DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — Le décès de Christopher Plummer, C.C.
10 février 2021
Honorables sénateurs, il était l’arrière-petit-fils de sir John Abbott, le troisième premier ministre du Canada. Il était pianiste de concert. Cependant, même s’il aimait la musique, il aimait davantage les mots. Il est donc parti s’installer à New York en 1949 et, à peine cinq ans plus tard, il a fait ses débuts à Broadway dans The Starcross Story. Pendant sept décennies, il a interprété des personnages fascinants, puissants et émouvants qui incarnaient le pire et le meilleur de l’humanité.
Christopher Plummer a été le plus grand acteur de son temps. Il a continué d’exercer la profession qu’il aimait jusqu’à l’âge de 91 ans en donnant vie à de petits et de grands personnages. Il a fait carrière tout partageant sa vie avec Elaine Taylor, elle-même actrice. Ils ont été mariés pendant plus de 50 ans. Fidèle compagne, elle sera restée avec lui jusqu’à la fin. C’était sa meilleure amie et son havre de paix.
Lors de mon mandat comme consule générale du Canada à New York, Chris et Elaine étaient toujours de merveilleux ambassadeurs pour notre pays, enthousiastes et spirituels. Ils réussissaient constamment à impressionner nos amis américains en citant l’excellence des Canadiens et leurs contributions. Après une représentation du Roi Lear au Lincoln Center qui était offerte par le Festival de Stratford et qui mettait en vedette Christopher Plummer, lui-même un ancien acteur de la compagnie du festival, il s’est joint à nous tard dans la soirée à la résidence consulaire.
Plus tard dans la soirée, et après un verre ou deux, M. Plummer s’est installé au piano pour jouer la désormais légendaire trame sonore de La mélodie du bonheur, grand succès cinématographique de 1965. Nous nous sommes rassemblés près du piano, et il nous a fallu un moment avant de nous apercevoir qu’il improvisait des paroles de son cru sur ces mélodies aujourd’hui omniprésentes. Ses versions amusantes et provocatrices prouvaient bien que, même si le film avait effectivement lancé sa carrière exceptionnelle, il y avait joué un rôle qu’il détestait.
Sa véritable passion était la scène. Tout au long de sa vie, il y est retourné souvent, que ce soit en solo, en duo dans Barrymore ou dans la production Inherit the Wind avec Brian Dennehy. Il a joué Cyrano, Iago, Hamlet, Macbeth et le roi Lear. Au petit écran et au grand écran, il a incarné des amoureux et des méchants, des espions et des milliardaires cruels. Il fait partie des rares personnes — et il est certainement le seul Canadien — à avoir raflé la triple couronne de l’acteur : un Oscar, un Emmy et un Tony. Il a toutefois dû attendre jusqu’en 2012 avant de recevoir l’oscar pour son rôle dans le film Les débutants.
L’aspect paradoxal de la situation ne lui échappait pas. M. Plummer faisait preuve d’autodérision tout en étant très sûr de lui. Il avait une présence imposante sur la scène ou à l’écran et dans toutes les pièces où il entrait, mais il n’avait jamais l’impression que sa performance était pleinement satisfaisante. Bien sûr, elle l’était toujours. Avec lui, même l’impossible semblait tout à fait naturel.
Il disait souvent en plaisantant qu’il choisissait ses rôles pour la grosseur du cachet ou un lieu de tournage exotique, mais ce n’était pas vrai non plus. Il le faisait pour l’amour du métier.
Monsieur Plummer, vous avez été immortalisé pour nous tous, les membres du public. Imposez-vous sur cette prochaine scène, comme vous l’avez toujours fait.