Législation du cannabis — le rôle du Sénat n’est pas de retarder le projet de loi : Sénateur Pratte
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Le Sénat est plongé depuis plusieurs semaines dans l’étude des projets de loi C-45 et C-46 qui mettent en œuvre, le premier, la légalisation du cannabis, et le second, le renforcement du Code criminel en matière de conduite avec les facultés affaiblies. Attendez-vous à entendre de plus en plus parler de nos débats, à mesure qu’approche la fin juin, échéance que s’est fixée le gouvernement Trudeau pour faire adopter les deux textes.
D’un côté, le gouvernement libéral tient absolument à cet échéancier ; de l’autre, l’opposition conservatrice cherche par tous les moyens à retarder l’adoption des projets de loi, ne serait-ce que pour ennuyer le gouvernement. Coincés entre les deux, vous trouvez 43 sénateurs indépendants (sur 93), dont chacun aura plusieurs décisions difficiles à prendre d’ici l’ajournement d’été, car il y aura autant de votes que de propositions d’amendement et de motions de procédure, ces dernières déterminantes pour le cheminement des projets de loi.
Pour ma part, deux questions centrales détermineront mon attitude au cours de ces débats. Premièrement, suis-je favorable ou non à la légalisation? J’ai répondu à cette question il y a déjà plusieurs mois : j’y suis favorable. L’échec de la prohibition a été amplement démontré au cours des 40 dernières années. La légalisation n’est pas une solution miracle, mais elle permettra au moins de mener d’importantes campagnes d’éducation, d’assurer l’innocuité des produits achetés par ceux qui choisissent de consommer, et de décriminaliser un comportement qui, à bien des égards, n’est ni plus ni moins grave que la consommation d’alcool.
Deuxième question : dans un débat d’une telle importance, quel est le rôle du Sénat?
Même si une majorité de Canadiens est favorable à l’initiative gouvernementale, bon nombre de gens nous demandent d’empêcher la légalisation. Cependant, si nous agissions ainsi, nous irions à l’encontre de notre rôle constitutionnel. En effet, la convention de Salisbury, héritée de la Chambre des lords, dicte que la Chambre haute ne doit jamais faire obstacle à un projet de loi découlant d’un engagement électoral du gouvernement en place. Or, les libéraux ont bel et bien été élus, à l’automne 2015, en promettant de légaliser la marijuana.
Qui sommes-nous, parlementaires non élus, pour empêcher le gouvernement de réaliser cette promesse faite aux Canadiens ?
De même, il ne serait pas légitime pour le Sénat de retarder indûment la mise en œuvre de cette promesse. Bien sûr, les sénateurs doivent jouer le rôle législatif qui est le leur, c’est-à-dire examiner les projets de loi C-45 et C-46 avec soin, écouter attentivement les Canadiens qui souhaitent faire valoir leur point de vue, et proposer des améliorations s’il y a lieu. Cependant, une fois une période de temps raisonnable consacrée à ce travail, il sera temps de passer au vote.
Qu’est-ce qu’une période de temps raisonnable? C-46 est arrivé au Sénat le 1er novembre 2017, C-45, le 28 novembre 2017. Le 1er juin, nous aurons donc eu ces projets de loi entre les mains respectivement durant cinq mois et six mois. Des comités auront entendu de nombreux témoins, tous les sénateurs auront eu amplement l’occasion de s’exprimer en long et en large. Et il nous restera encore un mois de travaux. Si certains veulent repousser l’échéance, on comprendra que l’objectif n’est plus de mieux étudier les projets de loi, mais bien celui qui avait été annoncé par le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, en novembre dernier : « bloquer » la légalisation.
Cependant, nous n’en sommes pas là. Pour l’instant, les sénateurs se consacrent consciencieusement à l’étude des deux projets de loi. Qu’ils soient pour ou contre la légalisation, ils partagent une même préoccupation : la protection de la santé des Canadiens, en particulier celle des jeunes. Cela amènera plusieurs d’entre nous à proposer des amendements. Il est trop tôt pour dire si ces amendements seront adoptés ou non, et s’ils le sont, s’ils seront retenus en tout ou en partie par le gouvernement. Une chose est sûre, c’est dans ce genre de travail législatif rigoureux, concentré sur les intérêts de la population, et idéalement dépourvu de partisanerie, que le Sénat parvient le mieux à convaincre les Canadiens de son utilité.
Le sénateur André Pratte représente De Salaberry, Québec. Il est vice-président du Comité sénatorial des finances nationales, ainsi que membre du Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles.
Avis aux lecteurs : L’honorable André Pratte est retraité du Sénat du Canada depuis octobre 2019. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.
Le Sénat est plongé depuis plusieurs semaines dans l’étude des projets de loi C-45 et C-46 qui mettent en œuvre, le premier, la légalisation du cannabis, et le second, le renforcement du Code criminel en matière de conduite avec les facultés affaiblies. Attendez-vous à entendre de plus en plus parler de nos débats, à mesure qu’approche la fin juin, échéance que s’est fixée le gouvernement Trudeau pour faire adopter les deux textes.
D’un côté, le gouvernement libéral tient absolument à cet échéancier ; de l’autre, l’opposition conservatrice cherche par tous les moyens à retarder l’adoption des projets de loi, ne serait-ce que pour ennuyer le gouvernement. Coincés entre les deux, vous trouvez 43 sénateurs indépendants (sur 93), dont chacun aura plusieurs décisions difficiles à prendre d’ici l’ajournement d’été, car il y aura autant de votes que de propositions d’amendement et de motions de procédure, ces dernières déterminantes pour le cheminement des projets de loi.
Pour ma part, deux questions centrales détermineront mon attitude au cours de ces débats. Premièrement, suis-je favorable ou non à la légalisation? J’ai répondu à cette question il y a déjà plusieurs mois : j’y suis favorable. L’échec de la prohibition a été amplement démontré au cours des 40 dernières années. La légalisation n’est pas une solution miracle, mais elle permettra au moins de mener d’importantes campagnes d’éducation, d’assurer l’innocuité des produits achetés par ceux qui choisissent de consommer, et de décriminaliser un comportement qui, à bien des égards, n’est ni plus ni moins grave que la consommation d’alcool.
Deuxième question : dans un débat d’une telle importance, quel est le rôle du Sénat?
Même si une majorité de Canadiens est favorable à l’initiative gouvernementale, bon nombre de gens nous demandent d’empêcher la légalisation. Cependant, si nous agissions ainsi, nous irions à l’encontre de notre rôle constitutionnel. En effet, la convention de Salisbury, héritée de la Chambre des lords, dicte que la Chambre haute ne doit jamais faire obstacle à un projet de loi découlant d’un engagement électoral du gouvernement en place. Or, les libéraux ont bel et bien été élus, à l’automne 2015, en promettant de légaliser la marijuana.
Qui sommes-nous, parlementaires non élus, pour empêcher le gouvernement de réaliser cette promesse faite aux Canadiens ?
De même, il ne serait pas légitime pour le Sénat de retarder indûment la mise en œuvre de cette promesse. Bien sûr, les sénateurs doivent jouer le rôle législatif qui est le leur, c’est-à-dire examiner les projets de loi C-45 et C-46 avec soin, écouter attentivement les Canadiens qui souhaitent faire valoir leur point de vue, et proposer des améliorations s’il y a lieu. Cependant, une fois une période de temps raisonnable consacrée à ce travail, il sera temps de passer au vote.
Qu’est-ce qu’une période de temps raisonnable? C-46 est arrivé au Sénat le 1er novembre 2017, C-45, le 28 novembre 2017. Le 1er juin, nous aurons donc eu ces projets de loi entre les mains respectivement durant cinq mois et six mois. Des comités auront entendu de nombreux témoins, tous les sénateurs auront eu amplement l’occasion de s’exprimer en long et en large. Et il nous restera encore un mois de travaux. Si certains veulent repousser l’échéance, on comprendra que l’objectif n’est plus de mieux étudier les projets de loi, mais bien celui qui avait été annoncé par le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, en novembre dernier : « bloquer » la légalisation.
Cependant, nous n’en sommes pas là. Pour l’instant, les sénateurs se consacrent consciencieusement à l’étude des deux projets de loi. Qu’ils soient pour ou contre la légalisation, ils partagent une même préoccupation : la protection de la santé des Canadiens, en particulier celle des jeunes. Cela amènera plusieurs d’entre nous à proposer des amendements. Il est trop tôt pour dire si ces amendements seront adoptés ou non, et s’ils le sont, s’ils seront retenus en tout ou en partie par le gouvernement. Une chose est sûre, c’est dans ce genre de travail législatif rigoureux, concentré sur les intérêts de la population, et idéalement dépourvu de partisanerie, que le Sénat parvient le mieux à convaincre les Canadiens de son utilité.
Le sénateur André Pratte représente De Salaberry, Québec. Il est vice-président du Comité sénatorial des finances nationales, ainsi que membre du Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles.
Avis aux lecteurs : L’honorable André Pratte est retraité du Sénat du Canada depuis octobre 2019. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.