujet.
En 2018-2019, le gouvernement fédéral s’est engagé à mettre fin à l’isolement dans les prisons fédérales. Cette promesse fait suite à une série d’affaires judiciaires dans lesquelles les tribunaux ont statué que le système d’isolement existant est inconstitutionnel et ont reconnu les horribles conséquences physiques, psychologiques et neurologiques de celui-ci. Des conséquences irréversibles peuvent apparaître dans les 48 heures suivant l’isolement. Au bout de sept jours, les fonctions cérébrales peuvent être altérées de façon permanente. Une période d’isolement de 15 jours ou plus va à l’encontre de l’interdiction des peines cruelles et inusitées prévue par la Charte et est reconnue dans le monde comme de la torture.
Le projet de loi C-83 était censé remplacer l’isolement par des unités d’intervention structurée. Les experts et les défenseurs ont rapidement indiqué qu’ils craignaient que le projet de loi n’atteigne pas son objectif louable d’éliminer les conditions de l’isolement. En 2019, le Comité sénatorial des affaires sociales a modifié le projet de loi afin d’y inclure plusieurs mesures de protection minimales qui sont nécessaires pour que le projet de loi atteigne son objectif déclaré. Le Sénat a approuvé ces amendements et les a transmis à la Chambre des communes. Lorsqu’ils ont été rejetés par le gouvernement, nous avons failli renvoyer le message à l’autre endroit.
Dans les minutes qui ont suivi l’adoption du projet de loi C-83, plusieurs sénateurs, dont notre regrettée collègue la sénatrice Josée Forest-Niesing — qui nous manque terriblement —, le sénateur Colin Deacon et le parrain du texte, le sénateur Marty Klyne, ont décidé de se concerter et d’aller voir sur le terrain comment ses dispositions étaient appliquées et d’évaluer les conditions d’isolement dans les prisons fédérales.
En plus de ces trois pionniers, je remercie les 37 autres qui se sont rendus dans une prison fédérale pour rencontrer les détenus et le personnel. C’est après cet exercice que la sénatrice Forest-Niesing et moi avons commencé à travailler sur le projet de loi S-230, qu’elle avait l’intention de marrainer si elle ne nous avait pas quittés.
Les témoignages entendus pendant l’étude du projet de loi S-230 par le Comité des affaires juridiques faisaient écho à ce que les sénateurs avaient observé et consigné dans le rapport Senators Go to Jail, que nous avons fait paraître en 2022.
Les témoins revenaient sans cesse sur le travail de l’ancien président du Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée, Anthony Doob. Il ressort des publications qu’il a réalisées avec Jane Sprott et avec ses collègues du comité consultatif que plus d’un détenu sur trois en unité d’intervention structurée a été enfermé exactement dans les conditions auxquelles le gouvernement avait promis de mettre fin. Pour un détenu sur dix, cette forme d’isolement a duré plus de 15 jours, ce qui est considéré comme de la torture selon les droits internationaux de la personne.
Les personnes les plus marginalisées se retrouvent de façon disproportionnée dans des conditions d’isolement. Même si elles ne représentent que 4 % de la population canadienne, les personnes d’ascendance africaine représentent 10 % des détenus sous responsabilité fédérale et 16 % des détenus placés dans les unités d’intervention structurée. Les Autochtones représentent 5 % de la population, mais 33 % des détenus et 44 % des personnes placées dans les unités d’intervention structurée. Pire encore, les femmes autochtones représentent plus de la moitié des femmes en prison et 96 % des femmes dans les unités d’intervention structurée.
En effet, le mois dernier, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a publié son dernier rapport périodique sur le Canada, dans lequel il a fait état de préoccupations au sujet de la surreprésentation des femmes autochtones dans le système pénitentiaire et de la probabilité accrue qu’elles soient victimes de discrimination dans le système pénal et pénitentiaire, y compris l’isolement cellulaire.
En réponse, le comité a demandé des mécanismes de responsabilisation efficaces pour enquêter sur les violations des droits de la personne contre les femmes dans le système pénitentiaire et pour poursuivre et sanctionner les responsables de ces violations, offrir des réparations complètes aux femmes touchées et renforcer les mécanismes de responsabilisation existants, notamment au moyen d’une surveillance indépendante.
Non seulement le projet de loi S-230 répond à ces recommandations en prévoyant une véritable surveillance judiciaire externe, des recours et des solutions de rechange à l’isolement cellulaire, mais il a également le potentiel de prévenir de manière proactive de futures violations des droits de la personne.
De plus, malgré les obligations internationales et la jurisprudence canadienne qui interdit l’isolement de personnes ayant des troubles mentaux invalidants, deux personnes sur cinq placées dans les unités d’intervention structurée sont considérées par le Service correctionnel du Canada comme ayant des problèmes de santé mentale. Plus de la moitié des personnes mises en isolement dans ces unités sont identifiées ainsi à au moins cinq reprises. Selon le Service correctionnel, les périodes passées dans les unités d’intervention structurée sont « pour la propre sécurité de la personne », même s’il a été totalement impossible de la transférer dans un établissement de soins de santé approprié.
Même si, selon la loi, les séjours en unités d’intervention structurée doivent être aussi brefs que possible, il y a autant de personnes gardées dans des unités d’intervention structurée pendant plus de 60 jours et 120 jours que sous l’ancien système d’isolement préventif.
Les recherches menées par Anthony Doob, Jane Sprott et le comité consultatif ministériel mettent aussi en lumière l’incapacité systémique des décideurs externes indépendants — le système d’examen créé pour remplacer la surveillance judiciaire suggérée par le Sénat — d’exiger efficacement des comptes du Service correctionnel.
Les décideurs externes indépendants en sont réduits à se fier au Service correctionnel du Canada pour leur fournir la plupart des renseignements sur lesquels ils se fondent pour examiner les décisions de Service correctionnel de garder les gens dans des unités d’intervention structurée. Les décideurs externes indépendants ne sont pas tenus de rendre visite aux détenus ou de leur parler, et il n’existe aucun mécanisme clairement établi pour que les détenus puissent communiquer avec les décideurs s’ils veulent porter plainte.
Les examens de décideurs externes indépendants ne sont garantis par la loi qu’après qu’un prisonnier a passé 90 jours dans une unité d’intervention structurée, ce qui est six fois plus long que la période d’isolement de 15 jours que l’ONU considère comme de la torture. Dans au moins 30 % des cas où ces placements ont été effectués, le Service correctionnel du Canada a omis de renvoyer des cas aux décideurs externes indépendants dans un délai de 90 jours.
Lorsque les décideurs externes indépendants ordonnent qu’un prisonnier soit retiré d’une unité d’intervention structurée, le Service correctionnel du Canada prend, en moyenne, plus de temps à le libérer qu’à libérer les prisonniers dont la libération n’a pas été ordonnée. La semaine dernière, on a résilié le contrat de plusieurs décideurs externes indépendants et on n’a offert qu’un préavis de sept jours, sans aucune justification, au décideur ayant le plus d’ancienneté.
Des sources internes indiquent que les décideurs dont le contrat a été résilié sont ceux qui ont généralement refusé d’approuver automatiquement les décisions du Service correctionnel du Canada. Avant ce changement, les décideurs externes indépendants se disaient déjà débordés. Par ailleurs, le décideur externe indépendant autochtone et le décideur externe indépendant noir faisaient partie de ceux qu’on a mis à l’écart.
Comment le système pourra-t-il fonctionner alors qu’à peine la moitié, seulement 7 sur 12, des postes de décideurs externes indépendants sont actuellement pourvus? Cette tendance à éliminer la surveillance externe des prisons fédérales, qui est déjà inadéquate, est extrêmement inquiétante.
Le comité consultatif ministériel sur les unités d’intervention structurée a présenté son rapport annuel final ce mois-ci. Il mentionne que son rapport :
[...] aboutit aux mêmes conclusions que les six autres rapports empiriques [...] publiés par le comité. Les unités d’intervention structurée [...] ne traitent pas des problèmes qu’elles sont censées régler [...] Elles ne fonctionnent pas comme prévu et [...] elles ne s’améliorent pas non plus. Les problèmes sont fondamentaux et non secondaires.
Le comité consultatif du gouvernement sera bientôt dissous, laissant persister, pratiquement sans contrôle, un système dont le fonctionnement anarchique a été documenté par le comité même. L’absence de responsabilité du gouvernement concernant les violations persistantes des droits de la personne dans les prisons fédérales a été vivement rappelée aux sénateurs au cours des dernières semaines.
Cet automne, pendant la période des questions, la sénatrice Bernard, vice-présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, a invité le ministre LeBlanc, qui est responsable des services correctionnels, à venir témoigner devant le comité. Les membres du comité souhaitaient examiner le caractère inadéquat de la réponse du gouvernement au rapport du comité sur les droits fondamentaux des personnes condamnées à purger une peine dans un établissement fédéral, y compris les manquements à l’égard des conditions d’isolement actuelles. Le ministre a accepté de comparaître.
Quelques jours après la publication du rapport accablant du comité consultatif ministériel, le Comité des droits de la personne a reçu une lettre du ministre indiquant que celui-ci ne participerait pas à la réunion du comité et qu’il s’en tenait à la réponse du gouvernement. Il nous serait difficile de fournir des preuves plus concrètes de l’inefficacité des mesures de responsabilisation actuelles. Celles établies par le projet de loi C-83 il y a cinq ans ont complètement et totalement échoué, ce qui signifie que les droits de la personne et les droits des prisonniers garantis par la Charte sont violés en toute impunité.
Les mesures de contrôle et de redressement contenues dans le projet de loi S-230 sont nécessaires et urgentes.
En ce qui concerne les dispositions contenues dans le projet de loi S-230, je souligne qu’il n’y a rien dans le projet de loi que le Sénat n’ait pas examiné et approuvé auparavant, que ce soit sous la forme d’amendements proposés au projet de loi C-83 en 2019 ou dans les recommandations de 2021 du Comité des droits de la personne dans son rapport intitulé Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral.
La première des quatre mesures clés contenues dans le projet de loi S-230 est la surveillance par les tribunaux des décisions prises par le Service correctionnel du Canada de placer des personnes en isolement. Depuis plus de 25 ans, des experts en matière de justice, de constitution et de droits de la personne — y compris l’honorable Louise Arbour, ancienne juge de la Cour suprême — ont constaté une culture de manquements systémiques aux droits de la personne des détenus fédéraux dans les prisons fédérales, et ils ont recommandé une surveillance par les tribunaux en réponse à cette situation.
Les experts et les militants qui ont exhorté le gouvernement à appuyer cette mesure au comité sont l’Association canadienne du droit carcéral, l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, la Société John Howard du Canada, l’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry, la Criminal Lawyers’ Association, Adelina Iftene, le professeur Michael Jackson, la Société de la côte Ouest pour la justice dans les prisons, Michael Spratt, l’Association des femmes autochtones du Canada, l’Association des avocats noirs du Canada et la Commission de la santé mentale du Canada.
Le projet de loi S-230 vise à mettre en œuvre deux recommandations clés concernant la surveillance des tribunaux formulées par la juge Arbour dans le cadre de la Commission d’enquête sur certains événements survenus à la Prison des femmes de Kingston en 1996.
La première est le plafonnement du temps qu’une personne peut passer en isolement, au-delà duquel les autorités correctionnelles doivent s’adresser à une cour supérieure pour obtenir l’autorisation de maintenir cet isolement. Le projet de loi S-230 fixe ce plafond à 48 heures afin de tenir compte des dernières données reconnues par la Cour supérieure de justice de l’Ontario et la Cour d’appel de l’Ontario sur le moment où des dommages physiques, psychologiques et neurologiques irréparables peuvent survenir.
Au Comité des affaires juridiques, le professeur Michael Jackson, souvent reconnu comme l’un des plus grands experts en droit carcéral du Canada, a souligné la nécessité de faire intervenir les tribunaux. Il a évoqué les dizaines d’années qu’il a passées à essayer d’obtenir un arbitrage indépendant non judiciaire par d’autres moyens, pour finalement conclure que rien de moins que la surveillance judiciaire ne pourrait suffire. Il a dit :
[...] le SCC a farouchement résisté à tout arbitrage indépendant sur l’isolement.
[...] à la lumière des expériences collectives — près de 50 ans de rapports — au cours desquelles le SCC a exprimé ses réticences, la surveillance judiciaire constitue à ce stade la mesure corrective qui convient.
En ce qui concerne le choix d’un délai de 48 heures, Mme Adelina Iftene, experte en droit carcéral et en droit de la santé, a dit dans son témoignage :
Pour les gens atteints de maladie mentale, il y a beaucoup d’études, y compris certaines des Nations unies, qui montrent que [...] les conséquences négatives apparaissent bien avant les 48 premières heures, [...] mais nous devrions certainement être beaucoup plus préoccupés par l’utilisation de toute forme d’isolement [...]
Elle a ajouté :
Cela va effectivement être un défi, parce que [...] [d’]autres solutions de rechange [...] devront être mises en place. [...] il devra y avoir une redistribution des ressources. Nous allons devoir repenser en profondeur la façon dont les choses étaient faites, mais je pense que c’est un pas très important vers l’avant de dire que l’isolement n’est pas une solution. [...] il s’agit d’une période transitoire de 48 heures qui vous donne le temps de réfléchir à la meilleure solution pour la personne dans cette situation.
L’Association canadienne du droit carcéral et la Société de la côte Ouest pour la justice dans les prisons ont voulu mettre les choses en contexte. Elles ont rappelé que, dans le projet de loi dont le Congrès des États-Unis est actuellement saisi, cette limite est beaucoup plus courte, c’est-à-dire de quatre heures. De son côté, la ville de New York interdit présentement les périodes d’isolement qui dépassent deux heures par jour, sauf dans des circonstances exceptionnelles.
Selon le criminologue Michael Spratt, les contraintes pour l’appareil judiciaire ne devraient pas nous empêcher d’appliquer cette disposition. Si le Service correctionnel est tenu d’obtenir rapidement l’autorisation des tribunaux, il risque moins de garder déraisonnablement les détenus en isolement au-delà de cette période. Les mécanismes comme les mises en liberté sous caution obligent déjà les tribunaux à gérer un nombre élevé de requêtes et à les traiter rapidement afin de respecter les droits fondamentaux et constitutionnels des personnes en cause. Les tribunaux sauront se montrer à la hauteur.
La deuxième mesure de surveillance par les tribunaux que recommandait la juge Arbour et qui figure dans le projet de loi S-230 permet à une personne de demander au tribunal qui l’a reconnue coupable de réduire sa peine ou sa période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle si la mauvaise gestion des autorités correctionnelles a rendu sa peine plus punitive, par exemple en raison du temps passé en isolement. Comme le faisait remarquer la juge Arbour — et l’ont ensuite rappelé l’enquêteur correctionnel, divers spécialistes du droit carcéral et l’architecte de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents —, ce recours fonctionne de la même manière que les dispositions du Code criminel qui permettent aux juges, au moment de prononcer la sentence, de réduire la peine pour compenser le temps passé en détention avant le procès, c’est-à-dire dans des conditions difficiles. Il tient aussi compte du principe constitutionnel de l’habeas corpus, car si les autorités carcérales n’ont pas le pouvoir de prolonger une peine au-delà de ce qui a été établi par le tribunal, elles ne peuvent pas non plus la rendre plus punitive.
Au Comité des affaires juridiques, des témoins ont indiqué que plusieurs pays nordiques et certains pays de l’Europe de l’Ouest offrent des recours semblables depuis des dizaines d’années, tout comme le système de justice pénale pour les adolescents du Canada. Cet automne, en Ontario, une décision de la cour a réduit la peine d’une adolescente reconnue coupable d’homicide involontaire parce qu’elle avait subi une fouille à nu illégale pendant sa détention avant procès. C’est là un rappel brutal de la manière dont les abus et l’intransigeance du système correctionnel aboutissent à des peines injustement sévères. De plus, dans une affaire datant de 2020, la peine d’une personne a été réduite de manière préventive pour tenir compte du racisme systémique anti-Noirs qui aurait rendu sa peine plus sévère. En permettant aux tribunaux de prendre en compte et de réparer les injustices commises pendant qu’une personne purge sa peine, le projet de loi S-230 fera en sorte que de telles violations de la loi en milieu carcéral soient traitées avec le même sérieux que celles qui se produisent avant le prononcé de la peine.
Étant donné les questions soulevées par certains de mes collègues au sujet du coût associé au projet de loi S-230 — y compris ses mesures de surveillance judiciaire —, il est important de souligner que ces mesures permettront d’économiser de l’argent en évitant les coûts financiers et humains de l’isolement dans les prisons fédérales. Comme l’a dit le directeur parlementaire du budget, ces mesures permettront de réduire le nombre de personnes placées dans des unités d’intervention structurée, ce qui se traduira par des économies de centaines de milliers de dollars par personne par an. De plus, le gouvernement a récemment versé des dizaines de millions de dollars à des personnes dont les droits ont été violés par son ancien système d’isolement et, pour les mêmes motifs, il fait maintenant l’objet d’un recours collectif portant sur son nouveau système d’unités d’intervention structurée. Le projet de loi S-230 pourrait permettre d’éviter de nouveaux litiges, règlements et dommages-intérêts coûteux.
Des experts, y compris le Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée et le Bureau de l’enquêteur correctionnel, ont documenté que, depuis la mise en œuvre du projet de loi C-83, non seulement les conditions d’isolement ont continué à l’intérieur des unités d’intervention structurée, mais elles ont aussi persisté et pris de l’ampleur à l’extérieur de celles-ci. Il est choquant de constater qu’en dépit de ces preuves claires provenant de multiples sources faisant autorité, le Service correctionnel du Canada a, dans son témoignage devant le Comité juridique, soutenu sans fournir aucune justification qu’il n’y a pas de « cellules cachées » où l’isolement a lieu à l’extérieur des unités d’intervention structurée, attribuant à la pandémie de COVID-19 tout isolement qui aurait pu avoir lieu antérieurement. En revanche, au moins six témoins ont fait état de formes d’isolement bien documentées s’apparentant à la ségrégation en dehors des unités d’intervention structurée, qui existaient avant et après la pandémie, notamment les « cellules nues », les milieux de garde fermés pour femmes, les quartiers thérapeutiques, la détention temporaire, les quartiers d’association volontaire limitée, le confinement, l’observation médicale et les régimes de restriction des déplacements.
Chers collègues, un certain nombre d’entre vous ont également vu ces conditions d’isolement. Le fait que le Service correctionnel ne soit pas tenu de surveiller les conditions d’isolement et de rendre des comptes à cet égard rend d’autant plus vitales les mesures prévues dans le projet de loi S-230 afin de garantir que l’isolement en dehors des unités d’intervention structurée soit également soumis à des mesures de protection et de surveillance.
En limitant le recours à l’isolement dans les prisons fédérales, le projet de loi S-230 propose également des solutions de rechange cruciales pour les personnes les plus à risque d’être placées dans des unités d’intervention structurées. Troisième mesure clé, le projet de loi ajouterait aux dispositions actuelles autorisant le Service correctionnel du Canada à transférer des détenus vers des établissements de santé provinciaux ou territoriaux, y compris pour des raisons de santé mentale, l’obligation d’autoriser un tel transfert à des fins de traitement lorsqu’une personne souffre d’un problème de santé mentale invalidant ou à des fins d’évaluation lorsqu’un professionnel de la santé mentale n’est pas disponible dans la prison pour procéder à l’évaluation requise de la santé mentale.
Bien que la possibilité de transférer des personnes de la prison à l’hôpital existe depuis longtemps dans la loi, on le fait rarement, le Service correctionnel du Canada ayant plutôt choisi d’investir ses ressources pour tenter de fournir des traitements en santé mentale à l’intérieur des prisons. Le résultat choquant et inhumain est que l’isolement — des conditions connues pour générer et exacerber les problèmes de santé mentale — est utilisé par défaut pour gérer les personnes qui ont besoin de soins de santé.
Selon les données du gouvernement, produites par le comité consultatif ministériel, le système des unités d’intervention structurées ne respecte pas les normes juridiques internationales et canadiennes interdisant l’isolement des personnes souffrant de problèmes de santé mentale invalidants. En effet, alors que trop de problèmes de santé mentale ne sont pas diagnostiqués ou reconnus par le Service correctionnel du Canada, même les personnes reconnues par les autorités pénitentiaires comme ayant des problèmes de santé mentale sont plus susceptibles d’être isolées de manière répétée dans les unités d’intervention structurée et soumises à des conditions d’isolement prolongé.
En juin de cette année, une décision de la Cour supérieure de l’Ontario rendue par la juge Pomerance, qui siège maintenant à la Cour d’appel de l’Ontario, a fait ressortir le bien-fondé de la disposition du projet de loi S-230 prévoyant le transfèrement vers des hôpitaux provinciaux et territoriaux. La juge a en effet ordonné qu’on applique le type de mesure contenue dans ce projet de loi dans le cas de Patrick Warren, un Autochtone souffrant de problèmes de santé mentale invalidants. M. Warren a été étiqueté comme délinquant dangereux à la suite de condamnations pour incendies criminels qui, selon des experts en santé mentale, sont des réactions aux graves sévices qu’il a vécus dans son enfance.
Pour en arriver à cette décision, la juge Pomerance s’est appuyée sur des documents provenant du Service correctionnel du Canada, du Bureau de l’enquêteur correctionnel et d’experts sur les unités d’intervention structurée, l’isolement et la santé mentale, en tenant compte aussi des antécédents particuliers de M. Warren. Elle a souligné que dans les prisons fédérales, y compris les centres de traitement régionaux, on s’efforçait surtout, en réaction aux problèmes de santé mentale, de maintenir la sécurité et de gérer les comportements, plutôt que d’offrir à M. Warren des traitements et des thérapies individualisés. Le prétendu traitement que lui a fourni le Service correctionnel du Canada au cours des peines précédentes constituait à le placer en isolement, d’abord en isolement préventif et plus tard dans des unités d’intervention structurée.
La juge Pomerance a reconnu que la peine indéterminée qui accompagne généralement la désignation de délinquant dangereux, si elle était purgée dans une prison fédérale, condamnerait M. Warren à l’isolement à vie, sans espoir de recevoir un traitement adéquat qui lui donnerait une chance de réintégrer la société. Elle a jugé qu’il s’agissait d’une violation de ses droits garantis par la Charte et elle a ordonné qu’il purge sa peine dans un hôpital de l’Ontario. L’article 29 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévoit justement ce genre de mesure, en permettant au Service correctionnel du Canada d’autoriser le transfèrement de prisonniers dans un hôpital.
Reconnaissant le traitement totalement inefficace et inhumain qui attendait M. Warren dans une prison fédérale, la juge Pomerance a rendu la décision la plus juste qu’elle pouvait envisager. Le Service correctionnel du Canada a interjeté appel, et nous attendons la décision finale dans cette affaire. Pendant ce temps, M. Warren, se languit — comme beaucoup d’autres dans sa situation — en isolement au Centre de traitement régional de l’établissement Millhaven, lequel, aux dires des détenus et du personnel, offre des conditions d’isolement comparables à celles des unités d’intervention structurée. Pour tout vous dire, les avocats de M. Warren m’ont informée que celui-ci est présentement dans une de ces unités.
La portée de la décision de la juge Pomerance est limitée, puisqu’elle s’applique uniquement à M. Warren, mais elle envoie un signal clair : les juges estiment que les dispositions comme celles que propose le projet de loi S-230 sont nécessaires.
Je tiens également à souligner, vu l’insistance avec laquelle Service correctionnel Canada dit vouloir investir dans les ressources de santé mentale en milieu carcéral, que le transfert de détenus de la prison au réseau de la santé permet de réaliser des économies. Selon le directeur parlementaire du budget, le maintien d’un détenu dans un centre médicolégal coûte cher : environ 380 000 $ par année. Or, selon les données du directeur parlementaire du budget, c’est quand même moins que de garder cette personne en isolement dans une prison fédérale.
Chaque transfert d’un détenu dans un établissement de santé mentale externe aux termes d’un contrat permet d’économiser au moins 100 000 $ par année. Comme si ce n’était pas suffisant, éviter l’isolement entraînera des économies encore plus considérables si on tient compte de ce qu’il en coûte de plus pour entendre et régler les litiges découlant des atteintes aux droits fondamentaux et constitutionnels, du fait que la santé mentale des personnes concernées est meilleure et des dépenses communautaires en santé mentale.
Depuis l’adoption du projet de loi C-83, le Service correctionnel du Canada a reçu des sommes importantes, au moins 74 millions de dollars par an, pour améliorer la santé mentale et cet argent pourrait être utilisé pour conclure des contrats avec les provinces et les territoires afin de réserver des lits destinés aux soins en santé mentale. D’ailleurs, le Service correctionnel du Canada a déclaré devant le Comité des droits de la personne qu’environ 9,2 millions de dollars de ces fonds étaient réservés pour des lits destinés aux soins externes en santé mentale, mais il n’a pas été en mesure de rendre compte de la façon dont ces fonds ont été dépensés.
Au comité, nous avons entendu que le nombre de lits est resté le même qu’avant l’adoption du projet de loi C-83, c’est-à-dire 20 lits et tous à l’Institut Pinel à Montréal. Pire encore, lorsqu’on a demandé au Service correctionnel du Canada d’expliquer comment ces fonds ont été dépensés, si ce n’est pour garantir l’accès à de nouveaux lits destinés aux soins externes en santé mentale, il a déclaré que la totalité du financement annuel de 74 millions de dollars pour les services de santé mentale a été investie dans des services internes de santé mentale en milieu carcéral, malgré les engagements contraires et les preuves évidentes qu’il est impossible de fournir des soins de santé mentale adéquats en milieu carcéral.
Le Service correctionnel du Canada s’entête à maintenir ses stratégies inefficaces de santé mentale en milieu carcéral qui mettent en danger la vie et la santé des détenus dont il est responsable. Le projet de loi S-230 contribuerait à jeter les bases d’une transition grandement nécessaire vers l’accès à des soins de santé mentale dans la collectivité afin que tous puissent recevoir le traitement dont ils ont besoin.
Une quatrième et dernière mesure importante du projet de loi S-230 vise à redonner vie aux solutions de rechange à l’isolement pour les Autochtones et les autres groupes marginalisés, étant donné qu’à cause de la discrimination systémique et du colonialisme, les femmes autochtones et les autres personnes qui ont le plus besoin de soutien communautaire et de liens avec la communauté se retrouvent trop souvent en prison, où elles sont étiquetées comme étant « à risque », puis enfermées dans des unités d’intervention structurée. Comme l’ont notamment documenté le Bureau de l’enquêteur correctionnel et la Commission canadienne des droits de la personne, à cause de la discrimination systémique dont fait preuve le système carcéral dans son évaluation des risques, les Autochtones, les personnes d’ascendance africaine et les gens souffrant de problèmes de santé mentale sont surreprésentés dans les unités qui ont les conditions de détention les plus dures et les plus restrictives, notamment l’isolement.
Le projet de loi S-230 vise à élargir l’accès aux articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui permettent aux prisonniers d’être transférés et remis aux soins et à la garde des communautés autochtones, comme l’ont demandé l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, la Commission de vérité et réconciliation, l’Association des femmes autochtones du Canada, le Comité sénatorial des droits de la personne, le Comité sénatorial des affaires sociales, les comités de la Chambre des communes, le Bureau de l’enquêteur correctionnel et la Commission canadienne des droits de la personne. D’innombrables experts ont maintenant documenté la sous-utilisation et le sous-financement de ces mesures importantes destinées à réparer les séquelles laissées par le colonialisme dans le système carcéral canadien.
Le projet de loi S-230 vise à élargir le recours à ces dispositions, notamment en permettant au Service correctionnel du Canada de conclure des ententes pour la prise en charge et la garde dans la collectivité avec d’autres types de groupes communautaires servant d’autres personnes qui sont surreprésentées dans les prisons fédérales en raison de l’inégalité systémique, par exemple, les Canadiens noirs et les membres de la communauté 2ELGBTQ+.
Le projet de loi exige également que le Service correctionnel du Canada prenne des mesures proactives afin de collecter des renseignements sur les possibilités de conclure des ententes relatives à la prise en charge et à la garde dans la collectivité et de fournir ces renseignements aux collectivités autochtones et non autochtones et aux détenus, et qu’il obtienne la permission d’un tribunal s’il souhaite s’opposer au transfèrement d’un prisonnier dans une collectivité qui a mis en place ce type d’entente.
Au cœur du projet de loi S-230 se trouve la réalité selon laquelle certaines des personnes les plus marginalisées au Canada sont soumises à des conditions inimaginables et draconiennes en raison d’une mesure législative que le Sénat a contribué à faire adopter. Les droits de la personne et les droits garantis par la Charte qui sont bafoués et érodés dans les prisons fédérales sont ceux des personnes qui s’y trouvent, mais aussi de chacun d’entre nous. Ce sont les garanties fondamentales des droits et libertés sur lesquelles nous comptons tous. Tout le monde y gagne lorsque ces droits sont respectés et protégés. L’humanité de tous est diminuée lorsque nous permettons la violation des droits de la personne.
J’ai récemment passé une fin de semaine à Mi’kma’ki avec Tona Mills pour assister à une conférence qui visait à promouvoir la justice pour les femmes autochtones. Je tiens à transmettre aux sénateurs son message inébranlable et clair qui nous implore de mettre fin à l’impunité et de ne pas permettre que ce qui lui est arrivé arrive à d’autres. Je la cite : « S’il vous plaît, mettez fin à cela. Je vous en prie, mettez-y fin tout de suite. »
Tona est l’une des 12 femmes autochtones que nous cherchons également à innocenter, mais elle ne vivra pas assez longtemps pour que justice soit faite pour elle. J’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer ce projet de loi et le renvoyer à la Chambre des communes afin de faire enfin quelques petits pas vers la justice pour un bien trop grand nombre de personnes qui sont actuellement prisonnières de l’isolement.
Meegwetch, merci.
Honorables sénateurs, je suis reconnaissante d’être ici sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe. Je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Je remercie la sénatrice Pate d’avoir consacré sa carrière à défendre le traitement sans cruauté des gens dans les prisons canadiennes et à faire comprendre qu’il s’agit d’une des plus graves violations des droits de la personne au Canada. Je vous remercie de votre discours d’aujourd’hui.
Cette peine cruelle est imposée en ce moment même dans des établissements partout au pays. Qu’on parle d’« isolement », d’« unités d’intervention structurée », de « cellules nues » ou d’« unité de garde en milieu fermé », l’impact est le même : un préjudice indéniable au bien-être mental, physique et spirituel.
J’ai eu le privilège de rencontrer des centaines de détenus et de discuter avec eux lors des missions du Comité des droits de la personne dans le cadre de l’Étude concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel fédéral. Nous avons entendu des histoires semblables dans tous les établissements, des histoires portant sur l’expérience déplorable d’être placé en isolement. Il s’agit d’une expérience inimaginable que personne — je dis bien personne — ne devrait avoir à subir. Chers collègues, j’insiste vraiment sur le fait que la punition pour un crime est la peine elle-même, et non un traitement inhumain illégal et répété pendant qu’une personne purge sa peine.
Certaines des histoires les plus troublantes que nous avons entendues provenaient de femmes autochtones et noires et de leurs défenseurs.
La sénatrice Pate vient de nous parler de Tona, une des personnes que les membres du comité ont rencontrées. Son histoire nous a marqués. Tona est une survivante de la rafle des années 1960, et nous avons été troublés de l’écouter nous parler de ces dommages irréparables pour sa santé et son bien-être. Nous avons entendu beaucoup d’autres histoires de femmes qui ont suivi un parcours semblable au sien.
Les enfants autochtones et noirs sont surreprésentés dans le système d’aide à l’enfance, ce qui alimente directement la représentation disproportionnée des adultes autochtones et noirs dans les prisons canadiennes.
C’est ce qu’on appelle parfois le pipeline de l’aide à l’enfance à la prison. Cette image n’est pas sans importance lorsque les législateurs que nous sommes doivent imaginer les types de traitement qu’ils jugent acceptables. L’étude du Comité des droits de la personne a constaté que les détenus autochtones et noirs sont aussi surreprésentés en isolement.
Honorables sénateurs, nous avons affaire à un véritable pipeline de l’aide à l’enfance à la prison et de la prison à l’isolement. Ces systèmes ont trop souvent fait défaut à ce groupe de personnes vulnérables. Les conséquences de l’isolement, notamment sur la santé psychologique, commencent à se faire sentir après seulement 48 heures. Le comité a aussi abordé la question des effets à long terme, comme la sénatrice Pate vient de le dire, dont les dommages psychologiques irréversibles qui peuvent se produire après seulement 15 jours en isolement cellulaire.
Chers collègues, je vous répète ce que la sénatrice Pate nous a dit tout à l’heure : Tona a passé 10 ans en isolement. Imaginez.
J’aimerais souligner deux des recommandations du rapport Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral :
Recommandation 33
Que le Service correctionnel du Canada s’assure que les unités d’intervention structurée respectent les plus récentes décisions judiciaires ainsi que les obligations et engagements du Canada en matière de droits de la personne, notamment :
en éliminant le recours à l’isolement cellulaire;
en tenant compte des besoins et des expériences différentes de groupes particuliers, y compris les personnes LGBTQI2 et les femmes;
en éliminant l’isolement cellulaire se prolongeant sur plus de 15 jours;
en offrant des occasions de contact humain réel et un accès sans interruption aux programmes ainsi qu’un accès 24 h sur 24 aux services de santé et de santé mentale;
en établissant un mécanisme judiciaire de surveillance indépendant pour examiner tous les cas de placement dans une unité d’intervention structurée et des décisions connexes.
Recommandation 34
Que le Service correctionnel du Canada cesse immédiatement le recours à l’isolement, quelle que soit la désignation employée, des jeunes, des femmes et des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale invalidants, et qu’il effectue des évaluations de la santé mentale et mette en place une surveillance judiciaire pour éliminer la surreprésentation dans les unités d’intervention structurées des personnes autochtones, noires ou d’autres origines raciales et de celles ayant des problèmes de santé mentale.
Chers collègues, je tenais à vous rappeler ces recommandations de notre comité, qui ont été déposées en 2021. Je vous encourage à relire les conclusions et les recommandations de l’étude pour saisir la nature cruciale du projet de loi S-230.
J’appuie pleinement ce projet de loi, car j’estime que personne ne mérite de subir ce traitement inhumain qu’est le temps passé en isolement. Je pense que nous pouvons et devons inscrire de véritables solutions de rechange dans la loi. Je vous remercie. Asante.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Chers collègues, nous savons tous que la sénatrice Pate a fait un travail extraordinaire pour mettre de l’avant la nécessité critique de ce projet de loi et les raisons qui ont motivé sa création. J’aimerais réitérer et réaffirmer certains des points les plus saillants et les avantages que représenterait ce projet de loi, un projet de loi qui est particulièrement crucial pour les femmes des Premières Nations, les Inuites, les Métisses et les femmes autochtones non inscrites.
Le projet de loi S-230 vise à remplir une promesse faite par le gouvernement fédéral. En 2018-2019, le gouvernement s’est engagé à mettre fin à la pratique de l’isolement dans les prisons fédérales. Cette fin de l’isolement devait inclure la fin de l’isolement cellulaire, un traitement dont il a été prouvé qu’il avait des conséquences très négatives pour ceux qui y sont soumis. Toutefois, cet engagement du gouvernement ne s’est pas matérialisé.
À cette époque, l’engagement du gouvernement sur cette question était non seulement louable, mais aussi nécessaire. La nécessité de cet engagement est ancrée dans le respect des droits de la personne et de la Charte, qui sont la pierre angulaire de la société canadienne. Cependant, nous continuons d’apprendre de bien des façons que le gouvernement n’a pas tenu sa promesse de mettre fin à cette pratique horrible et préjudiciable.
Malgré les changements introduits par le précédent projet de loi C-83 du gouvernement, nous constatons qu’une personne sur trois dans ces unités d’intervention structurée est dans une situation qui correspond à la définition d’« isolement cellulaire », puisqu’elle passe 22 heures par jour dans une cellule sans contact humain réel. Pour 10 % de ces personnes, la durée de l’isolement est si longue, soit plus de 15 jours, qu’elle correspond à ce qui constitue de la torture selon la loi.
D’après ce que j’ai vu lors d’une visite que nous avons effectuée en tant que sénateurs à l’Établissement de Stony Mountain, au Manitoba, le 17 janvier 2024, afin de voir ces unités d’intervention structurée, je peux confirmer que ces unités sont les mêmes qu’avant et qu’elles ont simplement changé de nom.
J’aimerais que vous vous demandiez comment ces gens se sont retrouvés là. Lorsque j’ai travaillé avec les intervenants autochtones de l’Établissement de Stony Mountain, j’ai vu le racisme que ces gens subissaient, et j’ai compris ce qui se passait. Quelqu’un au service de psychiatrie m’a dit que 75 % de ces gens avaient des problèmes de santé mentale et n’auraient pas dû se retrouver dans ces unités.
C’était en 2018. Lorsque j’y suis retourné en 2024, nous avons notamment demandé aux travailleurs ce qu’ils faisaient lorsqu’ils rencontraient des prisonniers. Ils ont répondu : « Eh bien, nous les amenons à assumer la responsabilité de leur comportement. »
Je leur ai alors demandé : « Si quelqu’un se retrouve ici pour un vol parce qu’il avait faim ou qu’il était sans abri, que faites-vous dans cette situation? » Ils ne pouvaient pas me répondre.
Quand j’ai assisté à la réunion de la police sur la détention provisoire, une des intervenantes a déclaré que, dans son étude, on avait envoyé en prison un homme qui avait dérobé une bouteille d’alcool dans un magasin d’alcool. Dix ans plus tard, cet homme était devenu un criminel endurci. Telle est la réalité.
Cela me touche de près, car si je n’avais pas eu de soutien, j’aurais très facilement pu finir en prison. Quand on sort d’une institution qui nous a tout pris, on en sort avec la rage au cœur. Comment pourrait-il en être autrement?
Quand j’ai appris qu’il y avait des tombes anonymes à mon pensionnat, cette rage s’est manifestée. C’était cette année. J’ai été vraiment choquée de voir que j’avais encore cette rage en moi. J’ai toujours su que j’aurais pu finir en prison. Grâce au soutien que j’ai reçu, je n’y suis pas allée. Voilà pourquoi je vous demande de réfléchir à la raison pour laquelle ces personnes s’y trouvent.
Chers collègues, on constate que la durée pendant laquelle les personnes sont obligées de supporter de telles périodes d’isolement augmente par rapport aux anciens régimes d’isolement. Les détenus ne sont pas en mesure de déposer des plaintes et de demander la tenue d’examens menés par les décideurs externes indépendants, dont le rôle est d’assurer une surveillance externe indépendante. Plutôt, ces décideurs externes indépendants n’examinent que les cas qui leur sont renvoyés par le Service correctionnel du Canada, ce qui a pour effet de réduire encore plus au silence les détenus et de rendre leurs droits encore plus secondaires.
De plus, on a constaté que, dans les cas où les décideurs externes indépendants ordonnent la libération de détenus se trouvant dans des unités d’intervention structurée, les responsables du Service correctionnel du Canada mettent en moyenne plus de temps à se conformer à ces directives par rapport aux cas d’autres détenus où l’ordre de libération vient d’une autre source.
Par conséquent, chers collègues, nous assistons non seulement à un échec de la part du gouvernement en ce qui concerne l’arrêt de la pratique horrible, inacceptable et inhumaine de l’isolement, mais aussi à une dévalorisation et à un manque de respect du rôle des décideurs externes indépendants, puisque les responsables du Service correctionnel du Canada et la nouvelle formulation de la politique ont servi à diluer leur rôle et leur influence dans ce processus.
Honorables sénateurs, en réponse aux manquements du gouvernement à cet égard, le projet de loi S-230 mettrait en œuvre deux formes essentielles de surveillance judiciaire pour corriger le recours abusif et généralisé à l’isolement dans les prisons fédérales. La finalité de ces deux mécanismes de surveillance judiciaire est la suivante : les autorités carcérales qui veulent mettre une personne en isolement pendant plus de 48 heures doivent obtenir l’approbation du tribunal, car après ce délai, des préjudices irréversibles peuvent commencer à survenir, avec pour conséquence que les détenus peuvent demander à un tribunal une réduction de leur peine ou du délai pendant lequel ils ne peuvent pas bénéficier d’une libération conditionnelle, au motif que des conditions de détention comme l’isolement reviennent à leur infliger une peine plus dure que celle à laquelle ils ont été condamnés.
Chers collègues, ces formes de surveillance judiciaire ne sont pas arbitraires et ne viennent pas de nulle part. Elles reposent sur les recommandations réfléchies et fondamentales formulées par la juge Louise Arbour en 1996 par l’intermédiaire de la Commission d’enquête sur certains événements survenus à la Prison des femmes de Kingston. Comme la juge Arbour l’a mentionné à l’époque :
Je ne vois aucune autre solution au recours abusif à l’isolement de longue durée sauf celle de recommander qu’il soit placé sous le contrôle et la surveillance des tribunaux.
Compte tenu de la tentative maladroite du gouvernement de remédier à ce problème abominable, il est plus que temps que nous écoutions les propos sages et prudents de la juge Arbour.
Honorables sénateurs, aucun d’entre vous ne sera surpris d’entendre que les Autochtones représentent un pourcentage extrêmement élevé de la population carcérale du Canada par rapport à leur pourcentage de la population générale du pays. Cette surreprésentation est encore plus marquée chez les femmes autochtones, et pire encore lorsqu’on examine la composition des personnes les plus touchées par le recours aux unités d’intervention structurée.
Les femmes autochtones représentent la moitié des femmes dans les prisons fédérales. Elles représentent également 96 % des femmes isolées dans les unités d’intervention structurée, ce qui est épouvantable. Compte tenu de cette réalité, je demande à chacun d’entre vous, chers collègues sénateurs, de réfléchir à certains des documents importants que nous avons collectivement défendus au cours des dernières années au Sénat. Nous avons vanté les vertus du rapport final et des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Nous avons souligné l’importance de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et des appels à la justice qui en ont résulté. Nous avons approuvé et inscrit dans la loi un plan d’action visant à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Tout cela est bien beau, mais ce ne sont que des mots sur du papier. Que faisons-nous réellement pour remédier aux problèmes évoqués dans ces documents importants?
L’article 7.1 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones stipule que « [l]es autochtones ont droit à la vie, à l’intégrité physique et mentale, à la liberté et à la sécurité de la personne ».
Cependant, nous constatons que les Autochtones sont en grande partie ceux qui sont victimes de l’impact du recours aux unités d’intervention structurées, qui font des ravages mentaux et physiques sur leur personne et entraînent des cas de schizophrénie, voire pire. N’oubliez pas qu’il s’agit de femmes au comble de la vulnérabilité.
L’appel à l’action no 30 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada demande « aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de s’engager à éliminer, au cours de la prochaine décennie, la surreprésentation des Autochtones en détention ».
L’appel à l’action no 41 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada demande :
[...] au gouvernement fédéral de nommer, à la suite de consultations avec des organisations autochtones, une commission d’enquête publique chargée de se pencher sur les causes de la disproportion de la victimisation des femmes et des jeunes filles autochtones.
Cependant, le nombre de prisonniers autochtones reste extrêmement élevé, et les femmes autochtones sont surreprésentées dans les situations de victimisation au sein même de notre système correctionnel, qui les place de force dans ces unités d’intervention structurées, malgré les effets délétères connus et bien documentés qu’elles ont sur les personnes qui y sont placées.
L’appel à la justice no 5.21 de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées demande au gouvernement fédéral « de réduire la surreprésentation démesurée des femmes autochtones dans le système de justice criminelle ». Or, encore une fois, la surreprésentation continue plutôt d’augmenter.
Chers collègues voici la question dérangeante que nous devons nous poser : en faisons-nous assez? En faisons-nous assez pour que les Premières Nations constatent des changements concrets, et pas seulement théoriques? Nous sommes toujours prêts à nous taper dans le dos parce que nous avons créé tel ou tel cadre ou à dire que les choses doivent changer. Eh bien, le projet de loi S-230 ferait bouger les choses pour vrai et aurait des conséquences aussi réelles que tangibles.
Nous entendons souvent parler de la surreprésentation des peuples autochtones, et plus particulièrement des femmes autochtones, dans les prisons canadiennes. Nous entendons souvent parler de l’importance capitale des trois instruments dont je viens de parler, à savoir les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, des appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et les nombreux articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Or, ces documents éclairants ne sont pas des solutions en soi; ils ne font que nous montrer le chemin vers les solutions. Ces problèmes ne se résoudront jamais tant que la volonté politique fera défaut et que les politiciens ne décideront pas de changer les choses au moyen de mesures énergiques et décisives.
Nous décrions le traitement que subissent les femmes autochtones et nous nous entendons pour dire à quel point les résultats de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées étaient horribles. Faisons un premier pas vers la solution. C’est ce que permettrait le projet de loi S-230. Son adoption permettrait de soustraire les peuples autochtones et les femmes autochtones aux peines cruelles et inusitées que représentent les unités d’intervention structurée.
Ne vous y trompez pas : les peuples autochtones, et plus particulièrement les femmes autochtones, sont les plus touchés par cette prétendue forme de justice. Nous avons l’obligation solennelle de nous tenir debout, de prendre nos responsabilités et d’adopter le projet de loi S-230.
Je vous remercie.
Je propose l’ajournement du débat.
L’honorable sénatrice Martin, avec l’appui de l’honorable sénatrice Seidman, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Madame la Présidente, je souhaite prendre la parole dans le cadre du débat.
Le sénateur Plett a la parole.
Votre Honneur, je suis déçu qu’une motion d’ajournement pour cette mesure législative soit rejetée à ce stade-ci.
Comme tous les sénateurs s’en souviendront, le sénateur Carignan a invoqué le Règlement il y a un certain temps pour dire que ce projet de loi nécessitait une recommandation royale. Nous croyons toujours que c’est le cas. Votre Honneur, vous avez déterminé que ce n’est pas le cas. Nous acceptons votre décision et nous vous en remercions.
Vous avez fait cela la semaine dernière, Votre Honneur, et la sénatrice Pate aurait pu intervenir au sujet de son projet de loi à ce moment-là pour que nous ayons tous le temps d’écouter les arguments sur le projet de loi et de préparer notre porte-parole à se prononcer. Au lieu de cela, elle a choisi de ne pas prendre la parole. Ce matin, Votre Honneur, j’ai appris pendant la réunion des leaders que la sénatrice Pate allait prendre la parole aujourd’hui, et notre leader adjointe l’a appris plus tard lors de la réunion préparatoire.
De toute évidence, Votre Honneur, la marraine du projet de loi a pris la parole et deux autres collègues ont pris la parole après elle, et le porte-parole attendait d’entendre les arguments sur ce projet de loi, mais il n’en a pas eu l’occasion parce que la sénatrice Pate n’est pas intervenue et que deux sénateurs ont pris la parole pendant 10 ou 15 minutes chacun. En attendant, notre porte-parole est censé essayer de prendre la parole et de faire valoir des arguments raisonnables.
Votre Honneur et chers collègues, nous estimons qu’il s’agit d’un mauvais projet de loi. C’est notre avis, mais nous souhaitons préparer nos arguments. Le projet de loi S-230 présente un risque financier et opérationnel considérable pour le Service correctionnel du Canada, car il rend obligatoire le transfèrement dans un hôpital provincial de toute personne incarcérée dans un établissement fédéral et souffrant de troubles mentaux invalidants. L’absence de définition claire de ce terme pourrait entraîner un nombre important de transfèrements, ce qui augmenterait considérablement les coûts pour le Service correctionnel.
Selon le directeur parlementaire du budget, en supposant que 75 % des personnes incarcérées souffrent de troubles mentaux et que ces troubles sont débilitants dans 50 % des cas, environ 5 000 détenus pourraient prétendre à des soins psychiatriques. Il s’agit là d’un coût important.
Votre Honneur, nous avons essayé, en collaboration avec d’autres sénateurs, de faire en sorte que des projets de loi d’initiative parlementaire franchissent la ligne d’arrivée. Depuis octobre, chers collègues, il y a eu le projet de loi S-235 de la sénatrice Jaffer, le projet de loi S-250 de la sénatrice Boyer, le projet de loi C-244, un projet de loi d’initiative parlementaire libéral qui nous a été renvoyé, et les projets de loi C-291 et C-294. Ces deux derniers étaient des projets de loi conservateurs. Les trois autres étaient des projets de loi libéraux ou du groupe des sénateurs indépendants.
En novembre, nous avons eu le projet de loi S-269 de la sénatrice Marty Deacon, du Groupe des sénateurs indépendants, le projet de loi S-276 du sénateur Kutcher, du Groupe des sénateurs indépendants, le projet de loi C-284, un projet de loi d’initiative parlementaire libéral, présenté par le Groupe des sénateurs indépendants. Pourtant, la semaine dernière, Votre Honneur et chers collègues, vous vous souviendrez que nous, du côté conservateur, avons demandé la mise aux voix de deux projets de loi du Groupe des sénateurs indépendants parce que nous pensions qu’ils étaient bons, qu’ils avaient fait l’objet d’un débat considérable et qu’ils étaient mûrs. Nous les avons donc fait avancer.
Plus tard aujourd’hui, nous serons saisis d’un autre projet de loi très urgent, et ce matin, on nous a dit : « L’un n’arrivera pas sans l’autre. » Ce n’est pas ainsi que l’on négocie un bon projet de loi. Si le projet de loi est bon, mettons-le aux voix et votons en sa faveur. Si le projet de loi est mauvais, n’en faisons rien. Nous sommes en présence d’un mauvais projet de loi pour lequel nous acceptons de passer au vote. Une offre a été faite, et on l’a refusée.
Votre Honneur, nous espérons que nous pourrons traiter cette question dans un esprit de collaboration et que notre porte-parole aura la possibilité de livrer des arguments en bonne et due forme, d’examiner les transcriptions de ce que les sénatrices Pate, McCallum et Bernard ont dit ici aujourd’hui, ainsi que d’autres arguments, puis de présenter un discours de porte-parole approprié.
Encore une fois, Votre Honneur, j’implore mes honorables collègues d’étudier cette question sans s’arrêter à la personne dont vient l’initiative, au fait que cette initiative vient peut-être d’une amie proche, mais en se fondant sur les mérites de la mesure et l’organisation du temps adéquate pour une mesure comme celle-ci. Ce projet de loi n’est pas urgent en ce moment, à l’étape de la troisième lecture. Nous pouvons tenir le vote aujourd’hui, la semaine prochaine ou même la semaine suivante. Il doit aller à la Chambre, qui — nous en avons le sentiment — est probablement un peu submergée par d’autres problèmes dont elle s’occupe en ce moment. Je ne pense pas que les députés prêtent vraiment attention à cela.
Quoi qu’il en soit, Votre Honneur, nous avons fait une offre très raisonnable, et, dans ce contexte, je demande l’ajournement de ce débat pour le reste de mon temps de parole.
Sénateur Plett, je voulais mentionner que la motion d’ajournement a été rejetée. Par conséquent, nous ne pouvons pas… Vous ne pouvez pas ajourner le débat. Toutefois, vous avez pris la parole en disant que la motion a été rejetée, et vous avez participé au débat. La sénatrice Martin a proposé l’ajournement.
Il n’en a pas été ordonné ainsi.
N’avez-vous pas pris la parole pour invoquer le Règlement?
Non, j’ai pris la parole pour participer du débat, Madame la Présidente. Le hansard le confirmera.
Pourriez-vous attendre un instant? Nous ne pouvons avoir deux motions différentes dans le cadre d’un débat. Je tiens à préciser que la sénatrice Martin a proposé l’ajournement du débat, puis vous avez pris la parole. Nous ne pouvons avoir deux motions d’ajournement du débat en même temps.
Puis-je vous poser une question, Votre Honneur?
Oui.
Pourquoi m’avez-vous accordé la parole dans le cadre du débat? J’ai précisé que j’intervenais dans le cadre du débat, avant que la motion d’ajournement soit mise aux voix. La sénatrice Martin a proposé la motion. Elle n’a pas été mise aux voix, et j’ai pris la parole pour participer au débat. Il n’est pas anormal qu’une personne intervienne pour débattre après la présentation d’une motion d’ajournement.
Je n’ai pas vu deux sénateurs se lever pour demander qu’on fasse sonner le timbre ou pour demander... Par conséquent, nous ne pouvons mettre aux voix deux motions d’ajournement.
Si vous le permettez, j’aimerais profiter de cette occasion parce que nous avons manqué de temps et certaines questions. Je sais que le sénateur Plett a raison lorsqu’il dit qu’un porte-parole a besoin de temps pour s’exprimer pleinement après l’intervention du parrain d’un projet de loi. Nous étions encore en train de négocier, le sénateur Plett et moi, et je n’ai pas eu assez de temps pour informer mon groupe de ce qui se passait.
En bref, si nous acceptons d’ajourner le débat sur le projet de loi S-230 aujourd’hui, nous accepterions également d’avoir, d’ici jeudi prochain, le 5 décembre, un vote à l’étape de la troisième lecture sur ce projet de loi.
On ne peut pas négocier dans cette enceinte.
Oui, mais c’est la situation dans laquelle nous sommes, sénateur. J’essaie de trouver une solution.
Passons au vote.
Si vous ne voulez pas en discuter ici, je ne peux rien faire de plus pour vous aider. Alors, merci.
La sénatrice Martin a proposé l’ajournement. Cela a été rejeté. Comme j’ai accordé la parole au sénateur Plett, nous ne pouvons pas avoir deux motions d’ajournement successives. Par conséquent — oui, sénatrice Moncion?
Passons de nouveau au vote.
Sénatrice Moncion, quel vote?
Le vote sur la motion d’ajournement de la sénatrice Martin.
Le consentement est-il accordé?
J’ai entendu un non. Nous poursuivons donc le débat sur la motion.
J’avais la parole, Votre Honneur, ce qui signifie que nous avons ouvert le débat. Est-ce exact?
Vous n’avez pas l’intention d’ajourner le débat, n’est-ce pas?
Vous avez dit...
Vous avez proposé l’ajournement de la motion.
Vous avez dit que nous reprenions le débat, alors poursuivons le débat. Est-ce bien ce que je vous ai entendu dire, Votre Honneur?
Oui.
Je vais conclure mon intervention en disant que j’aimerais ajourner le débat pour le reste du temps dont je dispose.
Vous ne pouvez pas ajourner le débat une deuxième fois, étant donné que la sénatrice Martin a déjà présenté une motion d’ajournement. Oui, sénateur Wells?
Votre Honneur, je ne connais peut-être pas les règles aussi bien que vous, mais, si j’ai bien compris, après la présentation de la motion d’ajournement, aucune décision n’a été prise à ce sujet. Ensuite, le sénateur Plett est intervenu dans le cadre du débat, ce qui a annulé toute motion d’ajournement précédente qui n’a pas fait l’objet d’un débat, surtout si le débat principal s’est poursuivi.
Je voudrais suspendre la séance pendant quelques minutes parce que je ne suis pas d’accord avec le sénateur sur ce point. Merci.
Votre Honneur, c’était effectivement une suspension qui méritait une bonne conversation et un peu de camaraderie à l’approche de Noël. Je pense que nous avons convenu, Votre Honneur, que le consentement serait accordé si je demandais l’ajournement à ce stade-ci. Donc, avec le consentement du Sénat, je propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.
Le consentement est-il accordé?
Il en est ainsi ordonné.