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De la gomme-laque, de la cire et beaucoup d’huile de coude pour restaurer les pupitres des sénateurs

En février 2019, le Sénat a déménagé à l’édifice du Sénat du Canada, une ancienne gare ferroviaire construite en 1912. Le Sénat occupera cet emplacement temporaire pendant la réhabilitation de l’édifice du Centre du Parlement, demeure permanente du Sénat.

Bien que l’édifice du Centre soit fermé durant les travaux de réhabilitation, les Canadiens peuvent toujours découvrir son art et son architecture grâce à la visite virtuelle immersive du Sénat.


Certes, ce sont des pupitres solides et sans prétention, mais ce sont aussi des objets uniques de l’histoire canadienne.

Les pupitres du Sénat — 52 pupitres doubles et un pupitre individuel — sont aussi vieux que l’édifice du Centre. Ils ont été spécialement commandés et conçus pour ce dernier afin qu’ils fassent partie intégrante de sa structure au même titre que les sculptures murales.

C’est à ces pupitres — qui se trouvent désormais dans l’édifice du Sénat du Canada — que les sénateurs prennent place pendant les séances du Sénat, qu’ils se lèvent pour prendre la parole et pour dire oui ou non depuis leur siège à chacun des votes. Tous les pupitres ont été modernisés et sont équipés, entre autres, d’un microphone, de prises électriques, de ports USB et d’un système d’interprétation simultanée.

Les pupitres des sénateurs dans l’édifice du Centre peu de temps avant la fermeture de ce dernier pour réhabilitation. Les pupitres du premier rang sont ornés d’emblèmes de végétaux.

Comme une bonne partie du mobilier de l’édifice du Centre, les pupitres ont été imaginés par l’architecte en chef John A. Pearson, qui était reconnu pour son souci du détail. Les pupitres, en noyer, ont été fabriqués à la main par l’entreprise montréalaise Bromsgrove Guild au début des années 1920. Ils réunissent des éléments de style classique, comme une bordure arrondie, des moulures à motif et des angles biseautés.

L’ornementation des pupitres du premier rang est particulièrement recherchée. Conçue pour faire écho aux murs en panneaux de chêne de la Chambre rouge de l’édifice du Centre, la façade lambrissée des pupitres est ornée de motifs de serviette plissée, un style typiquement gothique qui imite les courbes gracieuses des draperies. Les pupitres sont ornés de feuilles d’érable, de gerbes de blé, de fleur de lys, de trèfles, de roses Tudor et de chardons écossais : des emblèmes qui représentent les régions du Canada et ses liens avec la France, l’Irlande, l’Angleterre et l’Écosse.

Ces motifs botaniques évoquent les racines profondes des traditions parlementaires canadiennes et rappellent aux occupants de la Chambre que l’un des rôles cruciaux d’un sénateur est de représenter les régions du pays.

L’ornementation marie les proportions gracieuses du style Beaux-Arts populaire au début des années 1900 avec des fioritures néo-gothiques qui canalisent l’exubérance de l’architecture médiévale. Cette fusion des traditions de conception observée dans tout l'édifice du Centre fait partie de ce qui rend le bâtiment si distinctif.

Une fleur de lys orne plusieurs pupitres.

Le chardon écossais est un autre emblème fréquent.

Une expertise particulière est nécessaire pour préserver la beauté subtile de ces modestes trésors centenaires. C’est là que Jordan Mailhot, spécialiste en restauration de mobilier, entre en scène.

Mailhot, propriétaire d’Ottawa Furniture Repair, a mis des heures à méticuleusement restaurer et polir ces pupitres centenaires.

Il comprend le caractère particulier des objets patrimoniaux comme les pupitres du Sénat. M. Mailhot est diplômé du cours de technicien du meuble du Collège Algonquin. Il a restauré des objets patrimoniaux à Rideau Hall, la résidence du gouverneur général du Canada, et à Stornoway, la résidence du chef de l’opposition.

La gomme-laque est la clé pour rajeunir les pupitres : c’est ce vernis naturel qui avait été initialement utilisé comme fini.

La gomme-laque est l’un des finis les plus anciens du monde. C’est un dérivé de la laque, une résine sécrétée par un insecte originaire de l’Inde et de l’Asie du Sud-Est, où elle était utilisée pour polir les meubles depuis des millénaires avant de faire son apparition en Occident dans les années 1800. La gomme-laque offre un fini riche et naturel qui valorise le fil du bois. Elle est sensible aux dommages causés par la chaleur, l’eau et une lumière vive, mais elle est facile à restaurer.

« La gomme-laque pardonne, a expliqué M. Mailhot. Il est possible de réparer des marques d’usure ou des dommages causés par l’eau sans avoir à sabler et à refaire la finition, comme c’est le cas avec un vernis à l’acrylique. »

« Il faut tenter d’éviter cela à tout prix : à chaque décapage, le bois du meuble perd un peu de sa patine originale. »

La cire est un autre ingrédient important. On s’en sert pour remplir les trous et réparer les fissures. C’est un fini qui protège et résiste.

Toutefois, l’article le plus important de la trousse à outils d’un technicien du meuble est indéniablement la bonne vieille huile de coude.

Mailhot a méticuleusement poli les couches de gomme-laque et de cire dans la surface de chaque pupitre jusqu’à ce que le nouveau et l’ancien finis ne fassent qu’un.

C’est ce qu’on appelle la finition au tampon, un rude travail physique.

« La finition au tampon demande beaucoup de travail, mais elle est incroyablement efficace, a expliqué M. Mailhot. On doit maintenir un rythme constant et frotter en faisant des huit. Sinon, on peut brûler le fini et causer des imperfections en appliquant trop de gomme-laque trop rapidement. »

Alors que le travail était presque achevé, M. Mailhot multipliait les allers-retours dans la tribune du public située au-dessus de la Chambre pour avoir une vue d’ensemble de son travail : il voulait que le résultat soit uniforme.

« À chaque étape, je prends du recul pour avoir une vue d’ensemble du travail pour l’évaluer dans différents angles et sous différents éclairages. »

Les pupitres ont récupéré leur patine d’origine : ces objets patrimoniaux semblent admirablement entretenus et aussi parfaits que lorsque la 14e législature siégeait en 1922.

« Je ne cherche pas à créer un effet extravagant. Mon travail consiste à rendre aux pupitres leur lustre original. Il faut faire preuve de jugement et de respect envers le travail d’origine », a confié M. Mailhot.

« Comme professionnel, il est très gratifiant de préserver l’histoire de l’édifice par l’entremise de son mobilier. »

En décembre 2018, les pupitres ont été déplacés de l’édifice du Centre vers l’édifice du Sénat du Canada.

Avant qu’ils ne soient restaurés, les pupitres centenaires du Sénat montraient des signes d’usure quotidienne. (Crédit photo : Ottawa Furniture Repair)

Jordan Mailhot, spécialiste en restauration de mobilier, applique de la gomme-laque sur la surface d’un pupitre en noyer. (Crédit photo : Ottawa Furniture Repair)

M. Mailhot polit la surface de chaque pupitre avec un fini de protection à la cire. (Crédit photo : Ottawa Furniture Repair)

La trousse à outils de M. Mailhot contient des brosses, des toiles abrasives, des chiffons à polir, des cires teintées, des solvants et des gommes-laques traditionnelles. (Crédit photo : Ottawa Furniture Repair)

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