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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 27 septembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones.

[Note de la rédaction : Veuillez noter que cette transcription peut contenir un langage fort et aborder des questions délicates qui peuvent être difficiles à lire.]

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je voudrais d’abord reconnaître que le territoire sur lequel nous nous sommes rassemblés est le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe. Elle abrite maintenant de nombreux autres membres des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’île de la Tortue. Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis d’Epekwitk, également connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis le président du Comité des peuples autochtones.

Avant de commencer notre réunion, je demanderais aux membres du comité présents de se présenter en mentionnant leur nom et leur province ou territoire.

Le sénateur Arnot : Je suis le sénateur David Arnot, de la Saskatchewan. Je vis sur le territoire du Traité no 6.

La sénatrice Hartling : Bonjour, je suis la sénatrice Hartling, du Nouveau-Brunswick. Je vis sur le territoire non cédé du peuple mi’kmaq.

La sénatrice Martin : Bonsoir, je suis Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta. Il s’agit du territoire du Traité no 7.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, au Mi’kma’ki.

La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, de la province de la Colombie-Britannique, la crème du territoire du Traité no 6.

Le président : Merci à tous. Aujourd’hui, nous poursuivons la série de séances d’information destinées à éclairer et à guider les travaux futurs de ce comité.

Avant de poursuivre, je tiens à mentionner que cette réunion porte sur les pensionnats indiens, ce qui pourrait être éprouvant pour certains. Toute personne qui a besoin d’aide peut en obtenir à tout moment et sans frais par l’intermédiaire de la ligne d’écoute téléphonique nationale relative aux pensionnats indiens au 1-866-925-4419 et de la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être au 1-800-721-0066 ou à www.espoirpourlemieuxetre.ca.

Je veux maintenant faire la genèse de la séance d’aujourd’hui.

Vous vous souviendrez peut-être qu’en mars dernier, le Comité des peuples autochtones a entendu les témoignages du Centre national pour la vérité et la réconciliation et du Bureau de l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats indiens au sujet de leurs travaux respectifs. À la lumière de ces témoignages, le 19 juillet, le Comité des peuples autochtones a publié un rapport provisoire intitulé Honorer les enfants qui ne sont jamais rentrés auprès des leurs : vérité, éducation et réconciliation.

L’une des recommandations formulées dans ce rapport provisoire comprenait un engagement à tenir une audience publique avec les gouvernements, les entités ecclésiastiques et d’autres personnes qui continuent de retenir des dossiers sur les pensionnats et les sites connexes. Au cours de la réunion de ce soir, nous entendrons ces témoins.

Je vais maintenant vous présenter nos témoins. D’Archives Deschâtelets–NDC, nous accueillons le père Luc Tardif, père supérieur provincial, et Jordan Dosch, directeur des finances et des services administratifs. D’OMI Lacombe Canada, nous recevons le père Ken Thorson, provincial, et Robert Meilleur, directeur général de l’administration.

Wela’lin. Merci à tous de vous être joints à nous aujourd’hui.

Les témoins présenteront des déclarations préliminaires d’environ cinq minutes, qui seront suivies d’une séance de questions-réponses avec les sénateurs.

Je vais maintenant inviter le père Tardif à faire sa déclaration liminaire.

[Français]

Luc Tardif, père, supérieur provincial, Archives Deschâtelets-NDC : Merci, monsieur le président et membres du comité, de nous avoir invités à comparaître ce soir. Je suis le père Luc Tardif, provincial des missionnaires Oblats de Notre-Dame-du-Cap. Je suis accompagné ce soir par M. Jordan Dosch, directeur des finances. Les Oblats de Notre-Dame-du-Cap gèrent les Archives Deschâtelets-NDC situées à Richelieu, sur le territoire traditionnel non cédé des Mohawks et des Abénaquis.

Je suis heureux de parler au comité des mesures que les Archives Deschâtelets-NDC ont prises et continuent de prendre afin de partager avec le Centre national pour la vérité et la réconciliation et les communautés autochtones les dossiers relatifs à l’implication historique des Oblats dans les pensionnats. À bien des égards, ce travail s’inscrit dans le cadre de la démarche de réconciliation de notre congrégation qui, dès 1991, s’est excusée pour la première fois du rôle que les Oblats ont joué dans le fonctionnement des pensionnats. À cette occasion, nous nous sommes également engagés à rencontrer les peuples autochtones et à contribuer à rendre accessible la vérité entourant les pensionnats.

Ainsi, durant la Commission de vérité et réconciliation du Canada, les Oblats du Canada ont fourni plus de 40 000 documents, qui sont désormais conservés au Centre national pour la vérité et la réconciliation. Plus de 27 000 de ces documents provenaient des Archives Deschâtelets-NDC. Nous avons également financé des ressources pour faciliter le travail de collecte et de numérisation des documents.

En juillet 2021, reconnaissant la nécessité d’accélérer l’accès aux archives, les Oblats ont conclu un accord public avec le centre national afin de continuer à fournir des documents sur une base continue. Depuis lors, plus de 75 000 documents oblats supplémentaires ont été numérisés et inventoriés à partir de quatre centres d’archives du pays, dont les Archives Deschâtelets.

Nous savons qu’il reste beaucoup à faire. Nous sommes actuellement en train de vérifier la liste des documents qui sont déjà en possession du centre national et de compléter la numérisation et l’envoi de nos documents. Il s’agit d’une tâche immense qui concerne plusieurs mètres linéaires d’archives.

Nous sommes également à l’aube de la signature d’un protocole d’entente avec le centre national pour pouvoir lui transférer des documents en provenance des dossiers personnels des Oblats. Tout en poursuivant nos efforts pour partager les dossiers avec le centre national, nous travaillons à répondre aux demandes des personnes, des communautés et des chercheurs autochtones qui souhaitent avoir accès à nos archives.

Dans notre équipe, nous avons désigné deux personnes qui sont spécifiquement chargées de travailler à répondre aux demandes des chercheurs autochtones. Parmi nos trois archivistes à plein temps, une archiviste est affectée principalement à la question des pensionnats autochtones. Son rôle et ses responsabilités incluent l’accueil des personnes, la localisation et la numérisation des documents ainsi que le suivi des demandes de recherche.

La deuxième personne est le directeur de notre bureau pour la protection des mineurs et des personnes vulnérables. Son rôle consiste à donner un appui dans des dossiers particulièrement marqués par des abus.

Depuis septembre 2022, nous avons également adopté des procédures particulières à l’accueil des chercheurs autochtones visant à respecter les protocoles sociaux autochtones.

Nous reconnaissons que ce travail est très important et nous sommes pleinement engagés à le poursuivre. Nous l’abordons avec humilité et la volonté d’apprendre grâce aux dialogues et aux conversations comme celle de ce soir. Je vous remercie donc à nouveau de votre invitation et me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions, en compagnie de mon collègue M. Dosch.

[Traduction]

Le président : Merci, père Tardif.

Je vais maintenant inviter le père Thorson à faire sa déclaration liminaire.

Ken Thorson, père, provincial, OMI Lacombe Canada : Bonsoir, monsieur le président. Merci à vous et aux membres du comité de nous avoir invités à comparaître aujourd’hui.

Je suis le père Ken Thorson, provincial des Oblats de Marie-Immaculée, OMI Lacombe Canada. Je suis ici ce soir avec Robert Meilleur, directeur général de l’administration d’OMI Lacombe Canada.

Je me joins à vous du siège d’OMI Lacombe, qui est situé sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe. Mes remarques d’aujourd’hui porteront sur le travail d’OMI Lacombe en ce qui concerne la conservation, la numérisation et la gestion des dossiers des pensionnats.

Même si ce travail n’est pas nouveau, il serait juste de dire que notre engagement a été renouvelé et renforcé depuis mai 2021, lorsque les découvertes déchirantes à Kamloops ont démontré à la fois la douleur ressentie par de nombreux survivants et le désir d’avoir un compte rendu plus complet de l’histoire des pensionnats. J’ai eu de nombreuses conversations difficiles avec des dirigeants autochtones depuis, et ces conversations ont fait de nous une congrégation plus informée et plus transparente.

En juillet 2021, les Oblats ont conclu un accord public avec le Centre national pour la vérité et la réconciliation en vue d’une collaboration continue. Depuis, plus de 75 000 documents des Oblats ont été numérisés et répertoriés. Cela s’ajoute aux 40 000 documents qui ont été présentés dans le cadre du processus de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

Au cours des deux dernières années, nous avons entre autres fourni une collection de manuscrits ou de journaux quotidiens relatifs à 16 pensionnats, et les noms de 400 Oblats qui travaillaient dans des pensionnats, ainsi que de près de 1 000 élèves qui les fréquentaient, et nous avons répondu à 165 demandes d’accès de chercheurs, de journalistes et de survivants intergénérationnels.

Nous avons conclu des accords avec quatre archives provinciales, soit les Archives Deschâtelets-NDC à Richelieu, le Centre du patrimoine à Saint-Boniface, les Archives provinciales de l’Alberta à Edmonton et le Musée royal de la Colombie-Britannique à Victoria, pour transférer les dossiers pertinents des pensionnats et les rendre accessibles. Nous avons financé des ressources archivistiques supplémentaires dans les quatre emplacements.

Le père Luc Tardif et Jordan Dosch de Notre-Dame-du-Cap pourront vous en dire plus sur Richelieu, en particulier, et je suis ravi que le comité ait pu parler avec des représentants du Musée royal de la Colombie-Britannique et de la Société historique de Saint-Boniface. Leur partenariat continu est essentiel à ce travail.

Nous avons également collaboré avec le Centre national pour la vérité et la réconciliation, également connu sous le sigle CNVR, en invitant le chef des Archives, Raymond Frogner, accompagné de M. Meilleur, à la Maison générale des Oblats à Rome en juillet 2022, où on lui a donné un accès complet à des documents qui peuvent se rapporter à l’héritage des pensionnats. Les travaux se poursuivent pour numériser et transférer les éléments relevés par M. Frogner et comparer ses résultats avec les documents conservés au Canada.

À l’heure actuelle, nous travaillons avec le CNVR pour élargir l’accès à la documentation qui n’était pas disponible auparavant en raison des restrictions imposées par les lois sur la protection des renseignements personnels, y compris les dossiers du personnel. Nous approchons des dernières étapes, je l’espère, d’un accord qui permettra un accès élargi.

Le CNVR a un mandat important que nous entendons continuer d’appuyer, et nous souscrivons à la recommandation de ce comité selon laquelle le centre devrait recevoir un financement adéquat, prévisible, stable et à long terme. Nous prenons ce partenariat extrêmement au sérieux et nous avons cherché à apprendre des chercheurs et des partenaires autochtones avec humilité dans la poursuite de cet important travail.

Je crois qu’une meilleure coordination avec les gouvernements et les assemblées législatives pourrait donner lieu à un processus de gestion des documents plus transparent et plus convivial, et j’espère que la conversation d’aujourd’hui sera un exercice utile pour nous aider à mieux travailler ensemble.

Je me réjouis à l’avance de répondre à vos questions. Je vous remercie.

Le président : Merci, père Thorson.

Je vais en profiter pour poser la première question au père Thorson.

Les Archives générales des Oblats à Rome, que le Comité des peuples autochtones avait invitées à comparaître au départ, ont demandé à OMI Lacombe Canada de comparaître à leur place. Êtes-vous ici pour parler uniquement du point de vue de votre province, ou parlez-vous au nom des Archives générales des Oblats et du travail de toutes les provinces du Canada?

Père Thorson : Je parle à titre personnel, et mon collègue, M. Meilleur, pourra parler des archives de Rome et répondre aux questions que vous pourriez avoir sur notre travail en matière de numérisation et de transfert de documents qui font partie de notre mandat depuis 2021.

Le président : Monsieur Meilleur, avez-vous quelque chose à ajouter?

Robert Meilleur, directeur général de l’administration, OMI Lacombe Canada : Non, je n’ai rien à ajouter pour le moment. Je me ferai bien sûr un plaisir de parler de la visite que M. Frogner et moi avons faite aux Archives générales des Oblats de Rome, si quelqu’un a des questions à ce sujet.

Le président : J’ai une autre question avant de passer à autre chose.

Y a-t-il une raison pour laquelle les Archives générales des Oblats ont refusé notre invitation ou sont-elles toujours disposées à comparaître volontairement si nous avons des questions en suspens auxquelles vous ne pouvez pas répondre aujourd’hui?

Père Thorson : Je devrai vérifier auprès de l’administration générale. La conversation que nous avons eue avec l’administration générale à Rome portait notamment sur la question de la langue et sur le fait que M. Meilleur a accompagné M. Frogner et qu’il a été présent tout au long de la visite de M. Frogner à Rome, ce qui lui permet donc de répondre aux questions concernant l’expérience de la visite de M. Frogner à Rome. Mais nous sommes certainement disposés à examiner cette question avec notre administration générale. Je ne peux pas répondre pour elle.

Le président : D’accord. Nous vous serions très reconnaissants de nous répondre par écrit très bientôt.

Père Thorson : Très bien.

Le président : Merci.

Le sénateur Arnot : Merci aux témoins. J’ai une question d’ordre général seulement pour clarifier quelques points que j’ai entendus.

Les Archives Deschâtelets-NDC sont des archives des Oblats. Vous avez aussi, si je comprends bien, une nouvelle province, OMI Lacombe, à l’intérieur de laquelle on trouve cinq provinces : St. Peter’s, Manitoba Corporation, St. Mary’s, Grandin et St. Paul. Est-ce exact?

Père Thorson : Oui, c’est exact. Notre-Dame-du-Cap découle d’une fusion. Ainsi, la province que représente le père Tardif est une fusion de deux provinces précédentes qui ont été restructurées principalement à cause de la diminution des effectifs. OMI Lacombe est une fusion des cinq provinces oblates que vous avez mentionnées, qui ont été restructurées en 2003 en raison de la diminution du nombre d’effectifs.

Le sénateur Arnot : Père Thorson, où vivez-vous? Où est votre foyer central? Est-il situé en Ontario?

Père Thorson : Oui, à Ottawa.

Le sénateur Arnot : Merci. Des 40 000 documents qui ont été fournis par les Oblats, 27 000 provenaient des Archives Deschâtelets-NDC. Depuis, vous avez numérisé 75 000 documents supplémentaires. Combien d’autres documents en possession des Oblats reste-t-il à numériser et donc à archiver? Savez-vous combien il y en a à l’heure actuelle?

Père Thorson : Merci de la question. Je peux dire, tout d’abord, que nous avons l’intention de mettre à la disposition du CNVR tous les documents en notre possession qui sont pertinents pour l’histoire des pensionnats. Je ne peux pas parler au nom des archives individuelles, qui possèdent et gèrent les documents. À mon avis, on ne peut qu’estimer le nombre de documents qu’il y a. Dans le cadre des travaux en cours, il faut notamment lire les documents des Oblats, ce qui signifie que le nombre de documents qui sera transféré au CNVR ne cesse d’augmenter. M. Meilleur voudra peut-être ajouter quelque chose à ce sujet.

M. Meilleur : Je peux ajouter quelques points. Si vous vous rappelez lors de votre rencontre de la semaine dernière avec le Musée royal de la Colombie-Britannique et le Saint Patrimoine, il a été question de la longueur linéaire des documents, certains d’entre eux étant liés aux pensionnats et d’autres non. Certains d’entre eux ne sont que de simples documents administratifs de la province où résidaient les Oblats. L’une des tâches de chacune des archives est de passer littéralement en revue chaque document pour déterminer s’il est lié à un pensionnat, s’il est d’ordre purement administratif ou s’il s’agit d’une lettre dans laquelle le provincial demande au destinataire s’il a passé de belles vacances estivales. Nous ne pouvons donc pas vous donner un chiffre exact.

Nous avons la chance d’avoir des gens comme Emma et Janet, ainsi que les employés des Archives provinciales de l’Alberta, également connues sous le sigle APA, qui ont entrepris cette tâche de passer en revue chaque document littéralement, parce que tout sera numérisé. Cela ne veut pas nécessairement dire que tous les documents seront remis au CNVR parce que certains n’ont peut-être rien à voir avec les pensionnats.

Le sénateur Arnot : J’essaie de savoir si vous pouvez aider. Avez-vous une idée du nombre de verges linéaires que vous avez encore? Dans l’affirmative, vous pourriez déterminer le nombre approximatif de documents qui se rapportent aux pensionnats parmi ceux que vous avez déjà numérisés. Combien d’argent faut-il pour effectuer le travail de façon professionnelle, et quel échéancier cela suppose-t-il?

C’est vraiment l’échéancier qui importe, parce que le temps presse. À mon avis, il faut accélérer le processus d’une certaine façon. En tout cas, c’est ce que je pense. Nous ne pouvons pas continuer de priver les familles autochtones de ces documents parce qu’ils sont si importants pour la réconciliation et pour permettre aux familles de résoudre leurs séquelles.

Père Thorson : Sénateur, je pourrais peut-être répondre. Je suis d’accord avec vous, mais je pense que ce sont les directeurs des archives ou les archivistes eux-mêmes, les archivistes que nous avons embauchés, qui pourraient donner la réponse la plus exacte. Je pense que nous pourrions nous pencher sur cette question et vous revenir avec une réponse.

Le sénateur Arnot : Pourriez-vous donner suite à cette question et en rendre compte à la greffière?

Père Thorson : Bien sûr.

Le sénateur Arnot : Il s’agit d’une information essentielle.

Père Thorson : Bien sûr. Je comprends. Comme vous le dites, le temps presse.

Le sénateur Arnot : C’est vraiment crucial. Je vous suis très reconnaissant de votre collaboration à ce sujet. Ce serait très utile.

Père Thorson : D’accord.

Le sénateur Arnot : Merci.

La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup. J’ai deux questions à poser aux deux organisations, et c’est en réponse à un commentaire sur l’accès élargi et complet.

Y a-t-il des documents que vous avez promis de transférer et qui sont détenus par une autre organisation auxquels vous n’avez pas pu accéder? Et est-ce qu’une loi ou un problème juridique empêche votre organisation de publier certains documents?

Père Thorson : Merci, sénatrice. J’écrivais la question.

Votre question portait, je crois, sur tout document que nous avons promis de transférer et que nous n’avons pas pu transférer.

La sénatrice Sorensen : Il s’agit de documents que vous avez promis de transférer et qui sont détenus par une autre organisation, et auxquels vous n’avez donc pas pu accéder.

Par ailleurs, y a-t-il des lois ou des questions juridiques qui empêchent votre organisation de publier certains documents?

Père Thorson : En réponse à la première question, je ne pense pas que ce soit le cas, mais je demanderais à M. Meilleur de répondre, car il est plus au courant, je crois.

M. Meilleur : Je regarde les documents et je ne crois pas que ce soit le cas, madame la sénatrice. Les Oblats sont une congrégation religieuse. Il y a des documents que nous conservons. Il y a des documents que les diocèses détiennent, et bien sûr, si l’on revient à l’époque des pensionnats, il y a des documents que le gouvernement détenait. Nous n’avons pas nécessairement accès à ces documents, mais quand je regarde ce que nous nous sommes engagés à envoyer au centre national, je crois que cela couvre ce que nous pouvons donner.

La sénatrice Sorensen : Là où je veux en venir, je crois, c’est à la clause « ce que nous pouvons donner », et je me demande ce que vous ne pouvez pas donner.

Père Thorson : Madame la sénatrice, je pourrais peut-être répondre. Les diocèses, bien sûr, transmettraient les registres des églises, les registres des naissances et des décès, entre autres. La majeure partie de ce genre de documents ne serait pas détenue par les Oblats. Ils seraient conservés par des paroisses et des diocèses. Je ne peux pas me prononcer sur chacun des diocèses, mais je pense qu’ils essaient de contribuer à fournir des documents au Centre national pour la vérité et la réconciliation et aux communautés et chercheurs qui en font la demande.

Alors, bien sûr, nous n’avons rien à présenter au gouvernement.

La sénatrice Sorensen : Pour revenir à l’idée d’une loi ou d’un problème juridique qui vous empêche d’envoyer quoi que ce soit...

Père Thorson : La seule loi qui nous empêcherait d’envoyer un document particulier d’un Oblat qui travaillait dans un pensionnat serait la loi sur la protection des renseignements pour les Oblats qui travaillaient dans des pensionnats qui pourraient être encore en vie. Tant que ces Oblats ne seront pas décédés, ces documents ne pourront pas être transférés parce qu’il s’agit de leurs documents personnels. Une fois ces Oblats décédés, nous serons en mesure de transférer ces documents dans un délai de deux ans au CNVR.

La sénatrice Sorensen : D’accord. Je l’ignorais. Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup au père Tardif et au père Thorson, à M. Dosch et à M. Meilleur d’être avec nous. Nous essayons tous de trouver les différentes pièces de ce casse-tête très important. Père Thorson, j’ai aimé ce que vous avez dit : c’est effectivement un compte rendu plus complet de l’histoire des pensionnats que nous cherchons tous à obtenir ici. Il nous est utile d’obtenir des réponses complètes aux questions.

J’ai quelques questions. J’essaie de comprendre ce qui est détenu en Italie par rapport à ce qui est détenu au Canada. Quelle est la distinction à cet égard? Y a-t-il une distinction générale? Quels types de documents sont conservés à Rome et quels types de documents sont conservés ici au Canada? Cette question s’adresserait probablement au père Thorson.

Vous venez de nous parler du problème des dossiers du personnel. J’aimerais obtenir un peu plus de précisions. Cette loi sur la protection des renseignements personnels, de qui relève-t-elle? En vertu de quelle autorisation les dossiers du personnel de vos membres qui vivent encore ne sont-ils pas accessibles? J’aimerais mieux comprendre cette loi. De qui relève la loi et y a-t-il une façon de régler ce problème?

Ces deux questions s’adressent à vous.

J’ai peut-être mal compris ou mal entendu ce que disait le père Tardif — ou du moins, ce qui se dégageait de la traduction anglaise. Vous avez parlé de soutien dans les cas d’abus. Ai-je bien compris? Si j’ai bien compris, qu’entendez-vous par là?

Père Thorson : Merci de la question, madame la sénatrice. Je commencerai en parlant brièvement des documents conservés à Rome et je demanderai à M. Meilleur de répondre. Je dirais que — et M. Frogner du CNVR en a été témoin — les Oblats de Rome, notre administration générale, ont un dossier très peu étoffé pour chaque Oblat. Dans ce dossier peu étoffé, on trouve les documents de base communs à chaque Oblat, comme lorsque nous faisons notre profession finale ou avec la communauté ou lorsque nous sommes, dans le cas des prêtres, ordonnés. Ce genre de documents seraient donc conservés à Rome.

Les dossiers du personnel actif seraient conservés dans l’unité ou l’endroit où vit l’Oblat. C’est ce dossier qui, à mon avis, intéresse le CNVR.

Monsieur Meilleur, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Meilleur : J’aimerais seulement faire quelques observations. Lorsque M. Frogner m’a accompagné à Rome, nous lui avons permis d’avoir accès à toutes les archives. Il a donc vu des photos d’élèves des pensionnats. Nous avons accepté de numériser ces images et de l’envoyer au CNVR. Elles sont maintenant au Canada, à Richelieu, entre les mains de l’archiviste oblate qui s’y trouve. Elle a la tâche de joindre toutes les métadonnées nécessaires avant de les envoyer au centre national.

Il a vu les dossiers administratifs. Comme l’a dit le père Thorson, les dossiers du personnel ne contiennent que très peu de documents. Nous lui avons permis d’accéder à tous les documents lors de sa visite. Je sais qu’il a rédigé un rapport qui, je crois, a été envoyé à sa direction. À l’heure actuelle, je crois que la seule chose qu’il nous reste à faire pour eux en ce qui concerne ces documents est de terminer la numérisation de ces photographies.

La sénatrice Coyle : Avant que le père Tardif réponde à ma question, pourrais-je pousser un peu plus loin la question? Pourriez-vous nous dire s’il y a encore des membres de votre congrégation qui ont été directement liés aux pensionnats, et par conséquent, s’il y a des documents personnels que le centre national pourrait vouloir et auxquels il n’a pas accès?

Père Thorson : Un petit nombre d’Oblats qui ont travaillé dans des pensionnats sont toujours en vie. Comme vous pouvez l’imaginer, ce sont tous des hommes âgés. Ainsi, leurs dossiers du personnel seraient conservés pour le moment jusqu’à leur décès. Une fois qu’ils seront décédés, nous avons l’intention de fournir le dossier au CNVR.

La sénatrice Coyle : La loi sur la protection des renseignements personnels, comme vous l’appelez, qui vous empêche de communiquer les dossiers des membres vivants de la congrégation en ce moment, est-ce votre loi interne? De qui relève cette loi?

Père Thorson : Je crois savoir que c’est ce que nous dit notre avocat. La limite actuelle de 2 ans était auparavant de 50 ans. Après les révélations de Kamloops au cours de l’été 2021, nous avons décidé de revoir cette limite et nous avons finalement déterminé une limite de deux ans. Je crois comprendre, et je ne suis pas du tout avocat, que c’est une loi provinciale, peut-être fédérale.

Je n’en suis pas certain. Monsieur Meilleur, pouvez-vous en dire plus sur la loi sur la protection des renseignements personnels? Je veux éviter de dire quoi que ce soit qui constituerait en fait un avis juridique.

M. Meilleur : Je n’en sais pas plus que le père Thorson pour le moment. Le Centre national pour la vérité et la réconciliation nous a beaucoup aidés, notre équipe juridique et nous, à mieux comprendre cette loi dans le cadre de notre travail sur ces changements. Comme le père Thorson l’a mentionné, nous avons un accord à l’état d’ébauche avec eux en ce moment qui fait du va-et-vient entre les deux organisations. Nous espérons qu’il sera parachevé bientôt, à un moment où tous ceux qui sont décédés, ce qui est un grand changement pour les Oblats aussi. Il y a deux ans, nous aurions dit que ces dossiers sont considérés comme scellés pendant 50 ans. Cela a aussi à voir en partie avec la famille, les parents vivants des Oblats. C’est tout ce que je peux dire.

La sénatrice Coyle : Merci. Le père Tardif peut-il confirmer que j’ai bien compris ce qu’il a dit? Avez-vous parlé de soutien dans les cas d’abus, et si oui, qu’entendez-vous par là?

[Français]

M. Tardif : Merci pour la question, madame la sénatrice.

Pour ce qui est de ce à quoi vous faisiez référence, en ce qui concerne nos employés, je mentionnais que nous avons trois personnes qui travaillent à temps plein dans les archives plus une autre personne qui est le directeur de nos bureaux pour la protection des mineurs. Le rôle du directeur de la protection des personnes mineures et vulnérables consiste à donner un appui dans des dossiers marqués particulièrement par des abus, de façon très générale et inclusive. Alors, lui, il est au service de la protection dans toutes les situations et dans toutes les œuvres. C’est un supplément au travail des archives.

[Traduction]

La sénatrice Coyle : D’accord. Je vous remercie.

Le président : Je vais revenir sur certaines questions posées précédemment au père Thorson et à M. Meilleur. Travaillez-vous à centraliser vos documents afin que les peuples et les communautés autochtones trouvent plus facilement des documents sur ce qui est arrivé aux enfants dans les pensionnats, y compris l’endroit où les enfants sont enterrés? J’ai entendu dire qu’il faudrait des mois, voire des années, aux chercheurs pour obtenir les réponses dans divers diocèses, et nous savons tous que le temps presse.

Père Thorson : Merci, sénateur. Comme vous le dites, le temps presse. Permettez-moi de faire une distinction entre nous-mêmes et les diocèses, et les documents que les diocèses pourraient détenir par opposition aux fichiers que nous pourrions détenir. Nous avons eu beaucoup de débats sur cette question de l’emplacement de nos archives ou nous en avons discuté au fil des ans. Nous avons décidé, il y a un bon nombre d’années — il y a six ou sept ans, je crois — que nous laisserions les archives à l’endroit où l’histoire s’est produite. En ce qui concerne notre travail en Colombie-Britannique et au Yukon, au Musée royal de la Colombie-Britannique, également connu sous le nom de RBCM, pour ce qui est des gens qui veulent avoir accès à des documents ou parler aux ancêtres qui ont fréquenté les pensionnats — les survivants et les chercheurs —, il est fort probable — je n’en suis pas certain, bien sûr — qu’ils vivraient encore dans cette partie du pays. Donc, plutôt que de tout transférer à Ottawa ou à un endroit central, nous laissons le dossier d’archives à l’endroit où l’histoire s’est produite.

Le président : Monsieur Meilleur, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Meilleur : Si vous parlez à des archivistes, ils vous diront de laisser le document où l’histoire s’est produite, et c’est ce que nous faisons. Je ne suis pas archiviste, mais en consultation avec le RBCM, les PAA et le Centre du patrimoine, c’est ce que nous avons fait.

M. Dosch voudra peut-être en parler de façon plus détaillée, mais dans les premiers jours de l’arrivée des Oblats au Canada, une grande partie de ces renseignements historiques ont été conservés à Deschâtelets parce qu’il s’agissait de la seule archive des Oblats au Canada à une certaine époque. Nous avons travaillé avec les archivistes de Richelieu — encore une fois, si le document appartient à la Colombie-Britannique, transférons-le en Colombie-Britannique et s’il appartient à l’Alberta, transférons-le à l’Alberta. Nous leur demandons de mettre davantage l’accent sur les archives du Québec. Corrigez-moi si j’ai tort.

[Français]

Jordan Dosch, directeur des finances et des services administratifs, Archives Deschâtelets-NDC : Merci beaucoup, monsieur le sénateur.

Oui, je peux confirmer qu’à Richelieu, nous avons le dépôt d’archives qui remonte le plus loin dans l’histoire des Oblats au Canada. C’est un des défis quand je vois nos archivistes chercher et essayer de mettre tous les morceaux ensemble relativement au dossier des pensionnats. On peut très bien avoir des archives qui concernent des missions dans l’Ouest canadien, parce qu’on était l’unité qui était à l’origine des Oblats au Canada. Cela a fait en sorte qu’il y a des archives qui sont dispersées un peu partout dans la collection.

Alors, c’est cela, mais comme le mentionne M. Meilleur, on est en train de revoir, de numériser et de transférer des documents vers les endroits concernés par cette histoire, justement.

[Traduction]

La sénatrice Martin : Nous avons parlé des échéanciers et du fait que le temps presse. Je viens d’écouter ce que M. Meilleur et le père Thorson ont dit. M. Frogner a passé cinq jours aux archives générales, et d’après ce que nous avons entendu d’autres endroits, une période de cinq jours semble être un court laps de temps. Vous avez mentionné qu’il y avait mille photos dans les tiroirs. Quel genre d’aide M. Frogner a-t-il reçue en ce qui concerne le temps? Y a-t-il des archivistes ou des chercheurs spéciaux qui ont été en mesure de l’aider dans ce processus? Parce que je me demande si tout ce dont il avait besoin était, en fait, découvert ou établi.

Ma deuxième question est de savoir si les Oblats ont pris des mesures, depuis la visite de M. Frogner à Rome, pour donner accès au CNVR afin qu’il puisse examiner les documents d’autres Oblats et demander le transfert de l’ensemble des documents et images pertinents des missions de l’ordre au Canada.

Cinq jours, cela ne semble pas très long pour découvrir et récupérer ce qui était nécessaire. Pourriez-vous d’abord répondre à cette partie de la question, à savoir le genre d’aide que M. Frogner aurait eue pour pouvoir trouver ces documents? Y a-t-il eu un suivi depuis?

Père Thorson : Bien sûr. Je dirai quelques mots, puis j’inviterai M. Meilleur, qui était présent avec M. Frogner, à en parler plus longuement.

Nos archives à Rome sont relativement petites. En fait, il s’agit beaucoup plus d’un dépositaire de la relation entre les provinces oblates, comme nous les appelons, et l’administration générale. Comme je l’ai dit, on trouve un dossier peu étoffé pour chaque Oblat à l’archive.

M. Frogner a eu accès à ces dossiers et ils contiennent des renseignements de base. Je crois comprendre qu’ils ne contiendraient aucune information détaillée sur la vie d’un Oblat ou sur son travail au pensionnat. Tous ces renseignements seraient conservés dans son dossier actif au Canada.

En ce qui concerne le soutien, je laisserai M. Meilleur en parler. Mais, je le répète, nos archives sont assez petites. D’après ce que je comprends, M. Frogner est revenu convaincu qu’il avait pu voir ce qu’il voulait voir dans les archives de Rome. Je vous remercie.

M. Meilleur : Sénatrice, j’aimerais ajouter mon grain de sel à cette conversation. Lorsque nous parlons d’archives relativement petites, je crois qu’elles sont plus petites que la salle où vous êtes assis pour votre réunion d’aujourd’hui. Elles sont à peu près de cette taille. Encore une fois, le Canada représente une petite partie de la congrégation mondiale qui compose les Oblats.

Notre archiviste est un gentleman. C’est probablement l’un des plus gentils Oblats que j’ai rencontrés — et je ne le dirai pas trop fort parce que deux autres sont présents dans la salle avec moi —, mais compte tenu de sa formation, on lui a demandé de devenir responsable des archives il y a environ 10 ou 12 ans. Encore une fois, c’est une très petite archive. Nous avons fourni à M. Frogner tout ce qu’il recherchait.

Pour vous donner un exemple, M. Frogner a trouvé dans quatre tiroirs attribués au Canada des photos d’élèves dans les pensionnats. Le père Jerome, notre archiviste, a numérisé toutes les images des quatre tiroirs et les a envoyées au Canada. J’ai envoyé un échantillon représentatif aux fins de qualité à M. Frogner afin qu’il puisse jeter un coup d’œil et nous dire ce qu’il voulait obtenir comme renseignements supplémentaires.

M. Frogner a choisi les documents des Oblats qu’il voulait voir. Il est entré avec une liste et il a dit : « J’aimerais voir les dossiers du personnel de ces 20 Oblats. » Nous avons récupéré les dossiers et les lui avons remis pour qu’il les examine afin qu’il ait quelque chose à comparer à son retour au Canada.

M. Frogner est toujours le bienvenu s’il doit faire plus de travail. J’ai aussi eu l’impression qu’il était satisfait de ce qu’il avait trouvé.

Père Thorson : Je voulais simplement réitérer le commentaire de M. Meilleur selon lequel M. Frogner pourrait revenir s’il estimait que cela serait utile. Notre administration générale, notre direction à Rome, est favorable à ce travail et est ouverte, comme je l’ai dit, à une autre visite si le CNVR le juge nécessaire.

La sénatrice Martin : Il semble que la plupart des documents pertinents se trouvent au Canada, et je pense donc que l’ouverture s’appliquerait à tout ce qui est nécessaire dans les lieux canadiens où ces documents seront conservés.

Les Oblats ont-ils effectué un suivi pour s’assurer que les dossiers au Canada sont transférés au CNVR?

Père Thorson : M. Meilleur et M. Dosch pourront peut-être en parler, mais le transfert des dossiers est en cours. Nous nous engageons à poursuivre ce travail jusqu’à ce que les documents d’archives pertinents — pertinents pour les pensionnats — soient transférés au CNVR.

M. Meilleur : Si je peux dire quelques mots à ce sujet, quand vous avez rencontré les représentants du Musée royal de la Colombie-Britannique et du Saint Patrimoine, ils ont parlé la semaine dernière du travail à faire pour créer ce dossier qui doit être remis au CNVR. Je crois qu’ils ont parlé de métadonnées à deux reprises, ce qui signifie que chaque document a besoin d’un identificateur unique; il doit être accompagné d’une description, d’un titre ou d’un élément descriptif quelconque. C’est ce qui est fait.

Quand M. Frogner est revenu de Rome, il a en fait passé — je ne vais pas dire une semaine —, mais je sais qu’il s’est arrêté à Deschâtelets pendant qu’il était ici, et je peux laisser M. Dosch en parler. Je sais qu’il s’est rendu au moins au RBCM, comme on me l’a dit, et qu’il y a passé un certain temps, ainsi qu’au Saint Patrimoine, parce qu’il habite à Winnipeg. Je sais qu’il a joué un rôle actif à ces endroits afin de poursuivre leur éducation et qu’il a travaillé avec eux sur les protocoles pour faire numériser les archives et les envoyer au centre national.

La sénatrice Hartling : Merci de votre présence ici et de votre collaboration sur ce sujet. Il s’agit d’un sujet profondément troublant, et comme d’autres l’ont dit, il est essentiel de savoir ce qui se passe.

Je m’inquiète des enfants des pensionnats. Vous avez parlé des photos et ainsi de suite. Quelle est la prochaine étape? Comment ces enfants sont-ils identifiés? Je sais que certains noms ont été changés. Quel est le processus et quels types de compétences sont nécessaires pour s’assurer qu’ils sont identifiés?

Père Thorson : Merci de la question, madame la sénatrice. Peut-être que M. Meilleur ou M. Dosch peuvent en parler. En ce qui me concerne, je m’attends à ce qu’il s’agisse d’une question d’archives d’ordre technique ou de recherche archivistique.

Ce que je dirais, madame la sénatrice, c’est que c’est précisément la raison pour laquelle nous avons offert des fonds aux différents centres pour accélérer ce travail et aider les différentes archives à le faire, parce que, comme d’autres sénateurs et vous l’avez dit, le temps presse. Monsieur Meilleur, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Meilleur : Je peux seulement dire que c’est une tâche difficile. Beaucoup de ces photos sont très anciennes. Je sais que quand M. Frogner et moi étions à Rome et regardions des photos, il a dit : « Oh, je crois que c’est ce pensionnat. D’après ce que je vois, on dirait qu’elle pourrait avoir été prise dans les années 1940 environ. » Ce n’est pas aussi facile que de retourner la photo et que les noms y sont inscrits.

Je ne peux pas parler pour eux, mais je sais qu’ils ont investi ou cherchent à investir dans une sorte de reconnaissance optique qui analyserait certaines de ces images afin de voir si elle peut aussi aider à les identifier. Il y a certains albums-souvenirs qui existent. Il existe un éventail d’outils disponibles pour aider. Quant à la question de savoir s’ils sont aussi bons qu’ils le devraient, je ne peux rien dire de plus pour l’instant.

La sénatrice Hartling : Merci.

La sénatrice Greenwood : Merci d’avoir pris le temps de comparaître devant nous. Je vous en suis profondément reconnaissante.

J’ai quelques commentaires et quelques questions ensuite. Je tiens vraiment à dire à quel point il est important d’essayer d’avoir une idée de la quantité de documents. Pendant que je vous écoute parler de cela, il y a des documents qui sont éparpillés d’un bout à l’autre du Canada dans différents endroits et à l’étranger. Je pense que vous avez décrit certains types de documents qui se trouvent à Rome.

Vous avez piqué ma curiosité quand vous avez parlé des diocèses qui possédaient des registres de naissance et de décès. Ils ont des dossiers très importants qui ne font pas nécessairement partie des organisations avec lesquelles vous travaillez. Ils semblent être indépendants. Je m’imagine aisément qu’il soit donc difficile d’avoir une idée de la quantité, mais je pense que c’est vraiment important parce que nous ne voudrions pas manquer une pièce importante du casse-tête de cette histoire de plus de 150 ans.

Il y a aussi eu des discussions sur la pertinence, les documents pertinents et ce genre de choses. Je me demande quel rôle les peuples autochtones et la CNVR jouent pour déterminer la pertinence. Vous voulez seulement dire : « Pourquoi ne pas tout leur remettre? » Je comprends qu’il y a probablement des choses administratives qui ne sont peut-être pas utiles pour le CNVR, mais qui détermine la pertinence? C’est une de mes questions.

Ma deuxième question est beaucoup plus précise. Il s’agit de dossiers du personnel qui, si je comprends bien — et je vous prie de me corriger si j’ai tort —, peuvent être communiqués deux ans après le décès de la personne. Ce n’est qu’un exemple. Que se passe-t-il s’il y a une preuve d’abus ou de crimes pendant que les enfants étaient sous leur garde? Est-ce que cette information serait communiquée plus tôt ou non, avant leur décès? Je sais que vous avez dit que beaucoup de ces gens sont décédés.

Père Thorson : Oui.

La sénatrice Greenwood : C’est une autre question que les gens posent, j’en suis certaine. La parole est à vous.

Père Thorson : Merci, honorable sénatrice. Si vous me le permettez, je répondrai d’abord à la deuxième question, car c’est évidemment une question importante.

En ce qui concerne les dossiers du personnel, s’il y avait une preuve ou une allégation d’abus contre un Oblat vivant qui travaillait dans les pensionnats ou un Oblat vivant qui ne travaillait pas dans les pensionnats, nous mettrions les dossiers à la disposition des autorités compétentes. Nous mettrions le dossier à la disposition de toute procédure judiciaire qui pourrait être engagée. C’est ainsi que nous fonctionnons depuis de nombreuses années. Je peux vous en assurer.

Qui détermine la pertinence? C’est une question intéressante. Il est certain que, dans le mandat que la Commission de vérité et réconciliation a donné au CNVR au moment de sa création, il y avait un certain nombre de critères ou d’ensembles de documents — les dossiers scolaires, les dossiers des églises baptismales, les photographies et d’autres catégories de documents — qui étaient jugés pertinents, voire nécessaires pour le transfert, la présentation au CNVR.

Je suppose qu’à l’origine, le mandat vient de la Commission de vérité et réconciliation. Nous sommes prêts à étendre ces paramètres comme nous l’avons fait en ouvrant l’accès au Codex Historicus, qui préoccupait vivement les communautés autochtones. C’était le journal quotidien des communautés oblates dans les différentes missions. Dans le pensionnat particulier, il y aurait un journal quotidien appelé le codex. Pendant de nombreuses années — je ne sais pas très bien pourquoi —, ils n’ont pas fait partie de ce qui a été transféré en masse. Après mai 2021, nous avons pris la décision de transférer ces dossiers, et ce travail est en cours. C’est un travail lent parce qu’il s’agit de documents de différentes tailles et qu’ils sont fragiles. Il faut donc y aller page par page. C’est un lent processus, mais nous y arrivons.

Les autres documents, bien sûr, que nous avons décidé de mettre à disposition, ce sont les dossiers du personnel. Il y a une ouverture, mais je m’attends à ce que les dossiers du personnel soient, d’après ce que je crois, tous les documents qui ont trait aux antécédents des pensionnats, avec l’ajout du codex et des dossiers du personnel. Qu’on me corrige si je me trompe, mais je pense que c’est le cas.

La sénatrice Greenwood : Je veux revenir rapidement sur cette question simplement pour m’assurer de bien comprendre.

Vous avez dit tout à l’heure que vous avez une entente, que vous avez signé une entente pour fournir des dossiers. Est-ce que cela inclut les diocèses? Parlez-vous en leur nom aussi?

Père Thorson : Non, nous ne parlons pas en leur nom. Chaque diocèse est une entité distincte, et les évêques parleraient, donc pour leur diocèse.

La sénatrice Greenwood : Est-ce que chaque évêque se trouve donc un endroit précis? Et si vous disiez que les archives restent là où se trouve l’histoire, cela signifie que ces diocèses ont probablement un certain nombre de documents. Est-ce exact?

Père Thorson : Oui, ils en ont, et je ne peux pas parler au nom de tous les diocèses, mais certainement les diocèses qui avaient des pensionnats à l’intérieur de leurs frontières géographiques, pour autant que je sache, collaborent au processus de transfert de documentation au CNVR.

Je suis natif de la Saskatchewan, et je sais que les diocèses de la Saskatchewan participent tous à ce travail, et je m’attends à ce que ce soit le cas partout au pays.

La sénatrice Greenwood : Merci.

Le président : Je vais vous poser une question rapide. Combien de membres du personnel avez-vous embauchés pour accélérer le transfert de tous les documents en votre possession, et quand pensez-vous qu’ils termineront ce travail? En outre, envisagez-vous d’en embaucher plus à long terme? Dans l’affirmative, combien?

Père Thorson : Je vais d’abord laisser M. Meilleur répondre pour OMI Lacombe Canada, parce que c’est lui qui a été le plus étroitement associé à ce travail.

M. Meilleur : Sénateur, à ce jour, nous n’avons embauché personne, mais nous avons financé des organismes pour embaucher des gens. C’est ainsi que nous avons décidé de faire cette tâche. Nous avons demandé au RBCM, à PAA et au Saint Patrimoine de déterminer les compétences qu’ils recherchent et la faiblesse qu’ils ont, et d’embaucher cette personne. C’est ensuite nous qui payons sa rémunération.

Nous finançons également une personne à Richelieu, qui est attitrée aux archives oblates de Lacombe, même si elles sont co-résidantes.

Je sais que les archives ont le droit de recevoir de l’aide de la part du CNVR. Il existe quelques subventions qui ont effectivement financé des personnes supplémentaires. Je dirais que nous avons au moins une personne supplémentaire dans chaque archive qui est financée par les Oblats. Dans certains cas, il y a une personne et demie ou deux personnes supplémentaires. Certaines archives ont aussi un groupe de bénévoles, des gens très dévoués à la vie et au travail d’archivage des Oblats et à l’histoire. Je sais qu’à Saint-Boniface, il y a un groupe de bénévoles qui aident aussi.

Sommes-nous prêts à consacrer plus de ressources? Nous demandons aux archives de nous dire ce dont elles ont besoin et nous examinerons ces demandes et les financerons très probablement.

Père Thorson : J’aimerais répéter ce que M. Meilleur a dit. Nous avons eu ces conversations avec le CNVR. Nous avons fait des offres à certains moments ou exprimé notre ouverture à un financement supplémentaire, et cette offre, cette ouverture d’explorer avec le CNVR et les archives comment nous pourrions aider d’autres, demeure sur la table.

Le président : Merci.

Le sénateur Arnot : J’ai une question et j’aimerais entendre le père Tardif et le père Thorson répondre à la question. Il s’agit du rôle des Oblats dans la réconciliation.

Comme tout le monde le sait, le pape François est arrivé au Canada en juillet 2022, et certains sénateurs étaient présents. Je sais que les sénateurs Francis et Martin y étaient, tout comme moi. Je dirais que ce fût une expérience très émouvante, et l’esprit du message que le pape a donné était que l’église et les peuples autochtones devaient marcher main dans la main sur la voie de la réconciliation. J’entends dire ce soir que les Oblats ont fait preuve de bonne volonté pour remplir les obligations qui leur sont présentées. J’entends dire que des pratiques exemplaires ont été mises de l’avant. J’entends dire qu’il y a beaucoup de collaboration pour accomplir cette tâche avec succès et que la tâche est en fait une énorme entreprise.

Êtes-vous d’accord, père Tardif et père Thorson, pour dire que la transparence par la communication de l’information demandée par l’interlocutrice spéciale indépendante Kimberly Murray, aidera les communautés à guérir? Et êtes-vous d’accord pour dire que la communication de ces documents en temps opportun est un fondement essentiel du rôle que les Oblats doivent jouer dans la réconciliation avec les peuples autochtones du Canada?

[Français]

M. Tardif : Merci, sénateur, de cette question. Oui, je confirme que nous, les Oblats, sommes déterminés à partager et communiquer toutes les informations que nous avons en ce qui concerne notre engagement historique avec les Premières Nations. Nous sommes toujours présents sur la Côte-Nord avec les communautés innues. Depuis quelques années, nous avons créé un centre d’études autochtones à l’Université Saint-Paul, un centre oblat pour la justice dont l’un des dossiers majeurs est celui de la réconciliation.

Il y a une orientation fondamentale de la faculté de théologie sur les questions autochtones. On fait preuve de transparence totale dans la communication de l’information des dossiers. Notre désir est de procéder le plus diligemment possible pour que notre participation à la réconciliation soit vraiment maximisée en ce qui a trait à la progression sur le plan de la collaboration. Nous sommes très soucieux de toutes les manières de participer à la guérison et la réconciliation. Cela passe par la vérité, la transparence et le partage sans condition.

[Traduction]

Père Thorson : Merci de la question, monsieur le sénateur.

J’ai moi aussi eu le privilège d’être présent pour la visite du pape François dans différentes régions du Canada, et à différentes occasions — une en particulier — au Québec, il s’est adressé aux religieux, et il a parlé très clairement à l’église, nous demandant de répondre au mandat moral qui nous est confié en raison de notre histoire et des pensionnats.

En particulier, en tant qu’Oblats, nous comprenons qu’après avoir géré le nombre de pensionnats que nous avons administrés, nous avons un rôle particulier et important à jouer dans ce processus. Nous avons à cœur la transparence et la réconciliation, et le travail de réconciliation.

Vous pouvez imaginer que dans les jours qui ont suivi les annonces de Kamloops, ce fut une période difficile pour tout le monde. Les journées étaient particulièrement tendues dans les communautés où nos Oblats servent et travaillent dans les communautés autochtones. J’ai entendu maintes et maintes fois des histoires de nos Oblats sur le peuple, les peuples autochtones avec qui ils vivent, qui viennent à eux et qui disent : « Père, nous voulons que vous restiez. Nous voulons que vous restiez avec nous, que vous continuiez à vivre avec nous, que vous continuiez à marcher avec nous. »

C’est l’un des efforts fondamentaux à l’égard de la réconciliation de poursuivre le travail d’être avec le peuple. La différence aujourd’hui est que notre travail avec les peuples autochtones est, comme vous l’avez dit, de marcher ensemble. Ce n’est plus nous qui menons la conversation ou qui fixons la direction. C’est certainement dans nos paroisses, dans le travail que nous faisons dans les communautés autochtones. Il est dirigé par des Autochtones, et nous sommes là pour accompagner, apprendre et marcher avec eux.

Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : Je pense que l’on a déjà répondu à ma question, mais permettez-moi de la poser.

Y a-t-il un dossier qui a été demandé par une communauté autochtone ou le Centre national pour la vérité et la réconciliation et que vous ne leur avez pas fourni?

Père Thorson : Sénateur, pour autant que je sache, ce n’est pas le cas. Je crois, encore une fois, que nous revenons à la question précédente, à savoir que nous avons à cœur la transparence. Si nous découvrions que c’était le cas, compte tenu de la loi sur la protection des renseignements personnels dont nous avons parlé plus tôt, nous nous interrogerons là-dessus, mais l’engagement, même avec ceux-ci, est de fournir un accès relativement tôt après la mort de l’Oblat.

Nous nous engageons à fournir au CNVR tous les documents relatifs aux pensionnats afin de les fournir aux communautés autochtones.

La sénatrice Coyle : Merci.

La sénatrice Sorensen : Peut-être une déclaration, peut-être une question, puis une question.

Comme l’a dit le président, le sénateur Francis, au début de la réunion, il y a plusieurs semaines, des témoins de ce comité ont dit que, à leur avis, les documents étaient retenus. Cette semaine, nous entendons des témoins qui expliquent à quel point tout le monde travaille — y compris vous-mêmes — pour essayer de fournir tous les dossiers le plus rapidement possible, bien sûr, avec les défis que posent le temps et le financement.

En tant que membre du comité, j’ai vraiment du mal à déterminer où se trouve cette déconnexion, et je suppose que je vous encourage, vous et d’autres, à essayer de résoudre cette déconnexion. Nous avons clairement entendu des témoins dire qu’il y avait un problème. C’est peut-être juste du temps et de l’argent, mais ce n’était pas l’impression qui nous restait.

Je veux aussi mentionner — pour revenir au personnel vivant — que nous avons du personnel vivant, qui, franchement, sont des archives vivantes, et que ces gens doivent avoir des informations très précieuses. Nous avons des survivants des pensionnats avec des souvenirs innombrables, vivants et traumatisants, et je suppose que je pose la question suivante : est-ce que la récupération des archives, l’interrogation du personnel vivant, l’interrogation de ces archives vivantes, pour recueillir et enregistrer des informations de leurs expériences dans les mêmes pensionnats où nous entendons si souvent et tragiquement des survivants des pensionnats font partie de la réconciliation?

Père Thorson : Merci, sénatrice.

Certes, l’image que vous présentez d’un Oblat vivant comme archive vivante est une image convaincante, et il y a certainement une part de vérité à cela.

On n’a jamais posé cette question auparavant, donc je suppose que je ne peux pas parler au nom de ces Oblats. Je m’attends à ce que certains Oblats qui travaillaient dans les écoles — je ne le sais pas, mais je m’attends à ce que certains Oblats qui travaillaient dans les écoles soient ouverts à ce genre de conversations.

Il s’agit d’hommes âgés, donc par définition, de personnes vulnérables, et nous voulons donc assurer l’accès au dossier historique, et donc, comme je l’ai dit, c’est une idée convaincante. Je pense que c’est une idée que nous pourrions — comme je l’ai dit, je n’en ai pas parlé auparavant, mais je trouve que c’est une idée intéressante. Je voudrais discuter plus avant de cette idée avec mes collègues, le père Luc et les autres dirigeants de notre congrégation.

La sénatrice Sorensen : Merci. Je l’espère.

Le président : Cela nous amène à la fin de notre groupe de discussion. Je tiens à remercier nos témoins d’avoir comparu ce soir. Il s’agit d’une conversation difficile, mais nécessaire, à mesure que nous avançons dans l’esprit de réconciliation. Nous vous avons gardés un peu plus longtemps que prévu et nous vous sommes aussi reconnaissants de votre patience.

Je vous rappelle que vous devrez présenter des réponses écrites de suivi. Nous vous serions reconnaissants de les fournir à notre greffière, Andrea Mugny, d’ici une semaine, si possible.

(La séance est levée.)

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