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Le Code criminel

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Débat

10 février 2021


J’ai un amendement, et il a été présenté d’avance.

Honorables sénateurs, comme la plupart d’entre vous le savent, je pense que la question de l’aide médicale à mourir est très personnelle et que nous avons tous le droit de prendre nos propres décisions concernant la fin de notre vie — un droit qui peut seulement être concrétisé grâce une demande anticipée légale, présentée en bonne et due forme.

Comme il y a des antécédents de démence dans ma famille, je souhaite la tranquillité d’esprit que me procurera une demande anticipée — et le consentement à celle-ci. Je ne suis certainement pas la seule à penser ainsi. La majorité des Canadiens en sont venus à la même conclusion.

Au cours des consultations que j’ai menées dans le cadre de ce projet de loi, beaucoup de gens m’ont raconté leur expérience en tant que fournisseur de l’aide médicale à mourir ou en tant que personne qui l’envisage.

Je me suis entretenue avec la Dre Stefanie Green, de l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’AMM, qui a affirmé que la légalisation des demandes anticipées est l’amélioration la plus importante que nous pourrions apporter à la loi, un sentiment partagé par l’ensemble de la communauté médicale, en particulier par les praticiens qui portent le fardeau de la responsabilité pénale dans la détermination et l’exécution de l’aide médicale à mourir.

Je me suis également entretenue avec Ron Posno, un ancien pilote d’essai de l’Aviation royale canadienne et enseignant estimé auprès d’étudiants ayant des besoins spéciaux. Âgé de 81 ans, il m’a raconté ce qu’il vit actuellement en raison de sa déficience cognitive légère, un précurseur de la démence. Il m’a expliqué qu’il a du mal à accepter la version actuelle de la loi. Il trouve frustrant que son épouse et lui soient forcés d’accepter la perte de sa mémoire, de ses souvenirs, de son sens d’orientation et, certainement, de sa dignité, à moins que nous puissions améliorer ce projet de loi.

La triste réalité, c’est que les dispositions législatives régissant actuellement l’aide médicale à mourir créent des écarts au niveau de son accessibilité. M. Posno m’a raconté l’histoire d’autres personnes qu’il a rencontrées dans sa vie et qui ont choisi de s’enlever la vie en se suicidant plutôt que de souffrir dans la solitude et la peur pendant toute une fin de vie sur laquelle elles n’auraient exercé aucun contrôle.

Voilà pourquoi je présente aujourd’hui mes amendements. Je le fais pour les personnes telles que M. Posno, pour ma défunte mère et ma grand-mère, pour les milliers de Canadiens qui reçoivent chaque année un diagnostic d’Alzheimer — ce tsunami qui va s’abattre sur les aînés — ainsi que pour tous ceux qui ne souhaitaient pas quitter cette vie dans la douleur ou continuer de vivre sans reconnaître leur famille et leurs amis, voire sans se reconnaître eux-mêmes. Je le fais pour les êtres chers, les proches aidants, les médecins et les évaluateurs sur qui repose une si grande responsabilité parce que nous tardons à nous acquitter de notre devoir de législateurs et à clarifier cette loi.

L’amendement que je propose permettra à quiconque de faire une déclaration écrite signée pour consentir à l’aide médicale à mourir, avant même de recevoir un diagnostic de maladie grave et irrémédiable. Il donnera à ceux qui craignent de perdre la capacité de consentir la certitude d’être admissibles à l’aide médicale à mourir avant d’en arriver à un point où il ne leur serait peut-être pas possible d’y consentir.

À l’heure actuelle, les mesures de sauvegarde prévues à l’article 3 du projet de loi C-14 et au paragraphe (3.1) du projet de loi C-7 exigent la signature d’un consentement à l’aide médicale à mourir après qu’une personne reçoive un diagnostic de maladie grave et irrémédiable. Cette exigence a créé une impasse pour certaines personnes qui ne peuvent plus donner un consentement éclairé à l’aide médicale à mourir parce qu’ils font l’objet d’un diagnostic de déficience cognitive. Mon amendement corrigera ce problème et permettra à toute personne de consentir — alors qu’elle est encore saine d’esprit et capable de prendre des décisions en toute connaissance de cause — à recevoir l’aide médicale à mourir.

Ce changement d’approche devrait également libérer les personnes dont le décès n’est pas raisonnablement prévisible — lorsque celui-ci est inévitable, mais pas imminent — de l’obligation de donner un consentement final à l’aide médicale à mourir. À l’heure actuelle, le projet de loi C-7 n’autorise une demande anticipée que lorsque le décès est raisonnablement prévisible. Il s’agit de la modification d’Audrey, qui garantit que les personnes dont la mort est naturellement prévisible et dont la demande d’aide médicale à mourir a été approuvée ne doivent pas mettre fin à leur vie prématurément avant de perdre la capacité de consentir.

Ce droit représente une étape essentielle dans la bonne voie, mais je pense qu’il doit également être donné aux patients dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible. Un patient devrait avoir le droit de présenter une demande anticipée d’aide médicale à mourir s’il est atteint d’un trouble cognitif léger, de démence ou de la maladie d’Alzheimer, et ce, même si son décès n’est pas imminent.

J’avais déjà abordé cet enjeu ici lors d’une autre séance. J’ai parlé de patients qui se retrouvent piégés dans une sorte de loterie perverse de la maladie. Un patient qui se fait diagnostiquer un cancer grave, et dont le décès est raisonnablement prévisible, serait en droit de demander l’aide médicale à mourir. Par contraste, un patient ayant hérité de la carte de la maladie d’Alzheimer à la loterie des maladies ne pourrait pas présenter une telle demande, car le diagnostic à lui seul pourrait suffir à le disqualifier.

Certains sénateurs croient qu’il faudrait d’autres travaux en comité, d’autres études savantes, d’autres analyses de fonctionnaires et d’autres consultations avec la population. Ils pensent que nous devrions consacrer davantage de temps à cet enjeu. Pour ma part, j’appuie sans réserve — et ce, depuis plus de cinq ans — toute motion visant à s’assurer que le projet de loi C-14 est immédiatement soumis à un examen parlementaire en bonne et due forme. Néanmoins, les choses sont au point mort. Il y a toujours une raison, que ce soit une élection, la nécessité d’adopter une autre mesure législative relative à la COVID-19, ou que sais-je. C’est assez. Il existe un très large consensus concernant les demandes anticipées d’aide médicale à mourir. Les consultations publiques sur l’aide médicale à mourir, organisées par le gouvernement lui-même en mars de l’année dernière, ont révélé que près de 80 % des Canadiens sont en faveur des demandes anticipées d’accès à l’aide médicale à mourir et que plus de 75 % d’entre eux appuient les demandes anticipées dans les cas de démence ou d’Alzheimer.

Il a fallu attendre cinq ans avant que la modification d’Audrey se retrouve dans une mesure législative, en l’occurrence le projet de loi C-7. Le gouvernement croit maintenant que nous devrions permettre aux patients dont la mort naturelle est prévisible de présenter une demande anticipée. Pourquoi, alors, ne pas permettre aux personnes dont la mort n’est pas imminente, mais dont la vie est un enfer, d’entreprendre la même démarche? Et pourquoi ne pourrait-on pas nous autoriser à signer un consentement préalable avant même de recevoir un diagnostic? Pourquoi laisser de projet de loi créer encore plus de lacunes en matière d’accessibilité?

Selon certains, autoriser le consentement préalable revient à risquer d’administrer l’aide médicale à mourir à des personnes contre leur volonté, mais je crois que les mesures de sauvegarde déjà présentes dans le projet de loi empêcheront qu’une telle chose se produise. Bien entendu, personne ne devrait être obligé de recevoir l’aide médicale à mourir contre son gré. Il serait en fait très difficile qu’une telle chose se produise.

La Dre Chantal Perrot a fait une déclaration à cet effet au comité pas plus tard que la semaine dernière. J’ai d’ailleurs reçu aujourd’hui un très long courriel de sa part dans lequel elle réitère sa position :

Il faut protéger les personnes vulnérables, ce qui inclut celles qui demandent l’aide médicale à mourir et qui ne pourraient pas en bénéficier selon des critères et des mesures de sauvegarde très restrictives. Les évaluateurs et les fournisseurs de soins doivent notamment évaluer la vulnérabilité du patient tout en respectant le droit de l’individu à prendre une décision qui ne plaît pas nécessairement à certains [...]

Je crois qu’il est important d’écouter la vaste majorité de Canadiens qui sont en faveur des demandes anticipées, qui contribuent à faire en sorte de respecter la volonté des individus. C’est ce que signifie l’autonomie. C’est ce que signifie notre droit constitutionnel à choisir.

Les modifications que je propose visent à permettre de signer et de dater une demande anticipée d’aide médicale à mourir avant même qu’un médecin ne pose un diagnostic qui pourrait rendre une personne inadmissible à ce type d’aide. Elles uniformiseront également le libellé de ce projet de loi et feront en sorte que la possibilité de renoncer au consentement final s’applique autant aux personnes pour qui la mort est raisonnablement prévisible qu’à celles dont la mort n’est pas prévisible.

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