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Le Sénat

Question de privilège--Report de la décision de la présidence

19 octobre 2023


L’honorable Mary Jane McCallum [ + ]

Si un vote par appel nominal est tenu sur cette question, j’ai une question de privilège.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous soulevez une question de privilège. Vous avez la parole.

La sénatrice McCallum [ + ]

Merci. Votre Honneur, je prends la parole conformément à l’article 13-4(a) du Règlement pour soulever une question de privilège sans préavis. L’article se lit comme suit :

Si un sénateur prend connaissance d’une affaire donnant lieu à une question de privilège après le délai prévu pour en donner préavis ou pendant la séance, le sénateur peut :

a) soit soulever la question sans préavis à tout moment pendant la séance, sauf au cours des affaires courantes, au cours de la période des questions ou au cours d’un vote, mais suivant par ailleurs les dispositions générales de ce chapitre [...]

Étant donné que mon personnel a attiré mon attention sur ce sujet cet après-midi, après avoir lu le plumitif que le Bureau de la procédure et des travaux de la Chambre a remis à mon bureau à 12 h 27 aujourd’hui et comparé la motion d’initiative ministérielle no 132 au Feuilleton, je n’ai pas pu respecter le délai minimal de trois heures pour donner un préavis avant la séance, conformément à l’article 13-3(1) du Règlement. Par conséquent, cette question de privilège relève légitimement de l’article 13-4(a) du Règlement, que je viens de mentionner.

Votre Honneur, je suis très préoccupée par la motion d’initiative ministérielle no 132 et les conséquences qu’elle aurait, à savoir limiter la durée du débat sur des affaires non gouvernementales ou d’autres affaires, des questions auxquelles on accorde déjà peu de temps pour être examinées au Sénat.

Compte tenu du manque apparent de préoccupation ou de sentiment d’urgence entourant cette motion, je suis portée à croire que cette dernière est fort probablement le fruit de conversations et d’un accord entre le bureau du représentant du gouvernement au Sénat et les quatre leaders au Sénat, ou leurs représentants, sur la question.

Toutefois, comme ces leaders ne représentent pas les sénateurs non affiliés, leurs ententes ne peuvent pas s’appliquer à nous puisque nous n’avons pas été mis au courant au préalable de la tenue de ces discussions ni des décisions qui en ont découlé et que nous n’avons pas eu voix au chapitre.

J’ai fait le choix difficile de devenir une sénatrice non affiliée à cause de la marginalisation, de l’iniquité et du manque de soutien que je ressentais en tant que membre d’un groupe établi. Je constate que je continue d’être traitée de manière inéquitable en raison de ma décision consciente de devenir non affiliée, même si le Sénat se targue de respecter le principe selon lequel tous les sénateurs sont égaux. J’ai écrit de nombreuses lettres aux quatre leaders pour leur faire part de mes préoccupations au sujet de l’absence de participation des sénateurs non affiliés, dont moi-même, à la prise de décisions qui ont des répercussions non seulement sur nous, mais sur les gens que nous représentons. Pareille marginalisation n’est pas sans rappeler les façons de faire d’il y a 100, 50 ou même 10 ans.

Il faut qu’un changement profond s’opère par rapport aux politiques et aux processus qui sont désuets et, bien franchement, discriminatoires. Encore une fois, on ne m’a pas consultée avant de prendre une décision. Cette situation continue d’exclure dangereusement les sénateurs non affiliés comme moi d’un processus essentiel de négociation. Cela nuit à mon rôle de sénatrice qui se trouve à être une femme crie membre d’une Première Nation qui soulève des enjeux vitaux au nom des gens que je représente.

Il y a d’autres questions cruciales pour les gens que nous représentons, les segments de la population qui sont exclus de la majorité représentée à l’autre endroit. Ces autres questions sont extrêmement importantes et élargissent souvent nos perspectives sur les projets de loi à venir de façon à ce que nous agissions pour le bien des Canadiens. En tant que sénateurs, nous avons une responsabilité sacrée qui va de pair avec le terme « honorable », soit celle de débattre des questions afin d’accroître notre sensibilisation, nos connaissances et notre sagesse et d’agir en conséquence.

Étant donné que, pour la durée de cette session, la motion prévoit mettre une croix sur d’innombrables heures de travail qui sont normalement réservées à la discussion d’autres affaires, nous continuons à marginaliser les personnes mêmes que nous sommes censés représenter.

Par conséquent, Votre Honneur, j’aimerais vous demander de vous prononcer sur la question de savoir si le fait d’être contrainte d’être partie à un accord auquel je n’ai pas participé ou donné mon accord et qui limite ma capacité à écouter, à parler et à poser des questions sur des sujets d’une importance cruciale pour les gens que je représente au Sénat constitue une atteinte à mon privilège. Merci.

Son Honneur la Présidente [ + ]

D’autres sénateurs souhaitent-ils participer à la discussion?

L’honorable Marilou McPhedran [ + ]

Je vais être très brève. Je partage les préoccupations que la sénatrice McCallum a soulevées avec brio aujourd’hui. Ses commentaires reflètent parfaitement ma pensée.

À tous ceux qui vont réagir à cette question de privilège — et je suis consciente que vous devrez rendre une décision à ce sujet, Votre Honneur —, je demande de songer au fait que chaque fois que nous venons au Sénat pour y siéger, nous commençons la séance par une prière. Nous y sommes tous partie prenante. Je tiens seulement à souligner l’importance des commentaires de la sénatrice McCallum concernant notre responsabilité sur le plan de la représentation, tâche qui prend du temps. Cette motion vise à réduire le temps et les occasions à notre disposition.

La prière dont je parle nous demande ceci :

[...] fais que ton esprit anime nos délibérations pour qu’ainsi assemblés, nous servions toujours mieux la cause de la paix et de la justice dans notre pays et dans le monde.

Merci.

L’honorable Raymonde Saint-Germain

En écoutant nos collègues la sénatrice McCallum et la sénatrice McPhedran, je constate qu’il y a un besoin de clarification pour ce qui est de la portée de cette motion gouvernementale, parce que l’interprétation qui en est faite — et je le crois aussi en raison de ce qu’ont dit d’autres collègues — n’est pas exacte.

Avec votre accord, je pense que nous pourrions demander au représentant du gouvernement de donner des précisions sur la portée de cette motion et de confirmer s’il est exact que, les jeudis, il n’y aurait dorénavant plus d’examen de projets de loi non gouvernementaux, dans la mesure où les affaires du gouvernement cesseraient d’être étudiées avant 18 heures. Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Je vous remercie de me donner l’occasion de préciser l’objectif et les conséquences de la motion que je demande au Sénat d’étudier et de mettre aux voix.

Je parlerai de la question de privilège. Je vous remercie toutefois de votre invitation. En passant, j’espère préciser certaines choses, mais, comme une question de privilège a été soulevée, il m’apparaît vraiment approprié de signaler, respectueusement, qu’à mon avis la motion à l’étude ne porte atteinte à aucun privilège des sénateurs.

Les leaders et représentants des groupes organisés et des caucus se rencontrent régulièrement pour discuter de nombreuses questions, en particulier de la façon dont se déroulera l’étude d’un projet de loi du gouvernement. C’est là ma principale responsabilité, et c’est ce qui m’amène à convoquer ces réunions. Dans ce cas-ci, nous nous sommes rencontrés; j’expliquerai bientôt les raisons qui sous-tendaient les suggestions que m’ont faites d’autres personnes, qui souhaitaient qu’on examine des façons de composer avec certains des défis que les jeudis posent pour bon nombre d’entre vous. C’est ainsi que nous avons soumis une motion à l’ensemble du Sénat. Il ne faudrait vraiment pas penser que les ententes conclues par les leaders doivent être respectées par les personnes qui sont membres des groupes en question ou ne sont affiliées à aucun groupe. La question à régler, dans le cas présent, c’est de voir si l’ensemble du Sénat appuie ou non la motion à l’étude. Personne n’est contraint d’adopter une position ou une autre en fonction des ententes que j’ai pu conclure avec les sénateurs Plett, Saint-Germain, Cordy ou Tannas à propos de questions comme celle que nous étudions présentement.

Deuxièmement, les affaires autres que celles du gouvernement constituent un élément clé des activités du Sénat. Il suffit de lire le Feuilleton. Pardonnez-moi si mes calculs sont inexacts, mais je crois qu’il y a plus de 75 projets de loi d’intérêt public du Sénat au Feuilleton. Si l’on ajoute à cela les motions et les interpellations, il est difficile de nier qu’une part importante de notre travail et de notre contribution concerne des affaires qui ne relèvent pas du gouvernement.

Je le mentionne, Votre Honneur, parce que cet ordre, s’il est approuvé, concerne tous les sénateurs de tous les groupes. Ils ne seront pas forcément satisfaits de voir le temps consacré aux autres affaires limité, mais pas supprimé, le jeudi. Si la motion est adoptée, elle touchera tous les sénateurs parce que la majorité d’entre eux en aura décidé ainsi, et je ne crois pas que, dans de telles circonstances, on puisse dire que les privilèges des sénateurs ont été violés lorsque, collectivement, nous avons décidé de modifier les règles pour certaines raisons. Quelles sont ces raisons?

Ces raisons concernent une véritable difficulté que certains d’entre vous — pas moi, puisque j’ai la chance d’être à deux heures de voiture de Montréal — vivent en essayant de rentrer rapidement à la maison, à cause de la réduction du nombre de vols et de l’imprévisibilité croissante qui caractérise ceux-ci. Les leaders ont donc entrepris de trouver une façon équitable d’assurer une certaine prévisibilité pour ceux qui doivent prendre l’avion et qui se retrouvent parfois coincés, incapables de rentrer chez eux en raison des coûts personnels et financiers que cela suppose.

Cette motion propose simplement que le Sénat s’ajourne à 18 heures ou à la fin des affaires du gouvernement, selon la dernière éventualité. Comme nous sommes jeudi, nous allons procéder aux autres affaires, comme nous le faisons et continuerons de le faire souvent les jeudis. Il est certain qu’à un moment donné — et ce moment finit toujours par arriver —, vers la fin de l’automne à l’approche de la relâche des Fêtes et, évidemment, en juin, nous serons submergés d’affaires du gouvernement. Cela nous amènera assurément à siéger tard les jeudis, et probablement d’autres jours aussi. Dans ces circonstances, et on le sait pour l’avoir vécu, le temps finit par manquer pour les autres affaires de toute façon.

Bref, je vous remercie d’avoir soulevé cette question et d’avoir expliqué les répercussions qu’une motion comme celle-ci aura sur tous ceux d’entre nous qui ont des affaires autres que celles du gouvernement que nous voulons faire progresser. Je répète que, selon moi, cette motion ne porte aucunement atteinte aux privilèges. C’est simplement un exemple classique du Sénat qui est maître de ses propres affaires. J’espère qu’après que vous aurez rendu votre décision, Votre Honneur, nous pourrons mettre cette motion aux voix afin que le Sénat puisse se prononcer. Merci, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Est-ce que d’autres sénateurs souhaitent ajouter quelque chose? À qui voulez-vous adresser votre question, sénatrice McCallum?

La sénatrice McCallum [ + ]

Au sénateur Gold.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Je vais prendre la question en délibéré et revenir avec une décision. Merci.

L’honorable Yuen Pau Woo [ + ]

Avons-nous terminé d’examiner la question de privilège?

Son Honneur la Présidente [ + ]

J’ai demandé s’il y avait d’autres sénateurs. Oui, j’ai terminé. Je vais prendre la question en délibéré.

Le sénateur Woo [ + ]

Puis-je prendre la parole? Au sujet de la motion.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Je prends la question en délibéré. Je suis désolée, je n’avais compris votre question. Merci.

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