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Hauts en couleur : Conservation des vitraux au plafond du foyer du Sénat

Un conservateur d’art muni de gants utilise son outil pour remplacer les bandes de plomb qui maintiennent les vitraux en place.

En février 2019, le Sénat a déménagé à l’édifice du Sénat du Canada, une ancienne gare ferroviaire construite en 1912. Le Sénat occupera cet emplacement temporaire pendant la réhabilitation de l’édifice du Centre du Parlement, demeure permanente du Sénat.

Bien que l’édifice du Centre soit fermé pendant les travaux de réhabilitation, les Canadiens peuvent toujours découvrir
 son art et son architecture grâce à la visite virtuelle immersive du Sénat.


Une douce lumière, comme celle du soleil dans une clairière, accueillait autrefois les visiteurs du foyer du Sénat à l’édifice du Centre. Sa source? Un plafond à caissons de la taille d’un terrain de tennis composé de dizaines de vitraux. 

Conçu et installé il y a plus d’un siècle, il est décoré d’emblèmes héraldiques qui représentent les cultures britannique et française qui ont aidé à créer le Dominion du Canada. Entre ces éléments, notamment des fleurs de lys, des trèfles, des lions, des licornes et des dragons, on peut voir le nom des 17 premiers Présidents du Sénat, ainsi que leurs armoiries provinciales respectives. L’ensemble flotte au sein d’un remplage complexe de style Tudor fait de béton armé texturé de façon à ressembler à de la pierre calcaire. 

Les vitraux font partie des milliers d’œuvres d’art qui sont retirées, restaurées et entreposées dans le cadre de la réhabilitation de l’édifice du Centre, le plus grand projet de restauration du patrimoine de l’histoire du Canada. Les spécialistes de la conservation de Traditional Glassorks, une entreprise de Westport, en Ontario, ont remis à neuf les vitraux du plafond au printemps 2023.

Les vitraux forment un système d’éclairage appelé plafond vitré, qui combine des vitraux plats placés sous un puits de lumière de la taille d’un auditorium, où la lumière naturelle qui inonde l’ensemble est amplifiée par des réflecteurs. Une passerelle entoure l’ensemble et y donne accès pour l’entretien.

Le foyer du Sénat à l’édifice du Centre est illuminé par un immense vitrail au plafond conçu par l’architecte John A. Pearson. Le plafond a été fabriqué par N.T. Lyon Company, une entreprise de Toronto qui a également créé les vitraux au plafond du foyer de la Chambre des communes.Le foyer du Sénat à l’édifice du Centre est illuminé par un immense vitrail au plafond conçu par l’architecte John A. Pearson. Le plafond a été fabriqué par N.T. Lyon Company, une entreprise de Toronto qui a également créé les vitraux au plafond du foyer de la Chambre des communes.

Un fragile trésor centenaire

Parmi les symboles qu’on retrouve au plafond, on compte le trèfle irlandais, la rose Tudor et le poireau gallois.

Le plafond a été fabriqué par N.T. Lyon Company, une entreprise de Toronto, et installé au début des années 1920 alors que l’édifice du Centre était érigé sur les fondations de son prédécesseur de 1866. 

Le fondateur de l’entreprise, Nathaniel Theodore Lyon, avait immigré au Canada depuis l’Irlande dans les années 1860 afin de se joindre au McCausland Studio, un atelier de Toronto, le premier et le plus important fabricant de vitraux en Amérique du Nord. M. Lyon a lancé sa propre entreprise en 1881 et a rapidement développé son activité pour en faire la deuxième plus grande maison de production de vitraux de Toronto. Pendant six décennies, l’entreprise a produit des milliers de vitraux pour des églises, des banques et des édifices gouvernementaux à travers le pays.

Traditional Glassworks est l’un des rares ateliers au pays à posséder l’expérience et le savoir-faire nécessaires pour s’occuper de ce fragile trésor centenaire. L’entreprise a été fondée en 2015 par Mark Thompson, un artisan vitrailliste diplômé de l’École d’art et de design de l’Ontario.

Les 105 vitraux du plafond – tous composés de dizaines de morceaux de verre coloré et peint à la main – ont dû être retirés du treillis de béton qui les soutient, démontés, restaurés puis ressoudés. 

L’intervention tombait à point : après une centaine d’années, le plomb qui maintient les vitraux en place s’était tellement détérioré qu’il représentait un problème de sécurité.

« Il était couvert de fissures et couvert d’oxydation, a affirmé M. Thompson. C’est comme de la rouille, mais pour le plomb. Si on le manipule directement, il peut être toxique. »

Un travail minutieux 

Le processus de restauration a commencé par le désassemblage de tous les vitraux, morceau par morceau. 

« L’oxydation du plomb était assez sévère et c’était dangereux, a affirmé M. Thompson. Nous avons démonté les vitraux sous l’eau, pour éviter que des particules se diffusent dans l’air. »

« Nous disposons ensuite tous les morceaux à leur place, pour éviter de nous retrouver avec un casse‑tête. » 

Certains morceaux étaient trop endommagés et ont dû être remplacés. Un artiste a reproduit le motif d’origine au moyen d’une peinture spéciale contenant de la poudre de verre. Les morceaux étaient ensuite cuits à 650 degrés Celsius pendant 24 heures.

« La couleur et le verre fusionnent entièrement, a indiqué M. Thompson. On pourrait essayer de gratter le verre avec une lame et on n’arriverait pas à faire partir la couleur. »

L’étape suivante est la pose du plomb. Vue en coupe transversale, chacune des bandes de plomb — appelées les baguettes — a la forme d’un « H » et les morceaux de verre s’insèrent de chaque côté. Une fois le vitrail entièrement assemblé, les joints de plomb sont soudés. 

Enfin, une pâte épaisse faite de carbonate de calcium, d’huile de lin et de pigments noirs est appliquée en profondeur sur l’ensemble du vitrail afin de le rendre étanche à l’air et à l’eau et résistant à l’oxydation. 

« Nous retirons l’excédent de cette émulsion à l’aide d’une brosse en soies de porc. Le procédé laisse une patine sombre, lustrée et hydrofuge qui donne un magnifique fini au plomb » a expliqué M. Thompson. 

Traditional Glassworks réinstallera le plafond lorsque le projet de rénovation de l’édifice du Centre tirera à sa fin. Le retrait et la réinstallation sont des processus délicats et potentiellement dangereux qui doivent être menés par des spécialistes.

Thompson est heureux d’avoir contribué à la conservation de l’un des édifices les plus emblématiques du Canada. 

« J’ai grandi à Ottawa et tous les spécialistes au Canada voudraient pouvoir dire qu’ils ont travaillé sur les édifices du Parlement, a-t-il dit. C’est un honneur et une immense responsabilité; il faut bien faire le travail. »

Le plafond présente des emblèmes héraldiques, dont des lions, des licornes et des fleurs de lys, ainsi que le nom des 17 premiers Présidents du Sénat et leurs armoiries provinciales respectives.
Parmi les noms des Présidents figure un seul panneau mystérieux, Quelq’un, qui représente les futurs Présidents du Sénat. Personne ne sait si la faute d’orthographe (il faudrait écrire Quelqu’un) était involontaire ou s’il s’agissait d’une utilisation délibérée de l’ancienne orthographe française.
Des techniciens de Traditional Glassworks retirent des panneaux du plafond du foyer du Sénat. Les conservateurs d’art ont utilisé des échafaudages pour accéder au puits de lumière au-dessus du plafond suspendu, de façon à pouvoir travailler sans mettre de poids sur le fragile treillis de béton.
Des conservateurs d’art de Traditional Glassworks de Westport, en Ontario, travaillent à différentes étapes du projet de restauration. Les vitraux sont d’abord submergés dans les grands bacs noirs qu’on peut voir sur la photo. Chaque vitrail est démonté sous l’eau afin d’éviter la propagation des résidus toxiques dans l’air.

Udiya Swamy, un des conservateurs d’art, nettoie le bord d’un morceau de vitrail fraîchement démonté. Udiya Swamy, un des conservateurs d’art, nettoie le bord d’un morceau de vitrail fraîchement démonté.

Chacun des panneaux décoratifs est semblable à un casse-tête complexe. Liam Fenton, un des conservateurs d’art, place des dizaines de morceaux afin de reproduire le vitrail exactement comme il était à l’origine.Chacun des panneaux décoratifs est semblable à un casse-tête complexe. Liam Fenton, un des conservateurs d’art, place des dizaines de morceaux afin de reproduire le vitrail exactement comme il était à l’origine.

Chacun des panneaux décoratifs est semblable à un casse-tête complexe. Liam Fenton, un des conservateurs d’art, place des dizaines de morceaux afin de reproduire le vitrail exactement comme il était à l’origine.Chacun des panneaux décoratifs est semblable à un casse-tête complexe. Liam Fenton, un des conservateurs d’art, place des dizaines de morceaux afin de reproduire le vitrail exactement comme il était à l’origine.

John Martin, un des conservateurs d’art, remet du plomb sur un des vitraux afin de lier les morceaux de verre avec des bandes de plomb qu’on appelle les baguettes. Le plomb doit être exactement de la bonne taille, car le moindre interstice permettrait à la brasure fondue de s’immiscer dans l’ouverture et de briser le verre.John Martin, un des conservateurs d’art, remet du plomb sur un des vitraux afin de lier les morceaux de verre avec des bandes de plomb qu’on appelle les baguettes. Le plomb doit être exactement de la bonne taille, car le moindre interstice permettrait à la brasure fondue de s’immiscer dans l’ouverture et de briser le verre.

Un enduit composé de carbonate de calcium, d’huile de lin et de pigments noirs est appliqué sur chacun des vitraux. Hayden Maynard, un des conservateurs d’art, fait pénétrer cette pâte épaisse dans chaque joint puis frotte le vitrail avec une brosse en soies de porc pour retirer l’excédent.Un enduit composé de carbonate de calcium, d’huile de lin et de pigments noirs est appliqué sur chacun des vitraux. Hayden Maynard, un des conservateurs d’art, fait pénétrer cette pâte épaisse dans chaque joint puis frotte le vitrail avec une brosse en soies de porc pour retirer l’excédent.

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