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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 8 - Témoignages du 6 mars 2014


OTTAWA, le jeudi 6 mars 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 1, pour étudier l'état actuel des programmes de « centres d'appels uniques » qui permettent, au Canada, d'identifier les infrastructures souterraines, ainsi que pour faire l'étude de l'ébauche d'un budget.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je suis le président du comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public présents dans la salle et aux téléspectateurs qui nous regardent d'un peu partout au Canada. Je rappelle aux téléspectateurs que les audiences des comités sont ouvertes au public et sont aussi diffusées sur notre site web, au sen.parl.gc.ca. Vous y trouverez également plus de détails sur la comparution des témoins à la page « Comités du Sénat ».

Je demanderais maintenant aux sénateurs ici présents de se présenter. Je vous présente le vice-président, le sénateur Mitchell, de l'Alberta.

Le sénateur Tkachuk : Sénateur David Tkachuk, de la Saskatchewan.

Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, Québec.

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, Québec.

Le sénateur Black : Doug Black, Alberta.

Le sénateur Wallace : John Wallace, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

Le président : Je vous présente également notre greffière, Lynn Gordon, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur l'état actuel des programmes de « centres d'appels uniques » qui permettent, au Canada, d'identifier les infrastructures souterraines.

C'est avec grand plaisir que j'accueille notre témoin, de l'Office national de l'énergie du Canada, M. Gaétan Caron, président et premier dirigeant. Merci d'être ici, monsieur. Vous êtes un de nos invités réguliers, et nous vous en sommes reconnaissants. Nous allons entendre votre déclaration, puis nous passerons à la période de questions et réponses.

Gaétan Caron, président et premier dirigeant, Office national de l'énergie du Canada : La sécurité des Canadiens et Canadiennes et la protection de l'environnement sont des priorités absolues de l'Office national de l'énergie. C'est donc avec plaisir que je profite de cette occasion de m'adresser à vous sur l'enjeu important de la prévention des dommages aux pipelines et sur le rôle des centres d'appel unique en la matière au Canada.

Les tragédies donnent souvent naissance à des règles et à des normes, et le cadre de travail actuel de l'office entourant les travaux à proximité des pipelines est du nombre. Je suis avec l'office depuis presque 35 ans, et je me rappelle d'un tel évènement qui s'est produit en 1985, sur une ferme située au nord d'Oshawa, en Ontario. La lame d'un chasse-neige de 30 tonnes a accidentellement percuté un gazoduc, provoquant une explosion et déclenchant un incendie qui a provoqué la mort d'une personne et a fait quatre blessés.

Comme tous les incidents mettant en cause des pipelines, celui-ci aurait pu être prévenu. Dans le sillage de cet incident sont apparus les règlements de l'office sur les croisements de pipelines, règlements qui ont jeté les bases de notre cadre de travail sur la prévention des dommages.

Même si cet incident remonte déjà à de nombreuses années, la détermination de l'office à sans cesse améliorer les méthodes lui permettant de remplir son mandat de réglementer dans l'intérêt public n'a jamais fléchi.

Les efforts de l'office en matière de sécurité et de protection de l'environnement donnent des bons résultats. L'objectif de zéro incident n'est pas seulement le bon objectif, c'est aussi un objectif qui est atteignable. En 2013, on a enregistré une diminution du nombre total d'incidents à signaler. La fréquence des rejets de gaz naturel était en baisse et, malgré l'augmentation du nombre d'incidents concernant des liquides, le volume total des déversements a considérablement diminué cette année et a diminué depuis 2009. En 2013, la quasi-totalité des déversements de liquides provenant d'installations réglementées par l'office a été assainie, les seules exceptions étant les cas où les opérations de nettoyage sont toujours en cours.

Force est de constater qu'il y a des progrès constants dans les sociétés en ce qui a trait à la surveillance des installations et au signalement des incidents. Je crois fermement que les installations que nous réglementons sont sûres et que l'environnement dans lequel elles sont exploitées est bien protégé.

Cependant, notre tâche n'est jamais terminée, et le tragique incident que je viens de relater nous rappelle de façon bouleversante les risques associés aux activités non sécuritaires.

Ceci m'amène au sujet qui touche l'important examen qui nous réunit ici aujourd'hui.

[Français]

L'Office national de l'énergie s'emploie à renforcer sans cesse la sécurité des installations assujetties à sa réglementation. C'est pourquoi son cadre de prévention des dommages évolue pour tenir compte des nouvelles tendances qui peuvent avoir des répercussions sur la sécurité et la sûreté de ces installations.

[Traduction]

Les activités non autorisées relèvent du Règlement sur le croisement des pipelines. Ce règlement comprend les travaux d'excavation ou de construction pour lesquels une permission appropriée, ou une autorisation de l'office, est requise mais qui n'est pas obtenue et les manquements à respecter les consignes de sécurité. L'office joue un rôle actif au sein de la communauté plus vaste œuvrant à la prévention des dommages — composée d'autres décideurs, d'organismes de réglementation, de propriétaires d'infrastructures et d'installations, de municipalités et d'entreprises des secteurs de l'excavation et de la localisation — qui cherche, à l'échelle nationale, les pratiques exemplaires pour travailler près des pipelines et réduire l'occurrence d'activités non autorisées.

L'office est le champion de la réglementation fédérale auprès de la Canadian Common Ground Alliance (ou CCGA), que vous avez entendue la semaine dernière seulement, avec qui nous partageons le même but de promouvoir des pratiques efficaces de prévention des dommages afin de réduire les dommages causés aux infrastructures souterraines et de garantir la sécurité de la population et la protection de l'environnement.

Nous avons soutenu la demande présentée par la CCGA au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes concernant l'utilisation partagée d'un numéro de téléphone national à trois chiffres pour joindre les services d'appel avant de creuser. Certes, la décision du CRTC de rejeter la demande pour le moment nous a déçus. Nous admettons toutefois qu'il existe de nombreux autres moyens d'arriver aux mêmes fins. Par exemple, « cliquer avant de creuser » peut être tout aussi efficace, sinon plus, qu'« appeler avant de creuser ».

L'office doit aussi établir les conditions requises pour que les personnes concernées rendent des comptes sur ces responsabilités à proximité des pipelines. Le printemps dernier, l'office a été l'hôte d'un forum sur la sécurité auquel ont assisté près de 400 participants représentant le public, les peuples autochtones, l'industrie, le secteur des services- conseils, le milieu universitaire, et les gouvernements, parmi d'autres. Au nombre des thèmes abordés, on note le rôle des dirigeants d'entreprises dans la création et le maintien d'une culture de sécurité, l'efficacité des systèmes de gestion et le rôle de la mesure du rendement en gestion des risques. Il a aussi été question des façons à la portée de l'industrie de renforcer la confiance du public et du rôle en constante évolution de l'organisme de réglementation.

Les activités de surveillance de la conformité et de mise en application soutiennent le cadre de prévention des dommages de l'office et servent à promouvoir la sécurité et la protection de l'environnement.

En adoptant la Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable, le Parlement a donné à l'office de nouveaux outils de mise en application, comme le pouvoir d'imposer des sanctions administratives pécuniaires, ou SAP. Ainsi outillé, l'office peut désormais infliger des pénalités financières jusqu'à concurrence de 100 000 $ pour les sociétés et de 25 000 $ pour les particuliers, par violation, par jour, sans maximum à la pénalité financière.

Cela dit, nous prévoyons consacrer le gros de nos efforts en matière de conformité à sensibiliser les particuliers et à exiger des comptes des sociétés en matière d'éducation et d'information.

Un des meilleurs moyens pour effectuer des travaux en toute sécurité consiste à « appeler ou à cliquer avant de creuser ». Cette seule prise de contact amorce les importantes communications qui permettront de connaître l'emplacement des pipelines et des autres services publics enfouis, et fourniront les informations essentielles sur la façon d'exécuter des travaux de manière sécuritaire. Rendre incontournable l'exigence de communiquer avec un centre d'appel unique est un des meilleurs moyens de s'assurer que l'on tient compte de toutes les infrastructures souterraines lors de la décision d'exécuter des travaux de construction ou d'excavation près de pipelines.

L'office a publié l'Avis de projet de modification réglementaire 2013-01. Avec ces modifications, l'office exigera de toute partie qui envisage des travaux de construction ou d'excavation dans une zone définie dans la Loi sur l'Office national de l'énergie et dans ses règlements d'application qu'elle présente une demande de localisation en communiquant avec un centre d'appel unique au moins trois jours ouvrables avant le début des travaux prévus.

Faute d'un centre d'appel unique dans la région, les parties devront communiquer directement avec la société pipelinière. L'office exigera aussi des sociétés pipelinières qu'elles adhèrent aux centres d'appel unique déjà en place dans les régions géographiques où elles ont un pipeline.

L'été dernier, votre comité a publié un rapport important sur le transport sans danger des hydrocarbures au Canada. Il y soulignait l'importance d'une culture de sécurité dans les entreprises. Nous sommes absolument d'accord avec lui.

[Français]

Les changements que je viens d'évoquer démontrent l'attachement de l'office à instaurer une culture de sécurité dans les sociétés qu'il réglemente. C'est l'un des éléments fondamentaux d'une démarche visant à assurer la sécurité des pipelines et à intégrer davantage et de façon encore plus officielle l'existence d'une telle culture dans les exigences en matière de sécurité relevant de la réglementation.

[Traduction]

Nos efforts en vue d'améliorer la sécurité des pipelines et la protection de la population et de l'environnement ne connaîtront jamais de relâchement. Bien que nous soyons encouragés par les statistiques de 2013, qui révèlent une diminution du nombre d'incidents à signaler, nous entendons continuer à renforcer notre cadre de prévention des dommages et à réduire le nombre d'incidents de toutes sortes, en ayant toujours comme objectif de les éliminer tous.

[Français]

Je vous remercie encore, honorables sénateurs, de l'occasion que vous m'avez donnée de m'adresser à vous aujourd'hui. En terminant, permettez-moi de vous garantir que nous demeurerons déterminés à améliorer la sécurité des Canadiens et des Canadiennes et la protection de l'environnement.

[Traduction]

C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur Caron. C'était un excellent exposé. Je suis heureux de vous revoir. Vous n'êtes pas tout à fait parvenu au niveau de Brenda Kenny, qui est pratiquement membre de notre comité, tellement elle y comparaît souvent, mais vous vous en approchez.

Je m'intéresse à la question des compétences, parce que la plupart des pipelines et des infrastructures souterraines relèvent vraiment des provinces. Vous y avez fait un peu allusion.

Je tiens à me faire confirmer que s'il existait un réseau de centres d'appel unique pour toutes les provinces, et c'est ce que la Canadian Common Ground Alliance envisage, il y aurait un guichet unique, accessible par téléphone ou par un clic de la souris, mais, aussi, des organismes autonomes. Que, ensuite, dans ces organismes provinciaux, il y aurait, et, en fait, il y en a probablement, parce qu'ils existent, des vérificateurs chargés de déterminer l'emplacement des pipelines de compétence fédérale.

M. Caron : C'est exactement la vision qu'on s'est donnée. Le site sur lequel on clique avant de creuser existe déjà. J'invite les sénateurs ici présents qui possèdent une tablette de simplement taper « Click Before You Dig ». Ils verront apparaître une carte du Canada et de ses provinces. En cliquant ensuite sur une province, on trouve exactement ce que vous décrivez, sénateur.

Notre objectif, dans les modifications que nous proposons aux règlements obligeront les sociétés pipelinières réglementées par nous à entamer ce processus trois jours avant d'entreprendre tout travail. En fait, il leur incombe d'être membres d'un centre d'appel unique, ce qui permet leur identification quand elles cliquent sur la carte. Il incombe aussi aux personnes qui veulent entreprendre des travaux de creusage ou de construction de visiter ce site, parce que c'est indispensable.

Le sénateur Mitchell : Cela a-t-il un coût précis pour l'État fédéral? Le processus est conçu, du moins d'après ce que je comprends, pour que les sociétés paient pour chaque appel fait par un tiers. Si un tiers appelle pour entreprendre des travaux d'excavation, la société paie pour cet appel. Ce n'est donc pas un coût direct pour l'État fédéral.

M. Caron : J'ignore quelle est exactement la contribution de l'État fédéral ou d'autres administrations à ce projet majeur de collaboration, qui repose sur la bonne volonté, sur la volonté de protéger ses semblables. J'ignore donc si l'État a fourni de l'argent pour le programme. Je sais seulement qu'une large gamme de joueurs a contribué au projet.

On a adopté cette pratique exemplaire dont les résultats parlent d'eux-mêmes. L'appel ou le clic de souris qui précède les travaux diminue considérablement le risque de mauvaise surprise.

Le sénateur Mitchell : L'un des principaux objectifs de l'Alliance est l'adoption d'une loi dans chaque province. L'Ontario a donné l'exemple avec son projet de loi 8, dont nous avons entendu l'instigateur. L'Alliance invoque le volontariat, mais, en fait, cela ne donne pas particulièrement de bons résultats. En Ontario, par exemple, on peut devoir appeler jusqu'à 14 endroits avant de commencer les travaux de creusage.

Aux États-Unis, même si les problèmes de partage des compétences étaient en grande partie les mêmes, le gouvernement fédéral a effectivement servi de catalyseur au processus.

Pouvez-vous voir comment le gouvernement fédéral pourrait jouer ce rôle au Canada, ou bien est-ce tout simplement impossible?

M. Caron : Je crois que le Parlement du Canada est l'autorité suprême en la matière. Il pourrait très bien décider, peut-être d'après vos recommandations, d'agir comme ça.

Vous avez raison : aux États-Unis, le contexte est très différent, les modalités et les structures aussi, et il existe un numéro 811 obligatoire. En faisant ce numéro, on enclenche un processus auquel participent ensemble l'État et des services fédéraux.

Ici, il se pourrait qu'on n'utilise pas un numéro à trois chiffres, mais que la loi exige un clic de souris avant d'entreprendre les travaux ou quelque chose d'équivalent — les versions sont nombreuses.

Je peux vous dire qu'une telle mesure aurait des résultats positifs. Est-elle judicieuse? Je laisse aux sénateurs et aux décideurs le soin d'en juger. Pour notre part, nous appliquons la loi. J'éviterai donc de faire pression sur vous. Mais je vous le dis, si vous preniez une décision en ce sens, les résultats seraient positifs.

La sénatrice Seidman : Je voulais savoir ce qu'était le programme « Cliquer avant de creuser ». Je suis maintenant fixée. C'est excellent. Je vais essayer sur ma tablette.

Michael Sullivan, directeur de la Canadian Common Ground Alliance, a comparu devant nous à la fin de février. Je l'ai questionné sur l'absence de données sur les centres d'appel unique, particulièrement en ce qui concerne la réduction du nombre d'incidents et le rapport coût-efficacité. Il a dit que les données existaient, certaines données, de toute façon, pour la Colombie-Britannique, le Québec et l'Ontario. Je me demandais si votre office rassemblait ce genre de données pour les infrastructures souterraines soumises à la réglementation fédérale.

M. Caron : Je l'ignore. Si c'est le cas, je verrai à les communiquer à votre greffière, Mme Gordon. Vous les aurez facilement à votre disposition.

La sénatrice Seidman : Ce serait utile, parce que je pense que le comité essaie notamment de comprendre les motifs d'une certaine résistance que nous percevons, malgré les gains évidents pour la sécurité. Est-ce une question de coûts? Je n'en suis pas certaine.

Si des données montraient une réduction du nombre d'incidents, cela prouverait l'efficacité de la mesure, malgré les coûts. Cela permettrait peut-être de persuader d'autres secteurs et sociétés d'appuyer un réseau de centres d'appel unique.

M. Caron : Je comprends très bien votre intérêt. Je suis convaincu que si nous pouvions établir un lien direct entre ces centres et la sécurité, ce serait très important dans la discussion des avantages et des inconvénients, y compris des coûts. Il s'agit, ici, de sauver des vies et de protéger l'environnement. Si ces données existent, je les communiquerai à Mme Gordon, pour le comité.

La sénatrice Seidman : Je vous en suis reconnaissante. Vous avez dit que vous aviez été l'hôte d'un forum sur la sécurité, le printemps dernier. Les participants se recrutaient chez tous les joueurs et parties intéressées. Vous avez dit que vous aviez discuté de sujets tels que le rôle de chef de file des sociétés dans la mise en place et le maintien d'une culture de sécurité, l'efficacité des systèmes de gestion et le rôle de la mesure du rendement et de la gestion des risques.

Pourriez-vous m'en dire un peu plus sur ce dont vous avez discuté, particulièrement sur le rôle de l'évaluation du rendement et de la gestion des risques?

M. Caron : En fait, madame la sénatrice, ce n'était pas matière à discussion. J'ai été étonné et impressionné par le fait que, après une journée et demie de discussions avec un auditoire si nombreux et si varié — dans mes remarques préliminaires, j'avais parlé de l'objectif « zéro incident » — on était unanime à considérer que ce devait être l'objectif; et, comme j'ai dit, l'objectif n'était pas uniquement théorique, on avait, en plus, la conviction de l'atteindre. C'est comme avec les avions : on veut les faire atterrir à l'aéroport de destination. C'est un objectif presque toujours atteint.

J'ai été impressionné par le fait que des personnes qui venaient de milieux si divers, qui avaient beaucoup de motifs pour ne pas tomber d'accord, se sont en fait entendues, non seulement sur l'objectif final, mais, aussi, sur les moyens de l'atteindre. Un groupe de discussion comptait cinq PDG des principales sociétés pipelinières du Canada. Il se trouvait aussi qu'ils dirigeaient des sociétés analogues parmi les plus importantes aux États-Unis. Ils s'accordaient pour dire que pour eux, personnellement, dans leur rôle de dirigeant, la sécurité primait sur tout et ils tenaient à ce que les ouvriers sur le terrain les croient. Si, par exemple, ces ouvriers craignaient pour leur sécurité, ils disaient s'attendre à ce qu'ils s'arrêtent un moment pour accorder la préséance à la sécurité. Les profits viendraient ensuite. Chacun d'eux disait que cette culture de sécurité commençait par lui, le PDG.

J'ai été doublement étonné de la réponse de ces cinq PDG à cette question que je leur ai posée dans l'auditoire : « Un jour, on vous auditera sur l'existence d'une culture de sécurité dans votre entreprise. Serez-vous prêts? Aucune méthode encore ne permet un audit de la culture de sécurité, nous avons tous l'impression que c'est possible, mais nous ne sommes pas prêts. » Leur réponse m'a étonné : « Auditez-moi demain. Voyez quelle sorte de culture j'anime dans mon organisation. » Pendant la journée et demie que nous avons continué à nous entendre sur tout, c'était le sujet de toutes les conversations.

La sénatrice Seidman : C'est bon à savoir. Vous avez aussi dit, dans votre exposé, que l'office doit mettre en place les conditions nécessaires pour responsabiliser les gens. Et vous venez de nous apprendre qu'il n'existe vraiment pas encore de méthode de mesure de la culture de sécurité.

M. Caron : On peut mesurer les résultats, et c'est la raison pour laquelle je vous ai donné un aperçu des nouveaux renseignements que nous essayons de communiquer en toute transparence aux Canadiens : la réduction des rejets de pétrole dans l'environnement et du nombre d'incidents. Nous commençons à pouvoir extraire de nos propres données les preuves des résultats de notre travail sur la sécurité. Cela ne jurera pas avec notre leadership dans l'industrie — un chien de garde appelé « Office national de l'énergie du Canada » chargé principalement de vérifier rigoureusement le respect des règlements. En cas de non-conformité, nous intervenons, nous appliquons la loi et, au besoin, nous réclamons des sanctions.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie, monsieur Caron, pour votre présence parmi nous ce matin; c'est très apprécié.

La notion « cliquez avant de creuser » m'a bien interpelé lors de votre présentation. Vous avez indiqué un nombre d'incidents moins élevé comparativement aux résultats historiques. Honnêtement, j'en suis étonné. J'avais l'impression que depuis plus ou moins un an, puisque nous avons quand même quelques projets importants en cours — ce que je soutiens, d'ailleurs —, il y avait plus d'incidents. Cela me désolait, d'ailleurs. Je m'inquiétais pour rien, selon vous?

M. Caron : Je n'irais pas jusqu'à dire que vous étiez dans l'erreur; au contraire, vous êtes un observateur de ce qui se passe dans le monde, et ce qui s'y est passé depuis plusieurs années n'est pas nécessairement rassurant.

L'explosion de la plate-forme de forage dans le golfe du Mexique en est un bon exemple, ainsi que l'accident de San Bruno en banlieue de San Fransisco où, à la suite de l'incendie provoqué par le pipeline de gazoduc, une dizaine de personnes ont péri. Ce genre d'événement marque la conscience populaire.

Les citoyens sont conscients d'accidents tels que celui d'Enbridge, près de la rivière Kalamazoo, ou de la rupture assez importante de pétrole sous juridiction albertaine il y a deux ans. Nous savons maintenant que les réseaux énergétiques peuvent provoquer des incidents ayant des conséquences sur la sécurité des citoyens.

Je vous prierais de noter que tous les incidents que je vous ai cités ne relevaient pas de la juridiction de l'Office national de l'énergie. Les Canadiens sont bien servis par les compétences de l'office, sous la supervision du Parlement canadien. La preuve en est soutenue, d'une part, par l'absence de tragédies importantes jusqu'à maintenant — et je touche du bois quand je dis cela — et, d'autre part, par des mesures précises, basées sur des faits qui démontrent une amélioration continue.

Cependant, je vous rappelle de ne pas vous sentir complètement rassurés pour autant. Nous sommes le chien de garde de la sécurité et devons toujours être à l'affût de nouvelles idées pour améliorer davantage nos résultats.

Donc, je ne dirai pas, ce matin, que je suis satisfait de nos résultats et je ne le dirai jamais. Je suis satisfait de savoir que demain sera mieux qu'hier et que, chaque jour, nous persistons dans notre travail d'amélioration, surtout en matière de sécurité, de culture, de systèmes de gestion qui, progressivement, démontrent une évolution positive.

Le sénateur Massicotte : Bref, au Canada, ça va mieux, mais aux États-Unis, c'est moins le cas. Est-ce un bon résumé?

M. Caron : J'hésiterais à évaluer la situation globalement, je ne voudrais pas tout peindre de la même couleur. Nous n'avons pas eu le malheur, sous compétence fédérale au Canada, de subir des accidents qui marquent la conscience publique. D'autres juridictions n'ont pas eu la même chance, non seulement les États-Unis, mais le Nigeria, par exemple, a connu un certain nombre de problèmes environnementaux, ainsi que la Russie et l'Australie, en matière de plate-forme de forage.

Je tiens à vous répéter qu'il ne faut pas se sentir rassuré par le fait que nous n'avons pas subi d'accidents graves au Canada. L'Office national de l'énergie doit travailler très fort pour veiller constamment à la sécurité des Canadiens.

Le sénateur Massicotte : Je comprends, mais on a l'impression que la réglementation américaine est assez similaire à la nôtre. On pourrait penser qu'il y a plus d'incidents aux États-Unis parce que le territoire est plus vaste, mais il serait facile également de déduire que des difficultés majeures pourraient tout autant se produire ici au Canada. Les Canadiens ont-ils raison d'être quelque peu méfiants face aux projets proposés ces temps-ci?

M. Caron : Pour le moment, je n'ai pas d'information à vous transmettre pour les Canadiens sur cette question. Cependant, je peux vous dire que non seulement les nouveaux projets de pipeline sont fabriqués avec des matériaux neufs, ce qui est plutôt rassurant, mais que les réseaux existants qui prennent de l'âge sont protégés par notre réglementation qui exige un niveau élevé d'entretien par les entreprises concernées.

Comme j'en discutais avec la sénatrice Seidman, nous avons des programmes de gestion et le souci constant de la sécurité. Notre travail, c'est de maintenir chaque pipeline dans un état sécuritaire. Si nous avons le moindre doute, nous nous attelons immédiatement à la tâche pour atteindre le résultat désiré, qui est l'absence totale d'incidents.

Le sénateur Massicotte : Nous avons visité de grandes compagnies en Alberta. Les responsables de ces compagnies nous assuraient que, même pour des pipelines d'un certain âge, des tests avaient été mis en place et la technologie était disponible. Ils nous recommandaient de ne pas nous inquiéter, qu'il n'y avait pas de problème. Or, on découvre continuellement des problèmes. Nous ne savons plus si notre opinion est bien fondée, car des incidents se produisent continuellement.

Vous dites que votre objectif de zéro incident est réalisable.

M. Caron : Oui.

Le sénateur Massicotte : Les objectifs sont importants. J'espère vivre jusqu'à 130 ans, mais il est plus que probable que cela ne se produira pas. J'accepte cette réalité et que mon vœu n'est peut-être pas réaliste. Croyez-vous vraiment que votre objectif de zéro incident est réaliste d'ici 20 ou 25 ans?

M. Caron : Je crois à cet objectif. À titre d'exemple, supposons qu'une grande entreprise possède 500 camions à 10 roues. Ces camions sont sécuritaires, car ils sont bien entretenus. Toutefois, si on les négligeait, si on ne vérifiait pas les freins et qu'on ne faisait pas les inspections mécaniques, ces camions deviendraient un grand risque pour la sécurité publique. Une entreprise de camionnage bien gérée, qui investit dans son entretien, qui remplace ses vieux camions, de temps à autre, par de nouveaux camions pourra dire qu'elle a une flotte de camions sécuritaire. Il faut consentir des efforts soutenus, à chaque jour, pour s'assurer d'entretenir ces camions.

Il en va de même pour les pipelines. Si on laisse un pipeline à l'abandon, qu'on continue d'y faire circuler du gaz naturel et du pétrole sans se soucier de ce qui peut se produire, sur la base scientifique des risques d'exploitation de pipelines, on obtiendra des pipelines non sécuritaires.

Étant donné que nous avons aujourd'hui un organisme de réglementation comme l'office, qui a des pouvoirs importants, entre autres, celui d'imposer des pénalités, nous obtenons des résultats favorables par rapport à d'autres pays. Je ne dis pas pour autant qu'on peut maintenant se reposer passivement; au contraire.

[Traduction]

Le président : Rapidement, en réponse à l'une des questions du sénateur Massicotte, vous avez mentionné l'éruption d'un puits de la BP, dans le golfe du Mexique. Ce n'était pas une rupture de pipeline, mais un accident de forage. C'est absolument différent. J'ignore pourquoi vous en avez parlé, mais vous l'avez fait.

M. Caron : Puis-je m'expliquer, sénateur? Si vous cherchez les causes premières des gros accidents industriels, vous constatez qu'elles sont semblables, et c'est déprimant. Si vous ne l'avez pas déjà fait, invitez le professeur Mark Fleming de l'Université Saint Mary's. Il applique la psychologie à leur examen et il constate que ces accidents, les ruptures de pipelines, ce sur quoi portait la question du sénateur Massicotte, résultent de la négligence. La culture de la sécurité et des systèmes de gestion déficients expliquent ma comparaison avec les forages pétroliers en mer. Dans cette conversation, je pourrais glisser le cas de la navette spatiale.

Le sénateur Black : Avant de passer à mes questions, je tiens à vous remercier pour les services que vous avez rendus aux Canadiens et à l'Office national de l'énergie. Je pense que l'heure de votre retraite s'en vient rapidement et que le comité manquerait à sa tâche s'il ne vous remerciait pas publiquement de votre contribution et des qualités de chef dont vous avez fait preuve en certaines périodes très difficiles.

M. Caron : Merci beaucoup.

Le sénateur Black : Les questions, maintenant. Vous avez très clairement exprimé vos attentes. Bien sûr, nous comprenons qu'on n'enfouit pas seulement les oléoducs et les gazoducs, mais aussi les égouts, les conduites d'eau, les canalisations pour le câble et l'électricité, lesquelles ne sont pas de votre ressort. N'êtes-vous pas d'accord?

M. Caron : Oui, je suis d'accord.

Le sénateur Black : Sur le plan pratique, êtes-vous satisfait des résultats que nous observons en Ontario et en Alberta, grâce au système qu'on y a mis en œuvre? D'après vous, est-ce qu'il fonctionne?

M. Caron : Je pense que oui.

Le sénateur Black : Je vois.

M. Caron : Je vais m'expliquer. On pourrait demander, à la place, aux préposés aux travaux de creusage d'appeler eux-mêmes les compagnies, mais on ignore si notre interlocuteur, dans une société pipelinière, sait qu'il se trouve aussi, au même endroit, un câble d'électricité et ceci et cela. Le fait de cliquer avant de creuser permet d'explorer toutes les couches possibles d'infrastructures. C'est donc mieux que d'appeler directement la société qui, on croit, pourrait être touchée par les travaux de creusage.

Le sénateur Black : Bien sûr. Si, en suivant la piste ouverte par les excellentes questions de la sénatrice Seidman, nous examinions l'incidence des incidents survenus en Alberta et en Ontario, par rapport, disons, au Nouveau-Brunswick ou à la Nouvelle-Écosse, nous constaterions que les résultats, en matière de sécurité, seraient meilleurs, n'est-ce pas?

M. Caron : J'aimerais que les données le confirment, parce ce que c'est ce que je présume et c'est la raison pour laquelle, je suis d'accord, la question de la sénatrice Seidman sur la relation de cause à effet, que nous cherchons ici, était excellente.

Le sénateur Black : Ma dernière question concerne votre opinion, si vous vous sentez en mesure de nous la faire connaître, sur la constitutionnalité d'un réseau de centres d'appel unique. Le gouvernement du Canada possède-t-il l'autorité constitutionnelle pour mettre en œuvre ce réseau à la grandeur du pays, vu les droits sur la propriété et les droits civils dans la province?

M. Caron : Je dois confesser mon ignorance du domaine juridique, mon incapacité, donc, de vous donner une réponse claire. Le gouvernement fédéral est en mesure de faire preuve de leadership. Nous jouons déjà ce rôle, de notre propre initiative. Personne ne nous a dit que, juridiquement, nous ne pouvions pas être le champion.

Le sénateur Black : En ma qualité d'avocat, je serais le dernier à vous le dire.

M. Caron : Qui intenterait des poursuites contre quelqu'un qui, d'après lui, aurait exagéré dans la promotion de la sécurité des Canadiens? Je l'ignore. Mais ce n'est pas une réponse juridique à votre question.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je n'ai pas beaucoup de questions, mais par curiosité je vais vous en poser une. Vous avez cité plusieurs incidents qui nous amènent à être très vigilants. Combien de ces incidents sont de nature humaine et combien sont de nature accidentelle, soit à cause des matériaux ou d'une mauvaise installation? Quel pourcentage de ces incidents aurait pu être évité?

M. Caron : J'aime votre question, car elle m'oblige à réfléchir. À savoir quel est le facteur humain en matière d'accident, je dirais que la proportion s'approche de 100 p. 100. Supposons qu'un accident soit basé sur le fait que la métallurgie était déficiente et que le pipeline était en situation de rupture. Si vous remontez en amont de cette situation, vous découvrirez qu'un ingénieur n'a pas suffisamment bien évalué les conditions du sol ou le comportement de l'acier pour prévoir une rupture possible. Ou encore, un technicien, lorsqu'il a fait passer un outil de mesure à l'intérieur du pipeline pour vérifier les anomalies, ne les aura pas détectées ou s'est fié à un mauvais instrument pour faire les mesures.

Je dirais qu'on peut prévenir à peu près tous les incidents si on a des systèmes de gestion caractérisés par une culture de sécurité. La technologie, à mon avis, à la fois nous sert, mais nous déçoit lorsqu'on n'a pas suffisamment pensé aux risques sous-jacents.

Le sénateur Boisvenu : Je reviens donc à ma question. En quoi une ligne téléphonique ou un « clic » aurait pu changer le cours des événements?

M. Caron : À l'analyse des incidents, comme celui dont je vous ai parlé, qui s'est produit sous notre juridiction, en 1985, il est évident que la personne qui s'apprêtait à faire les travaux n'avait pas pensé au fait qu'il puisse y avoir là un pipeline. À chaque fois que l'on creuse avec un instrument, il est essentiel, pour la sécurité, d'appeler ou de cliquer pour savoir ce qu'il y a en dessous. C'est une question de conscientisation sans avoir à y penser. C'est comme attacher sa ceinture de sécurité dans une voiture.

Le sénateur Boisvenu : Vous ne répondez pas à ma question.

M. Caron : Je m'excuse.

Le sénateur Boisvenu : Vous me dites que les choses s'améliorent constamment.

M. Caron : Oui.

Le sénateur Boisvenu : En quoi une ligne téléphonique aurait fait en sorte que les incidents malheureux que vous nous rapportez auraient été évités? Ces incidents m'apparaissent plus de nature technologique ou humaine que le fait d'avoir creusé accidentellement.

Ces incidents sont-ils dus à des opérations humaines de creusage pour lesquelles il n'y a pas eu de vérification de la nature du sol au préalable?

M. Caron : La réponse à cela est oui.

Le sénateur Boisvenu : Pour la majorité?

M. Caron : Lorsqu'il y a une intervention entre une tierce partie et un pipeline.

Le sénateur Boisvenu : D'accord.

M. Carron : S'il y a une rupture, par contre, c'est rare. Cependant, il peut se produire, à l'occasion, une rupture spontanée dans une zone peu peuplée. Cela nous est arrivé il y a quelques semaines sur un réseau de gaz naturel. La ligne s'est rompue. Il n'y avait aucun humain autour, donc aucune blessure. C'est arrivé spontanément. Ce sont des éléments de métallurgie ou de la corrosion qui ont causé la rupture.

Le sénateur Boisvenu : La majorité des incidents que vous rapportez étaient liés à des activités de creusage?

M. Caron : Pas nécessairement. Je vous ai induit en erreur.

Le sénateur Boisvenu : Quel pourcentage?

M. Caron : Un peu moins de la moitié. Ces incidents sont causés par une tierce partie, par une intervention humaine. Les autres ruptures sont plutôt de nature spontanée. Il peut s'agir de fuites spontanées en ce sens qu'elles ne sont pas provoquées ou initiées par une intervention humaine.

Le sénateur Boisvenu : Si on investit dans cette ligne, il faudra payer pour cela. Aurons-nous un retour du balancier?

M. Caron : C'est la question de la sénatrice Seidman.

Ce processus existe déjà. Je vous encourage à vous rendre sur « Cliquer avant de creuser » et à visiter le site internet. Cela fonctionne déjà dans plusieurs provinces. On ne parle pas d'un nouveau coût qui serait imposé à une foule de gens. Le système est déjà en place.

Vous verrez qu'il y a l'Alberta, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, le Manitoba, l'Ontario, le Québec et, au Nouveau-Brunswick, la région de Saint-Jean exclusivement, et non pas l'ensemble de la province. J'en oublie peut-être une.

C'est pour l'ensemble des opérations de creusage.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Vous avez dit, dans votre exposé, que l'Office national de l'énergie avait publié un avis de projet de modifications réglementaires selon lequel toute personne qui entreprend des travaux d'excavation ou de construction à proximité de certains endroits serait obligée de faire une demande en communiquant avec un centre d'appel unique.

M. Caron : C'est juste.

Le sénateur Wallace : Survient alors le problème de déterminer ce qui relève de l'autorité fédérale et de celle de la province. Les centres d'appel unique sont, à ce que je sache, de ressort provincial, et l'information qu'ils devraient détenir serait déterminée par la province.

Si vous apportez la modification réglementaire, êtes-vous convaincu que les normes que vous vous attendez à voir s'appliquer pour les pipelines sous réglementation fédérale seront suivies dans chaque province, dans les centres d'appel unique? Est-ce le cas présentement?

M. Caron : Oui — dans les provinces où le service existe déjà. La modification réglementaire que nous proposons prévoit qu'il peut ne pas y avoir de centre d'appel unique dans certaines régions, et elle ne vise pas à imposer quoi que soit à qui que ce soit, sauf que nous exigerions des compagnies de pipeline que nous réglementons qu'elles soient membres d'un des centres qui existent, en fonction des provinces, et nous exigerions de toute partie qui veut exécuter des travaux d'excavation de faire une demande en ligne ou par téléphone trois jours avant le début des travaux.

La seule responsabilité additionnelle, si l'on veut, pour ce qui est des coûts pour la société, c'est vraiment que les compagnies de pipeline réglementées soient obligées d'être membres du centre d'appel unique, et que les gens qui peuvent se blesser en faisant des travaux d'excavation près des pipelines soient obligés d'appeler avant de creuser, ce qui est non négociable.

Les coûts supplémentaires des besoins ou des ajouts sont pratiquement inexistants parce qu'ils existent déjà, monsieur le sénateur.

La Canadian Common Ground Alliance fait tellement preuve de bonne volonté que je ne sais pas si des gens s'opposeront à l'idée de faire une simple demande en ligne ou par téléphone avant de creuser.

Le sénateur Wallace : C'est sensé. J'essaie de comprendre comment le tout se coordonne entre le fédéral et les provinces.

M. Caron : Nous sommes d'avis que les systèmes provinciaux qui existent correspondent à ce dont nous avons besoin pour protéger les pipelines sous réglementation fédérale lorsqu'il y a des travaux d'excavation.

Le sénateur Wallace : En ce qui concerne l'information que les compagnies de pipelines sous réglementation fédérale auraient l'obligation de fournir — l'emplacement des pipelines, les renseignements qui permettent à des propriétaires de savoir exactement où se trouvent les pipelines, et cetera —, faudra-t-il adopter une réglementation fédérale pour contraindre les compagnies à fournir cette information à chaque centre d'appel unique?

Une personne appelle un des centres; mais où conserve-t-on l'information demandée sur les pipelines sous réglementation fédérale?

M. Caron : Je communiquerai avec la greffière si jamais je me trompe, mais je crois comprendre que les centres d'appel unique sont des courtiers en information. Si une personne appelle et que le centre lui dit « vous devez communiquer avec TransCanada Pipelines ou Ontario Hydro », par exemple, alors elle communique avec les entreprises qui doivent avoir les renseignements sur l'emplacement de leurs installations. C'est ce que j'ai compris.

Le sénateur Wallace : Un centre d'appel est donc un centre de redistribution; ce sont les compagnies qui conservent l'information?

M. Caron : Autrement, de principaux organismes bureaucratiques seraient responsables de tout savoir au sujet de chaque infrastructure, et je ne pense pas que cela existe. Il faut que ce soit la compagnie propriétaire du terrain qui ait l'information.

Le sénateur Wallace : Certaines compagnies ont essayé de faire cela, mais vous avez probablement raison.

Monsieur Caron, vous avez parlé des centres d'appel unique des États-Unis, et je me demande si vous pouvez faire une comparaison entre les leurs et les nôtres, en fonction de ce que vous connaissez du modèle américain; quels volets de leur modèle pourrions-nous appliquer au Canada? Serait-il possible pour nous de l'appliquer, ou y a-t-il des différences importantes entre les modèles canadien et américain?

M. Caron : Pas nécessairement. Je ne pourrais pas vous faire un résumé des raisons pour lesquelles le CRTC a rejeté la demande. Comme je l'ai dit dans mon exposé, il existe d'autres moyens d'arriver aux mêmes fins et peut-être même à moindres coûts.

Je vais faire une analogie avec les règlements sur les forages et les pipelines en mer, en ce qui concerne la sécurité. Personnellement, je trouve que la réglementation américaine est plus normative et vise davantage à — et je m'excuse auprès de mes amis américains — attraper des gens qui font quelque chose de mal et à les faire comparaître devant un comité sénatorial pour les punir; on les fait comparaître devant un comité sénatorial et c'est de cette façon qu'ils rendent des comptes.

Le modèle canadien se base plutôt sur l'idée d'atteindre des résultats, et si c'est nécessaire, imposons des sanctions administratives pécuniaires. J'exagère, mais c'est pour mieux vous expliquer la différence.

Je pense que les Américains tirent des leçons de ce que nous faisons à l'Office national de l'énergie du Canada lorsque nous parlons de culture de sécurité et de systèmes de gestion. Ils ont cet élément, mais tout dépend de l'importance qu'on y accorde. Notre modèle de réglementation est axé sur la culture et les systèmes de gestion qui produisent des résultats cohérents, et je crois que la stratégie des services d'appel ou des services en ligne que nous avons adoptée maintenant avec la modification réglementaire que nous proposons va dans ce sens. Les gens voudront suivre notre orientation plutôt que de craindre de subir les conséquences de ne pas respecter nos exigences.

Le sénateur Wallace : Concrètement, les services en ligne sont-ils préférables aux services d'appel, ou pensez-vous que les deux s'appliquent?

M. Caron : Nous ne favorisons pas un plus que l'autre. La voie que nous suivons actuellement mène à de bons résultats, et si jamais nous trouvons qu'ils ne sont pas aussi bons que nous l'espérions, peut-être que le CRTC acceptera l'utilisation partagée d'un numéro, comme le 811 aux États-Unis, ou quelque chose d'équivalent.

Rien ne me permet de croire que la mesure ne fonctionnera pas; autrement, j'aurais l'obligation morale de vous dire aujourd'hui que notre démarche me rend nerveux, alors que ce n'est pas le cas.

La sénatrice Ringuette : Je vais revenir à la dernière question du sénateur Wallace. Compte tenu des dangers pour l'humain et des coûts élevés que peut entraîner le refus de prendre des mesures préventives, avez-vous demandé au CRTC s'il peut instaurer le même type de règles liées aux obligations des membres? En avez-vous discuté avec le CRTC?

M. Caron : Madame la sénatrice, nous avons fait preuve de respect envers le CRTC comme il le mérite en tant qu'organisme semblable au nôtre, c'est-à-dire un organisme indépendant, et aussi quasi judiciaire, je crois. Nous avons participé à un processus qui a abouti à une demande et à une décision précisant les raisons qui l'étayent. Je respecte totalement l'issue de notre demande. Autant que je sache, nous n'avons pas eu de conversations privées avec le personnel du CRTC pour déterminer comment nous pourrions améliorer le processus. Nous ne communiquerions pas de cette façon avec un organisme quasi judiciaire comme le CRTC. Nous faisons de notre mieux dans le cadre d'un processus officiel de demande. Le CRTC nous a fait part de sa décision et nous en a donné les raisons. Nous la respectons et nous utiliserons une stratégie différente qui donnera d'aussi bons, voire de meilleurs résultats.

La sénatrice Ringuette : Il y a quelques mois, dans le cadre d'une autre étude, un témoin qui se considérait lui-même comme un dénonciateur a comparu devant notre comité. Il avait fourni des renseignements à votre office. Prévoyez- vous qu'à long terme, le centre d'appel unique pourrait inclure des appels de gens qui veulent dénoncer des irrégularités?

M. Caron : Absolument, madame la sénatrice. Notre politique est claire : nous acceptons volontiers l'aide de tout Canadien, de toute personne, qui pense que rien n'est fait pour remédier à une situation. Si une personne croit que quelqu'un fait des travaux d'excavation sans l'avoir signalé et qu'elle a essayé de communiquer avec la compagnie et que la compagnie a fait la sourde oreille et n'a pas de culture de sécurité, alors l'ONE sera ravi de recevoir un appel ou un courriel, qui peut d'ailleurs être anonyme, d'un Canadien qui est d'avis qu'il nous faudrait peut-être examiner la situation. Dans le dernier dossier, nous avons écouté la personne et rendu public un rapport d'audit il y a quelques semaines qui confirmait que l'individu avait raison. La compagnie a accepté d'améliorer ses méthodes. Par conséquent, de bonnes choses se sont produites grâce à l'intervention du dénonciateur.

La sénatrice Ringuette : Par contre, il a perdu son emploi, mais c'est une autre histoire.

Êtes-vous membre du service de centres d'appel?

M. Caron : Oui, l'office est l'organisme fédéral de réglementation champion de la Canadian Common Ground Alliance. On nous l'a demandé et nous avons accepté, et nous jouons le rôle d'organisme fédéral champion.

La sénatrice Ringuette : À ma connaissance, l'Europe a probablement le plus grand nombre de pipelines et la population la plus dense sur un territoire qui doit faire de la place pour les pipelines et l'infrastructure technologique.

Les États-Unis ont-ils adopté un processus similaire au nôtre, « appelez avant de creuser », ou ont-ils un processus différent pour régler la question que nous étudions?

M. Caron : Vous me donnez l'occasion de prendre un troisième engagement devant Mme Gordon, car je ne connais pas la réponse; toutefois, je suis sûr que des membres du personnel de l'ONE savent ce que font les États-Unis dans une certaine mesure. J'enverrai bientôt ma réponse à Mme Gordon, la greffière du comité; et je veux d'ailleurs moi-même connaître la réponse.

Le sénateur Tkachuk : Pour revenir à la question du sénateur Boisvenu sur le nombre d'incidents, vous avez dit que 50 p. 100 étaient causés par des activités de creusage, ou quelque chose du genre, et 50 p. 100 par des compagnies de pipeline qui ont eu un problème avec le pipeline ou un autre problème quelconque.

Je sais que vous avez tenu une conférence à Calgary, mais qu'est-ce qui pousserait une compagnie de pipeline à ne pas adopter une culture de sécurité? Ce serait intrigant parce qu'on sépare la question de la sécurité et celle des profits. La rupture d'un pipeline nuit aux profits de la compagnie de pipeline et au cours d'une action. Cela coûte énormément cher. Quelle excuse une compagnie invoquerait-elle pour refuser d'adopter les mesures de protection pour un pipeline?

M. Caron : C'est une question qui est au cœur de la culture de la sécurité. Le PDG pourrait croire qu'elle a à cœur d'assurer la sécurité, mais le travailleur de première ligne n'en est pas aussi sûr. En lisant le rapport public sur l'explosion qui s'est produite dans le golfe du Mexique, vous verrez des témoignages de travailleurs sur la plate-forme qui se disaient préoccupés par la présence d'odeurs, certains processus, des vibrations et des instabilités; cependant, ils n'ont rien dit. Ils étaient fatigués et ils savaient que la compagnie était pressée d'aller dans un autre site de forage. Ils croyaient que quelqu'un d'autre dirait quelque chose, et ils sont décédés parce qu'ils n'ont pas fait ce qu'ils étaient censés faire. La différence, c'est qu'il ne s'agit pas de savoir si la compagnie adoptera des mesures de sécurité, si c'est du moins aussi important que les profits, mais si les gens de première ligne croient que c'est le cas.

Je présume que bien des PDG tiennent pour acquis que la sécurité est la priorité de leur compagnie, et que le message passe de moins en moins d'un échelon à l'autre jusqu'aux employés, en passant par le vice-président directeur, les directeurs et les chefs d'équipes. C'est ce que nous observons constamment. Les incidents graves arrivent rarement, mais leurs conséquences sont importantes. Les rapports publics sur les accidents du travail majeurs révèlent des causes similaires, hélas.

Le sénateur Tkachuk : À la conférence, les compagnies en ont-elles discuté? Il me semble que c'est tout à fait le contraire de ce que ferait une compagnie de pipeline en ne s'assurant pas que le pipeline est sécuritaire de sorte que le produit est acheminé parce qu'elle est payée pour la production qu'elle achemine.

M. Caron : Je conviens que c'est paradoxal, mais les faits parlent d'eux-mêmes. On n'a qu'à lire les rapports sur les enquêtes. Ils disent la même chose.

Le sénateur Tkachuk : Dans le cas des gens, c'est simplement de l'ignorance. On ne pense pas que quelque chose peut arriver.

M. Caron : Je ne crois pas que ce soit de l'ignorance. Je ne le crois pas, sénateur.

Le sénateur Tkachuk : Pour un tiers.

M. Caron : Peut-être pour un tiers qui fait des travaux d'excavation.

Le sénateur Tkachuk : Les gens pensent que rien ne leur arrivera. Ils creusent et soudain, tout explose; et par conséquent, des gens meurent. Cela pose problème.

M. Caron : On doit se demander de quoi découle cette ignorance. La compagnie de pipeline devrait avoir un programme d'information et d'éducation pour que le plus de gens possible sachent qu'il est important de « cliquer avant de creuser ».

Le sénateur Tkachuk : Cela va de soi à certains égards. Dans les maisons, on a du gaz naturel, de l'électricité et des tuyaux d'égout. À quel point faut-il être stupide pour ne pas savoir qu'il y a des tuyaux dans sa maison? C'est plus que cela : c'est la nature humaine et un accident peut arriver, et cetera.

M. Caron : Je suis d'accord avec vous, sénateur.

Le président : La séance tire à sa fin et trois sénateurs veulent poser d'autres questions. Je leur demande de les poser de façon concise chacun leur tour, et M. Caron pourrait y répondre dans l'ordre; et nous terminerons là-dessus.

Le sénateur Mitchell : Merci; c'était très bien. Ma question porte sur l'approbation publique. Par exemple, récemment, le premier ministre Brad Wall s'est rendu aux États-Unis pour discuter de la nécessité pour le Canada de placer la barre plus haut à cet égard. Ne serait-il pas possible, et ce n'est peut-être qu'une question rhétorique, que si nous pouvions montrer aux Canadiens et au reste du monde que nous avons de très bonnes mesures de prévention des accidents, un bon service d'appel unique, les gens auraient davantage confiance en la sécurité des oléoducs et d'autres infrastructures?

[Français]

Le sénateur Massicotte : Vous voyez le centre d'appels unique comme étant un courtier. Mais si jamais cela devient fonctionnel, étant donné que ce n'est qu'un courtier, qu'est-ce qui arrive quand quelqu'un appelle? Qui va appeler la ville ou l'opérateur de la rétrocaveuse pour les égouts, l'eau? Devra-t-il appeler séparément la compagnie d'électricité ou de pipeline? Devra-t-il faire huit appels? C'est contradictoire par rapport l'intention.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : L'une des qualités de notre comité, c'est que nous sommes respectueux de l'environnement, et nous avons donc tous des tablettes et nous essayons de les utiliser dans le cadre de nos travaux. Je suis allée sur la page « Bienvenue sur le portail cliquez avant de creuser », et je dois vous dire que j'ai cliqué sur toutes les provinces et tous les territoires inclus dans la liste. Sept d'entre eux n'ont pas de centre d'appel unique. Il est écrit « communiquez directement avec les propriétaires d'infrastructures de cette région ». Six d'entre eux ont un centre d'appel unique.

Merci, c'est un site formidable.

M. Caron : Je suis d'accord avec le sénateur Mitchell. L'approbation publique va de pair avec la mise en place de bons systèmes. J'approuve ce que vous avez dit. Cela va également de pair avec la présence d'un bon chien de garde en matière de sécurité appuyé par le Parlement, l'Office national de l'énergie, à qui vous donnez des sommes additionnelles pour la réalisation d'audits et d'inspections. Cela fait partie d'un tout. Sénateur Mitchell, si les institutions publiques et les compagnies respectent les lois, les gens seront rassurés et sauront que le pays s'occupe de la sécurité des Canadiens et de l'environnement.

[Français]

Pour ce qui est de la question du courtier, si je suis un excavateur, je vais sur le site « Appelez avant de creuser » et on m'informe des différentes entreprises qui ont des infrastructures. Ces entreprises établissent un contact direct avec la personne qui a cliqué au début. Le courtier fait tout cela, sénateur. Il vous lie à l'entreprise d'électricité, à l'entreprise de distribution de gaz, à l'entreprise de vapeur, et le rapport mentionnerait que ça a été fait.

Le sénateur Massicotte : Pour m'assurer que je comprends bien, je fais un appel ou je clique et cette agence va s'assurer que les entreprises de services m'appellent? J'ai peut-être sept ou huit compagnies avec qui entrer en contact. Est-ce que j'attends au téléphone et on me transfère à une compagnie après l'autre?

M. Caron : Ce sera une quatrième réponse à envoyer à la greffière. Je vous ferai parvenir un protocole qui en démontre le fonctionnement. Vous pourrez l'avoir comme information précise.

[Traduction]

Le président : Merci, sénateur Massicotte. Ce sont de très bonnes questions, monsieur.

Monsieur Caron, je vous remercie de votre présence. J'ai toujours aimé, du moins depuis que je suis ici, vos exposés. Nous vous souhaitons nos meilleurs vœux après vos 35 années. Je pense que vous avez dit que vous prenez votre retraite en juin.

M. Caron : Le 6 juin, à 17 heures.

Le président : Vous nous manquerez, mais nous referons peut-être appel à votre expertise, même si vous ne serez plus à la tête de l'ONE. Nous vous remercions de tout ce que vous avez fait. Merci beaucoup.

Chers collègues, j'ai besoin d'une motion pour adopter notre rapport, et pour qu'il soit approuvé que le président le soumette à l'approbation du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et que le comité de direction soit habilité à approuver le texte final.

Le sénateur MacDonald présente une motion.

Merci à tous. Nous levons la séance.

(La séance est levée.)


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