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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 36 - Témoignages du 7 février 2018


OTTAWA, le mercredi 7 février 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 20, pour poursuivre l’examen des questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie et en faire rapport (sujet : le régime enregistré d’épargne-invalidité et le crédit d’impôt pour personnes handicapées).

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Art Eggleton, un sénateur de Toronto. Je suis également président du comité. Je demanderais aux sénateurs de se présenter, en commençant à ma droite.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Munson : Jim Munson, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le président : Aujourd’hui, nous tenons notre deuxième réunion d’une série de trois réunions sur l’examen du régime enregistré d’épargne-invalidité et du crédit d’impôt pour personnes handicapées. Sur l’ordre du jour, vous remarquerez que le groupe de témoins est censé comparaître de 16 h 15 à 17 h 15. Ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, nous avons un seul groupe de témoins, et nous pouvons prendre tout le temps nécessaire, c’est-à-dire jusqu’à 18 heures. Nous pouvons donc revenir au régime de questions habituel.

Nous entendrons donc trois témoins aujourd’hui. Tout d’abord, nous accueillons Al Etmanski, boursier Ashoka, organisateur communautaire et innovateur social. C’est sa proposition et ses efforts qui ont mené au REEI, le sujet que nous étudions aujourd’hui. De l’Association canadienne pour l’intégration communautaire, nous accueillons Brendon Pooran, conseiller principal. De la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile, nous accueillons David Prowten, président et chef de la direction, et Patrick Tohill, directeur, Relations gouvernementales.

Bienvenue à tous les témoins. Nous entendrons maintenant vos exposés. Vous avez chacun environ sept minutes. Nous entendrons d’abord M. Etmanski.

Al Etmanski, boursier Ashoka, organisateur communautaire et innovateur social, à titre personnel : Je vous salue de la côte Ouest. Je vous remercie de me donner cette occasion et je vous remercie de l’intérêt continu que vous manifestez à l’égard des enjeux liés au régime enregistré d’épargne-invalidité et du crédit d’impôt pour personnes handicapées.

Monsieur le président et membres du comité, je sais que vous avez déjà reçu et que vous continuerez de recevoir des mémoires écrits détaillés qui amélioreront, sans aucun doute, l’admissibilité des Canadiens atteints d’une incapacité au crédit d’impôt pour personnes handicapées et au REEI et, l’administration de ces programmes.

Comme l’a laissé entendre le sénateur, j’ai participé à la campagne du REEI pendant 12 ans sous trois différents cabinets de premier ministre, mais je ne m’occupe plus des détails quotidiens du REEI, sauf dans le cas de ma propre fille. J’aimerais présenter une réflexion sur les origines du REEI et sur les répercussions que j’ai observées 10 ans après sa création.

L’idée qui sous-tend ce qui est devenu le régime enregistré d’épargne-invalidité a émergé de l’expérience vécue par des familles qui s’inquiétaient de l’avenir d’un proche qui souffrait d’un handicap, surtout en cas de décès ou d’incapacité de ses parents. Ces familles ont donc créé le Planned Lifetime Advocacy Network, ou PLAN, et ont demandé à ma femme, Vickie Cammack et à moi, de les accompagner dans leur recherche de solutions.

Ces gens se sont rapidement rendu compte que malgré l’existence d’une vaste gamme de programmes et de services, ils n’étaient pas du tout rassurés sur le futur bien-être de leurs fils, de leurs filles ou de leurs proches, et ce, pour trois raisons. Tout d’abord, ces programmes de soutien étaient assujettis aux variations du financement gouvernemental. Deuxièmement, les services offerts aux personnes handicapées ont tendance à isoler ces personnes de leur communauté. Troisièmement, les fournisseurs de services, à quelques exceptions près, connaissent rarement la personne autant que sa famille. En effet, les employés vont et viennent et, en raison de leurs responsabilités professionnelles, ils ne peuvent pas accorder suffisamment d’attention à la personne ou apprendre à la connaître de la même façon que sa famille peut le faire.

Notre recherche de solutions à la question de savoir ce qui se passe après notre décès nous a obligés à revoir un grand nombre des présomptions liées à l’invalidité et, en tant que parents, nous avons conclu que deux des plus grands handicaps auxquels faisaient face nos fils et nos filles handicapés étaient la pauvreté et l’isolement. La proposition de mettre sur pied un régime d’épargne était notre réponse au défi posé par la pauvreté.

Nous avions deux objectifs pratiques qui ont trouvé un écho chez les personnes handicapées et leur famille d’un bout à l’autre du pays. Le premier était de permettre aux personnes handicapées de recevoir un soutien financier, y compris un soutien de leur famille, et d’accumuler des actifs financiers sans pénalité, sans disposition de récupération ou sans devenir inadmissible à d’autres prestations du gouvernement. Le deuxième objectif était de leur permettre de recevoir ce revenu lorsqu’ils en ont le plus besoin, c’est-à-dire lorsqu’ils sont de jeunes adultes et que leurs parents sont toujours vivants. Il ne s’agissait pas d’un régime de retraite. Les fiducies discrétionnaires, ou les fiducies de type Henson, comme on les appelle en Ontario, représentent un instrument mieux adapté à ce type de régime. Notre modèle ressemblait davantage au régime enregistré d’épargne-études, même si je dois ajouter, malheureusement, qu’on semble faire la promotion du REEI comme si c’était un régime de retraite, ce qui limite sa disponibilité et la pleine utilisation de ses fonds, selon moi.

Presque 10 ans plus tard, je dirais que sans compter les oublis, les lacunes et les mésaventures liés au REEI que mentionnent et mentionneront d’autres personnes, on constate deux évidences. Tout d’abord, la citoyenneté économique pour les personnes handicapées fait une grande différence sur le plan de la dignité, de l’autonomie, de la fierté, de la confiance et de l’estime de soi, le tout pour une valeur de 4 milliards de dollars. Deuxièmement, la capacité des provinces et des territoires d’éliminer les terribles aspects liés à l’aide sociale a été établie. En effet, les gouvernements d’un bout à l’autre du Canada ont essentiellement dit aux personnes handicapées et à leur famille qu’ils leur faisaient confiance pour dépenser les revenus du REEI de la façon qu’elles jugeaient appropriée, car elles n’avaient pas à produire de rapport ou à se justifier.

Je crois qu’on a établi suffisamment de précédents pour envisager de retirer du système de l’aide sociale tous les soutiens aux personnes handicapées, ce qui m’amène à formuler les cinq recommandations suivantes.

Tout d’abord, nous recommandons l’inscription automatique au REEI lorsqu’une personne devient admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées ou qu’elle devient admissible à des prestations d’invalidité équivalentes à l’échelon provincial ou territorial.

La recommandation corollaire, c’est-à-dire la deuxième recommandation, est d’enlever à l’ARC toute responsabilité liée à l’administration du programme et à l’évaluation de l’admissibilité. Nous voulons que cet organisme gouvernemental cible les gens qui fraudent le régime fiscal. La mentalité exigée par ce type de travail ne devrait pas être associée au REEI. Dès le début, l’invitation à créer un REEI se voulait accueillante, et non punitive. Les personnes handicapées et leur famille ne sont pas des fraudeuses.

Troisièmement, il faut veiller à ce que la future mesure législative sur l’accessibilité qui sera bientôt présentée par la ministre responsable des personnes handicapées vise ouvertement la pauvreté vécue par un trop grand nombre de personnes handicapées. L’accessibilité ou la citoyenneté économique est le moteur de l’accessibilité.

La quatrième recommandation vise à inclure les personnes handicapées dans le cadre de vos excellents travaux sur le revenu de base. Pour accélérer le processus, il serait utile d’organiser un forum national sur la nécessité d’établir un revenu de base annuel garanti pour les Canadiens souffrant d’un handicap.

Cinquièmement, il faut créer un groupe d’action indépendant sur le régime enregistré d’épargne-invalidité formé de personnes handicapées, de membres de leur famille, de groupes de revendication, d’avocats, de médecins, de fondations, d’institutions financières, de provinces et de territoires pour régler les problèmes liés aux programmes existants et à leur administration. Je recommande d’utiliser le modèle de l’excellent groupe d’action du régime enregistré d’épargne-invalidité qui a été mis sur pied en Colombie-Britannique en collaboration avec le gouvernement de la Colombie-Britannique.

Mesdames et messieurs, notre société réussit de mieux en mieux à combler l’écart de pauvreté pour les personnes âgées et les familles à faible revenu. À ce jour, les retombées du REEI nous ont permis de régler en grande partie le problème de la pauvreté des personnes handicapées, et nous sommes très près de le résoudre tout à fait. Merci.

Le président : Nous vous remercions de vos cinq suggestions. Nous avons tous pris grand soin de les noter.

Permettez-moi de m’adresser à l’autre personne qui se trouve sur notre écran vidéo, M. Pooran. Je ne sais pas où vous êtes — M. Etmanski est à Vancouver —, mais je vous souhaite la bienvenue, peu importe où vous êtes.

Brendon Pooran, conseiller principal, Association canadienne pour l’intégration communautaire : Je ne suis pas trop loin. Je suis à Toronto.

Le président : Merci. Allez-y.

M. Pooran : Bonjour. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui. Je m’appelle Brendan Pooran, et je suis conseiller juridique principal à l’Association canadienne pour l’intégration communautaire.

Étant donné que le temps alloué aux exposés est limité, je me concentrerai sur des recommandations concrètes qui amélioreront l’accès et les résultats pour les personnes admissibles au crédit d’impôt pour personnes handicapées et au REEI.

Je parlerai d’abord du crédit d’impôt pour personnes handicapées ou le CIPH. En général, les membres de nos communautés nous disent que des personnes souffrant d’un handicap intellectuel se voient maintenant refuser le crédit d’impôt pour personnes handicapées ou ne sont plus admissibles à ce crédit d’impôt même si elles le recevaient depuis plusieurs années. Cela inquiète nos membres, étant donné les prestations perdues, en particulier, les contributions versées par le gouvernement dans les REEI.

J’aimerais donc formuler six recommandations liées au crédit d’impôt pour personnes handicapées.

Tout d’abord, les déficiences intellectuelles sont susceptibles d’être permanentes. Pourtant, on exige que de nombreuses personnes fassent de multiples demandes pour le CIPH au cours de leur vie. Cela signifie du stress, du temps et des dépenses inutiles pour les personnes admissibles à des prestations selon leur certificat. Cela exerce également des pressions supplémentaires non nécessaires sur les ressources de la communauté médicale et du secteur public, car des praticiens qualifiés doivent remplir des formulaires, des fonctionnaires doivent traiter des demandes et des avocats du gouvernement doivent faire appel.

Deuxièmement, la politique en matière de crédit d’impôt pour personnes handicapées se fonde toujours en grande partie sur le modèle médical. Cette politique devrait être analysée pour veiller à ce qu’elle corresponde aux éléments sociaux et aux éléments liés aux droits de la personne contenus dans le modèle de gestion de l’incapacité enchâssé dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées, que le Canada a ratifiée en 2010.

Troisièmement, l’administration du programme de crédit d’impôt aux personnes handicapées devrait être conforme aux mesures législatives qui le régissent, c’est-à-dire la Loi de l’impôt sur le revenu et la jurisprudence actuelle, à savoir les décisions rendues par la Cour canadienne de l’impôt. Par exemple, les définitions et les exigences en matière d’admissibilité devraient avoir un fondement commun.

Quatrièmement, les demandes de lettres de précision, qui sont permises en vertu du paragraphe 118.4(1) de la loi, devraient être précisées dans le cadre du programme de CIPH. Dans sa forme actuelle, ce pouvoir est beaucoup trop vaste et arbitraire. Des refus sont fondés sur les renseignements fournis dans les lettres de précision. Le gouvernement les utilise parfois comme mécanisme pour contourner les renseignements contenus dans le certificat T2201.

Cinquièmement, dans les cas de renouvellement du CIPH, les renseignements médicaux déjà fournis pour l’admissibilité à ce même crédit d’impôt devraient être considérés comme étant des renseignements médicaux pertinents pour son renouvellement. Cela permettrait d’accélérer le processus et d’accroître l’accessibilité des personnes ayant droit aux prestations du CIPH.

Enfin, et sixièmement, les personnes handicapées sont assujetties à de nombreux processus de demande dans le cadre de divers prestations et programmes offerts par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Même si ces diverses initiatives ont des objectifs différents, leurs processus de demande sont assez similaires. Le gouvernement fédéral devrait collaborer avec les provinces et les territoires en vue d’harmoniser les processus de demande au lieu d’exiger que les personnes complètent de multiples processus différents afin d’avoir accès à ces prestations et à ces programmes administrés par différents échelons du gouvernement.

J’aimerais maintenant aborder le régime enregistré d’épargne-invalidité. M. Etmanski a suggéré quelques excellentes recommandations. J’aimerais concentrer mes commentaires sur deux recommandations précises.

Cette année, le REEI a 11 ans, et c’est l’un des régimes d’épargne les plus progressifs — sinon le plus progressif — au monde, expressément conçu pour les personnes handicapées. Malheureusement, les problèmes qui minent le régime depuis sa création n’ont pas reçu une solution efficace.

Tout d’abord, il y a le problème de la capacité juridique. En effet, la Loi de l’impôt sur le revenu, qui régit le REEI, semble disqualifier certains bénéficiaires adultes qui sont autrement admissibles à un REEI de participer à un tel régime s’il n’est pas établi que le bénéficiaire « a la capacité de contracter. » Ainsi, de nombreuses personnes qui pourraient autrement participer au régime ne le peuvent pas en raison de cette restriction liée à leur capacité juridique. De nombreuses personnes sont déchirées entre leur désir d’assurer la sécurité financière future de leur proche handicapé et la stigmatisation, et la limitation des droits fondamentaux à la liberté qui viennent avec une ordonnance de tutelle officielle pour la personne handicapée.

Cette exigence ne reflète pas l’évolution des lois et des politiques canadiennes, en particulier la ratification, par le Canada, de la Convention des Nations Unies sur le droit des personnes handicapées, qui reconnaît la stigmatisation qui accompagne la mention d’incapacité officielle, car elle empêche les personnes handicapées d’utiliser leurs capacités décisionnelles pour désigner officiellement d’autres personnes qui prendront des décisions en leur nom. Dans de nombreuses provinces et territoires, une personne devrait subir une évaluation officielle de sa capacité pour être déclarée incapable de gérer des biens, renoncer à tous ses droits décisionnels et faire l’objet d’une ordonnance de tutelle pour recevoir des prestations d’un REEI.

L’une des conséquences principales de cette lacune législative, c’est qu’une proportion considérable de la population à laquelle s’adresse le REEI est actuellement dans l’impossibilité d’avoir accès à ce régime. J’aimerais vous donner quelques détails à ce sujet. Depuis la création du REEI, en 2008, des personnes confrontées à cet obstacle ont perdu plus de 40 000 $ en contributions du gouvernement fédéral. De plus, les personnes qui ont atteint l’âge de 49 ans depuis ce temps ont perdu ces contributions de façon permanente. Tous les 31 décembre, une cohorte de bénéficiaires admissibles âgés de moins de 49 ans doivent renoncer jusqu’à 22 500 $ en contributions fédérales. Il va s’en dire que ce problème nécessite une résolution urgente et immédiate.

En 2012, le gouvernement fédéral a modifié la Loi de l’impôt sur le revenu en mettant en œuvre une mesure temporaire qui permet aux parents, aux époux et aux conjoints de fait d’être titulaires d’un régime pour des bénéficiaires adultes. Le gouvernement a déclaré qu’il s’agissait d’une compétence provinciale et a imposé aux provinces et aux territoires le fardeau de modifier leurs lois avant la fin de 2016. Quelques années plus tard, le gouvernement fédéral a repoussé la date limite à 2018, ce qui a prolongé cette situation pendant deux autres années.

Nous croyons qu’il serait beaucoup plus efficace d’adopter une solution nationale pour ce problème, plutôt qu’adopter des mesures différentes dans les 13 provinces et territoires. Une politique et un cadre législatif cohérents veilleraient à ce que les Canadiens handicapés admissibles soient en mesure d’avoir accès aux prestations d’un REEI, peu importe leur province ou leur territoire de résidence.

Nous faisons respectueusement valoir que la question de la représentation juridique et des REEI peut être réglée par le gouvernement fédéral. La question de l’élaboration d’une solution uniforme à l’échelle nationale qui exige que le gouvernement fédéral prenne une mesure directe pour régler ces enjeux qui relèvent habituellement des provinces et des territoires a été traitée et tranchée dans le cadre de plusieurs décisions rendues par la Cour suprême du Canada.

Le deuxième enjeu sur lequel j’aimerais formuler des commentaires concerne un point soulevé par M. Etmanski, c’est-à-dire l’accès aux fonds du REEI. La combinaison des contributions personnelles, des contributions fédérales et de la croissance en report d’impôt au fil du temps permettra aux gens d’avoir accès à une quantité considérable de fonds dans leur REEI lorsque tout l’argent sera investi.

Le problème, c’est qu’un grand nombre de personnes n’auront pas la chance d’avoir accès à une partie ou à tous ces fonds en raison de l’effet combiné de ce qu’on appelle le paiement viager pour invalidité, ou PVI, la formule de retrait et l’obligation de remboursement associée à ce qu’on appelle le montant de la retenue des prestations d’invalidité. La loi impose une pénalité aux bénéficiaires qui retirent des fonds 10 ans ou moins après avoir reçu une contribution du gouvernement. Nous appelons cela la règle des 10 ans. La pénalité est égale à trois fois la somme retirée ou à la valeur du montant de la retenue des prestations d’invalidité, selon le montant le moins élevé des deux options.

Les PVI sont des paiements périodiques réguliers qui peuvent commencer à n’importe quel moment, mais qui doivent commencer à l’âge de 60 ans. Ces paiements sont assujettis à une formule qui utilise une espérance de vie de 83 ans pour calculer les paiements. Selon la règle des 10 ans, la plupart des bénéficiaires ne seront pas en mesure d’avoir accès aux fonds contenus dans leur REEI sans subir une pénalité jusqu’à ce qu’ils aient entre 49 et 59 ans.

Une fois que ces personnes seront en mesure de retirer des fonds, la plupart des régimes ne permettront aucun paiement en excès des montants déterminés par la formule que j’ai mentionnée. Cela pose problème pour plusieurs raisons. Tout d’abord, on ne tient pas compte des facteurs liés à un handicap dans le calcul des montants. Nous avons entendu des préoccupations selon lesquelles l’espérance de vie des bénéficiaires pourrait être beaucoup plus courte que 83 ans en raison de la nature de leur handicap, ce qui signifie qu’il est possible que ces personnes ne puissent pas profiter des fonds contenus dans leur REEI. De plus, si un bénéficiaire est réputé incapable de faire un testament, ses actifs pourraient être versés à des bénéficiaires non visés de sa succession à son décès.

Deuxièmement, 75 p. 100 des gens ayant une déficience intellectuelle vivent dans la pauvreté, et 45 p. 100 des sans-abri souffrent d’incapacités. Même si nous sommes conscients de la valeur de la croissance avec impôts différés et de l’accumulation d’actifs au cours d’une vie, il n’est pas logique que des milliards de dollars dorment dans les REEI des gens alors que les trois quarts de cette population vivent sous le seuil de la pauvreté.

Par conséquent, nous recommandons de revoir la règle des 10 ans et la formule de retrait des PVI afin d’encourager l’imposition différée tout en répondant aux besoins financiers criants des personnes handicapées.

Nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré ce soir, en espérant que les questions que nous avons soulevées recevront toute l’attention voulue.

Le président : Merci. Notre dernier témoin est M. David Prowten, président et chef de la direction de la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile.

David Prowten, président et chef de la direction, Fondation de la recherche sur le diabète juvénile : Je vous remercie, monsieur le président et honorables sénateurs, de me donner l’occasion de contribuer à vos discussions sur le crédit d’impôt pour personnes handicapées et le régime enregistré d’épargne-invalidité.

À titre d’information, sachez que FRDJ est un organisme de bienfaisance de calibre mondial axé sur la recherche visant à guérir, prévenir et traiter le diabète de type 1, soit le DT1. Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune chronique, potentiellement mortelle, qui a des répercussions énormes sur la vie quotidienne des personnes qui en sont atteintes puisqu’elles ne produisent plus d’insuline. À partir du moment où elles reçoivent le diagnostic, les personnes qui en souffrent dépendent des injections d’insuline pour survivre.

Toutes les personnes atteintes d’un diabète de type 1 doivent équilibrer leur dose d’insuline avec leur apport alimentaire et leurs activités quotidiennes pour maintenir leur taux de glycémie dans un écart sécuritaire. Un mauvais contrôle de la glycémie peut provoquer une hypoglycémie ou une hyperglycémie, soit deux conditions qui sont dangereuses et même mortelles. À long terme, les personnes qui en souffrent sont exposées à des complications dévastatrices, qui sont horribles et qui coûtent également très cher au système de santé canadien.

Pendant une douzaine d’années, les Canadiens atteints de diabète de type 1 ont bénéficié du crédit d’impôt pour personnes handicapées dans la catégorie « soins thérapeutiques essentiels », quand soudainement, en mai dernier, il leur est devenu pratiquement impossible d’y avoir droit. Même les personnes vivant avec ce qu’on appelle l’inconscience de l’hypoglycémie, le diabète instable et d’autres problèmes de santé chroniques se sont vus refuser le crédit d’impôt. Tout cela découle d’un changement interne, apporté par l’Agence du revenu du Canada en mai dernier, qui empêche les adultes qui suivent une insulinothérapie d’avoir droit au CIPH à moins de souffrir d’une ou de plusieurs autres maladies chroniques. Il s’agit d’une grave préoccupation pour nous, et FRDJ, Diabète Canada et toute la communauté des diabétiques de type 1 ont dénoncé vivement la situation à l’automne dernier.

Il convient de mentionner que l’existence d’un autre trouble de santé chronique, en plus du diabète de type 1, n’a jamais été exigée en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu et, jusqu’à la fin du mois d’avril, tous les Canadiens atteints de DT1 avaient droit au crédit d’impôt si un médecin attestait qu’ils consacraient 14 heures chaque semaine à des activités liées à leur insulinothérapie.

D’après les discussions que nous avons eues cet été et à l’automne avec la ministre et les employés de l’ARC, il semble qu’on se soit fondé sur le fait que l’insulinothérapie ne prend plus 14 heures par semaine en raison des améliorations technologiques telles que les pompes à insuline et les glucomètres permanents. Il s’agit d’une hypothèse tout à fait erronée, mais qui a permis à l’ARC de faire fi des certificats des médecins.

Et sachez qu’il n’y a eu aucune consultation officielle avant que ce changement soit apporté.

Nous avons été soulagés lorsque la ministre a annoncé en décembre dernier que l’ARC reviendrait sur sa décision et réévaluerait toutes les demandes des diabétiques refusées depuis le mois de mai. Nous sommes déterminés à collaborer avec le gouvernement, de même qu’avec le nouveau Comité consultatif des personnes handicapées qui vient d’être mis en place pour veiller à ce que les besoins des Canadiens atteints d’un diabète de type 1 soient reconnus et appuyés.

Ces quelque 10 derniers mois, nous avons entendu un grand nombre de patients partout au Canada nous parler des difficultés auxquelles ils ont été confrontés au moment de demander le CIPH. Certaines de ces plaintes concernent des obstacles de longue date. Nombreux sont ceux qui se sont plaints du processus et des formulaires beaucoup trop compliqués et des critères d’admissibilité confus et arbitraires, particulièrement la règle des 14 heures par semaine. Ils sont frustrés d’apprendre que certaines activités sont exclues, telles que le temps consacré au calcul des glucides ou au rétablissement après des épisodes d’hypoglycémie.

Comme si ce n’était pas assez troublant de refuser à des Canadiens vulnérables un allégement fiscal modeste de l’ordre d’environ 1 500 $ par année, on a aussi demandé aux personnes qui avaient investi dans un REEI de fermer leur compte et de rembourser toutes les cotisations versées par le gouvernement, ce qui, dans certains cas, représente plus des trois quarts du montant.

Maintenant que les personnes atteintes de diabète de type 1 pourront à nouveau avoir droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées, les économies qu’elles ont accumulées dans les REEI devraient être garanties, mais certaines préoccupations demeurent. Par exemple, un certain nombre de patients sont admissibles au crédit d’impôt parce qu’ils sont autorisés à inclure dans leurs 14 heures par semaine le temps qu’eux et leur enfant consacrent à des activités admissibles. Il est injuste qu’une famille qui a investi de bonne foi dans un REEI soit pénalisée parce que son enfant devenu adulte n’est soudainement plus admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Je peux vous assurer que la maladie n’est pas plus facile à gérer lorsqu’on a 18 ans.

De nombreux Canadiens aux prises avec une incapacité ont investi des dizaines de milliers de dollars dans ces comptes. Dans le cas du DT1, l’argent servira à alléger les coûts associés aux complications débilitantes, telles que la cécité ou la perte d’un membre, qui font malheureusement partie de la réalité des diabétiques à un âge avancé. Compte tenu des coûts croissants de la maladie, tous les Canadiens atteints d’un diabète de type 1 devraient bénéficier de cet allégement essentiel, et toutes les mesures visant à limiter l’accès à ce crédit d’impôt ou au REEI ne feront qu’accroître les inégalités au sein de notre société.

Cela dit, nous avons trois recommandations à vous faire aujourd’hui.

Pour commencer, nous aimerions proposer que la Loi de l’impôt sur le revenu soit modifiée pour clarifier le libellé contradictoire qui a amené l’ARC à conclure que le temps consacré au calcul des glucides consommés pourrait ne pas être pris en compte dans les 14 heures par semaine liées à l’insulinothérapie. Sachez qu’il est impossible de calculer la bonne dose d’insuline sans tenir compte de la quantité de glucides consommés. On est loin des antibiotiques où l’on doit prendre trois comprimés par jour. Chaque dose doit être ajustée, et le patient doit le faire lui-même. Pour le faire correctement, il doit d’abord déterminer son apport en glucides. Le fait d’affirmer le contraire montre que l’on ne comprend rien à la maladie.

Nous recommandons également de modifier la loi pour réduire le seuil de 14 à 10 heures. Cela devrait permettre à un plus grand nombre de Canadiens qui ont besoin de soins thérapeutiques essentiels de se prévaloir du CIPH et du REEI. La règle des 14 heures était arbitraire dès le départ, et des personnes atteintes de la même incapacité peuvent avoir des problèmes de santé ou des difficultés financières semblables, peu importe le temps qui est consacré. Cela réglerait également le problème que j’ai décrit tout à l’heure des jeunes adultes qui cessent d’avoir droit au CIPH et au REEI lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans parce que cela ne comprend plus le temps de leurs parents.

En terminant, sauf dans les cas où un patient a agi de façon frauduleuse, aucun Canadien ne devrait perdre son REEI en raison de changements à son admissibilité au CIPH, ce qui est une grande préoccupation depuis l’automne dernier. Nous sommes d’avis que les économies accumulées dans un REEI devraient être protégées.

Pour conclure, je tiens à remercier les honorables sénateurs de nous avoir invités à témoigner aujourd’hui et de nous avoir permis de vous présenter nos recommandations.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant amorcer une période de questions avec les membres du comité.

Chers collègues, comme je l’ai mentionné, il y a une erreur sur l’avis de convocation. Il est inscrit 17 h 15, mais on peut aller jusqu’à 18 heures. Cela dit, nous allons procéder comme à l’habitude. Chaque membre du comité se verra accorder cinq minutes. Évidemment, plus les questions et les réponses seront concises, plus nous aurons l’occasion de poser des questions. Je cède la parole à la vice-présidente du comité.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci à chacun de vous pour votre exposé. Je vais poser ma question en français, mais bien entendu, je vous invite à répondre dans la langue de votre choix.

Je pense que nous poserons beaucoup de questions, car c’est très complexe et beaucoup de choses nous interpellent. Je suis une personne paraplégique vivant avec un fauteuil roulant et je pense que dans vos discours, il y a quelque chose qui saute aux yeux et qui semble être devenu un problème majeur. C’est le fait que l’on utilise l’âge de 83 ans pour calculer les paiements.

À mon avis, ceux qui utilisent ce chiffre de 83 ans ne connaissent pas vraiment le milieu des personnes handicapées.

[Traduction]

Monsieur Prowten, vous avez dit que la règle des 14 heures était arbitraire dès le départ.

[Français]

Ma question est la suivante. M. Prowten pourra y répondre en premier, mais j’aimerais vous entendre tous à ce sujet. Manifestement, les personnes handicapées et les organisations qui les représentent n’ont pas été consultées de façon adéquate au départ. Est-ce qu’à tout le moins la situation s’améliore? Est-ce qu’on les consulte? Est-ce que ces personnes font partie de la solution lorsqu’on expose tous les problèmes?

[Traduction]

Le président : Nous allons commencer par M. Prowten, qui est ici dans la salle, suivi des deux autres témoins qui se sont joints à nous par vidéoconférence.

M. Prowten : Je pense que la création du Comité consultatif des personnes handicapées est une tentative de consulter les divers groupes, et je pense que c’est une excellente chose, mais je conviens qu’il est très difficile de trouver un ensemble de critères qui puissent s’appliquer de façon uniforme à un aussi grand nombre de conditions différentes. Comme vous le dites si bien, c’est une situation très complexe.

Je pense qu’il y a de l’incompréhension par rapport à ce qui a été dit à l’automne. On supposait que la technologie allait nous faciliter la vie. Nos concitoyens nous ont appris qu’on obtenait désormais plus de données. Un glucomètre permanent indique le taux de glycémie toutes les cinq minutes, alors on est toujours en train de se préoccuper de la maladie. Effectivement, on a des données plus précises, mais cela ne réduit pas le fardeau. Au fur et à mesure que les choses évolueront, nous devrons être consultés.

M. Etmanski : Je pense que l’inauguration du REEI a été l’un des meilleurs exemples de la collaboration entre le gouvernement et les entreprises, particulièrement les institutions financières. En l’espace de 18 mois, un tout nouveau système a été mis sur pied, non seulement à l’échelle de trois différents ministères fédéraux, mais aussi au sein des provinces et des territoires qui ont dû modifier leurs règles régissant l’aide sociale. Les banques et les coopératives de crédit ont dû remanier leurs systèmes pour s’adapter à une situation qui n’existe nulle part ailleurs. Selon moi, la collaboration était exemplaire.

Il y a toutefois deux éléments manquants. Tout d’abord, on n’a pas consulté les personnes ayant un handicap, leurs défenseurs, et cetera, afin d’apporter les ajustements nécessaires. C’est pourtant logique. La technologie évolue, tout comme notre compréhension du REEI. Je considère que c’est une grande lacune. Je ne suis pas convaincu que la création d’un comité consultatif sur le crédit d’impôt pour personnes handicapées va régler le problème, et c’est pourquoi j’ai formulé une autre recommandation.

Je vais m’arrêter ici. Je crois que, à l’ARC, tout comme au sein de la population, il y a une volonté de s’en prendre aux fraudeurs, mais il faudrait épargner les personnes handicapées. Puis il y a aussi le fait qu’on annule tous les avantages des REEI qui avaient été promis, alors je considère que c’est le deuxième problème ici.

Le président : Il y a des îles où l’ARC pourrait se rendre pour pincer les fraudeurs fiscaux.

M. Pooran : Je n’ai pas grand-chose à rajouter. Les réponses données par M. Prowten et Etmanski étaient très complètes. La seule chose, c’est qu’il ne faut pas oublier que le REEI fera systématiquement l’objet d’un examen triennal. Le gouvernement sera heureux de recueillir les commentaires.

Cela dit, même si on y a apporté d’importantes améliorations, selon moi, entre 2008 et 2012, rien n’a été fait depuis, malgré les problèmes qui persistent. Dans la foulée des améliorations, nous espérons qu’on donnera suite aux recommandations que nous faisons tous aujourd’hui.

La sénatrice Petitclerc : Vous pouvez répondre brièvement par un oui ou un non. À l’avenir, si nous donnons suite à vos recommandations, pensez-vous que les personnes handicapées devraient être davantage consultées dans le cadre du processus afin de l’améliorer?

M. Etmanski : La réponse est oui, sans équivoque. Personnellement, je ne crois pas que le comité ne devrait être qu’un simple comité consultatif de l’ARC ou du ministère des Finances. Il n’est pas au bon endroit, et il faudrait éliminer le locus de contrôle. J’estime qu’il devrait être un groupe d’action, semblable à celui qui a été établi par le gouvernement de la Colombie-Britannique.

Le président : De qui le comité devrait-il relever?

M. Etmanski : D’EDSC.

Le président : Merci. D’autres observations? C’est ce qui met fin à cette intervention.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie de vos exposés. D’après ce que nous avons entendu aujourd’hui, nous devons tenir compte de deux aspects dans le cadre de cette révision, à la lumière des problèmes qui ont été relevés relativement au REEI et au CIPH.

Tout d’abord, mentionnons la prise de mesures correctives à court terme pour les gens qui sont actuellement confrontés à de graves problèmes et qui continueront de l’être tant que le programme sera administré de cette façon. Ensuite, comme on nous l’a signalé, il faut apporter des changements permanents au programme, notamment aux politiques et à son administration, afin de le rendre plus accessible et transparent pour ceux qui en ont besoin. C’est le message que j’ai retenu de vos exposés de cet après-midi, et je considère que c’est un message très important.

J’aimerais tout d’abord discuter des mesures correctives à court terme, si je puis me permettre, après quoi je m’adresserai à vous trois concernant les problèmes à long terme. Monsieur Etmanski, pour ce qui est des correctifs à court terme, nous avons entendu parler de l’incidence que les changements apportés au CIPH ont eue sur les sommes versées dans les REEI. Les personnes qui ont bénéficié du crédit d’impôt pour personnes handicapées pendant des années et qui, soudainement, n’y ont plus droit, perdent l’argent investi dans leur REEI, y compris leurs propres cotisations. L’ARC affirme que les gens qui se sont vu refuser le CIPH peuvent conserver leur régime d’épargne pendant un maximum de cinq ans au cas où ils auraient de nouveau droit au crédit d’impôt. J’aimerais savoir ce qui se passe durant ce délai de cinq ans. Les Canadiens handicapés ont-ils accès à leur argent pendant que l’ARC réévalue leur admissibilité? Au terme de cette période, sont-ils pénalisés lorsqu’on leur rembourse leurs cotisations?

M. Etmanski : Je crains de ne pas pouvoir répondre à votre question. Je ne participe pas à l’administration quotidienne de ce régime. Je pense que M. Pooran serait probablement mieux en mesure que moi d’y répondre.

M. Pooran : Je pense que durant cette période, le régime est en quelque sorte en suspens. Je ne peux pas vous le garantir, mais je ne crois pas que les fonds soient accessibles. Toutefois, au terme des cinq ans, toute cotisation versée au cours des 10 dernières années serait retournée au gouvernement, et le reliquat serait remis aux bénéficiaires eux-mêmes, mais la proportion des fonds correspondant aux cotisations personnelles ne serait pas considérée comme un revenu imposable. Le bénéficiaire serait imposé sur la croissance des fonds.

La sénatrice Seidman : C’est une bonne chose.

M. Pooran : Toutefois, là où on se trouve dans une zone grise, c’est concernant l’incidence du remboursement de ces fonds sur les prestations d’aide sociale des bénéficiaires. Cela peut varier d’une province à l’autre, mais à ma connaissance, on ne l’a pas encore évaluée.

La sénatrice Seidman : J’aurais une autre question pour les représentants de la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile. Lors de notre dernière séance, nous avons parlé des statistiques publiées par l’ARC jusqu’à maintenant concernant le nombre de particuliers qui réclament le CIPH, les sommes versées et le nombre de demandes qui ont été acceptées et rejetées. Le problème, c’est que l’ARC ne donne aucune information sur l’admissibilité fondée sur le diagnostic. Vos collègues de Diabète Canada nous ont dit que les données fournies par l’ARC étaient vagues et très peu claires. Savez-vous pourquoi l’ARC ne peut pas faire le suivi des demandes acceptées et refusées en fonction du diagnostic ou de la condition plutôt que d’avoir des critères d’admissibilité qui se chevauchent fréquemment? Serait-il plus facile d’évaluer l’efficacité du programme?

M. Prowten : Au fond, je crois que c’est indispensable, sinon comment pourrions-nous connaître autrement le nombre de patients par maladie ou catégorie? Pour faire le suivi, il faudrait, je pense, une grille de critères. Je suis complètement d’accord avec vous. Nos demandes de renseignements plus détaillés n’ont pas été plus fructueuses.

Le sénateur Munson : Je me rappelle, en ce moment même, les témoignages de familles désespérées, la semaine dernière, dont les demandes sont encore rejetées, et ce genre de chose. Ça me semble très préoccupant. Je pense que M. Etmanski a parfaitement résumé la question : à une époque, ça s’appelait la confiance, la confiance dans les demandeurs, la confiance du gouvernement à notre égard ou à votre égard pour ce revenu.

Ce que vous avez dit du revenu annuel garanti et de ses modalités pour les personnes handicapées a piqué mon intérêt. C’était pour vous une recommandation. Pourriez-vous être plus précis sur ses modalités d’application et sur son utilité?

M. Etmanski : Je vous remercie de votre intérêt. Je veux faire remarquer, au fond, que le régime enregistré d’épargne-invalidité a clairement prouvé que la pauvreté est une question profonde. Bien sûr, nous devons réparer ce régime, mais, en soi, ça n’éliminera pas la pauvreté chez les personnes handicapées.

Je songe à ce que notre gouvernement fédéral a fait, d’abord une expérience menée à l’échelle provinciale, en Ontario, où le Supplément de revenu garanti est venu s’ajouter au revenu accordé aux personnes âgées. Les correctifs se succèdent au point où — et je sais que l’écart commence à changer encore — en général, notre pays a fait de l’excellent travail en réduisant et en éliminant presque la pauvreté chez les personnes âgées. Le gouvernement fédéral a récemment déployé des efforts pour réduire la pauvreté chez les familles à faible revenu. Je dis simplement qu’il est temps de penser de même aux personnes handicapées.

Le revenu de base n’a pas de meilleurs partisans que votre président et l’ancien sénateur Hugh Segal, lequel a formulé de nombreuses recommandations pour l’Ontario. Nous cherchons à délivrer les mesures de soutien du revenu pour les personnes handicapées de l’emprise de l’aide sociale. Il est temps. C’est ce que démontre le régime enregistré d’épargne-invalidité.

En Colombie-Britannique, le gouvernement a créé un précédent en ne cherchant aucune récupération fiscale, en rehaussant la limite des éléments d’actifs, en n’exigeant pas de déclaration et en étendant ces mesures à l’ensemble de son système de prestations d’aide sociale et d’invalidité. Ce précédent, qu’il qualifie de révélateur, commence à délivrer les personnes handicapées de la mentalité d’assistés sociaux qu’on leur prête. J’en vois le signe maintenant dans la réponse de l’Agence du revenu du Canada.

Nous devons maintenant surpasser le bond audacieux qu’a constitué le régime enregistré d’épargne-invalidité et harmoniser nos efforts et les vôtres dans le dossier du revenu de base et les efforts qui se manifestent, un peu partout, dans notre pays pour l’examen d’un revenu de base pour les particuliers. Je l’appelle le revenu de base annuel garanti pour les personnes handicapées, parce que je n’ai pas de parti pris sur la meilleure façon d’y parvenir. Une discussion sérieuse s’impose sur la profonde question de la pauvreté et des personnes handicapées. Occupons-nous-en, et, d’après moi, la question de l’invalidité commencera à se résorber d’elle-même.

Le sénateur Munson : Mon autre question concerne les partenariats en cause ici, les partenariats avec les institutions financières, le gouvernement et les bénéficiaires du régime enregistré d’épargne-invalidité. C’est très complexe. Les gens disent que les institutions n’ont pas de personnel formé pour aider les gens qui veulent seulement ouvrir un compte. C’est donc très complexe. Parfois, les gouvernements aiment produire de belles explications. Le gouvernement ne semble toutefois pas avoir fait grand-chose ces derniers temps pour fournir des explications à cet égard. On nous dit de composer un numéro de téléphone. On perçoit le Canada comme étant proactif et le gouvernement comme étant là pour offrir son aide et nous dire quoi faire. L’ARC et le gouvernement ne font pas grand-chose actuellement pour promouvoir ces mesures et expliquer comment on peut collaborer avec les institutions financières. Quelqu’un veut-il faire une observation à ce sujet?

M. Etmanski : En plein dans le mille! Les partenaires sont nombreux : gouvernements des provinces ou des territoires, institutions financières, qui savent où, dans leur système, s’érigent les obstacles aux demandeurs. Il en est question à toutes les réunions du groupe d’action sur le régime enregistré d’épargne-invalidité en Colombie-Britannique, parce que ces joueurs y assistent et ils prennent des mesures à ce sujet à l’échelon provincial. Ça pourrait se faire à l’échelle nationale, avec la participation des médecins aussi, parce qu’on les invite dans la discussion. Tel est le pouvoir rassembleur d’un groupe d’action, mais ça ne fait pas partie de la mission d’une agence conservatrice et prudente du revenu du Canada. Je la comprends absolument, je ne lui lance pas de reproches. Elle fait son devoir. Nous devons, cependant, la libérer du genre de travail que propose le sénateur Munson, et qui, à mon avis, est indispensable.

Il y a 10 ans, les banques et les caisses de crédit du Canada se sont montrées à la hauteur des circonstances en créant les mécanismes du régime enregistré d’épargne-invalidité. Nous devons réfléchir à l’améliorer. Les provinces et les territoires s’étaient aussi montrés à la hauteur. Il est temps de les rassembler de nouveau.

Le président : Avant de passer au prochain intervenant, j’ai deux observations. Rappelez-vous que, demain, nous accueillons la ministre du Revenu, qui est chargée de l’Agence du revenu du Canada. Nous accueillons aussi des fonctionnaires d’Emploi et Développement social Canada, Développement social et Finances ainsi que de l’Agence du revenu. Nous pourrons les interroger sur leur façon de faire fonctionner les programmes.

Ensuite, sachez que notre comité, en 2009, dans son étude intitulée Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l’exclusion, a recommandé d’abord la remboursabilité du crédit d’impôt pour personnes handicapées, puis, en fin de compte, l’instauration d’un programme de revenu de base pour les personnes handicapées. D’ailleurs, nous avons aussi recommandé d’envisager ce revenu de base pour tous les autres qui, aussi, ont peu de revenus. Le Sénat a avalisé le rapport.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je vais vous poser une question en français, mais vous pouvez bien sûr me répondre en anglais. En fait, j’aimerais faire un commentaire.

La semaine dernière, avec nos autres invités, je suis revenue sur la notion des critères d’admissibilité, compte tenu du fait que différentes pathologies causent des problèmes totalement différents.

Par exemple, une personne diabétique n’a pas les mêmes handicaps que la jeune autiste, et c’est un point sur lequel le conseil consultatif pourrait se pencher. Par ailleurs, je crois que le conseil consultatif devrait également étudier la question de la règle des 14 heures. Lorsqu’un jeune diabétique se sert d’un appareil à haute technologie, il peut avoir besoin seulement de 10 heures, ce qui le rend non admissible au crédit d’impôt. Ce n’est pas juste.

De plus, une personne dont le mouvement est plus lent, qui a reçu le même diagnostic et qui vit les mêmes problèmes pourrait avoir besoin de 14 heures. Elle bénéficie alors du crédit d’impôt. Est-il réaliste de penser que le conseil consultatif pourrait se pencher sur cette question? De cette façon, on améliorerait le sort de certaines personnes en les rendant admissibles au crédit d’impôt.

[Traduction]

M. Prowten : Nous avons recommandé le critère de 10 heures, mais j’avoue que c’était arbitraire, parce que le diabète de type 1, actuellement, c’est pour le reste de sa vie. Je pense que vous touchez une question importante. Nous avons entendu dire que le critère de 14 heures a été retenu parce que c’est la durée d’une dialyse. Rien à voir, nécessairement, avec ce diabète. J’ai l’impression que c’est arbitraire et peut-être fondé sur une seule maladie.

Vous pourriez poser cette sorte de question à la ministre, demain. Elle a créé le comité. Ce serait une excellente idée, parce que nous serions d’accord pour dire que différents états de santé peuvent exiger différents critères. Je pense que la sénatrice Petitclerc a posé une question dans le même sens.

Patrick Tohill, directeur, Relations gouvernementales, Fondation de la recherche sur le diabète juvénile : Si vous permettez, je pense qu’il serait utile de comprendre la nature du mandat du Comité consultatif des personnes handicapées. Je ne l’ai pas encore rencontré, mais, d’après les déclarations de la ministre, je crois comprendre qu’il examine selon des critères très étroits l’administration du crédit d’impôt pour personnes handicapées. Je ne crois pas que les questions concernant la révision de la Loi de l’impôt sur le revenu fassent partie de ses attributions. Il faut peut-être les élargir.

[Français]

La sénatrice Mégie : Pas dans le but de modifier la loi, mais pour nous aider à travailler sur les changements à apporter. Peut-être que la proposition que je fais n’est pas réaliste.

[Traduction]

M. Prowten : Peut-être qu’on revient ainsi à la question du court et du long terme. Il y a des choses qu’on peut essayer d’obtenir à court terme, pour mettre en œuvre ces améliorations et pour qu’elles soient justes et cohérentes pour les bénéficiaires. Nous constatons notamment l’absence de cohérence dans le système. Et, à long terme, peut-être avons-nous besoin de modifications législatives.

M. Etmanski : Étant donné l’importance de la coopération avec les provinces et les territoires, que pensez-vous d’inscrire les personnes handicapées qui, déjà, sont admissibles à des prestations d’invalidité ou d’aide sociale, peu importe le nom, dans leur province ou leur territoire?

Il est sûr que les bénéficiaires handicapés des prestations d’invalidité sont beaucoup plus nombreux que les personnes admissibles, d’après les critères en vigueur, au crédit d’impôt pour personnes handicapées et donc admissibles au régime enregistré d’épargne-invalidité. Voilà pourquoi j’ai recommandé l’inscription automatique des inscrits à ce régime qui, automatiquement, reçoivent des prestations d’invalidité des systèmes d’aide sociale de nos provinces et territoires. Personne, certainement, ne les accuserait de prodigalité s’ils les accueillaient. Si ces personnes ont déjà répondu aux exigences rigoureuses, ça devrait sûrement entrer en ligne de compte alors que nous commençons à éliminer certaines de ces complications.

Le président : Monsieur Pooran, avez-vous des observations?

M. Pooran : Je n’ai rien à ajouter. Merci.

La sénatrice Omidvar : Merci beaucoup d’être ici.

Revenons aux observations de votre groupe et d’autres groupes de témoins sur les niveaux de pauvreté chez les personnes handicapées.

D’après tous ces témoignages, le crédit d’impôt pour personnes handicapées semble — et je ne suis certainement pas experte en la matière — la porte d’entrée qui ouvre droit à d’autres prestations ou qui permet l’inscription au régime enregistré d’épargne-invalidité. En vérité, il est remboursable, ce qui signifie de ne pas dépasser un seuil de revenu avant d’en faire la demande.

Je me demande si vous seriez tous d’accord pour dire — et je voudrais vous entendre, pour que le compte rendu en témoigne — que, en fait, ce crédit d’impôt devrait être remboursable, à peu près comme l’allocation canadienne pour enfants. Si, d’après sa déclaration produite de revenus, on a des enfants et des revenus inférieurs à un certain seuil, 540 $ sont versés chaque mois dans son compte. De même, une personne handicapée déclarant des revenus inférieurs à un certain seuil n’est pas, dans le système actuel, automatiquement admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées, mais cela pourrait changer, pour qu’elle reçoive un versement mensuel. D’abord, appuieriez-vous cette mesure?

Ensuite, monsieur Etmanski, serait-elle stratégiquement préférable au revenu minimum de base pour les personnes handicapées, vu la complexité des deux systèmes? Je voudrais connaître votre opinion, tous les deux.

Le président : De qui d’abord?

La sénatrice Omidvar : Les deux sont des sages.

M. Etmanski : La personne la plus éloignée d’abord. Pour commencer, je serais pour le crédit d’impôt remboursable pour personnes handicapées. Le rapport originel commandé par le ministre des Finances, Jim Flaherty, qui a conduit au régime enregistré d’épargne-invalidité, a été un appel à l’action contre la pauvreté et pour les personnes handicapées. Il supposait que ce régime était seulement le début et il énonçait un certain nombre d’autres propositions, notamment ce crédit. Je pense donc que cela vaut bien un examen sérieux.

Ma position générale serait, par exemple à l’instar du Québec, où on établit un revenu minimum garanti pour des personnes en majorité, à ce que je sache, handicapées, et de l’Ontario, où l’expérience du revenu de base commence à le montrer, de réparer le régime enregistré d’épargne-invalidité et d’envisager un crédit remboursable d’impôt pour personnes handicapées. Il est maintenant temps d’examiner la question à l’échelle nationale et d’énoncer nos besoins pour étoffer les mesures d’aide sociale pour les personnes handicapées, de supprimer les aspects démoralisants de l’aide sociale et de chercher une solution garantie à terme.

Comment est-ce que cela trouve sa place? Je l’ignore, par manque de sagesse. Des esprits brillants pourront répondre. Il suffit, pour nous, de tout mettre sur le tapis et de nous atteler à la tâche.

M. Prowten : Excellente idée! L’automne dernier, nous avons été choqués d’entendre que des personnes devaient choisir entre l’insuline ou la nourriture et le loyer. Ces dilemmes sont inacceptables. Il y a problème, et ce serait épatant de pouvoir compter sur une solution comme celle-là.

M. Pooran : Deux petites observations : d’abord, nous sommes absolument d’accord pour un crédit d’impôt remboursable pour personnes handicapées, mais je crains seulement que ça ajoute un niveau de plus aux décisions visant les demandes adressées à l’Agence du revenu du Canada. Nous préférerions l’éviter.

Ensuite, comme quelqu’un l’a dit, le crédit d’impôt pour personnes handicapées équivaut à environ 1 500 $ par année, qui seraient très utiles à beaucoup de bénéficiaires. Mais le véritable enjeu, ici, est de déterminer comment autoriser les bénéficiaires à puiser dans un proche avenir dans leur compte du régime enregistré d’épargne-invalidité. Les cotisants qui ont ouvert leur compte en 2008, qui étaient admissibles à des subventions et à des obligations et qui y ont versé des contributions minimales y ont jusqu’ici accumulé de 70 000 à 80 000 $, mais ces montants y sont bloqués pour peut-être encore 20 ans. Pour moi, c’est la clé qui permettrait de corriger beaucoup de problèmes reliés à la pauvreté.

La sénatrice Omidvar : Je ne peux m’empêcher de considérer ce crédit d’impôt comme un sésame qui ouvre toutes les portes.

La semaine dernière, un groupe de témoins, je ne sais plus lequel, est venu parler du processus d’appel. Il en est prévu un pour contester la décision de refuser le crédit d’impôt pour personnes handicapées, mais on l’a complexifié en y mettant fin à la participation des commissions médicales. En fait, les demandeurs finissent souvent par confier l’appel à des intermédiaires, à qui ils laissent 30 p. 100, ou quelque chose comme ça, de ce qu’ils obtiendront.

Messieurs Prowten et Tohill, pensez-vous que nous devrions mandater des commissions médicales pour qu’elles participent au processus d’appel, pour éviter aux demandeurs une chasse aux certificats ou aux témoignages de médecins qui, apparemment, sont de moins en moins disposés à les accorder?

M. Prowten : C’est une excellente solution, mais c’est le début du processus qui est détraqué. La simplicité et l’acceptation du certificat médical permettraient de prévenir beaucoup d’appels. La contestation du certificat médical par un agent n’est pas normale. On pourrait prévenir beaucoup d’appels grâce à un meilleur processus d’examen des demandes, d’abord. Peut-être a-t-on besoin dans cette partie du système de plus de médecins qui comprennent vraiment ce dont il s’agit.

M. Etmanski : Je pense que pour certaines personnes, il est utile qu’un médecin explique le diagnostic, mais beaucoup d’autres auraient le réflexe de résister à une interprétation médicale de leur état. Il y a d’autres façons de considérer un handicap qu’à travers le prisme médical.

Encore une fois, on peut compter sur le concours d’un certain nombre de personnes très compétentes. Il y en a partout au Canada. L’une des meilleures vit au Québec, le Dr Gilles Julien, qui comprend les déterminants sociaux des handicaps. Ce travail crée un précédent et pourrait s’appliquer tout aussi efficacement aux personnes handicapées que l’avis d’un généraliste.

M. Pooran : Je rejoins la position de M. Etmanski. Il faut être prudent dans l’application du modèle médical des handicaps. Peut-être serait-il utile d’admettre dans le groupe des praticiens compétents plus de membres pas nécessairement inféodés au système médical.

La sénatrice Bernard : Mes questions, je pense, vont relancer la discussion dans une autre direction.

D’abord, nous savons que les parents d’enfants handicapés supportent des dépenses colossales et, souvent, ils essaient de s’en sortir, mais les appuis manquent. Ils sont insuffisants, quel que soit le handicap.

J’ai parlé de ces enjeux aux citoyens de ma province, de ma collectivité, et on m’a fait deux commentaires de base. Premièrement, il y a un manque général de sensibilisation au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Les gens ne savent simplement pas qu’il existe. Par conséquent, ils ne présentent pas de demandes à cet égard, ce qui les empêche automatiquement de pouvoir se prévaloir du REEI. Les gens auxquels j’ai parlé, qui connaissent le programme, trouvent le processus de présentation des demandes intimidant et, souvent, c’est attribuable au fait qu’ils font déjà face à un très grand nombre d’autres problèmes et que c’en est un de plus auquel ils doivent un peu réfléchir.

Étant donné que nous étudions ces questions, que recommanderiez-vous que nous fassions pour accroître la sensibilisation, simplifier le processus de présentation des demandes et joindre les personnes qui ont le plus besoin de ces avantages et qui sont les plus susceptibles d’être exclues de ces programmes ou de se retirer de ceux-ci?

M. Prowten : Voilà une excellente série de questions.

Nous avons parlé plus tôt d’un numéro 1-800. Nous devons peut-être en prévoir un pour renseigner les gens sur le crédit d’impôt pour personnes handicapées. C’est peut-être une mesure que nous pourrions prendre pour faire savoir aux gens que c’est un crédit dont ils peuvent se prévaloir.

Au cours de l’ensemble des activités qui se sont déroulées à l’automne, nous avons parlé du fait que le recours à ce numéro de téléphone sans frais pourrait être la meilleure mesure que nous pourrions prendre pour sensibiliser les personnes atteintes du diabète de type 1 à leur admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées, car il est difficile de sensibiliser les gens.

On doit jeter un pont entre les médecins et les patients et leurs familles, mais on doit pouvoir espérer que le temps investi dans ce processus aura un effet bénéfique sur les patients. Nous devons nous employer à simplifier le processus de sorte que, si les médecins y participent, ils le trouvent valable et simple, car ils ne seront pas rémunérés par le système médical pour leurs efforts.

M. Tohill : Il est intéressant de constater qu’à l’origine, on a conçu le crédit d’impôt pour personnes handicapées afin d’accorder un allégement fiscal aux gens qui, en raison de leur déficience ou de leur maladie, assumaient des dépenses beaucoup plus importantes que le Canadien moyen. Alors, pourquoi établissons-nous des critères d’admissibilité si rigoureux que les demandeurs sont incapables de les comprendre et que, souvent, les médecins et les vérificateurs de l’ARC ne sont pas beaucoup plus avancés? Pourquoi devons-nous participer à ces jeux olympiques de la souffrance afin d’essayer de déterminer quand un handicapé est suffisamment handicapé?

M. Etmanski : Sénatrice Bernard, vous avez touché mon cœur lorsque vous avez parlé des expériences que vous avez vécues avec des familles ou des parents. Je vais émettre l’hypothèse que les parents en question étaient probablement tous des femmes.

En ce qui concerne la promotion, la publicité ou le marketing — peu importe la façon dont vous souhaitez décrire ces activités —, l’univers des handicapés se déroule, de nos jours, en grande partie en ligne. Le nombre de mères qui écrivent des blogues et dont les affichages sont suivis activement en ligne est phénoménal. Elles n’adhèrent pas nécessairement à des organismes traditionnels. Je vous suggérerais d’envisager sérieusement de prendre une mesure semblable à une campagne en ligne. Nous sommes au XXIe siècle; les réseaux sociaux font partie de l’esprit de cette ère. Je recommande que nous envisagions d’exploiter ces réseaux afin de promouvoir ces avantages au sein du mouvement familial.

Deuxièmement, le nombre de célébrités qui entretiennent des rapports avec l’univers des handicapés est également exceptionnel. Je le répète, nous sommes au XXIe siècle. C’est ainsi que nous pouvons nous porter à la rencontre des gens, les accueillir et les inclure.

M. Pooran : Quelqu’un a laissé entendre plus tôt que les bénéficiaires de prestations provinciales d’aide sociale étaient beaucoup plus nombreux que les personnes qui tirent actuellement parti du CIPH. Au fil des ans, nous avons recommandé que des messages, accompagnés des talons de chèque et des bordereaux de dépôt direct, soient envoyés par la poste aux prestataires d’aide sociale afin de les informer de l’existence du CIPH. Soit dit en passant, le CIPH est assez bien connu des personnes atteintes de déficience intellectuelle. Il leur reste à franchir l’étape suivante, c’est-à-dire à souscrire en fait à un REEI et à vraiment se renseigner à son sujet.

La sénatrice Bernard : En réfléchissant à vos réponses, quelques idées me passent par la tête. Premièrement, outre les gens qui bénéficient de l’aide au revenu, il y a les travailleurs pauvres ou les personnes qui touchent un revenu décent, mais qui sont dans l’impossibilité de contribuer à un REEI parce qu’ils réussissent à peine à subsister en raison des coûts astronomiques qu’entraîne la gestion d’un handicap. Comment ces personnes peuvent-elles contribuer à un REEI?

M. Etmanski : Madame la sénatrice, voilà les limites du REEI. Toutefois, certaines mesures peuvent être prises. Par exemple, la Fondation Vancouver dispose d’un fonds de 4 millions de dollars qu’elle peut utiliser pour souscrire à des REEI au nom de personnes qui traversent des circonstances comme celles que vous avez décrites. Cependant, par elles-mêmes, ces contributions ne suffisent pas, car elles soulignent les limites du régime et la raison pour laquelle nous devons, selon moi, remédier au REEI, puis le promouvoir. Nous devons nous assurer que nous améliorons les critères d’admissibilité du régime, mais qu’en même temps, nous discutons plus sérieusement de la pauvreté et des personnes handicapées, une pauvreté qui, souvent, touche également leur famille. Je crois que c’est l’argument que vous faisiez valoir, et je l’accepte.

La sénatrice Raine : Nous nous attaquons à deux problèmes en ce moment. L’un d’eux est la façon dont nous déterminons les personnes qui sont admissibles à ce genre d’aide. Il serait beaucoup plus logique que les provinces et les territoires, qui mettent évidemment en œuvre des programmes d’appui, soit les gardiens de ces programmes, plutôt que l’ARC. Ai-je raison à ce sujet?

Le président : C’est ce que M. Etmanski disait.

La sénatrice Raine : Le régime enregistré d’épargne-invalidité comporte deux éléments, dont l’un est la Subvention canadienne pour l’épargne-invalidité, qui découle, je crois, d’une subvention directe du gouvernement fédéral. Puis il y a le Bon canadien pour l’épargne-invalidité, un bon qu’une personne achète auprès d’institutions financières à l’aide de sa propre source de revenus ou d’économies ou par l’intermédiaire d’un programme comme celui offert par la Fondation Vancouver. Ai-je raison à cet égard? Il y a bel et bien deux éléments. L’un d’eux est une subvention et l’autre, votre contribution à l’épargne. Ensemble, elles deviennent une source de fonds enregistrés à votre nom, mais il y a des restrictions quant au moment où vous pouvez utiliser cet argent. Le fait que vous deviez attendre 10 ans, alors que cela n’a peut-être aucun sens, semble être problématique. Est-ce que je comprends bien la problématique, ou y a-t-il un autre aspect qui m’échappe en ce moment?

M. Pooran : Le régime est constitué de quelques composantes. Il y a les contributions personnelles que vous apportez à même vos fonds personnels. Puis il y a les contributions fédérales qui comprennent les subventions et les bons. La subvention est fondée sur le montant des contributions qu’une personne apporte. Le bon est une contribution financière que le gouvernement apporte uniquement en fonction du revenu familial du bénéficiaire. Par conséquent, le bon ne tient pas compte des contributions personnelles. Enfin, il y a le facteur de croissance qui permet à tout cet argent de fructifier.

En ce qui concerne la règle des 10 années, la plupart des gens doivent, en fait, attendre beaucoup plus longtemps avant d’accéder à cet argent. Dans la plupart des cas, ils doivent attendre jusqu’à 30 ans, parce que la règle indique que des pénalités seront appliquées si des fonds sont retirés dans les 10 années qui suivent une contribution du gouvernement. Autrement dit, la maximisation des contributions du gouvernement pourrait s’échelonner sur 20 ans et, à partir de ce moment-là, il faut attendre 10 années de plus. Donc, dans bon nombre de cas, il faut en fait compter 30 années avant que les gens puissent commencer à accéder à leur fonds.

M. Tohill : L’un des arguments qui ont été avancés, c’est que l’idée de vérifier les personnes qui reçoivent des prestations provinciales semble excellente, sauf pour la catégorie des soins thérapeutiques essentiels au maintien de la vie, qui comprend le diabète de type 1, la fibrose kystique et d’autres affectations dont vous avez entendu parler. Il faudrait s’assurer que cette catégorie est toujours maintenue dans le cadre du CIPH. Le point à faire valoir devrait être que, si vous recevez des soins thérapeutiques essentiels au maintien de la vie, vous êtes automatiquement admissibles au programme. Nous devrions simplifier ce processus.

La sénatrice Raine : Je comprends cela. Je suis contente d’avoir posé cette question. Il y a donc une subvention fédérale et un bon fédéral, mais le bon est fondé sur le revenu familial. La contribution fédérale comporte deux volets : une subvention et un bon. La subvention est la contrepartie de vos contributions personnelles, alors que le bon est fondé sur le revenu familial.

Le président : C’est le cas pour les personnes à faible revenu. Nous pourrons clarifier tout cela avec la ministre demain. C’est certainement ce que je crois comprendre, bien que nos groupes d’experts soient là pour nous donner des réponses.

La sénatrice Raine : Je conviens que, lorsque la famille apporte une contribution financière, les restrictions concernant le retrait de cet argent devraient essentiellement dépendre des besoins définis par la famille, et non par le gouvernement. Pourquoi le gouvernement vous forcerait-il à maintenir l’argent dans le régime plus longtemps que le moment où vous en avez besoin?

M. Tohill : Si vous me le permettez, j’aimerais offrir une brève illustration du fonctionnement du régime. J’ai parlé récemment à une jeune femme du Manitoba qui est dans la vingtaine. Elle préconise dans cette province l’élargissement de la couverture provinciale pour les pompes à insuline, et elle m’expliquait que si, pour être en mesure de payer sa prochaine pompe à insuline dont le gouvernement ne couvre pas les frais, elle devait choisir entre le paiement de son loyer ou de ses épiceries et la nécessité d’épargner quelque 50 $ par chèque de paye, elle choisirait de payer son loyer et ses épiceries. Si ses parents avaient investi dans un REEI, il lui aurait été utile d’avoir la possibilité de retirer une partie de cet argent afin de pouvoir acheter sa prochaine pompe à insuline, mais, à l’heure actuelle, ce n’est pas vraiment une option.

La sénatrice Seidman : Monsieur Pooran, il y a quelques semaines seulement, l’ARC a publié un tableau de données appelé coup d’œil. Je ne sais pas si vous l’avez vu. Ce Coup d’œil sur le crédit d’impôt pour personnes handicapées présente des statistiques pour la période allant de 2011 à 2017.

Le tableau affiche les activités courantes de la vie quotidienne, c’est-à-dire la catégorie qui montre sur quel type de déficience portaient les demandes de crédit, les nouvelles demandes traitées et acceptées, ainsi que les nouvelles demandes traitées et refusées. Par conséquent, vous comprenez que les données sont classées en fonction des activités courantes de la vie quotidienne afin de tenter de donner une idée de la façon dont le processus fonctionne.

Si j’examine les données allant de 2011 à 2017 et plus précisément les fonctions mentales, qui correspondent aux activités courantes de la vie quotidienne, je retrouve les activités suivantes : voir, marcher, parler, entendre, se nourrir, s’habiller, évacuer, soins thérapeutiques et fonctions mentales. Voilà les catégories qui figurent dans les tableaux. Sous la rubrique « Fonctions mentales », je constate qu’avec le temps, c’est-à-dire chaque année jusqu’en 2016-2017 le pourcentage de nouvelles demandes traitées et rejetées demeure assez stable, soit 7 ou 7,5 p. 100. En 2016-2017, le pourcentage de demandes refusées est passé à 10,5 p. 100 et ce, précisément pour les fonctions mentales.

Nous entrons maintenant dans les détails d’un modèle médical, ce qui ne vous plaît pas vraiment, selon moi, mais j’aimerais savoir si, à votre connaissance, une quelconque directive administrative a été utilisée pour resserrer les critères d’admissibilité de cette catégorie particulière, comme cela a été fait, par exemple, pour le groupe des diabétiques, dont les demandes ont été refusées en raison de la circulation d’une directive relative aux 14 heures par semaine. Je m’efforce simplement de comprendre ce qui pourrait justifier cette augmentation et si, à votre avis, elle est problématique. J’adresse ma question à M. Pooran.

M. Pooran : Je pense que c’est problématique. Je n’ai pas été personnellement informé de la circulation d’une quelconque directive, et je ne peux qu’émettre des hypothèses quant aux causes de l’augmentation du taux de refus. Au fil des ans, le certificat T2201 a été modifié, et il se peut que ces modifications aient incité l’ARC à envoyer des lettres de clarification supplémentaires aux médecins. J’entends souvent dire que ces questionnaires supplémentaires ne sont pas nécessairement remplis. Dans certains cas, ils représentent un travail trop écrasant. L’autre jour, j’en ai aperçu un qui comptait 12 pages. Dans d’autres cas, il se peut que les réponses aux questions ne satisfassent pas l’ARC. Je ne peux qu’émettre des hypothèses, mais nous observons une augmentation considérable du nombre de lettres de clarification envoyées.

La sénatrice Seidman : Pensez-vous que l’ARC pourrait régler ce problème d’une façon ou d’une autre?

M. Pooran : Je ne suis pas du tout certain d’avoir une recommandation claire à formuler. J’estime qu’il y a une foule de problèmes à régler en ce moment. Je pense que nous devons offrir une formation supplémentaire aux gens qui remplissent ces formulaires. Je crois que l’ARC doit réfléchir à la question de savoir s’il est sensé d’avoir une demande et un processus d’envoi de ces lettres de clarification. Je pense que, lorsqu’il est question de personnes ayant des déficiences permanentes, l’ARC doit vraiment s’interroger sur les raisons pour lesquelles elle demande à ces gens d’établir à nouveau leur admissibilité. Je pense qu’un grand nombre de gens ne se rendent pas nécessairement compte que leur CIPH est en train d’expirer et qu’ils manquent l’occasion d’établir à nouveau leur admissibilité, ou il se peut qu’ils ne sachent pas ce qu’ils doivent faire à cet égard, parce qu’ils reçoivent ce crédit d’impôt depuis des années. Rien n’a vraiment changé dans leur vie et, tout à coup, leurs demandes sont refusées.

[Français]

La sénatrice Mégie : J’aimerais obtenir des éclaircissements. Si j’ai bien compris, j’ai entendu M. Etmanski dire tout à l’heure qu’il vaut mieux utiliser le diagnostic médical lors d’une demande. Ai-je bien compris?

[Traduction]

M. Etmanski : Je vous remercie de demander une précision. D’abord, je tiens à m’excuser de ne pas être en mesure de m’exprimer en français. Je suis toujours gêné du fait que j’habite au Canada et que je suis incapable de m’exprimer correctement en français.

Non, je crois que je réagissais au fait qu’on se fonde uniquement sur le diagnostic médical pour déterminer l’admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées. J’essayais de dire qu’il y a de nombreuses autres façons de déterminer un handicap, outre le diagnostic médical. En effet, la majorité des personnes que je connais qui souffrent d’un handicap s’opposeraient à ce qu’un médecin donne son opinion sur leur handicap. Je voulais dire qu’il y a des déterminants environnementaux et sociaux et je voulais simplement faire référence à un médecin différent, celui qui est à l’origine de la pédiatrie sociale à Montréal, le Dr Gilles Julien, pour donner un exemple d’une personne qui comprend que les handicaps et les différences vont au-delà du diagnostic médical. J’espère que cette réponse contribue à clarifier mes propos.

[Français]

La sénatrice Mégie : Mon commentaire à cette question sera le suivant. Justement, il n’y a pas que le diagnostic médical qui compte. Il faut parler des autres facteurs. Souvent, lorsqu’on fait mention d’un diagnostic médical et d’un handicap, le médecin reçoit une autre lettre demandant de clarifier les données. Quelquefois, deux lettres sont envoyées pour que le médecin puisse répondre; normalement, nous le faisons, car si on ne le fait pas notre patient sera pénalisé.

Je voulais vous entendre dire que vous êtes d’accord sur le fait qu’il ne s’agit pas seulement du diagnostic médical. Merci.

[Traduction]

La sénatrice Omidvar : J’ai une question à poser. Je vais m’adresser à M. Pooran, mais n’importe qui d’autre peut répondre. Je voudrais parler encore des travailleurs handicapés à faible revenu et de leur accès limité aux allégements fiscaux. J’aimerais savoir quelles déductions sont possibles actuellement alors qu’arrive la période des déclarations de revenus et est-ce que des politiques sont prévues pour accroître le nombre de ces déductions pour les personnes handicapées?

M. Pooran : Je ne sais pas si on prévoit accroître le nombre des déductions. Je sais qu’il existe une prestation fiscale pour le revenu de travail et qu’il y a bien entendu le crédit d’impôt pour personnes handicapées. Je sais aussi que des exemptions fiscales sont prévues dans certains programmes provinciaux d’aide sociale qui contribuent un peu à alléger le fardeau fiscal. Toutefois, à ma connaissance, le système actuel ne répond pas aux besoins des travailleurs à faible revenu, comme vous l’avez déclaré.

Je vous dirai aussi que, dans notre communauté en particulier, celle que l’Association canadienne pour l’intégration communautaire représente, il y a des gens qui souffrent d’une déficience intellectuelle et bien des gens ne travaillent pas et n’ont pas de revenu d’emploi et ils ne bénéficient d’aucun crédit d’impôt remboursable dans le cadre de notre régime fiscal. Je considère donc qu’il s’agit là également d’un problème important.

Le président : Est-ce que quelqu’un d’autre veut répondre à cela? D’accord, c’est la seule réponse.

La sénatrice Omidvar : Je sais que nous examinons le crédit d’impôt pour personnes handicapées et le régime enregistré d’épargne-invalidité, mais si vous avez des propositions de politique ou des idées, veuillez les faire parvenir au comité pour que nous puissions les étudier.

La sénatrice Petitclerc : Il y a deux choses que j’aimerais savoir.

Je crois que je connais la première mais j’aimerais l’entendre. Je suis moi-même en fauteuil roulant et je connais de nombreuses personnes qui, comme moi, ont eu un accident et sont devenues paraplégiques. D’après les expériences personnelles que nous avons entendues et les discussions que nous avons eues dans le cadre de l’étude de ce projet de loi, il semble que, lorsqu’il s’agit d’un handicap physique permanent, il est beaucoup plus facile d’être jugé admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées et d’y avoir droit chaque année. Le problème tient-il au fait que le système fonctionnait bien au début, lorsqu’il a été conçu, mais qu’il n’a pas été adapté à la complexité des handicaps? Est-ce une partie du problème?

M. Prowten : Je crois que c’est probablement le cas. On a démontré l’automne dernier qu’on présume que la technologie facilite la vie, mais ce n’est pas toujours le cas. Elle peut contribuer à perfectionner les choses mais pas nécessairement à rendre la vie plus facile. La maladie mentale est un excellent exemple d’une condition qui a commencé à susciter des discussions et qu’on comprend mieux maintenant, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire. Je ne connais pas très bien l’histoire du crédit d’impôt pour personnes handicapées, mais en l’étudiant en profondeur, vous pourrez aider un plus grand nombre de Canadiens.

M. Etmanski : Je crois que la sénatrice a tout à fait raison. On a mis cela en place. Certaines personnes avaient un handicap bien défini, comme ma fille, par exemple. Je n’aime pas parler d’elle de cette façon, car elle est une artiste et une poète, mais elle a le syndrome de Down, alors c’était relativement simple.

Lorsque la seule aide offerte, outre l’aide sociale, pour faire face aux coûts et aux dépenses extraordinaires est le régime enregistré d’épargne-invalidité et le crédit d’impôt pour personnes handicapées, il est évident qu’un si grand nombre de personnes veulent s’en prévaloir. C’est ce qui avait été envisagé, mais ces aides n’ont pas répondu à la demande. La vision était là, mais on n’a pas répondu à la demande, alors il faut apporter des changements. Nos iPhone se sont améliorés, et maintenant, nous devons améliorer ces aides. Vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Munson : C’est intéressant et fascinant. J’ai bien hâte de rencontrer la ministre demain. Monsieur Prowten, avez-vous des statistiques à jour à nous donner sur le nombre de diabétiques dont la demande continue d’être rejetée? Avez-vous des chiffres à nous communiquer pour démontrer qu’il y a encore des personnes qui n’obtiennent pas satisfaction, pour ainsi dire, de la part de l’ARC?

M. Prowten : Je vais essayer de vous répondre. La bonne nouvelle est que, depuis le changement apporté en décembre, la majorité des demandeurs obtiennent une réponse positive. C’est une bonne chose. On a examiné la situation et je crois qu’on a remédié à un problème.

Comme Patrick l’a mentionné, nous avons du mal à déterminer si le mandat du Comité consultatif des personnes handicapées permettra d’offrir une solution permanente ou si nous risquons d’être confrontés à nouveau à un changement administratif. Il nous est difficile de le déterminer pour l’instant.

Le sénateur Munson : Nous essaierons de le savoir demain.

M. Prowten : Nous vous en serions reconnaissants.

M. Tohill : Pour revenir à la question qu’a posée la sénatrice Petitclerc il y a quelques instants, je dois dire qu’il semble y avoir un écart entre le nombre de personnes qui souhaitent bénéficier du crédit d’impôt pour personnes handicapées et du régime enregistré d’épargne-invalidité et le désir de l’ARC de restreindre le nombre de demandes qui sont approuvées chaque année. Il y a toujours des gens qui font appel devant les cours de l’impôt et les cours de l’impôt élargissent toujours les critères d’admissibilité. Par conséquent, un plus grand nombre de personnes devraient être admissibles, mais l’ARC tente de trouver des façons différentes et créatives de continuer à restreindre le nombre de personnes admissibles pour limiter les dépenses. Je crois que c’est ce qui se passe actuellement.

La sénatrice Raine : Je crois que l’intention et la vision sont très bonnes. Si vous aviez une baguette magique et que vous pouviez créer le programme parfait sur le plan du processus de demande et de l’accès, quel serait ce programme idéal? Nous avons entendu dire notamment que le processus de demande est trop complexe et que les demandes ne vont pas au bon endroit. Où devraient aller les demandes et quel devrait être le processus?

Le président : Vous voulez qu’ils répondent très rapidement? Quelqu’un veut-il répondre?

M. Pooran : Je n’ai pas la réponse en tant que telle, mais je souhaiterais qu’on harmonise tous ces programmes de prestations, de déductions et de crédits afin qu’il y ait une collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en vue de simplifier les processus de demande pour les personnes handicapées.

M. Etmanski : Madame la sénatrice Raine, je vais vous donner ma réponse. À l’échelon provincial ou territorial, les personnes atteintes d’autisme — ou de neurodiversité comme disent bon nombre d’entre elles — les personnes souffrant d’une déficience intellectuelle légère ou modérée et les personnes qui ont subi des lésions cérébrales ou qui souffrent d’une maladie mentale ou du diabète de type 1 sont toutes admissibles à des prestations d’invalidité ou d’aide sociale, peu importe comment on les appelle, et la définition diffère d’une province ou d’un territoire à l’autre. Toutes ces personnes sont déjà admissibles. On a déjà reconnu leur handicap. Si j’avais une baguette magique, je ferais en sorte qu’elles soient aussi admissibles au crédit d’impôt pour personnes handicapées et au régime enregistré d’épargne-invalidité. Les provinces et les territoires ont déjà fait leur part, alors il ne resterait plus qu’à apporter les améliorations souhaitées sur le plan de l’admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées.

Le président : Je voudrais poursuivre sur ce point, monsieur Etmanski. Vous avez dit clairement qu’il n’y a pas seulement le crédit d’impôt pour personnes handicapées comme porte d’entrée. Vous avez parlé des programmes provinciaux de prestations d’invalidité, du travail qui a déjà été fait du côté des provinces et de l’information dont elles disposent. Des représentants de l’organisme qui s’occupe des gens atteints de sclérose en plaques nous ont dit que certaines personnes ont droit au crédit de façon épisodique. Est-ce que cela réglerait le problème ou faudrait-il mettre en œuvre d’autres mesures en ce qui concerne cette admissibilité épisodique?

M. Etmanski : Eh bien, j’hésite à m’exprimer là-dessus. Cela réglerait le problème dans la mesure où ces personnes seraient déjà admissibles à des prestations d’invalidité provinciales ou territoriales.

J’aimerais ajouter quelque chose au sujet des handicaps épisodiques ou des personnes dont les symptômes se manifestent soudainement et qui ont besoin d’argent le plus rapidement possible. Je ne veux pas trop parler du passé, mais je me souviens d’avoir reçu un appel du défunt ministre des Finances, M. Flaherty, qui avait reçu une pétition de personnes atteintes de la sclérose en plaques qui expliquaient que, lorsqu’elles avaient besoin de retirer des fonds de leur régime enregistré d’épargne-invalidité, elles devaient pouvoir le faire rapidement. Il m’a dit : « Pourquoi ne pas assouplir le programme afin de permettre aux gens d’avoir rapidement accès à leurs fonds? » C’est ce qu’il souhaitait et c’est une décision non partisane, approuvée par tous les partis, qui a permis cela. J’aimerais qu’on en fasse autant maintenant et que les sénateurs déterminent ce qu’ils peuvent faire pour que le programme concorde à nouveau avec ce qui avait été envisagé au départ.

M. Prowten : Pour la plupart des crédits d’impôt, le demandeur doit certifier lui-même qu’il souffre d’un handicap. Ainsi, la plupart des gens ne s’inventeront pas une maladie. Si, dans le cadre du processus de demande, le demandeur peut certifier qu’il souffre d’un handicap, ce serait fantastique. Si ce n’est pas possible, il faudrait se fier au médecin puisqu’il est un expert dans le domaine. Il pourrait ne pas s’agir uniquement d’une condition médicale. Ce serait un grand pas en avant.

La sénatrice Omidvar : Ma question s’adresse à M. Pooran au sujet de la directive actuelle de l’ARC selon laquelle un handicap attribuable à une maladie mentale doit être présent 90 p. 100 du temps pour qu’une personne soit admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Modifieriez-vous cette directive? Si oui, de quelle manière?

M. Pooran : C’est un autre de ces critères arbitraires établis par l’ARC, et je ne sais pas comment l’agence en est arrivée à ce critère. Ce n’est assurément pas un critère qui figure dans la Loi de l’impôt sur le revenu, et je ne sais pas si je l’ai vu ou non dans la jurisprudence. Je ne peux pas dire si je rehausserais ou j’abaisserais ce critère.

Toutefois, comme je l’ai dit plus tôt, le processus d’approbation doit être conforme à la loi et à la jurisprudence. Lorsqu’on fixe des critères arbitraires, cela cause des problèmes pour les demandeurs.

Le président : Très bien. Votre contribution à tous les quatre a été très utile. Vous nous avez aidés à nous préparer pour notre importante réunion demain avec les fonctionnaires et la ministre et vous nous avez fourni d’autres renseignements qui, je l’espère, permettront d’apporter des améliorations à l’intention des demandeurs du crédit d’impôt pour personnes handicapées et du régime enregistré d’épargne-invalidité. Nous vous remercions beaucoup pour votre participation.

Je tiens à mentionner aux membres du comité que j’avais envoyé une lettre à la ministre pour lui demander de nous transmettre certaines données de l’ARC, essentiellement celles mentionnées dans le courriel de la sénatrice Seidman à l’intention du comité de direction. Nous avons reçu une réponse. Nous n’avons pas toutes les données, mais une bonne partie, et même de petits graphiques. Vous devrez les examiner attentivement.

Nous avons aussi reçu des mémoires. Je crois que Shaila les a distribués. J’aimerais attirer votre attention sur celui de Josée Marin. Elle fait partie des employés de Nortel qui ont été laissés pour compte, et son expérience en ce qui concerne le crédit d’impôt pour personnes handicapées et le régime enregistré d’épargne-invalidité est différente. Veuillez le lire.

Demain, nous allons entendre la ministre et nous interrogerons des représentants du ministère et d’autres ministères également. Au cours de la dernière demi-heure, nous discuterons de tout ce que nous voulons fournir à Elizabeth pour qu’elle puisse rédiger notre rapport.

(La séance est levée.)

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