LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 19 novembre 2024
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour examiner la teneur du projet de loi S-268, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les Indiens.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue.
Avant de commencer, je demanderais à tous les sénateurs et aux autres personnes ici présentes de consulter les fiches disposées sur la table. Vous y trouverez les consignes à suivre pour prévenir les incidents de rétroaction acoustique. Veillez à ce que votre oreillette soit toujours éloignée de tous les microphones. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez‑la face vers le bas sur l’autocollant placé sur la table à cet effet. Merci de votre coopération.
Je tiens tout d’abord à souligner que les terres sur lesquelles nous sommes rassemblés aujourd’hui font partie du territoire traditionnel ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe, et qu’elles abritent maintenant de nombreux autres peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’île de la Tortue.
Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis, d’Epekwitk, aussi connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis président du comité. J’inviterais maintenant les membres du comité à se présenter en indiquant la province ou le territoire qu’ils représentent.
Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.
La sénatrice Robinson : Bonjour. Mary Robinson, de l’Île‑du-Prince-Édouard.
Le sénateur McNair : Bonjour. John McNair, du Nouveau-Brunswick, territoire non cédé du peuple mi’kmaq.
La sénatrice Martin : Bonjour. Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, Alberta, territoire du Traité no 7.
La sénatrice White : [Mots prononcés dans une langue autochtone] Judy White, de Ktaqmkuk, mieux connu sous le nom de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Prosper : Paul Prosper, Nouvelle-Écosse, Mi’kma’ki.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, Antigonish, Nouvelle-Écosse, Mi’kma’ki.
Le président : Merci à tous.
Aujourd’hui, nous allons commencer notre étude de la teneur du projet de loi d’intérêt public du Sénat, le projet de loi S-268, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les Indiens. Ce projet de loi autoriserait les corps dirigeants d’une Première Nation et ceux qu’ils désignent à mettre sur pied, exploiter et réglementer une loterie dans la réserve.
J’aimerais maintenant présenter notre premier témoin d’aujourd’hui, à savoir l’honorable Scott Tannas, parrain du projet de loi. Il est accompagné de Mehek Noorani, directrice des affaires parlementaires pour l’honorable Mary E. Robinson. Merci à vous deux d’être parmi nous aujourd’hui. Le sénateur Tannas fera une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une période de questions et réponses avec les sénateurs.
J’invite le sénateur Tannas à commencer son intervention.
L’honorable Scott Tannas, parrain du projet de loi : Merci, monsieur le président, et merci, chers collègues. Je remercie le comité d’avoir entrepris cette étude, et je m’attends à ce qu’il y participe à fond.
C’est un honneur pour moi de parrainer le projet de loi S-268. Il a été rédigé en étroite collaboration avec les Premières Nations, tout particulièrement le chef Roy Whitney et son peuple de la nation Tsuut’ina, ainsi que le chef Bobby Cameron de la Federation of Sovereign Indigenous Nations, ou FSIN.
Le projet de loi a été déposé au Sénat le 20 juin 2023. Il a franchi l’étape de la deuxième lecture le 30 mai dernier, et il a été confié au comité de même qu’au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles pour une étude conjointe. Il est rare que deux comités soient ainsi mobilisés, mais cela arrive. Dans ce cas-ci, nous croyons que c’est approprié, car le projet de loi porte sur des modifications au Code criminel, domaine qui relève habituellement du Comité des affaires juridiques, mais il touche aussi à des questions liées à l’autonomie gouvernementale des Autochtones et à la réconciliation économique, qui présentent un grand intérêt pour le comité.
L’objet du projet de loi est la reconnaissance du pouvoir des gouvernements des Premières Nations d’exploiter des entreprises de jeu sur leurs terres de réserve. Il fait en sorte que la souveraineté des Premières Nations en matière de jeu commercial soit reconnue et qu’elle puisse être exercée. Il s’agit également d’une étape concrète vers la réconciliation économique, car il permet de réorienter les emplois et les revenus vers les collectivités des Premières Nations et pour les collectivités des Premières Nations.
Le projet de loi respecte diverses positions passées et présentes des gouvernements des Premières Nations. Il ne confère pas de droits; il prévoit plutôt une reconnaissance de droits et un mécanisme permettant aux collectivités d’exercer le droit de contrôler les activités de jeu sur leurs terres de réserve. Essentiellement, le projet de loi accorde aux gouvernements des Premières Nations le pouvoir parallèle qui a été offert aux provinces en ce qui a trait au jeu, mais il restreint le pouvoir des Premières Nations à leurs seules terres de réserve.
Je vais retracer brièvement l’historique du jeu au Canada, plus particulièrement à l’ère moderne. Tout est régi par le Code criminel. Le Code criminel mentionne d’abord que le jeu est interdit, à moins qu’il ne soit régi par une réglementation provinciale. Cela découle d’une entente conclue en 1985 entre le gouvernement fédéral et les provinces, dans le cadre de laquelle le gouvernement fédéral a cédé ce pouvoir et a accordé aux provinces cette exemption à l’interdiction. Comme c’était courant en 1985, absolument aucune consultation n’a été menée auprès des Premières Nations, personne n’a pensé aux gouvernements des Premières Nations et pas un mot n’a été dit sur la question de savoir si cela s’appliquait effectivement aux terres de réserve des Premières Nations, comme tant de choses ne s’appliquent pas entre le gouvernement fédéral et les provinces.
C’est l’état actuel du jeu moderne.
Le jeu est omniprésent. Il connaît un regain de vie. En plus du jeu en établissement, il y a maintenant aussi le jeu en ligne, qui est en croissance. Il continue de prendre des parts de marché au jeu en établissement, qui cependant génère toujours la majeure partie des recettes au pays.
En ce qui concerne les activités de jeu des Premières Nations au Canada aujourd’hui, il y a environ 40 entreprises de jeu commercial dans les réserves des Premières Nations. Elles emploient des milliers de Canadiens autochtones et non autochtones. Bon nombre d’entre elles sont exploitées en vertu d’un ensemble disparate d’ententes de partage des recettes conclues avec les gouvernements provinciaux. D’autres Premières Nations fonctionnent de façon autonome, affirmant leur souveraineté, et sans la reconnaissance des provinces.
Voilà l’état actuel de l’industrie du jeu.
Le projet de loi bénéficie d’un vaste soutien de la part de l’ensemble des gouvernements des Premières Nations du Canada, y compris dans les principales nations ayant des activités dans le secteur du jeu, et il est appuyé par la résolution 69 adoptée en juillet 2023 par l’Assemblée des Premières Nations, ou APN. Un certain nombre de Premières Nations n’exerçant pas d’activités dans le secteur du jeu ont également soutenu le projet de loi sur la base du principe de souveraineté, et vous entendrez les témoignages de certaines de ces communautés au cours des prochaines semaines dans le cadre de votre étude. Je m’attends aussi à ce que celles dont les intérêts en matière d’économie ou de compétences dépendent du statu quo vous fassent part de leur opposition au projet de loi. J’ai hâte d’entendre leurs préoccupations et de discuter avec elles dans le cadre du processus à titre de membre du comité et de parrain du projet de loi.
Je vais m’arrêter ici. Mehek Noorani — qui m’a accompagné tout au long du processus et qui, grâce à la sénatrice Robinson, continue de m’aider dans ce dossier — et moi-même serons heureux de répondre à vos questions. Merci, chers collègues.
Le président : Merci, sénateur Tannas.
Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Je vais ouvrir le bal en posant la première question. Avez-vous consulté les provinces pour connaître leur position sur le projet de loi S-268 dans le cadre de l’élaboration de ce texte législatif?
Le sénateur Tannas : Non. Nous avions une assez bonne idée de ce que serait la position des provinces. J’ai eu l’occasion, au début du processus, de consulter des dirigeants de ma province, l’Alberta. J’ai obtenu la réponse à laquelle je m’attendais, celle que tout le monde aurait pu prédire.
Il s’agit d’un changement de compétence et d’orientation en ce qui a trait aux recettes pour les provinces, et il ne fait aucun doute que cela aura un coût pour elles. À l’heure actuelle, elles sont les seules autorisées à fournir des services de jeu. Elles ont un monopole, et ceci vise à souligner qu’en fait, ce n’est pas le cas, et qu’il y a des gouvernements des Premières Nations, de même que des territoires et des terres des Premières Nations, qui ne relèvent pas de leur compétence. Cela les préoccupe, et je m’attends à ce qu’elles nous le fassent savoir. Pour être honnête, je pense que, dans de nombreuses provinces, on a amplement reconnu que les Premières Nations avaient une certaine compétence à cet égard, car si vous examinez la multitude d’ententes qui ont été conclues, elles comportent presque toutes un mécanisme permettant aux Premières Nations d’obtenir une partie des recettes. Il est possible que les provinces viennent témoigner ici, mais je ne pense pas que cela devrait nous surprendre. Ce sont elles qui écopent ici.
La sénatrice White : Merci, monsieur le président, de m’avoir permis de figurer au sommet de la liste, car je dois assister à une autre réunion.
Sénateur Tannas, je vous remercie d’avoir présenté ce projet de loi. Vous avez dit qu’il vise à corriger un tort historique en incluant les peuples autochtones dans une conversation dont ils ont été initialement exclus. Je suppose que, d’une certaine façon, le fait d’avoir compétence sur leurs propres terres leur procure un sentiment d’autodétermination.
Comme vous le savez, le comité a entendu dire à maintes reprises qu’il y avait eu peu de consultation et de collaboration. J’aimerais donc connaître votre point de vue sur le processus de consultation que vous avez entrepris pour rédiger ce projet de loi. Croyez-vous que votre processus de consultation comporte des lacunes?
Le sénateur Tannas : Nous avons rédigé le projet de loi de concert avec les dirigeants et les avocats de la FSIN et de Tsuut’ina. Nous avons donc consulté les intervenants des Premières Nations dès le début. Par la suite, nous avons mené des travaux dans tout le Canada, par l’entremise de l’APN et par nos propres moyens. Nous avons mené d’excellentes consultations auprès des communautés partout au pays. Nous avons déposé le projet de loi le dernier jour de la législature en 2023, puis nous avons passé l’été à communiquer. En fait, nous avons eu une vaste discussion à l’échelle du pays. C’était remarquable.
Depuis que nous avons déposé le projet de loi, nous sommes au courant de certains amendements qui seront présentés au Comité des affaires juridiques en vue d’épurer le libellé du projet de loi, et nous les approuvons. Il s’agit d’amendements qui ont été proposés par les communautés des Premières Nations, puis présentés et approuvés par toutes les communautés des Premières Nations. C’est remarquable. Les communautés des Premières Nations collaborent également à l’élaboration d’un protocole d’entente relatif à une commission nationale du jeu autochtone qui contribuerait à définir les pratiques exemplaires et à fixer les règles à suivre pour s’assurer que les consommateurs et les collectivités sont protégés, et que les autres lois fédérales, y compris celle sur le blanchiment d’argent, sont respectées. Tout cela découle de ce premier été de consultations qui a suivi le dépôt du projet de loi lors de la dernière journée avant la relâche.
La sénatrice White : J’aimerais obtenir une précision. Avez-vous un modèle ou un processus qui pourrait nous aider? Quelque chose que nous pourrions utiliser pour dire au gouvernement : voici comment procéder avec les peuples autochtones, voici un processus dirigé par des peuples autochtones que vous gagneriez à reproduire. Voilà où je veux en venir.
Le sénateur Tannas : J’en ai parlé à maintes reprises et j’ai exprimé ma propre frustration à ce sujet. Je ne pense pas que notre modeste bureau de deux personnes devrait donner des conseils au gouvernement, mais je conviens qu’il doit y avoir quelque part un processus mieux conçu que celui qui existe actuellement.
Le président : Merci, sénatrice White.
Le sénateur Arnot : Merci à vous, sénateur Tannas et madame Noorani. Je sais que le chef Bobby Cameron, de la FSIN, est très favorable à ce projet de loi, et il vient d’être réélu pour un quatrième mandat, je crois, comme chef de cette fédération. Je comprends sa position et les arguments de la FSIN et de l’APN, alors j’ai quelques questions d’ordre général.
Vous avez souligné que le projet de loi S-268 respecte la souveraineté autochtone, ainsi que le principe de l’autodétermination et de la reconnaissance des droits des peuples autochtones. Quelles données probantes avez-vous trouvées en ce qui a trait à un droit existant ou inhérent en matière de jeu? En d’autres termes, s’il s’agit d’un droit, ce pouvoir ne serait-il pas miné par une surveillance fédérale et provinciale, surtout compte tenu de la nécessité pour les Premières Nations d’aviser les gouvernements provinciaux de leur intention d’exercer leur pouvoir?
Le sénateur Tannas : C’est une très bonne question. En ce qui concerne le dernier point, le processus de notification, c’est quelque chose qui découle de ce que j’ai moi-même remarqué en observant les communautés autochtones au moment de la légalisation de la marijuana. Certaines communautés sont venues ici et ont demandé d’être exemptées de la légalisation, et elles se sont fait dire que c’était hors de question. J’ai trouvé cela dommage.
Nous avons abordé les choses différemment, et nous avons établi qu’il y a peut-être des communautés qui ne veulent pas se prévaloir de ce droit, et que nous devrions donc ajouter un mécanisme selon lequel vous devez donner un avis précisant votre intention d’exercer ce droit. Cela ne peut pas être arrêté, mais cela laisse à la collectivité le soin de décider si elle veut aller de l’avant à cet égard, et nous nous attendons à ce qu’un certain nombre de collectivités décident de ne pas le faire.
Nous pensons également qu’il y a peut-être un certain nombre de communautés qui préfèrent demeurer sous le régime provincial. Elles aiment ce régime, et il comporte de nombreux avantages. Tout cela fait partie — dans le régime provincial — de ce que nous avons observé dans le développement du jeu autochtone aux États-Unis, où les Premières Nations adhèrent à la commission du jeu autochtone ou concluent une entente avec leur État.
Voilà le raisonnement qui sous-tend cette idée d’un avis à donner. Il s’agissait d’accorder un maximum de souplesse, car il n’y a probablement que 40 communautés sur 640 qui ont des activités dans le secteur du jeu aujourd’hui et qui voudraient immédiatement — la plupart d’entre elles — se prévaloir de ce droit.
Le sénateur Arnot : Je vous remercie de cette explication. Le projet de loi permet aux Premières Nations d’élaborer leurs propres règlements administratifs régissant les activités de jeu. Selon vous, comment les Premières Nations s’y prendront-elles pour établir un équilibre entre la nécessité de l’autoréglementation et le respect des normes fédérales et provinciales plus générales en matière de jeu?
Le sénateur Tannas : Là encore, c’est la raison pour laquelle ce projet de loi est relativement bref. La situation se résume à ceci : soit nous croyons que les gouvernements des Premières Nations ont le pouvoir et la capacité d’élaborer les règlements et de régir leurs activités sur leurs propres terres, soit nous croyons que non. À mon avis, il serait paternaliste de commencer à imposer toutes sortes de conditions à partir d’ici. Les communautés des Premières Nations doivent pouvoir élaborer leurs propres règlements.
Cela dit, les Premières Nations elles-mêmes sont déjà en train de se mobiliser avec des consultants, et conjointement, par l’entremise d’un protocole d’entente, d’établir un ensemble de principes en fonction desquels elles se gouverneraient elles-mêmes. Voilà qui prouve encore une fois que nous devons commencer à faire de plus en plus confiance aux gouvernements des Premières Nations et cesser d’imposer à distance des conditions.
La sénatrice Sorensen : Je remercie les témoins de leur présence. Vous avez parlé d’un ensemble disparate d’ententes, et j’aimerais avoir quelques exemples. Bien sûr, je m’intéresse à l’exemple de l’Alberta, mais aussi à tout autre que vous pourriez vouloir ajouter à celui-là.
On parle beaucoup de recettes. Je comprends le modèle actuel. Il y a le coût d’exploitation, alors je suppose que, de toutes les recettes qui entrent, le coût d’exploitation est soustrait, et ensuite il s’agit de telle ou telle formule propre à la province.
Alors, je m’interroge sur le coût d’exploitation et sur la façon dont il s’inscrit dans ce modèle. Apparemment, ce n’est pas si simple.
Ma question complémentaire à ce sujet... J’ai encore une autre question, mais je devrai peut-être attendre le deuxième tour. Qu’arrivera-t-il si le projet de loi est adopté alors que ces ententes sont en vigueur?
Le sénateur Tannas : Ce sont deux bonnes questions.
Il y a vraiment un ensemble disparate d’ententes. Dans certains cas, l’argent est prélevé dès le départ. Dans d’autres cas, ce sont les profits. Certains sont partagés avec la nation hôte, puis il y a un processus de mise en commun qui permet la distribution aux autres Premières Nations à la discrétion du gouvernement provincial.
Dans certains cas, la totalité des recettes sont versées à la communauté des Premières Nations elle-même. Il y a certaines conditions quant à la façon dont les recettes sont dépensées, mais tous les profits sont détenus dans certaines communautés autochtones.
Cela va vraiment dans tous les sens.
Certaines ententes conclues avec le gouvernement provincial sont même propres à une communauté en particulier. Il y a probablement 20 exemples différents ici — probablement plus —, alors il y en a de toutes sortes.
La sénatrice Sorensen : Qu’adviendrait-il de ces ententes en vigueur?
Le sénateur Tannas : Dans le cadre du projet de loi, elles sont toutes réputées nulles et non avenues.
La sénatrice Sorensen : D’accord.
Le sénateur Tannas : C’est alors à la collectivité qu’il revient de dire : « Non, je veux conserver mon entente avec la province ». Elle entamerait donc une discussion avec la province...
La sénatrice Sorensen : Elle donnerait un avis.
Le sénateur Tannas : ... pour dire qu’elle ne veut pas annuler. Mais le projet de loi prévoit l’invalidation de tout ce qui se trouve actuellement sur les terres de réserve dès son adoption.
Cela concerne les ententes pluriannuelles et les choses de ce genre; tout devient immédiatement sujet à négociation.
La sénatrice Sorensen : Le jeu a assurément des conséquences néfastes sur le plan social au Canada, que vous soyez Autochtone ou non. Vous dites qu’il y a 40 communautés actives dans le secteur du jeu au Canada. Est-il possible que, par suite du projet de loi, les communautés s’empressent d’accroître l’offre de jeu sur leur territoire parce qu’il y aurait peut-être une possibilité de réaliser plus de profits?
Le sénateur Tannas : Je ne pense pas qu’il créera de nouveaux adeptes du jeu. Il y a beaucoup d’occasions de jeu sans que les Premières Nations aient à en créer ou à en ajouter.
Cependant, je dirais que cela crée des possibilités qui relèvent des Premières Nations partout au pays et qui leur permettent de participer, de gagner des parts de marché et d’en acquérir si elles n’en ont pas à ce moment-ci, mais ce sont là des décisions d’affaires que les Premières Nations devront prendre. Dans toutes les régions du pays, il y a des exemples de Premières Nations qui prennent d’excellentes décisions d’affaires et qui génèrent d’énormes recettes pour leurs communautés, ainsi que des emplois. Il y a aussi des exemples de moins bonnes décisions d’affaires qui se sont soldées par un échec, comme il y en a dans toute communauté.
Je pense que cela place sur un pied d’égalité toutes les collectivités des Premières Nations qui ont pénétré ce secteur ou qui voient la possibilité de le faire sans avoir à demander la permission de la province, et sans avoir à entreprendre des pourparlers — sans aucun pouvoir de négociation — pour conclure une entente avec le gouvernement provincial afin de se lancer en affaires sur leurs propres terres.
Le sénateur Prosper : Je vous remercie, sénateur Tannas et madame Noorani, des efforts que vous avez consacrés à ce projet de loi. En tant qu’ancien chef de ma communauté, j’ai une certaine expérience de l’utilisation des recettes provenant du jeu — des recettes autonomes — et des avantages qu’elles procurent à une communauté pour ce qui est des programmes, des services et des choses de ce genre.
Parlons un peu des prétendues négociations avec les communautés qui ont conclu des ententes avec les provinces. Pouvez-vous nous dire comment ce projet de loi positionnera les Premières Nations en ce qui a trait aux négociations avec leurs homologues provinciaux? J’ajouterais une deuxième question à ce sujet. Si je me souviens bien, il a été question de désaccords ou de différends avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Selon vous, comment seront-ils réglés? Comment le projet de loi permettra-t-il de régler cela? Merci.
Le sénateur Tannas : En ce qui concerne la position, je pense que cela égalise les règles du jeu. Que le projet de loi soit adopté ou non, les provinces contrôleront la majeure partie du secteur du jeu; les gouvernements provinciaux conserveront le contrôle. Cependant, les Premières Nations qui sont actives dans le secteur du jeu à ce moment-ci et qui ont fait d’énormes investissements de capitaux ou qui ont l’intention de le faire pourront prendre en main leur propre destinée. Dans le cadre de ce processus, elles seront en mesure d’envisager un pacte avec la province, avec tous les fardeaux administratifs et réglementaires liés au fait d’agir seules, ou d’adhérer à une organisation nationale qui n’a pas encore été mise sur pied, mais qui semble avoir le vent en poupe.
Cela permet une négociation plus juste, par opposition à une autre où la province décide ce qu’elle est prête à donner aux collectivités des Premières Nations.
Quant à votre deuxième question, je ne l’ai pas notée. Je l’ai déjà oubliée. Désolé.
Le sénateur Prosper : Elle concerne les éventuels désaccords avec les gouvernements fédéral et provinciaux. Comment croyez-vous que le projet de loi permettra de régler cela?
Le sénateur Tannas : La plupart des provinces consacrent déjà une partie de leurs revenus à une sorte de mécanisme de financement des Premières Nations. Les provinces ne perdront pas 100 % des revenus, mais dans presque tous les cas, il y aura un pourcentage de perte.
Mais je ne pense pas que ce soit l’impact financier qui posera vraiment problème. Je pense que c’est le modèle de ce qu’il faut faire pour une foule de choses qui doivent se produire, la plus importante étant le partage des revenus tirés des ressources. Il s’agit de quelque chose d’insignifiant par rapport au partage des revenus provenant des ressources, mais si nous ne pouvons pas faire cela, et si les provinces ne peuvent pas trouver de solution à cela, alors je ne suis pas très optimiste quant au prochain niveau de partage des recettes et aux partenariats qui doivent être établis dans le cadre de la réconciliation économique.
Lorsque les provinces examineront froidement ce qu’elles cèdent sur le plan financier, elles verront que ce n’est pas aussi important qu’elles ont pu le penser au départ sans examiner les chiffres. C’est un changement de paradigme qui doit se produire.
Le sénateur Prosper : Merci.
La sénatrice Martin : Bonjour et merci de votre patience. Nous y voilà enfin. Je suis au courant du travail que vous avez fait dans ce dossier, tout comme Mme Noorani et d’autres. J’ai écouté vos réponses aux questions des sénateurs. J’avais des questions, mais maintenant j’en ai d’autres, alors j’essaie de mettre de l’ordre dans mes idées.
Je vais commencer par un commentaire que vous avez fait plus tôt au sujet de l’actuel ensemble disparate de cadres en matière de jeu. Les ententes varient d’une province à l’autre, mais êtes-vous préoccupé ou devrions-nous être préoccupés par le caractère disparate des ententes au sein d’une même province? Il y aura un certain nombre d’ententes ou d’accords différents, alors cela ne crée-t-il pas encore plus d’ensembles disparates? Quelle serait votre réponse à cette préoccupation?
Le sénateur Tannas : Oui, je crois que c’est le cas. Je pense que cela crée, dans certaines provinces, de multiples administrations qui auront leur propre approche en matière de jeu et qui se réglementeront elles-mêmes, soit à l’échelle locale, soit en adhérant à une association nationale. Ce sera différent.
À l’heure actuelle, dans les provinces, chaque exploitant de casino conclut une entente avec le gouvernement. Il s’agit toujours d’ententes individuelles. Il ne s’agit pas d’une entente avec l’association des casinos de l’Alberta, qui ensuite fait cela. Il y a déjà un ensemble disparate d’ententes entre les Premières Nations et les gouvernements provinciaux, de même qu’entre des entreprises privées qui ne sont pas situées dans des réserves et les gouvernements provinciaux.
Je ne crois pas que cela créera plus de nouvelles ententes qu’il y en a actuellement. Je suppose qu’on pourrait dire qu’il est possible qu’il y en ait moins puisque les Premières Nations ne concluraient pas d’entente; elles auraient leurs propres règles et elles géreraient leurs propres affaires.
La sénatrice Martin : Chaque nation pourrait avoir la sienne. Je parle de l’existence d’un ensemble d’éléments disparates. C’est ce qu’on pourrait envisager?
Le sénateur Tannas : Je crois que oui. Là encore, les Premières Nations reconnaissent que, compte tenu du fardeau réglementaire, de l’administration et, bien franchement, de l’ampleur, cela doit se faire par l’entremise d’une grande association. Il y a beaucoup d’organismes de réglementation de l’industrie qui établissent les règles à suivre et qui appuient leurs membres, et il y a des conditions à remplir pour y adhérer. C’est un changement, mais c’est un transfert aux Premières Nations de pouvoirs qui n’existent pas à l’heure actuelle.
La sénatrice Martin : Je comprends l’objet du projet de loi. En ce qui concerne les nations qui ne veulent pas se prévaloir de l’autonomie en matière de gestion de leurs activités de jeu, vous avez dit qu’il y a un processus de mise en commun dans le cadre duquel les retombées économiques iraient à d’autres nations plus petites. Ce projet de loi garantit-il ce genre de résultat économique équitable pour les autres?
Le sénateur Tannas : Je vous remercie de cette précision. À l’heure actuelle, dans de nombreuses provinces, il y a un partage des recettes qui est personnalisé pour les Premières Nations à un certain nombre d’endroits — où la nation hôte reçoit une part, puis une autre part va à la province —, mais qui est ensuite administré par la province qui distribue l’argent en l’affectant à des projets dans d’autres Premières Nations qui ne sont pas la nation hôte. La province décide où l’argent devrait aller et s’assure qu’il sera distribué à d’autres Premières Nations. Dans certaines provinces, cela se fait par d’autres mécanismes, mais, dans bien des cas, il y a un partage de la richesse entre la nation hôte et les autres Premières Nations de la province.
Le projet de loi ne prévoit pas la poursuite de ces ententes. Il n’empêche pas qu’elles se poursuivent. Il laisse la décision aux Premières Nations, comme il se doit.
Un certain nombre de Premières Nations ont participé à divers moments à certaines des conférences auxquelles nous avons assisté, où on a abordé cette question sous deux angles différents, et, pourtant, elles s’entendent là-dessus. Le premier est que, dans le cas des Premières Nations qui sont situées près des marchés métropolitains, ceux-ci sont leur ressource qui leur est propre. Si vous êtes une réserve indienne et que vous vous trouvez à côté d’une ville, cette ville, l’activité économique et la clientèle qui existent dans cette ville deviennent votre ressource. C’est ainsi qu’il faut voir les choses. Si vous vivez au bord de l’océan, si votre communauté est située au bord de l’océan, le poisson dans l’océan fait partie de votre ressource. Si vous vivez dans le Nord de la Saskatchewan, où se trouvent des mines d’uranium, cette ressource devient votre possibilité économique.
Ce n’est que dans le cas des jeux de hasard soumis à l’autorité provinciale qu’on décide où l’argent sera réparti. Il n’y a aucune obligation pour une communauté côtière de partager ses recettes — selon une formule que quelqu’un d’autre choisirait — avec ses frères et sœurs de nombreuses nations de sa province ou, en fait, du pays. Il en va de même pour l’uranium, la foresterie ou l’agriculture. Pourtant, dans le cas des nations ayant des activités dans le secteur du jeu qui se trouvent à proximité de grands marchés métropolitains, touristiques ou autres, les provinces ont décidé qu’elles allaient partager leurs revenus avec les autres Premières Nations. C’est quelque chose que nous ne voulions pas et n’avons pas jugé approprié de codifier dans le projet de loi; c’est aux Premières Nations d’en décider. Ce ne sont pas nos affaires.
L’autre aspect qui a été abordé en parallèle, c’est le fait que, dans le cadre de la réconciliation économique et de l’édification et du renforcement des communautés autochtones sur le plan économique, les communautés qui s’en sortent mieux vont participer. Il y a de nombreux exemples de communautés autochtones qui ont de bonnes économies et qui aident celles qui essaient de renforcer la leur. C’est l’exemple que les Autochtones citent, pas une formule qu’un gouvernement provincial a concoctée dans une négociation où une seule partie détenait toutes les cartes.
La sénatrice Coyle : Je remercie le sénateur Tannas et Mme Noorani de leur excellent travail dans ce dossier. Je suis ravie que nous abordions les aspects économiques au sein du comité. Comme vous l’avez dit, je sais que ce n’est qu’un début. J’espère que ce projet de loi amènera le comité à tenir de plus vastes conversations et peut-être même à mener des études qui vont au-delà des projets de loi sur la réconciliation économique. Je m’en réjouis. J’accueille toujours favorablement toute initiative, surtout législative, qui corrige un tort et établit une nouvelle norme d’équité et qui remet les cartes entre les mains des personnes qui devraient les détenir. J’accueille favorablement ce projet de loi et cette conversation.
Notre collègue, la sénatrice Sorensen, a commencé à poser des questions et n’est pas allée beaucoup plus loin. Nous savons tous que cette forme de génération de recettes vient aussi avec d’énormes risques sociaux; ce n’est pas un secret, et je veux vous donner la possibilité d’en parler. Les critiques ont souligné les risques sociaux des jeux de hasard, comme la dépendance. Dieu sait qu’il ne s’agit pas strictement de toxicomanie dans les communautés des Premières Nations, et les clients dans ces cas seront des Premières Nations ainsi que d’autres clients. Il y a aussi un potentiel de saturation du marché. Comment le projet de loi S-268 habilite-t-il — s’il le fait — les Premières Nations à créer leurs propres cadres réglementaires robustes pour gérer ces risques tout en maintenant cette autonomie? L’objectif est l’autonomie. Je me demande s’il y a des exemples d’entreprises de jeu autochtones qui ont mis en œuvre avec succès des mesures de jeu responsable. Comment ces mesures pourraient-elles contribuer à l’établissement d’interventions et d’initiatives responsables en matière de jeu?
Le sénateur Tannas : Le projet de loi ne prévoit ou n’exige rien du tout dans ce domaine, les éléments sociaux du jeu. Il prévoit précisément que les communautés et les gouvernements autochtones travailleront de façon indépendante ou de concert avec d’autres gouvernements autochtones. Il s’agit de la partie habilitante qui permet la création d’une commission, d’une autorité ou d’une association de jeux de hasard autochtone.
Nous savons qu’il se fait beaucoup de travail à cet égard. Nous sommes très heureux de le constater. C’est remarquable. Les mesures ont été adoptées non pas par les rédacteurs et les auteurs du projet de loi, mais par d’autres communautés qui ont dit qu’elles pouvaient apporter leur contribution, entreprendre ce projet et le mettre en œuvre.
En outre, ces mesures fonctionnent dans tout le pays en ce moment. Je suis certain que d’autres témoins vous en parleront davantage dans le cadre de votre étude.
Il y a là une excellence occasion de réglementation et de conduite, ainsi que d’innovation. Pour être franc, l’innovation n’est pas un mot que les gens associent généralement à un gouvernement provincial. Actuellement, le service à la clientèle et tout ce qu’on voit dans l’industrie du jeu sont dictés par les provinces. Ce projet de loi les rapproche un peu plus du client et permettra probablement davantage d’interventions et peut-être plus de compassion. Ce sont les Autochtones qui s’occuperont des clients qui sont aux prises avec ces problèmes. Le projet de loi rapproche le problème des personnes qui le gèrent plutôt que — je dirais — de la province.
Cela dit, ce sont les provinces qui portent le fardeau des nombreux cas de dépendance et des retombées sociales de celle-ci. Je sais, d’après les conversations que nous avons eues depuis le début, que l’objectif n’est pas d’essayer d’échapper à la responsabilité sociale qui accompagne le fait d’être un exploitant de jeux de hasard; ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Et ce n’est pas d’essayer de faire plus d’argent en ne faisant pas certaines choses que n’importe quelle personne sensée jugerait être la bonne chose à faire.
Le sénateur McNair : Je vous félicite tous les deux pour le travail que vous avez accompli jusqu’à maintenant et pour en arriver à cette étape-ci. Je suis heureux de votre présence.
Sénateur Tannas, j’aime le caractère nuancé de votre description et le fait qu’il s’agit non pas d’accorder des droits, mais d’en reconnaître. Le déclencheur de l’exercice de ces droits est l’avis écrit, je suppose. C’est une bonne manière de le décrire, conceptuellement. C’est une autre façon de l’envisager.
Certains de mes collègues ont parlé des conséquences négatives du jeu. Comme vous l’avez dit, nous n’allons pas nécessairement créer plus de joueurs. Ils sont là.
J’ai vu que l’un des cadres ou l’une des ententes de partage des recettes sert, de prime abord, à financer les services de lutte contre la dépendance. Vous avez parlé de pratiques exemplaires ou de modèles pour l’avenir. Vous avez expliqué que certains groupes des Premières Nations essaient déjà de définir les principes qui régiraient ces services.
J’aimerais en savoir plus à ce sujet. Je sais que nous allons entendre des témoins, mais pouvez-vous nous donner une idée des chiffres et du déroulement de ces discussions?
Le sénateur Tannas : Nous avons été observateurs à un certain nombre de réunions qui ont eu lieu, mais nous nous sommes tenus à l’écart, sénateur. Je sais que certaines des communautés responsables qui dirigent ce processus témoigneront et se feront un plaisir de fournir des renseignements sur l’élaboration de cette entente, et je préfère leur laisser le soin de le faire.
Pour faire suite à la question que nous a posée la sénatrice Coyle, je n’hésiterais pas à poser à tous les témoins des questions sur les problèmes sociaux. Ils en sont très conscients. Ils pourront expliquer ce qu’ils font, en plus de ce qu’ils sont déjà tenus de faire. Ils pourront parler en connaissance de cause et donner des exemples précis.
Le sénateur McNair : Les gouvernements provinciaux pourraient en tirer une leçon. Merci.
La sénatrice Martin : Sénateur Tannas, vous avez dit que d’autres témoins pourraient peut-être répondre plus clairement à ces questions. Pendant que j’écoute… la reconnaissance des droits — le projet de loi, qui porte sur la compétence et l’affectation des recettes — s’accompagne de la responsabilité de s’attaquer aux préoccupations sociales ainsi qu’à des problèmes comme le blanchiment d’argent. Je siège au Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, et c’est une réalité très présente au Canada.
Je veux revenir à l’idée d’une commission nationale autochtone du jeu, au sujet de laquelle vous affirmez qu’il y a eu des discussions et dont la mise sur pied est en cours, pour ainsi dire. Vous avez également parlé de la loi sur le cannabis. Ce que je me souviens de cette étude, c’est que les administrations qui avaient déjà légalisé le cannabis ont averti le Canada de prendre son temps. Nous nous sommes précipités.
Pensez-vous que, compte tenu de l’importance d’une telle commission — et je suis tout à fait ravie d’apprendre qu’on est en train de la mettre sur pied —, le projet de loi arrive trop tôt? Devrait-il y avoir d’autres entités en place pour assurer le succès de cette loi, une fois qu’elle sera adoptée, et non l’inverse? Voilà ce qui me préoccupe lorsque je repense au projet de loi sur le cannabis ainsi qu’au fait qu’il s’agit d’un droit important et à la grande responsabilité qui l’accompagne.
Le sénateur Tannas : C’est une excellente question. C’est la question de l’œuf et de la poule. C’est une des questions auxquelles il faudra répondre durant l’étude en comité.
Je suis impressionné par le professionnalisme et l’engagement de la quarantaine de communautés qui participent actuellement au jeu et par leur désir de faire quelque chose collectivement à ce sujet. Elles estiment que c’est la bonne chose à faire. Elles se sont attaquées à ce problème. Elles suivent un processus parallèle au projet de loi.
Nous prenons certaines mesures de protection relativement à ce dont vous parlez et à l’idée que les communautés doivent suivre un processus de leur propre chef pour décider si elles veulent se prévaloir de ce droit. Certaines qui exploitent déjà des établissements de jeu, qui sont averties, etc., vont se prévaloir immédiatement de leurs droits. Pourquoi ne le feraient-elles pas? Les autres vont prendre leur temps.
C’est la partie sur les communautés autochtones qui m’a fait réfléchir à la façon dont nous pouvons faire en sorte que les gens qui ne veulent pas se réveiller un jour en voyant que le jeu est maintenant légal et qu’ils ne sont pas prêts à cela… comment pouvons-nous offrir cette protection? C’est là que survient la période d’adhésion et de préavis, qui procure une certaine protection.
Les autres parties se résument à une question de confiance et de respect. On aurait pu dresser une très longue liste de conditions pour faciliter la reconnaissance des droits. Au bout du compte, le seul effet qu’elle aurait eu aurait été d’élargir le piège paternaliste dans lequel nous ne voulons pas tomber.
Il se pourrait toutefois que, de façon pragmatique, lorsque nous entendrons tous les témoignages, nous devions imposer d’autres conditions. Nous pourrons tous nous entendre sur leur nature. Mais je dirais qu’à ce stade-ci, je suis extrêmement confiant du fait que les communautés qui participent actuellement à cette activité et celles qui pourraient l’envisager prendront les bonnes décisions dans le délai approprié.
J’étais satisfait de ne pas commencer en incluant des conditions un peu partout.
La sénatrice Martin : Il ne s’agit pas tant d’une condition. Je songeais à l’échéancier et au calendrier des choses.
Le sénateur Tannas : Alors, quelque chose comme une entrée en vigueur?
La sénatrice Martin : Oui. Les casinos existants et le milieu des jeux de hasard au Canada nous informent déjà, ainsi que ce qui s’est passé en Colombie-Britannique. Il y a eu une importante commission à ce sujet.
Mais je crois vraiment que l’importance d’une commission nationale autochtone du jeu... et que, si l’on procède en parallèle, le moment est bien choisi.
Je suis d’accord avec vous quant au fait que c’est un droit important pour les Premières Nations, mais on sait déjà ce qui peut arriver et quels sont les risques. Je suis vraiment préoccupée par l’échéancier et l’entrée en vigueur.
Le sénateur Arnot : Sénateur Tannas, je crois que vous avez décrit l’alignement du projet de loi et de la notion de réconciliation économique sur les principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. En quoi le projet de loi S-268 va-t-il au-delà de l’alignement symbolique pour faire progresser de façon significative les droits et le bien-être des Premières Nations au Canada, surtout si certains critiques avancent l’idée qu’il n’y a pas de droit inhérent au jeu?
Le sénateur Tannas : D’aucuns font valoir qu’il existe un droit inhérent au jeu. Cet argument a été rejeté par la Cour suprême il y a 30 ans. Nous savons que la Cour suprême, au cours des 30 dernières années, a fait des progrès importants en matière de reconnaissance des droits qu’elle n’aurait probablement pas faits il y a 30 ans. Nous savons que c’est un arbre vivant, ou peu importe comment vous voulez l’appeler. Je ne suis pas avocat.
Le fait est que, bien que certains puissent affirmer que la question du droit inhérent a été posée et qu’on y a répondu, il est juste de dire qu’elle se pose toujours. Les gouvernements provinciaux semblent vouloir conclure une entente avec les Premières Nations en ce qui concerne le jeu. Il y a là une question juridique qui se pose quelque part.
Tout cela mis à part, cela permet aux communautés des Premières Nations de risquer le capital, en sachant parfaitement ce qui est en jeu, et de le développer davantage en fonction des recettes qui en découlent. Elles peuvent développer leurs propres communautés.
Le sénateur Prosper a parlé de revenus autonomes. Le gouvernement fédéral a contribué à la création d’une institution conçue expressément pour faciliter les prêts de capitaux aux Premières Nations en fonction de leurs propres revenus. Elles peuvent ensuite s’en servir afin de construire des infrastructures et des logements et de financer toutes sortes de projets d’immobilisations, en plus de profiter des revenus pour d’autres choses.
L’élément qui est vraiment tangible, c’est l’argent que les Premières Nations obtiendraient grâce au projet de loi et qu’elles n’auraient pas à partager avec la province ou, plutôt, qu’elles n’auraient pas à donner à la province pour ensuite lui demander de leur rendre. Elles auraient tout simplement cet argent pour financer les initiatives les plus importantes au sein de leur communauté. Elles en auraient beaucoup plus, et elles pourraient investir en toute confiance dans d’autres secteurs complémentaires, comme les hôtels, les terrains de golf, les centres de congrès et les complexes de divertissement qui vont de pair avec le jeu et que nous voyons partout ailleurs, lorsque nous allons à Las Vegas ou je ne sais où. Il ne s’agit pas seulement d’un casino; c’est tout un centre de loisirs qui génère beaucoup plus que le casino.
Le président : Il reste deux sénateurs. Nous allons nous arrêter à 10 heures. Vous disposez de trois minutes chacun. Veuillez garder vos questions et vos réponses.
La sénatrice Coyle : Merci. En ce qui concerne la deuxième partie de ma dernière question, savez-vous s’il y a des exemples d’entreprises de jeu autochtones qui ont réussi à mettre en œuvre des mesures de jeu responsables? C’est ma première question.
Ma deuxième question est la suivante : avez-vous consulté l’autre Chambre? Quel genre de soutien croyez-vous qu’il pourrait y avoir là?
Le sénateur Tannas : Oui. Je le sais en raison des conversations que nous avons eues avec les exploitants de casinos avec lesquels nous avons travaillé, mais je préférerais qu’ils soient... il vont venir.
La sénatrice Coyle : Oui, nous pourrons leur poser la question.
Le sénateur Tannas : Un certain nombre d’exploitants avertis et de chefs vont venir. Ils pourront en parler beaucoup mieux que moi. Je m’en remets à eux.
Encore une fois, quelle était votre deuxième question?
La sénatrice Coyle : L’autre Chambre est-elle favorable à ce projet de loi?
Le sénateur Tannas : L’une des raisons pour lesquelles j’ai pensé qu’il était logique de faire quelque chose et de présenter un projet de loi d’intérêt privé, c’est que les chefs m’ont dit qu’ils étaient très encouragés et que le gouvernement fédéral allait faire quelque chose à ce sujet. Ils m’ont dit que c’était quelque chose de reconnu. Il y avait eu des années de discussions à ce sujet sous les gouvernements successifs, et rien n’apparaissait.
Il y a un soutien conceptuel. Pourquoi pas? C’est logique dans le contexte de tout ce dont nous avons parlé sur le plan de la réconciliation et de l’avancement des choses. Ce droit ne s’est jamais retrouvé assez haut sur la liste des priorités, alors il avait besoin de soutien.
Nous avons un parrain qui s’est rapidement inscrit et qui a de l’expérience dans le dossier du jeu à la Chambre des communes. Les députés sont prêts à nous aider. Nous avons parlé à un certain nombre de parties et en privé avec des gens du ministère. Nous avons eu l’impression que, même s’il ne sera pas facile de franchir toutes les étapes du processus — ce n’est le cas d’aucun projet de loi d’intérêt privé ou d’intérêt public du Sénat —, il ne s’agissait pas d’un « non » immédiat, loin de là. Je pense que les députés d’en face l’examineront comme il se doit.
Le sénateur Prosper : Sénateur Tannas, j’ai apprécié votre réponse au sénateur Arnot. Il y a une énorme différence entre le fait de s’adresser au gouvernement pour demander de l’argent, année après année, et celui d’obtenir la reconnaissance de ressources et la capacité de générer des revenus et ce que tout cela signifie pour les Premières Nations d’année en année. On peut poursuivre à partir de là.
Pour revenir à la sénatrice Martin et au scénario de l’œuf et de la poule, est-ce trop rapide? Avons-nous d’abord besoin d’une commission? Il m’est difficile de penser à un exercice théorique d’alignement sans que quelque chose soit mis de l’avant.
Revenons sur l’idée d’une commission, vous avez mentionné qu’il y a des processus auxiliaires ou parallèles, comme un protocole d’entente. Y a-t-il d’autres exemples de commissions de jeu auxquelles vous pouvez penser, peut-être avec nos voisins du Sud ou ailleurs, où ces processus ont été adoptés et administrés?
Le sénateur Tannas : Dans une certaine mesure, et cela illustre le point, et c’est l’une des raisons pour lesquelles les communautés autochtones qui exercent des activités dans le secteur du jeu tiennent tant à ce projet de loi : ils doivent se produire en même temps. Ils sont complémentaires et doivent être menés en parallèle, alors c’est ce qui se passe.
Cette expérience découle de ce qui s’est passé aux États-Unis, où une décision de la Cour suprême a tout chamboulé.
Nous ne voulons pas cela. Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder. Nous devrions être en mesure de le faire de façon à ce que tout le monde puisse le voir venir pendant longtemps. Cela fait maintenant un an et demi que nous le voyons venir, et ce processus se poursuivra. Il est bon de voir que les communautés autochtones élaborent de leur propre chef ce qu’elles devraient développer pour se préparer. Merci.
Le président : Le temps dont nous disposions pour ce groupe est maintenant écoulé. Je remercie encore une fois nos témoins de s’être joints à nous aujourd’hui. Si vous souhaitez présenter des observations subséquentes, veuillez les faire parvenir à notre greffier d’ici sept jours.
J’aimerais maintenant vous présenter nos prochains témoins, Me Joanna Wells, avocate-conseil et chef d’équipe, à la table et en personne avec nous aujourd’hui, et, par vidéoconférence, Me Jarrod Olson, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice du Canada. Nous accueillons également à la table et en personne avec nous aujourd’hui, Lyndon Simmons, directeur, Programmes économiques et gestion, Direction des terres et développement économique de Services aux Autochtones Canada. Merci à tous de vous être joints à nous aujourd’hui. Nos témoins feront une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une période de questions et réponses avec les sénateurs.
Me Joanna Wells, avocate-conseil et chef d’équipe, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Mon collègue, Me Olson, et moi-même sommes ici à titre d’experts en droit pénal pour aider le comité dans son étude de la teneur du projet de loi S-268, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les Indiens, laquelle, comme vous le savez, soulève la question de la capacité d’un organisme dirigeant d’une Première Nation de mener et de gérer des loteries dans une réserve. Je me propose de vous donner un bref aperçu du cadre juridique pertinent, y compris le droit pénal actuel et les réformes proposées dans le projet de loi.
En guise de point de départ, comme vous l’avez entendu, le Code criminel interdit toutes les formes de jeu et de pari, sauf celles qui sont expressément autorisées. Cette vaste interdiction a vu le jour au XIVe siècle en Angleterre et a été adoptée dans le tout premier Code criminel, en 1892, au motif que les jeux de hasard constituaient un vice moral. Malgré cette vaste interdiction des jeux et des paris, le Code criminel prévoit deux exceptions qui les permettent dans certaines circonstances. Le système fédéral de pari mutuel sur les courses de chevaux est une exception, et la deuxième s’applique aux loteries qui sont mises sur pied et exploitées par les provinces et les territoires. En termes généraux, cela signifie que les provinces et les territoires ont le pouvoir de réglementer les activités de jeu et de paris sur leur territoire. Cette exception est en place depuis 1969 et permet aux provinces et aux territoires d’offrir une vaste gamme de produits de jeu et de paris, conformément au Code criminel.
Certaines provinces et certains territoires, en vertu de leurs pouvoirs de mettre sur pied et d’exploiter des loteries, ont accordé une certaine latitude aux gouvernements autochtones pour qu’ils participent directement au jeu et aux paris ou pour qu’ils tirent des avantages économiques des recettes qui en découlent. L’étendue de cette participation varie d’une administration à une autre et est laissée à la discrétion de la province ou du territoire en question.
En 2021, l’ancien ministre de la Justice a consulté les peuples autochtones ainsi que les provinces et les territoires afin d’évaluer le niveau d’intérêt à l’égard d’une discussion plus approfondie sur la participation des Autochtones aux jeux et aux paris. On a obtenu diverses réponses dans le cadre de ces consultations, mais bon nombre des participants ont mentionné qu’ils souhaitaient étudier un cadre qui leur procurerait un plus grand contrôle sur cette industrie. De plus, en 2023, dans le plan d’action fédéral pour la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, le gouvernement fédéral s’est engagé à faire progresser les discussions sur la participation des Autochtones de partout au Canada aux activités de l’industrie et à sa réglementation, en collaboration avec les provinces et les territoires.
Cela nous amène au projet de loi. Comme le sénateur Tannas vous l’a déjà dit ce matin, le projet de loi S-268 propose de modifier le Code criminel et la Loi sur les Indiens de manière à conférer à l’organisme dirigeant d’une Première Nation les pouvoirs nécessaires pour mettre sur pied et exploiter des loteries dans ses réserves, ou encore dans une autre réserve, s’il y a entente entre les deux organismes dirigeants. Essentiellement, le projet de loi conférerait à l’organisme dirigeant d’une Première Nation le même niveau de pouvoir en matière de jeu et de paris sur les terres de sa réserve que celui dont jouissent actuellement les provinces et les territoires sous le régime du Code criminel. Il s’agit essentiellement de construire et d’exploiter des casinos et de délivrer des licences pour des loteries de bienfaisance, entre autres activités.
Il y a un examen très poussé du droit pénal et du projet de loi, et cela conclut mon allocution. Le ministère se fera un plaisir de suivre les travaux du comité pendant que vous poursuivez votre étude, et nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, maître Wells. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs, en commençant par le sénateur Arnot.
Le sénateur Arnot : Merci. Le projet de loi S-268 accorderait aux Premières Nations le pouvoir exclusif de mettre sur pied des jeux de hasard dans leurs réserves et de prendre des règlements à leur propos. Le ministère de la Justice s’inquiète-t-il de la façon dont cela pourrait entrer en conflit avec la compétence provinciale existante en vertu de l’article 92 de la Loi constitutionnelle, et comment le gouvernement prévoit-il concilier ces pouvoirs potentiellement concurrents?
Me Wells : En répondant à cette question, sénateur, je garde présent à l’esprit le fait que le gouvernement n’a pas pris position au sujet du projet de loi. Le ministre suit l’étude du comité et a hâte d’entendre les témoins que vous comptez convoquer, reconnaissant qu’il s’agit du genre de problèmes sur lesquels le comité est susceptible de se pencher.
La sénatrice White : J’ai quelques questions. Le projet de loi contient la disposition déterminative suivante :
Pour l’application du présent article, la réserve de la première nation ou toute partie de celle-ci est réputée ne pas faire partie de la province dans laquelle elle est située [...]
Lors d’un débat au Sénat, le sénateur Cotter a qualifié la disposition d’« inhabituelle » durant son discours à l’étape de la deuxième lecture et a dit qu’il ne comprenait pas pourquoi elle n’avait pas été incluse dans le projet de loi. Je sais que vous n’étiez pas au courant de ces discussions, et je suis certaine que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles examinera cette question plus en détail, mais je me demande si vous pourriez expliquer au comité comment vous comprenez la disposition déterminative et, plus important encore, pourquoi une réserve autochtone pourrait-elle devoir être réputée ne plus faire partie de la province dans laquelle elle est située?
Me Wells : Je vais céder la parole à mon collègue, Me Olson.
Me Jarrod Olson, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Elle est excellente.
Ce que nous avons dans le cadre actuel du Code criminel, comme le sénateur Tannas l’a très bien expliqué, c’est que, à l’heure actuelle, ce sont les provinces qui détiennent... ce dont il s’agit, en fait, c’est d’une exemption criminelle. Comme le sénateur Tannas l’a fait remarquer, les jeux de hasard en soi sont interdits, mais nous avons créé et élaboré certaines exemptions à cet égard. La principale est que les provinces ont le pouvoir de mettre sur pied et d’administrer leurs propres loteries.
C’est essentiel, parce que je pense que l’alinéa 207(1)a), qui est en fait l’article qui donne aux provinces le pouvoir de mettre sur pied et d’administrer leurs propres loteries, exige qu’elles le fassent à l’intérieur de leur province.
Il y a des exceptions à cela. Elles peuvent assurer la coordination avec d’autres provinces, mais la portée générale de leur pouvoir en vertu de cette exemption se situe à l’intérieur du territoire de leur province.
Encore une fois, comme vous l’avez souligné, notre ministère n’a pas participé à la rédaction du projet de loi, mais nous croyons comprendre que cette disposition particulière, c’est qu’elle offre — comme le sénateur Tannas l’a fait remarquer, je crois — la possibilité aux Premières Nations d’exercer les pouvoirs que le projet de loi S-268 propose de leur donner. À mon avis, la disposition déterminative est nécessaire, car le projet de loi S-268 vise à donner aux Premières Nations le pouvoir de mettre sur pied et d’administrer leurs propres jeux de hasard dans les limites territoriales de leurs réserves. En arrière-plan, bien sûr, les provinces ont le pouvoir de gérer l’étendue territoriale des provinces.
Si vous me demandez ce que je comprends, je vous répondrai que cette disposition existe afin de définir qui a compétence pour exploiter, mettre sur pied et administrer son système de jeu selon une description géographique ou territoriale.
Je dirais que c’est ainsi que nous interprétons l’article. C’est intéressant, en passant... et je ne veux pas m’aventurer trop loin, mais c’est intéressant, parce que je crois comprendre que cela dise que la réserve de la Première Nation est exemptée du territoire provincial, seulement une fois qu’elle y a adhéré en vertu de l’article 2.2 proposé. Je pense que cela offre une certaine variabilité quant au moment où la Première Nation — du moins dans le cadre de la loi — serait considérée comme faisant partie de la province et au moment où elle ne le serait pas.
La sénatrice White : Merci.
La sénatrice Sorensen : Ma première question s’adresse à Me Wells ou à Me Olson. On a posé cette question au sénateur Tannas, mais je serais curieuse d’entendre vos commentaires.
En modifiant le Code criminel, les Premières Nations seraient tenues d’aviser le gouvernement du Canada et le gouvernement provincial concerné de leur intention d’exercer leur pouvoir sur les opérations de jeu dans les réserves. Premièrement, quel serait le but de cet avis et, pour plus de clarté, les gouvernements fédéral et provinciaux auraient-ils la capacité de retarder ou de refuser l’exercice de ce pouvoir?
Me Wells : Je cède la parole à Me Olson.
Me Olson : Je serai heureux de répondre à cette question.
Merci, sénatrice. Je dirais encore une fois, comme nous l’avons tous remarqué — et je continuerai de le souligner tout au long de la discussion —, qu’il s’agit d’un projet de loi d’intérêt public du Sénat. Nous n’avons pas participé à la rédaction de ce projet de loi, alors je vais vous expliquer notre interprétation raisonnée, à la lecture du projet de loi.
Je ne suis pas certain de pouvoir parler de l’objet précis de cette disposition. Je peux vous donner notre interprétation de ce que la disposition permettrait et de ce qu’elle fait. Dans le cas présent, encore une fois, nous disposons d’un système provincial en place grâce aux exemptions pénales prévues dans le Code criminel pour les jeux de hasard. Ces systèmes existent, et ils existent dans l’ensemble des territoires des provinces où ils existaient.
Je suppose que la disposition relative à l’avis est nécessaire parce qu’elle oblige les Premières Nations à fournir cet... désolé, à prendre du recul. C’est à l’alinéa 207(1)b) que l’on trouve bon nombre des jeux de hasard des Premières Nations exploités actuellement.
Vous entendrez des témoins demain — je crois qu’il s’agit du chef Bobby Cameron, de la Fédération des nations autochtones souveraines, et du chef Roy Whitney, de la nation Tsuut’ina, près de Calgary. Tous deux disposent certainement d’établissements de jeu sur leur territoire, dans leurs réserves, mais ils fonctionnent généralement grâce à une licence des provinces, qui les exploitent en tant qu’un organisme de bienfaisance ou régime de bienfaisance. Au titre de l’alinéa 207(1)b), les provinces sont autorisées à délivrer des permis aux organismes de bienfaisance pour qu’ils mettent sur pied, administrent et gèrent leurs propres jeux de hasard, selon les modalités prévues par les provinces.
Je soupçonne que la disposition relative à l’avis est nécessaire pour la province, parce que les établissements de jeu qui existent actuellement dans les réserves se font grâce à la licence délivrée par les provinces, et parce qu’une Première Nation va maintenant exercer le pouvoir que le projet de loi S-268 propose de lui accorder, il faudra un certain degré de coordination avec les provinces pour comprendre qu’elle n’opère plus en vertu de la licence prévue à l’alinéa 207(1)b) et qu’elle opère désormais en vertu de son propre pouvoir, qui serait proposé par le projet de loi S-268.
La sénatrice Sorensen : Je voudrais en venir à la dernière partie. Je suppose donc que si ce projet de loi est adopté, les gouvernements provinciaux ou le gouvernement fédéral ne pourraient pas refuser l’avis?
Me Olson : C’est là où j’allais en venir. Merci, sénatrice.
La sénatrice Sorensen : Parfait.
Me Olson : Il n’y a rien dans le projet de loi qui semble indiquer qu’il est possible d’interdire à une Première Nation d’exercer son pouvoir.
La sénatrice Sorensen : Merci.
Le sénateur Prosper : Je remercie les témoins.
Si j’ai bien compris, en vertu de la Constitution, le gouvernement fédéral a compétence sur les jeux de hasard. Une exception a été faite en ce qui concerne les provinces, qui exploitent des établissements de jeu au sein de ses territoires provinciaux. Je suppose que ma question est la suivante : le gouvernement fédéral est parfaitement habilité à adopter ce projet de loi qui, essentiellement, confère aux Premières Nations une obligation ou un droit parallèles d’exploiter des établissements de jeu comme le fait le système provincial de jeux de hasard.
Cela relève strictement de la compétence fédérale, n’est-ce pas? Ou est-ce que la province peut invoquer un argument quelconque pour dire que le gouvernement fédéral ne peut pas faire cela?
Me Olson : Merci, sénateur. Permettez-moi de répondre à cette question.
Encore une fois, sénateur, lorsque nous parlons de jeux de hasard, du moins pour nos fins, certainement pour nos fins à la Section de la politique en matière de droit pénal, nous parlons des jeux de hasard dans le Code criminel, parce qu’il y a une interdiction générale. C’est le cadre qui nous permet d’examiner de façon générale les jeux de hasard. Ils sont interdits parce que, comme Me Wells l’a fait remarquer, ils ont été considérés comme un vice social et moral.
Il y a une interdiction générale dans le Code criminel — nous ne sommes pas des experts en droit constitutionnel, et je ne veux pas laisser entendre que nous avons une vaste étendue de connaissances sur les pouvoirs constitutionnels —, mais dans le cadre du droit pénal, le gouvernement fédéral exerce ce pouvoir d’interdire en premier lieu un comportement en vertu du Code criminel — nous avons donc interdit les jeux de hasard en général —, mais il a ensuite décidé de prévoir ces exceptions, c’est-à-dire le pouvoir des provinces de mettre sur pied et d’exploiter une loterie, et elles existent depuis 1969. Le pouvoir exclusif a été conféré en 1985 par la modification du code, mais, essentiellement, il existe depuis un certain temps déjà. Il s’agissait d’une exemption au droit pénal. Nous avons dit que nous voulions définir ce comportement comme étant criminel, mais nous avons prévu une exemption à cet égard.
D’après ce que je comprends — je le répète, je ne suis pas un expert en droit constitutionnel —, cela relèverait des pouvoirs du gouvernement fédéral en matière de droit pénal. Le projet de loi S-268 propose d’élargir cette exemption criminelle.
Le sénateur Prosper : Répondez-vous que le gouvernement provincial ne peut pas, d’une façon ou d’une autre, refuser ou empêcher que cela se produise, c’est-à-dire que les Premières Nations appliquent cette exception en vertu du Code criminel?
Me Olson : Encore une fois, dans le contexte du projet de loi tel qu’il est rédigé, il n’y a certainement aucune disposition qui permettrait de le faire.
Si vous posez la question du point de vue du droit constitutionnel, c’est peut-être une question que le comité pourrait examiner de plus près et sur laquelle il pourrait peut-être entendre des témoins qui ont des connaissances plus vastes.
La sénatrice Martin : Je reviens à l’article 17 du projet de loi, qui énonce qu’une réserve des Premières Nations est réputée ne pas faire partie de la province au moment de l’établissement du pouvoir d’administrer des loteries. Cela soulève certainement des questions au sujet de la compétence et du rôle que la province pourrait jouer, le cas échéant.
Je crois comprendre que les organismes de réglementation peuvent adopter des règlements. Ma question est la suivante : qui assumera les responsabilités provinciales en matière de réglementation, comme le jeu responsable et la prévention du blanchiment d’argent? Quelles ressources seraient fournies, et par qui? Est-ce que cela relèverait du gouvernement fédéral ou de Services aux Autochtones Canada? J’essaie de comprendre quelle est la répartition des ressources, le cas échéant, et à qui reviennent les responsabilités.
Me Wells : Je vous remercie de cette question. Je vais d’abord céder la parole à Me Olson. J’ajouterai quelque chose s’il souhaite que j’aborde d’autres points par la suite.
Me Olson : Comme vous l’avez fait remarquer, ce projet de loi vise — comme l’a dit le sénateur Tannas — à donner aux Premières Nations les mêmes pouvoirs qu’aux provinces.
Après avoir lu le projet de loi, nous croyons comprendre qu’une fois que la Première Nation décide d’utiliser ces pouvoirs, le Code criminel l’autorise. Comme vous l’avez mentionné, elle sera réputée ne pas faire partie de la province en vertu de cette disposition déterminative.
Il semble que le pouvoir conféré aux Premières Nations en vertu du Code criminel l’est au même titre que celui conféré aux provinces et les territoires l’ont été. Cela laisserait au moins entendre que — je le répète, je ne suis pas un expert du droit des Premières Nations — elles participeraient à la réglementation de ce système et en seraient chargées de la même façon que les provinces et les territoires. Bien que les provinces et les territoires aient eu de nombreuses années pour élaborer une vaste réglementation à l’égard de tous les aspects du jeu, les Premières Nations auraient également ce pouvoir.
Il y en a certainement beaucoup qui ont participé à ce genre de jeu jusqu’à un certain point — encore une fois, le chef Bobby Cameron pourra vous en parler demain — et qui ont beaucoup d’expérience dans ce domaine. Certains auront déjà des systèmes en place, je crois, ou prêts à être mis en place pour exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par la loi. Je pense que cela revient à dire qu’à l’heure actuelle, les provinces et les territoires bénéficient d’une exemption de responsabilité criminelle; ils ont créé ce système; ils sont responsables des murs qui s’y trouvent.
La sénatrice Martin : La responsabilité incomberait entièrement aux Premières Nations parce que, essentiellement, elles ont le même pouvoir qu’une province ou un territoire. Ne voyez-vous aucun rôle pour le gouvernement fédéral? Les ressources nécessaires à la mise en œuvre de ces règlements devraient provenir de la nation elle-même.
Me Olson : Comme je l’ai mentionné, sénatrice Martin, je ne veux pas généraliser, car je ne suis pas un expert des relations fédérales avec les Autochtones. Je pense qu’il y a place à la négociation. Encore une fois, je ne veux pas m’aventurer trop loin sur ce terrain, parce que ce n’est pas un domaine que je connais bien.
La sénatrice Martin : Nous aurons probablement des témoins à qui nous pourrons poser de nouveau cette question. Merci beaucoup.
Le sénateur Tannas : Pour faire suite à la question de la sénatrice Martin, mais posée d’une manière différente, y a-t-il quelque chose dans le projet de loi qui permettrait d’exempter les gouvernements autochtones et les exploitants de jeux de hasard de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et qui les soustrairait d’une façon ou d’une autre à la lutte contre le blanchiment d’argent, ou LBA, au financement des activités terroristes, ou FAT, et aux règlements nationaux qui existent aujourd’hui dans toutes sortes de domaines?
Pouvez-vous nous donner des précisions? Sinon, seriez-vous en mesure de nous donner une opinion complémentaire sur la question de savoir si le projet de loi crée une sorte de lacune où la LBA et le FAT ne s’appliqueraient pas soudainement?
Me Olson : Je vous prie de m’excuser, car nous ne savons pas directement comment la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes en particulier s’appliquent dans le contexte du projet de loi. Nos collègues du ministère des Finances seraient mieux placés pour répondre à cette question. Il y a des gens qui travaillent presque exclusivement dans ce domaine.
Sénateur Tannas, vous savez aussi bien que moi qu’il n’y a rien dans le texte du projet de loi qui va dans ce sens. En gros, si vous cherchez une expertise supplémentaire, nos collègues du ministère des Finances seraient mieux placés pour répondre à cette question.
La sénatrice Sorensen : Je vais poser une question à M. Simmons. C’est une question plus générale qui dépasse la portée du projet de loi.
De nombreuses collectivités autochtones font face à des défis en matière d’infrastructure qui les ont empêchées de tirer parti du développement économique et, ce qui m’intéresse personnellement, des possibilités touristiques.
Les Premières Nations qui souhaitent ouvrir des casinos et d’autres attractions ont de la difficulté à accéder aux capitaux, à entretenir et à améliorer les routes et à assurer la sûreté et la sécurité, entre autres.
Pouvez-vous me dire comment le gouvernement, au palier le plus élevé, aide les collectivités autochtones à régler ces problèmes afin qu’elles puissent récolter les fruits du tourisme et des investissements des entreprises?
Lyndon Simmons, directeur, Programmes économique et gestion, Direction des terres et développement économique, Services aux Autochtones Canada : Merci de votre question.
Ma direction fait beaucoup de choses lorsqu’il s’agit de fournir un accès au capital. Nous avons trois programmes principaux, le premier étant le Programme des services relatifs aux terres et au développement économique, ou PSTDE, qui est en fait un programme de renforcement des capacités. Il aide les Premières Nations à étudier ce qu’elles veulent faire, à élaborer des plans d’aménagement du territoire ainsi qu’à réfléchir à leurs plans d’affaires et aux répercussions environnementales des activités qu’elles mèneront dans les réserves.
Le gouvernement fédéral a prévu des fonds supplémentaires à cette fin dans le budget de 2022. Nous avons constaté un grand intérêt à cet égard, et de nombreuses Premières Nations plus petites et émergentes ont commencé à faire ce travail.
Le deuxième programme que je dirige s’appelle le Programme de préparation des collectivités aux possibilités économiques, ou PPCPE. Il s’agit d’un programme de subventions et de contributions qui finance directement les Premières Nations afin qu’elles acquièrent et développent leurs propres entreprises. Il y a une longue liste d’entreprises admissibles et non admissibles à ce financement. Les jeux de hasard constituent une dépense admissible. Nous avons fourni des fonds à un bon nombre de Premières Nations dans les domaines du jeu de hasard, du divertissement et du tourisme.
Il s’agit d’un budget de 50 millions de dollars par année. Comme vous pouvez certainement le comprendre, il y a beaucoup de demandes pour ce financement. Nous avons un comité national qui se réunit chaque année afin d’établir quels projets sont les mieux préparés et offriront le meilleur rendement financier aux Premières Nations.
Chaque dollar que nous dépensons dans le cadre du PPCPE rapporte habituellement entre 5 et 7 $ de rendement du capital investi, et c’est donc un très bon programme. Le dernier programme s’appelle l’Initiative sur les partenariats stratégiques, qui s’applique aux grands projets pour lesquels de multiples ministères peuvent s’unir et fournir du financement.
Vous vouliez savoir si les programmes de développement économique dont je suis responsable fournissent des fonds pour l’infrastructure et ce genre de choses. La réponse est oui, ce sont des dépenses admissibles, mais avec un budget de 50 millions de dollars, les Premières Nations n’en bénéficient pas autant qu’elles le pourraient.
La sénatrice Sorensen : Merci. Je vais approfondir la question.
Le sénateur Prosper : Je vous remercie de votre question, sénatrice Sorensen, et je poursuivrai dans la même veine que M. Simmons. Dans votre dernière réponse, je tiens à ce que ce soit clair, je crois que c’était dans le cadre du PPCPE, auquel ma collectivité a eu accès pour un projet de développement, vous avez mentionné que le jeu était une dépense admissible, ou que les gens pouvaient faire une demande à cette fin.
Ai-je raison de dire que pour chaque dollar de financement, cela génère un rendement d’environ 5 à 7 $? Comment cela se passe-t-il? Comment les collectivités des Premières Nations tirent-elles parti de ces types de revenus pour favoriser le développement?
M. Simmons : Merci de votre question. C’est propre au projet. Certains de nos projets sont destinés aux communautés de pêcheurs qui veulent utiliser les restes de déchets afin de faire de la nourriture pour chiens. De nombreuses innovations ont vu le jour. Nous fournissons de l’argent pour l’infrastructure, par exemple, pour faire passer une conduite d’eau jusqu’à une station-service afin de faire fonctionner un lave-auto.
Les retombées économiques varient d’un projet à l’autre. Une grande partie des rendements est attribuable à l’emploi, en particulier à l’emploi d’Autochtones. C’est l’un des critères que nous appliquons lors de l’évaluation d’une demande de financement dans le cadre du programme. Il faut également que les projets puissent générer des revenus autonomes qui reviennent à la collectivité.
Il faut du temps pour mettre ces projets sur pied et les exécuter. Vous les élaborez, vous devez vous lancer sur le marché, et les gens commencent à faire ce qu’ils doivent faire pour générer des revenus. Nous ne les considérons pas une année à la fois, ponctuellement; bon nombre des données que nous examinons portent sur une période de huit ans.
Dans le cas des projets de jeux de hasard que nous avons financés, le rendement a été beaucoup plus élevé que celui de certains autres projets. Je n’ai pas de chiffres précis devant moi. Si vous avez des questions spécifiques sur le genre de rendement auquel on peut s’attendre dans le cadre de projets comme ceux-là, je me ferai un plaisir de demander à mes collaborateurs de se pencher sur la question.
Le sénateur Prosper : J’aimerais que vous nous fournissiez plus de renseignements plus tard.
La sénatrice White : Maître Olson, c’est peut-être à vous qu’il revient de répondre à ma question. Quels problèmes de compétence entrevoyez-vous entre les accords existants et l’attribution du pouvoir aux Premières Nations dans les réserves?
Je pose la question parce que — pour mettre les choses en contexte — durant le débat au Sénat, nous avons entendu des préoccupations selon lesquelles le projet de loi pourrait entrer en conflit avec les accords existants entre les provinces et certaines Premières Nations ou les sociétés de jeu des Premières Nations. À votre avis, le projet de loi représente-t-il une menace pour des accords existants?
Me Olson : Merci, sénatrice. Oui, c’est moi qui me chargerai de répondre.
Pour revenir à la nature de ces accords, il s’agit essentiellement d’accords particuliers entre les Premières Nations et les provinces et territoires ou les provinces précises auxquelles ils s’appliquent. Comme le sénateur Tannas l’a dit au cours de son intervention, les accords varient beaucoup d’une administration à l’autre, et je crois qu’il y a probablement des différences entre les provinces quant au contenu de ces accords.
Je ne peux pas vraiment émettre d’hypothèses sur les répercussions, parce que nous ne connaissons ni la nature ni la portée de chacun de ces accords. Ce que je dirais, en tout cas, c’est que le comité pourrait vouloir examiner cette question, et vous pourriez avoir besoin d’entendre précisément les provinces et les territoires afin de comprendre comment ils réagiraient si les Premières Nations exerçaient leur propre pouvoir.
Je dirais que c’est quelque chose que les Premières Nations elles-mêmes devront examiner, surtout celles qui ne lanceront pas leur propre système de jeu. Elles auront intérêt à maintenir ces accords ou, à tout le moins, à trouver un moyen de conserver les revenus tirés des jeux de hasard, même si elles ne participent pas à ce système, que les provinces l’autorisent ou non. Encore une fois, il s’agit d’une modification de la compétence provinciale. On lui enlève une chose sur laquelle elle a eu le pouvoir exclusif pendant, je le répète, les 30 dernières années.
Je ne peux pas me prononcer sur la façon dont les provinces réagiraient à une telle modification. Il s’agit certainement d’une question qu’il convient d’étudier.
La sénatrice Sorensen : Monsieur Simmons, constatez-vous que les candidatures aux programmes de financement de 50 millions de dollars proviennent de toutes les régions du Canada? Vous avez mentionné que les Premières Nations, les Métis et les Inuits participent également, mais pensez-vous que les candidatures sont assez diversifiées d’un bout à l’autre du pays?
M. Simmons : Oui. Je reçois probablement cinq demandes pour chaque projet que je peux financer. Toutes les candidatures sont présentées par l’entremise des bureaux régionaux parce qu’ils travaillent directement avec les collectivités des Premières Nations et des Inuits. Mes programmes sont axés sur les terres et fournissent du financement à des gens qui ont des terres mises de côté à titre de réserve ou en vertu de traités, mais les Métis ne sont pas inclus dans le financement que je fournis actuellement parce qu’il est axé sur les terres.
Nous nous assurons que la moitié du financement va directement à chacun des bureaux régionaux afin qu’ils puissent assurer une répartition équitable. Il y a un bureau régional en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario et…
La sénatrice Sorensen : D’accord. Ce n’est pas que j’aie un parti pris envers l’Ouest, mais c’est la réponse que je cherchais.
M. Simmons : J’ai grandi sur le territoire du Traité no 7.
Ensuite, nous gardons la moitié du financement pour certains grands projets. Chaque région ne bénéficie pas d’un grand projet chaque année, mais nous veillons à ce que le financement soit réparti équitablement au cours de chaque cycle de cinq ans.
La sénatrice Sorensen : Merci. J’ai beaucoup appris.
Le président : Merci, sénatrice Sorensen.
Le temps alloué à ce groupe de témoins est écoulé. Je remercie nos témoins de leur présence aujourd’hui. Si vous souhaitez présenter d’autres mémoires, veuillez les transmettre à notre greffier par courriel dans les sept jours. Voilà qui met fin à notre réunion d’aujourd’hui.
(La séance est levée.)