Rencontre avec le sénateur David Wells
Même si le sénateur David Wells vit au niveau de la mer le long des côtes escarpées de Terre-Neuve-et-Labrador, il vise les hauteurs et la conquête des plus hauts sommets du monde, car il est un alpiniste de haute altitude. Il a gravi des monts dans les Andes, l’Himalaya et le Caucase russe. Lorsqu’il n’est pas « dans les nuages », il fait la promotion de ce qu’il appelle la « mise en valeur responsable des ressources » au Sénat, en puisant dans son expérience à titre d’ancien PDG adjoint de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers.
Le sénateur Wells a été nommé au Sénat le 25 janvier 2013.
Qui vous a transmis le désir et l’intérêt de participer à la vie publique?
L’inspiration ne m’est pas venue d’une personne en particulier, mais j’ai toujours été engagé dans ma communauté. J’ai passé beaucoup de temps à faire du bénévolat pour les Grands frères et grandes sœurs du Canada, j’ai siégé au conseil scolaire de l’école primaire que fréquentaient mes enfants, et j’ai été entraîneur de l’équipe de hockey mineur de mon fils. En devenant sénateur, je n’ai fait qu’élargir à l’échelle du pays ce désir de travailler au service de la communauté.
Pour les Grands frères et grandes sœurs, j’ai été le mentor d’un jeune homme abandonné par son père; j’étais alors dans la vingtaine. Cette expérience a été gratifiante autant pour moi que pour le garçon, en plus de lui être précieuse. C’était avant que j’aie mes propres enfants. J’ai de la difficulté à l’exprimer par des mots, mais je tire de cette expérience le sentiment du devoir accompli, en ayant contribué concrètement à ma communauté et à la société, que ce soit en allant au cinéma ou en pratiquant un sport dans un parc avec ce garçon. Je ne croyais pas que cette expérience m’habiterait aussi longtemps, mais j’en parle encore alors que je suis dans la cinquantaine.
Qu’est-ce que les Canadiens ignorent peut-être à votre sujet?
Il est fort possible que quelques personnes savent que je suis un alpiniste de haute altitude, mais ils ignorent probablement ce qui m’est arrivé lorsque j’ai gravi l’Aconcagua, en Argentine. C’est le plus haut sommet de l’Hémisphère occidental, qui culmine à près de 7 000 mètres. Je m’y suis attaqué avec une équipe composée d’alpinistes internationaux et de deux guides argentins qui devaient nous montrer la voie. Nos deux guides sont toutefois tombés malades au milieu de l’ascension de cette gigantesque montagne, et ils sont redescendus – mais moi, j’ai continué vers le sommet!
Les guides avaient tous deux atteint le mal de l’altitude : l’un crachait du sang quand il toussait, et l’autre avait de violents maux de tête. C’est la principale raison qui oblige les alpinistes de haute altitude à rebrousser chemin. Quatre alpinistes du groupe sont également retournés au camp d’altitude; nous n’étions donc plus que trois. Comme j’étais le plus expérimenté, j’ai guidé le groupe jusqu’au sommet. Il n’y avait que moi, un alpiniste allemand, et un polonais. Nous avons mis sept heures à franchir de haute lutte les 300 derniers mètres. Il fallait escalader des rochers et de la glace, sans guide, à des températures à vous glacer le sang, battus par les vents les plus violents que vous puissiez imaginer. Il faisait probablement 30 degrés sous zéro. Il n’y a aucune garantie dans la vie d’un alpiniste, et cela fait partie du risque. Tout se ligue contre vous, qu’il s’agisse du temps, de la stabilité sous vos pieds, de votre équipement ou de votre corps.
Vous êtes donc à flanc de montagne, il fait un froid de canard, vous êtes entouré de rochers et de glace de toutes parts, et vos deux seuls guides rebroussent chemin. Pourquoi avez-vous continué l’ascension? La plupart des gens diraient que vous êtes fou.
Ils ont peut-être raison, mais je me sentais bien, mon équipement était en bon état. J’avais de l’eau, j’avais des barres protéinées. Je me sentais en pleine forme. Il y a quelque chose en vous qui vous motive. Vous avez toujours des pensées qui vous font douter, mais celles qui vous disent de continuer finissent par l’emporter. À un moment donné, j’ai glissé sur du roc désagrégé, je suis tombé sur mon coude gauche et j’ai fragmenté quelques os. Je n’ai jamais fait retirer ces éclats; je les sens donc dans mon coude chaque jour. C’est un rappel douloureux de cette ascension et des dangers qu’elle comporte.
Le sénateur David Wells lors de l’ascension du mont Bonete de 5 000 mètres, dans les Andes, en 2014; il s’agissait d’un entraînement en prévision de l’Aconcagua. Il apporte toujours des photos de ses fils, Luke et Alex, lors de ses escalades.
Le sénateur Wells a dû utiliser une corde fixe sur un passage formé de rochers et de glace de l’Aconcagua, à 6 960 mètres au-dessus du niveau de la mer dans les Andes argentines. « Il s’agit de la partie la plus périlleuse de l’ascension », a expliqué le sénateur.
J’avais hâte de redescendre la montagne; mais pour une raison quelconque, la journée me souriait et je me sentais fort. J’étais motivé à atteindre le sommet. J’ai assez de jugement pour rebrousser chemin quand je constate que je suis plus en danger que je ne l’étais ce jour-là, mais j’avais confiance. Tous les éléments étaient en ma faveur. Finalement, nous avons tous les trois atteint le sommet après 17 jours.
Le sénateur Wells a gravi l’Aconcagua en 2014 avec un groupe d’alpinistes internationaux. « C’est à cet endroit que la plupart des gens font demi-tour, dit‑il. Trente pour cent seulement de ceux qui tentent l’ascension de l’Aconcagua parviennent au sommet. »
Venons‑en à votre rôle au Sénat : vous avez participé à un certain nombre d’activités de rayonnement auprès des jeunes dans le cadre du programme S’ENgage, notamment la première simulation du Sénat. Pourquoi est‑il important pour vous d’échanger avec les jeunes?
Le sénateur Wells effectue une présentation devant les participants de la toute première simulation du Sénat, en janvier 2020, au cours de laquelle des étudiants ont débattu de projets de loi, ont découvert la procédure parlementaire et ont exploré divers enjeux.
Cela me permet de garder les pieds sur terre. Je travaille toute la journée avec des sénateurs, des ministres ou d’autres députés, ou des diplomates — mais quand vous côtoyez des jeunes, vous voyez leur enthousiasme. Je prends vraiment plaisir à leur expliquer mon rôle, parce que je sais qu’ils apprennent quelque chose. Voilà une partie de l’explication. Et tout comme pour les Grands frères et grandes sœurs, j’en profite autant qu’eux.
Je pense qu’il y a un manque général d’instruction civique — le Sénat est important parce qu’il fait contrepoids au pouvoir exécutif. Il est bon de le rappeler à la population. Regardez les pays dans lesquels ce contrepoids n’existe pas : ce sont des dictatures ou des États à parti unique. Au Canada, le Sénat exerce cette fonction de remise en question, tout comme le fait l’opposition officielle. Sans fonction de remise en question publique et organisée du pouvoir de l’exécutif, il y a moins de reddition de comptes, moins de transparence et moins de tous ces éléments qui font du Canada un pays formidable.
À quels efforts législatifs ou travaux de comité êtes-vous le plus fier d’avoir participé?
Le projet de loi C-48, la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, a été adopté à une époque où les pétroliers ne circulaient pas le long de la côte nord de la Colombie-Britannique. Il s’agissait essentiellement d’une manière détournée de priver davantage le marché d’exportation du pétrole, l’une des plus grandes ressources naturelles du Canada. Cela désavantageait l’Alberta. Ici, à Terre-Neuve-et-Labrador, nous avons la baie Placentia, qui se trouve dans la partie sud de la province — des centaines de pétroliers entrent et sortent de cette baie chaque année. Il y a des traversiers, des usines de transformation de produits de la pêche, des installations d’aquaculture et une usine de transformation du nickel. De plus, c’est l’un des endroits du monde où le brouillard est le plus persistant. Alors, si des milliers de navires peuvent naviguer en toute sécurité et efficacement dans un environnement comme celui-là, pourquoi n’est‑ce pas faisable en Colombie-Britannique? Le littoral de la Colombie-Britannique est-il plus intact ou plus fragile que celui de Terre-Neuve-et-Labrador? Je ne crois pas. J’en ai parlé avec véhémence lorsque nous avons débattu du projet de loi C-48 à la Chambre, où j’ai utilisé l’exemple de la baie Placentia.
Dans le cadre de mon travail à l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers (en anglais seulement), j’ai pu voir très clairement de quelle manière une réglementation pourrait être mise en place pour garantir une sécurité maximale. Le Canada a été bâti grâce à ses ressources naturelles. Dans ma vie publique et au Sénat, je préconise activement la mise en valeur responsable des ressources. L’Office des hydrocarbures était chargé de la gestion des ressources, de la santé et de la sécurité, des questions environnementales et des retombées industrielles. Le fait de saisir comment la réglementation fonctionne pour stimuler l’activité commerciale m’a été très utile depuis que je suis sénateur, car je comprends très bien les règlements qui tirent leur autorité de la loi.
Pouvez-vous me nommer un trésor caché de votre région que les Canadiens gagneraient à découvrir?
Si vous arrivez à St. John’s par avion, vous n’avez qu’à conduire une dizaine de minutes et vous pouvez apercevoir le littoral le plus sauvage, battu par la mer haute et des vagues gigantesques, d’une beauté pittoresque ainsi que des sentiers de randonnée tout simplement magnifiques. Sur la côte est de Terre-Neuve-et-Labrador, nous avons un réseau de sentiers appelé East Coast Trail (en anglais seulement). Des randonneurs du monde entier y viennent pour en faire l’expérience. Vous marchez sur un sentier, à quelques mètres à peine du littoral accidenté et des plages sablonneuses et rocailleuses. Vous pouvez y planter une tente où vous le voulez ou presque. C’est un joyau caché parce que les gens qui viennent à St. John’s restent dans la ville, mais en roulant quelques minutes en voiture, vous serez exposés à un panorama pratiquement vierge donnant sur l’Atlantique. Il y a des baleines, des oiseaux marins, des icebergs et des gens sympathiques. J’habite à environ 200 mètres de l’eau; je suis donc près du sentier.
Le sénateur Wells visite souvent l’East Coast Trail à Terre-Neuve-et-Labrador, près de sa résidence.
Pouvez-vous nommer une chanson ou un album qui vous fait toujours sourire? Expliquez pourquoi.
Il y a un musicien de blues légendaire de St. John’s qui s’appelle Roger Howse. C’est un vieux joueur de blues traditionnel, un grand auteur-compositeur et un chanteur formidable. Je connais Roger. En fait, je lui ai décerné la médaille du Sénat du Canada pour le 150e anniversaire du Canada l’an dernier pour le remercier de sa contribution aux arts et à l’industrie de la musique, non seulement à Terre-Neuve-et-Labrador, mais dans tout le Canada. Il milite également pour la santé mentale. Je l’écoute depuis les années 1970, mais le titre de ma chanson préférée est « The Drifter » de son groupe, Ruff Ideas. C’est une chanson formidable et Roger figure habituellement dans mes listes d’écoute.
Quel est le dernier livre que vous avez recommandé à quelqu’un?
Le dernier livre que j’ai lu m’a été offert par ma femme, Ann, et a pour titre : The Newfoundland Journal of Aaron Thomas, 1794. Cet homme a traversé l’Atlantique en provenance de l’Angleterre à bord d’un navire en 1794, et il est resté ici jusqu’en 1795; ce n’est qu’une chronique de ce qu’il a fait pendant son séjour, une évocation des villages dans lesquels il s’est rendu, des gens qu’il a rencontrés et de ses allées et venues à St. John’s. Et aujourd’hui, je parcours les mêmes rues que cet homme dans les années 1700, bien qu’elles ne soient plus tout à fait pareilles aujourd’hui. J’ai récemment recommandé cet ouvrage à un membre d’un groupe Facebook consacré au St. John’s d’antan.
Quelle équipe de sport appuyez-vous?
Plus jeune, je jouais au rugby au niveau provincial et j’ai participé aux Jeux d’été du Canada en 1981, à Thunder Bay. J’ai joué pour les Swilers, une équipe de Terre-Neuve qui existe toujours; elle a été une des équipes fondatrices de ce sport dans la province. Je suis membre social du club de rugby, mais je ne joue plus. L’équipe est une véritable institution de la communauté et j’en suis un partisan actif depuis quelque 40 ans.
Pourquoi êtes-vous fier d’être Canadien?
Le Canada est le pays le plus formidable du monde sur toute la ligne. Nous jouissons de libertés, nous avons des responsabilités, les gens veulent venir y vivre. Pour ceux qui vivent ailleurs, le Canada est un phare. Toutefois, il nous reste du travail à faire pour qu’il le demeure. Nous sommes un pays formidable pour bien des raisons, mais nous ne devrions jamais le tenir pour acquis. Nous devons travailler sans cesse pour préserver ce qui rend le Canada extraordinaire.
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Même si le sénateur David Wells vit au niveau de la mer le long des côtes escarpées de Terre-Neuve-et-Labrador, il vise les hauteurs et la conquête des plus hauts sommets du monde, car il est un alpiniste de haute altitude. Il a gravi des monts dans les Andes, l’Himalaya et le Caucase russe. Lorsqu’il n’est pas « dans les nuages », il fait la promotion de ce qu’il appelle la « mise en valeur responsable des ressources » au Sénat, en puisant dans son expérience à titre d’ancien PDG adjoint de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers.
Le sénateur Wells a été nommé au Sénat le 25 janvier 2013.
Qui vous a transmis le désir et l’intérêt de participer à la vie publique?
L’inspiration ne m’est pas venue d’une personne en particulier, mais j’ai toujours été engagé dans ma communauté. J’ai passé beaucoup de temps à faire du bénévolat pour les Grands frères et grandes sœurs du Canada, j’ai siégé au conseil scolaire de l’école primaire que fréquentaient mes enfants, et j’ai été entraîneur de l’équipe de hockey mineur de mon fils. En devenant sénateur, je n’ai fait qu’élargir à l’échelle du pays ce désir de travailler au service de la communauté.
Pour les Grands frères et grandes sœurs, j’ai été le mentor d’un jeune homme abandonné par son père; j’étais alors dans la vingtaine. Cette expérience a été gratifiante autant pour moi que pour le garçon, en plus de lui être précieuse. C’était avant que j’aie mes propres enfants. J’ai de la difficulté à l’exprimer par des mots, mais je tire de cette expérience le sentiment du devoir accompli, en ayant contribué concrètement à ma communauté et à la société, que ce soit en allant au cinéma ou en pratiquant un sport dans un parc avec ce garçon. Je ne croyais pas que cette expérience m’habiterait aussi longtemps, mais j’en parle encore alors que je suis dans la cinquantaine.
Qu’est-ce que les Canadiens ignorent peut-être à votre sujet?
Il est fort possible que quelques personnes savent que je suis un alpiniste de haute altitude, mais ils ignorent probablement ce qui m’est arrivé lorsque j’ai gravi l’Aconcagua, en Argentine. C’est le plus haut sommet de l’Hémisphère occidental, qui culmine à près de 7 000 mètres. Je m’y suis attaqué avec une équipe composée d’alpinistes internationaux et de deux guides argentins qui devaient nous montrer la voie. Nos deux guides sont toutefois tombés malades au milieu de l’ascension de cette gigantesque montagne, et ils sont redescendus – mais moi, j’ai continué vers le sommet!
Les guides avaient tous deux atteint le mal de l’altitude : l’un crachait du sang quand il toussait, et l’autre avait de violents maux de tête. C’est la principale raison qui oblige les alpinistes de haute altitude à rebrousser chemin. Quatre alpinistes du groupe sont également retournés au camp d’altitude; nous n’étions donc plus que trois. Comme j’étais le plus expérimenté, j’ai guidé le groupe jusqu’au sommet. Il n’y avait que moi, un alpiniste allemand, et un polonais. Nous avons mis sept heures à franchir de haute lutte les 300 derniers mètres. Il fallait escalader des rochers et de la glace, sans guide, à des températures à vous glacer le sang, battus par les vents les plus violents que vous puissiez imaginer. Il faisait probablement 30 degrés sous zéro. Il n’y a aucune garantie dans la vie d’un alpiniste, et cela fait partie du risque. Tout se ligue contre vous, qu’il s’agisse du temps, de la stabilité sous vos pieds, de votre équipement ou de votre corps.
Vous êtes donc à flanc de montagne, il fait un froid de canard, vous êtes entouré de rochers et de glace de toutes parts, et vos deux seuls guides rebroussent chemin. Pourquoi avez-vous continué l’ascension? La plupart des gens diraient que vous êtes fou.
Ils ont peut-être raison, mais je me sentais bien, mon équipement était en bon état. J’avais de l’eau, j’avais des barres protéinées. Je me sentais en pleine forme. Il y a quelque chose en vous qui vous motive. Vous avez toujours des pensées qui vous font douter, mais celles qui vous disent de continuer finissent par l’emporter. À un moment donné, j’ai glissé sur du roc désagrégé, je suis tombé sur mon coude gauche et j’ai fragmenté quelques os. Je n’ai jamais fait retirer ces éclats; je les sens donc dans mon coude chaque jour. C’est un rappel douloureux de cette ascension et des dangers qu’elle comporte.
Le sénateur David Wells lors de l’ascension du mont Bonete de 5 000 mètres, dans les Andes, en 2014; il s’agissait d’un entraînement en prévision de l’Aconcagua. Il apporte toujours des photos de ses fils, Luke et Alex, lors de ses escalades.
Le sénateur Wells a dû utiliser une corde fixe sur un passage formé de rochers et de glace de l’Aconcagua, à 6 960 mètres au-dessus du niveau de la mer dans les Andes argentines. « Il s’agit de la partie la plus périlleuse de l’ascension », a expliqué le sénateur.
J’avais hâte de redescendre la montagne; mais pour une raison quelconque, la journée me souriait et je me sentais fort. J’étais motivé à atteindre le sommet. J’ai assez de jugement pour rebrousser chemin quand je constate que je suis plus en danger que je ne l’étais ce jour-là, mais j’avais confiance. Tous les éléments étaient en ma faveur. Finalement, nous avons tous les trois atteint le sommet après 17 jours.
Le sénateur Wells a gravi l’Aconcagua en 2014 avec un groupe d’alpinistes internationaux. « C’est à cet endroit que la plupart des gens font demi-tour, dit‑il. Trente pour cent seulement de ceux qui tentent l’ascension de l’Aconcagua parviennent au sommet. »
Venons‑en à votre rôle au Sénat : vous avez participé à un certain nombre d’activités de rayonnement auprès des jeunes dans le cadre du programme S’ENgage, notamment la première simulation du Sénat. Pourquoi est‑il important pour vous d’échanger avec les jeunes?
Le sénateur Wells effectue une présentation devant les participants de la toute première simulation du Sénat, en janvier 2020, au cours de laquelle des étudiants ont débattu de projets de loi, ont découvert la procédure parlementaire et ont exploré divers enjeux.
Cela me permet de garder les pieds sur terre. Je travaille toute la journée avec des sénateurs, des ministres ou d’autres députés, ou des diplomates — mais quand vous côtoyez des jeunes, vous voyez leur enthousiasme. Je prends vraiment plaisir à leur expliquer mon rôle, parce que je sais qu’ils apprennent quelque chose. Voilà une partie de l’explication. Et tout comme pour les Grands frères et grandes sœurs, j’en profite autant qu’eux.
Je pense qu’il y a un manque général d’instruction civique — le Sénat est important parce qu’il fait contrepoids au pouvoir exécutif. Il est bon de le rappeler à la population. Regardez les pays dans lesquels ce contrepoids n’existe pas : ce sont des dictatures ou des États à parti unique. Au Canada, le Sénat exerce cette fonction de remise en question, tout comme le fait l’opposition officielle. Sans fonction de remise en question publique et organisée du pouvoir de l’exécutif, il y a moins de reddition de comptes, moins de transparence et moins de tous ces éléments qui font du Canada un pays formidable.
À quels efforts législatifs ou travaux de comité êtes-vous le plus fier d’avoir participé?
Le projet de loi C-48, la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, a été adopté à une époque où les pétroliers ne circulaient pas le long de la côte nord de la Colombie-Britannique. Il s’agissait essentiellement d’une manière détournée de priver davantage le marché d’exportation du pétrole, l’une des plus grandes ressources naturelles du Canada. Cela désavantageait l’Alberta. Ici, à Terre-Neuve-et-Labrador, nous avons la baie Placentia, qui se trouve dans la partie sud de la province — des centaines de pétroliers entrent et sortent de cette baie chaque année. Il y a des traversiers, des usines de transformation de produits de la pêche, des installations d’aquaculture et une usine de transformation du nickel. De plus, c’est l’un des endroits du monde où le brouillard est le plus persistant. Alors, si des milliers de navires peuvent naviguer en toute sécurité et efficacement dans un environnement comme celui-là, pourquoi n’est‑ce pas faisable en Colombie-Britannique? Le littoral de la Colombie-Britannique est-il plus intact ou plus fragile que celui de Terre-Neuve-et-Labrador? Je ne crois pas. J’en ai parlé avec véhémence lorsque nous avons débattu du projet de loi C-48 à la Chambre, où j’ai utilisé l’exemple de la baie Placentia.
Dans le cadre de mon travail à l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers (en anglais seulement), j’ai pu voir très clairement de quelle manière une réglementation pourrait être mise en place pour garantir une sécurité maximale. Le Canada a été bâti grâce à ses ressources naturelles. Dans ma vie publique et au Sénat, je préconise activement la mise en valeur responsable des ressources. L’Office des hydrocarbures était chargé de la gestion des ressources, de la santé et de la sécurité, des questions environnementales et des retombées industrielles. Le fait de saisir comment la réglementation fonctionne pour stimuler l’activité commerciale m’a été très utile depuis que je suis sénateur, car je comprends très bien les règlements qui tirent leur autorité de la loi.
Pouvez-vous me nommer un trésor caché de votre région que les Canadiens gagneraient à découvrir?
Si vous arrivez à St. John’s par avion, vous n’avez qu’à conduire une dizaine de minutes et vous pouvez apercevoir le littoral le plus sauvage, battu par la mer haute et des vagues gigantesques, d’une beauté pittoresque ainsi que des sentiers de randonnée tout simplement magnifiques. Sur la côte est de Terre-Neuve-et-Labrador, nous avons un réseau de sentiers appelé East Coast Trail (en anglais seulement). Des randonneurs du monde entier y viennent pour en faire l’expérience. Vous marchez sur un sentier, à quelques mètres à peine du littoral accidenté et des plages sablonneuses et rocailleuses. Vous pouvez y planter une tente où vous le voulez ou presque. C’est un joyau caché parce que les gens qui viennent à St. John’s restent dans la ville, mais en roulant quelques minutes en voiture, vous serez exposés à un panorama pratiquement vierge donnant sur l’Atlantique. Il y a des baleines, des oiseaux marins, des icebergs et des gens sympathiques. J’habite à environ 200 mètres de l’eau; je suis donc près du sentier.
Le sénateur Wells visite souvent l’East Coast Trail à Terre-Neuve-et-Labrador, près de sa résidence.
Pouvez-vous nommer une chanson ou un album qui vous fait toujours sourire? Expliquez pourquoi.
Il y a un musicien de blues légendaire de St. John’s qui s’appelle Roger Howse. C’est un vieux joueur de blues traditionnel, un grand auteur-compositeur et un chanteur formidable. Je connais Roger. En fait, je lui ai décerné la médaille du Sénat du Canada pour le 150e anniversaire du Canada l’an dernier pour le remercier de sa contribution aux arts et à l’industrie de la musique, non seulement à Terre-Neuve-et-Labrador, mais dans tout le Canada. Il milite également pour la santé mentale. Je l’écoute depuis les années 1970, mais le titre de ma chanson préférée est « The Drifter » de son groupe, Ruff Ideas. C’est une chanson formidable et Roger figure habituellement dans mes listes d’écoute.
Quel est le dernier livre que vous avez recommandé à quelqu’un?
Le dernier livre que j’ai lu m’a été offert par ma femme, Ann, et a pour titre : The Newfoundland Journal of Aaron Thomas, 1794. Cet homme a traversé l’Atlantique en provenance de l’Angleterre à bord d’un navire en 1794, et il est resté ici jusqu’en 1795; ce n’est qu’une chronique de ce qu’il a fait pendant son séjour, une évocation des villages dans lesquels il s’est rendu, des gens qu’il a rencontrés et de ses allées et venues à St. John’s. Et aujourd’hui, je parcours les mêmes rues que cet homme dans les années 1700, bien qu’elles ne soient plus tout à fait pareilles aujourd’hui. J’ai récemment recommandé cet ouvrage à un membre d’un groupe Facebook consacré au St. John’s d’antan.
Quelle équipe de sport appuyez-vous?
Plus jeune, je jouais au rugby au niveau provincial et j’ai participé aux Jeux d’été du Canada en 1981, à Thunder Bay. J’ai joué pour les Swilers, une équipe de Terre-Neuve qui existe toujours; elle a été une des équipes fondatrices de ce sport dans la province. Je suis membre social du club de rugby, mais je ne joue plus. L’équipe est une véritable institution de la communauté et j’en suis un partisan actif depuis quelque 40 ans.
Pourquoi êtes-vous fier d’être Canadien?
Le Canada est le pays le plus formidable du monde sur toute la ligne. Nous jouissons de libertés, nous avons des responsabilités, les gens veulent venir y vivre. Pour ceux qui vivent ailleurs, le Canada est un phare. Toutefois, il nous reste du travail à faire pour qu’il le demeure. Nous sommes un pays formidable pour bien des raisons, mais nous ne devrions jamais le tenir pour acquis. Nous devons travailler sans cesse pour préserver ce qui rend le Canada extraordinaire.