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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, mardi 9 avril 2024

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), afin d’étudier le projet de loi S-16, Loi concernant la reconnaissance de la Nation haïda et du Conseil de la Nation haïda.

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. Je tiens d’abord à reconnaître que la terre sur laquelle nous nous rassemblons est le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe et qu’elle abrite maintenant de nombreux autres peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits d’un bout à l’autre de l’île de la Tortue.

Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis d’Epekwitk, également connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis le président du Comité des peuples autochtones.

Je demande aux membres du comité de se présenter en indiquant leur nom et leur province ou territoire, à partir de ma gauche.

La sénatrice Martin : Bonjour. Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Prosper : Bonjour. Sénateur Prosper, de la Nouvelle-Écosse, terre des Mi’Kmaqs.

La sénatrice Sorensen : Bonjour. Sénatrice Sorensen, de l’Alberta, territoire visé par le Traité no 7.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish en Nouvelle‑Écosse, dans le Mi’kma’ki.

La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique et originaire du territoire visé par le Traité no 6 dans le centre de l’Alberta.

Le président : Aujourd’hui, nous commencerons l’étude du comité sur le projet de loi S-16, Loi concernant la reconnaissance de la nation haïda et du conseil de la nation haïda. Je vous présente donc nos témoins. Monsieur le président Gaagwiis, wela’lin, merci de vous joindre à nous aujourd’hui.

Le président Gaagwiis fera une déclaration liminaire d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une séance de questions-réponses avec les sénateurs. Je vais maintenant inviter le président Gaagwiis à faire sa déclaration.

Gaagwiis, président, Council of the Haida Nation : Bonjour, sénateur Francis. Bonjour, distingués membres du comité. C’est un plaisir d’être ici aujourd’hui pour ce travail passionnant. Je m’appelle Gaagwiis, Jason Alsop, et je suis président élu de la nation haïda. Je suis ici aujourd’hui pour appuyer fermement le projet de loi S-16, Loi concernant la reconnaissance de la nation haïda et du conseil de la nation haïda.

Ce projet de loi élaboré conjointement est un élément important de la réconciliation entre la nation haïda et le Canada. Nous nous sommes adressés aux locuteurs de la langue haïda pour nous aider à mieux articuler cela dans notre langue, et ils nous ont proposé Gud ad T’alang Hlgung Guulxa Tll Yah da, ce qui signifie : « Des gens qui travaillent ensemble pour redresser la situation. »

Je pense que, comme beaucoup d’entre vous le savent, il y a un long passé trouble entre les peuples autochtones et le Canada. Pour la nation haïda, cela a été exposé pour la première fois par écrit lorsque la commission royale est venue à Haida Gwaii en 1913 pour parler aux chefs haïdas. Les membres de cette commission se sont déplacés pour essayer de parler des réserves et des limites des réserves. Nos leaders ont répondu très clairement aux représentants de la Couronne que la nation haïda était d’avis que nous n’avions jamais cédé ou abandonné des terres ni signé un traité ou perdu une guerre, et que le Haida Gwaii appartenait entièrement aux Haïdas. C’est là-dessus que reposait la discussion entre les Haïdas et la Couronne. À l’époque, on a voulu régler devant la justice ce différend territorial avec le Conseil privé en embauchant un avocat.

La loi et la politique canadiennes ont été conçues pour assimiler les peuples autochtones, nous déconnecter de notre culture, de notre histoire, de nos territoires et de nos semblables, et elles ont causé de grands dommages à nos peuples, à nos terres, à nos eaux et à nos territoires au fil des ans. Le Canada avait rendu illégal l’exercice de notre gouvernance et de nos systèmes juridiques traditionnels en interdisant le potlatch.

Le génocide culturel du système des pensionnats a été conçu pour réduire au silence notre langue, bouleverser notre culture et nos valeurs et briser nos structures familiales. La loi canadienne a même interdit aux peuples autochtones pendant un certain temps d’embaucher des avocats pour se défendre et défendre nos territoires contre le vol de l’exploitation coloniale de nos terres et de nos eaux. C’est l’histoire à laquelle nous faisons face et avec laquelle nous devons essayer ensemble de nous réconcilier.

En réponse à cette oppression du Canada et de la Couronne dans un acte d’autodétermination, le peuple haïda a formé le conseil de la nation haïda en 1974 afin d’affirmer notre plein titre de Haïdas à l’égard de tous les territoires haïdas et de respecter notre responsabilité inhérente de s’occuper de Haida Gwaii — la terre et l’eau.

Pour un contexte historique plus profond, cette année marque les 50 ans de la création du conseil de la nation haïda, qui a pour but de représenter tous les Haïdas auprès du gouvernement dans ces démarches pour notre territoire et pour s’en occuper. En 2003, la nation haïda a officiellement ratifié la constitution de la nation haïda, qui affirme que la nation haïda détient collectivement des titres et des droits héréditaires et ancestraux à l’égard des territoires haïdas et réaffirme la décision de nos ancêtres de travailler ensemble dans les rapports avec les gouvernements de la Couronne.

La constitution reconnaît la citoyenneté de toutes les personnes d’ascendance haïda, affirme que le pouvoir de gouvernance de la nation haïda est dévolu au conseil de la nation haïda, établit en outre le conseil des chefs héréditaires et reconnaît la nation haïda comme société matrilinéaire, ce qui renvoie au rôle de premier plan que les matriarches héréditaires détiennent et au rôle officiel des matriarches héréditaires dans notre organe de gouvernement par l’entremise du groupe responsable de la citoyenneté, K’uljaad Gaa.nga.

La constitution définit également le rôle des conseils de village pour remplir les fonctions de gouvernement local et assumer des responsabilités en vue d’assurer le bien-être de nos communautés. Il établit notre chambre d’assemblée comme autorité législative.

En 2002, le conseil de la nation haïda, au nom de la nation haïda, a entrepris la procédure pour demander une déclaration de titre ancestral pour l’ensemble de Haida Gwaii ainsi qu’une indemnisation et des dommages-intérêts pour les violations de notre titre et de nos droits par la Couronne.

Même si nous devons nous adresser aux tribunaux pour que notre titre à l’égard de l’ensemble des îles soit reconnu, nous avons franchi une étape importante en 2021 avec l’entente-cadre GayGahlda « Changing Tide » pour la réconciliation entre la Colombie-Britannique et le Canada. Il y a un engagement à travailler en s’appuyant sur la reconnaissance du titre et de notre droit à l’autodétermination, ce qui a mené à l’entente de reconnaissance Nang K’uula/Nang K’úulaas, dont découle cette mesure législative.

Mais ce n’est pas nouveau. La nation haïda et le Canada collaborent à la gestion de Gwaii Haanas depuis l’Entente Gwaii Haanas de 1993 et l’Entente sur l’aire marine Gwaii Haanas de 2010 entre le conseil de la nation haïda et le Canada. Le drapeau de la nation haïda flotte devant l’aéroport K’il Kun Xidgwangs Daanaay de Transports Canada. La GRC fait flotter le drapeau, et nous avons depuis longtemps trouvé des moyens de travailler ensemble malgré le différend au sujet du territoire.

Au cas où il y aurait des questions au sujet du rôle du conseil de la nation haïda dans la représentation de la nation haïda et au sujet du travail qui nous a été confié, samedi dernier, par l’entremise de notre chambre d’assemblée, je mentionne que la nation haïda a ratifié une entente sur le titre foncier entre la nation haïda et la Colombie-Britannique, qui reconnaît le titre ancestral dans l’ensemble de l’assise territoriale de Haida Gwaii avec un appui écrasant — plus de 500 personnes ont voté, et 94,5 % d’entre elles y étaient favorables.

Le projet de loi devant vous aujourd’hui est une occasion de reconnaître le modèle de gouvernance élaboré par notre peuple — notre autodétermination — et une occasion de poursuivre le travail du Gud ad T’alang HlGang.gulxa Tll Yahda, ce qui signifie, encore une fois, les « gens qui travaillent ensemble pour redresser la situation » attribuable au passé.

Háw’aa d’avoir pris le temps de m’entendre aujourd’hui.

Le président : Merci, monsieur Gaagwiis.

Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.

La sénatrice Sorensen : Merci de votre présence. J’ai quelques questions concernant certains de vos commentaires.

Je suis l’auteure d’un projet de loi présenté récemment au Sénat dont un passage visait à renommer la réserve de parc pour plutôt l’appeler réserve de parc national et site du patrimoine haïda Gwaii Haanas. Vous avez parlé de la façon dont vous collaborez avec des éléments du gouvernement — je suis une grande partisane des parcs nationaux; je vis dans le parc national de Banff —, et je souhaite en savoir plus sur ce qui est selon moi une structure de cogestion révolutionnaire. Je sais que Parcs Canada travaille très fort dans un certain nombre de ses parcs nationaux en matière de cogestion.

J’aimerais vous entendre parler de la façon dont cela fonctionne. Est-ce qu’il y a des défis à relever et pensez-vous que le processus pourrait être amélioré pour mieux reconnaître les droits territoriaux des Haïdas dans cette région?

Gaagwiis : Háw’aa pour la question. J’ai eu la chance de siéger au Conseil de gestion de l’archipel, qui est chargé de régir et de gérer l’exploitation du site du patrimoine haïda Gwaii Haanas.

L’entente elle-même est intéressante. Nous avons des affirmations parallèles en ce qui concerne la propriété de la région, et nous convenons donc de notre désaccord sur ce point. Mais nous avons trouvé un moyen de travailler ensemble grâce au Conseil de gestion de l’archipel, où les Haïdas et le Canada, qui agissent à titre de coprésidents, sont représentés à parts égales — trois sièges chacun. La tâche consiste à formuler des recommandations consensuelles pour prendre la même décision par le biais de ce processus. Cela a bien fonctionné au fil des ans. Je pense que nous avons eu un différend depuis que nous collaborons. C’est un bon exemple de la façon dont on peut faire les choses.

Pour ce qui est du projet de loi et des mesures à prendre en vue de la réconciliation, nous espérons que nous pourrons le faire adopter, mais aussi passer à l’étude de la partie du texte qui porte sur le territoire et faire reconnaître directement le titre foncier haïda. Cela renforcerait alors la relation dans laquelle nous opérons en nous basant sur la reconnaissance du titre à l’égard de Gwaii Haanas, et nous pourrions ensuite tirer parti de l’expérience acquise en collaborant depuis plus de 30 ans et continuer de la renforcer en tenant compte de la compétence haïda qui occupe une plus grande place.

Je dirais toutefois que nous procédons conformément à nos propres pouvoirs, de sorte que nous avons toujours la capacité de prendre les décisions qui relèvent de notre compétence inhérente. Pour ce faire, les équipes travaillent ensemble, nous obtenons de bonnes informations et nous essayons tout simplement de prendre les meilleures décisions pour le lieu, pour les terres et les eaux.

La sénatrice Sorensen : C’est très intéressant. La ville de Banff se trouve dans un parc national. Cela étant dit, dans mon monde, on sait très bien qui a le pouvoir. Dans cet exemple, on dirait que c’est beaucoup plus équitable dans les discussions et qu’on tente de parvenir à un consensus. Je pense que ce sera un modèle pour Parcs Canada à l’avenir où d’autres communautés autochtones se trouvent dans un parc national.

C’est plutôt un apprentissage pour moi parce que je ne comprenais pas tout à fait cela. La Constitution de la nation haïda reconnaît les chefs héréditaires du potlatch?

Gaagwiis : C’est exact. Oui.

La sénatrice Sorensen : Je ne comprends pas ce que cela signifie. Cela s’ajoute au conseil élu. J’aimerais en savoir plus sur leur rôle et leur importance dans la nation haïda. Par exemple, quel rôle les chefs héréditaires ont-ils joué dans un processus comme la négociation de ce projet de loi? Je suis curieuse de savoir quel est ce rôle.

Gaagwiis : Merci. Un chef héréditaire du potlatch est un leader, un chef qui est mis en place par son clan. C’est fait conformément à notre système de gouvernance traditionnel. On prend un nom héréditaire et les responsabilités qui s’y rattachent pour représenter son clan, sa famille et son territoire. Le chef doit avoir le soutien de son peuple et de l’autre leadership héréditaire dans ce processus. Il faudrait que vous nous rendiez visite un jour, et vous pourrez participer.

Les chefs héréditaires du potlatch forment un conseil des chefs héréditaires au sein de notre organe directeur. Pour négocier et mener nos activités, nous avons un comité de négociation qui comprend des représentants du conseil de la nation haïda, des membres nommés par le conseil des chefs héréditaires et nos deux conseils de village. Ils participent lorsque nous rédigeons des ententes et que nous suivons le processus d’approbation et de ratification avant de les présenter.

Il s’agit d’un système de gouvernance inclusif qui comprend toutes nos formes de leadership, mais ils veillent vraiment sur nous et surveillent ce qui se fait.

La sénatrice Sorensen : C’est un modèle de gouvernance intéressant, bien sûr. Absolument. Sur ma liste de choses à faire se trouve la réserve de parc national Gwaii Haanas, et la région est un endroit que j’aimerais visiter.

Je pourrais peut-être dire officiellement à la greffière que cela pourrait figurer sur notre liste des endroits où le comité voudrait se rendre. Je pense que ce serait une excellente occasion.

Le président : C’est certain. Merci, sénatrice Sorensen.

La sénatrice Martin : Je pense que c’est une excellente idée, sénatrice Sorensen. Je vis en Colombie-Britannique, mais je n’ai pas encore visité l’endroit, et ce serait donc une merveilleuse occasion.

Merci beaucoup d’être ici et pour votre déclaration liminaire. Cela a été tout un processus, et je dirais même un long processus. Je suis sûr qu’il y a eu des changements dans le leadership, ainsi que toutes sortes d’autres changements que vous avez dû affronter.

Mes questions seront liées à ce qui se passera dans le processus à l’avenir si le projet de loi S-16 est adopté. Nous sommes ici à l’étape du comité, mais il sera également renvoyé à la Chambre, de sorte qu’il y a encore quelques étapes à franchir.

Quel sera l’avantage ou le changement le plus important pour la nation haïda une fois que le projet de loi S-16 entrera en vigueur? Comment modifiera-t-il le processus de négociation avec le gouvernement fédéral? C’est ma première question.

Gaagwiis : Nous avons les invitations là. Encore une fois, háw’aa pour vos mots en parlant du projet de loi.

Cette mesure reflète ce que le gouvernement provincial avait déjà fait en mai dernier. En un sens, c’est une occasion pour le Canada de reconnaître ce qui existe déjà et ce qui est en place depuis de nombreuses années. Il y a un élément qui est un peu pratique et technique en nous permettant de fonctionner comme un gouvernement sans avoir recours à la Societies Act de la Colombie-Britannique dans cette partie.

Nous avons tenu une table de négociation tripartite avec la Colombie-Britannique et le Canada, où, comme je l’ai dit, nous avons agi de façon bilatérale avec la province en ce qui a trait à la reconnaissance d’une affirmation du titre foncier ancestral. Nous espérons faire de même avec le Canada et adopter la même approche. Cette entente est publique. Elle est disponible. Vous pouvez voir comment nous avons établi un moyen de reconnaître et d’affirmer notre titre foncier. Nous nous engageons à respecter les terres privées ou en fief simple dans cette entente et à permettre aux administrations municipales de Haida Gwaii de continuer de fonctionner comme elles les font actuellement.

Entre 2005 et 2008, nous avons conclu des ententes et établi des relations avec nos amis et voisins de Haida Gwaii, qui habitent Haida Gwaii et qui vivent sur notre territoire. Nous respectons ces dispositions dans notre entente avec la Colombie-Britannique.

Nous adopterions donc la même approche où vous pourriez faire reconnaître le titre ancestral à l’égard de Haida Gwaii. Nous établissons une période de transition au cours de laquelle nous travaillons ensemble pour réconcilier notre compétence et nos lois, d’une façon qui permet à la nation haïda, avec le temps, d’élaborer et de mettre en place ses lois en les codifiant davantage, pour ensuite négocier avec le Canada sur la manière d’exécuter cette mise en œuvre.

Avec Gwaii Haanas, par exemple, nous le faisons déjà d’une certaine façon lorsque la loi et la compétence haïdas sont établies, respectées et suivies. Je pense que nous pouvons simplement continuer à officialiser l’approche, peut-être dans les prochaines étapes, en négociant de manière à ce que les Canadiens et Canadiennes comprennent mieux.

À l’avenir, nous espérons en faire autant avec le Canada que ce que nous avons fait avec la Colombie-Britannique.

La sénatrice Martin : Cela touche à ma deuxième question, qui porte sur la période de transition. Je crois savoir que cette période est d’environ deux ans, mais, en fait, c’est essentiellement le reflet de ce qui se fait en Colombie-Britannique — pour que le Canada rattrape le retard.

Cela va-t-il prendre plus de deux ans? Tout est-il en place pour que ce soit élaboré en temps opportun? Je sais que vous avez attendu longtemps, et il s’est écoulé un an depuis que vous avez signé l’entente avec la Colombie-Britannique.

Sera-t-il question d’un processus de deux ans? Vous avez parlé d’officialisation, mais y a-t-il quelque chose de plus précis en ce qui concerne les priorités des Haïdas?

Gaagwiis : Merci.

Lorsque nous parlons du processus de transition de deux ans, nous mettons l’accent sur les terres. C’est notre priorité. Avec la Colombie-Britannique, nous nous sommes concentrés sur les aires protégées, les sites patrimoniaux haïdas et les zones forestières. Ce serait là le point central de la période de transition de deux ans. Nous examinerions surtout cette partie de l’assise territoriale.

Toutefois, nous reconnaissons qu’il s’agit d’un processus et d’une relation continus. À mesure que la nation haïda déterminera les autres priorités, nous continuerions de nous pencher là-dessus en abordant d’autres aspects, peut-être la sensibilisation et l’élaboration d’autres lois. Mais en ce moment, l’accent est mis sur la gouvernance et la gestion des terres, et sur la mise au premier plan de la culture, de l’histoire et des valeurs haïdas dans la façon dont cela se déroulera à l’avenir.

Notre expérience a montré que les lois provinciales n’ont pas fonctionné en notre faveur pour ce qui est de s’occuper de la terre et de redonner les avantages à la nation haïda et à la population de Haida Gwaii. Par conséquent, nous cherchons à rectifier cela en puisant dans notre histoire, notre expérience et notre culture pour élaborer les lois.

Ce sera un processus continu. Nous l’avons qualifié de processus ordonné et graduel en ce qui a trait à la façon dont nous examinons chacun de ces secteurs de notre vie et de notre société, et à la façon dont la nation haïda, les gens qui vivent à Haida Gwaii et les gouvernements respectifs se penchent là‑dessus.

La sénatrice Martin : Merci.

Le président : Je vais maintenant poser une question, monsieur Gaagwiis.

Selon un article de presse, certains membres de la communauté ont exprimé des préoccupations au sujet de la signature de l’entente de reconnaissance et, par extension, au sujet de cette mesure législative. Plus précisément, un groupe de matriarches craint la perte de sa société menée par des femmes.

Je me demande simplement si vous êtes au courant de leurs préoccupations et, dans l’affirmative, comment vous envisagez d’y répondre.

Gaagwiis : Merci, sénateur Francis.

Je suis au courant des préoccupations exprimées. Dans notre constitution, nous avons des processus pour traiter nos conflits internes et les questions qui surgissent. Ce groupe a utilisé le système de gouvernance pour présenter une pétition, qui a été traitée dans le cadre de notre processus.

Il y a eu un dialogue continu avec certains de ces membres. Bon nombre de ces membres continuent également de participer à notre gouvernance.

C’est un travail en cours, et ce que j’ai dit à propos de ce qui nous a menés là explique en grande partie ce que nous devons affronter et traiter. Il y a beaucoup de traumatismes, de guérisons ainsi que de méfiance envers le gouvernement et ce que cela signifie.

La principale réponse à votre question est que nous continuerons d’utiliser notre système de gouvernance tel qu’il est décrit dans notre constitution et les outils dont nous disposons pour assurer un dialogue, une communication et une information continus afin que nos citoyens et notre peuple comprennent vraiment ce que cela signifie. Ce que nous avons connu, c’est une grande inquiétude et une désinformation au sujet de la perte d’avantages par le biais du système de la Loi sur les Indiens en matière de santé et d’éducation. On craignait que l’expérience d’autres nations dans le cadre de traités ou d’autres processus s’ajoute ensuite à cela.

Il y a beaucoup de travail continu pour assurer une bonne communication, une bonne sensibilisation et une bonne compréhension de ce que ces choses signifient au sens juridique et politique. Parfois, il est difficile de simplifier ce qui se passe lorsque nous tentons de faire face au passé. Il y a beaucoup de traumatismes qui y sont associés et qui créent parfois des obstacles à la compréhension. Il s’agit de vraiment créer l’espace pour guérir ensemble.

C’est notre travail en tant que nation. Notre constitution articule clairement le fusionnement d’un système héréditaire démocratique. Nous réussirons en continuant à réaliser cette guérison et à aller de l’avant ensemble en tant que nation.

Je reconnais qu’il s’agit d’un travail continu et approfondi pour nous, mais il faut aussi continuer à aller de l’avant avec ce genre de loi et reconnaître comme il se doit le titre à l’égard de nos terres, ce qui contribue à rétablir une forme de confiance avec les gouvernements de la Couronne. Il s’agit en grande partie du fait que l’histoire des peuples autochtones et des gouvernements de la Couronne n’est pas bonne, de sorte que l’expérience historique et les traumatismes associés à ces expériences entrent dans ce genre de travail.

Je dirais qu’il s’agit d’un engagement continu à composer avec cela.

Le président : Merci de cette précision.

Le sénateur Prosper : Je vous remercie d’être venu, monsieur Gaagwiis.

J’apprécie vraiment la nature de votre témoignage, la vision et la persévérance de votre nation pour en arriver à cette étape. Je ne peux qu’imaginer les processus et les systèmes liés à l’obtention d’un consensus et à la discussion de questions difficiles étant donné la diversité de l’histoire et des défis auxquels votre peuple a fait face.

J’ai une question qui donne suite à ce que le président a dit. Vous avez très bien exposé les défis, les craintes et les perceptions qui existent dans n’importe quel pays quand vous avez un réel changement mis en œuvre avec la vision qui le soutient.

Votre constitution, qui est mentionnée dans l’entente de reconnaissance, prévoit pour la nation haïda une forme de gouvernance démocratique et héréditaire entièrement responsable. De plus, vous avez mentionné tout à l’heure dans votre témoignage qu’il y a un fusionnement des systèmes démocratiques et héréditaires.

Pouvez-vous expliquer ce processus particulier et certains des seuils — le vote en soi, par exemple — qui sont compris dans ce fusionnement?

Gaagwiis : Háw’aa pour la question.

L’un des éléments fondamentaux de la partie démocratique de notre gouvernement est qu’il nous faut la majorité des trois quarts. Toutes les décisions du conseil de la nation haïda, du conseil des chefs héréditaires ou de notre chambre d’assemblée sont prises à la majorité des trois quarts, soit 75 %. Il y a donc beaucoup de travail à faire afin d’obtenir ce soutien majoritaire pour tout ce qui est proposé.

Pour ce qui est du fusionnement, c’est une bonne question; c’est intéressant. C’est là le volet démocratique de ce processus. Nous élisons démocratiquement un président, un vice-président et des représentants régionaux. Dans notre système de gouvernance traditionnel — nos chefs du potlatch, nos clans —, nous avons ces couches pour nous identifier parfois. Nous sommes des citoyens haïdas. Nous sommes membres du clan. Parfois, nous sommes des membres de la bande. En général, la façon dont les choses fonctionnent, c’est que pour les chefs et leurs clans, s’il y a vraiment quelque chose où il n’y a pas de soutien ou s’il y a un désaccord, cela se répercutera dans un clan et une famille. La capacité d’atteindre une majorité de trois quarts serait considérablement diminuée.

Il n’est pas facile de répondre à cette question en ce qui a trait à la dynamique culturelle et sociale de l’évolution des positions des gens, mais nous publions tous nos dossiers, comme nos comptes rendus de réunions et nos composantes financières en tant que gouvernement. Nous organisons quatre séances saisonnières de rapports chaque année en plus de toute autre séance qui s’impose.

Il a vraiment beaucoup de freins et de contrepoids en ce qui concerne les choses qui vont de l’avant pour le dialogue avec notre conseil des chefs héréditaires. Ensuite, cela se répercuterait jusqu’au niveau des clans. Au niveau des conseils de village, à ces tables, les choses seraient présentées et se répandraient là, puis s’étendraient à l’échelle de toute la nation.

C’est assez intéressant de fusionner tout cela. Pour obtenir une majorité des trois quarts, il faut beaucoup de soutien.

Le sénateur Prosper : Merci d’avoir expliqué cela. Je ne peux qu’imaginer le processus. J’étais auparavant chef dans ma communauté, et je comprends les dynamiques communautaires que vous avez mentionnées. Ce seuil de 75 % est assez impressionnant.

L’application et la reconnaissance font partie intégrante de la loi haïda. Vous avez mentionné tout à l’heure dans votre témoignage qu’un processus est prévu dans lequel vous envisagez de codifier cette loi.

Quand vous regardez ou étudiez la loi haïda, comment cela se rapporte-t-il à l’élément central de la gouvernance de la nation haïda? Comment ce projet de loi présentera-t-il ou incorporera-t-il la loi haïda dans une structure de gouvernance?

Gaagwiis : Ce projet de loi n’a rien à voir avec la façon de procéder de la nation haïda, avec l’application de la loi haïda et de notre système de gouvernance. Encore une fois, nous avons notre structure depuis déjà 50 ans. Notre constitution permet des modifications. L’étude de l’évolution ou des changements de notre gouvernance en fonction de notre système de gouvernance traditionnel et de nos lois anciennes fait partie d’une évolution qui, je crois, se poursuivra au fil du temps.

Je ne voudrais pas dire que ce projet de loi porte nécessairement atteinte à cela directement. C’est une affaire interne et inhérente à la nation haïda, mais ce projet de loi et les travaux à venir peuvent contribuer à consolider l’environnement dans lequel nous travaillons en appliquant ces lois à l’assise territoriale et, pour être honnête, à la relation entre la nation haïda, le conseil de la nation haïda et le Canada en ce qui concerne les ressources pour soutenir l’évolution continue de notre autonomie gouvernementale afin de faire un examen approfondi et de discuter avec notre peuple de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas et de continuer d’apprendre de nos expériences pour intégrer davantage notre culture, notre histoire et nos valeurs à notre forme moderne de gouvernance. Il s’agit d’apprendre comment cela s’articule dans la langue, la culture, les processus et les systèmes.

Il y a là une belle occasion de poursuivre cette croissance dans cette évolution pour combiner certains des éléments que nous avons adoptés au sens occidental dans la formation d’une constitution et l’adoption de certains systèmes ou processus d’autres gouvernements et nations. Un aspect intéressant de cela consiste à continuer d’intégrer une plus grande part de notre culture et de notre histoire à la façon dont notre gouvernance évolue afin de mettre en œuvre nos lois alors que nous avançons dans ce cheminement.

Le sénateur Prosper : Merci.

La sénatrice Greenwood : Bonjour, et merci beaucoup d’être venu jusqu’ici pour être avec nous. Je sais que c’est loin de chez vous. C’est un véritable honneur de vous avoir ici aujourd’hui, et c’est un véritable honneur pour moi d’être la marraine de ce projet de loi au Sénat. Meegwetch, hiy hiy.

J’ai quelques questions à clarifier rapidement, puis je veux vous donner l’occasion de nous parler de l’engagement. J’ai lu un certain nombre de documents sur le conseil des chefs héréditaires et j’ai été dans des potlatchs dans différentes régions du Nord de la Colombie-Britannique. Vous avez parlé de chefs héréditaires, et je sais que les chefs héréditaires peuvent être des hommes et des femmes. Est-ce aussi le cas au sein de la Nation haïda?

Gaagwiis : Oui, merci. Nous avons aussi des femmes chefs héréditaires, oui. Une chose que je n’ai pas mentionnée et qui est aussi une partie importante du fusionnement de ces systèmes de gouvernance est notre Haida Accord, que l’on peut consulter sur notre site Web.

C’est le fruit du travail acharné des dirigeants du conseil de la nation haïda, des conseils des chefs héréditaires et des conseils de village pour présenter un engagement envers notre peuple. L’examen et la mise en œuvre de ce document, qui oblige aussi tout le monde à respecter la Constitution de la nation haïda, font partie intégrante de notre travail. C’est très intéressant, n’est-ce pas? Certaines de ces choses sont sur papier, écrites et clairement articulées, puis il y a toutes les autres parties de notre système culturel qui reposent sur la communication orale et les relations. C’est une belle chose d’y prendre part, et pour parler des lois haïdas, l’idée de les codifier fait partie de ce que nous envisageons à l’avenir.

Pour avoir du succès dans nos échanges, nous nous appuyons sur le yahguudang, c’est-à-dire le respect, et notre constitution est très claire sur les différents droits individuels de croyance, d’opinion et de perspective, et elle essaie tout simplement de continuer de maintenir le respect dans la façon dont nous nous comportons, peu importe la partie de notre système de gouvernance qui est appliquée. Il s’agit d’un élément fondamental très important auquel les aînés et les chefs nous font toujours penser au moment de faire le travail. Comme les sénateurs le savent, il y a toujours des désaccords ainsi que des opinions et des perspectives différentes en politique, mais la façon de se comporter et de procéder dans l’intérêt de la nation et de tout le monde est vraiment l’élément central.

Le territoire — un élément fondamental pour nous dans notre mandat et nos responsabilités consiste d’abord et avant tout à s’occuper de la culture, du territoire, de tous les êtres, et tout cela revient à veiller sur nous... C’est parfois peut-être un peu différent des autres façons de voir les choses où c’est plus individualiste ou centré sur les gens. De notre pointe de vue, il faut prendre soin des terres, et elles prendront ensuite soin de nous. Ces relations ne sont pas seulement entre nous, mais aussi entre nous et les terres elles-mêmes, les êtres physiques, les êtres surnaturels et le côté spirituel des choses.

Je suis vraiment privilégié de représenter la nation et d’avoir hérité d’une base aussi solide grâce au travail de tant de dirigeants et de gens qui ont subi tant de changements, de traumatismes et de dommages causés à nos territoires et à nos peuples. Des milliers de Haïdas vivaient partout dans les îles et avaient notre système de potlatch qui régissait la façon dont ils interagissaient entre eux et avec le territoire. À un moment donné, nous n’étions plus que des centaines et nous avons dû relever les défis attribuables à l’imposition des gouvernements de la Couronne, mais nous avons persévéré et avons trouvé notre propre système et notre propre façon de relever nos défis contemporains. Nous sommes vraiment très chanceux d’avoir eu tout ce leadership et tout ce travail de dirigeants et de personnes qui sont aujourd’hui nos ancêtres, et je suis toujours impressionné par ce qu’ils ont pu accomplir et mettre de l’avant pour nous aujourd’hui et pour les générations futures.

La sénatrice Greenwood : Merci beaucoup pour cette réponse. Je peux vraiment comprendre à quel point il est très difficile de bien rendre ce qu’il en est en anglais, et c’est seulement un des éléments que vous avez abordés.

J’ai une autre question qui est vraiment d’ordre pratique. Dans le cadre de tous ces processus et des efforts déployés pour parvenir à toutes ces ententes, pouvez-vous nous dire ou simplement nous décrire comment vous avez noué un dialogue avec les gens? Je veux juste me faire une idée. Comment avez-vous procédé dans la communauté? Comment avez-vous noué le dialogue avec la communauté pour obtenir ce consensus ou cet appui de 75 %? À quoi cela ressemble-t-il?

Gaagwiis : Dans notre constitution, nous avons quelques composantes obligatoires, dont une qui consiste à organiser des séances saisonnières pour rendre compte du travail que nous faisons, de ce qui se passe avec les négociations, de ce qui se passe sur le plan opérationnel. Pendant la COVID, nous nous sommes adaptés, comme tout le monde, en utilisant l’application Zoom et nous avons poursuivi notre travail de gouvernance de cette façon. Nous avons maintenant repris nos réunions en personne, et il y en a donc régulièrement.

Nous publions nos lois haïdas et nos communications, et nous avons notre site Web et notre présence sur les médias sociaux. Ensuite, par l’intermédiaire de nos représentants, nous avons des représentants régionaux qui sont élus, et ils interagissent également avec les citoyens à un niveau individuel ou à différents niveaux sur le plan personnel.

Puis il y a notre conseil des chefs héréditaires. Nous lui présentons le travail qui est effectué et nous veillons à ce qu’il soit au courant de ce qui se fait. Nos structures de comités sont vraiment intéressantes. Nous avons des comités qui comprennent non seulement des membres élus du conseil de la nation haïda, mais aussi des représentants de nos conseils de village et des conseils de chefs héréditaires. Comme tous les gouvernements, nous faisons de notre mieux avec les ressources dont nous disposons et nous essayons d’informer les gens de ce qui se passe et d’obtenir leur appui.

Le moment le plus important dans notre modèle de gouvernance est la réunion annuelle de la chambre d’assemblée où tout citoyen haïda peut présenter une résolution et essayer d’obtenir l’appui des trois quarts des personnes présentes. Si nous ne faisons pas du bon travail ou si nos gens ne soutiennent pas les mesures ou ne les comprennent pas, il est possible de corriger le tir en présentant une résolution pour faire autre chose. Si la majorité est d’accord, cela indique au conseil de la nation haïda qu’il doit corriger le tir ou adapter sa façon de faire. Nous nouons le dialogue de différentes façons.

La sénatrice Sorensen : Je viens de penser à une autre question. J’ai quelques notes ici sur le cadre de réconciliation GayGahlda « Changing Tide », et je crois comprendre, d’après ces notes, que le cadre de réconciliation a énoncé un certain nombre de priorités haïdas, et j’ai une liste ici. Je ne sais pas combien de priorités il y avait, mais avec cette loi et les autres ententes, toutes ces priorités ont-elles été respectées? Pensez-vous que ce cadre est respecté dans ce projet de loi? Si le projet de loi est adopté, ce cadre et ces priorités seront-ils réglés?

Gaagwiis : Je dirais que non.

La sénatrice Sorensen : D’accord.

Gaagwiis : Je pense que c’est un début. De notre point de vue, je pense que cela avance un peu plus lentement que ce que nous aimerions.

La sénatrice Sorensen : Faites des appels à l’action.

Gaagwiis : Cela reconnaît, encore une fois, le volet d’autodétermination que l’on retrouve ici. Notre priorité est la reconnaissance de notre titre à l’égard de toutes les terres, et tout part de là.

La sénatrice Sorensen : D’accord.

Gaagwiis : Je pense que je devrais dire que tout cela se situe dans le contexte de l’affaire judiciaire en cours et du litige porté devant les tribunaux il y a plus de 20 ans. Les positions juridiques antérieures des gouvernements, que nous avons fait progresser au fil du temps, ne reconnaissaient pas le titre de propriété de la nation haïda à l’égard de l’ensemble du territoire. Tous les efforts déployés dans la poursuite visent à atténuer de même qu’à casser ce point de vue et cette revendication. On dit : « Oh, vous avez de vastes droits, des titres et des droits ici et là, et ils sont éparpillés. Vous avez des réserves, et la nation haïda doit prouver au Canada où sont exactement ces titres et ces droits. » On tente essentiellement de nous diviser en disant qu’il y a différents clans, tribus et bandes dans la revendication que nous avons présentée devant les tribunaux et que nous ne formons pas une nation.

L’important ici, c’est qu’on reconnaît clairement la nation haïda comme la détentrice du titre et des droits à l’égard de Haida Gwaii ainsi que le système de gouvernance que nous avons mis en place en réponse à l’oppression de la Couronne. Il s’agit d’un élément fondamental qui consiste à cimenter ou à ancrer cela clairement dans cette relation à l’avenir plutôt que d’essayer de nous définir et de nous diviser pour nous conquérir afin de ralentir le processus de réconciliation et de détermination de ces choses.

Il y a encore les questions liées au titre de propriété de la terre, l’indemnisation pour réparer les dommages ainsi que les éléments prospectifs concernant la façon de procéder pour redresser les torts causés à la terre et aux océans et investir dans la gouvernance afin de, encore une fois, s’adapter à ce que les gens veulent. De plus, nous devons nous attaquer ensemble aux questions liées au changement climatique et à d’autres questions sociétales auxquelles nous faisons tous face : les communautés autochtones, les habitants de la Colombie-Britannique et les autres Canadiens.

Il faut essayer de composer avec tous les dommages et tous les préjudices du passé, mais aussi regarder de l’avant dans le travail que nous devons faire.

La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup.

La sénatrice Martin : J’aimerais revenir un peu à ce que vous avez dit à propos du dialogue en répondant à une question de la sénatrice Greenwood. Je pense que vous avez fait allusion à d’autres personnes qui vivent sur Haida Gwaii et qui ne sont pas membres de la nation en soi. Avec l’adoption du projet de loi S-16, j’étais curieux de savoir comment le conseil de la nation haïda respectera les lois et les services municipaux.

Gaagwiis : Háw’aa. Avec le projet de loi S-16, il y a deux éléments. Il est très clair qu’il n’a aucune incidence sur les relations entre nos conseils de village et le Canada ou la Colombie-Britannique, de sorte que, encore une fois, les services offerts dans nos réserves demeureront les mêmes.

Lorsqu’il est question des municipalités, qui sont les villages créés par la Colombie-Britannique, je suppose, il faut mentionner que nous avons beaucoup de citoyens haïdas qui vivent dans tous ces villages de Haida Gwaii, alors parfois nous les considérons comme des collectivités et des municipalités haïdas. C’est la compétence établie par la province, que nous avons honorée dans notre entente sur les titres fonciers avec la Colombie-Britannique. Il n’y a pas d’incidence sur les services offerts aux municipalités. Ils restent les mêmes. On perçoit des taxes et des impôts. Tous les services demeurent les mêmes dans les domaines de la santé et de l’éducation pour tous les citoyens, que vous soyez Haïda, Britanno-Colombien ou Canadien vivant à Haida Gwaii.

Le dialogue avec les maires et les communautés a été très positif. Comme je l’ai dit, nous avons des ententes dans lesquelles nous avons pris des engagements les uns envers les autres. Nous les avons invités à participer aux discussions sur la forme que la réconciliation prend en ce qui concerne les titres à l’égard de Haida Gwaii. Ils les ont acceptés. Ils ont reconnu nos titres, et nous nous sommes engagés à travailler ensemble et à ne pas déposséder les gens de leurs maisons et de leurs terres privées, mais aussi à ne pas changer leurs collectivités.

Je rencontre chaque mois les maires par l’intermédiaire de la table du protocole de toutes les îles. Nous venons de conclure une série d’engagements avec tous les conseils municipaux et toutes les mairies. Il y a un immense appui des habitants de Haida Gwaii, qui soutiennent le conseil de la nation haïda dans notre travail. Ils appuient la reconnaissance du titre haïda, ils voient des occasions à saisir et ils sont enthousiasmés par ce à quoi l’avenir des îles pourrait ressembler.

Avec les lois de la Couronne et la façon dont les choses sont mises en place, nous avons appris que les recettes et les avantages de tous les arbres qui ont été coupés et qui sont expédiés vers le sud dans des usines de la région de la vallée du bas Fraser ont été versés au gouvernement. On a gagné des milliards de dollars en exploitant les forêts de Haida Gwaii, mais il n’y a pourtant aucune infrastructure, aucune piscine et aucun centre récréatif sur place. Il n’y a pas grand-chose à montrer à tous les habitants de Haida Gwaii malgré toutes les ressources qui ont été extraites.

Leur expérience est la même. Ils voient que toutes les ressources ont été prises et que la communauté haïda et les municipalités n’en ont pas profité. Ensemble, nous voyons une occasion d’essayer de changer la donne et de mieux faire pour tous les habitants de Haida Gwaii en tant que communauté insulaire.

La sénatrice Martin : Merci.

Le président : C’est tout le temps que nous avions à consacrer à ce témoin. Je tiens à remercier à nouveau le président Gaagwiis de s’être joint à nous aujourd’hui. C’est ainsi que se termine notre réunion.

(La séance est levée.)

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