La « nouvelle » OTAN et lévolution du maintien de la paix :
conséquences pour le Canada
Rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères
Président : Lhonorable Peter Stollery
Vice-présidente : Lhonorable Raynell Andreychuk
Septième rapport
Avril 2000
LISTE DES MEMBRES
Lhonorable Peter Stollery, président (depuis novembre 1999)
Lhonorable John B. Stewart, président (jusquen novembre 1999)
Lhonorable Raynell Andreychuk, vice-présidente
et
Les honorables sénateurs :
Norman Atkins | Consiglio DiNino |
Roch Bolduc | Jerahmiel Grafstein |
*Bernard Boudreau, c.p. (ou Dan Hays) | Rose-Marie Losier-Cool |
Pat Carney, c.p. | * John Lynch-Staunton (ou Noël Kinsella) |
Eymard G. Corbin | Nick Taylor |
Pierre De Bané, c.p. |
* Membres doffice
Les honorables sénateurs Beaudoin, Christensen, Finnerty, Forrestall, Graham, Johnson, Kenny, Lewis, Mahovlich, Meighen, Milne, Perry, Poy, Prudhomme, Robertson, Roche, Rompkey, Spivak et Whelan, faisaient partie du Comité ou ont participé aux travaux de la présente étude.
Line Gravel
Greffière du Comité
ORDRE DE RENVOI
Extrait des Journaux du Sénat du jeudi 2 mars 2000.
L'honorable sénateur Stollery propose, appuyé par l'honorable sénateur Cook,
Que par dérogation aux ordres adoptés par le Sénat le jeudi 14 octobre 1999, le mercredi 17 novembre 1999 et le jeudi 16 décembre 1999, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, autorisé à examiner pour en faire rapport les ramifications pour le Canada : 1. de la modification apportée au mandat de lOrganisation du Traité de lAtlantique Nord (OTAN) et au rôle du Canada dans lOTAN depuis la dissolution du pacte de Varsovie, de la fin de la guerre froide et de lentrée récente dans lOTAN de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque; et 2. du maintien de la paix, surtout la capacité du Canada dy participer sous les auspices de nimporte quel organisme international dont le Canada fait partie, soit habilité à présenter son rapport final au plus tard le 14 avril 2000;
Que le Comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final, et ce jusquau 28 avril 2000; et
Que le Comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.
La motion, mise aux voix, est adoptée.
Le greffier du Sénat
Paul Bélisle
Avant-propos
Lorsque la guerre froide a effectivement pris fin en 1989, lOTAN existait depuis quarante ans. Pendant toutes ces années, son rôle a consisté à protéger lEurope occidentale contre une possible agression des pays du Pacte de Varsovie. La menace se faisant désormais moins pressante, lAlliance a dû soudainement se trouver une nouvelle raison dêtre. Dès la fin des années 90, non seulement lOTAN sétait-elle donnée une nouvelle mission de maintien de la paix très différente de son rôle initial de défense collective, mais elle avait accueilli dans ses rangs certains de ses ex-adversaires. Ces changements correspondent à une transformation de ce qui constitue la principale menace à la sécurité mondiale. Depuis la fin de la guerre froide, les troubles internes et les guerres civiles ainsi que la menace pour la paix posée par le terrorisme et par les États parias sont devenus gravement préoccupants. De même, les motifs humanitaires retiennent beaucoup plus lattention lorsque vient le temps de justifier les interventions de lONU et même celles de lOTAN. Parallèlement, lUnion européenne a continué à prendre de lampleur en tant quentité politique et économique. Cest ainsi quest né le concept de lIdentité européenne de sécurité et de défense.
Dans ce contexte, le Sénat a adopté une résolution le 26 mars 1999 portant « que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à examiner pour en faire rapport les ramifications pour le Canada de la modification apportée au mandat de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et au rôle du Canada dans l'OTAN depuis la dissolution du pacte de Varsovie, la fin de la guerre froide et l'entrée récente dans l'OTAN de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque; et du maintien de la paix, surtout la capacité du Canada d'y participer sous les auspices de n'importe quel organisme international dont le Canada fait partie ».
Pour sacquitter de son mandat, le Comité a tenu des audiences à Ottawa de même quune série dentrevues dans les capitales européennes, au siège des Nations Unies à New York, et à Washington (D.C.). À cet égard, nous remercions tous les témoins pour leurs précieux conseils, et nous sommes particulièrement reconnaissants aux ambassadeurs du Canada en poste dans les villes où nous nous sommes rendus pour laide quils nous ont fournie et pour lappui précieux et éclairé de leur personnel.
De plus, nous avons été soutenus par un personnel de recherche compétent et diligent, notamment par MM. Peter Berg, Wolfgang Koerner, David Goetz et David Murphy, et avons bénéficié de laide inestimable de MM. Jim Mitchell et Nigel Chippindale, du Sussex Circle, pour la rédaction du rapport. Comme toujours, le Comité a pu compter sur la compétence du personnel du Bureau de la traduction, soit Mmes Dominique March, Marielle Papineau et Huguette Pellerin et M. Paul-André Gravelle, traducteurs, et Mme Yolande Guibord, réviseure. Enfin, nous sommes grandement redevables à la greffière du Comité, Mme Line Gravel, de son efficacité et de son soutien indéfectible ainsi que son adjointe administrative Louise Archambeault.
Lessentiel de létude a été menée sous la direction du sénateur John B. Stewart, ex-président du Comité. Même après sa retraite en novembre 1999, celui-ci a continué à nous faire profiter de ses précieux conseils. Son savoir et son dévouement exceptionnels manqueront au Comité.
Peter Stollery
président
Chapitre II : Le Canada et l« ancienne » OTAN
La nature de lOTAN durant la guerre froide
Lexpérience du Canada dans l« ancienne » OTAN
Conclusions
Chapitre III : La « nouvelle » OTAN
La fin de la guerre froide
Refaçonner lOTAN
Le nouveau concept stratégique
LOTAN et lUnion européenne
Lélargissement de lOTAN
Considérations futures pour le Canada et lOTAN
Conclusions et recommandations
Chapitre IV : La « nouvelle » OTAN Questions dordre juridique
La légalité des opérations « hors zone »
La légalité des opérations ne découlant pas de larticle 5
La légalité de lapproche unilatérale et les solutions de rechange
Conséquences globales
Conclusions et recommandations
Historique du conflit
La réaction de lOTAN : opération Force alliée
Les suites
Réflexions et considérations
Conclusions
Chapitre VI : La sécurité humaine et le nouveau maintien de la paix
Le Canada et le concept de sécurité humaine
Le nouveau maintien de la paix
Prendre la sécurité humaine comme point de départ de la politique
Conclusions et recommandations
Chapitre VII : LIdentité européenne de sécurité et de défense
Lévolution de lIESD
Un rôle permanent pour les États-Unis
Les conséquences pour le Canada
Conclusions et recommandations
Chapitre VIII :Le Parlement et les engagements militaires du Canada
Participation accrue du Canada aux opérations de lONU et de lOTAN
Le droit et la pratique au Canada
Comparaisons
La possibilité dun rôle accru pour le Parlement
Conclusions et recommandations
Chapitre IX : Le mot de la fin
La présente étude a été entreprise en avril1999 par le Comité sénatorial des affaires étrangères. Conformément au mandat qui lui avait été confié par le Sénat(1), le Comité sétait fixé deux objectifs qui peuvent brièvement se résumer de la façon suivante :
déterminer limpact du nouveau mandat et de la nouvelle composition de lOTAN sur le rôle du Canada au sein de lAlliance;
déterminer quel devrait être le rôle du Canada dans les futures missions de maintien de la paix sous légide de lONU ou de lOTAN.
Ces objectifs ont guidé le Comité tout au long de ses travaux, mais notre perception des enjeux a évolué au fur et à mesure que létude avançait.
Lorsque le Comité a commencé ses travaux, il était entendu quaucun examen approfondi de la politique du Canada à légard de lOTAN ne simposait. Avec ses 50 ans dexistence, lOTAN était lune des alliances les plus efficaces jamais formées pour la sécurité, et les mérites du maintien de la paix en tant que vocation de sécurité pour le Canada nous apparaissaient inattaquables.
Nos hypothèses peuvent sexpliquer en partie par le fait que le Canada a entrepris des examens importants de sa politique étrangère et de sa politique de défense il y a quelques années à peine. Ces examens ont été menés en 1993-1994 par deux comités mixtes spéciaux du Sénat et de la Chambre des communes, dont faisaient partie plusieurs de nos membres actuels. Dans lexamen de la défense, on ne remettait pas sérieusement en question la participation du Canada à lOTAN et, sauf pour une réduction de leffectif et quelques fermetures de bases et de quartiers généraux, le rôle des Forces canadiennes demeurait essentiellement inchangé. Du côté de la politique étrangère, on estimait en général quaprès leffondrement de lUnion soviétique, le Canada devait tendre la main aux anciennes républiques soviétiques et aux pays du Pacte de Varsovie. Cest pourquoi lon a axé les efforts davantage sur des notions plus générales de sécurité mondiale que sur la sécurité militaire et que lon a recommandé de maintenir la « tradition multilatérale » du Canada.
De plus, les événements en arrière-plan de notre étude actuelle nétaient pas encore entièrement compris à lépoque des deux examens en question. En fait, certains étaient tout juste en train de se dérouler, notamment les tristes expériences en Somalie et au Rwanda, qui sont dune importance toute particulière pour les Canadiens. On se souviendra que, dans le premier cas, des crimes avaient été commis par nos propres soldats, et dans le second, un commandant canadien compétent et bien intentionné navait pu disposer des pouvoirs et des ressources nécessaires pour mettre fin à un horrible massacre. Le premier événement suscitait des interrogations sur le commandement et le leadership dans les Forces canadiennes, le second révélait de graves lacunes, des incuries même, dans les institutions des Nations Unies.
Cela na pas empêché la plupart des Canadiens de continuer à croire au maintien de la paix et à y voir une mission toute indiquée pour les Forces armées canadiennes. Ainsi, aux yeux des Canadiens, le meurtre de Shidane Arone en Somalie est une tragique anomalie dans le comportement des troupes canadiennes. Quant aux événements du Rwanda, beaucoup y ont vu le résultat malheureux des actes dune institution internationale dépassée par une situation quelle ne pouvait ni prédire ni maîtriser.
Les événements des Balkans ont confirmé la principale leçon de ceux du Rwanda, soit que linertie bureaucratique, les priorités politiques divergentes et labsence de volonté politique peuvent être tout aussi meurtrières que nimporte quelle arme sur le champ de bataille(2). Contrairement à la situation du Rwanda, où les faits nous étaient communiqués au compte-gouttes, le « facteur CNN »(3) nous rendait immédiatement accessibles les conflits en Bosnie et au Kosovo, même sil ne permettait pas toujours de les comprendre. Le conflit au Kosovo, qui se déroulait au moment même où se tenaient les audiences, a suscité dimportantes prises de conscience chez les membres du Comité. Nous navions pas lintention de polariser les discussions sur le Kosovo, ni de traiter cette tragédie comme une étude de cas. Mais, en écoutant nos témoins et en préparant nos questions, nous avons adopté le Kosovo comme point de mire naturel.
Nous avons vite constaté que les rôles actuels de rétablissement de la paix et dimposition de la paix divergeaient complètement du rôle de maintien de la paix que le Canada défendait depuis des décennies(4). Cette dernière action suppose quil y a une paix à maintenir. Elle sous-entend quil existe une démarcation géographique entre les parties au conflit et quun règlement pourra être négocié lorsque les belligérants seront soit épuisés, soit dans une impasse. Les Nations Unies pourront alors sinterposer entre les factions avec leur consentement.
Mais ce nest pas du tout ce qui sest passé au Rwanda, en Somalie et dans les Balkans, où les Nations Unies sont intervenues pendant que le conflit faisait rage et sans le plein consentement de toutes les parties. En ex-Yougoslavie, il ny avait pas toujours de démarcation géographique entre les belligérants, et souvent, il était même difficile didentifier les acteurs politiques. En essayant de protéger les civils et dapporter une aide humanitaire, les forces de lONU sont entrées immanquablement en conflit avec ceux qui tentaient daccaparer le pouvoir ou de le conserver.
Par ailleurs, il nous fallait garder à lesprit que les rédacteurs de la Charte des Nations Unies voulaient avant tout empêcher les actes dagression dun État contre un autre. À lopposé, les conflits mondiaux daujourdhui sont dans une large mesure des guerres civiles, toujours plus difficiles à résoudre. Dans de telles situations, les préceptes de sécurité collective sur lesquels reposent à la fois lONU et lOTAN nont quune utilité limitée.
Ces dernières années, nous avons vu le concept du maintien de la paix se transformer, passant dun modèle classique de prévention des hostilités entre États (ou entre collectivités à lintérieur des États) à un effort plus ambitieux de protection des droits fondamentaux de la personne dans les situations de conflit. Ce nouveau concept de maintien de la paix repose dans une large mesure sur les principes de « sécurité humaine » et d « intervention humanitaire », qui sont eux-mêmes en pleine évolution. Ils ont dailleurs des implications importantes pour le Canada et pour son rôle dans le monde.
Lorsque nous nous sommes penchés sur ces points et sur dautres points connexes, les questions suivantes sont apparues comme les principales auxquelles il fallait répondre :
Dans le cas dune intervention du Canada, sous légide de lONU ou de lOTAN, dans le conflit intérieur dun État :
Quel rôle le Parlement devrait-il jouer dans la détermination de lapproche du Canada?
Quels critères devraient déterminer la participation du Canada?
Sous quelle égide le Canada devrait-il exiger que lintervention se fasse?
Quels sont les liens entre lOTAN et lONU?
Comment le Canada devrait-il envisager la « nouvelle » OTAN et lIdentité européenne de sécurité et de défense (IESD)?
Quelle incidence le concept de sécurité humaine a-t-il sur la politique étrangère du Canada?
Nous nous sommes rendu compte également que le contexte qui permettrait de répondre à ces questions était en constante évolution et que la politique était en train de se définir, explicitement ou de facto, au moment même où se déroulait notre étude. Nous avons constaté que, malgré la fin de la guerre froide, les engagements et la politique de défense du Canada jouent un rôle plus important que jamais dans la politique étrangère canadienne. En particulier, les nouveaux concepts liés à la sécurité humaine sont devenus primordiaux dans la politique de défense et la politique étrangère du Canada, et nous sommes devenus un chef de file dans ce domaine à léchelle internationale.
Le dernier discours du Trône, par exemple, précisait que : « Le gouvernement accordera une importance accrue à la sécurité humaine dans sa politique étrangère » et que « le gouvernement continuera ( ) de veiller à ce que les forces canadiennes soient en mesure dappuyer le rôle du Canada pour contribuer à la sécurité dans le monde ».
Ainsi, le nouveau concept de maintien de la paix prend de plus en plus dimportance dans lorientation de la politique étrangère du Canada. Il a une grande portée sur les relations traditionnelles de défense et de sécurité du Canada, notamment sur notre rôle actuel et futur au sein de lAlliance de lOTAN et aux Nations Unies.
Le Comité croit que le Sénat voudra examiner les répercussions que ces changements dans le monde et ces nouveaux concepts auront sur la politique canadienne.
À cette fin, et pour lexécution de son mandat, le Comité a examiné les points suivants :
les origines et lévolution du rôle du Canada à lOTAN jusquà la fin de la guerre froide;
la transformation de lOTAN dans les années 90 et les répercussions des nouveaux concepts stratégiques sur le rôle du Canada;
les aspects juridiques des nouveaux rôles de lOTAN, en particulier pour ce qui est des opérations incompatibles avec la perspective traditionnelle de la défense collective;
les événements qui sont survenus au Kosovo et les leçons à en tirer pour la « nouvelle » OTAN et le rôle quy joue le Canada;
les répercussions du passage des concepts traditionnels de la sécurité des États au nouveau concept de sécurité humaine;
lIdentité européenne de sécurité et de défense (IESD) et ses conséquences possibles pour le Canada et lAlliance;
le rôle du Sénat et de la Chambre des communes dans les engagements militaires du Canada à létranger et les façons de laméliorer.
À partir de là, le Comité a formulé les conclusions et les recommandations qui figurent dans les différents chapitres du présent rapport.
Les membres du Comité savent que certaines de leurs recommandations pourraient se révéler difficiles à mettre en uvre, compte tenu tant de la politique en vigueur que de la capacité du Canada de déployer des forces militaires en application de cette politique. Mais ils croient aussi que le Parlement doit absolument faire un examen attentif du nouvel environnement de sécurité et une évaluation honnête de la place quy occupe le Canada pour déterminer ce que ces nouvelles réalités devraient signifier pour la politique de défense et la politique étrangère du Canada.
Chapitre II : Le Canada et l« ancienne » OTAN
Pendant cinquante ans, lappartenance à lOTAN a été lun des piliers de la politique étrangère canadienne. Au cours des quarante premières années, lobjectif principal de lAlliance et de la contribution du Canada est demeuré le même, soit assurer la sécurité de lOccident en cas de confrontation avec les pays du Pacte de Varsovie.
La fin de la guerre froide a presque tout changé en ce qui concerne lOTAN et les autres aspects de la politique étrangère, comme nous lexpliquons au chapitre III. Mais tout dabord, il est important de revoir brièvement les origines de lOTAN et du rôle que le Canada y joue, en partie pour saisir limportance des changements survenus au cours des dix dernières années, et en partie également pour démontrer que « lancienne » organisation et ses objectifs ne sont pas complètement disparus, tout comme les préoccupations de vieille date concernant la contribution et la capacité dintervention militaire du Canada. Ce sont là des points qui seront examinés plus loin dans le présent rapport.
La nature de lOTAN durant la guerre froide
Le Traité de lAtlantique Nord a été signé initialement par 12 États membres à Washington, le 4 avril 1949. Quatre autres pays dEurope se sont joints à lAlliance entre 1952 et 1982, ce qui complétait la composition de « lancienne » OTAN.(5)
LOTAN est dabord et avant tout une alliance militaire. Pourtant elle est, et a toujours été, davantage quun simple accord de défense collectif au sein duquel les membres sengagent à sentraider si lun deux fait lobjet dune attaque. Cest aussi une alliance politique qui, non seulement, crée un lien entre différents pays autrefois adversaires, mais réunit dans le même giron lAmérique du Nord et lEurope occidentale. Et cest une communauté de valeurs et dobjectifs en faveur de la démocratie, de la liberté individuelle et de la règle de droit - les valeurs fondamentales de la civilisation occidentale.
Article 2 : Une vaste alliance
La portée de la doctrine de lAlliance est exprimée à larticle 2 du Traité de Washington, quon a fini par baptiser l« article canadien » :
Les parties contribueront au développement de relations internationales pacifiques et amicales en renforçant leurs libres institutions, en assurant une meilleure compréhension des principes sur lesquels ces institutions sont fondées et en développant les conditions propres à assurer la stabilité et le bien-être. Elles sefforceront déliminer toute opposition dans leurs politiques économiques internationales et encourageront la collaboration économique entre chacune dentre elles ou entre toutes.
Ainsi, même si les partisans canadiens de lOTAN reconnaissaient que le principal but explicite de lAlliance serait dassurer la défense collective, ils savaient quil faudrait y associer des objectifs politiques et économiques pour en assurer le succès.(6) Même au début, laspect politique prenait le pas sur laspect économique, étant donné quil y avait déjà le Plan Marshall pour aider à reconstruire lindustrie européenne.
Les thèmes de larticle 2, souvent réitérés en 1948 par le secrétaire dÉtat aux Affaires extérieures, Louis St-Laurent, ont été plus tard repris par le secrétaire dÉtat américain, Dean Acheson. Lors daudiences du Sénat américain sur le Traité de lAtlantique Nord en 1949, M. Acheson a fait valoir que « lidée maîtresse du traité nest pas statique » et que « le Traité de lAtlantique Nord est beaucoup plus quun dispositif de défense. Cest laffirmation de nos valeurs morales et spirituelles communes ». M. Acheson et dautres témoins gouvernementaux ont soutenu à ces audiences que ce quils proposaient différait grandement des alliances militaires passées.(7) En dautres occasions cependant, M. Acheson a affirmé que larticle 2 était « le moins essentiel ».
Le Traité différait des alliances militaires antérieures en ce quil reposait sur un appui déclaré en faveur de « la démocratie, la liberté individuelle et la primauté du droit »(8). Pour certains pays, dont le Canada, lélargissement du mandat de lOTAN par linclusion de larticle 2 était essentiel pour inciter les législateurs à entériner le traité. Inutile de dire que cest la menace soviétique, et non la persuasion morale, qui a finalement convaincu la plupart des signataires dadhérer à lAlliance. Pourtant, comme larticle 2 nengageait les signataires à aucune mesure précise, sa présence, semble-t-il, apportait quelque chose à chacun sans quil ne leur en coûte rien apparemment.
Article 5 : La défense collective
Larticle 5 du Traité de lAtlantique Nord concerne la défense collective(9). Les parties signataires y ont convenu qu« une attaque armée contre lune ou plusieurs dentre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties » et que chacune delles « assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et daccord avec les autres parties, telle action quelle jugera nécessaire, y compris lemploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de lAtlantique Nord ».(10)
On dit souvent de larticle 5 quil implique une riposte « automatique » de la part des États membres en cas dhostilités. Cette hypothèse ne correspond toutefois pas à une interprétation stricte. Toute action jugée nécessaire est en réalité « laissée à la discrétion de chaque partie, et la force armée nest perçue que comme une option possible »(11). Cest la façon dont les forces américaines ont été déployées en Europe qui a donné à larticle 5 son vrai sens. Au début des années 50, les États-Unis ont déployé des forces militaires et des armes nucléaires plus avant en Europe, surtout en Allemagne, faisant ainsi en sorte que toute attaque soviétique contre un allié de lOTAN soit immédiatement perçue comme une attaque contre les États-Unis.(12)
Les stratégies ont évolué au fil des ans, passant dabord de la menace de « riposte nucléaire massive » à une « riposte graduée ». Par contre, le déploiement de forces américaines est resté inchangé(13). Pendant de nombreuses années, comme il en est question ci-dessous, le Canada a beaucoup contribué à cette stratégie de déploiement.
À lissue de la Seconde Guerre mondiale, lalliance avec lUnion soviétique sest rapidement dissoute. Lors de nos audiences, des témoins nous ont rappelé que, derrière les inquiétudes grandissantes inspirées par les Soviétiques, se profilait le fait que les dirigeants occidentaux navaient pas tardé à constater que « lOrganisation des Nations Unies ne pouvait pas sacquitter de son mandat initial qui était dassurer leur sécurité collective contre des agressions internationales ». Le coup dÉtat de février 1948 en Tchécoslovaquie, le blocus de Berlin plus tard la même année et dautres affrontements Est-Ouest témoignant des ambitions belliqueuses de Moscou, sont venus renforcer cette conviction. Lune des fonctions de lOTAN consistait donc à faire en sorte que lAllemagne de lOuest demeure solidement liée à lalliance politique et militaire occidentale. Tout en étant conçue comme une organisation défensive, lOTAN devait ainsi assurer la sécurité collective « en poursuivant les mêmes objectifs politiques autant quen déployant des armes et des armées ».(14)
La création dun commandement militaire unifié qui ferait profiter la sécurité européenne à la fois des technologies et des pouvoirs militaires conventionnels, ainsi que du parapluie nucléaire des États-Unis a été dune importance particulière. Cela répondait à deux objectifs fondamentaux. Dabord, on établissait « le principe voulant quune agression soviétique contre des pays membres de lOTAN ne soit jamais considérée comme un incident isolé ou de portée locale ». Ensuite, « cela donnait aux pays dEurope occidentale la puissance militaire voulue pour résister aux pressions que lUnion soviétique pourrait exercer pour quils salignent avec elle-même sils nétaient pas occupés par des forces soviétiques ». La Finlande en est un bel exemple. Tout en étant un pays démocratique de caractère essentiellement occidental, elle se trouvait, vu la forte présence militaire soviétique à ses frontières, dans lorbite soviétique.(15)
Souplesse des arrangements de lOTAN
La simplicité du libellé et le manque de détails sont deux éléments importants du Traité de lAtlantique Nord. « Le Traité ne prévoit ni stratégie militaire précise, ni obligation de créer une structure bureaucratique ou une organisation militaire autre que le Conseil de lAtlantique Nord et un Comité de défense, tous les deux prévus par larticle 9 »(16). Le Traité offre donc une latitude considérable pour des réformes et des nouveaux mécanismes de coopération. Lintérêt national et linertie sont les seules choses qui limitent les possibilités de changement, pas le Traité.
Cette simplicité et ce manque de détails ont permis à lAlliance de se développer et de sadapter pour pouvoir atteindre ses objectifs. Aux dires de la plupart des observateurs, cest là lune des forces de lOrganisation. Cependant, labsence de règles formelles signifiait également que la direction de lOrganisation risquait dêtre dominée par ses membres les plus puissants et que les processus nétaient pas toujours aussi transparents que beaucoup le souhaitaient. La souplesse a permis à un petit groupe de faire comme il lentendait, alors que les autres (dont souvent le Canada) attendaient dans lantichambre quon les informe. Néanmoins, en travaillant avec des pays tels que le Portugal, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, le Canada a pu accroître son influence, surtout durant les premières années de lAccord atlantique.
La nature du processus de décision de lAlliance est devenue un sujet de préoccupation au cours de lenquête du Comité. Les membres du Comité ne sont toujours pas convaincus quil soit aussi démocratique et équitable quon le prétend. Ils en ont conclu que, dans une alliance démocratique formée de participants volontaires, il faudrait que chacun soit présent à la table lorsque de grandes décisions se discutent.
Lexpérience du Canada dans l« ancienne » OTAN
Selon le professeur Robert Bothwell, la participation du Canada à la création de lOTAN était motivée par trois grandes préoccupations : dabord, la nécessité « dentraîner les Américains dans une relation normale avec le reste du monde » afin dassujettir ce qui était devenu la puissance occidentale dominante aux contraintes des relations multilatérales; ensuite, le besoin de sécurité qui, en 1949, était dicté autant par des considérations idéologiques que militaires, la nécessité de freiner la montée du communisme étant lune delles; enfin, le désir détablir une grande diversité de liens politiques, économiques et culturels avec lEurope.(17)
Le Canada estimait également nécessaire de contribuer à maintenir lengagement des États-Unis en Europe à un moment où de fortes pressions sexerçaient en faveur dun retrait; en fait, les pressions isolationnistes daprès-guerre se sont aussi fait sentir au Canada. De même, le Canada était favorable à la création dune alliance qui allait lier solidement lAllemagne de lOuest en reconstruction aux trois grandes puissances occidentales, à savoir les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France.
Le Canada a participé activement, dès le départ, tant à la défense de lEurope occidentale quà la projection dune vision atlantiste. Au cours des premières années de lAlliance, sa contribution militaire à la sécurité européenne a été considérable. Plus fort économiquement, le Canada était devenu, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, une grande puissance militaire. On nous attribuait « une obligation de défendre lEurope de lOuest qui dépassait même celle des Européens, auxquels on ne pouvait guère demander plus que de se défendre eux-mêmes et de défendre leur entourage immédiat pendant la première décennie de lAlliance ». Nous avons accepté cette obligation en prenant la résolution, comme les Américains, dassumer la responsabilité non seulement de notre propre défense, mais den étendre le « parapluie » à nos alliés européens. Notre présence militaire en Europe en est venue à prendre une grande importance politique et opérationnelle.(18)
En 1953, le Canada affectait plus de 8 % de son PIB à la défense, ce qui représentait un accroissement énorme par rapport à 1,4 % en 1947. Pendant la dernière année de la guerre de Corée, le ratio du budget de la défense par rapport au PIB plaçait le Canada au 4e rang des pays membres de lOTAN. Le budget de la défense représentait alors 45 % de toutes les dépenses fédérales. Par surcroît, le Canada maintenait un Programme dentraide pour lEurope grâce auquel, par exemple, la Grande-Bretagne pouvait disposer davions de combat avancés, des F-86 Sabre. À partir de 1951, les Forces canadiennes déployées en Europe comprenaient un groupe-brigade bien équipé et une division aérienne qui a fini par compter 12 escadrilles comprenant 240 aéronefs. À un certain moment, lARC disposait en Europe davions de combat plus avancés que même les Forces aériennes des États-Unis, ce qui a poussé un général américain à faire remarquer au sujet de leffort militaire dans ce théâtre en 1953 que « la plus forte contribution [ ] à lexpansion de la défense aérienne de lEurope occidentale est venue du Canada ».(19)
Il était bien sûr impossible de maintenir une présence aussi forte. Le coût en était simplement trop élevé, sans compter que le Canada avait aussi dimportantes responsabilités en ce qui a trait à la défense de lAmérique du Nord dans le cadre du NORAD. De plus, le redressement des pays européens allait inévitablement entraîner une diminution de la contribution du Canada. Nos alliés, et même les Canadiens, ont toutefois souvent tendance à oublier lampleur de cet engagement initial lorsque la question de la contribution actuelle du Canada à lOTAN revient sur le tapis.
Le rôle de défense et le multilatéralisme
La position stratégique du Canada a toujours été unique, non seulement au sein de lOTAN mais aussi dans le monde. Aucun autre État, de notre taille surtout, ne se trouve en pareille situation. Nous jouxtons une superpuissance avec laquelle nous entretenons détroites relations économiques et qui, dans une large mesure, garantit notre sécurité. Il nous est rarement venu à lidée de nous lancer seuls, cest-à-dire sans nos principaux alliés, dans des aventures militaires.
Ces réalités ne sont pas sans conséquence pour la planification militaire et lactivité diplomatique canadiennes. En temps normal, les États peuvent jauger leurs programmes militaires par rapport à la capacité dun ou de plusieurs ennemis potentiels. Cela na pas été notre cas. Les programmes et les activités de défense du Canada ont longtemps eu pour objet la réalisation de nos objectifs en matière de sécurité internationale grâce à une politique dalliance. Dans le contexte des intérêts nationaux du Canada, cest le désir de maintenir son influence auprès de ses alliés qui justifie en grande partie sa politique de défense. Ce rôle dinfluence a souvent été considérable; en fait, aux dires de certaines des personnes interrogées à Bonn, si le Canada navait pas été membre de lOTAN, lAlliance naurait peut-être pas survécu.
Les attentes économiques créées par la participation à lOTAN
Le Canada sest fait dire pendant des années, tant par ses dirigeants que par ses alliés, que sa participation à lOTAN se traduirait par des retombées économiques grâce à louverture des marchés européens aux produits canadiens. Un engagement militaire solide était perçu comme le sésame non seulement de la diplomatie mais aussi des échanges commerciaux. Sur ce dernier plan du moins, la situation a changé. Il semble maintenant que les attentes initiales au sujet des avantages que le Canada pourrait retirer de sa participation à lOTAN, du point de vue de ses échanges commerciaux avec les pays de lUE, aient été exagérées. Tandis que le Canada exporte chaque année pour plus de 23 milliards de dollars en biens et services à destination des pays de lUE, cela ne représente que 1,7 % des importations de lUE; comparativement, 20 % des importations de lUE proviennent des États-Unis et 63 %, des membres de lUE.
Les études antérieures réalisées par le Comité montrent toutefois que le mouvement des investissements entre le Canada et lEurope sont importants, 20 % des investissements du Canada à létranger étant faits dans des pays de lUE et 20 % des investissements étrangers faits au Canada provenant de lUE(20). De même, le Canada et lUE ont chacun environ 50 milliards de dollars en immobilisations dans léconomie de lautre; dans le cas du Canada, les immobilisations de lUE représentent à peu près le tiers de celles appartenant à des intérêts américains.
Par conséquent, au moment de lexamen par le Comité des relations commerciales du Canada, les membres ont été surpris dentendre de la bouche de représentants de lUnion européenne que le Canada navait aucune importance économique aux yeux des Européens.(21) Ce jugement ne semble pas conforme à lesprit de larticle 2 ni à la réalité économique.
Le Comité a conclu que les dirigeants européens considèrent la sécurité et le commerce transatlantique comme deux choses tout à fait distinctes, devant être abordées séparément.(22) Ils semblent tenir pour acquis que le Canada continuera de participer à lOTAN et à ses missions sil le juge souhaitable pour la sécurité et la défense de son propre territoire.
Le manque dinfluence, source de frustration
Même sil a toujours été un loyal partisan de lOTAN, le Canada a éprouvé des contretemps dès le départ. Lobjectif sous-jacent était le désir dinfluer sur les décisions concernant tant la sécurité que les questions plus vastes quenglobe larticle 2. En 1948, avant même la conclusion des pourparlers sur la création de lAlliance, le premier ministre W.L. Mackenzie King, mécontent quon tienne son accord pour acquis dans les discussions sur la riposte au blocus de Berlin, a refusé que le Canada participe au pont aérien.(23)
Au milieu des années 50, craignant dêtre exclu du cercle fermé des décideurs que formaient la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis, le Canada sest joint aux Norvégiens et aux Italiens pour réclamer la démocratisation du processus de décision. Ces initiatives nont guère eu de résultats. Selon le professeur Bercuson, lorsque le gouvernement Trudeau a décidé, en 1968, de réorienter la politique étrangère en matière de détente et de réduire notre contribution militaire à lAlliance, le Canada a été encore plus marginalisé au sein de lOTAN.(24) Mais ce nétait pas lavis de tout le monde à lépoque : des documents du Cabinet, déclassifiés récemment, révèlent quen 1969, M. Donald Macdonald, ministre de la Défense nationale, avait déclaré que même le retrait complet de nos forces de lEurope ne nuirait ni à la crédibilité ni à linfluence du Canada(25). Pour plusieurs témoins, le principal effet de la décision du Canada a été damener de leau au moulin des partisans dune réduction des efforts américains(26)
Vu dans loptique des espoirs que le Canada fondait au départ sur lAlliance, il est permis de conclure que lOTAN na jamais pleinement répondu à ces attentes. Le principal objectif atteint a été déviter un conflit armé avec lUnion soviétique en Europe. Cependant, comme la dit un des témoins, il est très difficile de savoir dans quelle mesure on doit cette réalisation à lOTAN.(27)
Ce que le Comité a constaté en revanche, cest que le Canada a perdu de son influence au sein de lOTAN au fil des ans. Comme la dit le professeur Stairs, « force est de reconnaître que nos contributions militaires aux activités de l'OTAN [ ] sont à ce point réduites que l'on peut difficilement s'attendre à ce qu'elles renforcent significativement notre diplomatie, en tout cas, pas d'une façon qui compte »(28). Il vaut la peine, cependant, de se demander si en accroissant de façon appréciable sa contribution à lOTAN, le Canada aurait plus dinfluence dans la prise de décision.
Pour ce qui est de lespoir dassujettir les États-Unis à des relations multilatérales et daccroître ainsi le poids du Canada, ceux qui ont abordé la question ny croient pas. Selon le professeur Bercuson, le fait que le Canada préconise lélargissement de lOTAN cest ainsi que sexprime actuellement cet espoir na guère eu deffet sur le poids des États-Unis dans lOrganisation(29). Néanmoins, le fait que le Canada apporte un équilibre demeure un important aspect de son rôle.
Critiques de la contribution et de la capacité militaire du Canada
Le président de la commission de la défense de la Chambre des communes britannique, M. Bruce George, na pas mâché ses mots pour critiquer lattitude du Canada. Il trouve quun pays de la taille et de la stature du Canada devrait en faire bien davantage, et il reproche au Canada de jouer les poids plume et de ne pas assumer sa juste part du fardeau de lAlliance. Il pense aussi que la décision du Canada de rapatrier les bombardiers CF-18 stationnés en Allemagne était malavisée. Dautres membres de la commission britannique de la défense ont dit que le Canada devrait accroître ses forces terrestres et réinvestir dans les blindés lourds.
Lopposition conservatrice au sein de cette commission semblait partager les vues de M. George. Toutefois, les autres personnes que nous avons rencontrées lors de nos visites étaient en général beaucoup plus indulgentes, ou du moins beaucoup moins directes, dans leurs commentaires sur la politique de défense et la politique étrangère du Canada. Néanmoins, il est clair que, dans les autres pays membres, les critiques à lendroit des contributions du Canada à lOTAN ne sont jamais très loin.
Certains témoins canadiens ont aussi critiqué la contribution et la capacité dintervention du Canada au fil des ans. Le major-général (à la retraite) Lewis MacKenzie affirme que, même si tous les militaires canadiens déployés à létranger étaient rapatriés, le Canada narriverait quand même pas à répondre aux engagements quil a pris dans le Livre blanc sur la défense de 1994(30). Dautres soutiennent que le Canada a toujours troqué lenvoi de troupes contre un peu dinfluence et que, si nous voulons exercer une influence au sein de lOTAN, nous allons devoir augmenter nos engagements militaires. À cet égard, il ne sagit pas simplement daugmenter les effectifs, mais aussi de savoir sadapter au rythme rapide du perfectionnement du matériel militaire et de fournir des unités bien équipées et entraînées capables de travailler dégal à égal avec les Américains et dautres forces. Beaucoup pensent encore que « contribution matérielle » et influence vont de pair.
Durant ses quarante premières années dexistence, lOTAN a évolué, mais elle a toujours été fidèle aux objectifs initiaux de la Charte de Washington. Le Canada a vu son rôle décliner, surtout dans le domaine militaire, mais lobjectif fondamental est demeuré le même : contribuer à assurer la sécurité de tous les membres de lAlliance contre la menace des pays du Pacte de Varsovie. Alors que la guerre froide tirait à sa fin, lEurope a entrepris une série de transformations radicales qui ont engendré un nouvel équilibre de la sécurité et remis en question la pertinence de lOTAN. En même temps, des pressions économiques et sociales dans presque tous les pays occidentaux ont entraîné un nouvel examen des dépenses de défense et abouti très souvent à des réductions importantes des budgets militaires. Ce fut certainement le cas au Canada.
La fin des années 80 a marqué le début de la fin de l« ancienne » OTAN. Les années 90 ont signifié lamorce des efforts soutenus en vue de reconstruire lAlliance dont il est question au chapitre III. En examinant la situation du Canada dans le contexte de l« ancienne » OTAN, le Comité a pu mieux comprendre les changements survenus depuis, ainsi que les défis auxquels font face aujourdhui lOTAN et le Canada.