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Histoires autochtones en pierre : les créatures surnaturelles du Parlement, 4e partie

Une sculpture d’un orque des Premières nations de la côte Ouest forme un arc au-dessus d’une porte de l’édifice du Centre, sur la Colline du Parlement.

Dans le dernier d’une série de quatre articles sur les créatures surnaturelles de la Colline du Parlement, nous examinons trois légendes autochtones sculptées dans l’édifice du Centre de la Colline du Parlement.

En février 2019, le Sénat a déménagé à l’édifice du Sénat du Canada, une ancienne gare ferroviaire construite en 1912. Le Sénat occupera cet emplacement temporaire pendant la réhabilitation de l’édifice du Centre du Parlement, la demeure permanente du Sénat.

Bien que l’édifice du Centre soit fermé pendant les travaux de réhabilitation, les Canadiens peuvent toujours découvrir son art et son architecture – ainsi que ceux de l’édifice du Sénat du Canada – grâce aux visites virtuelles immersives du Sénat.


Depuis plus de 150 ans, le Parlement raconte l’histoire du Canada à travers ses sculptures, ses vitraux et ses peintures. Mais la représentation autochtone a été largement négligée jusqu’en 1978, date à laquelle le Parlement a lancé un programme de sculpture autochtone.

Johanna Mizgala, conservatrice de la Chambre des communes, a déclaré que le programme a apporté de nouvelles perspectives culturelles.

« C’est ce que le Parlement est censé être », a-t-elle déclaré. « Une confluence de voix et d’idées provenant de différentes régions et de différentes origines. »

La présentation d’œuvres d’artistes autochtones a permis une représentation plus riche et plus inclusive du pays, tout en exposant de nombreux visiteurs de la Colline du Parlement à des traditions artistiques différentes pour la première fois.

Voici l’histoire de trois œuvres réalisées par des artistes autochtones dans l’édifice du Centre.

Tadodaho

Tadodaho, le chef de guerre à la chevelure de serpent de la légende Haudenosaunee, domine The Creation (La création), un panneau monumental en pierre calcaire situé dans le foyer de la Chambre des communes de l’édifice du Centre. Son sculpteur, l’artiste cayuga Joe Jacobs (1934-2015), a appris à sculpter de lui-même après un accident du travail à l’âge de 40 ans. Il a reçu l’Ordre du Canada en 1985.

La création est une encyclopédie en images de la tradition Haudenosaunee, qui s’appuie sur ses objets cérémoniels, ses mythes de création, l’histoire de sa confédération vieille de 1 000 ans et de ses 26 clans, chacun représenté par une figure de proue animale.

Tadodaho est un personnage central de l’histoire de Deganawidah, le Grand Pacificateur, qui traverse le lac Ontario dans un canoë de pierre pour réconcilier les nations en guerre au sud du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent.

L’un après l’autre, le Pacificateur les convainc de rejoindre sa cause en relevant une série de défis surhumains. Le chef des Onondagas, Tadodaho, est le dernier à résister.

« Tadodaho s’est retiré du monde et vit dans le marais », explique Kevin White, chercheur Mohawk et professeur adjoint d’études autochtones et religieuses à l’Université de Toronto.

« Il reste le chef des Onondagas, mais il règne par le pouvoir, la peur et la mort. Les serpents dans ses cheveux reflètent le fait que son esprit est devenu tordu. »

La persistance, la persuasion et la raison du Pacificateur font progressivement évoluer l’homme.

« L’esprit de Tadodaho se redresse tandis que son corps se défait lentement », selon le professeur White. « Il finit par retrouver ses esprits et est nommé chef spirituel et politique de toute la Confédération. »

La Confédération Haudenosaunee, le plus ancien système de gouvernement continu en Amérique du Nord, a été citée par les Pères fondateurs des États-Unis en 1787, lorsqu’ils ont rédigé leur propre Constitution. En tant que parabole de l’ordre et de la bonne gouvernance, La création renforce un thème que l’on retrouve dans l’ensemble de l’édifice du Centre.

« L’ensemble de la pièce traite de l’application de la raison et de la résolution pacifique des conflits », selon le professeur White. « Il s’agit de définir une société juste et équitable. »

Killer Whale (Orque)

Killer Whale (Orque) couronne l’entrée de la Salle du Commonwealth, l’un des espaces de réunion les plus impressionnants de l’édifice du Centre. Sculptée dans du calcaire de l’Indiana, elle représente le principal écu familial de son créateur, Walter Harris (1931-2009), chef du clan Fireweed de la nation Gitxsan, dans le nord de la Colombie-Britannique.

« Les images de ce type sont une sorte d’héraldique », explique Karen Duffek, conservatrice des arts visuels contemporains et du nord-ouest du Pacifique au musée d’anthropologie de l’Université de Colombie-Britannique. « Un écu appartient à un clan et se transmet de génération en génération. »

« Votre histoire, l’histoire et les droits de votre famille, votre responsabilité à l’égard des mondes naturel et surnaturel, tout cela est inclus dans l’imagerie de l’écu familial. »

Les Premières Nations de la côte Ouest considèrent l’orque comme la gardienne des eaux. Elles considèrent également les groupes d’orques, avec leurs structures sociales complexes et leurs méthodes de chasse sophistiquées, comme des incarnations sous-marines des sociétés humaines. Certaines Premières Nations considèrent les baleines comme des êtres humains sous une autre forme – des parents noyés ou des chefs décédés ressuscités dans un monde parallèle aquatique.

« Il y a un voile entre nos deux mondes », explique Mme Duffek. « Des êtres surnaturels comme l’orque peuvent se transformer et se déplacer entre le monde naturel et le monde spirituel. »

Dans le contexte de la Colline du Parlement, l’orque peut être considérée comme une sorte d’esprit gardien, selon Mme Mizgala, conservatrice de la Chambre des communes.

« L’orque incarne l’âme d’un chef – quel meilleur moyen de rappeler aux gens d’où ils viennent et les valeurs qu’ils représentent? Vous pouvez imaginer l’âme du chef qui veille dans ce lieu important. »

Sedna

Sedna est la déesse inuite de l’océan et des animaux marins. Elle habite les profondeurs impénétrables de l’océan Arctique où elle règne sur l’Adlivun, le monde souterrain des Inuits.

L’histoire de la transformation d’une fille inuite ordinaire en déesse de la mer est représentée par l’artiste du Nunavut Bart Hanna Kappianaq dans cette sculpture en pierre calcaire qui couronne une porte de l’édifice de l’Ouest de la Colline du Parlement.

Selon une tradition, Sedna voyageait avec sa famille en kayak lorsqu’une tempête s’est levée. Son père lui reprocha d’avoir provoqué le coup de vent et la jeta hors du bateau. Sedna s’accrocha désespérément à la coque tandis qu’il lui tranchait les doigts. Alors qu’elle coulait, ses doigts coupés se transformèrent en morses, en phoques et en baleines, des créatures que M. Hanna Kappianaq dépeint comme les accompagnateurs de la déesse.

Dans les années 1950, M. Hanna Kappianaq a fréquenté un pensionnat à Chesterfield Inlet, dans ce qui s’appelle aujourd’hui le Nunavut. À l’âge de 15 ans, il a été envoyé à Toronto pour y suivre un traitement contre la tuberculose; c’est là qu’il a rencontré d’autres sculpteurs inuits qui l’ont inspiré.

Sedna a été dévoilée en avril 2019, à l’occasion du 20e anniversaire de la création du Nunavut en tant que territoire. L’œuvre restera dans l’édifice de l’Ouest jusqu’à ce que la restauration de l’édifice du Centre soit terminée, après quoi elle sera déplacée dans le foyer de la Chambre des communes de l’édifice du Centre.


Lisez-en davantage dans notre série sur les créatures surnaturelles de la Colline du Parlement :

Le foyer de la Chambre des communes comprend plusieurs œuvres d’artistes autochtones commandées dans le cadre du programme de sculptures autochtones du Parlement, lancé en 1978. (Crédit photo : Chambre des communes)Le foyer de la Chambre des communes comprend plusieurs œuvres d’artistes autochtones commandées dans le cadre du programme de sculptures autochtones du Parlement, lancé en 1978. (Crédit photo : Chambre des communes)

L’œuvre The Creation (La création) (1986) de Joe Jacobs, qui se trouve dans le foyer de la Chambre des communes de l’édifice du Centre, représente Tadodaho, le chef de guerre Haudenosaunee à la chevelure de serpent. (Crédit photo : Chambre des communes)L’œuvre The Creation (La création) (1986) de Joe Jacobs, qui se trouve dans le foyer de la Chambre des communes de l’édifice du Centre, représente Tadodaho, le chef de guerre Haudenosaunee à la chevelure de serpent. (Crédit photo : Chambre des communes)

La sculpture Killer Whale (Orque) (1981) de Walter Harris couronne la porte de la Salle du Commonwealth de l’édifice du Centre. L’orque aurait la capacité de se métamorphoser et de prendre une forme humaine.

Un gros plan de la sculpture Sedna (2019) de Bart Hanna Kappianaq montre la baleine et le narval qui accompagnent la déesse de la mer. (Crédit photo : Chambre des communes)Un gros plan de la sculpture Sedna (2019) de Bart Hanna Kappianaq montre la baleine et le narval qui accompagnent la déesse de la mer. (Crédit photo : Chambre des communes)

Les quelques symboles autochtones de l’édifice du Centre qui ont été sculptés avant 1978, y compris cet oiseau-tonnerre dans le foyer de la Chambre des communes, ont été créés par des sculpteurs non autochtones. (Crédit photo : Chambre des communes)Les quelques symboles autochtones de l’édifice du Centre qui ont été sculptés avant 1978, y compris cet oiseau-tonnerre dans le foyer de la Chambre des communes, ont été créés par des sculpteurs non autochtones. (Crédit photo : Chambre des communes)

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