Finesse et force brute : Le sculpteur des portes en bronze de l’édifice du Sénat du Canada
Quiconque franchit l’entrée sud de l’édifice du Sénat du Canada ne peut s’empêcher d’être impressionné – et même un peu dépassé – par deux monolithes chatoyants qui dominent le visiteur.
Pourtant, peu de gens connaissent leur existence.
Deux portes de bronze formées au marteau il y a 50 ans par le sculpteur d’Ottawa Bruce Garner embellissent l’entrée sud de l’édifice.
L’entrée, qui permet aux sénateurs d’accéder directement à l’édifice du Sénat du Canada, n’est normalement pas accessible au public.
Les portes ont été installées au printemps 1973, époque où la structure, âgée de 60 ans, était en train d’être convertie en un lieu de diffusion et de tenue d’événements qui allait être connu sous le nom de Centre de conférences du gouvernement.
« Bruce a abordé ces portes de la même manière que toutes les sculptures qu’il a créées, selon Tamaya Garner, veuve de l’artiste et sa collaboratrice pendant de nombreuses années. Il y a mis tout ce qu’il avait.
« Il disait toujours qu’il laissait un peu de lui-même dans chaque œuvre d’art qu’il produisait. »
Dès leur dévoilement, les portes – connues sous le nom de Reflets du Canada – ont attiré l’attention de notables internationaux. La reine Elizabeth les a admirées lors de sa visite royale de juillet 1973. Deux jours plus tard, 24 dirigeants du monde entier les ont traversées pour prendre part à la réunion des chefs de gouvernement des pays du Commonwealth, où les discussions ont été dominées par la question de l’interdiction des essais d’armes nucléaires.
Pendant quatre décennies, l’édifice a accueilli des conférences internationales et des entretiens entre les premiers ministres fédéral et provinciaux. En 2013, après des années de lent déclin, il a retrouvé une nouvelle vie lorsque le Sénat a choisi de s’y installer temporairement pendant la restauration de l’édifice du Centre, sa demeure permanente.
La réhabilitation supervisée par le Sénat a redonné à l’ancienne gare une grande partie de sa splendeur du début du 20e siècle. La plupart des accessoires fixes des années 1970 ont été retirés, à l’exception notable des portes en bronze de M. Garner, que les évaluateurs du patrimoine ont décrites comme étant distinctives et irremplaçables.
« Bruce a toujours surpassé les attentes du client, a rappelé Mme Garner. Lors de la présentation initiale, l’architecte a eu un choc lorsqu’il a constaté que Bruce parlait de portes doubles de près de 20 pieds de haut. Mais Bruce est demeuré impassible. Il a dit : “Vous vouliez des portes de cérémonie. Je vous ai donné des portes de cérémonie.” »
Les sculptures abstraites exubérantes de M. Garner font désormais partie du paysage d’Ottawa. Caractérisées par des figures allongées qui dansent, courent, sautent et volent, elles parsèment la ville, dégageant un charme fantaisiste que les Canadiens n’associent pas spontanément à la réputation de quiétude de la capitale du pays.
« Bruce voulait que les gens se sentent à l’aise autour de ses sculptures et interagissent avec elles, a déclaré Mme Garner. Rien ne le rendait plus heureux que de voir, par exemple, l’une des œuvres brunie et usée parce que les gens la touchaient constamment. »
Né à Toronto, M. Garner a étudié à l’Ontario College of Art et à l’Université de l’Alberta. Il a travaillé comme graphiste à Toronto et à Vancouver, puis a déménagé à Edmonton au début des années 1960 pour devenir directeur de la création de ce qui était alors la plus grande agence de publicité de l’Ouest canadien, James Lovick & Co. Il a déménagé à Ottawa en 1967 pour diriger la conception graphique du ministère du Commerce.
En 1970, il a renoncé à la vie de fonctionnaire fédéral pour se consacrer à plein temps à la sculpture, s’installant dans un ancien atelier de réparation d’automobiles dans le quartier chinois d’Ottawa. Quelques années plus tard, il a déménagé le studio dans une grange convertie dans la région rurale de Plantagenet, à 70 kilomètres à l’est d’Ottawa.
Le travail de M. Garner alliait finesse et force brute. Il maniait un arsenal de marteaux, de tours, de meules, de scies à ruban et de chalumeaux pour donner forme à l’acier, au cuivre et au bronze. Les articles de journaux le décrivaient comme un « ours ».
« Bruce était un paradoxe, a confirmé Mme Garner. C’était un homme puissant, musclé, dont les mains pouvaient manier un marteau de 50 livres et plier l’acier. En même temps, ces mains pouvaient faire les dessins à la craie les plus délicats.
« Bruce disait qu’il avait l’âme d’une ballerine de 98 livres »