Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 8 - Témoignages du 31 mars 1998
OTTAWA, le mardi 31 mars 1998
Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 heures, pour examiner la mise en oeuvre et l'application du Chapitre 1, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada et des lignes directrices qui s'y rapportent, soit les lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants.
Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: C'est la septième fois que nous nous réunissons au sujet des lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants. Notre premier témoin, ce matin, est Mme Elizabeth Beattie. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est d'une patience angélique! Elle était à la toute première séance, le 15 décembre dernier. Depuis lors, elle assiste à chacune de nos réunions. Elle a pris de copieuses notes. Elle a témoigné devant les comités parlementaires qui ont examiné le projet de loi C-41, durant la dernière législature. Elle nous a aussi envoyé de la documentation.
J'ajouterai qu'en tant que conjointe ayant la garde des enfants, elle s'intéresse tout particulièrement aux questions d'exécution de la loi ainsi qu'aux mesures fiscales qui s'appliquent aux nouveaux règlements en matière de divorce. Il ne faudrait pas croire pour autant qu'elle s'en tiendra à ces seuls sujets puisque, comme je l'ai déjà dit, elle est ici depuis le tout début et a entendu tous les témoins. Il me tarde certes de savoir ce qu'elle a à nous dire.
Madame Beattie, je vous souhaite à nouveau la bienvenue et je vous cède la parole.
Mme Elizabeth Beattie: C'est un réel plaisir pour moi d'être ici. Je vous remercie de m'avoir invitée.
Je suis ici à titre personnel, non pas en tant que porte-parole d'un groupe de femmes. Je représente mes enfants et, par extension, tous les enfants qui se trouvent dans la même situation.
Comme titres de compétence -- et le sénateur LeBreton l'appréciera peut-être à sa juste valeur -- , j'ai plus d'expérience sur le terrain qu'il n'est souhaitable en ce qui concerne les conjoints qui évitent délibérément de verser les aliments en changeant de province ou de pays alors qu'ils travaillent à leur compte ou sont à l'emploi du gouvernement fédéral ou des Nations Unies. C'est de ce genre de situation dont je veux vous parler.
Mon expérience se résume à certains chiffres: 15 ans d'efforts et 350 000 $ de frais juridiques; sept ministères fédéraux et trois corps de police mobilisés; deux procès lors desquels j'ai trouvé en face de moi le Procureur général du Canada; 40 ordonnances judiciaires relatives à l'exécution de la pension alimentaire; 14 citations pour outrage encore en vigueur, dont 10 pour des délits graves de nature non financière, comme le fait de ne pas se présenter en cour; un mandat d'arrestation et des accusations en instance au criminel; le passeport du contrevenant a été révoqué il y a trois ans, mais il n'a jamais pu être récupéré.
Les arriérés frisent les 500 000 $. Mes enfants ont grandi. De trois, cinq et huit ans, ils en ont maintenant 20, 23 et 25. Il n'y a pas d'actifs saisissables au Canada et, sans une aide véritable du gouvernement fédéral, nous avons peu de chances de percevoir un jour les arriérés. Le projet de loi C-41 ne nous a pas aidés.
Que je me trouve dans une pareille situation après avoir consacré autant de temps, d'efforts et d'argent est une nette condamnation du système. S'il y a un cas où il aurait fallu que le gouvernement fédéral prête main-forte, c'était bien le mien! Pourtant, je n'ai pas reçu d'aide. Les gouvernements tant conservateurs que libéraux nous ont laissé tomber.
Des amis m'appellent la «femme-orchestre», et c'est exactement ce que je suis.
L'opinion générale veut que, puisque l'exécution des lois est une responsabilité provinciale, elle ne peut être aussi une question d'ordre national. Je ne suis pas d'accord et, depuis six ans, je fais du lobbying en vue de convaincre le gouvernement fédéral d'assumer un rôle plus proactif. Je me suis souvent sentie seule dans cette lutte frustrante. Je crois avoir réalisé des gains, mais la partie est loin d'être gagnée.
On pourrait facilement rejeter mes recommandations du revers de la main sous prétexte que mon cas est unique. Il n'en est rien. Les cas de mon genre deviendront de plus en plus fréquents à mesure que s'accroît la mobilité sociale. Je fais appel à votre aide aujourd'hui pour attirer l'attention des décideurs sur notre sort.
Le projet de loi C-41 gravite en grande partie autour des lignes directrices, comme en font foi les témoignages que vous avez entendus jusqu'ici. Sauf votre respect, j'estime que le gouvernement a mis la charrue avant les boeufs. Tant et aussi longtemps qu'on n'appliquera pas la loi dans toute la mesure du possible, les meilleures lignes directrices risquent de demeurer sans effet.
Ce qu'il nous faut, c'est une stratégie d'application nationale et une norme pancanadienne. Il faut que le gouvernement fédéral joigne le geste à la parole, qu'il mette de l'ordre dans ses affaires et qu'il s'affirme, de manière officielle et sans ambiguïté, comme grand patron.
Dans un témoignage antérieur, Phil Epstein a déclaré à votre comité que le risque de perdre son permis de conduire ou son passeport incite indubitablement le parent qui ne verse pas l'aliment à le faire. Il a aussi affirmé que le gouvernement pouvait faire davantage dans le domaine de l'exécution des lois et qu'il devrait envisager la possibilité de mettre sur pied un programme national d'exécution en vue d'encourager davantage les conjoints à respecter les ordonnances alimentaires.
Il existe déjà, je crois, un modèle. Le sous-comité des droits de la personne et du développement international, qui relève du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes, vient d'achever l'examen de toute la question de l'enlèvement international d'enfants. Le sergent Oliver, du Bureau d'enregistrement des enfants disparus de la GRC, a déclaré, durant son témoignage, que:
[Le bureau] recourt à toutes les ressources à sa disposition, ce qui varie d'un pays à l'autre et en fonction de la difficulté des cas traités.
Au nombre des ressources en question, il a mentionné les groupes de services sociaux communautaires, les différents ordres de gouvernement ainsi qu'une multitude d'organismes internationaux. La batterie des instruments d'exécution comprend la médiation, le droit civil et criminel, l'extradition, la diplomatie, les opérations consulaires, les traités bilatéraux et la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants du 25 octobre 1980.
Malheureusement, le sous-comité n'a pas examiné un aspect qui est symétrique à l'enlèvement international d'enfants, soit le fait qu'une personne s'en aille à l'étranger pour éviter d'acquitter ses paiements de pension alimentaire. Pourtant, à la lecture des témoignages, il ne fait aucun doute que la plupart de ces questions, stratégies et problèmes s'appliquent à l'un comme à l'autre cas.
Dans mon cas, une collaboration interministérielle, une coordination de la politique et des opérations, ainsi que la multitude des leviers d'application entrant en jeu dans le cas des enlèvements d'enfants, m'auraient été bien utiles. Il ne faut pas considérer les enfants comme un bien. L'enlèvement et l'abandon doivent être poursuivis avec la même vigueur.
Je recommande que le Sous-comité des droits de la personne et du développement international examine la question de l'abandon international d'enfants, y compris la fuite à l'étranger pour éviter de verser l'aliment. Dans le cadre de cet examen, il faudrait qu'il s'arrête aux sanctions criminelles, aux politiques relatives aux passeports et aux opérations connexes, aux traités d'extradition et autres traités bilatéraux, aux conventions internationales et aux politiques tant du gouvernement fédéral que des Nations Unies en ce qui concerne les employés et ex-employés.
Onze des 12 recommandations qui figurent dans mon mémoire portent sur ces points. Durant mon témoignage, je me concentrerai surtout sur les recommandations relatives aux sanctions criminelles, aux conventions internationales, aux politiques des Nations Unies et à la saisie-arrêt des droits à pension fédérale.
Je recommande que le gouvernement fédéral criminalise le défaut délibéré de verser l'aliment et qu'il le punisse comme une infraction contre la personne. L'infraction s'appliquerait aux cas réfractaires et aux parents qui sont à l'étranger. On prévoirait la série habituelle de recours pratiques en remplacement de l'incarcération pour exiger la restitution des sommes impayées au titre des aliments pour enfants, entre autres la saisie du passeport, la nomination d'un syndic, l'obligation de se présenter mensuellement devant un fonctionnaire de la cour et le maintien uniquement des citations pour outrage.
Il s'agit là d'une nouvelle approche tout à fait conforme à la compétence du gouvernement fédéral, puisque ce dernier est investi d'une autorité constitutionnelle en matière de droit criminel et de nature interprovinciale et internationale et qu'il a en outre pour mandat d'intervenir pour assurer l'ordre public. Selon moi, les pensions alimentaires sont bel et bien une question d'ordre public.
Le projet C-41 s'est servi de la Loi sur le divorce pour encadrer les jugements fixant les pensions alimentaires pour enfants et fixer une norme nationale à leur sujet. L'inclusion d'une infraction pénale fournirait le cadre et la norme nationale indispensables à l'exécution sans empiéter sur les champs de compétence des provinces ou en diminuer la responsabilité. L'article proposé classerait le non-versement volontaire des pensions là où il appartient, c'est-à-dire au rang des cas graves comme l'abus, l'abandon et la négligence. Pour reprendre ce qu'a écrit un éditorialiste du Globe and Mail:
Il faudrait considérer le défaut délibéré de verser ces pensions comme le défaut de fournir à son enfant les objets de première nécessité. La société ne devrait pas le tolérer, et l'infraction devrait être punissable.
Dans les faits, l'article prévoirait trois éléments essentiels qui font actuellement défaut, soit un dissuasif puissant, de solides mesures d'incitation pour favoriser le versement des pensions impayées et, au besoin, une sanction ultime, de même qu'un mécanisme de sanction et d'application uniformes dans tout le Canada, qui pourrait permettre d'agir sur plusieurs plans.
Il aurait ceci de significatif pour les jeunes qu'il ferait preuve d'impartialité à la lumière du renforcement projeté des sanctions prévues dans la Loi sur les jeunes contrevenants. La justice nous dicte, si l'on prévoit sévir à l'égard des jeunes, de sévir aussi à l'égard des parents irresponsables qui, par ces agissements, contribuent à créer les «survivants blessés».
Le contrôle des passeports et les traités d'extradition font partie de cette nouvelle approche. Il en est question aux parties 3.1 et 3.2 de mon mémoire.
Des fonctionnaires du Manitoba et de la Saskatchewan m'ont appris que les mesures relatives aux passeports prévues dans le projet de loi C-41 ont permis d'imposer un règlement, dans les rares cas où on y a eu recours. Betty Ann Pottruff l'a confirmé dans son témoignage, il y a quelques semaines. C'est une bonne nouvelle, puisque mon cas a joué dans la décision de suspendre les passeports et que cette disposition a fait l'objet de bien des critiques.
Cependant, pour les cas intraitables, il faut renforcer la politique et les opérations fédérales en matière de passeports. À ce sujet, je vous renvoie aux quatre recommandations faites à la partie 3.1 de mon mémoire.
Je laisserai aussi au greffier une lettre que j'ai envoyée au Globe and Mail. J'y réponds au membre de votre comité selon lequel la disposition relative aux passeports est humiliante et draconienne.
J'ai recommandé que le gouvernement fédéral prêche en faveur de l'adoption d'une convention internationale sur l'abandon d'enfants semblable à la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. Ce n'est qu'après avoir terminé la rédaction de mon mémoire que j'ai appris l'existence de la convention de La Haye du 15 avril 1958 concernant la reconnaissance et l'exécution des décisions relatives aux obligations alimentaires à l'égard des enfants, dont je n'ai pas encore obtenu copie.
Le monde a beaucoup changé depuis 1958. Cette convention a certainement besoin d'être passée en revue. C'est au Canada que l'on doit la rédaction, en 1976, d'une première ébauche de convention de La Haye sur l'enlèvement d'enfants. Il conviendrait que le ministère des Affaires étrangères amorce un examen de la convention de 1958, dans le cadre d'un examen de l'abandon international d'enfants.
J'ai recommandé que le gouvernement fédéral insiste auprès des Nations Unies et de leurs organismes pour qu'ils resserrent les contrôles internes et la responsabilité comptable, surtout en ce qui concerne les compléments salariaux, les indemnités de personnes à charge et les indemnités pour frais d'études versés aux employés divorcés ou séparés n'ayant pas la garde de leurs enfants.
J'ai aussi recommandé que le gouvernement fédéral adopte des politiques visant à protéger les enfants relativement aux pensions alimentaires auxquelles ils ont droit, politiques prévoyant des saisies-arrêts sur les salaires et les retraites versés aux citoyens canadiens employés des Nations Unies et de leurs organismes.
Les Canadiens qui travaillent pour les Nations Unies perçoivent de généreux émoluments non imposés, en dollars US. De plus, ils ont droit à des compléments salariaux, à des indemnités de personnes à charge et à des indemnités pour frais d'études s'ils ont des enfants à charge.
Ces indemnités pour personnes à charge sont payables aux employés divorcés ou séparés même s'ils n'ont pas la garde de leurs enfants. Au moins un organisme verse ces indemnités même s'il est de notoriété publique que les ordonnances alimentaires ne sont pas exécutées. On ne devrait pas tolérer ces pratiques. Non seulement le parent ne verse-t-il pas l'aliment pour son enfant, mais en plus il s'enrichit. Ces indemnités peuvent représenter des dizaines de milliers de dollars US.
À cause des privilèges spéciaux et des immunités variées consentis aux fonctionnaires internationaux, il est quasiment impossible de faire exécuter les ordonnances alimentaires. Les Nations Unies et leurs organismes sont un refuge pour les débiteurs réfractaires. On ne devrait pas le tolérer, étant donné l'engagement public notoire pris par le gouvernement du Canada et les Nations Unies d'accorder la priorité aux enfants.
Il conviendrait donc que le ministre des Affaires étrangères lance certaines initiatives pour faire en sorte que les Canadiens employés par des organisations internationales comme les Nations Unies sont effectivement tenus de verser les pensions alimentaires qui leur échoient. Cela pourrait se faire par le biais de saisies-arrêts imposées sur les salaires et les prestations de retraite, en conformité avec les pratiques nationales de chaque pays.
Mon mémoire comporte deux recommandations qui ont directement trait à mes déboires personnels avec la bureaucratie fédérale, épreuve qui n'est pas encore terminée. Je suis de nature indépendante, de sorte que je ne demande pas facilement de l'aide. Aujourd'hui, je supplie votre comité d'exercer son influence collective en vue de m'aider et, partant, d'en aider d'autres comme moi.
En raison de circonstances spéciales, mon ex-conjoint défaillant a droit à un remboursement considérable d'impôt pour une année en particulier. Ce remboursement est frappé d'une ordonnance de saisie-arrêt, mais mon ex-conjoint n'a pas produit de déclaration de revenu pour cette année-là.
L'ex-ministre du Revenu national a reconnu qu'elle avait l'autorité d'exiger la production d'une déclaration, que le contribuable doive de l'impôt ou pas. Elle a admis que le ministère exige habituellement la production de ces déclarations seulement si le contribuable doit de l'argent au gouvernement. En janvier 1997, elle m'a informée que les fonctionnaires du ministère examinaient la question. Depuis lors, il y a eu un remaniement ministériel, et mes demandes en vue de savoir où en est cette question sont tombées dans l'oreille de sourds. Il en est question à la recommandation 4 de mon mémoire.
Je recommande de rédiger la loi de façon à, en dernier recours, permettre la saisie des crédits accumulés dans le RRFP pour que ceux-ci puissent être versés sous la forme d'une valeur de rachat forfaitaire à titre de règlement d'aliments impayés.
Les besoins d'un enfant sont immédiats. Ils ne peuvent pas être remis à plus tard. Quand les aliments ne sont pas versés, il faut que le parent ayant la charge de l'enfant puise dans ses économies personnelles, y compris dans son Régime enregistré d'épargne-retraite. Au nom de la justice, il convient d'obliger l'autre parent à puiser lui aussi dans ses ressources personnelles.
En 1996, le Manitoba et la Saskatchewan ont adopté des lois autorisant, en dernier recours, la saisie-arrêt des prestations de pension au titre de l'application des ordonnances alimentaires. Au Manitoba, le gouvernement peut saisir l'équivalent des sommes impayées et mettre une saisie-arrêt sur les futurs revenus de pension, sans plafonnement. En Saskatchewan, la saisie est limitée aux seuls comptes de pension inactifs.
La loi manitobaine a reçu l'appui de tous les partis, et les hauts fonctionnaires de cette province et de la Saskatchewan m'ont affirmé que ces lois se sont avérées très efficaces.
Dans mon cas, trois ordonnances ont été émises pour interdire au père de mes enfants de percevoir, de céder ou de manipuler de quelque façon ses crédits de pension ou même ses droits au Régime de pensions du Canada. Dans l'état actuel des choses, à moins que le gouvernement fédéral ne se fasse le complice de mon ex-conjoint en infraction aux ordonnances du tribunal -- et on ne m'a pas donné d'assurance à ce sujet -- , le capital accumulé dans le fonds de pensions ne sera jamais versé à personne.
L'adoption d'une loi autorisant la saisie-arrêt des crédits de pension et des droits au Régime de pensions du Canada permettrait de sortir de l'impasse. J'espérais voir un amendement en ce sens dans le projet de loi C-41. J'ai été très déçue.
En réponse à ma proposition, le président du Conseil du Trésor a invoqué des considérations d'ordre actuariel et administratif. Je vous ferai respectueusement remarquer que les conséquences de ma proposition sur le plan actuariel seraient insignifiantes. Tout cela est, en réalité, une question de volonté politique.
En mai 1996, le même ministre a défendu les généreux rachats d'emplois de fonctionnaires fédéraux en soutenant que c'était «le prix à payer pour assurer la stabilité et la paix sociales». Étant donné les conséquences du non-versement des pensions alimentaires sur la vie des enfants, on devrait considérer que le retrait de la protection accordée sur les pensions fédérales en cas du non-paiement des aliments est aussi un prix nécessaire à payer pour assurer la paix et la stabilité sociales.
Dans mon propre cas, un juge a écrit:
[...] les Canadiens à charge de celui qui fuit la responsabilité financière devraient avoir un accès plus immédiat et plus complet à l'argent auquel a droit ou pourrait avoir droit cette personne du gouvernement.
En fait, on a souvent permis d'effectuer des prélèvements dans les comptes de pension de la fonction publique, dans différentes circonstances, parfois avec transferts à des tiers. J'ai décrit ces précédents en détail dans mon mémoire.
De toute évidence, ce concept et la notion de valeur de rachat forfaitaire sont acceptés par le Conseil du Trésor pour les pensions des fonctionnaires fédéraux. Étant donné que le gouvernement prévoit remanier le Régime de pensions de la fonction publique, il semble qu'il serait maintenant opportun de donner suite à ma proposition.
Outre que ce serait une bonne chose pour tous les conjoints ayant la garde des enfants et subissant d'importants arriérés, la saisie-arrêt des crédits de pension conviendrait particulièrement bien aux conjoints ayant la garde, qui ont divorcé avant 1986, lorsque les pensions n'étaient pas considérées comme des biens et n'étaient pas prises en compte dans la disposition des biens. Ces conjoints ayant la garde n'ont nullement tiré avantage de la Loi sur le partage des prestations de retraite.
Pourquoi une telle inaction? Je dirais, avec tout le respect que je vous dois, que tout ceci ennuie les décideurs. Malgré toutes les fleurs de rhétorique, les pensions alimentaires ne sont toujours pas considérées comme un grave problème touchant les enfants et le gouvernement fédéral n'est pas prêt à poursuivre les fonctionnaires qui contreviennent aux ordonnances de pension alimentaire. Il faut également souligner qu'il existe un gros risque de conflit d'intérêts à cet égard.
On a souvent avancé ces dernières années que les enfants doivent passer en premier. L'exécution des pensions alimentaires représente le droit pour les enfants de passer en premier et c'est aux parents, à l'État et aux tribunaux que revient l'obligation d'accorder à ce droit toute l'importance qu'il mérite.
Le projet de loi C-41 a apporté quelques modifications importantes à la politique d'exécution des pensions alimentaires, mais une loi plus globale s'impose si l'on veut que les enfants passent effectivement en premier.
Ainsi se termine ma déclaration liminaire; je serais heureuse de répondre à vos questions, mais j'aimerais tout d'abord déposer trois documents qui se rapportent à mes propos.
Le premier est une lettre du directeur du Programme d'application des pensions alimentaires et des ordonnances de garde de la province du Manitoba à laquelle est joint un document sur la saisie-arrêt des crédits de pension aux fins de l'exécution des pensions alimentaires (ministère du Travail, Bulletin no 16.1 de la Commission des pensions). Il s'agit donc de la loi manitobaine.
Le deuxième document est une copie de la loi de la province de la Saskatchewan relative à la saisie-arrêt des crédits de pension.
Le troisième document que j'aimerais que vous annexiez à vos délibérations, si vous le voulez bien, est le témoignage que j'ai présenté au Comité des banques à propos du changement fiscal, que le sénateur Kirby a eu la gentillesse d'annexer au procès-verbal de la séance sur le projet de loi C-92. Je n'ai pas eu le temps de traiter de ce point, mais il s'agit là d'un document complet sur une question, à mon avis, fort importante. Je vous serais reconnaissante d'accepter d'annexer ces documents.
Le président: Très certainement; ils seront utiles aux membres du comité. Merci, madame Beattie.
Le sénateur LeBreton: Merci beaucoup d'avoir comparu devant nous, madame Beattie. Lorsque le projet de loi C-41 est entré en vigueur, quel en a été l'impact, si tant est qu'il y en ait eu un? Quel allait en être, selon vous, l'impact sur votre cas particulier, qui de toute évidence ressemble à beaucoup d'autres cas?
Mme Beattie: J'ai fait un grand nombre de recommandations au ministère de la Justice et aux divers autres ministères participant à la préparation du projet de loi. Deux d'entre elles sont particulièrement importantes. La première vise l'infraction criminelle, solution qui, à mon avis, est très importante dans les cas difficiles de fuite à l'étranger. Les ordonnances civiles ne sont pas reconnues au plan international. Je dois dire que dans mon cas personnel, ce n'est que lorsque j'ai réussi à porter des accusations au criminel, n'ayant rien à voir avec le non-versement de la pension alimentaire mais avec d'autres problèmes, que l'on a commencé à faire attention à moi. Ce n'est que lorsque j'ai porté des accusations au criminel que divers fonctionnaires se sont intéressés à mon cas. C'est une constatation assez triste.
La deuxième recommandation importante vise la saisie des crédits de pension; ce serait une solution de dernier recours. Je sais que cela se fait au Manitoba, ainsi que l'indique la lettre, lorsque le contrevenant est à l'extérieur de la province et qu'il ne reste que cette solution.
Le sénateur LeBreton: Peut-on dire que le projet de loi C-41 n'a pas vraiment fait de différence dans votre cas particulier?
Mme Beattie: Exactement, mais je ne crois pas que cette loi, au moment de sa rédaction, visait à régler la question de l'exécution. Je parie que si je n'avais pas tapé du poing sur la table, la suspension des passeports n'y serait pas prévue ni non plus la disposition mineure relative à la distraction de pensions.
Le sénateur LeBreton: Vous avez dit que l'ONU et ses organisations sont des refuges sûrs, ce qui m'a beaucoup intéressée. Avez-vous été contactée par les Nations Unies? N'avez-vous jamais reçu de réponse à ce que vous disiez? Les Nations Unies ont-elles fait quoi que ce soit?
Mme Beattie: Non. Cet homme est parti en 1985; nous avons écrit à tous les employés des Nations Unies, à tous les niveaux hiérarchiques.
Le président: Il est parti en 1985?
Mme Beattie: Il a quitté le Canada à l'occasion d'un échange de cadres de direction. Moi-même et mon avocat ont envoyé des lettres à tous les niveaux jusqu'à celui du directeur général sans jamais recevoir de réponse. Finalement, Stephen Lewis a accepté d'intervenir.
Le président: Lorsqu'il était ambassadeur?
Mme Beattie: Non, après, je crois, et en dehors de ses fonctions. Cela nous dérangeait énormément que quelqu'un puisse s'enrichir ainsi, que l'organisation versait ces indemnités tout en sachant que la pension alimentaire n'était pas versée, que les frais d'études n'étaient pas payés, et cetera. Stephen Lewis m'a signalé que le directeur général lui avait expliqué qu'ils étaient peu disposés à accuser un Canadien.
Nous avons appris depuis que tant qu'une ordonnance judiciaire relative à la pension alimentaire et aux frais d'études est en vigueur, les Nations Unies prennent pour acquis qu'elle est exécutée. Dans le cas contraire, c'est une affaire entre les conjoints et les Nations Unies ne s'en mêlent pas.
Le sénateur LeBreton: Elles ne s'en occupent tout simplement pas.
Mme Beattie: Effectivement, ce qui, à mon avis est tout à fait inacceptable.
Le sénateur LeBreton: Si je comprends bien, le revenu versé à ce particulier tient compte du fait qu'il a des enfants; par conséquent il profite financièrement d'avoir des enfants, même si vous-même ou vos enfants n'en tirez absolument aucun profit?
Mme Beattie: C'est particulièrement vrai dans le cas des frais d'études. La solution pour moi aurait été de ne pas inscrire mes enfants à un programme d'études, ce que je n'étais pas prête à faire.
Le sénateur LeBreton: Je suis heureuse que vous déposiez auprès du comité la loi du Manitoba et celle de la Saskatchewan. Le Manitoba semble être un peu plus avancé à ce sujet. Savez-vous comment tout cela fonctionne maintenant au Manitoba?
Mme Beattie: Je joins ici une lettre qui remonte déjà à une année, mais qui donne quelques statistiques valables en décembre 1996. Le Manitoba a émis 60 ordonnances et perçu près de 250 000 $, les paiements allant de 1 000 $ à près de 45 000 $.
Le sénateur LeBreton: Qu'est-ce que cela représente? Cela veut-il dire que ces 60 ordonnances sont exécutées? S'agit-il de réussites?
Mme Beattie: Il s'agit de 60 ordonnances qui ont permis de procéder à la saisie-arrêt de crédits de pension et de verser ces sommes. Au total, cela atteint 250 000 $, les paiements allant de 1 000 $ à près de 45 000 $.
Dans mon cas, si la pension était payée sous forme de somme forfaitaire, d'après mes calculs, elle s'élèverait à 100 000 $, voire même 200 000 $, en fonction de divers facteurs. Dans mon propre cas, indépendamment de la façon dont on ferait les calculs, les arriérés dépassent de beaucoup n'importe quelle somme forfaitaire.
Le sénateur LeBreton: Il existe donc un précédent prouvant que cela peut se faire.
Mme Beattie: J'avais espéré qu'au moment de sa comparution, Betty Ann Pottruff ferait mention de la loi de la Saskatchewan, car elle est très semblable. Elle m'a dit qu'elle avait indiqué au ministère de la Justice de cette province que la modification du projet de loi C-41 relative aux pensions était complètement inutile. Elle est peu importante et arrive trop tard, puisqu'elle n'intervient que lorsque le conjoint a 50 ans, qu'il est à la retraite, que le compte est inactif, et cetera.
<#00C2> l'heure actuelle, deux provinces ont pris des mesures énergiques comme solution de dernier recours. Si une solution ne marche pas, on passe à la suivante pour exercer davantage de pression.
C'est ce que l'on fait dans le cas d'enlèvement d'enfants. On sévit d'abord doucement avant d'alourdir progressivement les sanctions. Sans de telles dispositions, notamment la sanction criminelle, on offre la possibilité d'échappatoires. Ces hommes savent que les ordonnances civiles ne veulent absolument rien dire à l'étranger.
Le sénateur LeBreton: Une loi telle que celle-ci vise à aider les enfants. Vous n'êtes pas obligée de me répondre, mais pouvez-vous nous dire le genre d'impact que cette lutte constante a eu sur vos enfants? Ont-ils été en mesure -- grâce à vous essentiellement, j'en suis sûre -- de vivre normalement sans se laisser miner par ce problème?
Mme Beattie: Ce n'est que récemment, depuis qu'ils sont devenus adultes, qu'ils ont commencé à prendre pleinement conscience de ce qui s'est passé. Ils font preuve de beaucoup de maturité à ce sujet. C'est au niveau de l'estime de soi qu'ils ont été le plus affectés. Les enfants n'envisagent pas souvent ce problème sous l'angle financier, contrairement au conjoint qui a la garde; pour les enfants, il s'agit davantage d'une question d'estime de soi. Mes enfants savaient que leur père ne payait pas et qu'il avait quitté le pays. Nous avons eu beaucoup de chance parce que mes parents m'ont aidée; dans ce sens, il y a eu continuité dans leur vie, mais je dirais qu'en général, le conjoint qui a la garde ne bénéficie pas de ce genre d'appui et les enfants souffrent de la situation.
Dernièrement, mes enfants ont un autre point de vue; il s'agit pour eux maintenant d'une question de principe. Que nous obtenions l'argent ou non importe peu. Ce qu'ils veulent, par contre, c'est que l'on adopte des politiques pour que cela ne se reproduise plus, dans la mesure du possible. C'est pourquoi je me suis tenue à l'écart. Lorsque Betty Ann Pottruff a dit que la confiscation de quatre passeports avait donné des résultats, je l'ai dit à mes enfants en soulignant que cela n'avait peut-être pas marché dans notre cas, mais dans celui de quatre autres personnes, ce qui les a comblés d'aise.
Le sénateur LeBreton: Pour répondre à ce qui a été dit au sujet de l'humiliation que représente la saisie d'un passeport, je dirais qu'il faut aussi penser à ceux qui sont de l'autre côté de la barrière.
Le président: Ai-je bien compris que dans votre cas, le contrevenant était fonctionnaire fédéral et qu'il est maintenant détaché aux Nations Unies?
Mme Beattie: Il a travaillé pour les Nations Unies pendant près de 12 ans. Il n'était pas payé par le Canada, mais participait à un échange du Bureau du Conseil privé.
Le président: C'était un fonctionnaire fédéral?
Mme Beattie: C'était un fonctionnaire fédéral qui a pris congé pour travailler à l'OMS à Genève et qui, en fait, renouvelait son contrat tous les deux ans. Il ne travaille plus là-bas maintenant, mais, autant que je sache, il est toujours à l'étranger.
Le président: Il n'est pas au Canada. Selon vous, est-ce que les gouvernements fédéraux, au fil des ans, ont fait preuve de laxisme en ce qui concerne l'exécution d'ordonnances à l'endroit de leurs propres employés ou est-ce que la politique fédérale est simplement inadéquate, ou les deux?
Mme Beattie: Les deux, je crois. Si je m'en tiens aux contacts que nous avons eus avec le Bureau du Conseil privé, en mettant les choses au pire, je dirais que c'est toujours l'autre partie qui l'emporte. Je ne sais pas si c'est la même chose au tribunal, mais c'est certainement ce qui a été mon expérience. L'homme bien habillé est digne de confiance. Obtenir quelque crédibilité que ce soit a été pour moi une lutte incessante. Avec le gouvernement, c'était un peu les deux.
Le président: Vous êtes allée au tribunal pour demander une mesure de redressement; je crois que c'est l'expression juridique. Le procureur général du Canada s'y est opposé. Était-ce pour des motifs d'ordre constitutionnel? Quels étaient les motifs du procureur général?
Mme Beattie: Nous avons rencontré le vérificateur général pour la première fois, lorsque nous avons appris que cet homme essayait de transférer sa pension de fonctionnaire dans le régime des Nations Unies à New York. Les conséquences en auraient été désastreuses pour nous. Nous avons amené le gouvernement devant les tribunaux pour essayer, en fait, d'obtenir une injonction. Nous avions des ordonnances dans lesquelles les juges indiquaient que cet homme ne pouvait pas transférer sa pension; nous les avons envoyées au Conseil du Trésor en posant la question suivante: «Allez-vous respecter ces ordonnances?» On ne nous a pas donné de garantie, mais on nous a dit: «Si cet homme ne respecte pas l'ordonnance du tribunal, nous ne pouvons rien faire pour vous aider.» Cela m'a montré que s'il avait essayé de transférer sa pension, malgré ces ordonnances judiciaires, le gouvernement l'aurait laissé faire. Nous ne pouvions pas l'accepter et c'est pour cela que nous avons bloqué le gouvernement au tribunal au moment propice; c'est ce qui nous a permis d'empêcher que cela se produise.
Le président: Le tribunal est-il arrivé à une conclusion défavorable à l'endroit du gouvernement?
Mme Beattie: Non. Ce qui est arrivé, c'est que la motion a été suspendue et personne ne l'a jamais présentée de nouveau. Elle est toujours en suspens, juridiquement parlant. Se retrouvant dans une telle posture, le gouvernement n'a pas pu donner suite à sa demande, puisqu'une action était en instance. C'est comme cela que nous l'avons empêché. Nous n'aurions sinon jamais obtenu cette injonction.
Le président: Ce n'est pas permanent, n'est-ce pas? Il n'est plus avec les Nations Unies bien sûr?
Mme Beattie: Il a laissé passer sa chance.
Le président: Pour l'instant cependant, personne n'a réussi à contester leur droit légal de faire ce qu'ils se proposaient de faire, n'est-ce pas?
Mme Beattie: Voulez-vous parler du procureur général?
Le président: Je veux parler du gouvernement, du Conseil privé, du Conseil du Trésor.
Mme Beattie: Effectivement.
Le président: Autrement dit, d'après la loi actuelle, ils pourraient permettre à un contrevenant qui est sous le coup d'une ordonnance judiciaire de transférer ses prestations de pension dans le régime d'une organisation internationale?
Mme Beattie: Le mécanisme existe toujours. Je crois -- et c'est l'une de mes recommandations -- que le projet de loi C-41 prévoyait une légère modification dont l'effet pratique serait le suivant: si des arriérés sont enregistrés auprès du gouvernement et que quelqu'un essaye de se servir de cet accord de réciprocité, la somme forfaitaire qui normalement irait à New York fait l'objet d'une saisie-arrêt. Cette disposition existe, mais ne protège pas ceux qui se trouvent dans une situation comme la mienne. Dans mon cas particulier, les arriérés avant son départ étaient très peu élevés. Si des prestations de pension étaient versées, on pourrait envisager la possibilité de recouvrer les arriérés.
Le président: Où se trouve cette pension maintenant?
Mme Beattie: Nous pensons qu'elle est toujours là-bas, mais personne ne me l'a jamais dit.
Le président: Vous n'y avez pas accès?
Mme Beattie: Non.
Le président: Pourquoi?
Mme Beattie: Elle n'est pas versée et ne peut faire l'objet d'une saisie-arrêt tant qu'elle ne l'est pas. Comme je l'ai dit, trois ordonnances empêchent le versement. Nous avons dû faire un véritable noeud gordien. Le projet de loi C-41 ne m'a pas aidée, car je ne peux obtenir d'ordonnance qui déclencherait le versement. Même si je le faisais, le montant mensuel prévu ne vaut pas le coût que représente l'obtention d'une ordonnance. Il serait extrêmement difficile et coûteux d'obtenir l'ordonnance en question. Personne ne peut y avoir accès, à moins qu'une loi comme celle du Manitoba ne soit mise en place.
Le président: Vous dites que le montant n'est pas important.
Mme Beattie: S'il était versé sous forme de forfait, il s'agirait de 100 000 $ pour une dette de 500 000 $.
Le président: Y a-t-il d'autres sénateurs qui ont des questions à poser?
Le sénateur Maheu: J'aimerais comprendre ce que vous avez dit un peu plus tôt. Les autorités provinciales n'ont absolument aucun accord avec le gouvernement fédéral leur permettant de vous aider si, par exemple, votre ex-conjoint se trouve dans une autre province. Le gouvernement fédéral peut-il avoir accès de quelque façon que ce soit aux revenus dans ces provinces? Vous avez dit qu'il ne pouvait y avoir accès dans le cas de ceux qui se trouvent à l'étranger. Qu'en est-il de ceux qui se trouvent dans d'autres provinces?
Mme Beattie: Vous allez probablement vous rendre compte que les organismes d'exécution ne sont pas utiles pour ceux qui ont des problèmes «interprovinciaux». Mon ordonnance a été enregistrée très brièvement en Ontario, ce qui a causé encore plus de problèmes. Cela ne m'a absolument pas aidée, mais au contraire a créé davantage de difficultés. En ce qui concerne les ordonnances de réciprocité, les organismes sont très peu portés à s'occuper des cas difficiles, et préfèrent les plus faciles, car ils apparaissent ainsi dans leurs statistiques dans la colonne des succès. Ils ne s'occupent des cas difficiles que lorsqu'ils en ont le temps.
Les accords de réciprocité peuvent créer beaucoup de problèmes, car en cas de procédure d'exécution, on a habituellement tendance à essayer une poursuite modificative. Cette poursuite sera entendue non pas dans la province où vit l'enfant, mais dans l'autre province, si bien que cela entraîne de grosses difficultés.
J'ai appris que même s'il y avait accord de réciprocité entre l'Ontario et certains pays d'Europe et que j'essayais de faire exécuter le paiement, je me retrouverais avec une poursuite modificative en France; ensuite, mon ex-conjoint pourrait déménager en Suisse, si bien qu'il faudrait tout recommencer. C'est la raison pour laquelle il est vraiment important et plus efficace de ramener l'ex-conjoint d'une autre province ou d'un autre pays dans la province où vit l'enfant, puisque c'est là que les poursuites judiciaires ont été entamées.
Le sénateur Maheu: Il faudrait donc un traité d'extradition.
Mme Beattie: C'est exact. Dans une certaine mesure, la législation sur les passeports vise à rectifier ce problème, mais je crois qu'il faut mettre toutes les mesures disponibles en oeuvre, car d'après ce que j'ai compris du comité chargé d'examiner la question de l'enlèvement international d'enfants, il apparaît clairement que toutes les mesures disponibles doivent être mises en oeuvre en même temps en espérant que l'une d'elles donne les résultats escomptés.
Le sénateur Maheu: Je crois que l'Île-du-Prince-Édouard arrive à certains résultats grâce à la saisie-arrêt des permis et des passeports. Vous pourriez peut-être examiner la situation.
Mme Beattie: Pam Dunlop, directrice des mesures d'exécution du Manitoba, m'a indiqué que la menace de retrait du permis de conduire a été l'outil le plus efficace dans cette province. Cela se comprend. La menace de suspension du passeport vise en fait les cas plus difficiles.
Le sénateur Maheu: Comme le vôtre.
Mme Beattie: Oui, mais j'aurais agi différemment. Je ne crois pas que le gouvernement aurait dû renoncer à sa responsabilité en matière de passeports pour la confier aux organismes d'exécution. Il aurait dû la conserver, car maintenant la situation est assez floue.
Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, voulez-vous conclure? Malheureusement, deux membres de notre comité qui, comme vous avez pu l'observer, sont très actifs, comme d'autres d'ailleurs, ont dû s'absenter pour siéger au sein du comité mixte sur la garde et le droit de visite. Certains de nos membres ont un double mandat.
Mme Beattie: Permettez-moi de redire que j'aimerais vraiment voir adopter deux recommandations. La première vise l'infraction criminelle, car je pense que ce serait un élément de dissuasion qui en plus, ferait comprendre aux enfants que la question est prise au sérieux. Le Code criminel est ce qui nous permet de différencier le bien du mal.
Lorsque je m'adressais à la police ou à l'employeur, on me répondait: «Mais il n'a rien fait de mal». Le fait d'ajouter au Code criminel une telle infraction signifierait qu'il a fait quelque chose de mal et reconnaîtrait l'infraction réelle, soit le fait de ne pas subvenir aux besoins des enfants. Ce n'est pas une question d'argent entre conjoints, mais plutôt une question de responsabilité à l'égard des enfants.
Si nous en avons le temps, j'aimerais lire mes recommandations au sujet des modifications fiscales, car elles pourraient susciter quelques questions.
Le président: Oui, je les vois ici. Nous avons cinq minutes.
Mme Beattie: J'ai recommandé, tout d'abord, de conserver le régime actuel de la déduction et de l'inclusion si un seul régime fiscal doit être appliqué de façon généralisée. Vous pouvez voir que je ne suis pas d'accord avec le gouvernement à ce sujet et je souligne que j'ai une formation fiscale.
Deuxièmement, en guise de solution optimale, je recommande que la Loi de l'impôt sur le revenu soit modifiée de telle façon que le principe de la déduction et de l'inclusion soit la règle, sauf si une ordonnance, un jugement ou une entente écrite stipule qu'il ne faut pas appliquer les dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu relatives à la déduction et à l'inclusion; en d'autres termes, il faut un choix. L'ancien régime serait conservé, mais pour les rares personnes qui tireraient avantage du nouveau régime, ce serait possible en cas de jugement.
Il existe un précédent en matière de choix dans la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des paiements à des fins déterminées. Par exemple, si vous payez les frais de scolarité, habituellement ce n'est pas inclus dans le revenu du conjoint ayant la garde, mais si un juge rend une ordonnance indiquant que cela doit l'être ou va l'être, c'est ce qui se produira. Il existe donc déjà un précédent dans le domaine de la pension alimentaire à cet effet.
Ma troisième recommandation indiquait -- et c'est là que je m'oppose aux groupes d'hommes -- que toute décision de ne pas se prévaloir du régime actuel d'inclusion et de déduction -- et je dis «actuel» car j'ai écrit cette recommandation à ce moment-là -- soit laissée entre les mains du parent bénéficiaire ayant la garde des enfants, et qu'un tel choix fasse l'objet d'une forme de consentement éclairé. Si j'avance cet argument, c'est parce que, en vertu des nouvelles règles fiscales, ce sont les conjoints ayant la garde qui se retrouvent en mauvaise posture. À cause des lignes directrices, le fractionnement du revenu ne sera plus à l'avantage des conjoints n'ayant pas la garde contrairement à ce qui se passait sous l'ancien régime où les juges rendaient toutes sortes de décisions. Ce sont les conjoints ayant la garde et les enfants qui se retrouvent véritablement en mauvaise posture en raison du régime fiscal en place.
Si je parle de «consentement éclairé», c'est parce que les conséquences sont graves et que les conjoints ayant la garde n'en ont souvent pas conscience. J'ai parlé plus précisément des droits de cotisation au RÉER. Le consentement éclairé tire le gouvernement d'un mauvais pas, alors que lorsqu'on leur donne le choix, les parents sont coincés. En fait, beaucoup des conjoints ayant la garde se réveillent à un moment donné et se rendent compte qu'il aurait mieux valu qu'ils aient fait un choix différent; ils risquent alors d'accuser le ministre des Finances de ne pas les avoir prévenus.
Je propose dans ma quatrième recommandation que Revenu Canada révise ses documents d'information destinés aux parents seuls ainsi que ses services consultatifs pour faire en sorte que l'impôt paraisse moins intimidant aux parents ayant la charge d'enfants et, de façon générale, aux femmes. Si les femmes et les conjoints ayant la garde avaient été informés, je crois qu'ils se seraient rendu compte des avantages de l'ancien régime. Au bout d'une demi-heure d'explication que je donne à certains parents ayant la garde, ils me disent: «Je vois maintenant comment l'impôt peut finir par me rapporter davantage.» C'est un concept très difficile à comprendre.
Cela tombe à point nommé, puisque cette fin de semaine un article paru dans le Star révèle que les filles manquent de confiance face aux garçons et à l'argent. C'est très vrai. Les femmes ne sont pas élevées pour s'occuper d'argent. Je dois dire que pour ma part, lorsque j'ai divorcé, je n'y connaissais rien. J'ai appris à la dure tout ce que je sais de l'argent. J'ai découvert que le fait de pouvoir m'adresser à Revenu Canada sans me faire intimider, faire des investissements à la banque et remplir ma déclaration d'impôt me permettait de me prendre en charge et assurait mon autonomie. Je crois que le gouvernement n'a pas rempli ses responsabilités, mais qu'il a profité de l'ignorance des gens pour instaurer un régime qui ferait mal.
Le président: Avez-vous fini de lire ces recommandations? J'aimerais vous poser une question avant que vous ne partiez.
Mme Beattie: J'en ai deux autres; l'une vise les questions d'exécution; je recommande que le gouvernement mette en place un régime national d'avances de pensions alimentaires pour enfants. Cela faisait partie de l'Alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral et j'y tiens beaucoup, car c'est en quelque sorte une allocation familiale ciblée. Il s'agit de se servir du régime fiscal et de ce qui existe pour obtenir de l'argent du conjoint n'ayant pas la garde afin de le remettre au conjoint ayant la garde par l'entremise du régime fiscal. Je tiens particulièrement à cette recommandation, car c'est mon père qui a eu l'idée des allocations familiales et qui en a convaincu le premier ministre Mackenzie King. J'insiste là-dessus chaque fois que je le peux.
Afin d'éviter les problèmes de ce nouveau régime, j'ai enfin recommandé au gouvernement d'apporter une modification visant à permettre aux conjoints ayant la garde de déduire les frais juridiques engagés pour l'exécution, qu'ils englobent la pension alimentaire dans leur revenu ou non. Cela va complètement à l'encontre des règles fiscales et, dans un certain sens, un groupe gagnerait sur les deux tableaux, celui des conjoints ayant la garde et dont le revenu élevé oscille entre 60 000 $ et 75 000 $.
Le président: J'aimerais vous poser une question qui de toute évidence devrait nous intéresser. Je veux parler de ce que vous avez dit à propos du laxisme du gouvernement fédéral à l'égard de ses propres fonctionnaires. Je ne sais pas si nous aurons l'occasion -- ou s'il sera utile -- de convoquer un représentant du gouvernement fédéral -- je parle de la bureaucratie -- pour entendre ce qu'il a à dire à ce sujet. Si oui, pouvez-vous m'indiquer qui? Qui devrait comparaître devant ce comité pour débattre de ces questions? Pouvez me répondre en l'espace de 30 secondes et par ailleurs, quelles questions faudrait-il lui poser?
Mme Beattie: Je me ferais un plaisir de vous présenter quelques questions.
Le président: En ce qui concerne la politique.
Mme Beattie: J'irais au sommet de la hiérarchie.
Le président: Le secrétaire du Conseil du Trésor?
Mme Beattie: Le sous-ministre, à tout le moins.
Le président: Le sous-ministre de quoi?
Mme Beattie: Conseil du Trésor, Affaires étrangères, Revenu national, Finances, Justice.
Le président: Qui est responsable de la politique, est-ce le secrétaire du Conseil du Trésor pour ce qui est des fonctionnaires? Est-ce le sous-ministre du Conseil du Trésor ou quelqu'un d'autre? Nous pouvons tous les inviter, mais je ne sais pas s'ils se présenteront.
Mme Beattie: Le problème auquel je me suis heurtée -- et c'est la raison pour laquelle cela a pris 15 ans -- c'est que l'on ne peut pas trouver la personne responsable de la politique.
Le président: Nous nous lançons dans un processus à long terme. J'espère que note comité pourra faire quelques recommandations avant les vacances d'été. Les lignes directrices existent depuis mai dernier seulement. Nous devons faire un rapport et présenter peut-être quelques recommandations avant les vacances d'été. Sous réserve de ce qu'en pense le comité, bien entendu, je crois qu'il faudra revenir sur la question l'année prochaine à peu près à la même époque. Vous avez soulevé quelques questions fort importantes et nous les examinerons au moment voulu. Si nous n'avons pas l'occasion de parler à des bureaucrates avant les vacances d'été, nous pourrions peut-être le prévoir pour dans un an. Tant que cette législature se poursuit, notre comité a le mandat de surveiller la mise en oeuvre des lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants.
Merci beaucoup, madame Beattie; je suis sûr que nous vous rencontrerons de nouveau. Nous vous saurions gré de nous envoyer toute information que vous avez à propos de la politique à l'égard des fonctionnaires fédéraux et de sa mise en oeuvre par le gouvernement fédéral.
Mme Beattie: Une question vient tout de suite à l'esprit: le gouvernement fédéral doit-il respecter les ordonnances judiciaires des provinces? Par exemple, en cas d'injonction, le gouvernement reconnaît-il cette injonction ou est-il à part et non lié à quoi que ce soit?
Le président: Mettons cette question sur papier pour essayer d'en faire le suivi.
[Français]
Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir des représentants du Barreau du Québec. Il s'agit de Mme Suzanne Vadboncoeur, directrice du Service de recherche et de législation du Barreau du Québec et secrétaire du Comité du Barreau sur le droit de la famille; Mme Miriam Grassby, présidente du Comité du Barreau sur le droit de la famille; M. Jean-Marie Fortin, membre du Comité du Barreau sur le droit de la famille et M. Dominique Goubau, membre du Comité du Barreau sur le droit de la famille.
Mme Suzanne Vadboncoeur, directrice du Service de recherche et législation du Barreau du Québec et secrétaire du Comité du Barreau sur le droit de la famille: Monsieur le président, on nous a invités, comme représentants du Barreau du Québec, davantage pour parler du régime québécois des lignes directrices de pensions alimentaires pour enfants que pour parler des lignes directrices fédérales. Le comité du Sénat est intéressé à savoir comment fonctionne le système québécois et évidemment, la plupart des causes ou des dossiers au Québec, comme vous le savez, se voient appliquer les lignes directrices du Québec compte tenu que dans la très grande majorité des cas, les deux parents résident au Québec. Je vais vous résumer dans les grandes lignes le fonctionnement du régime québécois.
Il y a quelques années, le Québec a décidé d'élaborer ses propres règles de fixation de pensions alimentaires pour enfants. Les lignes directrices, que l'on trouve dans le Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants édicté par le décret 484-97 du 9 avril 1997, tirent leur fondement juridique de la Loi modifiant le Code civil du Québec et le Code de procédure civile relativement à la fixation des pensions alimentaires pour enfants, communément appelée la Loi 68.
Cette loi est entrée en vigueur, tout comme le Règlement d'ailleurs, le 1er mai 1997.
En vertu de cette loi, les lignes directrices québécoises s'appliquent à toute demande d'ordonnance alimentaire d'un parent à l'égard de son enfant mineur ou de son enfant majeur incapable d'assurer sa propre subsistance, que ce soit dans le cadre d'une séparation de corps, d'un divorce ou d'une union de fait. Les deux parents doivent toutefois résider au Québec, sans quoi ce sont les règles fédérales qui s'appliquent, et plus spécifiquement, la table de la province de résidence du parent payeur.
Le modèle québécois propose l'utilisation d'une table déterminant, à partir du revenu disponible des deux parents et du nombre d'enfants, la valeur de leur contribution alimentaire de base, à laquelle peuvent s'ajouter certains frais relatifs à l'enfant, soit les frais de garde, les frais d'études post-secondaires et les frais particuliers, en autant qu'ils soient considérés raisonnables dans les circonstances par le tribunal. Les frais particuliers visent notamment les frais médicaux ou ceux reliés à un programme éducatif d'études primaires ou secondaires ou à des activités parascolaires répondant aux besoins de l'enfant dictés par la situation particulière dans laquelle il se trouve. La pension alimentaire est ensuite déterminée en fonction de la proportion du revenu de chacun des parents par rapport au revenu familial global. La pension alimentaire est ensuite déterminée en fonction de la proportion du revenu de chacun des parents par rapport au revenu familial global, en fonction du type de garde envisagée, au Québec -- on a divers types de garde, soit la garde exclusive, partagée ou même les deux à la fois -- et, enfin, en fonction du temps que le parent non gardien entend consacrer à l'exercice de son droit d'accès. Si celui-ci se situe entre 20 p. 100 et 40 p. 100 du temps de garde, le parent non gardien bénéficiera de ce qu'on appelle un «droit de visite et de sortie prolongé» lui donnant droit à un ajustement à la baisse de la pension qu'il serait autrement appelé à payer.
Tous ces calculs sont effectués à partir d'un formulaire. C'est une des différences d'avec le régime fédéral à partir d'un formulaire qu'on retrouve en annexe I du règlement mentionné plus haut et que les parents ont l'obligation de remplir, conjointement ou séparément, aux termes de l'article 825.9 du Code de procédure civile. En vertu de cette disposition, la demande alimentaire non accompagnée du formulaire de fixation et des documents prescrits ne pourra pas être entendue par le tribunal, pas davantage que la contestation à cette demande si le défaut émane de la partie intimée.
Les parties peuvent convenir d'aliments d'une valeur différente de ce qui est prévu dans les lignes directrices; elles doivent alors énoncer dans leur entente les motifs de cet écart. Ceci leur est imposé par l'article 825.14 du Code de procédure civile ainsi que par la Partie 7 du formulaire en question. Le tribunal doit toutefois vérifier que ces aliments pourvoient suffisamment aux besoins des enfants. De même, le juge accordant les aliments qui ne correspondent pas à l'entente des parties ou, dans le cas d'une demande contestée, qui ne correspondent pas aux données inscrites par les parties au formulaire devra justifier sa décision en se rapportant aux rubriques pertinentes du formulaire.
L'un des motifs pour lesquels l'une des parties pourrait demander de s'écarter à la hausse ou à la baisse, du montant calculé conformément aux règles de fixation, repose sur le concept de «difficultés excessives» que l'on retrouve à l'article 587.2 du Code civil du Québec. En vertu du deuxième alinéa de cet article, le tribunal peut acquiescer à une telle demande s'il estime, donc à la hausse ou à la baisse par rapport aux montants fixés par les tables, que le maintien de la valeur des aliments telle qu'établie entraînerait pour ce parent des «difficultés excessives» dans les circonstances. Le législateur en énonce certains exemples: difficultés résultant d'obligations alimentaires assumées à l'endroit d'autres personnes que l'enfant, de dépenses reliées à l'exercice du droit d'accès ou encore de dettes «raisonnablement contractées pour les besoins familiaux». La valeur des actifs d'un parent ou des ressources dont dispose l'enfant peut également justifier le tribunal de s'écarter du montant établi par les règles.
Enfin le législateur québécois a choisi de privilégier les enfants par rapport au conjoint ou ex-conjoint. En effet, le premier alinéa de l'article 825.13 du Code de procédure civile édicté par la loi 68 énonce que:
Les aliments dus à l'enfant sont établis sans tenir compte, le cas échéant, des aliments réclamés par l'un des parents pour lui-même.
En outre, l'article 8 du Règlement précise que sauf dans les cas où les actifs du parent non gardien pourraient justifier un montant plus élevé, la pension alimentaire exigible d'un parent à l'égard de son enfant ne peut excéder 50 p. 100 de son revenu disponible. Ce qui est quand même assez considérable.
Les montants de la table que l'on retrouve à l'annexe II du Règlement seront indexés au 1er janvier de chaque année. J'ai apporté d'ailleurs le tableau d'indexation si cela vous intéresse. J'ai également une copie du Règlement en français et en anglais.
Au plan de la procédure, le formulaire qui, à certains égards, rappelle la déclaration annuelle de revenu comporte neuf parties dont une concerne l'état des revenus des parents, ce qui requiert évidemment que chaque parent dispose de renseignements précis sur sa situation financière. Quant à la définition de «revenu annuel» sur laquelle mon collègue Jean-Marie Fortin pourra revenir tantôt, elle se trouve à l'article 9 du Règlement. Enfin doivent être joints au formulaire le relevé de paie ou les états financiers selon que le parent est salarié ou travailleur autonome, de même qu'un état des revenus et dépenses relatif à l'immeuble s'il tire des revenus de loyers. Le parent doit annexer copie de ses déclarations d'impôt fédérale et provinciale ainsi que les avis de cotisation qui s'y rattachent pour la dernière année fiscale. Il doit en outre remplir la Partie 8 du formulaire qui dresse un état complet et détaillé de ses actifs et de ses dettes.
Précisons enfin que lorsque les renseignements qui figurent au formulaire ou dans les documents sont incomplets ou contestés, il est loisible au tribunal d'attribuer un revenu au parent dont l'exactitude des chiffres est ainsi mise en doute. Ceci lui est ouvert en vertu de l'article 825.12 du Code de procédure civile. Cela complète un tableau général du fonctionnement et des dispositions législatives et réglementaires applicables au régime québécois.
Mon collègue Dominique Goubau pourra compléter, notamment en ce qui concerne les différences fondamentales entre les deux régimes, celui des lignes directrices fédérales et québécoises.
Le président: Est-ce qu'un de vos collègues voudrait ajouter quelque chose à la déclaration?
M. Dominique Goubau, membre du Comité du Barreau sur le droit de la famille, Barreau du Québec: J'aimerais souligner quelques différences fondamentales entre le système québécois des règles de fixation de pensions alimentaires en vigueur depuis le 1er mai de l'année passée et les lignes directrices fédérales. Je ne parlerai pas de toutes les distinctions mais seulement des plus importantes qui font que le système québécois est fondamentalement différent.
Sur bien des aspects, les deux systèmes se ressemblent. J'insisterai sur ce qui les distingue.
La première distinction, et vous l'aurez compris de l'exposé de ma collègue Mme Vadboncoeur, c'est que le système québécois, de façon formelle, tient compte dans le calcul de la pension alimentaire des revenus des deux parents, aussi bien le parent gardien que le parent non gardien. Le système québécois, contrairement aux lignes directrices fédérales, n'est donc pas basé sur cette présomption selon laquelle le parent gardien utilise une part de son revenu qui est proportionnelle à ses capacités financières pour les fins des enfants.
On utilise les deux revenus, on les jumelle pour arriver à un montant dans la table et ensuite on fait une répartition proportionnée pour savoir ce que, précisément, le parent non gardien devra payer comme pension alimentaire. Il y a donc une prise en considération des deux revenus lorsqu'il y en a deux.
Évidemment, comme conséquence de cela, il y a une série de différences d'ordre procédural, par exemple la transmission de documents, et cetera, qui ne sont pas tout à fait les mêmes que dans les lignes directrices fédérales. Ce sont des détails qui sont des conséquences du principe premier que je viens d'énoncer.
La deuxième distinction de taille est la prise en considération de l'impact du temps de présence de l'enfant sur le montant de la pension alimentaire. Il y a dans les règles québécoises une notion qui n'existe pas dans les lignes directrices fédérales et c'est la notion de droit d'accès, droit de visite et de sortie prolongée. En ce sens que, indépendamment de la notion de garde, lorsque le parent qui n'a pas la garde exerce un droit de visite qui correspond à 20 p. 100 du temps de présence de l'enfant jusqu'à 40 p. 100, il y aura un impact sur la pension alimentaire. Il ne faut pas surestimer cet impact en ce sens que ce n'est que le pourcentage supérieur au 20 p. 100 qui sera utilisé pour diminuer la pension alimentaire. Par exemple, s'il y a un droit d'accès de 25 p. 100, l'impact maximum sur la pension alimentaire sera de 5 p. 100.
Cet impact ne porte que sur les besoins de base, que sur le montant de base établi par les tables, les mêmes tables que celles que l'on connaît au fédéral. Par conséquent, l'impact du temps de garde n'existe pas sur ce qu'on appelle les frais supplémentaires, c'est-à-dire les frais de garde, les frais parascolaires, les frais scolaires qui ne sont pas touchés par le temps de présence de l'enfant en ce qui concerne le parent non gardien. C'est une distinction qui est importante de garder à l'esprit quand on compare les deux systèmes.
Dans le document qu'on vous a transmis, le mémoire du Barreau sur le modèle québécois de fixation de pensions alimentaires pour enfants qui date du mois d'août 1996, il est question à différents endroits et plus précisément aux pages 7 et 8, de cet impact du partage de la garde et du temps de présence de l'enfant. À l'époque où ce document a été écrit, c'était une réaction du Barreau au premier projet de règlement québécois où l'on considérait que cet impact n'aurait lieu qu'entre 20 et 30 p. 100 de présence de l'enfant alors qu'aujourd'hui le règlement a été modifié et on a porté le 30 p. 100 à 40 p. 100. En d'autres mots, c'est à partir de 40 p. 100 du temps de présence de l'enfant que l'on va considérer qu'il s'agit d'une garde partagée, et c'est entre 20 et 40 p. 100 de droit d'accès que l'on va considérer qu'il y a un droit d'accès prolongé avec impact possible sur la pension alimentaire. Du 30 p. 100 on est passé à 40 p. 100, ce qui semblait beaucoup plus réaliste.
La troisième différence qui est peut-être plus apparente que réelle, mais je pense qu'il faut la souligner, c'est celle des difficultés excessives. Le système québécois connaît, comme les lignes directrices fédérales, une espèce de porte de sortie du système, une soupape de sécurité qui permet d'augmenter ou de diminuer la pension alimentaire selon qu'un des deux parents se trouve en situation de difficultés excessives. Il y a un certain de nombre de définitions de ce qu'est précisément ce type de situation de difficultés excessives.
Les lignes directrices fédérales ajoutent à cela que seul le parent qui est le moins favorisé économiquement ou dont le ménage ou le nouveau ménage est le moins favorisé économiquement pourra invoquer ces difficultés excessives. Il y a une espèce de chien de garde pour éviter que n'importe qui puisse évoquer n'importe quoi et mettre en danger le principe même du système de fixation de pensions alimentaires. Ce chien de garde n'existe pas dans les règles québécoises. Il n'y a pas cette idée de comparaison des niveaux de revenus, du niveau de vie des ménages. Et donc il n'y a théoriquement pas d'impact. Cela veut dire, théoriquement toujours, que le parent le plus nanti financièrement pourrait, malgré sa situation, demander et réclamer une diminution de la pension alimentaire en faisant état des difficultés excessives malgré le fait qu'économiquement il est plus favorisé que l'autre. Quand on analyse -- et cela fait maintenant bientôt un an -- les applications de ce principe par les tribunaux, on constate que sans l'inscription du principe de la comparaison des revenus dans les règlements québécois, les tribunaux ont tendance à l'appliquer tout de même. Ils ne le font pas de façon aussi rigoureuse ou mathématique qu'on le fait dans le cas des lignes directrices fédérales. La ligne fédérale prévoit un mode d'emploi de comparaison des revenus qui est assez complexe. Il n'existe pas au niveau québécois. Cela dit, les tribunaux ont tendance à être plus sévères à l'égard du parent le mieux nanti lorsqu'il prétend faire face à des difficultés excessives: les tribunaux seront plus enclins à accepter l'idée des difficultés excessives lorsque celles-ci sont évoquées par le parent le moins nanti. Il me semble que c'est l'évidence même sauf que le règlement québécois ne le prévoyait pas contrairement au système fédéral.
La dernière petite distinction, parmi d'autres que je voudrais souligner et elle a déjà été soulignée par Mme Vadboncoeur, c'est ce plafond de 50 p. 100 de la pension alimentaire, sauf exception, qui ne peut pas dépasser 50 p. 100 du revenu disponible du parent qui doit payer cette pension alimentaire. Il y a des exceptions pour les très hauts revenus. Il y a des exceptions lorsque le rapport entre les revenus d'un parent et ses avoirs, ses actifs et ses immeubles, est sans commune mesure. Dans un cas comme celui-là, un tribunal pourrait dépasser le 50 p. 100 et accorder une pension alimentaire au-delà du 50 p. 100 de revenu, compte tenu des actifs d'un parent.
Voilà ce qui distingue fondamentalement les règles québécoises des lignes directrices fédérales. Pour le reste, je pense que l'on peut dire que les deux systèmes se ressemblent sur bien des points.
[Traduction]
Le sénateur LeBreton: Ce qui me frappe, c'est que le calcul en fonction du revenu des deux parents est beaucoup plus sensé. Le régime que vous utilisez semble beaucoup plus humain.
[Français]
Le président: Excusez-moi, sénateur LeBreton, est-ce qu'il y a d'autres commentaires de la part des témoins avant de procéder?
M. Jean-Marie Fortin, membre, Comité du Barreau sur le droit de la famille: Peut-être à l'occasion de nos réponses aux questions, on pourra répondre ou ajouter certains commentaires sur la notion des revenus.
Mme Grassby: Me Goubau a parlé des différences importantes entre les deux systèmes. Par contre, je voudrais souligner qu'il y a des différences quant au montant des pensions alimentaires accordé. Pour les revenus inférieurs à 80 000 dollars, il n'y a pas tellement de différence lorsqu'on applique les deux systèmes. Au niveau des revenus de 80 000 dollars et plus, il peut y avoir des différences extrêmement importantes. Récemment, j'avais une cause où le père gagnait 198 000 dollars et la mère n'avait pas de revenus. En vertu des barèmes fédéraux indexés, monsieur devait payer pour ses enfants 1 410 dollars et en vertu des barèmes fédéraux, il aurait à payer 2 156 dollars. Il y a quand même un écart très important, soit plus de 640 dollars par mois.
Par exemple, si on rajoute à cela la situation où madame travaillerait et qu'elle gagnerait 50 000 dollars, selon les barèmes fédéraux, monsieur paie tant, et on présume que madame paie selon son niveau de revenu. En vertu des barèmes fédéraux, monsieur paierait encore 2 156 dollars si madame gagnait 50 000 dollars, et on présumerait que madame paie 630 dollars pour les enfants, pour un bassin d'argent de 2 786 dollars.
Au Québec, le montant inscrit dans les tables est le montant total que les parents doivent se partager pour les enfants. Si le père gagne 190 000 dollars et la mère 50 000 dollars, le père n'aura à payer que 1 281 dollars. Le bassin total d'argent présumé pour les enfants est de 1 560 dollars au lieu de 2 786 dollars.
Il y a quand même une différence importante à ces niveaux de revenus et on n'a pas encore commencé à en étudier les causes. On peut peut-être argumenter la difficulté excessive, mais c'est loin d'être clair. C'est un problème chez nous pour les enfants d'une famille dont les revenus sont dans la moyenne supérieure.
[Traduction]
Le sénateur LeBreton: Cela semble sensé, parce que si le conjoint ayant la garde a un revenu, il est évident qu'une partie de ce revenu va être utilisé à l'avantage de l'enfant. À mon avis, c'est beaucoup plus sensé.
Comment calculez-vous le temps passé par le conjoint n'ayant pas la garde et son effet sur les paiements qu'il doit faire? Quelle formule utilisez-vous? Vous avez parlé de 20 à 40 p. 100. Le conjoint ayant la garde a certaines dépenses constantes liées aux soins des enfants que peut-être n'a pas le conjoint n'ayant pas la garde. Comment expliquez-vous que la contribution du conjoint n'ayant pas la garde diminue par suite des 20 à 40 p. 100 du temps passé avec les enfants? J'aimerais savoir le genre de formule que vous utilisez ou comment vous le calculez.
[Français]
M. Goubau: Il y a deux éléments de réponse à cela. Le premier, comme je l'expliquais tantôt, est l'impact qui correspond au pourcentage supérieur au 20 p. 100. Ce pourcentage excédent, soit cinq, 6 ou 7 p. 100, sera appliqué en tenant compte de la proportion des revenus des deux parents. Quand on dit un droit d'accès de 25 p. 100, on va prendre 5 p. 100 mais c'est 5 p. 100 maximum en prenant pour acquis que le non gardien a 100 p. 100 des revenus. S'il n'a que 60 p. 100 des revenus, ce sera un impact sur sa pension alimentaire de 60 p. 100 du 5 p. 100.
Maintenant, cela n'enlève pas que les règles québécoises, tout comme les lignes directrices fédérales, prévoient que s'il y a d'autres frais exceptionnels reliés à l'exercice de ce droit d'accès, le parent non gardien peut en faire état au chapitre des difficultés excessives. C'est le cas dans les lignes directrices fédérales avec toutefois cette distinction qu'il n'aura pas à démontrer que son niveau de revenus est inférieur à celui du parent gardien. Il y a ce double aspect dans l'impact du temps.
[Traduction]
M. Fortin: Techniquement, cela se fait par la formule elle-même. Les calculs sont faits mathématiquement. Le problème dont est toujours saisi le tribunal, c'est de savoir comment calculer le temps que passe le conjoint n'ayant pas la garde avec son enfant. D'après la loi actuelle, il faut le calculer en jours, mais les tribunaux ont tendance maintenant à le calculer en heures. On peut arriver à plus ou moins 40 p. 100 du temps, si l'on fait le calcul des heures ou des jours. C'est le problème que nous avons au Québec; ce n'est pas un problème de calcul, puisque nous avons cette formule. Le problème est celui du calcul du temps lui-même; une fois qu'il sera réglé, il suffira d'appliquer la formule.
Le sénateur LeBreton: Le comité se demande comment on peut définir le temps passé avec les enfants. Comprend-il les heures de sommeil? Il est difficile de le calculer en temps réel.
Mme Grassby: Cela devient un peu plus compliqué au Québec, car non seulement y a-t-il la formule des 40 p. 100 du fédéral, mais si vous passez 22 p. 100 du temps avec l'enfant, vous avez une réduction de 2 p. 100. Dans de nombreux cas, cela fait l'objet de discussions et de négociations.
Je ne suis pas sûre que M. Goubau a traité de l'autre aspect du problème. Vous y avez d'ailleurs pensé, lorsque vous avez posé votre question. Le conjoint n'ayant pas la garde et qui s'occupe d'un enfant a quelques dépenses. S'il lui consacre plus de temps, il ne semble pas anormal qu'il y ait une réduction, mais cela ne signifie pas nécessairement que cela équivaut à une diminution des dépenses du conjoint ayant la garde. Par exemple, dans le cas où le conjoint n'ayant pas la garde s'occuperait de l'enfant 37 p. 100 du temps et obtient 17 p. 100 de réduction, il est impossible de savoir s'il paye 17 p. 100 du coût des vêtements ou 17 p. 100 du coût de certaines activités. Personne n'a trouvé de solution à ce problème, que ce soit dans le contexte de la garde partagée où le conjoint n'ayant pas la garde s'occupe de l'enfant plus de 40 p. 100, selon la formule fédérale ou provinciale. Ce problème n'a pas encore été résolu.
[Français]
Le sénateur Ferretti Barth: J'ai regardé les formulaires et c'est un casse-tête. Je pense que les parents qui ont le devoir de remplir un tel formulaire ont besoin d'un conseiller pour les aider. Cela vaut la peine de les regarder et de les simplifier parce que ceux qui vont remplir ces formulaires ne sont pas des professionnels. Je le trouve très compliqué.
Pourriez-vous m'expliquer de quelle façon on tient compte des revenus du parent gardien dans la formule en vigueur au Québec? Quelle est votre façon de procéder?
M. Fortin: Le revenu est défini dans la loi et une fois qu'il est calculé, on soustrait pour chacun des parents une somme de 9 000 dollars qui correspond à un montant en bas duquel on dit qu'un parent doit avoir à tout le moins une certaine somme d'argent pour lui avant de payer une pension alimentaire pour ses enfants.
Au fédéral, cet équivalent est dans la loi au niveau de la formule. Un parent qui au fédéral gagne moins de 6 000 dollars ne paiera pas de pension alimentaire.
Le sénateur Ferretti Barth: Qui va payer la pension alimentaire?
M. Fortin: Il n'y en aura pas de pension alimentaire.
Le sénateur Ferretti Barth: Alors c'est le gouvernement?
M. Fortin: Dans de tels cas, ce sont les gouvernements des provinces qui, avec les programmes de sécurité sociale, vont accorder des montants. Une fois qu'on a enlevé cette somme de 9 000 dollars des revenus imposables de chacun des deux parents, il y a deux autres déductions permises, contrairement à toutes les autres déductions selon les lignes directrices fédérales, ce sont les cotisations syndicales et les cotisations d'ordre professionnel. Une fois que ces montants sont fixés, on obtient ce que l'on appelle le revenu disponible de chacun des parents qui est additionné. C'est à partir du total qu'on trouvera dans la table le montant appelé la contribution parentale de base qu'on ramène dans la formule et après cela, on établit le pourcentage du revenu disponible des parents. Si madame gagne 40 000 dollars et monsieur 60 000 dollars, cela fera 40 p. 100 et 60 p. 100 sur un montant total de 100 000 dollars; 40 p. 100 de la contribution parentale de base doit être assumé par madame et 60 p. 100 doit être assumé par monsieur. Si la pension est de 10 000 dollars, madame doit assumer 4 000 dollars et monsieur doit assumer 6 000 dollars. Une fois qu'on a fait cet exercice, on vérifie le système de garde. Si madame a la garde exclusive de l'enfant, monsieur devra payer à madame 6 000 dollars.
Le sénateur Ferretti Barth: En plus?
M. Fortin: C'est cela qu'il paie. La table nous donne quel est le coût d'un enfant. Un enfant, dont les parents ont de tels revenus, a des besoins de 10 000 dollars. Quel montant chacun des deux parents doit-il assumer de ce 10 000 dollars? On prend le pourcentage du revenu des parents. Si madame a la garde des enfants, l'enfant coûte 10 000 dollars et elle doit en assumer 4 000. Si c'est madame qui a la garde exclusive de l'enfant, monsieur va payer à madame 6 000 dollars.
Le sénateur Ferretti Barth: Si la garde est partagée?
M. Fortin: Il y a un autre calcul mathématique à faire. L'année passée, j'ai fait le tour du Québec et j'ai donné des cours avant le premier mai sur les lignes directrices fédérales et provinciales. J'avais comme réflexe, quand on regardait le formulaire provincial de dire: au fédéral, c'est facile!
Cela fait un an que je travaille sur un logiciel canadien. J'ai conçu un logiciel, au Québec, qui fait le calcul du formulaire. Au fédéral, la notion de revenu est beaucoup plus complexe qu'au provincial. Les calculs sont encore plus compliqués. Si vous prenez les guides du ministère de la Justice et que vous regardez tout simplement certains calculs effectués, quand on tombe en contrainte excessive, ces calculs sont encore plus complexes. J'en suis à dire, un an après, que c'est facile au Québec. Vous avez une formule mathématiquement peut-être complexe à certains égards mais qui simplifie le travail du calcul.
En réponse à ce que le sénateur LeBreton mentionnait tout à l'heure, au Québec, le fait de regarder le revenu des deux parents équitablement est une approche beaucoup plus humaine et agréable. Elle conscientise davantage le fait que les deux parents doivent contribuer.
Le problème au Québec, et ma consoeur Mme Grassby l'a mentionné, est l'effet dans les tables. Les tables québécoises sont beaucoup plus basses non seulement dans les revenus très élevés, mais même dans les revenus très bas, il y a des écarts assez incroyables.
Si vous regardez notre mémoire à la page 11, j'avais préparé à l'époque un tableau, on voit d'énormes différences dans des situations analogues entre la table fédérale applicable au Québec et la table québécoise. On a une approche plus équitable mais quand on tombe dans les chiffres, par contre, le résultat au Québec est très différent.
Je le compense en disant qu'on a un fardeau de preuve moins difficile dans le cas des frais supplémentaires; dans le cas de la contrainte excessive, c'est peut-être où on peut se reprendre un petit peu, mais au Québec, le problème est le très bas niveau des tables. Quant à sa mécanique, un an après, je me suis rallié davantage au système québécois qui est plus simple. Il y a une formule qui paraît compliquée à la base mais elle n'est pas si compliquée.
Le sénateur Ferretti Barth: Je dois vous féliciter: le système au Québec est le meilleur. Il est plus humain, plus près des personnes qui ont des problèmes de ce genre.
Mme Grassby: Un des avantages, je ne sais pas si Me Fortin peut le dire, c'est qu'il a effectivement, en développant son logiciel, conçu un outil dont tout le monde se sert.
Lorsque madame le sénateur parle du fait que la formule semble compliquée, c'est vrai, sauf que c'est relativement facile de mettre les informations de base. Les avocats, les juges et les officiers de la cour travaillent avec ce document.
Dans une situation où les gens ont des salaires précis, il est très facile avec ce logiciel d'arriver au montant de pension alimentaire payable. Cela aide les gens. L'idée des barèmes est de rendre la chose facile. Avec le logiciel cela devient simple.
Il faut faire attention quand vous regardez les tables fédérales et provinciales, vous ne pouvez pas les lire ensemble. Au provincial, à 50 000 $ de revenu pour un enfant, c'est 6 090 $ et au fédéral, 50 000 $ de revenu représente à peu près 4 000 $ par année. Ce n'est pas la même chose. Au Québec, cela veut dire que pour des parents dont les revenus totaux sont de 50 000 $, c'est ce qui va se payer et même un petit peu au-delà de 50 000 $, à cause de la déduction de 9 000 $. C'est le montant total pour les enfants et on fait le pourcentage, tandis qu'au fédéral, ce n'est que la partie du parent non gardien. On doit rajouter le montant du parent gardien. On ne peut pas comparer les montants facilement.
Le président: Quant à la mise en application des lignes directrices et surtout de la détermination du revenu, un témoin a suggéré au comité il y a quelques semaines que les formulaires d'impôt soient accessibles aux agents provinciaux qui s'occupent de l'application. Cela soulève évidemment d'autres questions, telles que le droit à la vie privé. Est-ce que le Barreau du Québec a une opinion là-dessus?
M. Fortin: Au Québec, on a déjà un système de perception de pensions alimentaires assumé par le ministère du Revenu. Quand ce projet de loi a été présenté en 1995, une des grandes préoccupations du barreau -- surtout de la part d'un fiscaliste comme moi -- était justement l'intrusion du ministère du Revenu dans la vie privée à des fins autres que familiales. Au ministère du Revenu, on nous disait à l'époque qu'on allait créer une division spéciale pour la question des perceptions alimentaires. On s'est rendu compte par la suite qu'il n'y n'a pas de mur entre cette direction de la perception des pensions alimentaires du ministère du Revenu et le ministère du Revenu en soi. Alors l'intrusion du ministère du Revenu dans la vie privée existe déjà. Le ministère du Revenu s'occupe maintenant au Québec de la perception et du paiement des pensions alimentaires.
Ce système est en vigueur. Un contribuable ne peut pas appeler au ministère du Revenu et obtenir l'information sur l'autre contribuable qui est le conjoint ou futur ex-conjoint. Nous n'avons pas cet accès. Mais le ministère du Revenu a toutes les informations à ce niveau.
Le président: Un de nos collègues, le sénateur Jessiman, malheureusement n'est pas ici aujourd'hui. Il siège à un comité mixte sur la garde des enfants qui voyage à travers le pays avec plusieurs de nos collègues dont les sénateurs Pépin, Cools et Cohen.
Le sénateur Jessiman a écrit une lettre au sous-ministre de la Justice, dont j'ai envoyé copie il y a quelques minutes à Mme Vadboncoeur, dans laquelle il prétend que la définition de l'enfant du mariage, dans les lignes directrices va bien au-delà des termes de la Loi sur le divorce. Je comprendrais très bien si vous vous gardiez d'exprimer une position sur-le-champ à propos de cette question, mais avez-vous eu l'opportunité de lire cette lettre et quelle est votre opinion là-dessus?
M. Goubau: Je viens de prendre connaissance de cette lettre. Il est vrai qu'il y a une différence matérielle que je qualifierais de technique dans la description de la définition de l'enfant à charge dans les lignes directrices par rapport à la définition qu'on retrouve dans la Loi sur le divorce.
On pourrait y voir une porte ouverte à des demandes alimentaires de la part d'enfants majeurs ou en tout cas d'enfants majeurs qui ne sont au fond plus sous la garde ou qui ne sont plus à la charge du parent qui réclame ces aliments. Quand je lis tout ce qui a été écrit là-dessus par les auteurs ou dans la jurisprudence, il n'y a dans les milieux juridiques aucune hésitation à dire que la définition dans les lignes directrices renvoie précisément à ce qu'on a toujours su de ce qu'était un enfant à charge au sens de la Loi sur le divorce. La seule distinction qu'on a depuis le premier mai 1997 c'est qu'au lieu de parler d'un enfant de 16 ans, on parle d'un enfant de 18 ans. La notion définie dans les lignes directrices d'un enfant de plus de 18 ans, majeur, qui serait en situation de besoin et donc pourrait réclamer des aliments, renvoie de toute évidence à la notion d'enfant à charge telle qu'on l'a toujours connue, c'est-à-dire qui, à toutes fins pratiques, est à la charge du parent qui réclame des aliments pour cet enfant. À ma connaissance, tous les auteurs le comprennent de cette façon et je suis persuadé que les tribunaux vont l'interpréter ainsi. Si on arrive à la conclusion qu'un enfant majeur mais autonome des deux parents, c'est-à-dire qui vit de son côté, qui n'est plus à la charge d'un parent, puisse utiliser les lignes directrices ou la Loi sur le divorce pour réclamer des aliments, on aura un problème. Je vois assez mal qu'un tribunal puisse l'interpréter de cette façon.
Le sénateur Ferretti Barth: Est-ce que cette approche que vous venez de nous expliquer est généralement bien acceptée au Québec?
M. Goubau: Oui, cela reprend l'état du droit au Québec. Au Québec, la pension alimentaire est due entre parents en ligne directe, quelque soit l'âge. L'enfant de 20 ans peut, à des conditions plus restrictives qu'un enfant de 8 ans, réclamer des aliments de même que le parent peut en réclamer à son enfant et cela se voit. La définition de lignes directrices est l'extension de ce que l'on a vue dans la réforme de la Loi sur le divorce. Elle rejoint l'état du droit québécois sur la question.
Le sénateur Ferretti Barth: Comment se fait-il que l'on n'a pas reçu une copie de la lettre que le sénateur Jessiman a envoyée au ministère.
Le président: Il m'a fait parvenir une copie de sa lettre et il me fera plaisir de vous en remettre une copie.
La greffière: Elle a été envoyée avant que vous ne soyez membre du comité. Pour cette raison, vous ne l'avez pas reçue.
Le sénateur Ferretti Barth: Mais cela fait deux ou trois mois.
La greffière: Actuellement, je peux vous parler de cela après la réunion.
Le sénateur Ferretti Barth: Ce n'est pas correct que l'on parle de quelque chose que les membres du comité ne connaissent pas. Nous n'étions pas d'accord pour envoyer cette lettre. Je fais une recommandation, si vous permettez monsieur le président, de nous envoyer toutes les copies concernant les décisions de ce comité.
Le président: Vous n'êtes pas sans savoir la position de notre collègue le sénateur Jessiman là-dessus. Il l'a soulevée à maintes reprises devant le comité. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants ou d'autres questions?
M. Fortin: On a établi la responsabilité de la charge financière des enfants tant dans les lignes directrices fédérales que québécoises, mais on n'a jamais établi de lignes directrices quant à l'administration des besoins des enfants.
Dans une garde partagée, monsieur doit payer tant à madame, mais la garde des enfants sera à temps égal entre les deux parents. Il y a une différence de revenu et monsieur va donner tant à madame. Par contre les tables ont dit que l'enfant coûtait tant. On n'a pas dit qui va administrer ces sommes. C'est une source de discussions, de chicanes entre les personnes. Est-ce que l'on ne pourrait pas, en quelque part, indiquer jusqu'à un certain point qui est le parent qui doit voir à la gestion et à l'administration des besoins des enfants?
Par exemple, le père va dire: j'achète des souliers de course de 275 dollars à mon enfant. Madame va dire, moi je dois en payer la moitié, je ne suis pas d'accord. On a distingué -- au Québec on l'a fait de façon plus précise que dans les lignes directrices fédérales -- le partage des responsabilités financières ou des contributions des parents aux besoins des enfants mais on n'a pas dit qui est responsable de l'administration de ces dépenses. C'est un problème véritable qui, je pense, peut facilement être corrigé par une législation.
Si les parties ne s'entendent pas, le tribunal devrait fixer qui a la gestion administrative des besoins de l'enfant.
Le sénateur Ferretti Barth: Si madame a la garde des enfants, par exemple, cela veut dire que cette personne est capable d'administrer les besoins de l'enfant. C'est sous-entendu.
M. Fortin: Dans le cas d'une garde exclusive ou classique, cela se voit bien. Aussitôt que l'on tombe dans une garde où il y a un partage, surtout dans les lignes directrices fédérales, lorsque le temps dépasse 40 p. 100 et que l'on a une garde partagée, au Québec, entre 20 et 40 p. 100, on a une diminution. On présume que monsieur va assumer plus de dépenses. On n'a pas dit encore qui s'occupe de la dépense. Même si on dit qu'il y a des frais de garde qui doivent être ajoutés, qui paie les frais de garde? Est-ce nécessairement madame? Quand vous avez une garde partagée, est-ce monsieur qui paie les frais de garde de l'enfant à l'école quand il a l'enfant avec lui ou est-ce madame?
Mme Grassby: C'est le problème lorsque l'on baisse le niveau de pension alimentaire payée parce qu'il y a plus de temps de garde. On ne fait pas face à qui doit payer les frais, qui restent souvent les mêmes. Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites qu'on présume que le parent gardien est capable de gérer son budget. Si vous avez une garde partagée ou le parent non gardien dit: je paie 50 p. 100 de ce que je dois payer parce que 50 p. 100 du temps, je garde l'enfant, l'enfant lui a encore 100 p. 100 des dépenses. Un des parent dit: je n'achète pas de vêtements. Il n'y a pas d'ordre. Alors si l'enfant doit être vêtu, un parent doit tout payer et il ne peut pas réclamer la différence.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. La question des différences entre les lignes directrices du Québec et celles du gouvernement fédéral a été posée à plusieurs occasions et a suscité divers commentaires. Votre témoignage d'aujourd'hui a été extrêmement utile et je vous remercie de votre participation.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous nous réunissons demain à 15 h 30 pour poursuivre notre examen. Il est peu probable que je serai présent demain. Si le sénateur Kenny, vice-président suppléant, n'est pas en mesure de présider, le greffier vous guidera dans le processus du choix d'un président suppléant pour la séance de demain seulement.
La séance est levée.