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Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2024

Deuxième lecture

19 juin 2024


L’honorable Tony Loffreda [ + ]

Propose que le projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour entamer le débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-69, Loi no 1 d’exécution du budget de 2024.

Je tiens à remercier le sénateur Gold et la ministre Freeland de la confiance qu’ils m’ont témoignée en me permettant de parrainer ce projet de loi au Sénat.

Je sais qu’une version précédente du projet de loi C-69 a donné des cauchemars à bon nombre d’entre vous en 2019. Je vous promets que cette version ne vous donnera pas de cauchemars.

En fait, grâce à bon nombre de mesures de ce projet de loi, de nombreux Canadiens devraient pouvoir dormir sur leurs deux oreilles en sachant que leur gouvernement s’efforce de leur faciliter la vie. J’y reviendrai en temps voulu, mais je voudrais d’abord prendre quelques instants pour aborder certains points.

Comme vous le savez, le budget a été présenté à l’autre endroit le 16 avril, et le projet de loi d’exécution du budget, le 2 mai. Avec ses 686 pages, il se classe au troisième rang des projets de loi d’exécution du budget les plus volumineux qui ont été présentés depuis 2003. Celui de 2009, présenté sous le gouvernement du premier ministre Harper, comptait près de 1 000 pages. C’est donc dire que nous n’établissons aucun record avec le projet de loi C-69.

Ce qui m’amène à mon premier point : le caractère omnibus du projet de loi. Je pense qu’il y a un large consensus selon lequel demander au Sénat d’adopter en peu de temps un projet de loi de plusieurs centaines de pages contenant des dizaines de mesures n’est pas une façon de gouverner. Je ne défendrai pas cette pratique, car, comme la plupart d’entre vous, je ne l’approuve pas. Cela fait cependant partie des moyens à la disposition du gouvernement.

Il est également important de souligner que chaque élément de ce projet de loi figure dans le texte du budget de cette année, que ce soit dans un de ses chapitres ou à l’annexe des mesures législatives. Je reconnais que certaines mesures contenues dans la loi d’exécution du budget, en particulier celles qui n’ont qu’une petite incidence budgétaire ou qui apportent des modifications importantes à diverses lois, auraient pu faire l’objet d’un projet de loi distinct. En fait, la plupart des comités qui ont examiné le projet de loi dans le cadre de l’étude préalable ont soulevé cette question. Par exemple, le Comité des affaires sociales a estimé qu’on ne disposait pas de suffisamment de temps pour bien examiner les sections qu’il a reçues et qu’une loi d’exécution du budget ne devrait être liée qu’aux mesures chiffrées du budget.

D’un autre côté, je ne peux m’empêcher de me demander quelle serait l’efficacité du Sénat, et même du Parlement, si bon nombre des mesures contenues dans le projet de loi C-69 avaient été présentées en tant que projets de loi indépendants. Nous nous plaignons déjà que notre Feuilleton et nos comités sont inondés de projets de loi. Il y a une longue file d’attente de projets de loi au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, par exemple. Au Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, nous avons cinq projets de loi à examiner. La question est la suivante : aurions-nous le temps d’examiner un certain nombre de projets de loi supplémentaires au printemps dans l’espoir de les adopter avant les vacances d’été? Ma question est rhétorique.

Appelez cela de la mauvaise gestion, appelez cela de l’opportunisme, appelez cela comme vous voudrez, mais même si je suis le parrain du projet de loi C-69, je me joins aux sénateurs pour reprocher au gouvernement d’y avoir inclus des mesures importantes qui auraient dû être séparées du projet de loi C-69 et qui auraient pu être étudiées individuellement pour déterminer la valeur de chacune.

Malgré ces critiques, soyons clairs : une fois de plus, les 10 comités sénatoriaux ont déployé des efforts accrus et ont relevé le défi. Au total, les comités ont tenu 36 réunions et fait comparaître 239 témoins distincts dans le cadre de l’étude préalable. Nous avons reçu des dizaines et des dizaines de mémoires. Compte tenu des circonstances, nous avons accompli un travail remarquable.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important que je dise quelques mots sur l’économie en général et sur la position enviable du Canada dans le monde. Je commencerai par citer le directeur parlementaire du budget, M. Yves Giroux. Lorsque je l’ai interrogé au cours de la réunion du Comité national des finances il y a quelques semaines, quand je lui ai posé des questions sur l’économie canadienne, il a répondu :

Le Canada se compare assez favorablement aux autres pays du G7 au chapitre du ratio de la dette au PIB. Il se classe probablement au premier ou au deuxième rang des pays les moins endettés par rapport au PIB. Par rapport à d’autres groupes de comparaison tels que le G20, nous nous situons à nouveau dans le meilleur quartile, c’est-à-dire dans la dernière proportion de 25 % pour ce qui est du niveau d’endettement par rapport à l’économie. Nous sommes en bonne position, et cela est dû en grande partie aux fonds de pension publics — RPC et RRQ — qui sont partiellement capitalisés au préalable, ce que la plupart des autres pays n’ont pas [...]

Certainement dans les deux ou trois premiers rangs.

En ce qui concerne la viabilité de la dette fédérale, il considère celle-ci comme viable pour les 75 prochaines années, en supposant le maintien des politiques actuelles, bien sûr.

Si vous n’êtes pas encore convaincu que la situation n’est pas aussi mauvaise que certains le laissent entendre, prenez connaissance des faits suivants. La croissance des salaires a dépassé l’inflation au cours des 15 derniers mois. Le Fonds monétaire international et l’Organisation de coopération et de développement économiques prévoient que le Canada aura la plus forte croissance économique du G7 en 2025, ainsi que la dette et le déficit les plus faibles du G7. Nous avons récupéré 141 % des emplois qui ont été perdus au plus fort de la pandémie, contre seulement 128 % aux États-Unis, que beaucoup considèrent comme l’économie la plus forte du monde à l’heure actuelle.

Le Canada jouit toujours d’une cote de crédit triple A. On ne le dit pas assez souvent dans cette enceinte. Par exemple, voici ce qu’on peut lire dans les prévisions économiques de S&P Global :

La cote AAA que nous accordons au Canada continue de refléter les fortes institutions du pays, sa politique monétaire crédible, sa solide position extérieure nette et son économie prospère axée sur les exportations.

Nous avons un produit intérieur brut par habitant d’environ 55 400 $ US. S&P s’attend à ce que l’économie bien diversifiée du Canada demeure résiliente jusqu’à la fin de sa période de prévision, en 2027. Elle prévoit également une accélération de la croissance économique au cours des deux prochaines années.

Ce qui est amusant avec les chiffres, c’est qu’on peut leur faire dire ce que l’on veut. Ils brossent le tableau que l’on veut voir ou chantent la mélodie qu’on veut entendre. Je ne doute pas que certains nous feront entendre un tout autre son de cloche bientôt.

Le fait est que la situation est bonne. Les choses ne vont pas aussi mal que certains pourraient le prétendre.

Je ne suis pas en train de dire que tout est parfait. De nombreux Canadiens — des aînés, des immigrants, des familles et des jeunes professionnels — peinent à joindre les deux bouts. Le logement, la nourriture, l’essence et de nombreux biens et services essentiels coûtent plus cher que jamais. De nombreuses entreprises et sociétés s’inquiètent aussi de l’inflation, des pénuries de main-d’œuvre et du prix à payer pour faire des affaires.

Les Canadiens comptent sur nous pour que nous débattions, examinions et adoptions des mesures législatives qui les aideront. Le projet de loi C-69 fait partie de la solution.

Même si je n’appuie pas tout ce que le gouvernement a fait au cours des neuf dernières années, je crois qu’il a toujours eu de bonnes intentions et qu’il a toujours cherché à rendre la vie plus douce et plus juste pour toutes les générations de Canadiens. Il en va de même pour le projet de loi C-69. Ce projet de loi contient de nombreuses mesures qui sont proposées au moment où elles sont plus nécessaires que jamais.

Beaucoup de personnes m’ont demandé si l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital est incluse dans ce projet de loi d’exécution du budget, le projet de loi C-69. La réponse est non.

Le projet de loi comprend quatre parties qui couvrent 65 mesures différentes.

La première partie comprend 16 sections qui modifient la Loi de l’impôt sur le revenu. La deuxième partie édicte une loi appelée Loi sur l’impôt minimum mondial.

La troisième partie comprend quatre sections qui traitent principalement des droits d’accise. La quatrième partie comprend 44 sections. C’est ce que j’appellerais les mesures non budgétaires du projet de loi.

Comme vous le savez déjà, le 9 mai dernier, le Sénat a chargé neuf comités d’entreprendre une étude préalable de plusieurs des sections de la quatrième partie, tandis que le Comité sénatorial permanent des finances nationales a été autorisé à examiner l’ensemble du projet de loi. Chacun de ces comités a déposé un rapport détaillé de ses travaux. Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous encourage à les consulter.

À ce stade, je voudrais souligner certaines des mesures du projet de loi — pas toutes, évidemment — qui, selon moi, avantageront le plus les Canadiens. Je les passerai en revue dans l’ordre où elles figurent dans le projet de loi. Je commencerai par les mesures dans la partie 1 qui modifient la Loi de l’impôt sur le revenu, un sujet qui, je le sais, vous passionne tous autant que moi.

La mesure c) sous la partie 1 modifie la Loi de l’impôt sur le revenu pour exonérer de l’impôt le revenu des fiducies créées aux termes de l’Entente de règlement du recours collectif relatif aux services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, au principe de Jordan et au groupe Trout, d’une valeur de 23,3 milliards de dollars. Cette modification ferait en sorte que les paiements que reçoivent les membres du groupe à titre de bénéficiaires des fiducies ne soient pas pris en compte au moment du calcul du revenu aux fins de l’impôt fédéral sur le revenu. Il s’agit là d’une bonne initiative, qui est très logique et semblable aux règlements précédents de cette nature.

La mesure d), quant à elle, doublera les crédits d’impôt pour les pompiers volontaires et les volontaires en recherche et sauvetage, les faisant passer de 3 000 $ à 6 000 $. Le gouvernement est conscient du rôle essentiel de ces volontaires et les sacrifices qu’ils font pour assurer la sécurité des Canadiens. Par exemple, près de 44 000 personnes ont réclamé le crédit d’impôt pour les pompiers volontaires en 2021, ce qui a entraîné une réduction des recettes fiscales de 20 millions de dollars, et 5 800 personnes ont réclamé le crédit d’impôt pour les volontaires en recherche et sauvetage, ce qui a entraîné une réduction des recettes de 2 millions de dollars.

Nous sommes tous conscients de la fragilité du paysage médiatique canadien et du journalisme en général, et c’est pour cette raison que le gouvernement propose d’améliorer le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne en augmentant le plafond des dépenses de main-d’œuvre par employé à 85 000 $ et en faisant passer temporairement le taux du crédit de 25 à 35 % pour une période de quatre ans. En 2021, 116 sociétés ont demandé ce crédit.

Une mesure que je salue et que j’ai soulevée au Sénat il n’y a pas longtemps est la remise canadienne sur le carbone pour les petites entreprises. Environ 600 000 petites et moyennes entreprises, ou PME, dans les provinces où le filet de sécurité fédéral s’applique recevront enfin leur part de la redevance sur les combustibles sous la forme d’un crédit d’impôt remboursable. Le montant s’élève à plus de 2,5 milliards de dollars. Les entreprises n’auront pas à en faire la demande; l’Agence du revenu du Canada déterminera automatiquement le montant pour une entreprise admissible. Je suis très heureux de voir le gouvernement tenir sa promesse de restituer une partie de la redevance aux PME.

Je sais que certains d’entre vous s’intéressent aux changements concernant l’impôt minimum de remplacement que le gouvernement a d’abord proposés en 2023 et qui ont reçu un accueil mitigé à l’époque. Le gouvernement a écouté les parties prenantes depuis, et je pense que le projet de loi C-69 offre un bon équilibre. Dans les grandes lignes, la réforme comprend une augmentation du taux d’imposition minimum, le faisant passer de 15 % à 20,5 %, ainsi qu’une augmentation de l’exemption fiscale minimum. D’autres changements visent à réduire considérablement d’éventuelles répercussions touchant les dons de bienfaisance, et les donateurs seront désormais en mesure de réclamer 80 % du crédit d’impôt pour dons de bienfaisance. C’est une bonne nouvelle.

Enfin, la partie 1 contient quelques crédits d’impôt supplémentaires liés à l’économie propre. Il s’agit du crédit d’impôt à l’investissement pour l’hydrogène propre, du crédit d’impôt à l’investissement dans la fabrication de technologies propres et du crédit d’impôt pour l’exploration minière. Ces mesures réaffirment l’engagement du gouvernement à attirer les investissements, à stimuler les activités commerciales et à faire du Canada un acteur de premier plan dans l’économie propre.

En ce qui concerne le crédit d’impôt pour l’exploration minière, par exemple, je tiens à ajouter que cette mesure envoie un signal fort à l’industrie : le gouvernement reconnaît le rôle vital qu’elle joue dans notre économie et, en particulier, dans les économies locales de tout le pays, notamment dans les régions nordiques et éloignées. Le gouvernement estime que l’extension du crédit contribuera à maintenir les investissements et à soutenir les premières étapes de l’exploration minière.

Comme nous l’avons déjà mentionné, la partie 2 propose une nouvelle loi autonome appelée Loi sur l’impôt minimum mondial. Cette partie du projet de loi représente 41 % de l’ensemble du texte, soit près de 300 pages. Les sénateurs connaissent peut-être la genèse de cet impôt. En octobre 2021, un accord international a été conclu pour mettre en œuvre un impôt minimum mondial de 15 % sur les entreprises multinationales dont les revenus sont supérieurs à 750 millions d’euros.

À ce jour, 142 pays l’ont signé et ont accepté une solution reposant sur deux piliers qui vise à relever les défis fiscaux découlant de la mondialisation et de la numérisation de l’économie. L’objectif est de réduire la tentation pour les entreprises multinationales de transférer leurs bénéfices vers des pays à faible taux d’imposition et de fixer un plancher à la concurrence fiscale.

La loi sur l’impôt minimum mondial mettra en œuvre la règle principale de l’impôt minimum de 15 %, communément appelée règle d’inclusion du revenu, et elle mettra également en œuvre un impôt supplémentaire minimum national. En vertu de la règle d’inclusion du revenu, le Canada imposerait généralement un impôt supplémentaire à une grande entreprise multinationale située au Canada si elle exerce ses activités dans un pays étranger où le taux d’imposition effectif est inférieur à 15 %.

Jusqu’à présent, nombre de nos partenaires ont déjà pris des mesures pour mettre en œuvre le deuxième pilier, notamment tous les pays du G7 — à l’exception des États-Unis —, les États membres de l’Union européenne et plusieurs pays du G20 comme l’Australie, l’Afrique du Sud et la Corée du Sud. Comme indiqué dans le budget 2024, le gouvernement estime que la mise en œuvre du deuxième pilier augmenterait les revenus de 6,6 milliards de dollars sur trois ans, à compter de 2026-2027.

Selon des données historiques de 2019, plus de 220 multinationales canadiennes ont atteint le seuil de revenus prévu dans la loi sur l’impôt minimum mondial, et plus de 2 400 multinationales non canadiennes ayant des activités au Canada ont également atteint le seuil.

Passons maintenant à la partie 3, qui est relativement rapide et simple et qui porte sur les impôts non visés par la Loi de l’impôt sur le revenu.

Tout d’abord, les taxes sur le tabac et les produits de vapotage augmentent. Le prix d’une cartouche de cigarettes augmentera de 4 $, soit une hausse de 12 %. Le gouvernement prévoit que cette augmentation générera plus de 1,3 milliard de dollars de recettes au cours des cinq prochaines années. Personnellement, je pense que le gouvernement fait ce qu’il faut en augmentant la taxe sur les cigarettes et en donnant la priorité à la santé des Canadiens. Le taux du droit d’accise sur les produits de vapotage augmentera également de 12 %.

En outre, pour les deux prochains exercices, le gouvernement plafonne à 2 % le rajustement en fonction de l’inflation sur les produits alcoolisés. Il réduit également de moitié le taux du droit d’accise sur la bière brassée au Canada pour offrir aux brasseries artisanales un allégement fiscal supplémentaire en 2024-2025 et 2025-2026. Le plafond de 2 % a également été prolongé d’un an dans la loi d’exécution du budget de 2023.

La section 3 propose des modifications à la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés, que nous avons adoptée, vous vous en souvenez peut-être, en juin 2022. Cette loi a mis en place une taxe annuelle de 1 % sur la valeur des biens résidentiels vacants ou sous‑utilisés appartenant directement ou indirectement à des non‑résidents non canadiens. À la suite de consultations, le gouvernement propose des modifications à l’application de la taxe qui faciliteront le respect de la loi sans aller à l’encontre de son objectif. Les modifications portent sur l’exigence de production de déclarations et les pénalités, et elles introduisent une nouvelle exemption pour les immeubles résidentiels détenus comme lieu de résidence ou d’hébergement pour les employés dans les collectivités rurales ou éloignées.

Passons maintenant à la partie du projet de loi qui vous intéresse probablement le plus.

La partie 4 comporte 44 sections qui portent principalement sur la politique sociale ou sur des mesures non financières qui ne sont pas nécessairement liées à la fiscalité. Neuf de nos comités ont étudié 38 des 44 mesures de ce passage. Je n’en résumerai qu’une douzaine.

Je commencerai par la première section de la partie 4, qui prolongera de deux ans l’interdiction des investissements étrangers dans le secteur immobilier canadien jusqu’en janvier 2027.

L’interdiction vise à freiner la demande étrangère, compte tenu des craintes que les acheteurs non canadiens puissent contribuer à exclure certains Canadiens du marché immobilier.

Le gouvernement affirme que la prolongation de l’interdiction envoie un message clair aux investisseurs étrangers : les maisons doivent être utilisées comme des habitations pour les Canadiens, et non comme des actifs financiers à des fins spéculatives.

Cette disposition s’ajoute à celle de la partie 1 qui vise à réprimer les locations de courte durée et à aider à résoudre la crise du logement au pays.

La section 3 traite du programme national d’alimentation dans les écoles récemment annoncé. Le gouvernement s’est engagé à verser 1 milliard de dollars sur cinq ans pour ce programme, qui permettra à 400 000 enfants de plus chaque année d’avoir accès à des repas à l’école. Grâce au projet de loi C-69, le gouvernement fédéral pourra signer des accords bilatéraux et commencer à verser jusqu’à 70 millions de dollars de financement dès la prochaine année scolaire. Les recherches montrent que la participation à de tels programmes peut permettre aux familles d’économiser environ 800 $ par année.

Comme nous l’avons entendu en comité de la part du Club des petits déjeuners du Canada, ce programme :

[...] est un investissement dans l’avenir des enfants [...] Il faut garantir que tous les enfants aient accès aux aliments nutritifs dont ils ont besoin pour réussir. Ainsi, nous permettons à une génération plus en santé, plus éduquée et mieux outillée de contribuer à la société.

Le Comité des affaires sociales demande instamment au gouvernement d’assurer une collecte de données solide et d’adopter une approche fondée sur les données afin de s’assurer que les ressources destinées aux programmes d’alimentation dans les écoles sont allouées aux collectivités qui en ont le plus besoin.

Honorables collègues, le projet de loi C-69 élargirait considérablement la portée du programme d’exonération du remboursement des prêts d’études afin d’inciter un plus grand nombre de travailleurs des professions clés à s’installer dans des collectivités mal desservies.

Tout d’abord, voici un peu de contexte : l’exonération du remboursement des prêts d’études pour les médecins de famille, le personnel infirmier autorisé, le personnel infirmier praticien et d’autres professions ciblées a été initialement mise en œuvre en 2012-2013 pour appuyer les efforts existants visant à remédier à la pénurie de travailleurs de la santé dans les régions rurales et éloignées.

La section 4 de la partie 4 du projet de loi C-69 étendrait l’exonération, de façon permanente, à 10 nouvelles professions pour que les Canadiens vivant dans ces régions puissent accéder aux soins de santé et aux services sociaux dont ils ont besoin. Voici la liste de ces professions : pharmaciens, dentistes, hygiénistes dentaires, sages-femmes, éducateurs de la petite enfance, enseignants, travailleurs sociaux, préposés aux services de soutien à la personne, psychologues et physiothérapeutes.

Après des années de consultations, la section 16 édicte une loi pour les éléments clés du cadre sur les services bancaires axés sur les consommateurs. Le Canada est le dernier pays du G7 à mettre en place un tel cadre. Le Comité sénatorial des banques a publié un rapport fondamental sur le sujet en 2019.

Cette section définit les éléments se rapportant au champ d’application et au processus de désignation de l’organisme de normalisation technique. Dans notre rapport, le Comité sénatorial des banques a souligné qu’il est « important de créer rapidement et avec diligence » ce cadre.

L’Agence de la consommation en matière financière du Canada a été choisie par le gouvernement et chargée de superviser l’application du cadre. Le Comité sénatorial des banques a exprimé des inquiétudes quant à ce choix. Comme nous l’avons écrit :

Le comité estime que l’autorité de réglementation doit avoir une structure de gouvernance solide afin d’assurer la confiance des Canadiens participant au régime de services bancaires axés sur les consommateurs. Il est toutefois très préoccupé par la décision du gouvernement de désigner l’Agence de la consommation en matière financière du Canada [...] comme organisme de réglementation [...] et se demande pourquoi un organisme indépendant plus robuste, ayant une expertise en matière d’application de la loi, n’a pas été choisi.

Je tiens à souligner que d’autres pays, comme les États-Unis, ont également choisi un organisme équivalent à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada et que le Canada a voulu aller dans la même direction. Le gouvernement estime qu’il est important que les services bancaires axés sur les consommateurs au Canada suivent une approche internationale cohérente. L’Agence de la consommation en matière financière du Canada joue depuis longtemps le rôle d’organisme canadien de réglementation des pratiques du secteur des services financiers et elle est considérée comme un organisme de surveillance et d’application efficace.

Je tiens à être clair : le gouvernement adopte une approche progressive à l’égard des services bancaires axés sur les consommateurs. Il s’agit là de la première étape.

Les éléments contenus dans le projet de loi C-69 donneront à l’industrie plus de temps pour se préparer à la mise en œuvre pendant que le gouvernement continue de collaborer avec les intervenants pour peaufiner les éléments plus complexes liés au cadre d’accréditation et aux règles relatives à la protection de la vie privée, à la sécurité et à la responsabilité. Ces éléments devraient être présentés dans le deuxième projet de loi d’exécution du budget plus tard cette année. Ce serait la deuxième étape.

Afin d’améliorer les mesures de protection des travailleurs de l’économie des petits boulots, la section 21 du projet de loi modifie le Code canadien du travail pour régler un problème lié aux erreurs de classification commises par les employeurs de sous-traitants indépendants. Une fois ce problème réglé, les travailleurs à la demande qui occupent des emplois sous réglementation fédérale dans le secteur privé ne se verront plus refuser certains droits et privilèges garantis par le code.

Comme l’explique le gouvernement, une classification erronée peut exposer les travailleurs à la demande à des conditions de travail précaires et à une situation économique vulnérable. La mesure pourrait toucher plus de 41 000 travailleurs à la demande et avoir des conséquences financières pour les employeurs qui ont mal classifié leurs travailleurs. Le Comité sénatorial des affaires sociales s’est fait dire également que l’Agence du revenu du Canada pourrait perdre des milliards de dollars par an en raison des implications fiscales.

Dans la section 22, le gouvernement concrétise sa promesse d’achever l’élaboration d’une politique sur le « droit à la déconnexion » pour le secteur privé sous réglementation fédérale, ce qui touche quelque 19 000 employeurs et un peu moins de 1 million d’employés dans des secteurs comme celui des banques, des télécommunications et des transports interprovinciaux et internationaux. Les employeurs seront tenus de publier une politique précisant leurs attentes en matière de communication liée au travail en dehors des heures de travail prévues et toute possibilité pour les employés de se déconnecter.

Comme on l’a annoncé dans le budget de 2024, le gouvernement propose la création d’un programme de garantie de prêts pour les Autochtones, qui accordera jusqu’à 5 milliards de dollars en garanties de prêts pour permettre aux communautés autochtones d’avoir accès à des capitaux, de tirer profit de nouveaux débouchés économiques et de participer à la croissance économique du pays d’une manière qui leur convienne.

Afin de mettre en place le programme, la section 25 autorisera une filiale nouvellement créée de la Corporation de développement des investissements du Canada à émettre et à gérer le portefeuille. Ressources naturelles Canada jouera également un rôle dans la réception initiale et l’examen des demandes. Le Comité sénatorial des peuples autochtones se réjouit de cette initiative et demande qu’elle soit mise en place rapidement, compte tenu du fait que :

Le programme pourrait permettre aux gouvernements autochtones de générer des revenus autonomes en investissant dans des projets de ressources naturelles et en participant de façon égale à l’économie canadienne dans son ensemble.

Le comité demande au gouvernement de veiller à ce que :

La gestion et le fonctionnement de la nouvelle organisation doivent aussi être la responsabilité d’Autochtones, et le programme doit être administré d’une manière qui tienne compte des divers besoins des gouvernements autochtones qu’il est censé servir.

En réponse à une décision de la Cour suprême en octobre 2023, le gouvernement apporte les modifications nécessaires à la Loi sur l’évaluation d’impact. Il s’agit de la version précédente du projet de loi C-69 dont j’ai parlé plus tôt. Les modifications proposées à la section 28 de la Loi sur l’évaluation d’impact réduiraient la portée des effets relevant d’un domaine de compétence fédérale dont il est question dans la loi. D’autres modifications garantiraient que les fonctions décisionnelles tiennent nettement compte de la possibilité d’effets négatifs relevant d’un domaine de compétence fédérale.

Naturellement, le Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a été chargé d’examiner cette section du projet de loi. Dans son rapport, le comité a déploré que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique et ses fonctionnaires n’aient pas comparu devant le comité pour expliquer les amendements proposés par le gouvernement et en quoi ils sont conformes à l’opinion majoritaire de la Cour suprême.

Dans son rapport d’étude préalable, le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a également reconnu les conséquences juridiques de la section 28.

La section 35 espère s’attaquer à un problème majeur au Canada qui a pris de l’ampleur ces dernières années. Cinq mesures sont proposées dans le projet de loi C-69 pour lutter contre le vol de véhicules à moteur. Deux nouvelles infractions en ce qui a trait aux vols de véhicules à moteur sont créées, ainsi que deux nouvelles infractions visant la possession et la distribution de certains dispositifs électroniques pouvant servir à commettre un vol de véhicule à moteur.

Le gouvernement propose aussi la nouvelle infraction suivante :

[...] le blanchiment des produits de la criminalité au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou en association avec elle.

Bien que le Code criminel comprenne déjà un cadre solide pour lutter contre ces types d’infractions, les nouvelles mesures proposées renforceraient le régime. Ces mesures font suite au Sommet national pour lutter contre le vol de véhicules qui s’est déroulé en février et répondent aux demandes de la police qui souhaitait des sanctions plus sévères.

Certains sénateurs ont des préoccupations au sujet de cette mesure et soutiennent que le gouvernement devrait cibler les fabricants d’automobiles au lieu de s’en prendre aux criminels en leur imposant des peines plus sévères. Je comprends cet argument, et je sais que la ministre le comprend aussi. En réponse à une question de la sénatrice Pate devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales, la ministre Freeland a dit clairement qu’elle reconnaît « que les fabricants d’automobiles ont un rôle à jouer » et que le gouvernement « [travaille] avec eux en vue de trouver une solution à ce problème ».

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques est d’accord. Comme il l’a souligné dans son rapport :

[Il] est nécessaire d’adopter une approche multidimensionnelle pour s’attaquer au problème du vol de véhicules à moteur, avec notamment des technologies antivol pour les nouveaux véhicules à moteur produits ou vendus au Canada [...]

Dans la section 27, le gouvernement apporte des modifications à la Loi sur les télécommunications afin d’exiger des fournisseurs de services de télécommunications qu’ils offrent aux clients une plateforme libre-service qui leur permet d’annuler leur contrat ou de modifier leur plan. Les entreprises seraient également tenues d’informer leurs abonnés des autres plans de service qui sont à leur disposition et de l’expiration prochaine de leur contrat. Le Canada a toujours eu certains des forfaits téléphoniques les plus coûteux au monde. Le gouvernement a réalisé des progrès au cours des dernières années en favorisant l’offre de plans plus abordables pour les consommateurs, et la mesure actuelle permettra aux Canadiens de trouver plus facilement de meilleures offres pour les forfaits Internet, les forfaits de téléphonie résidentielle et les forfaits de téléphonie cellulaire.

Passons maintenant à la section 39 qui porte sur les postes d’attentes. Permettez-moi de vous donner un peu de contexte. À la suite de la décision des provinces visant à mettre fin à leurs ententes de longue date sur la détention des immigrants, le gouvernement prend maintenant des mesures pour renforcer la capacité des institutions fédérales à recevoir des détenus de l’immigration à haut risque, y compris des centres de surveillance de l’immigration et des établissements correctionnels fédéraux qui seront gérés par l’Agence des services frontaliers du Canada.

Je dirais que la plupart d’entre nous conviennent que la détention des immigrants est une mesure de dernier recours, et que le recours aux établissements correctionnels l’est encore plus. Cependant, il s’agit parfois d’une étape nécessaire quand une personne présente un risque pour la sécurité des Canadiens. De toute évidence, cette mesure s’applique aux détenus de l’immigration à haut risque. En fait, la définition de l’expression « détenu de l’immigration » a été précisée au moyen d’un amendement à l’étape de l’étude en comité à l’autre endroit.

Il va sans dire que ces mesures ne changent pas qui est susceptible d’être détenu pour des motifs d’immigration et, par conséquent, ne changent pas l’analyse en fonction de la Charte pour ces dispositions. Toutes les institutions fédérales sont tenues de respecter les droits garantis par la Charte dans le traitement des détenus.

Je pense qu’il est important de souligner le point de vue du Comité sénatorial de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants sur cette question. Voici ce que les sénateurs qui siègent au comité ont dit à ce sujet :

[...] votre comité estime que le Parlement n’a pas eu suffisamment de temps pour bien étudier les modifications proposées, qui changeraient de manière importante le régime canadien de détention liée à l’immigration. De plus, votre comité est profondément convaincu que ces modifications proposées ne devraient pas figurer dans la loi portant exécution du budget puisqu’elles ne sont pas liées à la gestion des finances du Canada.

Comme vous le savez, le ministre de la Sécurité publique a envoyé une lettre de six pages aux membres du Comité de la sécurité nationale, que j’ai distribuée à tous les sénateurs. Dans cette lettre, le ministre corrige certaines affirmations inexactes faites pendant l’étude préalable du comité. En ce qui concerne la détention en lien avec l’immigration, le ministre LeBlanc nous a rappelé que :

[...] le projet de loi C-69 ne modifie pas les dispositions qui la régissent et qui ont été jugées constitutionnelles par les tribunaux. Ce projet de loi permet simplement l’utilisation d’une nouvelle installation, à savoir une section de l’établissement du SCC gérée par l’ASFC au lieu d’un établissement correctionnel provincial géré par le personnel correctionnel provincial.

La réponse du ministre et l’approche du gouvernement dans ce dossier ne satisferont pas tout le monde, mais la disposition du projet de loi C-69 est limitée dans le temps grâce à un amendement apporté à l’autre endroit, et elle est là pour des raisons de sécurité publique.

Certains de mes collègues évoqueront peut-être, dans leurs remarques, la section 40, qui modifie la Loi autorisant certains emprunts pour augmenter le montant maximum des emprunts autorisé par la loi. Nous sommes probablement quelques-uns à avoir la même opinion sur ce sujet. La dette croissante du Canada est une source de préoccupation, mais je pense que cette mesure est nécessaire en ce moment en raison de l’encours de la dette du Canada et du coût d’emprunt plus élevé que d’habitude. Cette modification est nécessaire pour assurer le bon déroulement des opérations de financement du gouvernement et des sociétés d’État. Je reconnais que tous les ordres de gouvernements doivent commencer à réduire leurs dépenses. La pandémie est derrière nous et nous devons être un peu plus prudents avec les deniers publics.

La toute dernière section de la quatrième partie — la section 44 — vise à modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres substances afin de retirer l’exemption ministérielle qui permet l’exploitation légale des sites de consommation supervisée.

Le gouvernement propose maintenant des amendements qui permettraient de créer un système de réglementation afin que la consommation supervisée et les services de vérification des drogues puissent être autorisés par le biais d’un système structuré.

Les données sont assez convaincantes et ont manifestement persuadé le gouvernement de l’impact positif de ces sites sur les méfaits des surdoses.

Entre 2017 et 2023, les sites de consommation supervisée au Canada ont reçu plus de 4,4 millions de visites, ont répondu à plus de 53 000 surdoses non mortelles et ont effectué plus de 424 000 renvois vers des services sociaux et de santé.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles avance même que « rationaliser et simplifier les procédures de demande et de renouvellement d’un SCS permettraient d’améliorer les démarches pour les demandeurs ».

Bien sûr, j’aurais pu continuer un peu plus longtemps, mais j’ai voulu me concentrer sur ces mesures précises dans la partie 4.

Sans entrer dans les détails, je me contenterai de mentionner que les autres mesures incluses dans la partie 4 portent sur un large éventail de sujets, y compris les prestations d’assurance-emploi, les régimes de retraite, l’engagement à élaborer un système pilote régional d’alerte robe rouge au Manitoba, les modifications apportées aux règlements associés aux produits thérapeutiques, les modifications relatives au taux d’intérêt criminel et les modifications apportées à la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces afin de mettre en œuvre la garantie du Transfert canadien en matière de santé de 5 % annoncée en 2023.

Honorables collègues, j’aimerais avoir plus de temps pour passer en revue toutes les mesures du projet de loi. Malheureusement, je n’ai pas le luxe de disposer d’un temps illimité comme tous nos leaders. Je suis certain que vous êtes tous soulagés. Je sais que mon personnel est soulagé. Bien entendu, je n’encourage pas non plus nos cinq leaders à profiter de cette possibilité. J’attends avec impatience un débat sain et des échanges judicieux.

J’espère également que le projet de loi pourra être renvoyé le plus rapidement possible au Comité des finances nationales afin qu’il puisse en entreprendre l’examen article par article.

En conclusion, j’espère que mes remarques vous ont permis de mieux comprendre certaines des mesures clés incluses dans le projet de loi C-69 qui mettent en œuvre des éléments importants du budget de 2024, que le gouvernement décrit comme son plan pour bâtir un Canada qui fonctionne mieux pour chaque génération et où tout le monde a une chance équitable d’avoir une bonne vie dans la classe moyenne. J’espère que vous évaluerez les mérites du projet de loi C-69 en gardant à l’esprit ces considérations clés.

Je suis désolé de prendre autant de temps aussi tard dans la soirée et dans la session. Il s’agit d’un projet de loi important. Je tiens à préciser ce qui est important pour le compte rendu. Je vous remercie de m’avoir écouté. J’espère que le projet de loi sera rapidement adopté.

Merci.

L’honorable Denise Batters [ + ]

Le sénateur Loffreda accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Loffreda [ + ]

Oui.

La sénatrice Batters [ + ]

Je vous remercie.

Sénateur Loffreda, le projet de loi d’exécution du budget du gouvernement Trudeau fait plusieurs centaines de pages — environ 680 pages, je crois. De nombreuses parties du projet de loi n’ont rien à voir avec le budget, comme vous l’avez souligné.

Comme vous le savez, de nombreux sénateurs ont comparu devant le Comité sénatorial des finances nationales la semaine dernière. Nous vous avons dit qu’il était difficile, dans un tel contexte, d’examiner adéquatement les parties en question et de les amender.

Je pense notamment à deux parties, dont l’une porte sur les nouvelles dispositions du Code criminel concernant les vols de véhicules, et l’autre sur les changements considérables que le gouvernement Trudeau apporte à la Loi sur l’évaluation d’impact, que la Cour suprême du Canada avait jugé inconstitutionnelle en grande partie.

Vous avez plaisanté, au départ, que cette fois-ci le projet de loi C-69 ne nous donnerait pas de cauchemars. Toutefois, il nous rappelle clairement le terrifiant précédent projet de loi C-69, puisqu’il lui redonne vie.

Voici ma question, sénateur Loffreda : combien de fois avez-vous présenté des projets de loi d’exécution du budget ou de mise en œuvre des énoncés économiques de l’automne pour le gouvernement actuel? Vous l’avez déjà fait quelques fois, je crois?

Si vous n’approuvez pas la pratique du gouvernement, qui présente souvent des projets de loi d’exécution du budget comptant des centaines de pages et qui force ainsi l’adoption de changements importants qui n’ont rien à voir avec le budget — une pratique qui nous empêche d’étudier et d’amender adéquatement ces changements —, pourquoi ne dites-vous pas au gouvernement fédéral que vous ne parrainerez plus de projets de loi d’exécution du budget tant qu’il continuera d’agir ainsi?

Le sénateur Loffreda [ + ]

Sénatrice Batters, tout d’abord, je vous remercie de votre question.

Pour être honnête, c’est un immense privilège et un honneur pour quelqu’un comme moi de parrainer une loi d’exécution du budget. En examinant mon discours, je me suis dit : « Est-ce possible? ». J’ai dû me pincer. « Est-ce possible que ce soit Tony Loffreda qui fasse une telle chose? Wow. »

Comme je l’ai dit, c’est un honneur pour moi de faire une telle chose. J’adhère à 98 % ou à 99 % du contenu du projet de loi. Aucun projet de loi n’est parfait. Je suis en désaccord avec 1 % ou 2 % du projet de loi. Personne n’est parfait, et aucun projet de loi n’est parfait.

Je l’ai dit dès le début, il ne s’agit pas du plus gros projet de loi d’exécution du budget. Avec ses 686 pages, il s’agit du troisième plus gros projet de loi d’exécution du budget depuis 2003. La Loi d’exécution du budget de 2009 du premier ministre Harper — qui, selon moi, était un excellent premier ministre — comptait plus de 1 000 pages. Ils le font tous.

Comme je l’ai mentionné... Sénateur Housakos, c’est à mon tour de parler.

D’un autre côté, je ne peux m’empêcher de me demander quelle serait l’efficacité du Sénat et même du Parlement si bon nombre des mesures contenues dans le projet de loi C-69 avaient été présentées en tant que projets de loi indépendants.

Nous nous plaignons déjà que notre Feuilleton et nos comités sont inondés de projets de loi. Il y a une longue file d’attente de projets de loi au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, par exemple. Au Comité sénatorial des banques, du commerce et de l’économie, nous avons cinq projets de loi à examiner.

Nos comités sont débordés. Ces mesures arrivent à point nommé. Les dispositions relatives aux vols de véhicules arrivent à point nommé. Des organisations criminelles sont actives au Canada; des criminels s’introduisent par effraction dans les foyers. Il faut le dire. Nous devons adopter ce projet de loi le plus rapidement possible. J’envoie un message clair au gouvernement.

J’ai commencé par faire cette déclaration parce que je ne suis pas en faveur des projets de loi omnibus. Certaines de ces mesures législatives auraient pu être étudiées séparément. Tant de choses sont si importantes qu’elles doivent être incluses dans ce projet de loi à ce moment-ci. Voilà ma réponse à la question.

La sénatrice Batters [ + ]

Vous avez dit que les comités sont débordés, mais les projets de loi du gouvernement — en particulier les projets de loi comme celui-ci — ont certainement la priorité.

Vous vous souviendrez peut-être aussi de notre discussion sur les dispositions relatives au vol d’automobiles au Comité des finances nationales la semaine dernière. Je vous parlais d’une disposition en particulier qui nécessite absolument un amendement, car il y a en fait un changement de libellé à la disposition sur le vol d’automobiles, qui est incorrecte en français et en anglais.

Étant donné que nous ne pouvons pas vraiment faire un tel changement parce que cette disposition fait partie du projet de loi d’exécution du budget de 680 pages, seriez-vous d’accord pour dire que l’existence d’une disposition qui, nous le savons, comporte déjà une lacune constitue l’un des inconvénients indéniables d’avoir une telle mesure dans la loi d’exécution du budget?

Le sénateur Loffreda [ + ]

Quoi que vous fassiez dans la vie, vous devez peser le pour et le contre. Aucun projet de loi n’est parfait. Aucune mesure n’est parfaite. Il s’agit d’une nécessité pour les Canadiens en ce moment.

Je fréquente un gymnase et je sais qu’il y a beaucoup de ses membres qui attendent de savoir si cette loi d’exécution du budget a été adoptée et si les mesures contre le vol de voitures y figurent parce que des voleurs sont entrés par effraction dans leur maison pour obtenir les clés de leur voiture.

De toute évidence, la réglementation et les lois du Parlement ne sont pas statiques; elles sont très dynamiques. S’il y a quelque chose que nous pouvons faire à l’avenir, comme je l’ai dit à maintes reprises à propos de ce projet de loi, débattons d’un projet de loi et présentons-le pour améliorer la vie des Canadiens.

L’honorable Leo Housakos [ + ]

Le sénateur Loffreda acceptera-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Loffreda [ + ]

Oui.

Le sénateur Housakos [ + ]

Merci, sénateur Loffreda. Je suis d’accord avec vous; Stephen Harper était un grand premier ministre. La taille des lois d’exécution du budget n’avait pas d’importance, ce qui comptait, c’était que les budgets étaient toujours équilibrés, sauf lors d’une période de crise mondiale.

Ma question est la suivante, sénateur Loffreda : êtes-vous à l’aise d’appuyer un budget qui prévoit 61 milliards de dollars de nouvelles dépenses, alors que le gouverneur de la Banque du Canada a dit que ces dépenses n’étaient pas utiles pour faire baisser l’inflation et les taux d’intérêt?

L’ex-gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge — en tant qu’ancien banquier, vous le connaissez sûrement, ainsi que l’actuel gouverneur — a dit qu’il s’agissait du pire budget depuis 1982 à cause de ces nouvelles dépenses.

Ne croyez-vous pas qu’un gouvernement financièrement responsable qui se soucie des générations futures de Canadiens devrait établir une cible budgétaire? Le gouvernement actuel a eu neuf années pour le faire. Il ne veut absolument pas le faire.

Quelqu’un ayant votre expérience — je sais que vous avez eu du succès en tant que banquier et homme d’affaires — croit assurément qu’un gouvernement responsable devrait se doter d’une cible budgétaire au lieu d’ajouter 61 milliards de dollars de nouvelles dépenses, alors que M. Trudeau a déjà battu des records en matière de déficits et de dette.

Le sénateur Loffreda [ + ]

Merci, sénateur Housakos. Comme toujours, vous posez des questions pertinentes. Je vous remercie d’avoir mentionné ma carrière dans le secteur bancaire. Elle me semble bien loin dans le passé. Je croyais qu’exercer mes fonctions dans ce domaine était difficile, mais exercer mes fonctions actuelles l’est nettement davantage.

Je l’ai dit dans mon discours, mais je crois que vous étiez absent, alors je vais le répéter, pour vous et pour d’autres, car c’est important.

Au chapitre du ratio de la dette par rapport au PIB, le Canada fait plutôt bonne figure comparativement aux autres pays du G7. Soit dit en passant, je respecte M. Dodge, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, ainsi que toutes les personnes que vous avez mentionnées. Nous avons tous des opinions différentes. Il est important d’avoir une opinion, mais ce qu’il faut, c’est du jugement. Le jugement se fonde sur les faits. Je vais vous présenter les faits.

Au Sénat, j’entends fréquemment des sénateurs dire à quel point notre situation financière est lamentable et à quel point les Canadiens ont du mal à joindre les deux bouts. Peut-être devriez-vous passer quelques weekends avec moi. Vous verriez que 80 %, voire 90 % des Canadiens se portent bien et vivent confortablement.

En passant, j’ai commencé dans un sous-sol. J’ai vécu 20 ans dans un sous-sol. Je peux comprendre les deux situations.

Au chapitre du ratio de la dette par rapport au PIB, le Canada fait plutôt bonne figure comparativement aux autres pays du G7. Nous sommes probablement au premier ou au deuxième rang des pays les moins endettés par rapport à notre PIB.

Si nous nous comparons à d’autres groupes... Voici ce que m’a dit le directeur parlementaire du budget, que vous respectez tant, lorsque je lui ai posé la question.

Ce que je vais citer ne vient pas de moi, mais du directeur parlementaire du budget, qui a dit :

Par rapport à d’autres groupes de comparaison tels que le G20, nous nous situons à nouveau dans le meilleur quartile [...]

 — les deux premiers —

[...] pour ce qui est du niveau d’endettement par rapport à l’économie. Nous sommes en bonne position [...]

Il a dit bien d’autres choses à ce sujet.

Vous avez parlé de gens que je respecte beaucoup. Eh bien, j’aimerais parler du FMI et de l’OCDE. Ce sont des organismes crédibles; je suis sûr, sénateur, qu’un homme intelligent comme vous en convient.

Selon les prévisions pour 2025, nous avons la plus forte croissance économique des pays du G7 ainsi que la dette et le déficit les moins élevés du G7. Nous avons récupéré 141 % des emplois perdus au plus fort de la pandémie, comparativement à seulement 128 % aux États-Unis. L’économie des États-Unis est la plus forte du monde. Nous avons récupéré plus d’emplois que les États-Unis. Avons-nous déjà entendu cela dans cette enceinte? Nous n’avions jamais entendu cela, n’est-ce pas? Eh bien, maintenant, vous l’avez entendu ici pour la première fois.

Le Canada a encore une cote de crédit AAA! Sénateur Housakos, je répète : une cote de crédit AAA.

Je n’invente rien. Ce sont des organismes crédibles. Regardez les données de S&P sur les perspectives économiques. J’ai un cahier rempli de données économiques ici. J’en aurais long à dire là‑dessus.

Le sénateur Loffreda [ + ]

S&P continue d’accorder au Canada une cote AAA. Savez-vous pourquoi nous avons une cote de crédit AAA?

J’entends constamment des gens critiquer nos institutions, toutes nos grandes institutions. Ce sont pourtant nos institutions, y compris le Sénat du Canada, qui nous ont définis.

Par exemple, S&P explique qu’elle continue de donner au Canada la cote AAA du fait de ses fortes institutions, de sa politique monétaire crédible, de sa dette publique nette modérée, de sa solide position extérieure nette, de l’importance croissante de sa devise — le dollar canadien —, qui est activement échangée sur le marché, et de son économie prospère axée sur les exportations, avec un PIB par habitant d’environ 55 400 $ US.

Je n’invente rien. C’est ce que disent S&P et tous les autres intervenants. S&P s’attend à ce que l’économie bien diversifiée du Canada demeure résiliente jusqu’à la fin de sa période de prévision, en 2027. Elle prévoit également une accélération de la croissance économique au cours des deux prochaines années.

La croissance s’accélérera au cours des deux prochaines années. J’espère que, si je fais du bon travail et que le gouvernement le reconnaît, j’aurai l’occasion de parrainer quelques autres projets de loi d’exécution du budget. J’espère que j’aurai cette chance. Je vous dirai alors, dans quelques années : « Vous souvenez-vous, sénateur Housakos, de ce que je vous ai dit il y a deux ans? Vous le voyez bien. » J’espère que je pourrai le faire.

Comme je l’ai dit, on peut choisir les chiffres que l’on veut, mais ceux-ci sont éloquents. J’espère que j’ai répondu à votre question. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez me poser une question complémentaire.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Il nous reste 45 secondes, alors il nous faut une question et une réponse très courtes.

Le sénateur Housakos [ + ]

Il nous reste 45 secondes? J’aimerais que le sénateur Loffreda m’explique quelque chose. Peut-être que les 80 % ou les 90 % de Canadiens qui vivent dans cette merveilleuse utopie se trouvent à Westmount, mais les Canadiens avec qui je passe mes fins de semaine, sénateur Loffreda, font la file devant les soupes populaires. Ils se plaignent de ne pas pouvoir acheter de chaussures pour leurs enfants.

Expliquez-moi comment ces 61 milliards de dollars de nouvelles dépenses vont permettre de faire baisser l’inflation et le coût de la vie, qui, selon vous, est minuscule dans notre pays.

Le sénateur Loffreda [ + ]

Je sais que je vais devoir demander plus de temps.

Premièrement, sénateur Housakos, nous sommes de bons amis depuis longtemps. Beaucoup d’entre vous ne le savent pas. Vous profitez de vos fins de semaine, tout comme je le fais; n’essayons pas de faire croire le contraire. Je pense que je suis un bourreau de travail. Vous n’en êtes pas un. Vous devez vous amuser beaucoup plus que moi la fin de semaine, mais l’inflation...

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Loffreda, demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

Le sénateur Loffreda [ + ]

Puis-je avoir deux minutes?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Peut-il avoir cinq minutes?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Loffreda, j’ai bien peur d’avoir entendu quelques non.

L’honorable Scott Tannas [ + ]

Honorables sénateurs, j’ai toujours cru que les banquiers étaient des créatures à sang froid. Il était agréable de voir les esprits s’échauffer.

Sénateur Loffreda, je vous remercie de votre excellent discours et de vos réponses intéressantes et instructives.

J’interviens aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture parce que c’est à ce moment-là que nous parlons du principe d’un projet de loi. Or, j’ai un problème avec le principe du projet de loi que je vais exposer ici.

Je me suis abstenu de commenter sur le projet de loi C-59, qui me semble également problématique pour les mêmes raisons.

Mon point de vue, depuis cette nouvelle ère au Sénat, a toujours été — comme c’était le cas la plupart du temps avec mes amis du côté conservateur — de soutenir le gouvernement sur les questions financières. Selon moi, le rôle d’un sénateur est de soutenir le gouvernement sur les projets de loi à caractère financier. En revanche, je ne peux plus soutenir les lois d’exécution du budget qui regorgent d’éléments qui n’ont rien à voir avec le budget.

Nous sommes ici en ce 19 juin, et j’ai une impression de déjà-vu. Je voudrais vous ramener 363 jours en arrière, au 21 juin 2023. Nous examinions le projet de loi C-47, qui était une loi d’exécution du budget. Il contenait de nombreux éléments qui n’avaient rien à voir avec le budget du Canada. Certains points nécessitaient manifestement une étude plus approfondie, des amendements ou les deux.

Nous avons débattu de manière animée de la question d’amender le projet de loi. Que faire? Côté temps, nous étions au pied du mur. Il y a le bouclier conventionnel. Nous avons décidé d’adopter le projet de loi et de rentrer chez nous; c’est ce que nous avons fait.

C’est ce qui s’est passé à ce moment-là, et où en sommes-nous aujourd’hui? Nous sommes dans la même situation. Le projet de loi d’exécution du budget est arrivé il y a quelques heures. Un certain nombre de sections du projet de loi n’ont aucun lien avec les finances du Canada. Il y a des modifications au Code criminel, qui, je le sais, semblent sérieusement douteuses au Comité des affaires juridiques.

Le projet de loi contient des éléments qui laissent à désirer, qui nécessitent une étude plus approfondie, qui sont trop compliqués ou qui portent sur des sujets qui devraient faire l’objet d’un projet de loi distinct. En fait, 6 des 10 comités qui ont fait rapport au Comité des finances nationales, puis au Sénat par l’intermédiaire de ce comité, ont exprimé des réserves à ce sujet.

Nous avons dit que les contraintes de temps constituent un problème majeur relativement aux projets de loi d’exécution du budget. Nous avons parlé de la pression passive qui s’exerce. On nous dissuade totalement d’amender ou de diviser le projet de loi pour que nous puissions prendre le temps d’examiner les différentes sections qui requièrent notre attention et qui gagneraient à être soumises à un second examen objectif.

Nous avons déjà parlé au Sénat de toutes ces choses que le sénateur Loffreda a évoquées. Rien n’a changé. Nous sommes dans la même situation : nous aurons un bon débat animé, comme en ce moment, nous voterons sur le projet de loi, puis nous rentrerons chez nous. C’est ce qui se passera.

C’est une façon un peu déprimante de clore une session qui a été, à mon avis, très productive. Nous avons accompli des choses. Nous commençons à voir de nouveau les comités produire des études exceptionnelles qui sont fort appréciées. Notre travail à l’égard des projets de loi aura des ramifications. Nous avons consacré beaucoup de temps aux projets de loi d’initiative parlementaire provenant de la Chambre des communes et du Sénat, et de bons projets de loi ont été adoptés. Notre travail a permis de beaucoup en améliorer.

Qu’avons-nous appris? Qu’avons-nous accompli? Que devons-nous faire pour régler le problème?

Je pense que nous avons appris deux ou trois choses. En tout cas, c’est mon cas. Premièrement, les gouvernements aiment prendre un raccourci en ajoutant aux projets de loi d’exécution du budget des éléments qui n’ont rien à voir avec les finances. Des gouvernements successifs ont résolument employé cette méthode. Je pense que si on ne fait rien, le gouvernement actuel continuera de le faire. Je suis aussi convaincu qu’un éventuel futur gouvernement ne se gênera pas pour en faire autant. Je ne risque pas de me tromper si je dis que nous n’avons pas fini de subir des projets de loi de ce genre. Il y en aura parfois des pires que ce que nous voyons maintenant. Il se peut que, dans certains cas, il soit préférable que nous ne tentions pas de les modifier.

La deuxième leçon — encore une fois, pour moi, c’est une confirmation —, c’est qu’ici, au Sénat, par nature et par convention, nous éprouvons une aversion viscérale pour les instruments constitutionnels qui sont à notre disposition pour modifier, retarder ou scinder un projet de loi lorsqu’on se retrouve devant ce que bon nombre d’entre nous considèrent comme un abus de procédure. Nous n’avons pas envie de le faire. C’est presque comme si nous étions coincés dans une relation malsaine. Nous devons nous prononcer, dans les plus brefs délais et sous une pression passive, sur des enjeux qui, quoique disparates, sont regroupés dans un projet de loi d’exécution du budget.

Je crois que ce que nous avons appris, quand il s’agit de projets de loi d’exécution du budget — même si nous savons que c’est une absurdité, parce que les éléments que nous nous efforçons d’améliorer n’ont rien à voir avec les finances du pays —, c’est que nous évitons à tout prix d’utiliser nos pouvoirs législatifs normaux, alors que nous n’hésitons pas à nous en servir relativement à d’autres projets de loi.

Néanmoins, c’est là où nous en sommes. Je pense que nous avons fait toutes les vérifications qui s’imposent au cours des dernières années. À mon avis, nous devrions tenir pour acquis que rien ne changera.

Que s’est-il passé au cours de la dernière année? Qu’avons-nous fait pour tenter de résoudre cette question au cours de l’année qui vient de s’écouler? Nous avons adopté une résolution demandant au Comité des finances nationales d’étudier cette question précise et d’en faire rapport. Que pouvons-nous faire? Que nous proposent-ils de faire pour tirer le maximum de ce processus? Selon leur bon jugement, leur expérience et tout ce qu’ils ont entendu, quels changements devons-nous envisager d’apporter au processus?

Un certain nombre d’entre nous, parmi les leaders, avons rédigé la motion et l’avons présentée au Sénat afin qu’il puisse l’étudier et l’adopter. Au début de ce processus, le sénateur Shugart m’a recommandé d’essayer de faire participer le gouvernement. Il m’a dit qu’il répondrait probablement « non, merci ». Et c’est ce qu’il a fait; il a poliment dit : « Non, merci. On n’a aucun intérêt à changer cela. On vous laisse déterminer ce que vous voulez faire. »

Cependant, nous avons cette résolution. Nous devions présenter un rapport à la fin du mois d’avril. À juste titre, je ne pense pas qu’il y ait eu de mauvaises raisons, le Comité des finances nationales a déclaré qu’il avait besoin de plus de temps, jusqu’à la fin du mois de décembre, pour étudier la question. C’est ce que nous avons fait. C’est un bon premier pas.

Nous devons admettre que le gouvernement est de plus en plus attentif à ce que nous faisons au Sénat, à notre tentative d’étudier 700 pages, d’examiner toutes les sections et d’essayer d’analyser les mesures proposées. Nous avons signalé des problèmes dans notre étude préalable, et le gouvernement a montré qu’il écoute. Il a retiré une des sections et il a apporté des modifications corrélatives et des précisions à une autre section. Cela n’allait pas assez loin, à mon sens, mais c’est quelque chose qui ne s’était encore jamais vu. Nous avons dit que les études préalables devraient susciter une réaction de la part du gouvernement. C’est une bonne idée, mais au cours de mes 13 années au Sénat, je n’en avais jamais vu une seule.

Il y a une avancée vers une solution, et je m’en réjouis. Cependant, je pense que nous arrivons à la croisée des chemins, chers collègues. Au cours de la prochaine année, deux choix s’offrent à nous en ce qui concerne notre approche face au problème chronique des mesures non financières dans les projets de loi d’exécution du budget.

Prenons ce qu’a dit le sénateur Loffreda. Il y a un certain nombre de mesures non financières qui sont incluses dans un projet de loi d’exécution du budget, mais qui ne sont pas assez importantes pour faire l’objet d’un projet de loi distinct. Occasionnellement, il peut y avoir des questions urgentes, mais toute initiative devient urgente quand elle émane du gouvernement et qu’il tente de la faire adopter. Je crois qu’il y aura toujours des dispositions semblables à la section 4 qui contiennent un tas de mesures diverses qui n’ont pas trop d’importance. Or, je pense que nous devrions plutôt nous préoccuper des mesures non financières lourdes de conséquences.

Deux choix s’offrent à nous. Nous pouvons nous contenter de nous plaindre chaque année en juin. C’est un choix, et nous pouvons le faire. Nous pouvons dire : « C’est la tradition. Il en a toujours été ainsi, et cela ne changera jamais. Telle est notre réalité. » Très bien. Nous pouvons faire ce choix. Faisons ce choix si c’est ce que nous voulons. Assumons-le clairement, et subissons‑en les conséquences pour la prochaine décennie. Si c’est ce que nous voulons faire, faisons-le. Nous pouvons laisser la Chambre des communes nous imposer sa volonté et limiter le temps et les pouvoirs législatifs dont nous disposons.

L’autre voie consiste à soutenir et à exhorter le Comité des finances nationales à nous aider tandis qu’il procède à son étude. Je pense qu’il y a beaucoup de choses qu’ils pourraient, et devraient, examiner — et je ne doute pas qu’ils le feront —, qui peuvent nous aider à sortir de la situation actuelle et nous permettre d’apporter de nouveau une valeur ajoutée maximale.

J’ai quelques idées. Je pense que le processus d’étude préalable pourrait être beaucoup plus solide. Il y a un triage en amont, et cela pourrait commencer par le projet de loi d’exécution du budget. Comme nous le savons, l’actuel gouvernement a déclaré que tout ce qui se trouve dans le document budgétaire se trouvera dans le projet de loi d’exécution du budget.

Lorsque nous étudions le projet de loi d’exécution du budget, nous devrions examiner attentivement non seulement les chiffres, mais aussi toutes les annexes, où une petite phrase anodine se transforme en un document de 12 pages sur le budget en annexe, comme nous l’avons vu l’an dernier. Nous devrions anticiper ce qui pourrait être soumis au Comité des finances nationales et celui-ci devrait procéder à un triage en fonction des premiers indices que nous relevons et qu’il y aurait lieu de signaler. C’est une idée qui mérite d’être étudiée.

Nous pourrions offrir plus de soutien. Nous pourrions exiger davantage du leader du gouvernement au Sénat. Celui-ci devrait faire partie du cabinet. Le Sénat pourrait adopter cette position et envoyer un message aux futurs premiers ministres pour leur dire que le leader du gouvernement doit être présent à la table.

Nous avons beaucoup entendu parler de l’époque des leaders du gouvernement au Sénat et des conversations franches et ouvertes qui avaient lieu au Cabinet au sujet du calendrier, des projets de loi et du temps dont nous aurions probablement besoin pour faire notre travail. Ce n’est qu’une idée, mais nous pouvons renforcer le rôle du représentant du gouvernement au Sénat et, en particulier, le rôle miroir du représentant du Sénat au Cabinet.

Nous pouvons nous employer à établir un lien de confiance avec la Chambre des communes, et ce, délibérément. Il est particulièrement important que nous le fassions de manière que lorsque de nouveaux gouvernements sont en place, ils comprennent où nous en sommes et comment nous allons interagir avec eux. En outre, nous devons agir de façon proactive et de bonne foi.

Nous devrions également définir clairement les circonstances dans lesquelles nous envisagerions d’exercer nos droits d’amendement, de dissidence et de délai. Sans cela, nous serons toujours exposés à des abus de procédure ou à la tentation de tels abus.

Si le Comité des finances nationales — avec nous tous — peut trouver une meilleure façon d’aller de l’avant, nous ferons progresser la réforme du Sénat, nous en donnerons plus aux Canadiens et nous remplirons notre devoir de procéder à un second examen objectif en bonne et due forme.

Je sais quelle voie je veux emprunter. J’espère que vous le savez aussi. Je vous demande d’appuyer et d’encourager nos collègues du Comité des finances nationales à faire de leur mieux pour nous au cours des prochains mois. Je vous remercie.

L’honorable Robert Black [ + ]

Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui pour aborder une question fort importante qui touche au cœur de la résilience économique, de la sécurité alimentaire et de la vitalité rurale de notre pays : l’absence flagrante d’un soutien substantiel à l’agriculture canadienne et au Canada rural dans le budget fédéral de 2024. D’ailleurs, le mot « agriculture » n’apparaît que six fois dans le budget fédéral 2024.

Honorables sénateurs, en tant que président du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts et représentant de l’Ontario, une province riche en innovations et en traditions agricoles, je me dois d’exprimer les profondes inquiétudes des agriculteurs, des leaders de l’industrie et des collectivités rurales de notre grand pays. Lors du dévoilement du budget fédéral, en avril, la déception et les appréhensions étaient palpables chez ceux qui travaillent sans relâche sur nos terres agricoles.

La Fédération canadienne de l’agriculture et diverses associations agricoles ont exprimé leur désarroi face à ce qu’elles considèrent comme une occasion manquée de soutenir un secteur essentiel à la prospérité du pays. Cette fédération, qui représente environ 190 000 familles d’agriculteurs, a déclaré être « déçue du manque d’investissement dans l’agriculture dans le budget fédéral de 2024 ».

Le président de la Fédération canadienne de l’agriculture, Keith Currie, a dit ceci :

Bien que nous comprenions qu’il y a des priorités concurrentes pour les fonds gouvernementaux, avec des conditions météorologiques irrégulières et des prix élevés qui augmentent considérablement le profil de risque de l’agriculture canadienne, le gouvernement ne peut pas se permettre d’ignorer la production alimentaire et les agriculteurs canadiens.

Le communiqué de presse des Producteurs de grains du Canada du 18 avril 2024 a pour titre : « Le budget de 2024 ne prévoit pas d’investissements essentiels pour les producteurs de grains ».

La Wheat Growers Association a dit ceci : « Le budget fédéral est déconnecté de la réalité et n’obtient même pas la note de passage. »

Chers collègues, ce ne sont là que quelques-uns des nombreux titres qui ont circulé ces derniers mois. Le message est clair : le budget fédéral de 2024 n’est pas à la hauteur des attentes des agriculteurs, des éleveurs et des cultivateurs canadiens.

L’un des principaux problèmes, qui a fait l’objet d’une attention soutenue, est l’absence d’investissements significatifs pour relever les défis urgents et permanents auxquels sont confrontés nos agriculteurs, nos éleveurs et nos cultivateurs.

Le spectre des taux d’intérêt élevés, associé à l’imposition d’une taxe sur le carbone sur les activités agricoles essentielles, a jeté une ombre d’incertitude sur le paysage agricole. Les agriculteurs, qui sont déjà aux prises avec des marchés volatils et des conditions météorologiques imprévisibles, doivent faire face à des charges financières supplémentaires qui ont poussé de nombreuses familles d’agriculteurs canadiens à mettre la clé sous la porte.

L’imposition d’une taxe sur le carbone a fait peser des contraintes excessives sur le secteur agricole, touchant de manière disproportionnée les agriculteurs, les éleveurs, les cultivateurs et autres.

Dans les provinces où la redevance fédérale sur les combustibles s’applique, le consommateur moyen bénéficie d’une remise pour compenser le coût. Cependant, les agriculteurs, les éleveurs et les cultivateurs ne sont pas des consommateurs moyens.

Dans de nombreux cas, la tarification du carbone érode la capacité des agriculteurs à maintenir leurs organisations et leurs activités. Selon les Grain Farmers of Ontario, les dépenses liées à la taxe sur le carbone augmenteront de 2,7 milliards de dollars à la suite de la récente augmentation. En d’autres termes, cette situation n’est pas viable.

Cette taxe, souvent perçue comme une mesure punitive, ne tient pas compte des défis uniques auxquels sont confrontés les agriculteurs pour réduire leur empreinte carbone ni des mesures qu’ils ont déjà prises pour réduire leurs émissions de carbone. En outre, l’absence d’aide financière ciblée pour compenser ces coûts est une occasion manquée d’aider les agriculteurs à adopter des pratiques durables et à atténuer les effets des changements climatiques.

Le gouvernement a manqué une autre occasion de soutenir les agriculteurs, les éleveurs, les cultivateurs et les producteurs dans le budget de 2024. Une analyse effectuée par le directeur parlementaire du budget sur le projet de loi C-234 — qui proposait d’abolir la taxe fédérale sur le carbone pour les utilisations du gaz naturel et du propane à la ferme, comme le séchage du grain et le chauffage des bâtiments — a révélé que les agriculteurs économiseraient 978 millions de dollars supplémentaires d’ici 2030 si la taxe était abolie.

Imaginez les innovations, chers collègues, qui seraient possibles si les agriculteurs n’étaient pas soumis à une taxe sur le carbone élevée et qu’ils pouvaient utiliser ces 978 millions de dollars pour investir dans l’innovation. La taxe sur le carbone a une incidence sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement — de la ferme à l’assiette — et elle influe sur les coûts de production, de transport et de vente au détail des denrées alimentaires et, en fin de compte, sur les coûts que doit assumer le consommateur.

Les exploitations agricoles canadiennes sont confrontées à d’importantes pressions financières dues à ces taxes, ainsi qu’à une inflation record, à l’augmentation des prix des denrées alimentaires, à des problèmes d’abordabilité du logement et à la hausse du coût de la vie en général. Ces charges financières pèsent lourdement, non seulement sur les Canadiens ordinaires, mais plus encore sur les fermes familiales en raison de la nature de leurs activités.

Une mesure législative comme le projet de loi C-234 est cruciale pour l’industrie et aurait permis d’atténuer certaines de ces pressions. Elle aurait également témoigné d’un soutien pour la communauté agricole, quelque chose dont elle a désespérément besoin en ce moment.

L’agriculture est un pilier précieux du patrimoine de notre pays et un secteur névralgique de notre économie. En ciblant les difficultés financières des agriculteurs, qui leur sont imposées par l’entremise de la taxe sur le carbone et les taux d’intérêt élevés, nous montrerions notre soutien au secteur et contribuerions à assurer la pérennité des familles agricoles canadiennes d’un océan à l’autre.

Chers collègues, l’absence d’aide financière ciblée pour compenser ces coûts est une occasion manquée d’aider les agriculteurs à adopter des pratiques durables et à atténuer les effets des changements climatiques, comme je l’ai dit plus tôt.

En matière d’agriculture, nous savons tous que l’augmentation de la fréquence et de la gravité des phénomènes météorologiques extrêmes, qui sont exacerbés par les changements climatiques, pose des risques importants pour le rendement des cultures, la santé du bétail et la durabilité globale des exploitations agricoles, sans parler des conséquences sur la santé mentale et émotionnelle des familles d’agriculteurs. Les événements comme les sécheresses prolongées, les feux de forêt, les vagues de chaleur intense et les tempêtes imprévisibles deviennent de plus en plus fréquents, ce qui exerce d’énormes pressions sur les agriculteurs qui doivent s’adapter rapidement. Ces défis menacent la productivité immédiate du secteur agricole, mais aussi la résilience et la viabilité à long terme des exploitations agricoles partout au pays.

Les omissions de ce budget concernant les programmes environnementaux, les pénuries chroniques de main-d’œuvre et l’amélioration des infrastructures essentielles pour le secteur agricole ont soulevé de sérieuses questions quant à l’engagement du gouvernement à favoriser un secteur agricole dynamique et résilient. Les agriculteurs ont besoin de systèmes de soutien solides pour gérer efficacement ces défis en constante évolution.

Malheureusement, le manque d’investissements ciblés dans ces domaines met en évidence une lacune dans l’approche stratégique actuelle, ce qui oblige les agriculteurs à assumer le fardeau sans aide adéquate.

Les investissements dans l’agriculture adaptée au climat, comme les cultures résistantes à la sécheresse, les technologies agricoles de précision et les pratiques de gestion durable de l’eau, sont impératifs pour assurer la viabilité à long terme des exploitations agricoles canadiennes. Cependant, notre gouvernement n’offre pas d’incitatifs pour promouvoir ces pratiques; lorsque des fonds sont disponibles, des membres de l’industrie m’ont dit que leurs programmes n’arrivent pas à répondre à la demande. Des stratégies à long terme ne sont pas élaborées, et des retards ont conduit des bénéficiaires à manquer des saisons de croissance.

Chers collègues, les agriculteurs innovent depuis des années, mais veulent en faire plus. Toutefois, pour ce faire, ils ont besoin du soutien et de l’orientation du gouvernement, et non d’impôts et de dettes supplémentaires. En investissant dans des pratiques novatrices et durables, nous pouvons aider les agriculteurs à atténuer les effets néfastes des changements climatiques, à protéger la production alimentaire et à renforcer les collectivités rurales.

En outre, il est crucial de reconnaître et de récompenser les efforts déployés par les agriculteurs qui adoptent des pratiques durables. Comme plusieurs témoins l’ont déclaré devant le Comité de l’agriculture et des forêts, les pratiques comme celle de la culture sans labour ont grandement amélioré la qualité des sols et contribué à réduire les émissions. Cependant, les coûts liés à l’adoption de pratiques liées à l’agriculture de précision et à leur maintien sont élevés.

Il est nécessaire d’offrir des mesures d’aides pour ces dépenses continues afin d’encourager l’adoption de ces pratiques à plus grande échelle et de veiller à ce que les précurseurs soient reconnus pour leur contribution initiale à l’agriculture durable.

Il est primordial de veiller à ce que nos politiques reconnaissent et appuient les défis uniques auxquels font face les agriculteurs afin de maintenir la santé et à la productivité de nos terres agricoles et d’assurer la production de denrées alimentaires pour les générations futures — le budget de 2024 est une autre occasion ratée pour appuyer les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs.

Les répercussions des lacunes du budget vont au-delà de la sphère économique; elles touchent au cœur de la vie rurale, à l’autonomisation des jeunes et à la sécurité alimentaire. En tant que sénateur ayant de l’expérience dans le domaine de l’agriculture, du développement du leadership et du développement des collectivités rurales, les récentes compressions — ou, comme le gouvernement se plaît à le dire, les nouvelles exigences pour obtenir du financement dans le cadre des programmes — qui affectent des organisations comme les clubs 4-H du Canada et Agriculture en classe Canada sont particulièrement décourageantes. Ces types de programmes pour les jeunes permettent non seulement de cultiver les compétences de leadership de chacun, mais aussi de mieux comprendre le rôle de l’agriculture dans le maintien de notre mode de vie.

Des programmes tels que les clubs 4-H et Agriculture en classe sont des piliers pour les jeunes des collectivités rurales et au-delà, les gens qui représentent l’avenir de notre société et de notre pays. Ils jouent un rôle crucial dans le développement de notre prochaine génération de leaders, en enseignant de précieuses compétences pratiques, telles que la responsabilité, le travail d’équipe et l’engagement communautaire. Ils offrent aux jeunes une plateforme leur permettant d’entrer en contact avec leurs pairs, d’échanger des connaissances, de prendre part à d’importants projets de services communautaires, ainsi que de s’informer sur les nombreuses possibilités de carrière offertes dans l’industrie agricole. Les expériences qu’offrent ces programmes sont inestimables pour favoriser un sentiment d’appartenance et d’attachement à la vie rurale, ce qui est essentiel pour la viabilité de nos collectivités agricoles et rurales.

Les compressions faites dans les programmes pour les jeunes offerts par des organisations telles que les clubs 4-H du Canada et Agriculture en classe représentent des reculs importants pour nos collectivités agricoles et la société canadienne dans son ensemble. Pour véritablement soutenir la vie rurale et assurer la durabilité de notre secteur agricole, il est essentiel d’investir dans l’avenir en maintenant un soutien solide aux programmes de développement des jeunes et de sécurité alimentaire. Ce faisant, nous pouvons bâtir des collectivités plus fortes et plus saines et cultiver une nouvelle génération de leaders déterminés à assurer le succès de l’agriculture canadienne.

Chers collègues, malgré les lacunes du budget de 2024 et le fait qu’il ne contient pratiquement rien pour le secteur agricole, certains aspects positifs méritent d’être soulignés. L’inclusion de mesures visant à améliorer l’interopérabilité et la connectivité numérique dans les zones rurales est un pas dans la bonne direction. L’accès à des services Internet à haute vitesse fiables ainsi qu’à une infrastructure numérique est essentiel pour moderniser les pratiques agricoles, faciliter les possibilités de commerce électronique et combler le fossé entre les zones urbaines et rurales.

Dans le monde technologique d’aujourd’hui, avoir accès à Internet n’est pas un luxe, mais une nécessité. Les services Internet à haute vitesse permettent aux agriculteurs d’accéder à des données en temps réel sur les conditions météorologiques, les prix sur les marchés et les techniques agricoles avancées, ce qui leur permet de prendre des décisions éclairées et d’améliorer leur productivité. Ils ouvrent également de nouvelles voies pour la vente directe aux consommateurs par l’intermédiaire de plateformes en ligne, ce qui offre aux agriculteurs un meilleur accès aux marchés et des marges de profit plus élevées.

En outre, la connectivité numérique peut améliorer les pratiques agricoles de précision, qui s’appuient sur des technologies de pointe telles que le GPS, les capteurs et les drones pour optimiser la gestion des cultures et réduire le gaspillage. En investissant dans l’infrastructure numérique, le gouvernement veillera à ce que les agriculteurs et les communautés rurales disposent des outils dont ils ont besoin pour adopter ces pratiques innovantes, ce qui se traduira en fin de compte par des activités agricoles plus efficaces et plus durables.

Chers collègues, cela fait six ans que je siège au Sénat et que j’entends le gouvernement répéter les mêmes promesses et les mêmes engagements année après année. Il est temps d’arrêter de faire des promesses et de passer aux actes. Bien que ces mesures annoncées à nouveau soient louables, elles ne représentent qu’une fraction de ce qui est nécessaire pour relever les défis multidimensionnels auxquels les agriculteurs canadiens doivent faire face.

Pour fournir un soutien complet au secteur agricole, il faut adopter une approche holistique qui comprend non seulement des incitatifs financiers et des avancées technologiques, mais aussi des politiques solides pour relever les défis liés à pénurie de main‑d’œuvre, à l’accès au marché et à la durabilité de l’environnement. Pour assurer la prospérité future du secteur agricole canadien, il faudra continuer d’investir dans les infrastructures, la recherche et l’éducation, ainsi que dans les efforts de collaboration entre le gouvernement, les acteurs de l’industrie et des collectivités rurales. Encore une fois, le budget de 2024 rate la cible.

Comme je l’ai déjà dit, les agriculteurs ne sont pas de simples producteurs; ils sont les gardiens de la terre, de la biodiversité et de la prospérité économique des collectivités rurales. L’industrie agroalimentaire génère environ 134,9 milliards de dollars de PIB et fournit un emploi sur neuf au Canada. Les agriculteurs du Canada constituent un pilier stratégique de notre économie; ils sont indispensables à la croissance à long terme du pays et à la lutte contre les changements climatiques.

Chers collègues, les agriculteurs, les éleveurs, les producteurs et les cultivateurs ont besoin d’un soutien solide et durable pour relever les défis complexes de l’agriculture moderne tout en préservant nos ressources naturelles pour les générations futures, et ils demandent au gouvernement de leur fournir ce soutien depuis des années. Je suppose qu’ils devront attendre encore puisqu’une fois de plus, le budget de 2024 rate la cible.

Les Producteurs de grains du Canada, l’Association canadienne des bovins et de nombreuses autres organisations ont exprimé leur déception et souligné qu’il est urgent de prévoir des mesures concrètes pour remédier aux lacunes du budget.

En outre, tandis que nous naviguons dans les méandres de la politique agricole, ne perdons pas de vue les impératifs sociétaux plus larges. L’agriculture n’est pas qu’un secteur économique : c’est un ensemble d’enjeux interreliés qui vont de l’aménagement du territoire et à la gestion durable des ressources en passant par le développement des infrastructures rurales et l’accès équitable à une alimentation nutritive pour tous les Canadiens.

En tant que sénateurs qui ont le devoir de faire valoir les divers intérêts de leurs concitoyens, nous devons plaider sans relâche en faveur d’un cadre budgétaire qui reflète une grande compréhension des contributions multidimensionnelles de l’agriculture au bien-être du pays. L’agriculture doit avoir sa place à toutes les tables et dans toutes les conversations.

Si nous voulons augmenter la production afin de nourrir les Canadiens et le monde, dont la population se fait de plus en plus nombreuse, il faut faire des investissements maintenant. Chers collègues, n’oublions pas que ce sont les agriculteurs, les éleveurs, les producteurs et les cultivateurs du Canada qui mettent de la nourriture sur nos tables, 3 fois par jour, 365 jours par an. Ne les laissons pas tomber.

Merci. Meegwetch.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénatrice Wallin, vous aviez une question, mais le temps est écoulé.

Sénateur Black, demandez-vous deux minutes?

Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Nous sommes d’accord pour vous accorder une minute, sénatrice Wallin.

J’ai deux ou trois questions à poser au sénateur Black. Est-il exact que vous êtes l’une des 3 personnes, au cours des 70 dernières années, à avoir été nommées membres honoraires de la Société canadienne de la science du sol, une distinction accordée en reconnaissance d’un apport précieux ou particulier à la science du sol?

Est-il exact, sénateur Black, que vous avez reçu cette distinction en reconnaissance de votre rôle structurant au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts ainsi que du travail que vous avez accompli pour « inspir[er] des mesures, encourag[er] la collaboration et éveill[er] un sentiment renouvelé de l’importance de la saine gestion de nos précieux sols » et que votre appui solide a permis au Canada d’être le candidat retenu pour accueillir le 24e Congrès mondial des sciences du sol?

Est-il exact que cette distinction vous a été décernée à Vancouver la semaine dernière, après votre exposé au sujet du rapport sur la santé des sols produit par le Comité de l’agriculture et intitulé Terrain critique : pourquoi le sol est essentiel à la santé économique, environnementale, humaine et sociale du Canada, un rapport qui — pardonnez-moi le jeu de mots — ouvre de nouveaux sillons?

Enfin, savez-vous que nous sommes fiers et que nous vous remercions d’avoir fait honneur au Sénat?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Black, vous avez environ une seconde.

Le sénateur Black [ + ]

Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Honorables sénateurs, il est 19 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : J’ai entendu un « non ».

Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.

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