Aller au contenu
ILLE - Comité spécial

Drogues illicites (spécial)

 

Délibérations du comité spécial sur les
drogues illicites

Fascicule 14 - Témoignages - 11 mars 2002 (séance du matin)


OTTAWA, lundi le 11 mars 2002

Le Comité sénatorial spécial sur les drogues illicites se réunit aujourd'hui à 9 h 02 pour réexaminer les lois et les politiques antidrogues canadiennes.

Le sénateur Pierre Claude Nolin (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président: Je déclare réouvertes les délibérations publiques du Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites. Chers collègues, c'est avec un vif plaisir que je vous souhaite la bienvenue aujourd'hui. Je profite de l'occasion pour souhaiter la bienvenue à ceux et celles qui se sont déplacés pour assister à cette séance ainsi qu'à ceux et celles qui nous écoutent à la radio, à la télévision ou encore via le site Internet du comité.

Sans plus tarder, je voudrais vous présenter les sénateurs qui siégeront au comité aujourd'hui. L'honorable Shirley Maheu représente le Québec; l'honorable Eileen Rossiter représente l'Île-du-Prince-Édouard et l'honorable Laurier LaPierre représente l'Ontario. Je suis le sénateur Pierre Claude Nolin et je fais partie du contingent québécois au Sénat du Canada.

L'honorable Colin Kenny de l'Ontario, vice-président du comité et l'honorable Tommy Banks, représentant l'Alberta sont également membres du comité mais n'ont pu assister à nos travaux aujourd'hui. Sont aussi assis à mes côtés le greffier du comité, M. Blair Armitage, ainsi que le directeur de la recherche du comité, M. Daniel Sansfaçon.

[Traduction]

Le Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites a reçu le mandat d'étudier l'approche du Canada concernant le chanvre indien (cannabis) en contexte, l'efficacité de cette approche, les moyens de sa mise en oeuvre ainsi que le contrôle de son application. Outre son mandat initial, le comité doit également examiner les politiques officielles pertinentes adoptées par d'autres pays.

Les obligations internationales qui incombent au Canada en vertu des conventions sur les drogues illicites dont le Canada est signataire seront également examinées. Le comité étudiera aussi les effets sociaux et sanitaires de la politique du Canada concernant le cannabis ainsi que les effets possibles de politiques différentes.

[Français]

Le comité doit déposer son rapport final à la fin du mois d'août de l'an 2002. Afin de remplir adéquatement le mandat qui nous est confié, le comité a adopté un plan d'action. Ce plan s'articule autour de trois enjeux importants. Le premier de ces enjeux est celui de la connaissance. Afin de le surmonter, nous entendons une gamme imposante d'experts tant canadiens qu'étrangers, des milieux académiques, policiers, judiciaires, médicaux, sociaux et gouvernementaux. Ces auditions se tiennent principalement à Ottawa et à l'occasion, si nécessaire, à l'extérieur de la capitale.

Le second de ces enjeux est celui du partage de la connaissance et il s'agit assurément du plus noble. Le comité désire que les Canadiens de partout s'informent et partagent l'information que nous recueillerons. Notre défi est de planifier et d'organiser un système assurant l'accessibilité et la distribution de cette connaissance. Nous voudrons aussi connaître les vues de la population sur cette connaissance. Pour ce faire, nous tiendrons au printemps 2002 des audiences publiques dans divers lieux au Canada.

Enfin, comme troisième enjeu le comité doit examiner de très près quels sont les principes directeurs sur lesquels une politique publique canadienne sur les drogues doit s'appuyer.

[Traduction]

Avant de présenter les experts éminents qui participeront à la séance d'aujourd'hui, je vous signale que le comité a un site Web constamment actualisé. Ce site est accessible par le biais du site du Parlement, à l'adresse www.parl.gc.ca. On y trouve toutes les délibérations du comité, y compris des mémoires et les documents pertinents fournis par nos témoins experts. Il y a également 150 liens à jour vers d'autres sites connexes.

[Français]

J'aimerais dire quelques mots au sujet de la salle de comité où nous tenons notre séance d'aujourd'hui. Cette salle, identifiée comme la salle des peuples autochtones, fut aménagée par le Sénat en 1996 pour rendre hommage aux peuples qui, les premiers, ont occupé le territoire de l'Amérique du Nord et qui, encore aujourd'hui, participent activement à l'essor du Canada. Cinq de nos collègues au Sénat représentent fièrement et dignement ces peuples.

Nous poursuivons aujourd'hui notre examen des aspects juridiques de la mise en oeuvre de la politique canadienne sur les drogues illicites et dans cette optique, nous recevrons M. John Conroy, avocat. Nous poursuivons ensuite no travaux de la journée par l'audition des mémoires de divers organismes nationaux canadiens.

Nous entendrons à tour de rôle, au nom de la Fédération canadienne des municipalités, M. Bill Marra, président du comité permanent sur la sécurité communautaire et la lutte contre le crime et conseiller municipal pour la ville de Windsor.

Suivra par la suite un panel d'experts médicaux composé du docteur Henry Haddad, médecin et président de l'Association médicale canadienne et du docteur Bill Campbell, médecin et président de la Société médicale canadienne sur l'addiction. Nous accueillerons enfin un panel policier représentant l'Association canadienne des chefs de police, formé de M. Michael J. Boyd, président du comité sur la toxicomanie et sous-chef du Service de police de Toronto, M. Barry King, président-sortant du comité sur la toxicomanie et chef du Service de police de Brockville ainsi que M. Robert G. Lesser, surintendant principal de la Gendarmerie Royale du Canada.

[Traduction]

Permettez-moi de vous présenter plus longuement M. Conroy. John Conroy, c.r., est né à Montréal. Il a fait ses études universitaires à l'Université de la Colombie-Britannique, où il a obtenu un baccalauréat en éducation physique et un baccalauréat en droit. Il est membre du Barreau de la Colombie-Britannique et il est actuellement associé principal de Conroy and Company, à Abbotsford. Il a été nommé conseil de la Reine en 1996.

M. Conroy est membre de nombreuses associations professionnelles dont la Law Society of British Columbia, l'Association du Barreau canadien, l'Association canadienne de justice pénale, l'Association canadienne des libertés civiles, la British Colombia Civil Liberties Association, et cetera. Il a aussi occupé de nombreux postes, dont celui de président du comité permanent de la section nationale de la justice pénale sur l'emprisonnement et la libération, de 1989 à aujourd'hui.

M. Conroy s'est occupé de nombreuses causes importantes. Il est avocat dans l'affaire R. c. Caine, actuellement en instance devant la Cour suprême du Canada, qui intéresse particulièrement notre comité. Il s'agit d'une contestation, fondée sur la Constitution, de l'ajout du cannabis à la Loi sur les stupéfiants et à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, en ce qui concerne la possession et la consommation personnelles à des fins non médicales.

M. Conroy a également signé de nombreux ouvrages, articles et documents qui traitaient de questions de justice pénale et plus expressément des mesures législatives canadiennes sur l'emprisonnement. Monsieur Conroy, avant de vous céder la parole, je me dois d'écouter l'intervention de ma collègue, le sénateur Maheu.

[Français]

Le sénateur Maheu: À titre de coprésidente du Comité mixte des langues officielles, je devrais vraiment annuler cette séance, ce matin, parce que vos documents, monsieur Conroy, n'ont pas été traduits en français. Il n'est pas permis à aucun de nos comités de siéger sans les textes bilingues.

[Traduction]

Monsieur Conroy, en tant que Montréalais, vous comprendrez sans doute mon point de vue. Je suis coprésidente du Comité des langues officielles et malheureusement, vos documents ne sont pas traduits, ce qui est inacceptable. Les membres de notre personnel devraient savoir qu'ils ne sont pas autorisés à soumettre au comité des documents non traduits. Votre comparution aurait dû être retardée jusqu'à ce que vos documents soient prêts en bonne et due forme. Cependant, puisque vous êtes là, compte tenu du fait que vous vous êtes déplacé, je vous avise que nous allons aller de l'avant, mais j'espère que notre greffier et nos collaborateurs verront à ce que cela ne se reproduise pas. Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Vous soulevez un point très important et moi aussi, comme francophone, je tiens à l'application de cette règle. Cependant puisqu'il s'agit d'un document qui provient d'un témoin, il n'y a pas de doute que si nous avions reçu vos divers documents plus longtemps à l'avance et vu leur ampleur, nous aurions procédé à la traduction de ceux- ci.

Il nous a été impossible de le faire, mais comme le disait ma collègue, le sénateur Maheu, compte tenu de l'importance de vos arguments devant la Cour suprême du Canada et leur intérêt pour l'étude que ce comité a entreprise, nous avons décidé de procéder.

Quant à la diffusion des mémoires de nos témoins, nous nous efforçons de demander à ceux-ci de nous faire parvenir leur mémoire le plus rapidement possible pour permettre la traduction. Malheureusement, les témoins qui suivront aujourd'hui ne nous ont pas transmis de documents à l'avance. Nous avons dû, avec l'aide des recherchistes du comité et de la Bibliothèque du Parlement, procéder à des recherches, entre autres, sur les différents sites Internet des organismes nationaux qui comparaîtront devant nous.

[Traduction]

Monsieur Conroy, je vous remercie de nous avoir fourni votre factum et la documentation dont la Cour suprême du Canada est saisie. Si nos attachés de recherche ont des questions concernant un aspect de votre témoignage, je vous en aviserai par écrit et vous pourrez répondre de la même façon. Ces questions et réponses seront également affichées sur le site Web du comité.

S'il n'y a pas d'autres interventions, je demanderais à M. Conroy de commencer.

M. John W. Conroy, avocat dans l'affaire R. c. Malmo-Levine et Caine: Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître. Je suis désolé que la documentation ne soit pas dans les deux langues officielles, et je conviens qu'elle devrait l'être. Malheureusement, ces documents ont été préparés pour la Cour suprême du Canada et compte tenu du court préavis précédant ma comparution, ils n'ont pas été traduits. J'ignore si la cour en fait la traduction, mais je ne le pense pas.

Les décisions qui font l'objet de l'appel — l'affaire Caine à la Cour provinciale de la Colombie-Britannique et l'affaire Malmo-Levine à la Cour suprême de la Colombie-Britannique — ont été entendues ensemble à la Cour d'appel. Il devrait y avoir une version française et anglaise de la décision rapportée sur l'Internet. Cela devrait aussi être le cas de l'affaire Clay en Ontario. Ces trois cas ont été entendus ensemble par la Cour suprême du Canada. À court terme, il devrait y avoir une version française des arrêts rapportés, ce qui devrait vous aider.

Compte tenu de la nature du sujet, j'ai préparé un sommaire qui devrait laisser suffisamment de temps pour les questions. Comme vous l'avez dit, je suis criminaliste depuis près de 30 ans. Je suis né à Montréal, mais j'ai été élevé en Afrique centrale et je suis revenu au Canada au début des années 60. Mon père travaillait comme consultant dans le domaine de la culture du tabac auprès du gouvernement du Malawi — appelé à ce moment-là le Niassaland — en Afrique centrale. À cette époque, le tabac était jugé acceptable. Si mon père voyait un plant de marijuana en parcourant les champs de tabac de l'Afrique centrale, il l'arrachait et le jetait par terre. Lorsque j'étais enfant, je savais que les Africains fumaient le dagga, comme ils l'appelaient, mais ce n'était pas une chose à laquelle nous portions beaucoup d'attention.

Je suis revenu au Canada en 1963, au début de l'époque bénie des années 60. Quelques années plus tard, le taux de condamnation pour possession de marijuana est passé de 10 à 12 par année à 60 000. C'est à ce moment-là que la marijuana est devenue un enjeu important au Canada.

Comme vous l'avez mentionné, j'ai présidé pendant une quinzaine d'années le comité de l'Association du Barreau canadien sur l'emprisonnement et la libération. Notre comité était également saisi de toutes les questions législatives concernant les stupéfiants. D'ailleurs, j'ai déjà comparu devant des comités sénatoriaux à ce titre. Mais aujourd'hui, je ne suis pas ici en tant que représentant de l'Association du Barreau canadien. Je précise que je comparais à titre individuel et que l'opinion que je vais exprimer est la mienne propre et non celle de l'Association du Barreau.

Cela dit, je vous rappelle, non sans fierté, que l'Association du Barreau canadien a adopté en 1976 une résolution préconisant la décriminalisation de la marijuana et, en 1978, l'établissement de programmes de traitement des héroïnomanes. Depuis de nombreuses années, le Barreau réitère officiellement que l'approche légaliste actuelle concernant l'usage de stupéfiants n'est pas appropriée et qu'il convient d'en adopter une autre.

J'ajouterai qu'en tant que criminaliste exerçant en Colombie-Britannique, comme tous mes collègues, le gros de ma pratique consiste à défendre des cultivateurs de marijuana. D'ailleurs, nous envisageons de ne plus nous appeler criminalistes, mais avocats agricoles. Nous disons de nos clients que ce sont des jardiniers. Évidemment, la police affirme qu'il y en a un nombre considérable, que la marijuana est plus forte que jamais, que les tribunaux ne traitent pas les contrevenants avec rigueur mais plutôt avec indulgence, que c'est une grosse affaire. Je me demande pourquoi les policiers agissent ainsi car il me semble que ce sont eux qui encouragent de plus en plus de gens à se lancer dans la culture de la marijuana avec leurs commentaires. Bon nombre de cultivateurs eux-mêmes n'ont pas accès à la plupart de ces renseignements.

En 1993, M. Caine m'a demandé si je voulais bien me charger en son nom d'une cause type qui soulèverait cette question sans équivoque. D'une part, il n'est pas dans mon intérêt sur le plan économique que la législation concernant la consommation de drogues change car en tant que criminaliste, chaque fois que les législateurs interdisent quelque chose, cela apporte de l'eau à mon moulin.

Ma position est la suivante. Il est dans l'intérêt public de modifier cette approche, de soustraire les stupéfiants du système de justice pénale et d'aborder la question dans la perspective de la santé, ce qui est une optique tout à fait différente. Selon moi, il est dans l'intérêt public d'agir ainsi.

J'ajouterai que je suis aussi avocat de la B.C. Compassion Club Society. Je crois savoir que des sénateurs ont visité cet organisme et ont entendu le témoignage de ses représentants. Je suis aussi avocat auprès du Victoria Club. J'ai donc été au coeur de nombreux dossiers touchant la consommation de marijuana à des fins médicales.

L'une des raisons pour lesquelles la cour d'appel a entendu conjointement les affaires Caine et Malmo-Levine est le débat incessant au sujet de la marijuana. D'un côté, il y avait toutes les études négatives et de l'autre, toutes les études positives. Nous avons estimé que la meilleure façon de procéder était de soumettre le dossier à un tribunal, de faire évaluer le témoignage des experts qui seraient ensuite soumis à un contre-interrogatoire. À la suite de cet exercice, un juge indépendant en arriverait à une conclusion, ce qui nous permettrait de voir quelle information a été examinée par les pairs et jugée fiable. De cette façon, nous espérions arriver à certaines conclusions.

Étant donné qu'il s'agissait essentiellement de travail bénévole, il a fallu passablement de temps pour faire en sorte que tous les experts puissent être entendus. L'affaire vient tout juste d'atteindre la Cour suprême du Canada. Si vous parcourez les jugements qui ont été rendus, vous constaterez que la cour est arrivée à une appréciation des faits très importante. Ces constatations ont fait leur chemin jusqu'à la cour d'appel. Dans l'affaire Clay, en Ontario, le tribunal a entendu sensiblement les mêmes témoins et ses conclusions en l'occurrence ont été remarquablement similaires à celles du tribunal de la Colombie-Britannique. Nous avons les arrêts de deux cours d'appel — la Cour d'appel de l'Ontario et la Cour d'appel de la Colombie-Britannique — qui se fondent sur ces faits fondamentaux.

J'ajouterai que pour la plupart, ces conclusions émanaient du témoin du gouvernement, le Dr Harold Kalant, qui a comparu devant votre comité. Si nous avions su quelle serait la teneur du témoignage du Dr Kalant, nous aurions pu l'entendre et lui faire subir un contre-interrogatoire étant donné son statut d'expert incontournable de ce sujet.

D'après les témoignages, 95 p. 100 des personnes qui fument de la marijuana au Canada en font un usage faible, occasionnel et modéré. Leur consommation de marijuana n'a pas d'incidence d'ordre sanitaire pour autant qu'il s'agisse d'adultes en santé. Les 5 p. 100 qui restent sont des usagers chroniques, des personnes qui fument une cigarette de marijuana ou plus par jour. S'ils persistent, ils finiront par contracter une bronchite chronique attribuable au simple fait de fumer. La même chose leur arriverait s'ils fumaient l'herbe de leur pelouse. Du simple fait qu'ils inhalent la fumée résultant de la combustion d'un matériau, ils causent des dommages à leurs voies respiratoires.

Il y a trois grands groupes vulnérables: les femmes enceintes, et à ce moment-là, c'est à notre avis une question qui doit se régler entre la femme et son médecin; les handicapés mentaux, particulièrement les schizophrènes paranoïaques, ou les membres de familles ayant connu une incidence de cette maladie et qui risquent de la développer — les experts nous disent que c'est effectivement un problème pour ce groupe — et, chose plus importante, les jeunes n'ayant pas atteint la maturité. La consommation de marijuana chez les jeunes — particulièrement sur une base régulière — semble nuire à leurs études et au processus de maturation. Comme c'est le cas de toutes les substances intoxicantes, il est recommandé de ne pas en consommer avant d'avoir atteint la maturité.

Voilà les conclusions. Vous avez en main une déclaration commune réunissant les faits législatifs présents dans les trois appels, qui présente la preuve de façon beaucoup plus détaillée. Une fois ce document traduit, vous aurez tous les détails.

Les six juges des cours en question — trois de la Colombie-Britannique et trois de l'Ontario — reconnaissent que la possession et la consommation de marijuana au Canada ne représentent pas un risque sérieux, important et substantiel pour la population canadienne. Les six juges sont également arrivés à la conclusion que le risque en question est des plus mineurs. Pour cette raison, deux juges de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique ont dit qu'il y aurait lieu de s'en remettre au Parlement pour trancher cette question de politique sociale. Cependant, le juge dissident a exprimé son désaccord, affirmant que pour que la liberté d'une personne soit menacée par l'invocation de l'article de la Constitution relatif à la paix, l'ordre et le bon gouvernement ou le recours au droit pénal, il faut que le risque pour la population soit sérieux, substantiel ou important. On ne saurait porter atteinte à la liberté de qui que ce soit dans une société libre et démocratique pour un comportement anodin ne présentant aucun risque important.

L'article 7 de la Constitution stipule que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. Ce que les deux cours d'appel ont également accepté, c'est le principe du préjudice de John Stuart Mill, selon lequel dans une société libre et démocratique, chacun a le droit de faire ce qu'il veut pour autant qu'il ne porte pas atteinte aux droits d'autrui ou qu'il ne cause pas de tort à autrui ou, selon la version peaufinée de notre droit, pour autant que sa conduite ne suscite pas une appréhension raisonnable de risque de préjudice pour la population. Je tire cela de diverses causes ayant trait à l'obscénité.

Les questions névralgiques auxquelles devra répondre la Cour suprême du Canada sont les suivantes: Quelle est la norme constitutionnelle? Quelles sont les limites au pouvoir du droit pénal? Le Parlement peut-il simplement faire de quoi que ce soit un crime? D'après la jurisprudence, il faut que l'infraction ait trait à une question d'ordre public et non privé. Et en filigrane, dans l'ensemble du droit, il y a la question du préjudice. Dans les causes relatives à l'obscénité, on a fait état d'une appréhension raisonnable de risque de préjudice. Nous allons faire valoir que le critère devrait être un risque de préjudice important. Le tribunal, et non le Parlement, devrait établir cette norme. À l'avenir, la question qui se posera sera la suivante: l'inclusion d'une drogue dans l'annexe — si l'on conserve le cadre actuel — respecte-t-elle cette norme?

À mon avis, il est impératif que la cour et le comité examinent l'article 60 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et l'article 22 de la Loi sur les stupéfiants. En vertu de ces mesures, le gouverneur en conseil peut, par décret, modifier les annexes en ajoutant ou en soustrayant une drogue de la liste. Le Parlement n'a pas déterminé si la marijuana devrait ou non être frappée d'illégalité. On a simplement avisé la Chambre qu'il y avait une nouvelle drogue à l'annexe. Voilà comment les drogues en viennent à être illégales ou non. Si la marijuana ne figurait pas à l'heure actuelle à l'annexe de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, elle tomberait sous le coup de la réglementation des produits de santé naturels, ou quelque chose d'analogue.

Selon le libellé actuel de l'article 60, le critère est que le gouverneur en conseil juge l'amendement nécessaire dans l'intérêt public. Les tribunaux ont jugé le terme nul et non avenu lorsqu'il est associé à la privation de liberté en raison de son caractère vague sur le plan constitutionnel. Que signifie l'intérêt public?

Ce que l'on pourrait faire, c'est à tout le moins greffer le principe du préjudice à cet article. Lorsqu'on parle d'intérêt public, cela signifie-t-il qu'il existe un risque de préjudice important pour la population? Si ce critère était incorporé à l'article 56, au lieu que le Cabinet ou le ministre ait un pouvoir discrétionnaire absolu dans les cas mettant en cause la consommation de marijuana à des fins médicales, en l'absence de tout critère, certains critères seraient établis pour l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Cela le rendrait constitutionnel et nous fournirait une norme pour déterminer si une drogue donnée devrait être assujettie à une interdiction relevant du droit pénal ou à une autre forme de réglementation.

Avant de reprendre les principaux arguments que nous avons avancés dans les affaires Caine et Malmo-Levine, je précise que Malmo-Levine est inculpé de possession de marijuana dans le but d'en faire le trafic, et non de simple possession.

Étant donné que ces personnes sont inculpées d'un crime, leur liberté est menacée. Et pour cette raison, l'article 7 de la Charte intervient immédiatement. D'après d'autres causes soumises à la Cour suprême, il ressort clairement que la liberté suppose une certaine autonomie personnelle. Dans une société libre et démocratique, chaque personne dispose de l'autonomie personnelle voulue pour prendre des décisions qui revêtent une importance personnelle fondamentale pour elle. Lorsque nous invoquons ce principe dans le dossier de la marijuana, on nous rétorque que le fait de posséder de la marijuana ne revêt pas une importance fondamentale. J'en conviens. Ce qui revêt une importance personnelle fondamentale, c'est le choix ou la décision de chacun de décider de ce qu'il introduit dans son propre corps — que ce soit un hamburger, compte tenu de l'épidémie d'obésité qui sévit, ou une drogue quelconque. La décision de chacun de faire ou de ne pas faire telle ou telle chose revêt une importance personnelle fondamentale puisqu'elle relève de la capacité personnelle de chacun d'en décider — toujours sous réserve du principe du préjudice. Si vous vous portez préjudice à vous-même, généralement l'État ne vous met pas en prison pour cela. On ne menace pas votre liberté pour avoir fait un geste comme celui-là si vous êtes un adulte en santé ou même un adulte qui n'est pas en santé. Par ailleurs, si vous faites quoi que ce soit qui cause du tort à autrui ou qui est susceptible de causer du tort à autrui, à ce moment- là, vous tombez sous le coup du principe du préjudice. Nous invoquons l'autonomie personnelle et la menace de privation de liberté découlant de la perpétration d'un crime et nous appliquons les principes de la justice fondamentale. Comme je l'ai mentionné, les cours d'appel ont accepté le principe du préjudice découlant de l'affaire Mill, et c'est le principe qui s'applique en l'occurrence.

D'autres principes y sont associés. Notamment, le principe de la modération dans l'application du droit pénal. En effet, on devrait recourir au droit pénal uniquement pour des affaires sérieuses, ce qui est un corollaire du principe du préjudice. Il y a aussi un principe contre l'arbitraire et l'irrationalité dans le contexte législatif. Nous affirmons que ces deux aspects sont présents, surtout lorsque l'on fait des comparaisons avec le tabac, l'alcool et les médicaments d'ordonnance et que ces exemples d'hypocrisie donnent lieu à des distinctions irrationnelles à cet égard.

D'après l'information probante, il ne semble pas y avoir de problème national de santé lié à la consommation de marijuana. Dans l'affaire Caine, nous avons demandé au Dr Peck, des services de santé provinciaux, s'il y avait un problème de santé lié à la marijuana dans la province. Il nous a répondu qu'à sa connaissance, il n'y en avait pas et d'après les discussions qu'il a eues avec ses homologues des autres provinces, personne ne peut affirmer qu'il existe un problème de santé important lié à la consommation de marijuana.

Dans l'optique de l'argument sur le partage des pouvoirs, le gouvernement fédéral a le pouvoir de recourir au droit pénal en matière de santé — en se fondant sur le pouvoir d'assurer la paix, l'ordre et le bon gouvernement — uniquement si le problème de santé est tel qu'il touche l'ensemble du Dominion ou s'il s'agit d'un nouveau problème qui n'existait pas à l'époque de la Confédération. Nous affirmons que tel n'est pas le cas. Il n'existe pas de problème national lié à la possession et à la consommation de marijuana. Selon nous, c'est une question qui ne relève pas de la compétence du gouvernement fédéral. Il ne s'agit pas d'une question ressortant au droit pénal; ce n'est pas non plus une question relative au pouvoir d'assurer la paix, l'ordre et un bon gouvernement; c'est une question qui relève des provinces.

Il s'agit d'une question de santé qui revêt un caractère strictement local et privé dans la province et qui a trait aux droits civils et de propriété. À mon avis, cela s'allie au principe du préjudice. Si le risque de causer un préjudice est minime ou nul, alors cela relève assurément de la responsabilité des provinces en matière de santé. C'est lorsqu'un risque important de préjudice existe pour l'ensemble du pays, et seulement dans ce cas, que le gouvernement fédéral devrait être autorisé à intervenir dans le champ de la santé en invoquant le pouvoir d'assurer la paix, l'ordre et le bon gouvernement ou le pouvoir associé au droit pénal. Nous allons donc présenter devant la Cour suprême du Canada ces deux arguments: premièrement, cette prohibition n'est pas de la compétence du gouvernement fédéral et, deuxièmement, elle contrevient à l'article 7 de la Charte.

Comme les témoignages d'ordre médical que vous avez entendus vous l'auront appris, la situation évolue à cet égard. Avant l'arrêt Parker rendu par la Cour d'appel de l'Ontario, très peu de gens savaient qu'un médecin pouvait prescrire à un patient un stupéfiant ou une drogue contrôlée — ce qui englobait la marijuana — dans le cadre du traitement de troubles médicaux. Le seul problème était de trouver une source d'approvisionnement légale. Les médecins n'avaient pas l'habitude de prescrire de la marijuana et aucun système n'était prévu pour le faire.

M. Parker, qui souffrait d'épilepsie grave et qui, au fil des années, avait constaté que le fait de fumer de la marijuana freinait le déclenchement de ses crises, a intenté une action en justice qui s'est finalement rendue à la Cour d'appel de l'Ontario. Il a reçu une exemption constitutionnelle et la cour a abrogé l'article 56, c'est-à-dire l'article qui permettait au ministre d'autoriser une dispense médicale.

Cet article n'avait jamais été conçu à cette fin à l'origine, mais un protocole a été élaboré. La cour a critiqué le fait que l'article conférait au ministre le pouvoir absolu de décider s'il y avait lieu ou non d'accorder une dispense, en l'absence de tout critère. Une personne même des plus méritantes pouvait essuyer un refus. D'après la cour, cela forçait le patient à choisir entre sa liberté et sa santé, ce qu'elle a jugé inconstitutionnel.

Voilà pourquoi j'ai évoqué tout à l'heure l'article 60. En effet, je soupçonne que l'article 60 n'a guère tenu de place dans les argumentations présentées devant les cours inférieures ou dans leurs décisions. Selon moi, il prendra davantage de place à la lumière de l'analyse de l'arrêt Parker. Il est possible que la cour annule l'article et donne au gouvernement un an pour élaborer certains critères, un peu comme cela s'est produit dans le domaine médical.

Dans ce domaine, la décision a donné naissance à la nouvelle réglementation sur l'accès à la marijuana à des fins médicales, qui continue de forcer les patients à choisir entre leur liberté et leur santé. Il est plus difficile maintenant pour un médecin de recommander qu'un patient fasse un usage de la marijuana à des fins médicales que ce ne l'était en vertu de l'ancien système. La réglementation est très lourde. C'est la seule drogue à propos de laquelle le gouvernement dicte aux médecins dans quelles circonstances et à quelles fins ils peuvent la prescrire. Normalement, la décision de signer ou non une ordonnance relève de la relation entre le médecin et le patient — le gouvernement n'a rien à voir à l'affaire. À mon avis, le gouvernement ne devrait pas du tout s'en mêler.

Voilà un aperçu général des questions sur lesquelles je me suis penché. À l'heure actuelle, des consultations sont en cours dans le contexte des produits de santé naturels. À ma connaissance, il n'est pas question dans leur cas de possession ou de consommation. On veut plutôt s'assurer, ce qui est très important, que les gens qui vendront ces produits en guise de médicaments respectent une certaine norme. Nous sommes tous en faveur d'une telle mesure.

À mon avis, compte tenu de la popularité et de l'usage répandu du cannabis — en particulier en Colombie- Britannique —, il est urgent de se doter d'une réglementation qui protège les consommateurs. Certains cultivateurs arrosent leurs plants de marijuana de produits chimiques en tous genres et ce, uniquement dans le but d'en tirer le plus grand profit en exportant leurs récoltes vers notre voisin du sud. C'est tout ce qui les intéresse.

Sur le plan médical, notre vœu le plus cher est de faire en sorte que les gens qui consomment ce produit à des fins médicales obtiennent un médicament pur — organique de préférence — et sûr, sans un processus compliqué. La même chose vaut pour le consommateur ordinaire.

Mon opinion personnelle est que nous devrions légaliser la marijuana, et non simplement la décriminaliser. Il s'agit là d'un produit qui devrait faire l'objet d'un règlement, tout comme l'alcool et d'autres types de drogues. Les principaux problèmes avec lesquels nous sommes aux prises sont en premier lieu la consommation d'alcool, suivie du tabac et des médicaments d'ordonnance. Les problèmes liés à la consommation de toutes les drogues illicites combinées sont principalement attribuables à l'interdiction en soi et aux aspects économiques connexes.

Je suis disposé à répondre aux questions des membres du comité.

Le président: Merci, monsieur Conroy. Pouvez-vous nous parler des conventions internationales et de leur importance pour les tribunaux?

M. Conroy: Elles n'ont guère d'importance du point de vue des tribunaux. Dans toutes les décisions pertinentes, on a signalé que tous ces traités internationaux sont assujettis aux principes constitutionnels du pays signataire. Si nous avons raison et que l'interdiction telle qu'elle est appliquée à l'heure actuelle est inconstitutionnelle, ces conventions et traités ne s'appliquent tout simplement pas.

En outre, un certain nombre de conventions et traités renferment des dispositions qui permettent aux pays d'adopter une approche différente en ce qui concerne la possession et la consommation de drogues, une approche non fondée sur le droit pénal. Il y a dans divers traités des échappatoires autorisant les gouvernements à aborder le problème comme bon leur semble.

Un certain nombre de pays — la Hollande est celui que l'on mentionne le plus fréquemment, mais il y en a eu plusieurs autres depuis 1976 —, ont décriminalisé la marijuana dans les faits, soit en s'abstenant d'appliquer leur droit pénal, ce qui semble être l'une des approches les plus courantes, soit en se retirant des traités ou encore, tout simplement, en faisant fi des traités. Les États-Unis font cela fréquemment. Ils choisissent à leur guise les traités auxquels ils veulent se conformer.

Le président: L'existence d'un traité doit-elle être prouvée ou le tribunal est-il automatiquement au courant? La Couronne doit-elle informer le tribunal de l'existence de ces traités et produire en preuve des documents? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Conroy: Un avocat qui insiste pour en avoir une preuve rigoureuse peut exiger qu'il soit produit. Selon mon expérience, la Couronne évoque le traité. J'en ai un exemplaire; je suis convaincu qu'il est réel et qu'il existe bel et bien. Je ne vais pas m'opposer à ce qu'il soit présenté. Il est présenté comme une cause ou une loi, et nous discutons de son applicabilité.

Le président: Est-il exécutoire?

M. Conroy: Il ne lie absolument pas un tribunal. Au Canada, les traités internationaux ne font pas partie du droit national. Le gouvernement doit adopter une loi pour mettre en oeuvre un traité. Ainsi, il existe des traités internationaux visant le rapatriement de prisonniers — l'échange international de prisonniers. Le Canada est partie à un traité bilatéral et à une convention multilatérale dans ce domaine. Le gouvernement a adopté la Loi sur le transfèrement des délinquants, et c'est cette loi nationale qui est exécutoire au Canada.

Les traités internationaux concernant les drogues illicites exigent du Canada qu'il adopte certaines mesures législatives. La Loi réglementant certaines drogues et autres substances a été la dernière mesure législative adoptée au Canada dans le but de respecter nos obligations internationales.

Le président: Y a-t-il eu dans les cours inférieures une décision fondée sur ces traités?

M. Conroy: Comme vous pouvez le constater en retraçant les arrêts rendus aux divers niveaux, les traités ont pris de moins en moins d'importance. Les cours inférieures ne leur ont accordé que peu de place étant donné qu'elles étaient saisies d'une question constitutionnelle et que ces traités sont tous assujettis aux principes constitutionnels du Canada.

Le président: Monsieur Conroy, vous avez mentionné le Dr Kalant. Ce dernier a comparu devant nous à titre de témoin. En ce qui a trait aux effets du cannabis, êtes-vous convaincu que la cour a eu accès à une preuve exhaustive sur les effets du cannabis — pour et contre — d'après les témoignages des experts? Les témoignages étaient-ils corrects? Étaient-ils fondés sur des opinions? Étaient-ils fondés sur des études ayant fait l'objet d'un examen par les pairs?

M. Conroy: J'en suis convaincu. Nous avons pu bénéficier des travaux de toutes les commissions royales et de toutes les autres études qui ont été effectuées et ce, jusqu'aux travaux de la Commission sur le chanvre du Canada dans les années 1800. Nos experts connaissaient bien tous ces documents.

Nous avons convoqué un certain nombre de témoins pour discuter de l'application et ils ont été contre-interrogés par la Couronne. En cours de contre-interrogatoire, on a abordé la question des documents ayant fait l'objet d'un examen impartial par les pairs. La Couronne avait le loisir de convoquer d'autres témoins, mais elle a choisi de convoquer le Dr Kalant. Il a été le témoin du gouvernement dans les affaires Clay, Parker et Caine.

La Couronne n'a déployé aucun effort pour présenter de nouveaux éléments de preuve au niveau de la cour d'appel, par exemple. Si une nouvelle étude avait fait surface ou s'il y avait eu une question importante qui n'avait pas été traitée dans les rapports les plus récents, la Couronne avait l'occasion de la présenter en preuve. D'ailleurs, cette possibilité existe aussi au niveau de la Cour suprême du Canada.

Le Dr Kalant est devenu le témoin clé. C'est lui qui a présidé le plus récent comité de l'Organisation mondiale de la Santé sur le sujet. Par conséquent, il a pu nous communiquer tous les documents de référence dont ce comité avait été saisi. En fin de parcours, si je ne m'abuse, l'un des rapports récemment publiés par ce comité a aussi été soumis à la cour.

Je suis sûr qu'il y a eu d'autres études depuis, mais la Couronne n'a pas préconisé que l'une ou l'autre d'entre elles soit soumise à la Cour suprême du Canada en tant que nouvelle preuve.

Le président: Les autorités policières s'inquiètent surtout des effets cognitifs du cannabis sur les conducteurs et les opérateurs de machinerie. Avez-vous entendu des témoignages d'experts à ce sujet? C'est l'un des domaines critiques. De toute évidence, cela risque de créer un préjudice.

M. Conroy: Il existe au Canada une loi stipulant qu'il est interdit de conduire avec des facultés affaiblies par l'alcool ou la drogue. Il existe également une loi qui autorise à mesurer le taux d'alcoolémie dans le sang, mais cela se limite à la présence d'alcool dans le sang puisque l'ivressomètre est un dispositif de mesure du niveau d'alcool et non un dispositif de mesure d'un intoxicant.

En Colombie-Britannique, les agents de police reçoivent des séances de formation qui leur permettent d'identifier les personnes qui conduisent sous l'influence de la marijuana. Il convient de se rappeler ce que fait un agent de police lorsqu'il soupçonne être en présence d'un conducteur aux facultés affaiblies. Souvent, quelqu'un avise les autorités qu'un chauffeur conduit de façon erratique. Les agents arrêtent le véhicule et observent le conducteur. Ils sont autorisés à lui demander de sortir du véhicule, de marcher le long d'une ligne, de se toucher le nez, de se balancer d'avant en arrière, bref, à lui faire subir divers tests de coordination motrice afin de déterminer s'il est apte à conduire. Cela peut se faire pour l'alcool, la marijuana et toutes sortes d'autres drogues. Pas besoin d'avoir une machine magique qui permette d'évaluer le niveau d'intoxication pour inculper des chauffards.

À l'heure actuelle, on détermine si la coordination motrice d'une personne est affectée au point de l'empêcher de conduire. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas continuer à développer d'autres modèles qui permettraient de déceler plus facilement le problème.

Qu'on ne se méprenne pas. J'estime que les personnes qui fument de la marijuana ne devraient pas conduire; après tout, c'est un intoxicant qui peut causer des distractions. Cependant, d'après les études menées par Robbe en Hollande, les fumeurs de marijuana se concentraient davantage sur la conduite, ils conduisaient plus lentement et étaient plus vigilants. En outre, ils ne prenaient pas les risques que prennent les chauffeurs en état d'ébriété. Le comportement du chauffeur était fort différent, selon qu'il était intoxiqué à la marijuana ou à l'alcool.

Pour ce qui est des études relatives aux accidents, aucune preuve concluante n'indique que la consommation de marijuana est un facteur de premier plan à cet égard. Dans certains cas d'accident, on a trouvé dans le sang des personnes impliquées des traces de marijuana — souvent conjointement avec de l'alcool.

Le problème que pose la détection de la marijuana — et nous le constatons souvent dans les prisons —, tient au fait que les métabolites non actifs demeurent dans les dépôts lipidiques pendant de longues périodes, parfois jusqu'à 90 jours ou plus. L'industrie des prises et des analyses d'échantillons d'urine survit grâce aux tests de marijuana. J'ai représenté des détenus qui avaient admis avoir fumé de la marijuana alors qu'ils étaient dans une prison donnée et 90 jours plus tard, alors qu'ils se trouvaient dans une autre prison, ils avaient été inculpés d'infraction à la discipline pour avoir consommé un intoxicant. Ils protestaient en disant: Un instant. Je n'ai pas fumé dans votre établissement. C'était bien avant, dans l'établissement précédent.

Ce qui est malheureux, c'est que tout comme à l'époque de la prohibition, les détenus commencent à consommer de l'héroïne et de la cocaïne, qui sont des drogues moins faciles à déceler. La prohibition les pousse vers des drogues plus dures qu'ils peuvent évacuer et ainsi éviter de se faire prendre grâce au système de détection. Car ils savent que toute trace de marijuana sera détectée.

Je crois savoir que pendant la prohibition, il y a eu une forte diminution de la consommation de bière et une augmentation de la consommation de boissons fortement alcoolisées — encore une fois parce qu'on pouvait se les procurer en vrac.

Le sénateur LaPierre: Pour moi, c'est la quadrature du cercle. Je ne siège pas au comité; je ne suis qu'un simple remplaçant. Je suis atterré par les arguments qui sont avancés contre la légalisation ou la décriminalisation de la marijuana. D'ailleurs, ma réaction était déjà la même à l'époque ou j'étais animateur de télévision en Colombie- Britannique et où j'avais déclaré que plus tôt nous décriminaliserions la marijuana, mieux ce serait. Quelle est la différence entre décriminalisation et légalisation?

M. Conroy: Cette distinction remonte aux années 60 et 70, lorsque le débat a commencé à faire rage. Certains ont adopté une approche graduelle en disant que la première étape consisterait à décriminaliser la marijuana et ensuite à envisager une légalisation. À la suite d'une décriminalisation, la marijuana ne ressortirait plus au droit pénal, mais sa consommation continuerait d'être régie par certaines règles.

À cela, d'autres ont rétorqué: Mais que feriez-vous dans les cas de simple possession? Comment traiteriez-vous le trafiquant ou la personne qui en fait le commerce ou la culture? Il semble y avoir un manque de cohérence.

Voilà pourquoi j'estime que c'est une question importante dans la perspective de l'affaire Malmo-Levine. David Malmo-Levine a pris en compte les faits et les témoignages d'experts présentés dans l'affaire Caine et il a inauguré le Club de la prudence dans un parc de Vancouver. Il a posé des affiches où l'on pouvait lire: La marijuana n'est pas pour les handicapés mentaux, les femmes enceintes et les jeunes qui n'ont pas atteint la maturité. Il avait des cartes d'adhésion que les gens devaient signer. Ce faisant, ceux-ci s'engageaient à ne pas conduire sous l'influence de la marijuana. Il avait également un guide de la consommation prudente dans lequel il enseignait à ses clients comment atténuer les effets de la consommation de marijuana. Dans son optique, ces risques ou préjudices avaient été analysés dans un contexte de marché noir et extrapolés dans le cas d'un trafiquant ou d'un vendeur. Ce qu'il faut se demander, c'est comment la réglementation gouvernementale ou commerciale de cette activité pourrait réduire ces préjudices en assurant la protection du consommateur. Ainsi, l'activité qui consiste à faire le trafic de la marijuana ne porte pas atteinte au principe du préjudice. De cette façon, je m'assure que le processus est moins préjudiciable qu'il ne le serait dans le contexte du marché noir.

Voilà qui nous amène au modèle de la légalisation au lieu de la décriminalisation. C'est une approche plus globale. On ne s'intéresse pas uniquement à la simple possession, mais à l'ensemble de la chaîne — le commerce, la culture, et cetera.

Le sénateur LaPierre: Ceux qui s'opposent à ce processus invoquent des questions de santé. Mais lorsqu'on gratte la surface, on se rend compte qu'en fait, ils craignent que cela n'ouvre la porte à des abus de toutes sortes. Ils craignent de provoquer un déclin de la moralité sociale en encourageant une telle activité. C'est ce qu'ils disaient pour l'alcool. Maintenant, ils reprennent les mêmes arguments pour la marijuana.

A-t-on la preuve d'une hausse de la criminalité parce que les gens fument de la marijuana?

M. Conroy: Absolument pas. J'ai surtout l'expérience des établissements pénitentiaires, et les gardiens de prison de la Vallée du Fraser me disent: Conroy, si nous avions le choix entre obtenir une livre ou deux de marijuana ou des fonds pour un nouveau programme — et nous n'admettrions jamais cela publiquement —, nous prendrions la marijuana. Nous savons que si les détenus fument de la marijuana, il y a peu de chance qu'ils soient violents; ils sont calmes et sereins. Cette attitude d'acceptation tacite a toujours cours, j'en suis sûr, à moins que les détenus fument directement en présence d'un gardien. La preuve confirme plutôt le contraire. Il y a une absence de criminalité ou de propension à la criminalité.

Pour ce qui est de la police, je soupçonne qu'à l'instar de mes collègues criminalistes du Barreau et de certains procureurs spéciaux dont les cabinets privés bénéficient financièrement des poursuites liées à la drogue, la police a elle aussi intérêt à ce que cette interdiction soit maintenue.

Depuis mes débuts, j'ai été témoin de l'élargissement marqué des pouvoirs policiers. Que l'on songe seulement à l'écoute clandestine et aux mandats d'écoute téléphonique. La police a acquis de vastes pouvoirs qu'elle souhaite conserver. Habituellement, les services policiers prétextent la législation antidrogue pour réclamer l'adoption de lois sur le blanchiment de l'argent, pour justifier l'atteinte à la vie privée, et cetera. Une fois qu'ils sont en possession de ces pouvoirs, il est difficile de revenir en arrière.

Si nous modifions notre approche en ce qui concerne la législation antidrogue, nous pourrons changer notre approche face à ce genre de choses également car les autorités policières n'auront pas besoin de pouvoirs aussi vastes. Le problème du blanchiment de l'argent n'aura pas du tout la même importance si nous changeons d'approche face aux stupéfiants.

Le sénateur LaPierre: Vous avez parlé de jardiniers. Nous avions l'habitude de faire pousser de la marijuana dans de petits jardins. Qu'est-ce qu'il ne faut pas avouer! Pour ma part, j'ai constaté que la marijuana me déprimait énormément, tout comme l'alcool d'ailleurs.

J'ai toujours trouvé que les effets des pesticides pulvérisés sur les plants étaient plus dangereux que le fait de fumer la marijuana. Ne devrions-nous pas confier ce dossier au ministère de l'Agriculture et assujettir la marijuana aux mêmes règles et règlements que la culture des pois et des haricots?

M. Conroy: La santé et l'agriculture sont deux domaines qui semblent aller de soi, en plus d'une structure quelconque pour réglementer une substance intoxicante.

L'aspect protection du consommateur de la production de marijuana est très important. On me dit que les producteurs utilisent divers produits chimiques et que les médecins sont alarmés par la quantité qu'ils trouvent ou par le fait qu'ils ont été utilisés sans égard aux directives. Dans un contexte de prohibition et de marché noir, le problème, c'est que les gens ne respectent pas les règles et les règlements normaux. C'est l'anarchie. Il n'existe pas de moyen pacifique de régler les différends. Lorsqu'un conflit éclate sur le marché noir, on a souvent recours à la violence. C'est simplement qu'il n'existe pas de recours pacifique. Les parties adverses ne peuvent faire appel aux tribunaux, à la médiation ou à l'arbitrage pour résoudre le problème. La loi elle-même crée une situation problématique. Et c'est la même chose pour ce qui est des produits dont on pulvérise les plants et sur l'incidence que cette façon de faire risque d'avoir sur le consommateur. Je suis abasourdi par ce que l'on met sur les plantes, d'après ce qu'on me dit.

Un médecin qui faisait des tests pour le Compassion Club a malheureusement été pris et inculpé. Il avait un permis pour tester la marijuana, mais il était uniquement censé faire des tests pour des gens qui en faisaient la culture légale. Mû par la compassion, il avait pris le matériel du Compassion Club et avait réalisé des tests pour détecter la présence de moisissure, de métaux, et cetera., pour que les gens du club sachent qu'ils pouvaient l'utiliser en toute sécurité. Cependant, il contrevenait à la loi actuelle. À mon avis, il est impératif d'agir, particulièrement dans l'intérêt de la profession médicale.

Le président: Lorsque notre comité a siégé à Vancouver, nous avons entendu le témoignage de représentants de la B.C. Compassion Club Society. Nous avons visité ses locaux. L'organisme utilise uniquement de la marijuana biologique rigoureusement contrôlée. Cela pourrait répondre à vos préoccupations.

Le sénateur LaPierre: Les attentats du 11 septembre ont réveillé ou revitalisé la guerre contre la drogue aux États- Unis. L'un des arguments en faveur de l'instauration d'une meilleure sécurité à la frontière canadienne est le trafic de marijuana, particulièrement de la Colombie-Britannique vers les États de l'ouest des États-Unis. Pensez-vous que maintenant que s'ajoute cette crainte en ce qui concerne la sécurité, il sera plus difficile d'obtenir de la marijuana?

M. Conroy: Il ne sera pas difficile pour les gens de se procurer de la marijuana en Colombie-Britannique, mais il sera plus difficile de la faire entrer aux États-Unis. Le prix a grimpé. En Colombie-Britannique, le prix a baissé alors qu'aux États-Unis, il a augmenté. Encore une fois, une grande partie de la marijuana consommée par les Américains est produite là-bas. J'ignore comment les cultivateurs de la Colombie-Britannique s'y prennent, mais ils font un excellent travail de marketing pour mousser la qualité de leur marijuana car des cultivateurs américains me disent que la leur est meilleure, à tout le moins celle qui provient du nord de la Californie. Quoi qu'il en soit, il en est ainsi. Il me semble que les policiers sont devenus les plus grands promoteurs de la marijuana de la Colombie-Britannique. Ils rapportent constamment dans les médias que cette variété est plus puissante que jamais, que les tribunaux ne font rien et qu'il existe 15 000 cultivateurs. Lorsque les gens perdent leur emploi, ils rationalisent la situation et se disent que cultiver la marijuana, ce n'est pas si mal et ils se lancent dans ce domaine d'activité pour survivre.

Le prix de la marijuana de la Colombie-Britannique a augmenté pare qu'il est plus difficile de la faire entrer aux États-Unis, qu'elle a acquis cette réputation d'excellence et qu'il y a une demande. Et cela est vrai non seulement dans l'ouest du Canada. Si vous pouvez acheminer de la marijuana de la Colombie-Britannique à New York, vous en obtiendrez trois ou quatre fois le prix que vous toucheriez dans la province. La prohibition et les restrictions accrues ont eu un effet prononcé sur le prix et sur toute la structure du marché.

On vend des graines de marijuana partout dans le monde. Dans le Cannabis Culture Magazine, il y a 12 pages consacrées aux graines. Après la panique provoquée par l'anthrax, on a craint que toutes ces enveloppes soient irradiées et les semences détruites. Par conséquent, le resserrement de la sécurité a influé sur le commerce des graines de marijuana. Comme tout autre produit, il peut être influencé par de nombreux facteurs. Cependant, la situation a surtout gonflé les prix. Il s'ensuit que l'on tente d'acheminer outre-frontière des quantités plus considérables, ce qui comporte plus de risques. Les pénalités sont plus lourdes aux États-Unis.

J'ai eu connaissance de cas où la police a attiré certains trafiquants aux États-Unis pour les arrêter parce qu'ils seront assujettis à une peine plus lourde qu'au Canada.

Le sénateur Maheu: Monsieur Conroy, je voudrais aborder deux points que vous avez mentionnés précédemment. Pourriez-vous nous en dire un peu plus long sur les jeunes et l'influence perturbatrice que peut avoir sur leurs études la consommation de marijuana? Peu de témoins ont abordé cet aspect.

M. Conroy: Dans la preuve soumise dans l'affaire Caine, le Dr Kalant a mentionné un certain nombre d'études sur le sujet. Je n'ai pas tous les détails en tête, mais il semble que si des jeunes qui ne sont pas encore arrivés à l'âge adulte commencent à consommer de la marijuana — et certaines variétés sont assez puissantes —, ils prennent l'habitude d'en fumer chaque fois qu'ils ne se sentent pas bien, qu'ils veulent se distraire ou fuir la réalité. Le résultat, c'est qu'ils ne s'intéressent pas suffisamment à leurs études, qu'ils ne s'appliquent pas. Ils peuvent développer une dépendance psychologique vis-à-vis de la marijuana, aux dépens du travail scolaire qu'ils doivent accomplir.

Un certain nombre d'études ont été présentées au tribunal. Je pourrais obtenir les références pour vous, mais c'est là l'essentiel de la preuve présentée, si ma mémoire est bonne.

Le sénateur Maheu: J'ai entendu dire que le gouvernement ne voulait ou ne pouvait pas modifier notre législation concernant la consommation de drogues, et particulièrement de marijuana, en raison de nos obligations internationales. Vous avez parlé des traités. Je m'intéresse au trafic transfrontalier vers les États-Unis. Que se passerait-il si le gouvernement du Canada décidait de décriminaliser la marijuana?

M. Conroy: Les tribunaux déclareraient anticonstitutionnelle la loi actuelle. Cela créerait un problème pour le gouvernement des États-Unis d'Amérique étant donné que notre pouvoir judiciaire, qui est indépendant, aurait déterminé ce que signifie notre Constitution eu égard à cette question. Le gouvernement américain devrait alors prendre les mesures qu'il juge nécessaires.

Je conviens qu'il est difficile pour le gouvernement d'agir compte tenu des rapports entre le Canada et les États- Unis. Lorsqu'on dit qu'il y a une entente pour ne pas décriminaliser, j'ai toujours cru que l'on faisait référence aux traités internationaux ou bilatéraux. Nous voyons d'un mauvais oeil l'attitude des États-Unis dans le dossier du bois d'oeuvre et dans d'autres dossiers. Les Américains sont sélectifs.

Dans le contexte de la lutte antidrogue, sur le plan historique, c'est le gouvernement américain qui a déployé partout dans le monde des efforts pour convaincre les pays de signer ces traités et généralement, ce sont des fonctionnaires de Washington qui font pression sur nos fonctionnaires pour qu'ils élaborent de nouvelles lois. L'adoption de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ne faisait pas partie du programme du gouvernement du jour. Je crois savoir qu'elle a vu le jour sous la pression de Washington.

Les Américains exerceront des pressions, mais par ailleurs, le principal marché d'acheteurs est formé des États-Unis. C'est là que le pourcentage de condamnations est le plus élevé. Je crois savoir que les pays ayant mis en oeuvre des stratégies de réduction du préjudice et d'autres approches du genre ont constaté une baisse ou une faible augmentation de la population consommatrice.

Cela ne sera pas facile, mais ce n'est pas la première fois que nous serons confrontés à un problème dans nos rapports avec les États-Unis.

Je soupçonne que les Américains, qui sont les principaux consommateurs du produit, seront très heureux. C'est avec le gouvernement fédéral américain que nous devrons composer, et il sera fort intéressant de voir comment les choses se dérouleront. Pendant la prohibition, les Canadiens étaient considérés comme les principaux fournisseurs d'alcool aux États-Unis. J'entrevois une prolifération de petits cafés le long de la frontière, ou quelque chose du genre.

On m'invite souvent à prendre la parole sur cette question aux États-Unis et à présenter une perspective canadienne. Souvent, j'invite tous les membres de l'auditoire à devenir citoyens canadiens pour que nous puissions faire une prise de contrôle inversée.

Le président: Mon collègue, le sénateur LaPierre, a utilisé le terme moralité. J'aimerais entendre votre opinion sur la question des valeurs morales appuyées et défendues par le Code criminel. Je songe aux dispositions concernant la prostitution et l'avortement, qui demeurent dans le Code criminel, bien qu'elles ne soient pas appliquées. Nous avons entendu des témoins, lu des articles de journaux et reçu des courriels au sujet de l'aspect moral. D'après eux, on dira ce qu'on voudra, cela est moralement répréhensible et le Code criminel défend leurs valeurs. Que répondez-vous à cela?

M. Conroy: Qu'entend-on par valeur morale? Est-ce le fait de dire aux gens ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas faire avec leur corps? Est-ce imposer son opinion à des gens alors que leurs actes ne vous touchent nullement et que cela ne devrait pas vous regarder? Cette histoire de valeur morale est de la foutaise. N'oubliez pas que nous vivons dans une démocratie constitutionnelle. Nous ne sommes plus en démocratie parlementaire. Nous vivons dans une démocratie constitutionnelle depuis 1982, de sorte que la morale n'est plus une base constitutionnelle valable pour élaborer la législation dans une société pluraliste. En l'occurrence, il s'agit simplement de l'affrontement entre les valeurs morales des uns par rapport aux autres. Nous n'avons pas de valeurs morales nationales.

Les gens ont des convictions fermes, qu'elles soient religieuses ou autres. C'est une chose pour eux que de les exprimer, de me prendre à parti pour me dire à moi ou à quiconque, ce que je ne devrais pas faire. Cela ne me dérange pas; c'est la démocratie et c'est bon. Cependant, essayer d'utiliser le droit, et le droit pénal en particulier, pour menacer ma liberté afin d'imposer des valeurs morales, n'est pas acceptable dans une démocratie constitutionnelle. Nous essayons de respecter la perspective de chacun du mieux que nous le pouvons.

Cela exige inévitablement la quête d'un équilibre entre les intérêts de la société ou de l'État et les intérêts individuels, mais il n'est plus acceptable d'imposer sa moralité à la société canadienne à moins qu'il ne s'agisse d'un type de moralité extrêmement bien défini, comme le commandement Tu ne tueras point. Cependant, où intervient la question de la moralité dans la consommation de marijuana?

Le président: Vous avez parlé tout à l'heure du principe du préjudice en ce qui a trait au meurtre. Lorsque personne d'autre n'est touché, comme dans le cas de l'avortement, vous adhérez somme toute à la position de la cour dans l'affaire Morgentaler?

M. Conroy: C'est exact. Cela oblige une femme à choisir entre sa liberté et sa santé. L'arrêt Parker a le même fondement.

Le président: Cet après-midi, nous entendrons des chefs de police et des représentants d'autres organisations qui accoleront l'étiquette dangereux au cannabis. Il existe une preuve imposante, bien qu'elle ne soit pas entièrement concluante, voulant que le cannabis puisse avoir des effets négatifs. Nous savons quels sont certains de ces effets. Nous cherchons toujours à comprendre pourquoi l'alcool et la marijuana ne font pas bon ménage pour la conduite automobile. Quoi qu'il en soit, on utilisera cet après-midi le terme dangereux. Pourquoi?

M. Conroy: À mon avis, c'est que les autorités policières veulent conserver leurs pouvoirs et que cela fait partie d'un programme caché. Elles savent pertinemment que si l'on assouplit l'application de la législation antidrogue, il leur faudra réduire sensiblement le nombre de leurs effectifs. Il y aura moins d'engorgement dans les tribunaux et dans le système de justice pénale. Les services de police auront moins à faire et moins de pouvoirs. Je pense que c'est le fin mot de l'histoire.

Des membres de l'escouade antidrogue m'apostrophent périodiquement en me disant: Conroy, qu'est-ce que vous faites? Vous allez tout gâcher. Ils préfèrent de loin enquêter sur des affaires de drogue, déplacer beaucoup d'air en essayant de débusquer des opérations de culture de marijuana, plutôt que de s'occuper de meurtre, de vol et de viol. C'est beaucoup plus amusant. Moi-même, je préfère les affaires de culture de marijuana aux affaires de meurtre.

Une industrie s'est développée et les escouades antidrogue s'efforcent de dénicher les opérations de culture. Elles dépensent des masses d'argent des contribuables pour ce qui me semble être une infraction mineure. Selon moi, les crimes violents et les infractions contre les biens sont beaucoup plus graves que la culture de la marijuana.

Je pense que la lutte antidrogue façonne pour une grande part la perspective de la police. Les forces policières, et en particulier ses dirigeants, y sont embourbés depuis 100 ans. Elles n'étaient pas là lorsque l'opium était en vente libre dans les épiceries au début des années 1900 et lorsque la marijuana était disponible et figurait en bonne place dans la pharmacopée de la plupart des pays. À l'époque moderne, il s'est développé cette industrie qui veut que les forces policières envoient des escouades pour tenter de trouver la marijuana et nous, avocats de la défense, on nous embauche lorsqu'on a réussi à arrêter quelqu'un. Nous passons maintenant tout notre temps à tenter d'exclure des éléments de preuve, à relever les erreurs des policiers et à en tirer parti. Cela gruge énormément le temps des tribunaux.

Le président: Je peux comprendre que les organisations policières utilisent le terme dangereux, et je suis votre raisonnement. Qu'en est-il des organisations médicales? Le Dr Kalant a-t-il utilisé ce terme devant la cour?

M. Conroy: Non. Il qualifierait plutôt la marijuana de calmant léger.

Le président: Il a employé cette expression?

M. Conroy: Je pense que c'est l'expression qu'il a employée pour décrire la marijuana. Souvent, on dit se soucier de la jeunesse. Les policiers à qui je parle évoquent toujours la jeunesse. Il existe un groupe de médecins qui s'appellent eux-mêmes les médecins des drogues toxicomanogènes. Tout récemment, je les ai entendus parler d'études et de graphiques qui révèlent chez les jeunes qui commencent à consommer de la marijuana très tôt une dépendance que l'on ne trouve pas chez les adultes. Cela se produit parfois au cours du processus de maturation. Ils craignent que ces jeunes deviennent toxicomanes et qu'ils le restent.

Il faut voir quelle est la réalité historique de la consommation de marijuana et se poser la question: si tel est le cas, où sont tous ces toxicomanes? Un grand nombre de personnes fumaient de la marijuana dans les années 60. À l'heure actuelle, les taux d'utilisation sont bien en deçà de ce qu'ils étaient à cette époque. Ils ont augmenté au début des années 90, et il y a toujours eu des fluctuations à la hausse et à la baisse indépendamment des diktats de la loi. S'il y avait eu un problème de dépendance sérieux, je suis convaincu que nous le saurions maintenant.

Ce qui me dérange, c'est que la profession médicale fait également appel au droit pénal pour promouvoir sa cause. Les médecins peuvent dire à leurs patients: À notre avis, vous ne devriez pas faire cela pour telle ou telle raison, sans ajouter: Nous avons besoin de faire intervenir le droit pénal en vue de menacer votre liberté pour vous forcer à faire ce que nous jugeons bon pour votre santé. Assurément, ce n'est pas là un usage approprié du droit pénal. Nous y avons recours pour empêcher les gens de causer des préjudices à autrui. Si les gens veulent fumer de la marijuana en privé, chez eux ou ailleurs, pour autant que cela ne fasse pas de tort à autrui, ils sont certainement en droit de le faire dans une société libre et démocratique, sous réserve qu'ils le fassent en toute connaissance de cause. Les médecins devraient leur fournir toute l'information qu'ils veulent sur les effets d'un tel comportement, sans pour autant se servir du droit pénal pour arriver à leurs fins. Je pense qu'ils oublient cela. Ils souhaitent que le gouvernement continue de considérer la marijuana comme un produit illégal pour empêcher tel ou tel préjudice, mais en dernière analyse, ils se servent du droit pénal.

Le président: Je voudrais revenir à la pleine signification du principe du préjudice sérieux que vous voulez voir confirmer par la cour. Entendez-vous par là un préjudice sérieux causé à autrui?

M. Conroy: À autrui et à la société dans son ensemble.

Le président: Vous ne parlez pas d'un préjudice sérieux causé à l'usager. Cela pourrait amener l'interdiction du tabac et de l'alcool.

M. Conroy: C'est juste. Lorsque vous consommez du tabac, vous vous faites du tort. Nous ne disons pas aux fumeurs: Ne fumez pas, sinon nous allons vous jeter en prison. Cependant, si un nombre considérable de personnes consomment du tabac et, au bout d'un certain temps, deviennent un fardeau pour le système de soins de santé, elles risquent de causer un préjudice à la société dans son ensemble. Vous imposez un coût à toute la société. À ce moment- là, une intervention quelconque de la part de l'État devient justifiée. Encore une fois, je ne préconiserais pas le recours au droit pénal, mais au moyen du système fiscal, de l'assurance médicale ou de tout autre modèle, il serait opportun d'essayer d'alléger le fardeau des contribuables et de l'imputer aux responsables de ces coûts — et non de les jeter en prison, de leur imposer des amendes ou de les traduire en justice en invoquant le droit pénal. Cela n'a aucun sens à mes yeux. Cette façon de faire ne fait qu'exacerber le problème. Le remède est pire que le mal, si je peux m'exprimer ainsi, lorsqu'on jette des gens en prison pour ce genre de choses.

Le sénateur LaPierre: N'est-ce pas un crime que de tenter de se suicider?

M. Conroy: En effet. Évidement, si votre tentative de suicide réussit, il n'y a plus personne à traduire en justice.

Le sénateur LaPierre: Je ne cause du tort qu'à moi-même en me suicidant. Je ne cause pas de tort au sénateur Maheu, bien que cela puisse la réjouir.

M. Conroy: Ce n'est peut-être même pas constitutionnel. Il y a dans nos codes juridiques toutes sortes d'infractions qui, à mon avis, sont anticonstitutionnelles. C'est une ancienne infraction sur laquelle les tribunaux ne se sont pas penchés récemment.

Le sénateur LaPierre: Qu'en est-il de l'euthanasie?

M. Conroy: La Cour suprême du Canada a maintenu cette loi dans l'affaire Rodriguez.

Par conséquent, la disposition concernant la tentative de suicide ferait sans doute l'objet d'une analyse analogue à celle qui a prévalu dans l'affaire Rodriguez. Si je me souviens bien, la cour a pesé le droit à la vie évoqué à l'article 7 de la Charte et l'équilibre entre l'intérêt qu'a la société à maintenir la vie et la volonté de l'individu de se l'enlever. Nous traçons peut-être la ligne lorsqu'on en arrive au geste extrême de s'enlever la vie. Si vous voulez manger des aliments gras, faites. Ce n'est pas bon pour vous et ce n'est pas bon pour le contribuable. Il y a un grave problème d'obésité au Canada et aux États-Unis, mais nous n'optons pas pour autant pour l'approche du droit pénal. Il semblerait absurde d'avoir des lois qui stipuleraient: Vous êtes autorisé à consommer un certain nombre maximal de calories. Si vous en consommez davantage, vous serez passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement.

Le président: Vous avez fait allusion à la réglementation sur l'accès à la marijuana à des fins médicales. Avez-vous des clients qui ont des problèmes liés à l'application de cette réglementation et dans l'affirmative, comment réglez-vous leur cas?

M. Conroy: La semaine dernière, un homme qui avait présenté une demande en octobre dernier aux termes de la nouvelle réglementation est venu me voir avec sa femme. Il souffre de poliomyélite récurrente. Il a contracté la polio alors qu'il était enfant. Il a maintenant plus de 50 ans, et la maladie revient et lui cause beaucoup de douleur. Les médecins ont essayé toutes sortes de choses, mais en vain. Ils ont essayé le cannabis et cela a donné de bons résultats pour lui. Avec l'appui d'un médecin généraliste et de spécialistes, il a présenté une demande au mois d'octobre. Au téléphone, on lui a dit qu'à cause des changements intervenus, le programme était en suspens ou au point mort. Cependant, je suis heureux de vous dire qu'il a reçu son certificat la semaine dernière.

Le président: Il est dans la troisième catégorie. Il a eu besoin d'obtenir deux avis médicaux.

M. Conroy: Je pense qu'il était dans la catégorie deux, mais il a effectivement obtenu un certificat. À ma connaissance, on arrive à un total de 700 pour les anciennes et les nouvelles demandes confondues, mais la question était de savoir si les nouvelles demandes étaient traitées ou si tout le programme était en veilleuse. Jusqu'à la semaine dernière, j'ai cru qu'il y avait un problème, mais je sais maintenant qu'il a été résolu. Cela prend quand même du temps. Les médecins ont un problème important.

Le président: Quelle est la réaction des médecins? Nous entendrons cet après-midi les porte-parole de leur organisation nationale. On leur a presque donné l'ordre de ne pas signer. Qu'en pensez-vous?

M. Conroy: J'aimerais les traduire en justice. Ils ne veulent pas assumer le rôle de chiens de garde, et je ne peux leur reprocher. Cependant, ils sont déjà responsables d'autres drogues qui sont beaucoup plus dangereuses et dont les ratios de dose létale peuvent facilement tuer. L'aspirine a un ratio de dose létale de 9 environ. Des gens sont admis à l'hôpital pour avoir ingéré des médicaments non prescrits qui sont beaucoup plus dangereux que le cannabis. Si les ratios thérapeutiques s'appliquaient au cannabis, celui-ci serait au bas de la liste des médicaments non prescrits. Si j'ai bien compris la position des médecins, le cannabis n'a pas été soumis au processus des produits thérapeutiques ni n'a été testé en comparaison de placebos, et cetera. Les gens utilisent de nombreuses herbes médicinales. Ce n'est que maintenant que l'échinacée est soumise au processus, mais les médecins n'adoptent pas la même position envers ce produit.

Je pense que les médecins font preuve de la plus grande hypocrisie. Selon certaines études, plus de 33 p. 100 d'entre eux ont fumé de la marijuana pendant leur cours de médecine. La plupart d'entre eux savent qu'il s'agit d'une drogue inoffensive, anodine. Ils affirment que c'est le fait qu'on la fume qui les dérange, et ils ont raison. Il n'est pas bon de fumer, mais la médecine utilise l'inhalation comme méthode d'administration de médicaments. Tant que nous n'aurons pas mis au point de meilleurs vaporisateurs ou d'autres méthodes novatrices, comme des pilules que l'on placerait sous la langue ou des vaporisateurs — et il y a un marché considérable pour cela — les épileptiques, par exemple, doivent fumer du cannabis car c'est le moyen le plus rapide de stopper le déclenchement de la prochaine crise. Tant que nous n'aurons pas raffiné nos méthodes, il est justifié de critiquer l'obligation de fumer. J'en conviens.

Cependant, de dire: Cela n'a pas été étudié ou Il faut faire des études, des essais et essayer n'importe quelle autre solution avant d'utiliser la marijuana est hypocrite et irréaliste compte tenu de ce que nous savons déjà. On a fouillé le sujet à fond pour tenter d'en déceler les côtés négatifs. On ne l'a pas suffisamment étudié pour trouver tous ses bons côtés. Compte tenu des éléments de preuve dont nous disposons, nous savons que le principal problème tient au fait que la marijuana est inhalée. Nous disposons de nombreuses preuves anecdotiques émanant de personnes qui ont constaté qu'elle donnait de bons résultats pour elles alors que d'autres options avaient échoué.

Je me suis occupé de cas d'héroïnomanes qui, après avoir recouvré leur liberté, volent pour se procurer l'argent nécessaire à l'achat d'héroïne et se retrouvent en prison. Au moment de leur libération d'office, ils tentent d'accéder à un programme d'entretien à la méthadone. Dans un cas, les dirigeants de l'établissement ont dit: Vous avez connu des périodes d'abstinence ici. Pourquoi? Vous devriez obtenir de la méthadone uniquement si rien d'autre ne fonctionne. Et le détenu de répondre: Je fumais de la marijuana. J'ai constaté que cela diminue mon besoin d'héroïne. Il pourrait recourir à une drogue douce pour échapper à une drogue dure. J'ai alors proposé aux dirigeants de la prison de l'autoriser à consommer de la marijuana à des fins médicales. Non, nous ne pouvons l'autoriser à fumer de la marijuana à des fins médicales dans notre établissement, mais nous lui donnerons de la méthadone. On lui a donc donné de la méthadone, une drogue dure. Avant sa libération d'office, on doit le stabiliser sur la méthadone pendant plusieurs mois. Une fois en liberté, il faut espérer que cela l'empêchera de récidiver pendant un certain temps. Cependant, comme il ne lui plaît guère de prendre de la méthadone, nous allons continuer d'essayer d'obtenir qu'il soit autorisé à consommer de la marijuana à des fins médicales. Il s'agit de remplacer une drogue dure par une drogue douce. Et que disent les médecins? Essentiellement, ils disent qu'il doit prendre de la méthadone en premier.

Je comprends qu'ils ne veuillent pas jouer les chiens de garde, mais je ne pense pas que ce soit nécessaire. On peut employer la réglementation sur les produits de santé naturelle. Les gens peuvent en posséder, s'en servir à des fins médicales ou récréatives, à leur gré, et aussi consulter leur médecin s'ils le veulent. S'ils prennent d'autres médicaments, ils voudront sans doute en parler à leur médecin pour éviter toute contre-indication. Dans les années 60, ce n'est pas la marijuana, mais la consommation de drogues multiples qui a été le grand problème. En pareil cas, quiconque vendrait de la marijuana en guise de médicament serait tenu de respecter certaines normes et les médecins ne seraient pas obligés d'en assurer le contrôle, comme c'est le cas pour d'autres médicaments. Les médecins n'aiment pas que le gouvernement leur dicte ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas faire en rapport avec cette drogue, plus encore que pour toutes les autres drogues sur lesquelles ils exercent un pouvoir.

J'ai une certaine sympathie à leur endroit, mais je pense qu'ils font preuve de beaucoup d'hypocrisie. Il n'est pas conforme au serment d'Hippocrate — Je ferai tout pour soulager les souffrances — de refuser à un patient une ordonnance pour la marijuana lorsque rien d'autre ne fonctionne pour lui. Certaines personnes qui sont allergiques à un grand nombre d'autres médicaments constatent que la marijuana fonctionne pour elles.

Je vais vous raconter une anecdote. La semaine dernière, mon médecin m'a dit qu'il avait essayé d'obtenir l'appui de ses collègues en vue de procurer du cannabis à un homme qui avait tenté en vain diverses solutions, mais il a essuyé un refus. Ils lui ont dit d'essayer de la morphine à effet prolongé. L'homme en a pris et a été horriblement malade. Par la suite, il a obtenu du cannabis du Compassion Club et il a raconté à mon médecin qu'il n'avait pas aussi bien dormi depuis 15 ans. La marijuana a fonctionné dans son cas.

C'est peut-être anecdotique, mais si mon médecin suit ce patient pendant les six mois suivants, s'il fait constamment des tests et des vérifications pour voir ce qui se passe, on ne peut plus dire que c'est strictement anecdotique. On n'a pas utilisé de placebo et tout le reste, mais parfois, quand vous voyez votre médecin, il vous dit: Essayez ces pilules bleues.

Quelqu'un de l'industrie pharmaceutique m'en a refilé un échantillon l'autre jour. Il m'a dit de les essayer. Personne n'a fait d'étude sur moi pour déterminer l'effet de ces pilules.

Il se peut bien que je retourne le voir pour lui dire que je n'aime pas ce truc, que ça ne marche pas.

L'observation des effets chez le patient pendant une période donnée, c'est sûrement plus qu'une simple preuve anecdotique. La profession médicale se fie là-dessus dans d'autres situations. Pourquoi pas dans ce cas-ci?

Le président: Parlons un peu de l'ampleur du marché du cannabis en Colombie-Britannique. Vous avez dit que c'était un marché immense. Nous avons entendu un témoin nous dire que c'est un marché plus important que celui du bois d'oeuvre. Nous essayons de trouver des preuves solides à l'appui de ce que nous avons entendu. Pouvez-vous nous aider?

M. Conroy: Comme je l'ai dit, tout ce que j'en sais, c'est ce que la police en dit. La police a les statistiques et les communique aux médias.

Je peux vous affirmer que beaucoup d'avocats de la défense prennent de nombreux cas de clients accusés d'avoir cultivé de la marijuana. C'est devenu une infraction courante et l'on entend dire qu'il y a beaucoup plus de producteurs qu'il n'y a de personnes accusées.

Il paraîtrait que des groupes vietnamiens à Vancouver contrôlent de grandes entreprises de production. On entend parler de culture imposante dirigée par des familles. On entend dire que les Hell's Angels s'occupent de la distribution aux États-Unis.

Il est difficile de quantifier cela et de savoir vraiment ce qui se passe. Je soupçonne qu'il y a eu une très forte augmentation du nombre de gens qui font pousser de la marijuana en Colombie-Britannique, en tout cas partout dans le sud-ouest de la province et dans la région de Kootenay.

Cette croissance a été favorisée par l'ingéniosité des gens qui ont trouvé comment faire pousser cette plante dans un climat nordique en obtenant d'aussi bons résultats que dans le sud. Ils se sont aperçus que le marché se situait essentiellement aux États-Unis. C'est là-bas qu'il y a une forte demande.

Les gens ont lu tout ce qui s'est publié au fil des années sur la marijuana et ils ne constatent pas les mêmes problèmes dans la société que ceux qui peuvent découler de la consommation d'héroïne ou de cocaïne. Ils rationalisent la culture illégale qui devient pour eux une source de revenu.

Comment obtenir de l'information quand on a affaire à un marché noir? Le Fraser Valley College a fait une étude portant sur plusieurs régions de la Colombie-Britannique. L'établissement a comparé avec une localité de l'Alberta et une autre de l'État de Washington. Il a fait des comparaisons sur le nombre de condamnations, les peines infligées, et cetera.

Je pourrais vous obtenir ce rapport. Il pourrait vous être utile pour faire une analyse comparative. Il traitait plutôt des pénalités. Il y a eu beaucoup d'affaires classées. Souvent, la police découvre une culture, arrache les plantes et avertit les gens de cesser cette culture, mais ne porte pas d'accusation. On a fait cela pendant un certain temps, mais quand l'affaire a été rapportée par les médias, on s'est interrogé sur la régularité de cette approche.

[Français]

Le président: Je vous rappelle que Me Conroy représente différents prévenus et qu'une de ses causes est présentement devant la Cour suprême du Canada. Nous suspendons nos travaux le temps d'une pause de dix minutes.

[Traduction]

Le président: Nous entendrons maintenant M. Bill Marra et Mme Janet Neves, de la Fédération canadienne des municipalités.

M. Marra est né en Suisse et est déménagé au Canada en avril 1968. Il a étudié à l'Université de Windsor, où il a obtenu un baccalauréat en sociologie et un baccalauréat en criminologie.

M. Marra a été élu au conseil municipal de Windsor en 1994 et réélu en 1997. Il a fait partie de nombreux comités du conseil municipal qui se sont penchés sur l'objet de notre étude.

Si, pendant votre témoignage, des questions doivent être approfondies davantage, je vous écrirai et vous pourrez me répondre par écrit. Ces questions et réponses seront affichées sur le site Web du comité.

M. Bill Marra, président du Comité permanent sur la sécurité communautaire et la lutte contre le crime de la Fédération canadienne des municipalités et conseiller de la Ville de Windsor: Au nom de la Fédération canadienne des municipalités, la FCM, je remercie les membres du comité de m'avoir invité à leur parler de l'impact des drogues illicites sur les collectivités, du rôle du gouvernement municipal pour s'attaquer au problème et du travail effectué par la FCM.

Comme vous le savez, la FCM est reconnue depuis 1901 comme la voix nationale des gouvernements municipaux. La FCM se consacre à l'amélioration de la qualité de vie dans les collectivités canadiennes. Ses membres comprennent les plus grandes villes du Canada, ainsi que de petites villes et des localités rurales et toutes les associations municipales provinciales et territoriales, représentant plus de 20 millions de Canadiens.

La FCM a un long historique de leadership dans le domaine de la sécurité communautaire et de la prévention du crime. Notre Comité permanent sur la sécurité communautaire et la lutte contre le crime collabore avec diverses organisations dans les dossiers de justice pénale et renforce la sécurité des collectivités par des partenariats dans le domaine de la prévention du crime. Le principal objectif du comité est de donner aux dirigeants municipaux les outils voulus pour établir des programmes de prévention du crime permettant d'assurer la sécurité des collectivités canadiennes. Le plus important, c'est que l'approche de la FCM pour une plus grande sécurité dans nos collectivités est fondée sur la prévention par le développement social.

L'orientation de la FCM dans le dossier des drogues remonte à une résolution adoptée d'urgence à notre congrès annuel de 1997. Cette résolution, parrainée par la ville de Vancouver, appelait notre organisation à adopter une série de mesures antidrogues rigoureuses et à exiger l'appui du gouvernement fédéral dans la lutte contre les toxicomanies. La résolution a été appuyée à l'unanimité par les centaines de délégués à la conférence.

En réponse, la FCM a effectué une étude pour déterminer s'il y avait des préoccupations semblables dans d'autres villes du Canada. Cette étude a été menée à bien en 1997, en collaboration avec le Conseil national de prévention du crime et Justice Canada. Un questionnaire a été envoyé à 200 élus municipaux occupant des postes importants, à des services de police, des conseils tribaux des Premières nations et aux membres du Groupe de travail fédéral-provincial- territorial de la prévention du crime, pour évaluer l'ampleur des problèmes de criminalité et de troubles publics et leurs conséquences sur les collectivités. Les répondants ont placé au premier rang les infractions dans le domaine des drogues, confirmant que le problème des drogues n'était pas ressenti seulement dans quelques collectivités, mais qu'il était une préoccupation primordiale des gouvernements locaux d'un bout à l'autre du pays.

Une multitude de coûts sociaux, de santé et économiques ont été associés au trafic des stupéfiants et à l'abus des drogues. L'étude la plus complète effectuée sur le coût global des drogues pour l'économie canadienne date de 1992 et l'on cite souvent le chiffre obtenu, à savoir 8,9 milliards de dollars en coûts dans les domaines de la santé, de l'application des lois et de pertes économiques résultant de la baisse de productivité de la main-d'oeuvre.

En 1996, on a estimé à 96 millions de dollars par année le coût direct des soins de santé et de l'application de la loi uniquement pour l'usage de drogues injectables en Colombie-Britannique. En plus de l'impact purement financier de l'usage des drogues, il faut toutefois comptabiliser les conséquences sociales dont il est difficile de chiffrer le coût, par exemple la valeur de la sécurité publique et du bien-être.

La sécurité personnelle est l'un des facteurs les plus importants de la qualité de vie des Canadiens. Les Canadiens sont fiers de leurs collectivités sûres, et pourtant les dirigeants municipaux sont confrontés à des menaces de plus en plus lourdes à cause des conséquences généralisées de la consommation de drogues et du crime organisé. Les groupes de crime organisé ont été associés au commerce des drogues illicites et la GRC considère que le trafic de stupéfiants est l'une des principales sources de revenu de ces groupes. Le solliciteur général du Canada a fait faire une étude de l'impact du crime organisé qui indique que, de toutes les activités du crime organisé, le commerce des drogues illicites est le plus étroitement associé à la violence. Les exemples de violence causée par les drogues illicites sont nombreux: guerre des gangs criminels qui se disputent le marché des drogues; actes de violence contre des agents d'application de la loi, actes de violence contre le grand public, motivés par le besoin d'argent pour acheter des drogues; et violence gratuite et aléatoire résultant de la confusion et de la désorientation des consommateurs de drogues.

Les risques pour la santé associés aux drogues injectables représentent une menace à la fois pour les consommateurs de drogues injectables et pour le grand public. Le risque de contracter et de transmettre le VIH/sida et l'hépatite C à cause de la consommation de drogues est très élevé. À Montréal, près de 11 p. 100 de tous les consommateurs de drogues injectables sont séropositifs. Le taux de séropositivité parmi les utilisateurs de drogues injectables à Vancouver est estimé à 25 p. 100, tandis que le taux de l'hépatite C est estimé à 90 p. 100.

Le caractère sacré de la vie humaine est compromis non seulement par le risque de propagation des maladies, mais aussi par les décès causés par les surdoses et les suicides. En 1998, 150 personnes sont mortes de causes associées aux drogues à Toronto, chiffre qui était légèrement supérieur à la moyenne annuelle des 12 dernières années et qui était d'environ 144 décès associés aux drogues.

Un certain nombre de drogues illicites ont des conséquences nocives pour la santé. Les données recueillies par le Réseau communautaire canadien d'épidémiologie des toxicomanies, le RCCET, à Winnipeg, indique que la cocaïne, le crack, les sédatifs et les tranquillisants sont les substances les plus couramment signalées dans les cas d'admission à l'hôpital pour des raisons liées aux drogues à Winnipeg en 2000.

Les municipalités sont en première ligne de la lutte contre le crime associé aux drogues. Elles assument l'essentiel du coût croissant de la police. Leurs réseaux de santé publique sont durement mis à l'épreuve par la propagation du sida, de l'hépatite et d'autres maladies liées à l'utilisation de drogues injectables. Les dirigeants municipaux comprennent la frustration créée par la capacité institutionnelle insuffisante pour mener à bien des programmes efficaces et soutenus de prévention et d'éducation, et pour traiter et guérir les toxicomanes.

Les municipalités ne sont pas simplement des compilations de problèmes. Elles sont aussi les dépositaires d'idées et de solutions créatrices et novatrices pour résoudre les problèmes. La FCM utilise deux principes directeurs dans son approche à la sécurité des villes et la prévention du crime. Premièrement, quand il s'agit d'identifier les problèmes de criminalité locale et les solutions potentielles, ce sont les municipalités qui sont les experts. Deuxièmement, toute solution efficace repose sur la collaboration et les partenariats entre organisations.

Il est important de reconnaître que la municipalité est l'ordre de gouvernement le plus proche de la population: aucun autre gouvernement n'a un tel impact immédiat sur la vie quotidienne des citoyens. En tant que tel, les gouvernements municipaux ont l'occasion de s'attaquer à la racine des problèmes associés aux drogues.

Les municipalités sont une source d'approche novatrice dans le domaine de la prévention. Des solutions créatrices pourraient être appliquées dans certains domaines d'expertise et dans certaines juridictions, dans le cadre d'une stratégie municipale de lutte contre la drogue, notamment l'administration des services publics et communautaires de santé, où il y aurait par exemple possibilité de mettre au point des approches efficaces pour la prévention en mettant particulièrement l'accent sur la prévention secondaire et tertiaire.

Il y a eu récemment un débat considérable au niveau national au sujet du logement. C'est un autre domaine où une intervention créatrice pourrait appuyer la prévention. Il y a une forte corrélation entre la toxicomanie et le phénomène des sans-abri. Certains soutiennent que les sans-abri et les chômeurs sont les résultats de l'utilisation de drogues, mais il n'y a aucune preuve pour corroborer cette affirmation.

Il est plus probable que les deux découlent des mêmes causes profondes. Les gens qui n'ont pas d'emploi ni d'endroit où habiter sont condamnés à vivre dans la rue, où l'utilisation de drogues est souvent généralisée.

La prestation des services sociaux peut constituer un mécanisme très utile pour des stratégies de prévention. Tout contact entre un toxicomane et un service social, que ce soit le counselling familial, des activités d'aide budgétaire ou de placement en vue d'un emploi, fournit l'occasion d'intervenir à des gens qui ont reçu une formation dans la prévention des drogues.

La croissance de la police communautaire, qui met l'accent sur la solution des problèmes, a aidé à rétablir la confiance de beaucoup de citoyens qui habitent dans des quartiers troublés.

Les municipalités exercent un pouvoir réglementaire sur divers aspects de la vie communautaire susceptibles de déboucher sur des programmes novateurs de prévention. L'aménagement municipal, le règlement de zonage, les règlements municipaux et l'octroi des permis, tout cela peut être utilisé en faisant preuve d'imagination pour réduire le potentiel de problèmes découlant des drogues.

Même le génie et les travaux publics peuvent jouer un rôle dans la prévention du crime par des moyens comme l'installation de lampadaires pour éclairer une rue trop sombre où l'on fait le commerce des drogues illicites, ou encore l'enlèvement de buissons qui peuvent servir à camoufler des activités illégales.

Une autre forme de prévention efficace du crime, c'est le contrôle exercé par les municipalités dans le domaine des services de loisirs. Cela comprend les parcs, les terrains de jeu, les programmes de loisirs et les bibliothèques. L'avantage des stratégies de prévention associées aux services de loisirs, c'est qu'elles ciblent les jeunes. La plupart des jeunes ne deviennent pas des consommateurs invétérés de drogues s'ils peuvent compter sur des activités de loisirs, ou une quelconque activité enrichissante pour occuper leur temps.

Cela est très important pour la croissance et le développement des enfants. Les loisirs et l'activité physique influent positivement sur la santé psychologique et physique, l'interaction familiale, l'influence des pairs, le rendement scolaire, le développement communautaire et d'autres comportements associés au mode de vie. Les enfants et les jeunes en santé adoptent souvent des modes de vie sains une fois devenus adultes. Malheureusement, la recherche montre que les deux tiers de nos enfants et de nos jeunes ne sont pas suffisamment actifs physiquement pour assurer une croissance et un développement optimaux. Certains groupes de jeunes se butent à des obstacles à leur participation à des activités de loisirs et physiques. Ces obstacles peuvent être liés à la pauvreté, à la race et au sexe. S'ils ne peuvent avoir accès à des possibilités de loisirs, ces jeunes deviennent plus vulnérables aux comportements à risque, depuis le décrochage scolaire jusqu'à la toxicomanie.

Par ses politiques et activités, la FCM appuie la Stratégie canadienne antidrogue, qui est fondée sur quatre piliers: la prévention, l'application de la loi, le traitement et la réduction du préjudice. La prévention cherche à réduire la demande de drogues par l'éducation et la sensibilisation; l'application de la loi cherche à réduire l'offre, tandis que le traitement et la réduction du préjudice visent à réduire la demande et à améliorer la santé et la sécurité des utilisateurs de drogues et de la collectivité en réduisant au minimum les conséquences négatives de l'utilisation des drogues.

Les activités de la FCM comprennent des efforts de prévention par la rédaction d'un recueil de notions élémentaires sur la prévention du crime localement et une stratégie antidrogue municipale fondée sur l'approche des quatre piliers. Une motion récemment adoptée par le caucus des grandes villes de la FCM appuyait la mise à l'essai scientifique de la consommation de drogues sous supervision comme stratégie de réduction du préjudice visant à réduire le plus possible les risques de maladie et de décès associés à la dépendance extrême à la drogue.

La stratégie antidrogue municipale de la FCM est un exemple éclatant de son approche face à la prévention du crime. Le projet est un effort étalé sur trois ans mis au point par le Comité santé et application de la loi en partenariat, avec l'appui du Centre national de prévention du crime, du solliciteur général du Canada et de Santé Canada. La stratégie municipale antidrogue de la FCM aide les gouvernements municipaux à élaborer et mettre en oeuvre des stratégies locales axées sur la mobilisation communautaire, la collaboration interorganisations et les partenariats. Le cadre énonce les principes directeurs devant guider les initiatives locales tout en reflétant une approche nationale. Notre stratégie antidrogue cible les drogues illicites, mais ses outils peuvent être appliqués à l'alcool ou à d'autres substances dans le cadre d'initiatives parallèles et complémentaires.

La stratégie est un projet en trois étapes. Au cours de la première étape, on a défini certains principes directeurs et effectué l'évaluation des besoins des municipalités, avec l'aide d'experts universitaires. Cette étude a confirmé le besoin de stratégies municipales antidrogue et a identifié les outils et ressources nécessaires pour appuyer les efforts municipaux dans ce domaine. Nous avons ensuite répertorié les programmes et outils existants et élaboré un modèle de stratégie municipale antidrogue pour servir de guide aux localités.

L'étape deux de notre stratégie, actuellement en cours de réalisation, est l'étape pilote de notre programme. Neuf collectivités ont été choisies pour appliquer la stratégie modèle. Les neufs collectivités choisies sont: la ville de Richmond, en Colombie-Britannique; la ville de Courtenay, en Colombie-Britannique; la ville de Prince Rupert, en Colombie-Britannique; le comté de Strathcona, en Alberta; la ville de Regina, en Saskatchewan; la ville de Thompson, au Manitoba; la ville de Hawkesbury, en Ontario; le village de Salisbury, au Nouveau-Brunswick; et la ville de Mount Pearl, à Terre-Neuve.

En plus de ces collectivités participantes, d'autres gouvernements municipaux ont mis en place une stratégie antidrogue, tandis que d'autres sont actuellement en train de mettre en place des stratégies antidrogue locales, parallèlement à l'étape pilote de ce projet, en utilisant des ressources de la FCM comme le guide que nous avons publié il y a quelques années.

La troisième et dernière étape du projet comprendra la coordination et le soutien de l'expansion des stratégies locales et l'identification de questions et préoccupations d'une portée plus large, pour futures études. Une activité clé pendant cette étape sera l'évaluation du projet, suivie de travaux de recherche pour déterminer dans quelle mesure le modèle a bien fonctionné, le tout débouchant sur des améliorations dans la mise en oeuvre de la stratégie dans les collectivités locales.

La FCM envisage un processus ascendant qui met l'accent sur l'action locale, sous l'égide d'un effort coordonné à l'échelle nationale. La stratégie municipale antidrogue complète la stratégie fédérale lancée en 1987 en mettant l'accent sur la prévention, les partenariats et une approche équilibrée visant à réduire à la fois l'offre et la demande.

Le caucus des maires des grandes villes a adopté une motion réclamant que plusieurs villes soient désignées pour mener à bien des essais scientifiques de consommation supervisée. Cette motion reflète les préoccupations en matière de santé et les problèmes croissants de l'utilisation de drogues injectables au Canada. On estime qu'environ 100 000 Canadiens sont des utilisateurs de drogues injectables.

Les conséquences de l'utilisation de drogues injectables sur la santé et sur la société se font sentir à la fois aux niveaux individuel et communautaire. La réduction du préjudice est une stratégie sociale dont le principal but est de réduire les effets nocifs des drogues illicites, y compris le tort physique comme le décès, la maladie, la propagation des maladies et les blessures causées par des accidents associés aux drogues et les actes de violence; les conséquences psychologiques, notamment la crainte accrue de crime ou de violence et les ruptures familiales; les coûts sociétaux résultant de l'effondrement des systèmes sociaux comme l'unité familiale ou les relations personnelles qui offrent stabilité et soutien; et les coûts économiques comme la perte de productivité, le coût des soins de santé et le coût de l'application de la loi.

Les politiques et programmes sont généralement mis en oeuvre pour réduire la demande de drogues à long terme. Il importe également que ces politiques s'attaquent aux conséquences négatives de l'utilisation des drogues que les Canadiens ressentent aujourd'hui. L'approche de la réduction du préjudice reconnaît qu'il est impossible d'empêcher totalement l'utilisation des drogues et cherche plutôt à promouvoir la santé en réduisant au minimum les décès associés aux drogues et le risque de propagation de maladie par l'utilisation de seringues communes, l'exposition du grand public aux seringues usagées et la transmission des maladies par les transfusions de sang.

Le nombre de décès causés par l'héroïne à Toronto a diminué chaque année depuis 1994. En 1998, on a enregistré 36 décès causés par l'héroïne, alors qu'il y en avait eu 67 en 1994. Le centre de prévention des drogues de la ville de Toronto attribue la baisse du nombre des décès causés par l'héroïne à la disponibilité du traitement à la méthadone et aux programmes d'échange de seringues.

Plus récemment, Santé Canada a commencé à explorer un projet pilote visant la création de sites de consommation sous supervision, fonctionnant dans un cadre approuvé par la loi, dans le but d'offrir un environnement sûr et sans danger où les utilisateurs de drogues peuvent s'injecter sans être associés aux activités criminelles et en étant en contact direct avec des professionnels de la santé qui ont reçu une formation dans l'utilisation sûre des drogues injectables et les interventions en cas de surdose. La création de tels sites en Europe a accru la sécurité publique et diminué le nombre de décès et la propagation des maladies.

Au caucus des maires des grandes villes en février, une motion présentée par le maire de la ville de Vancouver, Philip Owen, a été adoptée à l'unanimité. La motion recommandait que trois ou quatre villes soient désignées pour participer avec Santé Canada à des essais scientifiques de sites de consommation sous supervision. Winnipeg, Regina et Edmonton se sont prononcées à l'appui de la proposition, et d'autres gouvernements municipaux, notamment Montréal, Québec, Toronto, Victoria et Ottawa se sont montrés intéressés à y participer.

La FCM, de même que son comité sur la santé, a adopté les principes directeurs suivants pour la stratégie municipale antidrogue: la prévention est le mode d'intervention qui présente le meilleur rapport coût-efficacité; la participation des intervenants est primordiale; et il faut établir un juste équilibre entre la réduction de l'offre et la réduction de la demande.

La FCM s'est prononcée contre la légalisation et la décriminalisation de la marijuana et d'autres drogues illicites. Cette position découle d'une résolution qui a été adoptée par la FCM il y a cinq ans. À la lumière de la position adoptée par l'Association canadienne des chefs de police, l'Association médicale canadienne et l'Association du Barreau canadien de ne pas s'opposer à la décriminalisation du cannabis, notre conseil d'administration a récemment adopté une motion visant à entreprendre une étude de la question. Nous prévoyons présenter un rapport à notre conseil en septembre 2002.

Cette décision a été prise il y a une dizaine de jours à notre réunion du conseil tenue à St. John's. C'était un point sensible qui a suscité une discussion très animée. Certains ont même soulevé des réserves quant à la nature de notre présentation d'aujourd'hui, compte tenu de notre position de 1997 et du fait que nous entreprenons une étude. Certains disaient qu'il fallait éviter de présenter cela comme une volte-face. Nous nous sommes mis d'accord pour dire qu'il s'agissait d'entreprendre une étude.

C'est une question extrêmement délicate pour beaucoup de politiciens municipaux et le débat a été considérable. Ils m'ont demandé de dire clairement que la position de 1997 est inchangée, mais qu'il y a suffisamment d'appui pour aller de l'avant en vue de réexaminer la position de 1997. Ceux d'entre nous qui se sont prononcés favorablement estimaient qu'après cinq ans et à la suite du débat national et des travaux de votre comité, il nous incombait de réexaminer notre position, de tenir compte de renseignements nouveaux et d'examiner la position d'autres organisations nationales. Nous aimerions présenter à notre conseil d'administration quelque chose qui reflète davantage la situation en 2002.

Je tenais à bien faire comprendre le caractère délicat de cette question et le fait que nous y avons longuement réfléchi. Nous voulions dire que oui, telle était bien notre position en 1997, mais que nous envisageons très sérieusement de réexaminer cette politique et de nous mettre à l'écoute de ce qui se passe à l'échelle nationale en ce moment même.

La FCM continue d'appuyer les efforts visant à réduire l'offre des drogues. À sa dernière réunion, notre conseil d'administration a adopté une résolution réclamant des pénalités plus sévères pour les gens qui cultivent la marijuana sur leur propriété privée. La résolution témoigne du problème croissant de la culture à la maison dans le sud de l'Ontario et dans d'autres villes du Canada. Nous avons entendu dire qu'à Vancouver, ce type d'activité pose beaucoup de problèmes. Ces entreprises de culture intensive et sur une grande échelle à la maison ont entraîné la détérioration de la situation du logement à cause de l'utilisation de logements aux fins de la culture, et font augmenter le coût de l'application de la loi et les risques pour la sécurité associés à ces activités.

En résumé, la FCM appuie une approche équilibrée pour la réduction de l'offre par l'application des lois et la réduction de la demande par la prévention et le traitement, tout en veillant à assurer la sécurité et la santé de la collectivité par la réduction du préjudice.

Les gouvernements municipaux sont bien équipés pour identifier les problèmes associés aux drogues dans leurs collectivités et pour s'y attaquer, car ils sont les plus proches du problème. Toutefois, le leadership national est crucial pour l'établissement d'une orientation commune et applicable à l'ensemble des collectivités d'un bout à l'autre du Canada. Le financement fédéral de la stratégie antidrogue du Canada lancée en 1987 a diminué ces dernières années.

Un engagement fédéral d'appuyer une stratégie antidrogue nationale est nécessaire pour faciliter, enrichir et soutenir les efforts locaux dans la stratégie de lutte contre la drogue. L'efficacité de ce leadership national dépendra grandement de l'information recueillie au niveau local pour déterminer l'ampleur du programme, l'impact des efforts locaux, et pour établir une orientation nationale. Des normes et des ressources pour la collecte de renseignements devront être appuyées au niveau fédéral pour permettre l'obtention systématique et standardisée de données pour l'établissement de rapports en vue de la prise de décisions.

En outre, il faut que notre gouvernement fédéral consente un investissement considérable pour s'attaquer aux causes profondes du crime et des toxicomanies, notamment la pauvreté, le chômage, le manque de logements abordables, la désintégration des familles et l'aliénation culturelle. Les gouvernements municipaux veulent travailler en étroite collaboration avec les autres ordres de gouvernement pour s'attaquer avec succès aux problèmes associés aux drogues illicites au Canada. La collaboration, les partenariats et les ressources sont primordiales pour atteindre cet objectif.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie de nous avoir donné des explications sur le fait que vous réexaminez la question ou reconsidérez votre position. Cela explique probablement pourquoi nous n'avons pas reçu votre mémoire avant. Nous tentions d'obtenir les mémoires de nos témoins à l'avance, pour pouvoir disposer d'une version anglaise ou française, selon le cas.

M. Marra: Nous nous en excusons. Nous nous sommes seulement réunis la semaine dernière et il y a eu tout un débat sur cette question.

Le président: Nous appliquons de façon très stricte la règle sur la disponibilité des documents dans les deux langues officielles au comité. Nous avons fait des observations semblables au témoin précédent. Je pense toutefois que nous pouvons comprendre pourquoi il vous a été impossible de nous envoyer le mémoire au préalable. Nous avons consulté le site Web de la FCM pour nous préparer à cette audience ce matin. On y a trouvé la déclaration suivante: La FCM est contre la légalisation et la décriminalisation de la marijuana, à la lumière de l'expérience d'autres pays qui ont adopté cette orientation sans succès. À quels autres pays faites-vous allusion? Avez-vous des preuves à l'appui de votre déclaration voulant que la décriminalisation de la marijuana ait été un échec dans d'autres pays?

M. Marra: C'était conforme à la résolution de 1997.

Le président: Je le comprends, mais vous fondez votre position sur le fait que cela n'a pas fonctionné. Nous voulons savoir dans quel pays et pourquoi.

M. Marra: Je peux vous donner des renseignements là-dessus. Une résolution de villes européennes contre les drogues a été adoptée à Stockholm en 1994. Apparemment, notre conseil faisait allusion aux discussions et décisions prises dans ce contexte. Je crois que deux résolutions ont été adoptées en 1997; la première faisait mention de l'absence de succès dans les pays européens. Je peux certainement vous faire parvenir l'information dont nous disposons sur cette décision.

Le président: Vous n'avez pas besoin de le faire ce matin. Nous vous écrirons et vous poserons des questions précises. L'une des questions visera simplement à nous assurer que vous pouvez prouver ce que vous avancez sur votre site Web. Nous voulons être sûrs de bien comprendre. Nous avons aussi examiné les études effectuées en Europe. Nous pouvons vous dire que le comité a remarqué que l'opinion des divers gouvernements locaux a évolué de façon remarquable en Europe depuis cinq ans. Je pensais que vous pourriez donner des précisions au comité.

M. Marra: Je vous remercie de vos commentaires, car c'est assurément le message que nous tentions de transmettre dans notre débat la semaine dernière. Il est essentiel que nous réexaminions la position que nous avons adoptée en 1997. J'ai lu des documents là-dessus et c'était une résolution qui était conforme aux résolutions adoptées à l'époque, il y a près de dix ans, à Madrid, Paris, New York et Buenos Aires, dans le cadre du programme international antidrogue de l'ONU. Je reconnais que les positions ont changé ces dernières années, encore plus depuis dix ans. C'est justement là-dessus que portait notre débat. Nous sommes tout disposés à répondre à vos questions précises et à vous communiquer les renseignements que vous avez demandés.

Le président: Si l'on examine les villes d'Europe, on constate qu'il y a deux groupes bien définis. Ne vous contentez pas d'examiner un seul de ces groupes; examinez plutôt les deux. Les approches sont différentes en matière de statistiques. C'est pourquoi il importe que vous nous disiez sur quoi vous fondez votre opinion là-dessus.

Le sénateur LaPierre: À la page 8, vous énumérez les villes, mais je vais laisser le sénateur Maheu vous demander pourquoi il n'y est pas fait mention du Québec.

Votre fédération a-t-elle des statistiques sur le nombre de gens au Canada qui conduisent après avoir bu dans nos villes — pas nécessairement le nombre de personnes arrêtées, mais de gens dont le taux d'alcoolémie est au-dessus de la limite? Avez-vous des chiffres là-dessus?

M. Marra: Non, nous n'en avons pas.

Le sénateur LaPierre: Il n'est pas nécessaire d'être un grand savant pour savoir qu'il y en a beaucoup plus que 100 000. Il y a beaucoup plus de 100 000 personnes qui boivent, même si l'alcool est une drogue légale.

À vous écouter, je me disais que si je faisais une étude spéciale sur l'alcool comme drogue ou sur le jeu comme fléau social prenant des proportions extraordinaires, je constaterais que la première caractéristique est que les deux sont appuyés par les gouvernements qui font beaucoup d'argent grâce à ces activités.

Ne sommes-nous pas en train de créer deux catégories de drogues et de problèmes sociaux? Nous permettons qu'une drogue soit illicite et devienne un fléau social. La fédération devrait-elle prendre cela en compte dans sa réflexion sur l'effet mondial de l'utilisation de drogues et la criminalisation de certaines activités?

M. Marra: Je pense que nous le devrions. J'espère que l'exercice dans lequel nous nous sommes lancés il y a une semaine nous amènera à nous pencher sur cette question au cours des cinq ou six prochains mois. Je ne veux pas me répéter, mais le niveau de débat et la sensibilité de cette question à notre réunion du conseil ont été étonnants, même pour moi.

Le sénateur LaPierre: J'en conviens. Le problème, ce n'est pas le cannabis, ce sont les valeurs morales. C'est cela que vous devrez changer.

Est-ce qu'on distribue des seringues dans la ville de Windsor?

M. Marra: Il y a un programme d'échange de seringues.

Le sénateur LaPierre: Les personnes intéressées doivent se présenter pour faire l'échange des seringues.

M. Marra: Oui.

Le sénateur LaPierre: Vous ne faites pas la distribution des seringues et des condoms?

M. Marra: Exact.

Le sénateur LaPierre: N'est-ce pas là une contrainte? Si j'étais utilisateur de drogues, je ne voudrais certainement pas aller à l'hôtel de ville ou peu importe dans quel local vous en faites la distribution, et remettre ma seringue pour en prendre une autre, parce que vous me feriez probablement suivre par la police et je serais arrêté. Ne trouvez-vous pas que c'est contraire au but recherché?

M. Marra: Peut-être. Si vous faites allusion au modèle de Windsor, il est dirigé par le comité local du sida. C'est un très bon programme. C'est un programme sûr. Le comité a aussi une clinique de méthadone. Il se trouve que le programme est en vigueur dans un secteur de la ville que je représente.

Personnellement, je suis d'accord avec vous et j'appuie les initiatives. Je travaille dans le domaine des services correctionnels. Je travaille avec des jeunes depuis 15 ans. Je représente le comité, mais j'ai aussi des opinions très fortement ancrées dans mon expérience personnelle des 15 dernières années.

Le sénateur LaPierre: Je m'intéresse davantage à vous-même qu'à la FCM parce que vous serez à la tête de cette association d'ici cinq ans et que vous exercerez une immense influence.

Le problème des drogues illicites, que ce soit le cannabis ou n'importe quoi d'autre, c'est qu'il est d'ordre médical et social. Pensez-vous que la criminalisation accroît l'intensité du problème social?

M. Marra: Je le crois.

Le sénateur LaPierre: Je ne cherche pas à obtenir le point de vue de la Fédération canadienne des municipalités.

M. Marra: Vous me demandez mon opinion personnelle?

Le sénateur LaPierre: Oui.

M. Marra: Je crois que c'est le cas. Je le constate régulièrement dans ma profession.

Le sénateur LaPierre: Songez à l'argent que vous économiseriez pour l'application de la loi. La police s'occuperait des viols et des meurtres, et non pas des gens qui fument du cannabis.

M. Marra: Je suis d'accord.

Le sénateur Maheu: Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Marra et madame Neves. Quand la FCM a élaboré son programme et sa stratégie antidrogue, j'ai été sidérée de voir qu'il n'y avait rien au Québec. J'ai pensé que c'était peut- être un programme réservé aux petites villes, mais nous avons aussi de petites villes au Québec. Nous avons bien sûr des interventions dans les grandes villes. J'ai fait mes débuts dans le monde municipal, dans une ville de taille moyenne de l'île de Montréal. Nous faisons maintenant partie de la grande ville.

Votre stratégie modèle a été lancée sans aucune intervention de notre coin du pays. Qu'avez-vous constaté? Vous avez lancé votre programme en décembre, l'étape 2. Prévoyez-vous constater des différences par rapport à ce que vous avez constaté avant décembre 2001?

Mme Janet Neves, analyste de politiques, Fédération canadienne des municipalités: Le but de la stratégie modèle pour les six mois de la phase pilote est d'aider les collectivités à mettre en oeuvre la stratégie. Pour participer, l'un des critères était que la collectivité devait exprimer un besoin et un intérêt. Nous avons tenu compte de la taille de la collectivité, du niveau d'engagement des organismes locaux et de leur intérêt à travailler en partenariat pour s'attaquer aux problèmes de leur collectivité. Nous avons aussi examiné l'aspect durabilité, c'est-à-dire que nous voulions qu'il y ait un engagement de poursuivre le programme après l'étape pilote de six mois.

Essentiellement, cette étape du projet vise à aider les collectivités à lancer le programme, à les orienter vers les ressources disponibles et à les aider à trouver du financement pour embaucher un coordonnateur local de lutte contre la drogue. Par la suite, les collectivités poursuivraient l'application de cette stratégie sans aide extérieure, après la période de six mois, en se fondant sur les travaux préparatoires réalisés avant et pendant cette période de six mois.

Le sénateur Maheu: M. Conway a pris la parole avant vous et nous a parlé des avocats et des services de police qui préfèrent s'occuper d'affaires de drogue plutôt que de vols à main armée, de meurtres ou de viols. Pourriez-vous nous dire quels sont vos sentiments là-dessus? Constatez-vous que la police tolère la simple possession? Elle n'applique pas la loi, de toute façon. Faudrait-il la changer? Je sais que la FCM ne voulait pas que la loi soit changée du tout à un moment donné, et je comprends pourquoi vous êtes en train de réexaminer cette décision. Que faites-vous quand la police n'est pas intéressée à appliquer la loi?

M. Marra: Je vais répondre d'une manière qui reflète mes connaissances et ma compréhension de la FCM et mon expérience du système de justice pénale.

Premièrement, les relations de la FCM avec les services d'application de la loi, avec Services correctionnels Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles ont évolué de façon positive depuis cinq ou dix ans. Nous établissons ces relations dans le but de nous informer mutuellement sur les questions d'intérêt commun, et nous voulons inciter ces autorités à travailler avec les gouvernements municipaux. Nous croyons que nous sommes en mesure de comprendre et d'évaluer nos problèmes locaux mieux que n'importe qui d'autre, tout comme le peuvent nos services de police locaux. Par l'entremise de la FCM, nous estimons pouvoir aider à identifier les recours et les interventions les plus appropriés.

La police est-elle plus tolérante ou compréhensive? Si l'on examine les programmes de police communautaire d'un bout à l'autre du pays, je pense qu'il y a eu une évolution depuis environ une décennie. Je suis fier d'être membre de notre commission des services de police. Nous essayons de nous investir dans nos quartiers et dans nos communautés, pas simplement en faisant des patrouilles, mais en ayant une connaissance intime des quartiers, des résidents, des organisations et des jeunes. Nous essayons de comprendre la dynamique de nos quartiers. Il en résulte des interventions plus ciblées et plus productives.

Les agents de police pourraient exercer un certain pouvoir discrétionnaire. Ce pouvoir discrétionnaire de la police est l'un des piliers de notre système de justice pénale. Il doit être exercé avec diligence et discernement ainsi qu'avec une bonne compréhension de l'intention du législateur et du droit criminel. Je crois qu'il y a eu un changement d'approche et une meilleure compréhension de la part des services de police. Les programmes de déjudiciarisation et de prévention sont plus disponibles. Nous avons encore beaucoup à faire et il faut qu'un plus grand nombre de programmes soient disponibles, mais je pense que les relations ont évolué et que la situation est meilleure.

Nous sommes d'accord avec la position énoncée en 1987 par le gouvernement fédéral relativement à la stratégie antidrogue municipale. Cette stratégie est fondée sur quatre piliers. La prévention, l'éducation et la réduction du préjudice sont des facteurs essentiels dans lesquels on n'investira jamais trop d'argent. À moins de commencer à intervenir à un très jeune âge, et je veux dire dès 5, 6 ou 7 ans, car nous rencontrons des jeunes de cet âge-là, je ne pense pas que l'on puisse obtenir les résultats que l'on veut. Je suis convaincu qu'il y a eu amélioration.

Le sénateur Maheu: Votre liste à la page 8 m'a étonnée.

Je ne connais pas la situation économique de toutes les villes. Je peux toutefois nommer au moins deux villes relativement riches de l'Ontario où, dépendant de l'agent ou du service de police en cause, un jeune peut être écroué à l'âge de 17, 18 ou 19 ans pour simple possession. Dans d'autres villes, on s'en tire indemne avec beaucoup plus que la simple possession et la police ne prend même pas la peine de s'occuper de petites quantités de marijuana. Je ne vois pas ces villes sur votre liste. Comment en êtes-vous arrivé à cette liste? Je sais que les villes en question ont exprimé le désir de participer. Pour être plus réalistes, ne devrions-nous pas inclure des villes différentes, je veux dire celles qui sont plus riches?

M. Marra: Je peux peut-être répondre en partie à la question. Ces municipalités ont assurément exprimé leur intérêt et se sont montrées disposées à s'engager dans une relation. D'autres, en particulier les grandes villes, ont probablement décidé de ne pas le faire parce qu'elles ont déjà des programmes en place. Peut-être ont-elles estimé que c'était une occasion pour d'autres municipalités qui n'ont pas l'infrastructure voulue pour mettre en place des programmes municipaux.

Je comprends ce que vous dites et il est certain que lorsque nous en discutons à notre comité permanent, les grandes villes nous décrivent les défis auxquels elles sont confrontées. C'est une toute autre paire de manches.

Je répondrai simplement que ces villes-là ont exprimé la volonté de faire partie du programme. Je pense que les grandes villes ne se sont pas portées volontaires parce qu'elles ont déjà des stratégies en place. On examinera les résultats et l'on comparera les stratégies. Peut-être étudiera-t-on aussi la phase 3 et la composante évaluation. Il faut espérer que ces outils seront distribués d'un bout à l'autre du pays, à toutes les municipalités, pour qu'elles s'en servent dans leur programme.

Le président: Durant la phase 3, vous allez évaluer les résultats. Au cours des étapes préparatoires à la mise en oeuvre de votre stratégie, n'avez-vous pas évalué les outils ou méthodes de prévention utilisés dans d'autres villes ou pays, pour vous assurer de pouvoir bien conseiller vos membres?

M. Marra: Nous nous sommes renseignés sur les meilleures pratiques du monde entier. À l'époque où je suis arrivé à la FCM, il y avait une conférence internationale sur la prévention du crime à Montréal, à laquelle on a distribué des manuels sur les meilleures pratiques en matière de prévention du crime. Il est certain que bon nombre de ces documents mettaient l'accent sur les questions relatives à la drogue. Je pense qu'il y avait deux manuels des meilleures pratiques et nous nous en sommes servis comme référence et source d'information. Ces documents ont été mis à la disposition de nos municipalités indépendamment de ce processus. Nous pouvons faire le suivi de cette question à votre intention.

Le président: Croyez-vous que les Canadiens sont bien informés?

M. Marra: Non, je ne le pense pas.

Le président: De quoi ont-ils besoin, d'éducation ou bien de programmes spécifiques comme celui dont nous venons de discuter?

M. Marra: On ne saurait trop informer les gens sur cette question.

Le président: Le gouvernement du Québec a publié il y a un mois un petit livre sur les drogues qui est presque la réimpression d'un livre publié en France en 2000. Nous pouvons vous en faire parvenir un exemplaire. Il est en français seulement. Un million d'exemplaires en ont été vendus en quelques mois. Ce livre fait table rase des idées reçues et peint un portrait de la réalité et donne les chiffres sur toutes les drogues, y compris le tabac et l'alcool. Vous pensez que le Canada a besoin d'informations de ce genre. Je vous en enverrai un exemplaire.

Serait-il préférable d'investir dans la prévention des abus ou la prévention de l'utilisation?

M. Marra: Je ne pense pas que l'un soit mieux que l'autre. Les deux aspects sont également importants.

Le président: Je parle de l'investissement. Le vérificateur général a publié son premier rapport en décembre dernier. Au chapitre 11, on signale que 95 p. 100 de l'argent a été investi dans la prévention. Le reste a été éparpillé dans les trois autres piliers. Nous n'avons pas beaucoup d'argent à investir dans la prévention. Nous devrions en investir plus. Devrions-nous investir dans la prévention de l'utilisation ou de l'abus?

M. Marra: C'est difficile de dire lequel est le plus important; les deux aspects sont d'importance égale. Nous convenons tous qu'il faut investir plus d'argent. Je n'étais pas au courant du pourcentage de la répartition. Ces chiffres sont troublants.

Dans le contexte local, sur 120 jeunes âgés de 16 et 17 ans, qui ne représentent qu'une petite fraction des jeunes contrevenants, si nous avons dans ce groupe un adolescent qui commence à faire l'expérience des drogues, nous allons nous démener comme des beaux diables pour exercer une influence quelconque sur ce jeune adolescent avant qu'il parte, nous allons faire tout en notre possible pour qu'il ne répète pas cette expérience.

Il faut songer à la structure qu'il faudrait mettre en place à l'extérieur, pour accueillir ces jeunes après leur départ. Nous pouvons faire de bien belles choses à l'intérieur. C'est quand ils sortent que le problème surgit.

Je mets les gens en probation pour six ans. Je me rappelle de l'impact de la surveillance communautaire; elle n'a pas donné de résultats optimaux. Il faut l'améliorer. Il y a là un manque de structure.

Ces gens-là consomment des drogues depuis des mois ou des années; ils sont abîmés, des dommages ont déjà été causés. À mes yeux, l'un n'est pas plus important que l'autre. Nous travaillons tout aussi fort, sinon même plus fort, pour la deuxième personne.

Premièrement, il faut sevrer les jeunes de la drogue. Deuxièmement, la stratégie devient ensuite la même. Il faut créer une situation où l'influence que l'on peut exercer sur les gens quand on les a sous garde demeure présente après leur départ.

Il y a une lacune au moment de leur libération de nos établissements, quand ils retournent dans la société. Il y a les autres problèmes: itinérance, chômage et désintégration de la famille. La drogue, nous le reconnaissons tous, est symptomatique de tous les autres problèmes. Il faut investir dans tous ces domaines.

Le président: Je suis d'accord.

La prévention de l'abus se fait plutôt à l'étape 3. On s'attache plutôt à des personnes précises. La prévention de l'étape 1, à l'école, met vraiment l'accent sur l'utilisation.

Dans ce programme d'une plus vaste portée, quel devrait être le rôle de la police?

M. Marra: Je comprends votre description du mot prévention. La police doit être tout aussi active et présente que les travailleurs sociaux ou les agents de probation. Un agent de police est le symbole visible de l'application de la loi dans la collectivité. Son image est souvent négative parmi les jeunes.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, les programmes communautaires ont changé les choses au fil des années. Toutefois, cette perception de la police persiste. On le voit souvent dans le groupe, la clientèle à laquelle nous avons affaire.

La police doit être tout aussi présente que les autres fournisseurs de services. Les policiers doivent être perçus comme un élément important de la collectivité qui ne s'occupe pas strictement de l'application de la loi, c'est-à-dire porter des accusations ou mettre les gens en prison. La police doit être perçue comme un élément proactif et préventif. Les policiers doivent être vus comme les dispensateurs de services de police amicaux à l'intention de la collectivité.

Quel rôle devrait jouer la police? Elle devrait jouer un rôle actif et visible.

Le président: Le Sénat a étudié l'attitude des adolescents. Nous avons découvert qu'aux yeux de ces derniers, la révolte contre l'autorité est une attitude très stimulante, très drôle et très intéressante. Ne croyez-vous pas que les bonnes intentions de la police pourraient déclencher une réaction négative ou non souhaitée? Je songe aux adolescents qui viennent tout juste de commencer à fumer de la marijuana. Ils ont 14 ou 15 ans et ils font des expériences, ils s'amusent. Si un agent de police leur dit Vous n'avez pas le droit de faire cela, n'est-ce pas suffisant pour les inciter à recommencer?

M. Marra: C'est bien possible. Je répugnerais toutefois à abandonner la possibilité que la police joue un rôle simplement à cause de l'existence potentielle de cette attitude. Nous devons nous attaquer à cette attitude.

On a parlé d'éducation il y a quelques minutes. L'éducation de nos jeunes commence très tôt. Il n'est pas possible d'atténuer cette attitude. J'ignore s'il y aurait une utilité quelconque à les éliminer du processus. Je me trompe peut- être.

Ma réflexion et mes observations sur les jeunes, monsieur le président, sont colorées par le fait que, malheureusement, j'ai affaire à des jeunes qui sont parmi les plus troublés et perturbés de notre communauté. Je n'ai pas la possibilité de travailler avec les autres. Je comprends toutefois ce que vous voulez dire. Je voudrais que nous comprenions pourquoi cette attitude continue d'être répandue et comment nous pourrions la changer. Comment pouvons-nous changer l'attitude des adolescents de 14 ou 15 ans? La première question est de savoir s'il est important de le faire.

Le président: La question fondamentale est de savoir si nous devrions essayer de la changer. Peut-être pouvons-nous simplement les informer.

M. Marra: C'est certainement une option. À titre de membre de la commission des services de police, je suis au courant de ce que nous faisons dans nos communautés et dans nos quartiers. Est-ce que je crois que nous devrions commencer à nous retirer quelque peu à cause de l'attitude négative? Non, je ne le crois pas. Nous devons essayer de savoir pourquoi cette attitude existe. Il sera difficile de faire changer d'avis à un adolescent de 15 ans qui fait pour la première fois l'expérience des drogues. Si nous commençons par contre avec des jeunes de 4, 5 et 6 ans, ce qui n'est pas trop jeune, et si nous leur transmettons constamment le message, pas seulement à la maternelle ou en première ou en deuxième année, mais au fil des années, nous aurons à l'avenir un groupe bien différent d'adolescents de 15 ans.

Le président: Le directeur de la recherche du comité est allé récemment à Bruxelles comme membre d'un groupe chargé d'étudier divers programmes de prévention, et l'on a constaté que le programme interactif est efficace. L'attitude que l'on pourrait résumer en disant Je sais tout, je ne sais rien, je vais tout apprendre, l'attitude normale dans les salles de classe, donne de bons résultats pour ce qui est d'informer les gens, mais le programme interactif, les jeux de rôles, voilà ce qui est le plus efficace. Nous pouvons vous faire parvenir ces résultats.

M. Marra: Je ne suis pas surpris d'entendre cela. Dans nos établissements, les programmes qui ont le plus de succès sont les problèmes interactifs. Je suis d'accord avec vous. Je suis heureux que la recherche confirme cela.

Le sénateur LaPierre: Si je comprends bien votre perspective, la police fait partie du tissu social d'une communauté. Toutefois, les policiers abordent les jeunes avec la mentalité que la consommation de cannabis — puisque nous sommes sur le sujet — est illégale. Les policiers leurs disent que c'est un crime que d'en fumer et qu'ils sont des criminels s'ils en consomment.

Par conséquent, est-il nécessaire de former les policiers pour qu'ils soient en mesure de conseiller les jeunes? Dans certains cas, fumer de la marijuana fait partie du processus de croissance. Si un jeune se fait dire par un policier qu'il est un criminel, il risque de se détourner de cette personne qui ne pourra donc lui apporter ni information ni éducation. Pensez-vous que ce soit possible?

M. Marra: Je pense que c'est à la fois possible et nécessaire. Pour ce qui est de l'éducation, elle devrait être généralisée. Je suis d'accord avec vous. La position qui est la mienne à l'égard des services policiers est sans doute influencée par le fait que notre collectivité, qui compte 210 000 habitants, dispose d'un budget de 43 millions de dollars pour sa police. Nous avons une infrastructure et un financement imposants. Si c'est possible, pourquoi ne pas utiliser ces ressources pour aller au-delà du simple cadre de l'application de la loi, surtout quand nous investissons autant d'argent par habitant?

Évidemment, d'autres facteurs entrent en jeu. Nous sommes une collectivité frontalière aux prises avec d'autres problèmes. Cela dit, nous disposons d'une infrastructure interne dans laquelle les contribuables ont énormément investi. Si nous avons la possibilité d'utiliser cette infrastructure d'autres façons, pourquoi ne pas le faire? Je suis d'accord avec vous; c'est aussi l'éducation.

Le sénateur LaPierre: Une chose me chicote. Lorsque nous parlons de drogues, nous associons cela à des jeunes de milieux défavorisés, des jeunes aux prises avec des problèmes familiaux. Qu'en est-il des jeunes issus de milieux aisés? Lorsque je vivais à Vancouver, de nombreux jeunes de Forest Hill fumaient du cannabis et prenaient d'autres drogues. À mon avis, il faut changer de mentalité et cesser de classer les jeunes selon des stéréotypes. Est-ce possible?

Deuxièmement, y a-t-il une grande différence, à Windsor, entre la consommation de drogues illicites pour les nouveaux immigrants au Canada et les autres Canadiens?

M. Marra: Je suis d'accord avec votre première observation. D'après les stéréotypes, les consommateurs de drogues sont pauvres, sans abri et issus de familles monoparentales. Ce n'est pas le cas. Les jeunes à qui nous avons affaire viennent de différents milieux socio-économiques et de différents milieux familiaux et culturels. Je suis d'accord avec vous. Cela revient à ce que disait M. le président, à la nécessité de faire oeuvre d'éducation pour informer et en finir avec ces mythes et stéréotypes.

Je ne peux répondre à votre seconde question. Je n'ai pas de statistiques à cet égard.

Le président: Connaissez-vous le PSED, le programme de sensibilisation aux effets de la drogue?

M. Marra: Oui.

Le président: Qu'en pensez-vous?

M. Marra: Je pense que c'est un bon programme. D'ailleurs, notre conseil a adopté encore une fois la semaine dernière une résolution à l'appui de ce programme.

Les PSED traversent une crise de financement partout au pays. Dans certains cas, le programme a été abandonné. Un certain nombre de nos élus municipaux étaient fermement convaincus des mérites du PSED. Ils estimaient qu'il avait une bonne feuille de route et ont demandé instamment aux autorités fédérales et provinciales d'y réinvestir.

La FCM appuie le PSED, qui remonte à près de 20 ans. Nous avons exercé des pressions auprès de nos amis des gouvernements fédéral et provinciaux pour qu'ils réinvestissent dans ce programme.

Le président: Nous allons vous faire parvenir deux articles qui passent en revue les réalisations du PSED au fil des ans pour que vous puissiez avoir une opinion éclairée au sujet du programme.

Je veux discuter de la question des villes frontières. Évidemment, au Canada, tout le monde vit dans un rayon de 100 kilomètres de la frontière américaine. Cependant, Windsor est à cheval sur la frontière. Que devons-nous savoir que nous ignorons l'heure actuelle pour rédiger notre rapport sur le cannabis? Comment aborder la réaction de nos voisins américains?

M. Marra: C'est une très bonne question et je vais essayer d'y répondre de mon mieux. Je pourrais sans doute prendre des dispositions pour que les services policiers vous transmettent certaines informations.

La dynamique est différente dans une ville frontière. Des problèmes surviennent simplement à cause des différences sur le plan législatif. Un certain nombre d'Américains traversent la frontière en toute innocence avec des armes, en pensant que cela ne fait pas problème puisqu'ils peuvent agir ainsi en sol américain. Ils ont un ou deux fusils sous le siège de la voiture, peut-être dans un étui ou dans le coffre arrière et à leur grande surprise, ils sont appréhendés à la frontière, arrêtés, inculpés et traduits en justice. Je vous cite cela en exemple car si nous avons une législation différente, il y aura nécessairement une réaction du côté américain. Quelle sera cette réaction, je n'en sais trop rien.

Il faut mettre en contexte le cas des villes frontières. Il y existe une dynamique préexistante que l'on ne retrouve pas dans d'autres collectivités. Tout le monde a été plus ou moins touché par les attentats du 11 septembre, mais dans notre ville, nous avons vécu cela différemment des villes non frontalières.

En Ontario, un tribunal a décidé que les femmes pouvaient enlever leurs vêtements et se promener nues en public. Les Américains ont compris que cela voulait dire que n'importe qui, homme ou femme, pouvait déambuler nu au centre-ville. Nos services de police ont été aux prises avec des problèmes en raison de cette interprétation des Américains et de la nouveauté que constituait le fait de pouvoir traverser la frontière en cinq minutes et adopter un comportement différent de celui autorisé au Michigan ou en Ohio. C'est une question valable.

Malheureusement, je ne peux y répondre pleinement. Les responsables de l'application de la loi pourraient vous fournir une meilleure optique à ce sujet.

Le président: Si nous pouvons obtenir le financement nécessaire, le comité se rendra dans une quinzaine de collectivités du pays. Nous avons pensé solliciter l'aide de la FCM en vue d'identifier les diverses collectivités pertinentes car nous ne pouvons aller partout.

M. Marra: Veuillez considérer mes commentaires comme une invitation à venir à Windsor. Nous ferons tout notre possible pour vous fournir de l'information.

Le président: Le caractère unique des villes frontalières mérite d'être examiné attentivement. On peut bien dire que c'est la même chose partout, mais rien n'est aussi faux.

M. Marra: À quel moment un problème local devient-il un problème national? Où tracer la ligne?

Le sénateur LaPierre: Les jeunes qui viennent des États-Unis à Windsor ont-ils le sentiment que nos lois antidrogue sont plus laxistes et qu'ils peuvent tenter l'aventure? Les restrictions sont-elles plus rigoureuses aux États-Unis qu'au Canada?

M. Marra: Permettez-moi de vous répondre en vous fournissant un autre exemple. Notre centre-ville est devenu un lieu de divertissement important pour les jeunes. La raison en est que l'âge légal pour boire en Ontario est de 19 ans alors qu'il est de 21 ans au Michigan. Les vendredis ou les samedis soir, notre centre-ville accueille jusqu'à 20 000 jeunes. Et je ne parle pas du casino. Ils se disent qu'ils peuvent aller dans un pays étranger, faire la foire, boire à un âge beaucoup plus jeune et s'ils se retrouvent dans le pétrin et qu'on les place en cellule de dégrisement, ils peuvent rentrer chez eux le lendemain matin sans que cela ait de conséquences. Cette attitude s'applique peut-être aussi à la législation antidrogue. Je n'en suis pas certain. C'est une chose qu'il convient d'envisager car une ville frontalière doit composer avec ce facteur. L'industrie du tourisme revêt beaucoup d'importance dans notre collectivité. Par conséquent, il nous faut aussi décider dans quelle mesure nous voulons que cela ait une incidence économique.

Le président: Je vous remercie beaucoup tous les deux. Nous allons demeurer en contact et vous faire parvenir diverses questions qui ont été soulevées et auxquelles, nous l'espérons, vous pourrez répondre. Nous allons vous envoyer les divers documents, y compris la brochure du gouvernement du Québec.

M. Marra: Merci beaucoup à tous.

[Français]

Le président: Pour ceux et celles qui se sont joints à nous pendant l'audition de ce panel de témoins, laissez-moi vous rappeler que M. Bill Marra est le président du Comité permanent sur la sécurité communautaire et la lutte contre le crime de la Fédération canadienne des municipalités. Il est aussi conseiller municipal pour la Ville de Windsor. M. Marra était accompagné de Janet Neves, analyste de politiques.

Avant de suspendre les travaux de cette séance du comité, je tiens à rappeler à ceux et celles qui s'intéressent aux travaux du comité qu'ils peuvent lire et s'informer sur le sujet des drogues illicites en rejoignant notre site Internet à l'adresse suivante: www.parl.gc.ca. Vous y retrouverez les exposés de tous nos témoins, leur biographie, toute la documentation argumentaire qu'ils auront jugé nécessaire de nous remettre ainsi que plus de 150 liens Internet relatifs aux drogues illicites. Vous pouvez aussi utiliser cette adresse pour nous transmettre vos courriels.

La séance est levée.


Haut de page