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La Loi sur les parcs nationaux du Canada

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat

31 octobre 2023


L’honorable Karen Sorensen [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-248, qui vise à modifier la Loi sur les parcs nationaux du Canada concernant le parc urbain national Ojibway du Canada et qui propose d’établir le parc Ojibway à Windsor, en Ontario.

J’habite à Banff, en Alberta, une municipalité située dans le premier parc national du pays, celui de Banff. Vous auriez du mal à trouver, au Sénat, un plus grand admirateur du réseau de parcs nationaux du Canada que je le suis moi-même. De plus, comme j’ai siégé au conseil municipal de Banff pendant 17 ans, dont 11 ans à titre de mairesse, vous ne pourriez probablement pas trouver beaucoup de gens, au Canada, qui comprennent mieux que moi les relations, les politiques et les mesures législatives qui entrent en jeu quand Parcs Canada travaille en partenariat avec une municipalité.

Avant de passer aux aspects du projet de loi qui me préoccupent, je tiens tout d’abord à féliciter ses parrains — Brian Masse, député de Windsor-Ouest, et le sénateur Peter Boehm, membre comme moi du Groupe des sénateurs indépendants — de militer pour la création de ce parc. Quand j’ai parlé avec des intervenants de la région de Windsor, ils ont souligné que la présentation du projet de loi avait accéléré le transfert de terres fédérales et d’autres processus nécessaires pour que le parc urbain national Ojibway devienne réalité. J’appuie vigoureusement et catégoriquement la création du parc urbain national Ojibway. Je trouve fantastique que le gouvernement actuel ait entrepris, sous l’œil attentif de Parcs Canada, de créer des parcs urbains nationaux d’un bout à l’autre du pays.

Cependant, d’après ce que je comprends de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et après avoir dirigé une municipalité à l’intérieur d’un parc national pendant des années, en étroite collaboration avec Parcs Canada, j’ai des réserves au sujet de ce projet de loi

Premièrement, il est important de noter que Parcs Canada s’est déjà engagé à créer le parc urbain national Ojibway, que le projet de loi soit adopté ou non.

Bon nombre d’entre vous connaissent le parc urbain national de la Rouge à Toronto. On s’attend à ce que Windsor accueille le prochain parc urbain créé dans le cadre du Programme des parcs urbains nationaux de Parcs Canada, ce qui orientera la création d’autres parcs urbains nationaux à Halifax, Montréal, Winnipeg, Saskatoon, Edmonton et Victoria.

Parcs Canada a annoncé une décision positive sur la faisabilité au printemps dernier, puis a commencé les travaux de planification pour établir officiellement le parc, dont l’achèvement est prévu pour l’été 2025 ou avant.

Le député de Windsor-Ouest mérite d’être félicité pour le travail qu’il a accompli afin de garder cette question à l’avant-plan, ainsi que pour les efforts qu’il a déployés afin d’obtenir le transfert des terres cruciales d’Ojibway Shores à Parcs Canada, et pour avoir obtenu l’appui quasi unanime de tous les partis à la Chambre des communes. Toutefois, à ce stade-ci, le projet de loi C-248 n’est tout simplement pas nécessaire pour assurer la création de ce parc.

La réalité, c’est qu’il y a eu des développements depuis l’adoption du projet de loi à l’autre endroit. Si vous n’avez pas consulté le projet de loi C-248, je vous invite à le faire. L’ensemble du document — environ 35 500 caractères présentés sur 14 pages — est une liste de coordonnées géographiques. Voilà en quoi consiste le projet de loi : les coordonnées délimitant le futur parc urbain national Ojibway, à Windsor.

Si le projet de loi est adopté dans sa version actuelle, ces terres seront immédiatement placées sous le contrôle de Parcs Canada. Une fois qu’elles auront été inscrites dans la loi, il sera difficile de modifier ces délimitations. Le problème, c’est qu’une partie de ces coordonnées sont erronées.

Lorsque le projet de loi a été adopté à l’autre endroit, Parcs Canada menait les études requises sur les terres du parc proposé. Depuis, Parcs Canada a confirmé, par l’intermédiaire d’un plan d’arpentage de Ressources naturelles Canada, que le projet de loi C-248 inclut, en définitive, 16 parcelles de terrain privé.

Lors d’une réunion du Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes, M. Andrew Campbell, vice-président principal, Opérations, de Parcs Canada, a expliqué les conséquences d’inclure des terrains privés dans un projet de loi de la sorte.

Par exemple, si la nouvelle zone délimitée empiétait sur la cour arrière d’une personne, ce propriétaire devrait demander la permission au directeur de l’unité de gestion de Parcs Canada pour apporter toute modification à sa propriété. Le propriétaire ne pourrait même pas installer une niche ou une trappe à souris sans obtenir la permission de Parcs Canada.

Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, les propriétaires concernés conserveront le titre de propriété de leurs terrains, mais ce titre sera dépourvu de sens. Il pourrait en résulter des recours en justice et des transferts de terrains complexes, ce qui entraînerait davantage de retards, d’incertitudes et de résultats qui retarderaient la création du parc.

À l’inverse, certains terrains réservés pour le parc ne sont pas inclus dans la zone délimitée par le projet de loi. L’aire explorée par Parcs Canada pour le parc urbain national Ojibway pourrait être deux fois et demie plus grande que le parc créé par le projet de loi C-248.

Selon moi, ces questions de délimitation sont suffisamment sérieuses pour que nous empêchions le projet de loi d’aller de l’avant. Je ne dis pas cela à la légère, car je crois fermement qu’il faut respecter la volonté de nos collègues élus, mais lorsque les députés ont étudié et voté sur le projet de loi C-248, ils n’avaient tout simplement pas accès à l’information dont nous disposons aujourd’hui. Ce sont des erreurs de ce genre qui expliquent pourquoi le Sénat est une chambre de second examen objectif.

La bonne nouvelle, c’est que, comme je l’ai déjà dit, le parc urbain national Ojibway sera créé avec ou sans le projet de loi. Parcs Canada y travaille sans relâche, ce qui m’amène à ma deuxième préoccupation.

Le projet de loi C-248 ne prévoit pas la logistique nécessaire à la création d’un parc urbain national, et Parcs Canada a besoin de plus de temps pour régler ces détails.

Je sais que les gens de Windsor attendent la création de ce parc depuis longtemps. Des résidants, des groupes de la société civile et des élus de tous les ordres de gouvernement se sont battus pour protéger et préserver ce précieux écosystème. Je comprends pourquoi certains pourraient croire que ce processus est trop long, mais lorsqu’il s’agit de créer ce parc, obtenir l’appui de la collectivité n’est pas la même chose que de s’assurer que les exigences techniques sont respectées, que tous les aspects juridiques ont été pris en considération, et que toutes les parties concernées ont été informées de leurs droits et de leurs responsabilités et s’entendent sur la façon de gérer et d’entretenir le parc.

Cela prend du temps, et tourner les coins ronds pourrait avoir de graves conséquences imprévues. Étant donné que le Programme de parcs urbains nationaux n’a été véritablement lancé qu’en 2021, Parcs Canada a déjà fait des progrès considérables en vue de créer le parc urbain national Ojibway.

Parcs Canada avance aussi prudemment et rapidement qu’il le faut afin que l’on tienne compte de tous les aspects entourant les consultations, l’étude des aspects juridiques et la sensibilisation à l’égard de la municipalité et des collectivités environnantes.

Même si le projet de loi C-248 reflète le souhait des habitants de Windsor d’avoir un parc urbain, il ne détermine pas qui sera responsable de la collecte des ordures, de l’entretien des routes ou de la sécurité dans le parc. Il n’inscrit pas non plus dans la loi la co‑gestion, la création d’emplois ou d’autres droits pour les communautés autochtones, avec qui Parcs Canada s’est engagé à collaborer.

Si on examine le projet de loi distinct qui a créé le premier parc urbain national du Canada, le parc urbain national de la Rouge, dans la région du Grand Toronto, on constate qu’il détermine très clairement qui a le pouvoir de prendre des règlements concernant le parc, quelles activités sont interdites dans le parc et comment gérer la pollution, et que c’est au ministre qu’il revient de créer et de revoir régulièrement le plan de gestion du parc. Je le répète, le projet de loi C-248 ne contient que des coordonnées.

À cette étape, Parcs Canada a besoin de plus de temps pour négocier la gestion du parc avec les administrations locales et d’autres intervenants, ainsi que pour s’assurer que les consultations avec les détenteurs de droits autochtones respectent les obligations du Canada en vertu de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Cela m’amène à ma principale préoccupation concernant ce projet de loi. Il est important de comprendre que le parc urbain national Ojibway du Canada n’est pas le seul en son genre. Il s’inscrit dans un immense mouvement visant à créer un réseau ayant une vision commune consistant à préserver la nature, à réunir les gens et à promouvoir la réconciliation avec les peuples autochtones. Sa création, par l’entremise d’un processus dirigé par Parcs Canada en collaboration totale avec des gouvernements, des partenaires et des intervenants autochtones, établit un solide précédent pour le programme dans son ensemble.

Un processus fédéral unilatéral précisément pour ce parc de Windsor risque de compliquer les choses pour les autres provinces qui participent au Programme des parcs urbains nationaux. Chaque parc urbain aura des besoins différents, et Parcs Canada est déterminé à appliquer un modèle faisant intervenir plus d’une autorité publique pour soutenir la structure de gestion la plus appropriée pour chaque parc.

En revanche, le projet de loi C-248 forcera Parcs Canada à créer le parc urbain national Ojibway en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada plutôt que dans le cadre de son Programme des parcs urbains nationaux.

Pourquoi est-ce un problème? Un parc urbain national doit être beaucoup plus souple qu’un parc national afin de satisfaire aux besoins de chaque emplacement précis. En revanche, la Loi sur les parcs nationaux du Canada s’applique également à tous les parcs nationaux du pays et est prescriptive par rapport à tout un éventail de questions et d’exigences.

J’ai été mairesse d’une ville située à l’intérieur d’un parc national durant trois mandats. Je sais d’expérience à quel point la Loi sur les parcs nationaux du Canada est rigide et à quel point il était long et pénible de devoir passer par le gouvernement fédéral chaque fois que la ville avait besoin d’aménager des infrastructures ou de réparer une conduite d’eau.

Dans le cas de Banff, où le parc existait avant la municipalité et où la ville est entièrement située à l’intérieur du parc, c’était nécessaire. Mais le parc urbain national Ojibway existera dans un milieu urbain complexe et les terres adjacentes relèvent de multiples autorités publiques, ce qui rendra les activités élémentaires très difficiles dans un contexte où tout est régi par la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

Si Parcs Canada devait acquérir la gestion complète des terres du parc sous le régime du projet de loi C-248, la Ville de Windsor pourrait devoir demander à Parcs Canada l’autorisation d’accéder aux terres ou d’entreprendre des activités sur les terres du parc, y compris pour des travaux d’infrastructure publique essentiels, tels que la réparation de conduites principales.

La Loi sur les parcs nationaux du Canada n’est pas le meilleur cadre à utiliser pour un parc situé dans une zone urbaine. C’est la raison pour laquelle le parc urbain national de la Rouge a été créé en vertu d’une loi qui lui est propre. Gérer le parc Ojibway dans le cadre de la Loi sur les parcs nationaux du Canada rendra la chose beaucoup plus complexe qu’elle ne devrait l’être.

Ceux qui soutiennent ce projet de loi font valoir que la Loi sur les parcs nationaux du Canada offre une protection plus solide de l’environnement. Or, Parcs Canada possède une vaste expérience de la protection et de la gestion des terres qui ne sont pas régies par la Loi sur les parcs nationaux du Canada, expérience qui repose sur le recours à d’autres lois et règlements fédéraux et provinciaux en vigueur.

Les aires marines nationales de conservation sont créées en vertu de la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada parce que la législation sur les parcs nationaux n’aurait pas été appropriée. De même, le parc urbain national de la Rouge a été créé en vertu de la Loi sur le parc urbain national de la Rouge, et non de la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

Pour les prochains parcs urbains, le plan actuel de l’agence est de les créer au moyen d’une politique et non d’un projet de loi. Cette approche sera garante d’un niveau élevé de conservation tout en comportant la souplesse nécessaire dans un environnement urbain.

Parcs Canada administre quelques-uns des meilleurs exemples du patrimoine naturel et culturel du Canada et est responsable du maintien de leur intégrité écologique et commémorative pour les générations futures.

Parcs Canada est responsable de mettre en pratique plusieurs lois fédérales et protège plus de 470 000 kilomètres carrés d’écosystèmes terrestres, marins et d’eau douce du Canada. Elle administre plus de 200 lieux patrimoniaux naturels et culturels, dont bon nombre grâce à une gestion collaborative avec les Autochtones.

Le réseau de Parcs Canada fait l’envie du monde entier, avec ses 171 lieux historiques nationaux, ses 47 parcs nationaux, ses 5 aires marines nationales de conservation et son parc urbain national. J’invite le Sénat à continuer de se laisser guider par l’expertise de Parcs Canada.

Je me réjouis à l’idée de voir le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles poursuivre l’étude de ce projet de loi. J’espère que les autres membres du comité prendront le temps d’examiner attentivement ces questions.

Je ne crois tout simplement pas que le comité aura la capacité de corriger les limites de la structure de gestion et de la préciser. Au plus haut niveau, je crois que le projet de loi C-248 est le mauvais outil et le mauvais processus, en plus de créer des risques pour le gouvernement du Canada et pour les intervenants locaux.

Encore une fois, j’appuie sans réserve la création du parc urbain national Ojibway. Parcs Canada suit un processus éprouvé de collaboration avec les administrations locales, la province, les titulaires de droits ancestraux autochtones et d’autres organes fédéraux pour développer et gérer ce parc, et son travail porte des fruits à un rythme rapide.

Merci, hiy hiy.

Honorables sénateurs, je parlerai moi aussi du projet de loi C-248, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (parc urbain national Ojibway du Canada). Je souhaite d’abord remercier mon collègue le sénateur Peter Boehm, qui a parrainé ce projet de loi, ainsi que ma collègue la sénatrice Karen Sorensen, qui a prononcé un discours clair et percutant mettant en évidence certains des éléments qui rendent ce projet de loi complexe, dans sa forme actuelle.

Je ne m’exprime pas seulement aujourd’hui en tant que sénatrice de l’Alberta, mais aussi comme habitante de la belle ville riveraine d’Edmonton.

Edmonton abrite le plus grand parc urbain au Canada. Le réseau de parcs de la vallée de la rivière Saskatchewan Nord traverse Edmonton d’un bout à l’autre, d’ouest en est. Cet héritage remarquable rend hommage aux urbanistes d’Edmonton qui ont commencé, il y a plus d’un siècle, à constituer une ceinture verte sauvage et magique de part et d’autre des berges de la rivière, de même qu’à assurer sa préservation.

En 1907, Edmonton a embauché le tout premier architecte paysagiste du Canada, Frederick Todd, pour rédiger un rapport sur la planification des parcs de la ville. M. Todd avait travaillé avec Frederick Law Olmsted, le créateur du Central Park de New York et du parc du Mont-Royal à Montréal.

M. Todd a écrit : « Il faut tirer parti de la grande beauté naturelle de [...] la vallée fluviale et de ses ravins. » Il envisageait ce qu’il appelait un « collier de parcs » tout le long de la vallée avec des terres réservées en haut de la rive pour que les gens puissent profiter de la vue. C’est ainsi qu’entre 1907 et 1931, la ville a procédé à l’acquisition de plus d’une centaine de terrains pour préserver la vallée.

Aujourd’hui, le réseau de parcs couvre plus de 7 300 hectares, soit 18 000 acres. Il compte plus de 30 parcs provinciaux et municipaux qui s’étendent de la ville de Devon, qui est située à l’ouest d’Edmonton, à Fort Saskatchewan, qui est situé à l’est. Le dernier joyau du collier est le parc Northeast River Valley, un nouveau parc de 77 hectares qui a été inauguré cet été.

Les parcs sont liés entre eux par plus de 160 kilomètres de sentiers pédestres, de pistes cyclables et de sentiers de randonnée, et sont liés du nord au sud par une série de ponts piétonniers spectaculaires et magnifiques et par un funiculaire gentiment absurde et légèrement dysfonctionnel.

C’est dans les parcs de la vallée fluviale que les habitants d’Edmonton se rendent pour promener leurs chiens, faire du canoë, se changer les idées et organiser des festivals. C’est dans le réseau de parcs de la vallée fluviale que se trouvent le zoo d’Edmonton Valley, le musée d’histoire vivante du parc Fort Edmonton et les jardins botaniques du Muttart Conservatory.

Le réseau de parcs de la vallée fluviale à Edmonton est le fruit d’une planification urbaine véritablement visionnaire. Il préserve et protège une nature sauvage magnifique au cœur de la ville, un ruban de verdure qui nous rappelle chaque jour que la ville a été construite sur les terres des Premières Nations, car cette vallée fluviale a été, au fil des siècles, un lieu de rassemblement traditionnel pour les Cris, les Pieds-Noirs, les Salteaux, les Sioux de la nation Nakoda et les Métis, et ce, bien avant l’arrivée des premiers explorateurs, commerçants de fourrures et colons européens.

Cette année, la ville a ouvert le site kihcihkaw askî-Sacred Land, un espace sacré dans le sud-ouest d’Edmonton où les groupes autochtones peuvent organiser des cérémonies spirituelles, des séances de suerie et des cercles de discussion, et cultiver des herbes médicinales traditionnelles.

Pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela, étant donné que je ne suis pas salarié de l’office du tourisme d’Edmonton? Eh bien, compte tenu du caractère remarquable du parc linéaire, il n’est pas surprenant que de nombreuses personnes à Edmonton et à la mairie d’Edmonton soient vivement intéressées par l’idée de transformer la vallée de la rivière Saskatchewan Nord en un parc national urbain, que nous pourrions partager avec tous les Canadiens.

Bien que l’idée ne soit pas sans détracteurs, nous sommes en train de tâter le terrain et d’essayer de voir comment les choses pourraient fonctionner. L’Alberta abrite déjà de nombreux parcs nationaux « conventionnels » : Banff, Jasper, Lacs-Waterton, Elk Island et Wood Buffalo. Nous connaissons les protections dont bénéficient ces parcs et nous savons qu’un tel modèle ne fonctionnerait probablement pas pour un parc national urbain, qui traverse le cœur d’une ville d’un million d’habitants. Pour qu’on puisse vraiment mener à bien la création d’un parc urbain national, nous devons trouver un modèle qui répond aux besoins des villes accueillant de tels parcs.

J’appuie sans réserve le projet de la Ville de Windsor de créer un parc urbain national, mais si nous voulons que le projet fonctionne pour Windsor — et si nous voulons qu’il serve de modèle pour d’autres parcs urbains par la suite —, nous devons faire les choses comme il faut. Nous devons veiller à ce que le projet de loi soit véritablement adapté à l’objectif que l’on cherche à atteindre.

La sénatrice Sorensen a déjà expliqué ses inquiétudes par rapport au projet de loi. Selon elle, non seulement ce projet de loi vise à modifier le mauvais cadre législatif, mais il établit aussi des coordonnées inexactes qui ne correspondent pas aux plans du parc urbain national Ojibway.

D’ailleurs, compte tenu de la façon dont le projet de loi est rédigé, il est difficile de savoir comment procéder. Si on me le permet, j’aimerais lire la première page et les premières lignes du projet de loi. Il commence de façon simple, mais les choses se compliquent un peu plus par la suite :

La partie 5 de l’annexe 1 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada est modifiée par adjonction, après la description du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne du Canada, de ce qui suit :

(4) Parc urbain national Ojibway du Canada

Dans la province d’Ontario, la totalité des parcelles de terrain plus particulièrement décrites comme il suit :

a) Commençant à un point d’intersection avec la limite ouest du quartier 1 de la ville de Windsor à 42 16′33,440″ de latitude nord et à 83 05′56,684″ de longitude ouest;

De là, vers le sud-est, en ligne droite jusqu’à un point à 42 16′32,689″de latitude nord et à 83 05′53,736″ de longitude ouest;

Et ainsi de suite. C’est tout. Le texte du projet de loi se résume à une série de coordonnées.

Comme le dit la sénatrice Sorensen, y a-t-il des erreurs quant à ce qui est inclus ou exclu? Avons-nous les compétences requises pour apporter des amendements si certaines des coordonnées sont le moindrement inexactes?

C’est un peu étrange. Si vous consultez l’annexe 1 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, vous verrez qu’aucun autre parc n’est décrit ainsi. Les descriptions contiennent plutôt des points de repère et des noms de rues. Elles utilisent parfois des coordonnées pour décrire les limites du parc, mais elles décrivent aussi, parfois avec un élan presque poétique, le terrain qui s’y trouve.

La loi qui a permis de créer le parc urbain national de la Rouge, dans la région du Grand Toronto, a aussi une allure différente. Elle fournit des détails sur tout, par exemple quelles activités sont permises dans le parc, lesquelles sont interdites, qui a la responsabilité de ramasser les ordures et d’éteindre les feux, et comment les droits traditionnels des Autochtones en matière de chasse et de pêche seront respectés. Il s’agit donc d’une mesure législative détaillée, qui diffère grandement du texte du projet de loi C-248.

Encore une fois, je tiens à souligner que je suis une partisane des parcs nationaux et que je suis fière que l’Alberta en abrite un si grand nombre. Je me réjouis à l’idée de créer des parcs urbains nationaux, et je pense que la vallée de la rivière Saskatchewan Nord pourrait être un endroit idéal pour en créer un. Bien que je ne sois jamais allée à Windsor, les recherches que j’ai effectuées suggèrent que le complexe de prairies Ojibway sera un autre site exceptionnel.

Comme le sénateur Boehm nous l’a expliqué en juin dernier, le parc proposé comprendrait environ 364 hectares de terres qui appartiennent déjà à l’État, notamment le parc Ojibway, l’aire naturelle Spring Garden, le parc patrimonial Black Oak, le parc patrimonial Tallgrass Prairie, la réserve naturelle provinciale Ojibway Prairie et le site Ojibway Shores.

Cette dernière parcelle, soit le site Ojibway Shores, est un espace vert de 13 hectares qui représente le dernier tronçon de rivage naturel entre Windsor et Detroit. Comme nous l’a dit le sénateur Boehm, cette petite parcelle abrite à elle seule 130 espèces en péril.

Pourtant, je crains que ce projet de loi ne porte accidentellement atteinte à l’autonomie de la Ville de Windsor, de la Ville de LaSalle et de leurs citoyens. Parcs Canada et la Ville de Windsor ont déjà signé une déclaration de collaboration annonçant leur intention de travailler ensemble à la désignation potentielle du parc, et ce projet de loi pourrait avoir préséance sur cette déclaration.

Puis, il y a un nouvel enjeu dont j’ai appris l’existence ce matin seulement, lorsque j’ai parlé avec le maire de Windsor, Drew Dilkens. D’abord, le maire Dilkens m’a expliqué le rôle essentiel que l’élaboration du projet de loi a joué pour lancer cette discussion. Il ne tarissait pas d’éloges sur M. Brian Masse, le parrain du projet de loi. Le projet de loi de Brian Masse a eu une valeur inestimable au début du processus, toujours selon le maire. Il m’a dit que, sans le mouvement lancé par le projet de loi, l’Administration portuaire n’aurait peut-être pas cédé à Parcs Canada les terres riveraines qui étaient sous son contrôle.

Selon le maire Dilkens, le projet de loi de Brian Masse a eu la plus grande incidence possible lors de sa présentation. Maintenant, me dit-il, les coordonnées qui y sont indiquées ne sont plus exactes, et c’est pour une bonne raison. La municipalité de LaSalle, une ville-dortoir au sud de Windsor, veut maintenant ajouter une partie de ses terres à la zone du parc. Or, le projet de loi, dans sa version actuelle, n’inclut pas ces terres municipales. Nous devons être absolument certains de ne pas créer par inadvertance une situation où des dirigeants municipaux sont exclus de la conversation.

Le maire Dilkens m’a parlé d’une autre préoccupation. En ce moment, les habitants de Windsor ont accès à toutes ces terres sans frais. Il craint toujours que, en créant un parc national, des frais d’entrée puissent s’appliquer, ce à quoi il s’oppose.

En juin, le sénateur Boehm a informé la Chambre que Parcs Canada collaborait avec la Première Nation de Caldwell et la Première Nation de Walpole Island à des accords de cogestion qui intéressaient ces deux nations. Lorsque j’ai parlé à Brian Masse la semaine dernière, il m’a dit que la Première Nation de Caldwell a appuyé le projet de loi C-248, mais pas la Première Nation de Walpole Island, du moins pas pour l’instant.

Il est donc d’autant plus essentiel que nous n’approuvions pas à la hâte un projet de loi qui pourrait, même si c’est involontairement, court-circuiter une partie de ces négociations délicates et porter atteinte aux droits de toutes les Premières Nations concernées à un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

Enfin, comme la sénatrice Sorensen l’a expliqué, le projet de loi C-248 n’explique pas qui paierait quoi. Cela me laisse un peu perplexe. D’après ce que je comprends, un projet de loi d’initiative parlementaire ne peut pas obliger le gouvernement fédéral à dépenser de l’argent, du moins pas directement. Pourtant, ce projet de loi a été approuvé à l’autre endroit, où on a décidé qu’il n’enfreignait pas les protocoles applicables à un projet de loi d’initiative parlementaire. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il faut tenir compte de ce qu’il en coûte pour gérer et entretenir un parc national. Qu’est-ce que ce projet de loi finira par coûter au Trésor public, non seulement à court terme, mais de façon permanente?

Je comprends la frustration bien naturelle que ressentent les gens de Windsor et les Premières Nations des environs, étant donné que les projets de mise en œuvre de ce parc tant attendu semblent à peine progresser. Il semble certainement que le projet de loi ait fonctionné comme une sorte de tour de magie pour faire avancer les choses, mais j’espère qu’une fois le projet de loi renvoyé au comité, les sénateurs se pencheront ensemble sur ces questions afin que nous ne nous retrouvions pas avec des conséquences imprévues qui pourraient nuire aux parcs urbains nationaux eux-mêmes.

Merci, hiy hiy.

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