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La réticence face aux vaccins

Interpellation--Suite du débat

28 mai 2019


L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation de la sénatrice Moodie concernant la réticence face aux vaccins.

L’Organisation mondiale de la Santé a déterminé que la réticence face aux vaccins, ou la résistance aux vaccins, est l’une des 10 principales menaces à la santé mondiale en 2019. On définit ce phénomène comme le fait d’être réticent à se faire vacciner ou à faire vacciner son enfant ou de s’opposer à la vaccination, en dépit de la disponibilité des vaccins et des données probantes dont on dispose.

La vaccination est l’un des moyens les moins coûteux de prévenir de nombreuses maladies, dont beaucoup sont devenues de plus en plus rares. De nombreux médecins au Canada n’ont jamais vu de cas de rougeole, de poliomyélite, de diphthérie ou de coqueluche. Actuellement, les vaccins préviennent de 2 à 3 millions de décès par année à l’échelle mondiale, et on pourrait en prévenir 1,5 million de plus si on pouvait accroître le taux de vaccination mondial.

La majorité des Canadiens font vacciner leurs enfants, mais nous sommes loin derrière d’autres pays développés au chapitre des taux de vaccination. Selon les statistiques publiées en 2017 par l’OCDE, le Canada a l’un des plus faibles taux de vaccination des enfants au sein des pays développés. Au Canada, un enfant sur dix n’est pas vacciné et demeure vulnérable à une foule de maladies potentiellement mortelles et pouvant être prévenues par la vaccination. Selon des études récentes, un tiers des Canadiens commencent à exprimer une réticence face aux vaccins.

Compte tenu de la réapparition de maladies évitables grâce aux vaccins, comme le montre l’épidémie récente de rougeole, il convient d’étudier plus à fond ce phénomène. Dans le cadre de la Semaine nationale de promotion de la vaccination, qui s’est déroulée du 20 au 27 avril, nous avons tenu une réunion du caucus ouvert sur la réticence face aux vaccins. Comme vous le savez, le caucus ouvert est un forum de discussion sur des enjeux d’importance nationale. Cette réunion a été organisée en collaboration avec les quatre médecins du Groupe des sénateurs indépendants. Je remercie le sénateur Kutcher, les sénatrices Moodie et Mégie, ainsi que les membres de leur équipe respective, pour leur excellent esprit de collaboration. Je tiens aussi à exprimer toute ma gratitude à Sarah Polowin et Jan McIlveen, deux membres de mon personnel, de leur contribution inestimable.

Nous avons eu la chance de compter sur la présence des plus grands experts en la matière, qui ont présenté des exposés, dont la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada; Timothy Caulfield, titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit et en politique de la santé; André Picard, chroniqueur en matière de santé au Globe and Mail; la Dre Noni MacDonald, professeure de pédiatrie à l’Université Dalhousie; et la Dre Anna Banerji, directrice de la Faculté de la santé des Autochtones et des réfugiés de l’Université de Toronto.

Le message à retenir de la réunion du caucus ouvert était clair : une tâche énorme nous attend. Nous avons réfléchi et nous nous sommes demandé si nous n’étions pas devenus les victimes de notre propre succès grâce aux vaccins précédents. Nous nous sommes rendu compte qu’il fallait créer un cadre national pour les vaccins, y compris un système global de tenue des dossiers de vaccination, un registre national et un calendrier de vaccination harmonisé d’un bout à l’autre du pays. Il est essentiel d’organiser une campagne de sensibilisation vigoureuse auprès de tous les Canadiens, à laquelle participeront l’ensemble des intervenants. Nous devons accroître les connaissances scientifiques et améliorer les capacités de lecture et d’écriture afin de lutter contre les fausses nouvelles qui circulent dans les médias sociaux, notamment Facebook, YouTube et Twitter. Nous devons examiner de près les outils, les ressources et le personnel dont nous disposons. Adopter une attitude de confrontation maintenant ne ferait que favoriser l’hostilité et la méfiance.

Dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, les niveaux de vaccination sont très élevés. La Dre Claudia Sarbu, médecin-hygiéniste en chef de Terre-Neuve-et-Labrador, a indiqué que les taux de vaccination dans la province sont supérieurs à 95 p. 100, ce qui est suffisant pour assurer l’immunité collective. Cette immunité s’acquiert quand une masse critique de la population est immunisée contre des maladies infectieuses grâce à la vaccination ou à une maladie antérieure. Quand cette forme d’immunité est acquise, la propagation de la maladie de personne à personne devient improbable. Même les gens qui n’ont pas été vaccinés, comme les nouveau-nés et les personnes atteintes de maladies chroniques, sont protégés d’une certaine façon parce que la maladie est peu susceptible de se répandre dans la communauté.

Malheureusement, les taux nationaux de vaccination sont bien inférieurs à ceux de ma province.

À Terre-Neuve-et-Labrador, il n’y a eu que deux cas confirmés de rougeole dans les 20 dernières années. C’était en 2017, et les deux personnes avaient voyagé à l’étranger.

Dans ma province, le système de santé publique joue un rôle central pour veiller à ce que les taux de vaccination soient élevés. Les infirmiers se font un devoir, surtout à la rentrée des classes, de vérifier si le quartier a accueilli de nouveaux enfants et si ceux-ci ont reçu tous les vaccins prévus. Les suivis étroits font partie des pratiques courantes.

Les infirmiers en santé communautaire donnent les vaccins aux jeunes enfants de deux mois à cinq ans à leur service local de santé. Les enfants d’âge scolaire ont accès à des programmes de vaccination dans des cliniques spéciales installées à l’école. On fait encore une fois appel aux infirmiers en santé communautaire.

Comme il a été souligné lors de la réunion du caucus ouvert, les travailleurs de la santé, surtout en milieu communautaire, demeurent les conseillers qui jouissent de la plus grande confiance et de la plus grande influence en ce qui concerne les décisions touchant les vaccins. Les infirmiers et les autres professionnels de la santé se trouvent en première ligne pour lutter contre cette réticence face aux vaccins. Il est absolument essentiel que nous adoptions une approche interdisciplinaire et intégrée afin de leur offrir les ressources nécessaires pour donner les vaccins.

Pendant ma formation médicale au Zimbabwe, j’ai constaté les conséquences désastreuses pour les populations aux taux de vaccination très faibles. Les éclosions de maladies infectieuses communes entraînaient des taux très élevés de mortalité et de morbidité. Les survivants devaient vivre avec des séquelles débilitantes, comme la cécité, l’infertilité, des retards de développement, la paralysie et des maladies cardiaques et pulmonaires chroniques.

La réticence face aux vaccins est une grave menace à la santé publique et au bien-être de la population canadienne en général. Honorables collègues, j’espère pouvoir compter sur votre appui afin que nous nous penchions sur ce grave problème de santé publique.

Je vous remercie de l’attention que vous prêtez à cette question. Meegwetch.

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