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Le système de soins de longue durée

Interpellation--Fin du débat

29 juin 2021


L’honorable Rosemary Moodie [ + ]

Honorables sénateurs, ce soir, je veux consacrer mon dernier discours de la session à l’interpellation sur le système de soins de longue durée de la sénatrice Seidman. Comme beaucoup l’ont reconnu, la pandémie a mis en évidence de nombreuses lacunes importantes et de longue date dans notre système de soins de longue durée. De graves problèmes affligeaient déjà le système quand la crise a éclaté, ce qui a provoqué des taux élevés d’infection et de décès.

Maintenant, plus d’un an après le début de la pandémie et quelques mois après le début de la distribution des vaccins, nous constatons encore une fois que, lorsque la crise commence à s’estomper, le sentiment d’urgence et les souvenirs commencent eux aussi à s’estomper. Cependant, les graves problèmes subsistent.

Merci, sénatrice Seidman, d’avoir soulevé cette question au Sénat. Nous devons nous assurer de maintenir l’accent sur cet enjeu et de continuer d’exercer des pressions sur les dirigeants canadiens pour qu’ils trouvent des solutions.

Quand je réfléchis à ce que nous vivons, je le fais en me fondant sur mon expérience comme cheffe médicale et évaluatrice détenant une expérience considérable dans l’accréditation des établissements de santé et des systèmes de soins de santé, sur le plan national et international.

Aujourd’hui, j’espère pouvoir expliquer comment nous en sommes arrivés là et mettre l’accent sur les solutions possibles.

Tout d’abord, en me servant des données recueillies et des renseignements que nous détenons maintenant sur l’expérience du Canada, je peux donner un aperçu des répercussions de la pandémie sur les maisons de soins de longue durée et les patients s’y trouvant.

Comme nous le savons, si vous viviez dans un établissement de soins de longue durée, vous étiez plus susceptible d’être exposé au virus de la COVID-19.

Dans un rapport intitulé Les soins de longue durée et la COVID-19 : les 6 premiers mois, l’Institut canadien d’information sur la santé a montré qu’au cours des six premiers mois de la pandémie, un tiers des établissements de soins de longue durée ont connu des flambées.

Être dans un établissement de soins de longue durée signifiait que vous étiez beaucoup plus susceptible de mourir de la COVID-19 que la plupart des Canadiens et, en fait, que la plupart des gens dans le monde.

En mai 2020, les résidents des établissements de soins de longue durée ont représenté 81 % des décès dus à la COVID-19, soit le double de la moyenne de l’OCDE.

Si vous viviez dans un établissement de soins de longue durée, la qualité de vos soins a diminué et vous avez été privé de lien avec le monde extérieur.

Les visites de médecins ont baissé de 16 % entre mars et août 2020, par rapport à l’année précédente.

Au cours de cette période, lors des évaluations des soins, il a été noté que de nombreux résidents des établissements de soins de longue durée n’avaient eu aucun contact personnel avec leur famille ou leurs amis au cours de la semaine précédente et cela incluait des contacts virtuels ou des appels téléphoniques. C’était trois fois plus qu’en 2019.

En fait, les travailleurs de première ligne dans les soins de santé se sont retrouvés dans des environnements dangereux, et représentent un cas de COVID-19 sur cinq au Canada.

De nombreuses études décrivent bon nombre des difficultés de longue date qui existaient dans les établissements de soins de longue durée avant la pandémie, et ceux d’entre nous qui en connaissent les conclusions savent que les défaillances de nos systèmes de soins à travers notre pays n’étaient pas seulement prévisibles, mais inévitables.

En plus d’avoir examiné toutes ces études et tous ces rapports, mon bureau a consulté divers experts d’un peu partout au Canada pour savoir ce qui, selon eux, constitue les causes premières de ces problèmes.

Beaucoup ont parlé des difficultés causées par le manque d’intégration des systèmes de santé, c’est-à-dire du système de soins actifs, du système de soins de longue durée et du système public de santé. Dans certaines provinces, dont l’Ontario et le Québec, ces systèmes relèvent de différents ministres, et non tous du ministre de la Santé.

En effet, l’Ontario a un ministre des Soins de longue durée, tandis que le Québec a une ministre responsable des Aînés.

Les gens nous ont dit que cette séparation structurelle a engendré le manque d’intégration qui s’observe actuellement. Il a entraîné un manque de communication, un manque de collaboration avec les responsables des soins de longue durée, qui, bien souvent, ont été exclus de la planification essentielle et des processus décisionnels liés à la pandémie, ce qui a eu de graves conséquences et qui a donné lieu à des défaillances fondamentales du système.

Ils ont donné l’exemple des établissements de soins de longue durée et des travailleurs de première ligne qui avaient un accès insuffisant à de l’équipement de protection individuelle, à des tests de dépistage et à de l’information à jour sur la prévention des maladies. Par exemple, des intervenants nous ont parlé de la gravité des pénuries de ressources humaines qui perdurent depuis longtemps et des lacunes dans le système de soins qui, par le passé, ont entraîné des problèmes de surcharge de travail et de taux accru d’épuisement professionnel au sein du personnel.

Dans notre système de soins menacé par des volumes qui ne cessent d’augmenter et des cas qui se complexifient, en dehors des problèmes de manque de personnel, il y a un manque de formation et de soutien à la santé mentale pour nos employés. Dans certains cas, c’est même le soutien physique qui fait défaut; je veux parler du manque de pauses ou d’endroits dédiés à cette fin. Ce sont des problèmes qui existaient avant la pandémie et qui avaient déjà des effets préjudiciables sur ces travailleurs.

Au cours de la pandémie, le manque de personnel s’est exacerbé, étant donné que les professionnels de la santé contractaient le virus et devaient observer une quarantaine. Cette situation s’est aggravée en raison de la vulnérabilité du personnel qui n’avait pas d’équipement de protection individuelle ou de matériel de dépistage, en raison des pénuries et des retards.

Dans certains cas, les mêmes mesures qui étaient mises en place pour limiter la propagation à l’intérieur des établissements de soins de longue durée, comme le fait de limiter le nombre d’employés pour fournir des soins dans un seul établissement, n’ont fait qu’accentuer le manque de personnel.

Chers collègues, on a beaucoup discuté des prochaines étapes. Cependant, pour comprendre la voie à suivre, il faut examiner les erreurs du passé ayant mené aux défaillances du système, erreurs qui couvaient et qui ont surgi pendant la pandémie.

Il est important de tenir compte de ce point à l’échelle fédérale. Le problème a commencé dès le milieu des années 1990, lorsque le gouvernement de l’époque a réduit considérablement les transferts sociaux. Depuis, nous sous-investissons dans les soins de longue durée et dans de nombreux autres domaines de notre infrastructure sociale.

Quel est notre bilan? En comparaison avec nos pairs de l’OCDE, nous nous classons au 10e rang parmi 26 pays en ce qui concerne les dépenses en pourcentage du PIB. Les pays dotés de systèmes modèles comme la Norvège, le Danemark et la Suède dépensent deux fois plus que nous.

La pandémie nous montre que le coût de ces investissements timides dépasse largement le besoin de maintenir un ratio dette-PIB convenable. Je me demanderais quelle est la valeur d’une économie si ceux qui sont censés en bénéficier en souffrent. Les améliorations nécessaires ne peuvent pas seulement être axées sur l’argent, mais il ne fait aucun doute qu’il faut augmenter considérablement les ressources disponibles pour garantir le bon fonctionnement de ces systèmes.

Je vais m’attarder aux autres besoins. En plus d’accroître les investissements, nous devons à l’avenir renforcer l’obligation de rendre des comptes au sein du système. Pour ce faire, je crois que nous devrions instaurer des normes nationales liées à un financement ciblé. Les normes sont importantes pour garantir une évaluation par un tiers des conditions dans les établissements de soins de longue durée pour les patients et les employés afin de s’assurer que tous ceux qui s’y trouvent sont traités avec dignité.

Un des modèles propose que des fonds ciblés soient fournis dans un nouveau cadre semblable à la Loi canadienne sur la santé, qui établit des normes fondamentales. Par ailleurs, le Parlement pourrait adopter une mesure législative comportant des critères précis pour le financement fédéral des soins de longue durée.

De nombreux collègues ont eu la chance d’entendre Mme Tuohy, de l’Université de Toronto, lors d’un récent webinaire organisé par les sénateurs Seidman et Boehm. Mme Tuohy recommande la création d’un programme national d’assurance-soins de longue durée, qui reposerait sur les régimes de pensions actuels du Canada et du Québec. Cette proposition constitue un mécanisme intéressant pour le financement des soins de longue durée et pour la normalisation des services, car le paiement à partir du fonds pourrait être uniquement limité aux établissements qui répondent aux normes établies de concert par les provinces et le gouvernement fédéral.

Je crois fermement qu’il faut un financement ciblé qui favorise les résultats souhaités. Une option pourrait être d’accorder des subventions spéciales pour la recherche ou des projets pilotes fondés sur des modèles éprouvés au Canada. Cela favoriserait également une plus grande collaboration pancanadienne.

Finalement, il est important de savoir quelles seront ces normes. Un rapport de l’Association médicale canadienne et d’autres organisations nous ont fait connaître un certain nombre d’options. Je vous en présente trois qui, je pense, visent en plein dans le mille. Les centres de soins de longue durée devraient être soumis à un processus d’accréditation au même titre que les hôpitaux. Dans le cas des hôpitaux, c’est une démarche volontaire payée par les organisations, mais certaines provinces ont mis en place des incitatifs financiers pour favoriser une plus grande participation à cette démarche. Je crois qu’il faudrait que des changements soient apportés pour que cette démarche devienne une exigence.

La deuxième norme consisterait à offrir aux patients et à leur famille divers moyens fiables de se faire entendre. La troisième norme accorderait une plus grande importance au soutien pour les employés, comme la formation, des conditions de travail adéquates et des appuis en matière de santé mentale.

Comme des groupes nationaux l’ont proposé, les normes en matière de soins de santé devraient toucher l’ensemble des soins, peu importe qu’il s’agisse de soins à domicile, de soins en établissement ou de soins palliatifs. Elles devraient aussi contribuer à l’atteinte de résultats souhaitables au sein du système.

Chers collègues, maintenant que j’ai expliqué le problème et les solutions possibles, il reste un enjeu sous-jacent à prendre en considération et c’est l’âgisme. La dernière fois que cette enceinte a examiné l’âgisme, il y a 13 ans, une des recommandations avait été de lancer une stratégie nationale sur les campagnes d’éducation du public et d’offrir de la formation aux fournisseurs de service pour combattre l’âgisme à l’aide de programmes de santé et de services sociaux. Je vous cite un extrait du rapport, comme suit : « Les préjugés et les stéréotypes concernant le vieillissement limitent indûment la valeur intrinsèque des personnes âgées dans la société. »

Dans le contexte qui a précédé la pandémie et la situation dans laquelle nous travaillons maintenant, nous observons que le travail avec les personnes âgées n’est pas aussi prestigieux que le travail dans d’autres secteurs des soins de santé. En fait, pour de nombreux Canadiens, nous préférons ne pas penser aux établissements de soins de longue durée et aux personnes qui y vivent et y travaillent, ni aux conditions auxquelles elles sont exposées. Nous préférons ne pas penser à notre propre avenir et au fait que nous pourrions bien nous retrouver dans un tel établissement. Nous oublions que ces travailleurs sont aussi des personnes qui ont une vie, des rêves, une carrière, une famille et ils méritent notre respect et notre admiration. Ils souffrent parce que nous les avons ignorés, parce que nous ne sommes pas à l’aise de penser à eux, et donc, nous n’avons pas consacré notre énergie et nos talents à améliorer leur vie.

Chers collègues, des décennies de rapports, d’études et de tragédies nous ont informés de l’état atroce des soins de longue durée. Que nous faut-il de plus pour décider que les gens, quel que soit leur âge, méritent de vivre dans la dignité? Est-ce là une norme que nous sommes prêts à établir pour notre société?

Les enjeux que la pandémie a fait surgir dans le secteur des soins de longue durée ne vont pas disparaître. Selon une étude récente du Conference Board du Canada, nous aurons besoin dans les 15 prochaines années de 200 000 lits supplémentaires, ce qui vient doubler le nombre de lits manquants. Il nous faudra aussi, par le fait même, plus de personnel pour prendre soin de ces gens. En réalité, nous pourrions très bien un jour nous retrouver dans ces lits, et c’est une réalité que bon nombre d’entre nous ont du mal à admettre. C’est donc pour le bien des Canadiens, ou à tout le moins pour le nôtre, que nous ferons de cet enjeu une priorité.

Alors que nous sortons graduellement de la pandémie de COVID-19, nous avons des choix à faire. Allons-nous retourner à la vie normale en oubliant tout ce qui a été mis en évidence pendant la pandémie? Ou allons-nous nous atteler à la tâche et chercher à bâtir un Canada plus solide, dans lequel la mesure de notre succès ira au-delà du PIB et du rendement économique et tiendra compte du nombre de familles qui ont les moyens de se nourrir, du nombre d’enfants qui ont accès à de bons services de garderie et d’éducation de la petite enfance, et du nombre d’aînés qui, après avoir passé des décennies à bâtir le pays, peuvent vivre les dernières années de leur vie dans le respect et la dignité? Merci.

L’honorable Tony Dean [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole pour répondre à l’interpellation de la sénatrice Seidman sur les faiblesses des systèmes de soins de longue durée mises en évidence par la pandémie de COVID-19. Je la remercie d’ailleurs pour son leadership sur cette question opportune et cruciale, ainsi que la sénatrice Moodie, pour les conseils judicieux qu’elle nous a prodigués ce soir.

Les foyers de soins de longue durée au Canada ont été durement touchés par la pandémie de COVID-19. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé, le nombre de décès dus à la COVID-19 dans ces établissements est plus élevé au Canada que dans tout autre pays riche. Parmi les provinces, l’Ontario a subi les pires éclosions, les décès dans les établissements de soins de longue durée représentant 61 % de tous les décès dus à la COVID.

Selon l’Ontario COVID-19 Science Advisory Table, les foyers à but lucratif ont connu 78 % de décès de COVID de plus que les foyers publics. Oui, chers collègues, 78 % de décès en plus dans les foyers à but lucratif. Ces chiffres sont tirés du rapport de janvier 2021 de l’Ontario COVID-19 Science Advisory Table, qui met également en évidence certains facteurs de risque clés. La sénatrice Moodie en a mentionné quelques-uns, comme le contrôle insuffisant des infections et un personnel à temps partiel qui a lui-même été infecté et dont les membres travaillaient dans différents foyers afin de pouvoir accumuler un salaire décent.

En réponse à des histoires horribles provenant de foyers de soins de longue durée, le gouvernement de l’Ontario a fait appel aux forces armées en avril 2020 pour aider plusieurs foyers à gérer des éclosions hors de contrôle. Il a également lancé la Commission Marocco pour examiner les problèmes et faire des recommandations sur les changements nécessaires.

Les Forces armées canadiennes ont soumis un rapport à la Commission Marocco, détaillant les conditions horribles dont elles avaient été témoins. Les allégations sont nombreuses et troublantes : pénurie d’équipement de protection individuelle et d’autres fournitures médicales, maltraitance des résidents, malpropreté, moisissures, pénuries de personnel entraînant la mort de résidents par déshydratation et malnutrition, et bien d’autres encore. Dans une des résidences, les Forces armées canadiennes soupçonnent que le taux de mortalité attribuable à la COVID-19 était beaucoup moins important que le taux de mortalité général de l’établissement, qui était beaucoup plus élevé qu’il ne devrait l’être normalement.

Il y avait déjà des difficultés avant le début de la pandémie, y compris un manque de personnel, un manque de formation adéquate et des résidences vieillissantes et surpeuplées. Dans certains cas, il y avait quatre lits dans une seule chambre. Cependant, on a atteint un point de rupture lorsque la pandémie est arrivée, et les problèmes étaient trop profondément enracinés pour qu’on puisse les résoudre rapidement.

Le rapport Marrocco comprend 85 recommandations pour améliorer le système de soins de longue durée de l’Ontario, y compris : accélérer l’augmentation du personnel et des soins dans tous les centres de soins de longue durée; séparer la construction des établissements des soins dispensés dans ces établissements; améliorer les conditions de travail et les cultures organisationnelles dans les centres de soins de longue durée pour mieux attirer, recruter, former et maintenir en poste du personnel tout en diminuant le recours à du personnel à temps partiel; mettre en œuvre un processus d’approbation simplifié et accéléré pour la création et le réaménagement de lits de soins de longue durée favorisant la participation des titulaires de permis municipaux et sans but lucratif existants et nouveaux; et surtout, mettre en place un régime d’inspections inopinées et des mécanismes d’application, y compris des amendes, pour les établissements qui contreviennent régulièrement aux règles.

Chers collègues, en outre, un article portant sur la nécessité des réformes dans les soins de longue durée, qui a été rédigé par des experts en politiques et des défenseurs des droits dans le domaine de la santé, a récemment été publié par le Centre canadien de politiques alternatives. Cet article, intitulé Invest in Care, Not Profit, se base sur le rapport de la Commission Marroco pour recommander qu’il y ait une réduction ordonnée et progressive des résidences de soins de longue durée à but lucratif, que les permis déjà annoncés pour 30 000 lits de soins de longue durée soient attribués entièrement au secteur sans but lucratif, qu’on accroisse le financement pour les fournisseurs de soins de longue durée municipaux et sans but lucratif et qu’on élimine les obstacles qui les empêchent actuellement d’obtenir du financement et que l’on crée une agence ayant les ressources requises pour soutenir les établissements sans but lucratif et un groupe de travail indépendant pour se pencher sur la recommandation de la Commission Marocco visant :

[...] la mise en place urgente d’un processus d’approbation simple et rapide pour créer de nouvelles places de soins de longue durée permettant la participation des établissements titulaires de permis municipaux et sans but lucratif actuels et nouveaux.

Pour finir, comme en a parlé brièvement la sénatrice Moodie, une loi fédérale sur les soins de longue durée devrait être promulguée pour reconnaître que les soins de longue durée font partie des soins de santé essentiels et qu’en tant que tels, ils fassent l’objet d’un financement fédéral permanent.

Honorables sénateurs, la preuve est nette, écrasante et tragique. Le Canada est fondamentalement incapable de fournir des soins de longue durée en établissement à ceux dont la vie et le bien-être en dépendent.

Nous ne pouvons pas nous permettre que le système reprenne ses vieilles habitudes. Il faut que cela cesse. La correction de ces problèmes exigera une réforme globale, un financement gouvernemental accru, une réduction des listes d’attente, de meilleures normes de soins et de dotation, une application efficace des règlements et beaucoup moins de sous-traitance.

La voie à suivre est claire. De plus, il y a un vaste consensus sur les réformes qui s’imposent, dont la plupart figurent dans le rapport d’enquête indépendante du gouvernement de l’Ontario, auquel vient maintenant s’ajouter le rapport Invest in Care, Not Profit, soit investir dans les soins, et non dans les profits.

Nous avons maintenant la responsabilité de faire tout en notre pouvoir pour appuyer les changements proposés. Nous devons aller de l’avant. J’espère que vous m’apporterez votre aide, et je vous remercie de votre attention.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénatrice Seidman et honorables sénateurs, je dois vous informer que si l’honorable sénatrice Seidman prend la parole maintenant, son intervention aura pour effet de clore le débat sur l’interpellation.

La sénatrice Seidman a la parole.

Honorables sénateurs, je prends la parole à cette heure tardive, alors que nous célébrons le Mois des aînés, pour conclure le débat sur mon interpellation, qui attire l’attention du Sénat sur les faiblesses du système canadien de soins de longue durée qui ont été révélées par la pandémie de COVID-19.

Je tiens à exprimer ma gratitude envers tous mes collègues qui se sont exprimés sur l’état des soins de longue durée dans leur région : la sénatrice Martin, la sénatrice Pate, la sénatrice Bovey, le sénateur Plett, le sénateur Boehm, la sénatrice Boniface, la sénatrice Dasko, la sénatrice Moodie et le sénateur Dean.

Les répercussions socioéconomiques de la pandémie de COVID-19 ont été vastes, mais la dévastation qui a eu lieu dans le secteur des soins de longue durée demeure la grande tragédie de cette crise. En mars dernier, l’Institut canadien d’information sur la santé a publié un rapport qui a examiné l’impact de la COVID-19 sur les résidants et le personnel des établissements de soins de longue durée au cours des six premiers mois de la pandémie et qui a présenté des comparaisons préliminaires du nombre d’éclosions, de cas et de décès entre la première et la deuxième vague. L’organisme a constaté que, du 1er mars 2020 au 15 février 2021, plus de 2 500 établissements de soins à l’échelle du pays ont été touchés par une éclosion de COVID-19, ce qui a causé le décès de plus de 14 000 résidants et de près de 30 membres du personnel. C’est plus des deux tiers du total des décès liés à la COVID-19 au Canada.

D’autres rapports et d’autres enquêtes ont mis en lumière les causes sous-jacentes du nombre disproportionné de décès chez les résidants des établissements de soins de longue durée : le manque de ressources, la pénurie de personnel, les infrastructures désuètes et la mauvaise qualité des soins. Ces problèmes persistants ont débouché sur une conversation nationale au sujet des causes des problèmes qui sévissent dans les établissements de soins de longue durée et des solutions potentielles. Cela a mené les Canadiens à réfléchir à la façon dont ils voulaient vivre leur vieillesse.

À la fin de 2020, le National Institute on Aging, et partenariat avec l’Association médicale canadienne et Ipsos, a mené un sondage en ligne afin de mieux comprendre les préoccupations et le point de vue des Canadiens au sujet de l’état du système canadien de soins de longue durée. Le sondage a révélé que 86 % des participants — et 97 % de ceux qui ont plus de 65 ans — se disent préoccupés par les problèmes qui accablent le système de soins de longue durée du Canada. En outre, 85 % des répondants — et 96 % de ceux qui ont plus de 65 ans — ont dit que, lorsqu’ils seront plus vieux, ils feront tout pour éviter de se retrouver dans un établissement de soins de longue durée.

Le constat est évident : la majorité des Canadiens veulent demeurer dans leur résidence dans la sécurité et l’indépendance aussi longtemps qu’ils le pourront.

Il est important de noter que le désir de vieillir à domicile n’est pas nouveau; cela fait des années que les sondages et les études nous le montrent. En 2005, l’Alliance pour la recherche sur le logement des personnes âgées dans les provinces de l’Atlantique a mené un projet de recherche sur cinq ans pour comprendre les besoins en matière de logement des personnes âgées dans les provinces de l’Atlantique, afin de mettre au point des recommandations sur des politiques qui permettraient de proposer d’autres solutions pour répondre à leurs besoins.

Le rapport final publié en 2010, qui s’intitule Logement pour les personnes âgées : défis, enjeux et solutions potentielles dans les provinces de l’Atlantique, est parvenu à deux grandes conclusions. La première est que lorsque nous vieillissons, nous souhaitons rester à domicile le plus longtemps possible, et la deuxième est que le soutien dont nous disposons sur place et dans nos villes est indispensable pour que nous puissions rester chez nous dans de bonnes conditions.

Les raisons pour lesquelles on préfère rester chez soi le plus longtemps possibles sont, notamment :

[...] la crainte de l’inconnu, du changement et de perdre les éléments familiers de leur vie; [la] volonté [de] contrôler [leur vie]; et le désir de ne pas être perçu comme un fardeau [pour] autrui.

Selon le rapport, le nombre de personnes âgées qui souhaitent rester chez elles est supérieur à 90 %.

C’est quelque peu incongru, mais des rapports montrent que le Canada consacre un montant anormalement faible aux soins à domicile par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE. Selon un rapport publié en novembre par l’Université Queen’s et intituléAgeing Well, le Canada ne consacre que 0,2 % de son PIB aux soins à domicile. Il s’agit du pourcentage le plus faible de l’OCDE. Voici ce qu’on peut lire dans le rapport :

Pire encore, pour six dollars dépensés dans des établissements de soin, un dollar est dépensé pour des soins à domicile. C’est l’un des ratios les plus déséquilibrés du monde développé en ce qui concerne l’allocation des ressources.

Les résultats d’une étude demandée par l’Association médicale canadienne, publiée en mars, montrent :

[...] une demande de [soins de longue durée] correspondant à 606 000 patients en 2031, comparativement à 380 000 en 2019. De même, la demande de services à domicile s’élèvera à environ 1,8 million de personnes en 2031 alors que les chiffres correspondants en 2019 s’établissaient à près de 1,2 million de personnes.

En conséquence, le coût total des soins devrait presque doubler, passant de 29,7 milliards de dollars en 2019 à 58,5 milliards en 2031.

On a également constaté que le recours aux soins de longue durée est à la baisse depuis quelques années. On peut lire ceci :

Si le système de soins de santé pouvait soutenir cette tendance par la mise à profit des services à domicile, les établissements de [soins de longue durée] pourraient être délestés de 37 000 bénéficiaires; il en résulterait des économies estimatives de 794 millions de dollars d’ici à 2031.

Enfin, on estime qu’il y a actuellement plus de 9 400 patients dans les hôpitaux qui attendent d’être transférés vers d’autres établissements de soins et, si certains de ces patients étaient transférés vers les soins à domicile et les soins de longue durée, on pourrait économiser 1,4 milliard de dollars de plus par année d’ici 2031.

Les conclusions de l’étude sont accompagnées de deux solutions pour améliorer les soins, dont l’une consiste à rediriger en plus grand nombre les bénéficiaires de soins de longue durée vers les services à domicile. Cependant, à l’heure actuelle, la plupart des mesures gouvernementales visent à résoudre les problèmes flagrants et immédiats du secteur accablé des soins de longue durée, notamment par la création de normes, le recrutement de personnel et la rénovation des infrastructures. Bien que ces mesures soient importantes, elles ne suffiront pas à elles seules à répondre à la crise des soins de longue durée. Le problème fondamental est le sous-financement chronique des soins à domicile et des services communautaires à l’intention des aînés qui permettront à ceux-ci de vieillir au sein de leur communauté dans le domicile de leur choix.

Honorables sénateurs, nous devrions nous poser la question suivante : pourquoi consacrons-nous une si grande partie de nos efforts collectifs et de notre argent à des soins que nos aînés ne veulent même pas?

Dans le cadre de cette enquête et afin de mieux comprendre le travail effectué au pays pour permettre le vieillissement chez soi, je me suis lancée à la recherche de projets pilotes originaux. Mes recherches ont abouti à un certain nombre d’initiatives mises en œuvre au Canada au cours des cinq dernières années. Bien qu’il y en ait probablement plus, j’ai trouvé 21 projets dignes de mention, dont 9 en Ontario, 2 au Québec, 3 dans les provinces de l’Atlantique, 3 dans les provinces des Prairies, 2 en Colombie-Britannique et 2 dans les territoires. Certains de ces projets sont financés par des sources privées, tandis que d’autres sont financés par le gouvernement fédéral, les provinces ou les municipalités. L’objectif de ces projets est d’aider les gens à vieillir en santé chez eux grâce à des logements, des services de santé et de soutien social, du transport, du bénévolat, de la télémédecine et des technologies émergentes adaptés aux personnes âgées.

À titre d’exemple, dans ma province, le Québec, l’Hôpital Saint-François d’Assise dispose d’une clinique mobile à Québec depuis février 2019. L’objectif du projet pilote est d’effectuer un suivi gériatrique au domicile des patients après leur sortie de l’urgence.

Par ailleurs, le gouvernement de l’Ontario a annoncé qu’il dépensera jusqu’à 15 millions de dollars dans l’élargissement du programme de soins paramédicaux communautaires pour les soins de longue durée, qui a été lancé en octobre 2020. L’objectif du programme est de fournir aux personnes âgées des services de santé à domicile afin de retarder leur entrée dans un centre de soins de longue durée.

À l’Île-du-Prince-Édouard, un nouveau projet pilote, Hospitals Without Walls, a été lancé en novembre 2019 et il est financé par le Centre for Aging + Brain Health Innovation. Ce projet vise à recourir à la technologie pour permettre aux aînés et aux membres de leur famille qui prodiguent des soins de demeurer en contact avec leur équipe médicale sans quitter leur domicile.

En Colombie-Britannique, le programme intitulé Better at Home est financé par le gouvernement provincial et géré par Centraide. Ce programme repose sur l’aide de bénévoles, de fournisseurs de services et d’employés pour offrir une vaste gamme de services de soutien, comme des visites amicales, du jardinage et l’épicerie afin d’aider les aînés à vivre de manière autonome au sein de leur communauté.

À l’échelle nationale, le gouvernement fédéral, en partenariat avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick, a mis sur pied le projet pilote d’aînés en santé en 2018. Ce programme soutient une série d’initiatives de recherche appliquée afin d’examiner comment les aînés peuvent bénéficier d’un meilleur soutien dans leur domicile, leur communauté et les établissements de soins de santé. Au mois de janvier, on dénombrait 39 initiatives depuis le début du projet pilote.

En dernier lieu, le Conseil national de recherches Canada a développé le programme Défi « Vieillir chez soi » en octobre 2020. Le programme vise à établir des partenariats entre les secteurs privé et public ainsi qu’avec les milieux universitaires et les organisations de recherche dans le but d’aider les aînés et les personnes qui les soignent à mener une vie saine avec des liens sociaux dans la communauté de leur choix ou à partir de leur domicile.

Ce ne sont que quelques exemples parmi toutes les initiatives orientées vers l’avenir qui sont axées sur les aînés.

Honorables sénateurs, en tant que parlementaires, nous avons la responsabilité de faire preuve de leadership dans ce dossier crucial lié au vieillissement et aux aînés. Aux niveaux local, provincial et national, nous pouvons trouver des points communs entre ces initiatives et encourager celles qui ont fonctionné dans un endroit à s’implanter dans un autre. Nous pouvons trouver des pratiques exemplaires et peut-être même assurer la mise en place d’un centre de surveillance centralisé.

Dans mon discours d’introduction à cette interpellation, j’ai exploré plusieurs solutions claires, réalisables et à court terme qui peuvent être et ont déjà été mises en œuvre dans tout le pays. En même temps, je nous ai encouragés à réfléchir à des solutions à long terme qui créeront des changements durables et profonds dans le système des soins de longue durée.

Les conclusions que l’on tirera dépendront de la définition ultime que l’on donne au problème. S’agit-il fondamentalement d’un problème lié aux foyers de soins de longue durée, ou devons-nous transformer la façon dont les services sociaux et de santé sont fournis dans tout le continuum des soins de santé?

Il est évident qu’à tous les ordres de gouvernement, la création de politiques axées uniquement sur le secteur des soins de longue durée ne constitue pas une solution viable pour répondre aux demandes de la population croissante des aînés canadiens. Pour répondre à ces besoins, il faut changer le statu quo et passer d’un système qui donne la priorité aux soins hospitaliers actifs à un système qui se concentre sur les besoins des aînés en matière de logement, de services sociaux et de santé.

Comme on l’indique dans le rapport intitulé Ageing Well, publié par l’Université Queen’s :

Les aînés ont principalement besoin de quatre types de services. Le modèle actuel est axé surtout sur les soins visant à atténuer les contraintes liées aux capacités physiques et mentales, alors que les services liés au logement, au mode de vie et aux besoins sociaux sont souvent relégués à l’arrière-plan. La nouvelle approche doit reconnaître que les quatre besoins sont interreliés, et qu’il faut y répondre en même temps pour que les aînées puissent vieillir dans la dignité.

La pandémie de COVID-19 a donné aux parlementaires, aux gouvernements provinciaux et territoriaux, aux associations et aux intervenants du secteur public et du secteur privé l’occasion de collaborer et d’unir leurs efforts pour améliorer les soins communautaires et de longue durée tout en veillant à ce que le secteur des soins de longue durée puisse bien prendre soin des aînés les plus vulnérables.

Honorables sénateurs, je vous encourage à réfléchir à ce que devrait être une résidence selon vous. Pour nombre d’entre nous, c’est un concept complexe qui va au-delà d’un simple espace physique et qui est étroitement lié à l’expérience personnelle. C’est un endroit qui comporte de nombreuses dimensions comme le confort, l’indépendance et les relations. L’idée que l’on se fait d’une résidence devrait être au cœur de nos décisions stratégiques. Merci.

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