Des restaurateurs découvrent des détails cachés en redonnant vie à une collection de portraits du Sénat
En février 2019, le Sénat a déménagé à l’édifice du Sénat du Canada, une ancienne gare ferroviaire construite en 1912. Le Sénat occupera cet emplacement temporaire pendant la réhabilitation de l’édifice du Centre du Parlement, demeure permanente du Sénat.
Bien que l’édifice du Centre soit fermé durant les travaux de réhabilitation, les Canadiens peuvent toujours découvrir son art et son architecture grâce à la visite virtuelle immersive du Sénat.
Un peu défraîchis après avoir été exposés pendant un siècle et demi, cinq trésors du Sénat ont reçu des soins méticuleux bien mérités.
Ces toiles ont survécu à des incendies, à des restaurations d’amateur et aux ravages du temps. Plusieurs sont plus vieilles que le pays lui-même. Trois ne sont même pas des originaux, ces derniers ayant été détruits en 1849 lorsqu’une foule a incendié le marché Sainte-Anne de Montréal, siège temporaire du Parlement de la Province unie du Canada.
Ces cinq portraits qui représentent des présidents du Sénat, ou, dans la plupart des cas, des institutions qui l’ont précédé, à savoir les conseils législatifs d’avant la Confédération, sont aujourd’hui restaurés dans toute leur splendeur originale.
Ces portraits rappellent l’époque où le Canada était une colonie britannique et, plus tard, une union de provinces francophones et anglophones en proie à l’agitation politique, alors que la capitale se déplaçait dans cinq villes différentes.
Ce n’est qu’en 1867 que la Confédération a apporté la stabilité politique et que l’édifice du Centre original est devenu le siège permanent du Parlement à Ottawa.
C’est dans l’édifice du Centre actuel que ces portraits, qui font partie de la collection d’œuvres d’art et de biens patrimoniaux du Sénat, ont été exposés jusqu’au début des travaux de réhabilitation de l’édifice. Après le retrait des peintures de l’édifice du Centre, le Sénat a engagé l’entreprise Legris Conservation pour les restaurer au cours de l’hiver 2021.
L’atelier d’Ottawa a travaillé à la restauration des portraits sur une période de huit semaines, consacrant environ trois semaines à chaque œuvre. Chaque élément a été passé au crible : vernis, peinture et cadres. Même les toiles et les supports de bois qui les tendent avaient besoin de soins urgents.
« Les bords des toiles, là où elles se plient sur les châssis, étaient devenus si fragiles qu’ils se déchiraient à de nombreux endroits », souligne le restaurateur David Legris. « Nous avons dû les retirer et les rentoiler, avant de les replacer sur les châssis d’origine. »
Ce ne sont pas les ravages du temps ni les manipulations brusques qui ont posé le plus de difficulté, mais les dommages infligés par les maladroites tentatives de restauration effectuées au début des années 1900. Par exemple, des détails en arrière-plan avaient fait l’objet d’importants repeints pour cacher les craquelures et les abrasions.
« Il y avait très peu de restaurateurs professionnels à cette époque », explique M. Legris. « On faisait habituellement appel à des artistes pour repeindre certaines parties. Beaucoup des anciennes restaurations étaient plutôt grossières. »
L’équipe de Legris a alors entrepris la délicate tâche de retoucher les parties dénudées. La peinture écaillée, les craquelures et les abrasions ont été réparées avec des pigments acryliques réversibles à base d’eau.
Une fois enlevées les épaisses couches de repeint, la facture d’origine a refait surface et le génie des artistes qui ont créé les œuvres est devenu plus manifeste que jamais.
Trois de ces portraits ont été peints par Théophile Hamel, l’un des artistes canadiens les plus accomplis du XIXe siècle. Il a peint les portraits des membres les plus éminents de la société québécoise — politiciens, docteurs, marchands, banquiers, prêtres et évêques. Son succès lui a rapporté un revenu substantiel et lui a permis d’accéder à l’élite intellectuelle et sociale québécoise.
Le Parlement était un particulièrement bon client et la catastrophe de 1849 a eu des retombées inattendues pour M. Hamel. En 1853, on lui commande près de 20 portraits pour remplacer ceux qui avaient été détruits dans l’attaque sur le Parlement quatre ans plus tôt. Les versions de M. Hamel n’étaient pas que de simples copies; il s’agissait de portraits entièrement neufs qui l’ont obligé à retrouver les modèles d’origine ou, si ceux-ci étaient décédés, à dépouiller les archives et les journaux pour obtenir des images de référence.
L’autre artiste que les experts peuvent identifier est le neveu de Théophile Hamel, Eugène, qui a peint le portrait de Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, quatrième Président du Sénat.
Eugène était apprenti au studio de son oncle, avant de partir pour l’Europe afin de peindre ses paysages, visiter ses galeries et étudier dans ses prestigieuses écoles. Il affine son art à Anvers, Belgique et à Rome, Italie, se forgeant une réputation qui le place parmi les portraitistes les plus prometteurs d’Amérique du Nord, avant de revenir à Québec, où il reprend le studio de son oncle Théophile à la mort de celui‑ci en 1870.
« Ces vieux artistes de formation académique maîtrisaient parfaitement leur art », raconte M. Legris. « Pour des restaurateurs, c’est une véritable joie que de travailler sur des œuvres comme celles-là ». Nous savons toujours de quoi il s’agit et nous savons comment les peintures réagiront parce que les artistes étaient très méticuleux. »
Ayant retrouvé toute leur splendeur originale, les cinq peintures ont regagné leur entrepôt où les conditions de température et d’humidité sont contrôlées, en attendant leur retour à l’édifice du Centre, où les Canadiens pourront les voir presque exactement comme les artistes l’avaient souhaité.