Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale
Deuxième lecture
26 octobre 2023
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture en tant que critique du projet de loi C‑226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale.
Permettez-moi, chers collègues, de faire un bref résumé du projet de loi C‑226. Ce ne sera pas long.
Ce projet de loi exige que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique élabore une stratégie nationale visant à promouvoir les initiatives, dans l’ensemble du Canada, pour prévenir le racisme environnemental et faire progresser la justice environnementale.
En consultation ou en coopération avec toutes les personnes intéressées, la stratégie nationale devra inclure diverses mesures, comme les modifications possibles aux lois, politiques et programmes fédéraux et l’indemnisation des familles ou des collectivités. Le projet de loi prévoit que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique établisse un rapport énonçant la stratégie nationale et le fasse déposer devant chaque chambre du Parlement dans un délai de deux ans suivant l’entrée en vigueur de la loi.
Chers collègues, je tiens à être clair. Je crois fermement que tous les Canadiens devraient vivre dans un environnement sain, et que nous devrions nous attaquer à toute forme de racisme. Cependant, je ne suis pas d’accord avec l’approche proposée par le projet de loi C‑226, soit de recourir à une stratégie nationale pour atteindre cet objectif.
Dès le départ, le projet de loi C‑226 n’établit pas de portée raisonnable pour le processus de consultation. Le projet de loi demande au ministre de collaborer avec « les personnes, collectivités, organismes et organisations intéressés » ou de les consulter, ce qui comprend les autres ministres et représentants du gouvernement du Canada et des communautés autochtones, mais il ne définit pas ce qui constitue une personne, une collectivité, une organisation ou un organisme « intéressé », laissant ainsi grande ouverte la portée de la consultation.
C’est à la fois lourd et irréalisable. Sans une portée précise, il est impossible de tenir un processus de consultation efficace. Quel que soit le but de toute stratégie nationale en cours d’élaboration, la portée des consultations doit comporter des paramètres clairs afin de donner une orientation concise à la stratégie ou au cadre.
Par exemple, au cours de la 42e législature, le député conservateur Todd Doherty a présenté le projet de loi C‑211, Loi concernant un cadre fédéral relatif à l’état de stress post‑traumatique, qui a reçu la sanction royale le 21 juin 2018. Ce projet de loi identifiait spécifiquement les différents ministres, représentants et intervenants qui devaient être consultés afin d’établir un cadre sur l’état de stress post-traumatique. Des ministres fédéraux étaient même nommés dans le projet de loi, de même que des représentants provinciaux et territoriaux et des représentants de la communauté médicale et de groupes de patients. Cette approche a fait en sorte que le projet de loi ait les meilleures chances de succès possible.
Lorsqu’on compare la disposition sur la consultation du projet de loi C‑211 à celle du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui, la différence est frappante.
Avec le projet de loi C‑226, on se demande où commencera la consultation, où elle se terminera et qui en fera partie. C’est extrêmement large et ambigu. On laisse le champ libre au ministre de choisir les personnes à consulter. Il peut adapter les consultations à ce qu’il veut entendre et voir inclus dans la stratégie nationale, tout en ignorant d’autres voix importantes.
Compte tenu du bilan lamentable du gouvernement en matière de consultation, il s’agit là d’une préoccupation bien légitime. Va-t-il donner la priorité à la consultation d’amis proches du gouvernement plutôt que d’écouter les gens sur le terrain? Les paramètres ne sont pas clairs, ce qui laisse le processus de consultation ouvert à la manipulation.
Le projet de loi C‑226 propose ensuite une série de mesures qui pourraient être prises dans le cadre de la stratégie nationale. La première d’entre elles consiste à suggérer d’éventuelles modifications aux lois, politiques et programmes fédéraux.
Encore une fois, comme pour la disposition du projet de loi sur la consultation, cette disposition est très large et prête à l’interprétation. Je crains que la stratégie nationale ne lutte pas efficacement contre le racisme environnemental et qu’elle ne fasse qu’ajouter des tracasseries administratives à un processus réglementaire qui est déjà compliqué en ce pays. En cette période économique difficile, nous avons besoin de plus de stabilité, pas de plus de bureaucratie.
Une autre mesure facultative proposée dans le projet de loi est l’indemnisation des particuliers ou des collectivités afin de promouvoir la justice environnementale et de lutter contre le racisme environnemental. Cependant, est-ce qu’on a établi les paramètres entourant l’indemnisation? Non. A-t-on la moindre information sur la façon dont ils seront établis? Non. Nous a-t-on seulement indiqué les conditions à respecter pour être admissible? Encore une fois, la réponse est non. On semble donner carte blanche au ministre pour décider de la façon d’indemniser les gens et les collectivités.
Je n’ai jamais été d’accord pour que l’on donne carte blanche à un gouvernement. Bien franchement, cela vaut pour n’importe quel gouvernement, mais encore plus pour le gouvernement actuel. Or, le projet de loi C‑226 nous mène assurément sur cette voie en laissant le champ libre au gouvernement. Encore une fois, c’est un projet de loi dont la portée est très vaste et généralisée.
Enfin, honorables sénateurs, je dois vous faire part de mes préoccupations concernant les stratégies nationales du gouvernement, qui sont peu efficaces, voire pas du tout. En effet, je vous rappelle qu’en 2017, le gouvernement fédéral a lancé la Stratégie nationale sur le logement, un plan comprenant un financement de 72 milliards de dollars sur 10 ans pour répondre aux principaux problèmes qui touchent le logement au Canada. Il suffit d’observer les conditions actuelles du marché immobilier pour se rendre compte de l’échec du gouvernement Trudeau dans ce dossier. Nous nous retrouvons maintenant avec un marché immobilier beaucoup moins abordable et accessible pour ceux qui veulent acheter une première maison. Jusqu’à présent, la Stratégie nationale sur le logement a coûté des milliards de dollars aux Canadiens, et les résultats ne sont tout simplement pas au rendez-vous.
Peut-on faire confiance au gouvernement pour qu’il élabore une stratégie nationale raisonnable et efficace? Je crains que nous n’obtenions que de nouvelles dépenses sans aucun résultat. C’est pour cette raison que je doute fortement de la capacité du gouvernement Trudeau à produire une stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale. Comme il est indiqué dans le projet de loi C‑226, le ministre aura deux ans pour établir un rapport énonçant la stratégie. Connaissant le modus operandi du gouvernement, les deux années de consultations ne seront pas menées avec l’objectif de protéger l’argent des contribuables.
En outre, honorables sénateurs, il faudra attendre cinq ans après le dépôt de la stratégie au Parlement pour en mesurer l’efficacité. Dans l’intervalle, le gouvernement pourrait avoir l’impression qu’il travaille à s’assurer que tous les Canadiens vivent dans un environnement sain et à combattre le racisme systémique, alors qu’il ne ferait rien de plus que gaspiller de l’argent pour une stratégie inefficace qui donne peu de résultats. À mon avis, le projet de loi C‑226 soulève trop de questions et d’incertitudes pour les Canadiens.
Je ne suis pas le seul à le penser, honorables sénateurs. Pendant l’étude du projet de loi C‑226, au Comité de l’environnement et du développement durable de l’autre endroit, Ellis Ross, député actuel de Skeena à l’Assemblée législative de la Colombie‑Britannique, qui a déjà été conseiller en chef de la nation Haisla, a indiqué que lui aussi considérait que le projet de loi ratisse trop large et qu’il pourrait être interprété de nombreuses façons. De plus, il a ajouté ceci :
[...] quelle est la limite pour ce qui est des coûts financiers? Tout ce que j’ai vu en ce qui concerne la politique gouvernementale finit toujours par être financé par le contribuable, ou on court après les investissements des provinces.
Honorables sénateurs, M. Ross a raison. En fin de compte, ce sont les contribuables qui paieront la note. Le Canada n’a pas les moyens de prendre des mesures coûteuses qui risquent de décourager les investissements au pays dans l’avenir. J’aurais souhaité que le comité de l’autre endroit étudie plus longuement le projet de loi et écoute une plus grande diversité de points de vue d’un océan à l’autre pour que nous ayons une meilleure compréhension de ce qui nous est proposé aujourd’hui, car somme toute, nous devons nous assurer que les stratégies nationales tiennent compte des questions provinciales et régionales sans outrepasser la compétence fédérale.
Chers collègues, je ne peux appuyer un projet de loi qui laisse autant de questions sans réponse. Mes collègues conservateurs et moi croyons sincèrement que tous les Canadiens devraient vivre dans un environnement sain et qu’il faut lutter contre toutes les formes de racisme. Cependant, je ne crois pas que ce projet de loi produira les résultats escomptés. Je crois plutôt qu’il risque d’entraîner des coûts élevés et qu’il ne servirait pas l’intérêt des Canadiens. Le projet de loi est trop général, ne comporte pas les définitions nécessaires et risque de créer encore plus d’incertitude pour trop d’industries en quête de stabilité. De plus, je ne crois pas que le gouvernement actuel ait fait la preuve de sa capacité à mener une telle consultation auprès des personnes qu’il doit consulter.
Honorables sénateurs, même si je m’oppose à ce projet de loi dans sa forme actuelle, j’ai toujours soutenu que les projets de loi devaient faire l’objet d’un examen approfondi par un comité. Je m’oppose donc au projet de loi, mais je suis d’accord pour qu’il soit renvoyé au comité pour un examen approfondi — je regarde la présidente en disant cela —, et je suis pour qu’il aille de l’avant. Je veillerai à ce que la motion soit adoptée avec dissidence. Merci, chers collègues.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)