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Les Forces canadiennes font leur part : Sénateur Eggleton

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Le président Trump des États-Unis se plaint que le Canada et d’autres alliés n’investissent pas suffisamment dans leurs opérations militaires. Cela remet en cause l’objectif de l’OTAN qui stipule que chaque pays devrait consacrer 2 % de son produit intérieur brut (PIB) à la défense. 

Abstraction faite de la nouvelle idée ridicule de doubler cet objectif, un investissement correspondant à 2 % du PIB pose deux problèmes. Premièrement, il accroîtrait d’environ deux tiers les dépenses que le Canada engage dans la défense et, deuxièmement, ce pourcentage est une mauvaise façon de mesurer les capacités de nos forces et leurs contributions à l’OTAN.

Pour accroître de deux tiers ces dépenses, il serait nécessaire de hausser considérablement les impôts ou de réduire substantiellement d’autres programmes ou services gouvernementaux, dont les mesures d’aide sociale. Je considère cette idée irréaliste et inacceptable.

Le PIB peut progresser, reculer ou demeurer stable. Si nous connaissons une forte croissance économique au cours des 10 prochaines années, l’atteinte de l’objectif de 2 % deviendra encore plus difficile et coûteuse. En revanche, si nous avons le malheur de vivre une récession, le pourcentage du PIB que représentent nos dépenses militaires pourrait augmenter sans qu’un dollar de plus ait été investi.

En quoi ce pourcentage est-il un moyen logique de mesurer les capacités et les contributions? De plus, à l’heure actuelle, seulement 5 des 29 pays membres de l’OTAN atteignent l’objectif de 2 %, qui est facultatif ou « ambitieux », comme le gouvernement Harper l’a déclaré après le dernier sommet au pays de Galles.

Au cours des cinq années pendant lesquelles j’ai occupé le poste de ministre de la Défense au sein du Cabinet Chrétien, je n’ai jamais estimé que l’objectif de 2 % du PIB était une façon appropriée de mesurer nos contributions à titre de membre de l’alliance.

Cela a été confirmé par Simon Lunn et Nicholas Williams, de hauts fonctionnaires de l’OTAN qui ont écrit ce qui suit : « Ces 2 % ne tiennent aucunement compte des hauts et des bas de l’économie. Ils sont vulnérables aux situations changeantes et aux pressions intérieures, à la fois sur le plan des besoins en matière de sécurité et de la base économique. Ils encouragent la comptabilité créative pour satisfaire les cibles. De plus, ils n’offrent aucune orientation quant aux capacités requises pour contrer les menaces et les difficultés auxquelles l’OTAN doit faire face. »

Si l’objectif de 2 % du PIB ne convient pas, qu’est-ce qui pourrait être utilisé?

Nous pourrions, par exemple, mesurer les dépenses par habitant, auquel cas le Canada se classerait au septième rang des 29 pays membres. Ou nous pourrions calculer le pourcentage des dépenses fédérales, auquel cas le Canada se classerait au sixième rang. Dans les deux cas, nous dépassons la moyenne des pays membres de l’OTAN si l’on exclut les États-Unis, qui sont vraiment uniques en leur genre. En effet, ils engagent dans la défense plus de deux fois les dépenses combinées de tous les autres pays membres de l’OTAN.

Mieux encore, ne devrions-nous pas mesurer les extrants et les résultats plutôt que les pourcentages des intrants? Comme MM. Lunn et Williams le laissent entendre, la mesure qui importe devrait être fondée sur les capacités et les contributions.

En ce qui concerne les capacités, les membres des Forces canadiennes comptent parmi les meilleurs militaires au monde. Ils sont motivés, hautement qualifiés et prennent leur rôle à cœur. Nos alliés partout dans le monde le reconnaissent, y compris les militaires américains.

Nous ne sommes pas des trainards lorsque nous participons à des exercices interarmées ou lorsque nous contribuons à des missions multilatérales. Nous n’avons pas besoin de disposer de tous les équipements qui existent, puisque nous travaillons avec nos alliés, mais notre interopérabilité avec eux revêt une grande importance, car elle renforce les capacités de nos troupes.

En ce qui a trait aux équipements, l’OTAN souhaite que les pays membres modernisent leurs actifs, et le gouvernement a commencé à répondre à cette demande en augmentant le budget de la défense de cette année et des années à venir. Cet engagement est un véritable investissement dans les équipements de nos forces, un investissement qui n’est pas lié au PIB, mais qui rend plutôt compte des dépenses militaires actuelles et qui contribue, encore une fois, aux capacités de nos forces.

Dans le cadre de nos récentes contributions, nous avons, à l’instar de nos alliés de l’OTAN, envoyé des troupes et du matériel pour mener des opérations en Afghanistan, en Bosnie et au Kosovo, et, à l’heure actuelle, nous dirigeons une mission en Lettonie. De plus, en collaboration avec les Nations Unies, nos militaires s’en vont maintenant au Mali.

Nos forces armées devraient être mesurées en fonction de ces initiatives et d’autres capacités ou contributions aux conflits marquants de notre époque, et non en fonction d’un objectif aussi déficient qu’un critère financier lié au PIB.


Le sénateur Art Eggleton est président du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Il représente l’Ontario au Sénat.

Avis aux lecteurs : L’honorable Art Eggleton, C.P., est retraité du Sénat du Canada depuis septembre 2018. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.

 

Cet article a été publié le 11 juillet 2018 dans les journaux The Toronto Star et La Presse.

Le président Trump des États-Unis se plaint que le Canada et d’autres alliés n’investissent pas suffisamment dans leurs opérations militaires. Cela remet en cause l’objectif de l’OTAN qui stipule que chaque pays devrait consacrer 2 % de son produit intérieur brut (PIB) à la défense. 

Abstraction faite de la nouvelle idée ridicule de doubler cet objectif, un investissement correspondant à 2 % du PIB pose deux problèmes. Premièrement, il accroîtrait d’environ deux tiers les dépenses que le Canada engage dans la défense et, deuxièmement, ce pourcentage est une mauvaise façon de mesurer les capacités de nos forces et leurs contributions à l’OTAN.

Pour accroître de deux tiers ces dépenses, il serait nécessaire de hausser considérablement les impôts ou de réduire substantiellement d’autres programmes ou services gouvernementaux, dont les mesures d’aide sociale. Je considère cette idée irréaliste et inacceptable.

Le PIB peut progresser, reculer ou demeurer stable. Si nous connaissons une forte croissance économique au cours des 10 prochaines années, l’atteinte de l’objectif de 2 % deviendra encore plus difficile et coûteuse. En revanche, si nous avons le malheur de vivre une récession, le pourcentage du PIB que représentent nos dépenses militaires pourrait augmenter sans qu’un dollar de plus ait été investi.

En quoi ce pourcentage est-il un moyen logique de mesurer les capacités et les contributions? De plus, à l’heure actuelle, seulement 5 des 29 pays membres de l’OTAN atteignent l’objectif de 2 %, qui est facultatif ou « ambitieux », comme le gouvernement Harper l’a déclaré après le dernier sommet au pays de Galles.

Au cours des cinq années pendant lesquelles j’ai occupé le poste de ministre de la Défense au sein du Cabinet Chrétien, je n’ai jamais estimé que l’objectif de 2 % du PIB était une façon appropriée de mesurer nos contributions à titre de membre de l’alliance.

Cela a été confirmé par Simon Lunn et Nicholas Williams, de hauts fonctionnaires de l’OTAN qui ont écrit ce qui suit : « Ces 2 % ne tiennent aucunement compte des hauts et des bas de l’économie. Ils sont vulnérables aux situations changeantes et aux pressions intérieures, à la fois sur le plan des besoins en matière de sécurité et de la base économique. Ils encouragent la comptabilité créative pour satisfaire les cibles. De plus, ils n’offrent aucune orientation quant aux capacités requises pour contrer les menaces et les difficultés auxquelles l’OTAN doit faire face. »

Si l’objectif de 2 % du PIB ne convient pas, qu’est-ce qui pourrait être utilisé?

Nous pourrions, par exemple, mesurer les dépenses par habitant, auquel cas le Canada se classerait au septième rang des 29 pays membres. Ou nous pourrions calculer le pourcentage des dépenses fédérales, auquel cas le Canada se classerait au sixième rang. Dans les deux cas, nous dépassons la moyenne des pays membres de l’OTAN si l’on exclut les États-Unis, qui sont vraiment uniques en leur genre. En effet, ils engagent dans la défense plus de deux fois les dépenses combinées de tous les autres pays membres de l’OTAN.

Mieux encore, ne devrions-nous pas mesurer les extrants et les résultats plutôt que les pourcentages des intrants? Comme MM. Lunn et Williams le laissent entendre, la mesure qui importe devrait être fondée sur les capacités et les contributions.

En ce qui concerne les capacités, les membres des Forces canadiennes comptent parmi les meilleurs militaires au monde. Ils sont motivés, hautement qualifiés et prennent leur rôle à cœur. Nos alliés partout dans le monde le reconnaissent, y compris les militaires américains.

Nous ne sommes pas des trainards lorsque nous participons à des exercices interarmées ou lorsque nous contribuons à des missions multilatérales. Nous n’avons pas besoin de disposer de tous les équipements qui existent, puisque nous travaillons avec nos alliés, mais notre interopérabilité avec eux revêt une grande importance, car elle renforce les capacités de nos troupes.

En ce qui a trait aux équipements, l’OTAN souhaite que les pays membres modernisent leurs actifs, et le gouvernement a commencé à répondre à cette demande en augmentant le budget de la défense de cette année et des années à venir. Cet engagement est un véritable investissement dans les équipements de nos forces, un investissement qui n’est pas lié au PIB, mais qui rend plutôt compte des dépenses militaires actuelles et qui contribue, encore une fois, aux capacités de nos forces.

Dans le cadre de nos récentes contributions, nous avons, à l’instar de nos alliés de l’OTAN, envoyé des troupes et du matériel pour mener des opérations en Afghanistan, en Bosnie et au Kosovo, et, à l’heure actuelle, nous dirigeons une mission en Lettonie. De plus, en collaboration avec les Nations Unies, nos militaires s’en vont maintenant au Mali.

Nos forces armées devraient être mesurées en fonction de ces initiatives et d’autres capacités ou contributions aux conflits marquants de notre époque, et non en fonction d’un objectif aussi déficient qu’un critère financier lié au PIB.


Le sénateur Art Eggleton est président du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Il représente l’Ontario au Sénat.

Avis aux lecteurs : L’honorable Art Eggleton, C.P., est retraité du Sénat du Canada depuis septembre 2018. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.

 

Cet article a été publié le 11 juillet 2018 dans les journaux The Toronto Star et La Presse.

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