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Il est temps de changer d’attitude à l’égard de la santé mentale : sénatrice Burey

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Au cours de mes dizaines d’années d’exercice de la pédiatrie, j’ai trop souvent été témoin d’un scénario déchirant et frustrant, où un parent affolé se présente à mon cabinet avec son enfant en proie à une crise de santé mentale. Il peut s’agir d’anxiété ou d’une dépression grave. Il est possible que le jeune ait des pensées suicidaires. J’ai constaté concrètement les difficultés d’accès, les longs délais d’attente et le manque de soins d’urgence et communautaires lorsqu’il s’agit de santé mentale, et les conséquences parfois dévastatrices que peut avoir cette situation sur les enfants et leur famille. 

Lorsqu’un enfant se casse une jambe ou reçoit un diagnostic de cancer, il obtient immédiatement des soins. C’est ce que nous attendons à juste titre de notre système de santé. Sauf s’il s’agit d’un problème de santé mentale – même en cas de risque imminent pour la vie. 

Nous avons parcouru beaucoup de chemin pour ce qui est de reconnaître l’importance de la santé mentale. Mais le fait demeure : les résultats que nous souhaitons tous – un accès universel et équitable aux services de traitement en santé mentale et de la toxicomanie, un traitement fondé sur des données probantes, un soutien au sein de la communauté et de meilleurs résultats quant au rétablissement – sont de plus en plus hors de portée. 

Le Canada a cruellement besoin d’un changement d’attitude, d’une redéfinition des priorités. Cela peut commencer par une notion que l’on appelle la « parité pour la santé mentale » ou encore la « parité d’estime ». Déjà adoptée sous diverses formes aux États-Unis et au Royaume-Uni, cette notion reconnaît le fait que les personnes ayant des problèmes de santé mentale, y compris la toxicomanie, devraient bénéficier du même niveau de soins que les personnes atteintes de maux physiques. 

Plusieurs organismes du domaine de la santé mentale militent pour la parité d’estime depuis des années. Le temps est venu de la faire inclure dans les priorités des gouvernements. 

C’est pourquoi j’ai organisé une table ronde sur le thème de la parité en matière de santé mentale et de traitement des toxicomanies et des dépendances au Canada tout au long de la vie. La discussion s’est tenue le 20 septembre 2024 à Ottawa. J’y avais invité des législateurs et des ministres, des professionnels de la santé de renom, des organismes du domaine de la santé mentale, des spécialistes des politiques publiques, mais aussi, et surtout, des personnes ayant une expérience vécue en santé mentale. 

Ils ont parlé avec éloquence des nombreux défis et obstacles qui rendent difficile l’accès à des soins en santé mentale au Canada, ainsi que des coûts, tant humains qu’économiques, que cette situation entraîne. Ils ont aussi souligné l’importance de chercher à atteindre la parité. Leurs observations ne représentent toutefois qu’un début. J’ai l’intention de présenter dans un document un résumé de leurs propos et des domaines dans lesquels il existe un consensus quant aux mesures à concrétiser en priorité, et d’agir en conséquence. 

J’ai également lancé une interpellation au Sénat pour attirer l’attention sur cette question à la Chambre rouge. Cette interpellation est l’occasion pour les sénateurs d’échanger des points de vue sur une question donnée, et de s’inspirer de leur grande expertise dans des domaines tels que les soins de santé, l’élaboration de politiques, l’économie, les questions juridiques et les affaires pour contribuer à mettre au point une approche holistique visant à favoriser la parité pour la santé mentale. 

Ultimement, j’espère que ces efforts donneront lieu à une mesure législative qui fera de la parité pour la santé mentale une obligation. Sachant que la prestation des soins de santé relève principalement de la compétence des provinces et des territoires, toute mesure législative fédérale devrait être élaborée en collaboration avec les provinces, les territoires et les corps dirigeants autochtones, et reposer sur les principes des priorités communes et des accords. 

Ce ne sera pas facile, mais c’est nécessaire. Notre inaction prolongée à l’égard des soins en santé mentale a un coût économique et humain très élevé. 

Selon un rapport de la Commission de la santé mentale du Canada les coûts annuels directs et indirects associés à la maladie mentale se sont élevés à environ 90 milliards de dollars en 2021. Au cours des trente prochaines années, le cumul des répercussions économiques au chapitre de ces coûts dépassera vraisemblablement 2,53 billions de dollars. De plus, dans un mémoire présenté par l’Association canadienne pour la santé mentale on peut lire que « pour chaque dollar dépensé dans la santé mentale, l’économie rapporte entre 4 $ et 10 $ ». 

Par ailleurs, on prévoit que le nombre de personnes aux prises avec une maladie mentale au Canada grimpera à près de 9 millions en l’espace d’une génération. D’ici 2050, un Canadien sur deux aura eu un problème de santé mentale avant son 40e anniversaire. 

Le gouvernement fédéral a reconnu la nécessité d’agir, mais il tarde à verser le financement promis. Le Fonds pour la santé mentale des jeunes annoncé dans le budget de 2024 représente un bon début, mais il faudra beaucoup plus que 500 millions de dollars sur cinq ans pour répondre aux besoins. 

J’espère que la table ronde et l’interpellation au Sénat contribueront à dégager un consensus solide sur la manière de faire de la parité en santé mentale une réalité. 

Nous connaissons tous une personne qui a souffert de problèmes de santé mentale et qui a eu de la difficulté à trouver de l’aide. Nous devons faire mieux. Le moment est venu d’agir. 

L’honorable Sharon Burey est une pédiatre qui a consacré sa carrière à la santé mentale des enfants, à l’égalité et à la justice sociale. Elle représente l’Ontario au Sénat. 

Cet article a été publié le 2 octobre 2024 dans le Hill Times [en anglais seulement].

Au cours de mes dizaines d’années d’exercice de la pédiatrie, j’ai trop souvent été témoin d’un scénario déchirant et frustrant, où un parent affolé se présente à mon cabinet avec son enfant en proie à une crise de santé mentale. Il peut s’agir d’anxiété ou d’une dépression grave. Il est possible que le jeune ait des pensées suicidaires. J’ai constaté concrètement les difficultés d’accès, les longs délais d’attente et le manque de soins d’urgence et communautaires lorsqu’il s’agit de santé mentale, et les conséquences parfois dévastatrices que peut avoir cette situation sur les enfants et leur famille. 

Lorsqu’un enfant se casse une jambe ou reçoit un diagnostic de cancer, il obtient immédiatement des soins. C’est ce que nous attendons à juste titre de notre système de santé. Sauf s’il s’agit d’un problème de santé mentale – même en cas de risque imminent pour la vie. 

Nous avons parcouru beaucoup de chemin pour ce qui est de reconnaître l’importance de la santé mentale. Mais le fait demeure : les résultats que nous souhaitons tous – un accès universel et équitable aux services de traitement en santé mentale et de la toxicomanie, un traitement fondé sur des données probantes, un soutien au sein de la communauté et de meilleurs résultats quant au rétablissement – sont de plus en plus hors de portée. 

Le Canada a cruellement besoin d’un changement d’attitude, d’une redéfinition des priorités. Cela peut commencer par une notion que l’on appelle la « parité pour la santé mentale » ou encore la « parité d’estime ». Déjà adoptée sous diverses formes aux États-Unis et au Royaume-Uni, cette notion reconnaît le fait que les personnes ayant des problèmes de santé mentale, y compris la toxicomanie, devraient bénéficier du même niveau de soins que les personnes atteintes de maux physiques. 

Plusieurs organismes du domaine de la santé mentale militent pour la parité d’estime depuis des années. Le temps est venu de la faire inclure dans les priorités des gouvernements. 

C’est pourquoi j’ai organisé une table ronde sur le thème de la parité en matière de santé mentale et de traitement des toxicomanies et des dépendances au Canada tout au long de la vie. La discussion s’est tenue le 20 septembre 2024 à Ottawa. J’y avais invité des législateurs et des ministres, des professionnels de la santé de renom, des organismes du domaine de la santé mentale, des spécialistes des politiques publiques, mais aussi, et surtout, des personnes ayant une expérience vécue en santé mentale. 

Ils ont parlé avec éloquence des nombreux défis et obstacles qui rendent difficile l’accès à des soins en santé mentale au Canada, ainsi que des coûts, tant humains qu’économiques, que cette situation entraîne. Ils ont aussi souligné l’importance de chercher à atteindre la parité. Leurs observations ne représentent toutefois qu’un début. J’ai l’intention de présenter dans un document un résumé de leurs propos et des domaines dans lesquels il existe un consensus quant aux mesures à concrétiser en priorité, et d’agir en conséquence. 

J’ai également lancé une interpellation au Sénat pour attirer l’attention sur cette question à la Chambre rouge. Cette interpellation est l’occasion pour les sénateurs d’échanger des points de vue sur une question donnée, et de s’inspirer de leur grande expertise dans des domaines tels que les soins de santé, l’élaboration de politiques, l’économie, les questions juridiques et les affaires pour contribuer à mettre au point une approche holistique visant à favoriser la parité pour la santé mentale. 

Ultimement, j’espère que ces efforts donneront lieu à une mesure législative qui fera de la parité pour la santé mentale une obligation. Sachant que la prestation des soins de santé relève principalement de la compétence des provinces et des territoires, toute mesure législative fédérale devrait être élaborée en collaboration avec les provinces, les territoires et les corps dirigeants autochtones, et reposer sur les principes des priorités communes et des accords. 

Ce ne sera pas facile, mais c’est nécessaire. Notre inaction prolongée à l’égard des soins en santé mentale a un coût économique et humain très élevé. 

Selon un rapport de la Commission de la santé mentale du Canada les coûts annuels directs et indirects associés à la maladie mentale se sont élevés à environ 90 milliards de dollars en 2021. Au cours des trente prochaines années, le cumul des répercussions économiques au chapitre de ces coûts dépassera vraisemblablement 2,53 billions de dollars. De plus, dans un mémoire présenté par l’Association canadienne pour la santé mentale on peut lire que « pour chaque dollar dépensé dans la santé mentale, l’économie rapporte entre 4 $ et 10 $ ». 

Par ailleurs, on prévoit que le nombre de personnes aux prises avec une maladie mentale au Canada grimpera à près de 9 millions en l’espace d’une génération. D’ici 2050, un Canadien sur deux aura eu un problème de santé mentale avant son 40e anniversaire. 

Le gouvernement fédéral a reconnu la nécessité d’agir, mais il tarde à verser le financement promis. Le Fonds pour la santé mentale des jeunes annoncé dans le budget de 2024 représente un bon début, mais il faudra beaucoup plus que 500 millions de dollars sur cinq ans pour répondre aux besoins. 

J’espère que la table ronde et l’interpellation au Sénat contribueront à dégager un consensus solide sur la manière de faire de la parité en santé mentale une réalité. 

Nous connaissons tous une personne qui a souffert de problèmes de santé mentale et qui a eu de la difficulté à trouver de l’aide. Nous devons faire mieux. Le moment est venu d’agir. 

L’honorable Sharon Burey est une pédiatre qui a consacré sa carrière à la santé mentale des enfants, à l’égalité et à la justice sociale. Elle représente l’Ontario au Sénat. 

Cet article a été publié le 2 octobre 2024 dans le Hill Times [en anglais seulement].

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