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Projet de loi sur le cadre national sur les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale

Deuxième lecture

25 novembre 2025


Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-234, Loi concernant un cadre national sur les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale.

Ce projet de loi est essentiel, car nous sommes tout simplement confrontés à une épidémie qui touche plus d’une génération. Je suis donc reconnaissante au sénateur Ravalia d’avoir présenté ce projet avec sa passion, son expertise et sa compassion habituelles.

Les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale touchent les personnes qui ont été exposées à l’alcool pendant leur développement dans le ventre de leur mère. Dans certains cas, les bébés naissent même avec tous leurs organes saturés d’alcool.

Il va sans dire que ces troubles compromettent le développement physique, y compris la taille, le poids, les traits du visage et différents organes comme les os, les reins ou le cœur. Dans le meilleur des cas, cela mène à une vie entière de souffrances et de gestion de la douleur.

Bien sûr, les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale affectent fondamentalement le cerveau, ce qui se traduit par une altération de l’équilibre, de la motricité, des capacités de communication, de la compréhension, de la parole, de la pensée et de l’apprentissage, c’est-à-dire des compétences et des aptitudes essentielles à une qualité de vie normale.

Les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale sont également la cause non génétique la plus fréquente des troubles d’apprentissage. Ils sont souvent associés à un trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention, à des troubles d’apprentissage, à la dépression, à l’anxiété, voire à l’autisme, ce qui, dans de nombreux cas, conduit à son tour à diverses formes d’abus de substance.

Cependant, nous en avons encore à apprendre sur le sujet. C’est pourquoi ce projet de loi est si important.

Les problèmes du développement liés aux troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale sont généralement irréversibles. Il est tout simplement impossible de réparer les dommages causés par l’alcool au corps et au cerveau d’un fœtus en développement. Il n’y a donc pas de quantité d’alcool pouvant être consommée sans danger pendant la grossesse.

Cependant, voici le défi : les symptômes des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Ces troubles sont complexes. Ils ne sont donc pas toujours faciles à diagnostiquer ou à reconnaître. C’est cette complexité qui pose des défis non seulement à la personne, mais aussi à sa famille et aux professionnels de la santé.

Certains parents ne se rendront peut-être jamais compte que leur enfant est atteint de ces troubles. Certaines futures mères ne savent peut-être pas qu’elles en sont atteintes. De nombreuses femmes boivent pendant les premières semaines de leur grossesse, ne sachant pas qu’elles sont enceintes. Elles sont peut-être aux prises avec une dépendance à l’alcool ou subissent des pressions de leur entourage pour conserver leurs mauvaises habitudes. Il y a même des femmes qui résistent, qui prétendent avoir le droit de boire, de consommer de la drogue ou de fumer — autrement dit, de soumettre leur enfant à naître à cette forme de mauvais traitements.

Peu importe la situation, il n’y a aucun avantage à blâmer les mères biologiques, surtout si elles sont aux prises avec une dépendance. Cette attitude n’aidera pas ceux qui hériteront des résultats.

Ce qui est vraiment triste, c’est que de nombreuses personnes atteintes des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale se retrouvent souvent en prison, dans le système d’aide à l’enfance ou dans la rue. Certaines ne seront tout simplement jamais en mesure de travailler de manière productive ou de subvenir à leurs besoins.

Ce handicap nous touche tous : il prive les enfants dans les salles de classe de temps et d’attention parce que les enseignants sont distraits alors qu’ils essaient de composer avec la situation, ou il entraîne un manque de soins parce que les couloirs et les lits des hôpitaux sont débordés. Bien sûr, les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale peuvent aussi se traduire par une augmentation de la criminalité dans les rues.

Peu importe qui vous êtes, où vous vivez ou d’où vous venez, ces troubles touchent nos vies. On estime qu’environ 4 % de la population générale, soit plus de 1,5 million de Canadiens, sont atteints des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale, ce qui représente plus de 45 000 personnes rien que dans ma province. Ces chiffres signifient que les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale sont le principal trouble du développement au pays. On peut donc affirmer sans se tromper qu’il s’agit d’une épidémie.

La sensibilisation et l’éducation sont un début. Il faut également veiller à pouvoir établir un diagnostic précoce et à proposer des mesures d’accompagnement pour atténuer les effets. Ce projet de loi contribuera à faire progresser ces efforts.

Des organismes comme le réseau FASD en Saskatchewan viennent en aide aux personnes atteintes des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale. L’ancienne ministre des Services sociaux de la Saskatchewan, June Draude, a accompli un travail remarquable dans ce domaine. C’est une amie, et je l’ai vue à l’œuvre.

Elle a proposé la loi sur la Journée de sensibilisation au syndrome d’alcoolisation fœtale en 2002 et elle a incité la province à investir dans une stratégie visant à sensibiliser la population et à mettre en place des mesures de soutien.

June nous rappelle que si vous buvez une gorgée, un verre ou même une bouteille de vin, votre bébé en boit aussi littéralement une gorgée, un verre ou une bouteille dans les minutes suivantes.

Dans les zones rurales et les réserves des Premières Nations, certaines communautés ont des taux si élevés que cela devient un cercle vicieux. Je le sais, car je vis dans l’une de ces communautés. La maladie se transmet de génération en génération. Les mères sont aux prises avec une dépendance et des enfants qui ne reçoivent jamais de diagnostic. Ces enfants ont ensuite leurs propres enfants tout en luttant contre leurs symptômes ou leur propre dépendance. Nous ne connaissons pas encore toute l’étendue de cet effet multiplicateur, mais nous pouvons clairement voir et constater les ravages qu’il cause dans les petites communautés.

Malgré le travail accompli par des organisations et des dirigeants communautaires comme June, il reste toujours beaucoup à faire. C’est là que le projet de loi du sénateur Ravalia entre en jeu.

Le projet de loi S-234 a été élaboré en collaboration avec le réseau canadien de recherche sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale de façon à garantir que divers professionnels partout au pays soient consultés.

Le sénateur Ravalia nous dit qu’il a trois objectifs : premièrement, établir un cadre national pour l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale; deuxièmement, garantir un accès uniforme aux services de diagnostic, de prévention et de soutien dans toutes les provinces et tous les territoires; et troisièmement, reconnaître les troubles causés par l’alcoolisation fœtale comme une priorité nationale en matière de santé publique et de politique sociale.

Le projet de loi n’empiète pas sur les compétences provinciales et n’impose pas de modes de prestation de services. Il vise plutôt à créer la structure, le leadership et la coordination nécessaires pour soutenir les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones d’une manière cohérente, fondée sur des données probantes et empreinte de compassion.

Comme l’a dit le sénateur Ravalia, le projet de loi encourage également la formation obligatoire des prestataires de soins de santé, des éducateurs et des travailleurs de première ligne, afin que la prévention ne soit pas seulement une affiche sur un mur, mais qu’elle fasse partie de la pratique quotidienne.

Ce projet de loi encourage la création de cliniques de diagnostic des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale dans tout le Canada, en particulier dans les régions mal servies, notamment les communautés rurales, éloignées et du Nord et les Premières Nations. Il préconise la mise en place d’équipes de diagnostic interdisciplinaires comprenant des médecins, des psychologues, des ergothérapeutes, des orthophonistes et des travailleurs sociaux.

Le sénateur Ravalia a soulevé l’importance du diagnostic, car c’est la porte d’entrée vers l’intervention et la prévention pour les générations futures. Sans lui, les familles sont laissées à elles-mêmes pour naviguer dans un système complexe et, souvent, on les blâme pour le comportement de leur enfant plutôt que de les aider à le gérer.

De plus, les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale ne s’arrêtent pas à l’enfance. C’est une condition qui dure toute la vie; pourtant peu de programmes sont conçus pour soutenir les adolescents et les adultes.

Je pense que ce projet de loi est très important, car il vise à inciter les gouvernements à adopter une approche plus intelligente à l’égard des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale, notamment en exigeant la collaboration entre les ministères fédéraux

Je soutiens sans réserve les efforts du sénateur Ravalia. J’espère qu’en travaillant ensemble, ce projet de loi franchira toutes les étapes rapidement pour améliorer la vie de nombreuses personnes.

Merci, sénateur Ravalia.

L’honorable Pat Duncan [ + ]

La sénatrice Wallin accepterait-elle de répondre à une question?

Oui, s’il vous plaît.

La sénatrice Duncan [ + ]

Sénatrice Wallin, comme vous le savez, j’appuie également le projet de loi. Vous avez indiqué que la Saskatchewan réalise une campagne de sensibilisation au trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale. Je me demande si celle-ci comprend une journée de sensibilisation précise. L’initiative du Yukon consistait à désigner le neuvième jour du neuvième mois Journée de sensibilisation au trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale. Je me demande si la Saskatchewan a choisi la même journée.

Je n’en suis pas sûre, mais ce n’est pas ce dont je me souviens.

Je me souviens que la campagne était axée sur des activités : on organisait des activités de formation et de sensibilisation dans différentes collectivités à différents moments et selon les besoins, je crois. June Droude, dont j’ai parlé tout à l’heure, était la ministre responsable à l’époque, mais elle a poursuivi ses activités même après avoir quitté le gouvernement. Je pense que c’est ainsi que la campagne a été organisée, mais je n’en suis pas totalement sûre.

La sénatrice Duncan [ + ]

Merci. Nous pourrions inclure une journée de sensibilisation précise ou une initiative de sensibilisation dans le cadre des discussions sur le projet de loi.

Merci.

C’est une bonne idée.

L’honorable Salma Ataullahjan [ + ]

Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole en tant que porte-parole bienveillante du projet de loi S-234, Loi concernant un cadre national sur les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale.

Je tiens tout d’abord à remercier mon cher ami et collègue le sénateur Ravalia pour son leadership soutenu dans ce dossier. Grâce à son action compatissante et soutenue, le sénateur Ravalia a une fois de plus attiré notre attention sur un problème qui touche plus de Canadiens que la plupart des gens ne le pensent.

Au cours de la dernière législature, de nombreux sénateurs de tous les groupes et caucus sont intervenus sur ce sujet avec beaucoup de lucidité et de conviction. Je les remercie tous. Je remercie le sénateur Ravalia des efforts qu’il déploie pour que cet important travail se poursuive.

Les sénateurs qui se sont exprimés sur ce projet de loi ont défini de façon détaillée ce que sont les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale et ont décrit leurs effets. Ces troubles, qui sont des troubles neurodéveloppementaux permanents résultant d’une exposition prénatale à l’alcool, ont des répercussions sur le développement du cerveau, l’apprentissage, la mémoire, le jugement, le traitement sensoriel, la régulation émotionnelle, les fonctions exécutives et la santé physique. On les décrit souvent comme des troubles cachés, non pas parce que leurs répercussions sont minimes, mais parce qu’elles sont souvent mal comprises ou mal diagnostiquées.

Ces troubles sont également plus fréquents que beaucoup ne le pensent. Les meilleures recherches disponibles, y compris les estimations mentionnées dans la version précédente de ce projet de loi, suggèrent qu’au moins 4 % des Canadiens pourraient être atteints de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale.

Cependant, malgré cette prévalence, le soutien aux personnes et aux familles varie encore beaucoup en fonction de la région géographique. Certaines régions disposent de cliniques de diagnostic spécialisées, d’autres non. De nombreuses collectivités ne disposent d’aucun service dédié.

Les familles touchées par les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale disent systématiquement qu’il est difficile de s’y retrouver dans des systèmes déconnectés et qu’elles ne savent pas si elles auront accès aux aides appropriées au moment où elles en auront besoin. Il ne s’agit pas simplement d’une lacune dans les services. Il s’agit d’une lacune en matière de droits de la personne. Ainsi, le projet de loi S-234 n’est pas seulement une proposition politique, mais un test qui permettra de déterminer si nous sommes sincères quand nous parlons des droits de la personne dans notre pays.

Nous avons signé des conventions internationales qui garantissent à toute personne handicapée le droit à une intervention précoce, à des mesures de soutien accessibles et à une pleine participation à la société. Or, en l’absence de structure, les droits perdent leur sens, et dans le cas des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale, le Canada n’a jamais mis en place cette structure. Ce sont plutôt les familles qui ont assumé le fardeau, et le plus souvent, elles sont seules, manquent de ressources et ne sont pas entendues.

Le projet de loi permet de changer la donne. Il prévoit la mise en place d’un cadre national définissant des normes, des responsabilités et une coordination réelles. Il exige que le gouvernement fédéral commence à traiter les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale comme une responsabilité nationale. Il préconise l’élaboration de lignes directrices nationales et de pratiques exemplaires en matière de diagnostic, d’intervention, de sensibilisation et de formation pour les professionnels qui interagissent régulièrement avec des personnes atteintes de ces troubles. L’objectif n’est pas d’imposer des programmes uniformes dans toutes les provinces et tous les territoires, mais de créer une structure cohérente qui favorise une meilleure coordination et le partage d’information.

Le projet de loi prévoit également une collaboration constructive avec les communautés autochtones. Depuis des années, ces communautés réclament des mesures de soutien adaptées à leur culture et la reconnaissance des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale comme faisant partie de l’héritage plus large des torts causés par la colonisation. L’adoption du projet de loi est un moyen concret de répondre à ces demandes, plutôt que de se contenter de les répéter.

Nous savons que l’absence de soins coordonnés a créé des difficultés qui auraient pu être évitées : des enfants qui ne bénéficient pas d’un diagnostic précoce, des jeunes qui passent entre les mailles du filet à l’école, des adultes qui ont des démêlés avec la justice parce qu’on ne les a pas aidés. Il s’agit là de préjudices évitables, et la prévention des préjudices est la norme minimale pour tout pays qui respecte les droits.

Cette mesure législative n’est pas symbolique. Elle est pratique et moralement nécessaire, et elle n’a que trop tardé. Elle nous donne les outils nécessaires pour tenir les engagements que nous avons déjà pris. Elle nous donne les outils nécessaires pour tenir la promesse simple mais forte selon laquelle le handicap ne devrait jamais déterminer qui une personne peut être et comment elle peut contribuer à la société.

Chers collègues, le projet de loi S-234 est l’occasion de mettre fin à la gestion fragmentaire des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale et de passer à leur prise en charge cohérente. Il propose une approche pratique et collaborative pour améliorer la compréhension des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale et leur prise en charge au Canada. Il établit un processus pour recueillir de meilleurs renseignements, renforcer la coordination et trouver des moyens de rendre les aides plus cohérentes pour les personnes et les familles dans tout le pays.

Honorables collègues, je vous encourage à appuyer le projet de loi S-234 à l’étape de la deuxième lecture pour qu’il puisse faire l’objet de l’étude détaillée qu’il mérite. Merci.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

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