LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 17 avril 2024
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021 par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Le sénateur David Arnot (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, je tiens d’abord à rappeler que le territoire sur lequel nous nous réunissons est le territoire traditionnel ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinaabe et qu’il est aujourd’hui le foyer de nombreuses autres communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’Île de la Tortue.
Je m’appelle David Arnot, sénateur de la Saskatchewan. J’assume la vice-présidence du Comité sénatorial des peuples autochtones et je vais maintenant demander aux membres du comité — les sénateurs ici présents — de se présenter en indiquant leur nom et leur province ou territoire.
La sénatrice Martin : Bonsoir. Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur McNair : Bonsoir et bienvenue. John McNair, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Hartling : Bonsoir. Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick, Mi’kma’ki.
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta — parc national Banff, territoire du Traité no 7.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, Antigonish, Nouvelle-Écosse, Mi’kma’ki. Soyez les bienvenus.
Le vice-président : Bienvenue à tous les témoins. Aujourd’hui, chers collègues et visiteurs, nous poursuivons notre nouvelle étude de la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021 — autrement désignée par le sigle DNUDPA — par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Le comité entend des témoins pour approfondir son étude. Permettez que je présente maintenant nos témoins. Le chef national Elmer St. Pierre et le chef adjoint national Kim Beaudin comparaissent à distance. Ils représentent le Congrès des peuples autochtones.
De l’Association nationale des centres d’amitié, nous accueillons Kelly Benning, présidente, Kara Louttit, analyste des politiques, et Samantha Jack, directrice pour la jeunesse.
Je remercie les témoins de leur présence parmi nous aujourd’hui. Chacun fera un exposé préliminaire de cinq minutes, qui sera suivi d’une période de questions avec les sénateurs. J’invite maintenant le chef national St. Pierre à nous présenter son exposé au nom du Congrès des peuples autochtones. Merci.
Elmer St. Pierre, chef national, Congrès des peuples autochtones : Merci, sénateur. Kwe, honorables sénateurs. Avant de commencer, je tiens à rappeler, moi aussi, que nous nous réunissons aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé de mon peuple, les Algonquins. Je voudrais également remercier chacun de vous d’avoir pris le temps de nous rencontrer pour discuter de ce sujet très sérieux. Pour les Autochtones, la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est probablement la mesure législative la plus importante que le Canada ait jamais déposée et qui aura probablement le plus grand impact sur nos communautés.
Nous espérons que cette loi, si elle est appliquée honnêtement, éliminera les obstacles auxquels nos communautés sont confrontées et leur permettra de progresser. Elle peut permettre de lutter contre le racisme et la discrimination dont sont victimes les Autochtones toujours pris en otage par la Loi sur les Indiens et d’autres lois et politiques. En comblant l’écart socioéconomique et en favorisant une plus grande égalité et une plus grande prospérité, on peut espérer améliorer la vie des personnes vivant hors réserve et des communautés sans statut, qui sont souvent laissées pour compte et ignorées.
Le Congrès des peuples autochtones, ou CPA, espère que le plan d’action aboutira à une loi et à un changement de politique et que ces changements permettront de concrétiser les engagements énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA, concernant, par exemple, l’autodétermination, le respect des droits des Autochtones, et la réconciliation. Cela devrait se traduire par un accès équitable à des programmes et à des services qui combleront l’écart socioéconomique des Autochtones, quels que soient leur statut et le lieu de résidence. Malgré tous nos efforts pour communiquer avec nos communautés, beaucoup d’enjeux restent sans solution.
Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue, le chef adjoint national Beaudin, qui vous expliquera certaines de nos principales préoccupations.
Kim Beaudin, chef adjoint national, Congrès des peuples autochtones : Merci, monsieur St. Pierre, et merci à vous, honorables sénateurs.
En octobre 2020, le CPA et ses organisations provinciales et territoriales se sont réunis avec des représentants de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, ou RCAANC, pour leur faire part de leurs préoccupations concernant le processus de consultation et, en particulier, le manque de temps et de transparence. Ces problèmes sont tels qu’il est très difficile pour le CPA, ses organisations provinciales et territoriales et les communautés qui s’y rattachent de contribuer au plan d’action découlant de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. C’est important pour améliorer la situation des Autochtones.
En mars 2022, près d’un an après la sanction royale accordée en juin 2021, le CPA a obtenu du financement pour organiser des séances de consultation avec les communautés au sujet du plan d’action. En octobre 2022, après trois séances exhaustives et productives, il a présenté un premier rapport. Il s’y engageait de bonne foi et y énumérait de multiples propositions au ministère concernant l’élaboration du plan d’action, dont une recommandation détaillée pour assurer la cohérence des lois. Même après la publication du plan d’action, le CPA a continué d’approfondir l’examen de ces cadres de réglementation importants en procédant à un examen interne exhaustif.
Mais le résultat jusqu’ici se solde par plus de difficultés et de lacunes que de réussites et de possibilités. L’une des principales difficultés est l’approche fondée sur les distinctions, qui est exclusive et discriminatoire. Cette approche sépare délibérément les Métis et les Inuits non inscrits vivant hors réserve en milieu urbain ou rural de leurs parentés et de leurs communautés. Les Autochtones qui ne correspondent pas aux catégories politiques étroites sont regroupés dans le chapitre « Priorités partagées », où il n’y a pas d’engagement réel à donner suite à ces mesures.
Le CPA est fier de représenter un groupe diversifié d’Autochtones non inscrits et vivant hors réserve, mais ce regroupement vague et imprécis de nos voix dans ce chapitre ne permet pas de formuler des priorités claires. De cette confusion découlent des priorités floues, qui compliquent la mise en œuvre du plan d’action et le suivi de sa concrétisation.
Les communautés représentées par le CPA ont clairement et vigoureusement exprimé le désir qu’un chapitre propre au CPA soit inclus dans le plan d’action. Le gouvernement du Canada nous avait, pensions-nous, encouragés à rédiger notre propre chapitre, mais ces demandes ont finalement été rejetées. C’est peu dire que nous sommes déçus du plan d’action publié, qui minimise manifestement nos recommandations et celles des membres dont la Cour suprême du Canada a reconnu le statut.
C’est pourquoi nous sommes désolés de constater que, de toutes les mesures mûrement réfléchies et constructives proposées par le CPA, seule la mesure 90 a finalement été acceptée.
Il est vrai que la mesure 90, avec la décision Daniels, est un pas dans la bonne direction. Elle permettrait d’instaurer une norme autorisant le CPA à mesurer, par exemple, des lois, des politiques et des règlements, en vigueur ou nouveaux, qui auraient une incidence sur nos communautés. Cette mesure offre une orientation et la possibilité de modifier des politiques pour y inclure les communautés représentées par le CPA. C’est essentiel et cela aurait dû être fait depuis longtemps.
Le CPA n’a cependant pas réussi à obtenir de discussions initiales sur cette mesure avec RCAANC. Pourquoi? La question se pose.
Le CPA souhaite participer à l’élaboration et aux activités durables d’un comité consultatif du plan d’action. Nous méritons de participer et nous demandons respectueusement — encore une fois — à être effectivement consultés.
Le CPA estime que la structure proposée et l’absence de représentation des Autochtones hors réserve et non inscrits constituent un risque important pour la réussite du plan d’action et pour sa mise en œuvre à long terme. La solution consiste à nous laisser participer à la discussion afin que nous puissions exprimer les préoccupations très réelles de nos communautés.
Le gouvernement du Canada devrait travailler avec tous les partenaires autochtones. Il doit permettre de consulter plus largement les communautés autochtones. La participation devrait être significative et durable, et non pas simplement ponctuelle. Je suis certain que nous pouvons tous convenir que notre participation à l’élaboration d’objectifs communs sera plus efficace que de nous inviter seulement à exprimer notre avis et à collaborer.
Pour ce qui est de la surveillance et du suivi — sur lesquels portent les mesures 19 et 22 —, le gouvernement du Canada doit faire appel à un groupe diversifié de participants pour s’assurer que le plan d’action est mis en œuvre et suivi, sous la supervision de tous ceux sur lesquels il aura un impact. Quant au financement, nous avons besoin de plus de ressources pour garantir une véritable participation des diverses communautés du pays. Il est essentiel d’obtenir leurs points de vue et leurs recommandations pour la mise en œuvre du plan d’action.
Comme organisation autochtone nationale respectée, le CPA s’est toujours attaché à ouvrir des possibilités de changement transformationnel.
Je vous remercie de votre attention et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Meegwetch.
Le vice-président : Merci de vos remarques préliminaires, messieurs.
J’invite Kelly Benning à nous parler au nom de l’Association nationale des centres d’amitié, mais, si quelqu’un d’autre veut faire un exposé préliminaire, je vais le lui permettre. Il reste beaucoup de temps pour les questions.
Kelly Benning, présidente, Association nationale des centres d’amitié : Bonsoir. Je suis une Métisse du Nord de l’Alberta, avec des racines au Manitoba et en Saskatchewan.
Je salue la nation algonquine, sur le territoire traditionnel de laquelle nous nous réunissons aujourd’hui, et je tiens à remercier les représentants du CPA de leurs propos.
Je suis accompagnée aujourd’hui de Kara Louttit, l’une de nos analystes des politiques, et de Samantha Jack, directrice pour la jeunesse.
Nous sommes heureuses de comparaître devant vous aujourd’hui pour proposer au comité des sujets de réflexion liés à la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et du plan d’action qui y est associé.
En 1972, l’Association nationale des centres d’amitié, ou ANCA, a été créée pour représenter les centres d’amitié et les associations provinciales et territoriales, ou APT, partout au Canada. Aujourd’hui, l’ANCA regroupe plus de 100 centres d’amitié et APT locaux qui offrent des programmes, des services et du soutien aux Autochtones vivant en milieu urbain, en milieu rural et en zones éloignées.
Le recensement de 2021 a dénombré 1,8 million d’Autochtones au Canada, soit 5 % de la population totale. À l’échelle nationale, environ 61 % des Autochtones vivent en milieu urbain. La population autochtone du Canada a augmenté de 9,4 % de 2016 à 2021. Nous continuons d’être la population la plus jeune et celle dont la croissance démographique est la plus rapide au Canada. Dans certains milieux urbains, les Autochtones représentent 85 % de la population. Ces chiffres devraient augmenter dans les années qui viennent.
Compte tenu de la croissance démographique des populations autochtones urbaines, il est de la plus haute importance que la DNUDPA soit envisagée en fonction du contexte urbain. Depuis des décennies, le mouvement des centres d’amitié travaille avec les communautés autochtones en milieu urbain pour défendre leurs droits fondamentaux, à la fois individuels et collectifs. À ce titre, nous souhaitons aborder, avant tout, les difficultés importantes que vient les Autochtones en milieu urbain et les différentes définitions concernant le terme « urbain » et l’expression « Autochtone vivant en milieu urbain », pour en venir à notre première recommandation.
L’ANCA recommande que la définition proposée dans le Plan d’action national de 2021 pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées concernant les Autochtones « urbains » soit la suivante :
Les membres des Premières Nations, aux Inuits et aux Métis vivant dans des communautés de petite, moyenne et grande taille, y compris les communautés rurales, isolées et éloignées, qui sont hors réserve; à l’extérieur de leur communauté d’origine ou d’établissement; ou à l’extérieur de [...] (terres inuites).
Cette définition traduit la diversité et la complexité de la situation des Autochtones au Canada et renvoie à l’article premier de la DNUDPA, qui prévoit que la promotion des droits des Autochtones englobe tous les Autochtones, quel que soit leur lieu de résidence, en tenant compte de leurs besoins et de leurs enjeux propres.
L’Association nationale des centres d’amitié recommande que la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et du plan d’action soit fondée sur une approche tenant compte des traumatismes et comprenne la prestation de mesures de soutien aux peuples autochtones qui subissent les effets négatifs du racisme systémique en milieu urbain. Du fait de la longue histoire d’injustices systémiques au Canada, il faut que l’histoire coloniale du Canada soit prise en compte dans le contexte de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Cela s’harmonise avec les articles 2 à 4 de la déclaration et respecte les priorités partagées nos 3 à 18 en ce qui a trait à la lutte contre les injustices et les préjugés, tout en favorisant le respect et la compréhension mutuels.
L’ANCA recommande une approche fondée sur les droits des Autochtones par opposition à l’approche du Canada qui est fondée sur les distinctions. Une approche fondée sur les distinctions fait en sorte que les Autochtones vivant en milieu urbain sont laissés de côté dans les approches stratégiques du gouvernement, ce qui se traduit par des ressources inadéquates pour les services aux Autochtones vivant en milieu urbain. Une approche fondée sur les droits à l’égard de la DNUDPA reconnaît que les droits des Autochtones sont des droits inhérents. Les Autochtones sont des Autochtones, peu importe où ils vivent. Nous portons nos droits en nous et nous devrions les conserver, peu importe où nous nous trouvons.
Par conséquent, la conception et la prestation des services peuvent être considérées comme une façon pratique de combler les lacunes en matière de services et de soutien dans les milieux autochtones urbains. Il est essentiel que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones soit comprise et mise en œuvre équitablement pour tous les peuples autochtones, peu importe leur situation géographique ou leur caractère distinctif. L’expérience des Autochtones vivant en milieu urbain dans le contexte de l’incidence que la DNUDPA a sur eux, ainsi que sur les centres d’amitié qui les servent, doit être comprise pour une mise en œuvre efficace de la Déclaration des Nations unies.
En terminant, j’aimerais réaffirmer que les droits inhérents des Autochtones que nous, les peuples autochtones, détenons sont en nous, peu importe où nous vivons. Marsee.
Le vice-président : Merci beaucoup. Quelqu’un d’autre aimerait-il faire une déclaration préliminaire?
Kara Louttit, analyste des politiques, Association nationale des centres d’amitié : Je tiens à souligner que le Mouvement des centres d’amitié travaille avec les communautés autochtones en milieu urbain pour défendre leurs droits inhérents depuis des décennies. Nous avons noté que de nombreux articles de la DNUDPA s’appliquent au Mouvement des centres d’amitié. Les nombreux programmes, services et approches en matière de prestation sont enracinés dans les droits des Autochtones. Cela se retrouve également dans les nombreuses façons dont la DNUDPA aborde ces droits.
Les peuples autochtones font partie des espaces urbains depuis que ceux-ci existent. Bon nombre des villes du Canada sont situées sur des lieux de rassemblement autochtones traditionnels. Les communautés autochtones urbaines sont en croissance constante. Nous vivons dans ces espaces urbains, et nous continuons de faire valoir nos droits autochtones inhérents partout où nous nous trouvons.
Samantha Jack, directrice pour la jeunesse, Association nationale des centres d’amitié : Par le passé, les Autochtones vivant en milieu urbain ont été tenus à l’écart des décisions en matière de financement et de politiques concernant les peuples et les communautés autochtones. Nous sommes souvent laissés de côté dans les consultations, les initiatives ou les discussions sur les droits des Autochtones.
Il s’agit d’une lacune importante compte tenu de la population des Autochtones vivant en milieu urbain et des espaces urbains. En veillant à ce que les lois canadiennes respectent et soutiennent les droits des Autochtones, la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies doit inclure toutes les voix. Merci.
Le vice-président : Merci beaucoup pour cette déclaration préliminaire de l’Association nationale des centres d’amitié.
Nous allons maintenant passer à la période de discussion, et je vais demander aux sénateurs de poser des questions.
La sénatrice Martin : Merci beaucoup à nos témoins, en ligne et en personne.
Ma première question s’adresse aux représentants des deux associations. Vous avez exprimé vos préoccupations au sujet de l’approche fondée sur les distinctions du gouvernement fédéral. J’aimerais mieux comprendre les enjeux et les préoccupations que vous avez à cet égard. Ma question a un deuxième volet, à savoir : quelle solution de rechange recommanderiez-vous? Vous en avez mentionné quelques-unes, mais ma première question porte sur l’approche fondée sur les distinctions, qui a été source d’exclusion, de problèmes et ainsi de suite.
Nous allons commencer par l’Association nationale des centres d’amitié.
Mme Benning : J’aimerais répondre en premier à cette question, si cela vous convient.
Comme nous l’avons dit, les centres d’amitié existent depuis plus de 70 ans. Les premiers ont été établis à Vancouver et à Winnipeg et se situent au même niveau. Quoi qu’il en soit, les centres d’amitié ont toujours fonctionné sans égard au statut, ce qui signifie qu’ils s’adressent à la fois aux Premières Nations, aux Métis, aux Inuits ou aux Indiens non inscrits. Les sénateurs de l’Alberta ne sont pas sans savoir qu’il y a beaucoup de communautés entières d’Indiens non inscrits qui ne sont pas nécessairement visées par l’approche fondée sur les distinctions. Depuis plus de 70 ans, les centres d’amitié travaillent avec tout le monde.
Je viens du nord de l’Alberta, où beaucoup de gens viennent s’installer. Cela n’est pas très différent de ce que vivent les autres centres d’amitié, mais là où je me trouve, il y a beaucoup de gens qui viennent de partout au Canada. Il n’est pas très logique de faire une distinction et de dire aux gens « Vous êtes d’ici ou de là. » Ce qui est logique, c’est de rencontrer les gens là où ils se trouvent, de comprendre les besoins de la collectivité, d’écouter la collectivité et d’offrir des mesures de soutien et des programmes.
Je ne sais pas si vous vouliez ajouter quelque chose, mesdames.
Kara Louttit : Oui, j’aimerais ajouter qu’en priorisant les distinctions entre les Premières Nations, les Métis et les Inuits, le Canada ne répondra jamais pleinement à l’éventail complet des expériences des peuples autochtones, ce qui fait en sorte de compromettre la qualité des services et des soutiens offerts aux Autochtones de diverses identités qui vivent en milieu urbain.
Pour vous donner un bref exemple de la façon dont une approche fondée sur les distinctions peut avoir une incidence négative sur les Autochtones dans le contexte des soins de santé, la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits est principalement responsable du financement et de la gestion des services de santé pour les membres des Premières Nations qui vivent sur les réserves et les Inuits vivant sur des terres inuites. Elle englobe trois grands domaines des soins de santé : les soins primaires, le soutien des infrastructures de la santé et les prestations de santé supplémentaires.
Les programmes de soins primaires et de soutien aux infrastructures ne sont offerts qu’aux membres inscrits des Premières Nations vivant dans une réserve et aux Inuits vivant sur des terres ancestrales inuites. Les Autochtones vivant en milieu urbain, quant à eux, dépendent de l’accès aux services de santé provinciaux, où se produisent souvent des cas de racisme et de discrimination systémiques, ce qui peut mener à des situations comme celles de Brian Sinclair et de Joyce Echaquan. Merci.
La sénatrice Martin : Je pose maintenant la question au Congrès des peuples autochtones.
M. St. Pierre : Je vous remercie de votre question, sénatrice Martin.
Ce qui me frappe dans l’approche fondée sur les distinctions, c’est la quantité d’argent accordé en fonction des distinctions à laquelle elle a donné lieu dans l’annonce du budget.
Au sein du Congrès des peuples autochtones, pour ce qui est des distinctions, ce que nous avons obtenu du gouvernement au cours des quatre dernières années, l’a été par trois organisations — je pense que cela s’est fait dans le contexte de la démarche de vérité et de réconciliation —, c’est-à-dire le Ralliement national des Métis, l’Assemblée des Premières Nations et l’Inuit Tapiriit Kanatami. Mon association, comme celle de ma sœur, l’Association nationale des centres d’amitié, n’en font pas partie. Les services ne se rendent pas dans les régions urbaines, et nous obtenons très peu de choses.
L’Association nationale des centres d’amitié, l’Association des femmes autochtones du Canada et nous-mêmes, ainsi que d’autres organisations, avons accès à de petites sommes, tandis que les autres organisations obtiennent des sommes plus importantes.
Le problème avec le concept fondé sur les distinctions utilisé par le gouvernement fédéral, c’est que les distinctions se retrouvent partout, tant à l’Association nationale des centres d’amitié qu’au CPA, avec les Métis, les Indiens non inscrits, les Indiens inscrits vivant hors réserve et les Inuits du Sud. Il en va de même pour l’Association nationale des centres d’amitié, dont les membres sont aussi diversifiés.
Comment pouvons-nous améliorer la situation? La seule façon de le faire, c’est d’éliminer cette approche fondée sur les distinctions et de faire en sorte que tous les groupes autochtones soient égaux. C’est la seule façon d’y arriver selon moi.
Merci encore.
La sénatrice Martin : Ai-je le temps de poser une autre question?
Le vice-président : Je vais demander au chef adjoint Beaudin de répondre. Avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Beaudin : Oui. Merci, monsieur le président.
En ce qui concerne l’approche fondée sur les distinctions, nous croyons vraiment qu’il s’agit d’une approche élitiste. Elle est tellement sélective qu’elle laisse de côté des milliers d’Autochtones qui devraient participer au débat et se faire entendre. C’est pourquoi je crois que le gouvernement a entièrement tort.
Ce que cette approche fait également, c’est qu’elle divise nos collectivités, ce qui n’a pas sa raison d’être — en dressant les organisations les unes contre les autres. Je me souviens d’avoir assisté à la grande conférence des aînés à Edmonton il y a quelques mois, qui a réuni 5 000 personnes. À la fin, un message a été envoyé pour résumer la situation. Ce message demandait aux dirigeants de toutes les communautés autochtones du Canada de cesser de diviser notre peuple. Ce qui a été dit, c’est : « Cessez de nous diviser. Cela ne devrait pas se produire parmi nous. Cela nous touche tous. » Le message était très clair pour moi. Cette situation perdure depuis si longtemps qu’elle a malheureusement un impact négatif énorme sur nous.
Je vous remercie de m’avoir permis de répondre à cette question.
Le vice-président : Je vous en prie.
La sénatrice Martin : Tout d’abord, merci pour le travail que vous faites depuis plus de 70 ans. Je m’adresse au Congrès des peuples autochtones. Je sais que vous êtes dans cette situation depuis plus de 50 ans. C’est malheureux. C’est quelque chose que nous devons examiner très attentivement.
J’ai une petite question pour le Congrès des peuples autochtones. Je crois que vous en avez parlé dans votre exposé, chef, mais ma question porte sur les recommandations que vous avez faites au sujet du plan d’action, et plus précisément du comité indépendant de contrôle et de surveillance de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Vous avez dit que cela n’avait pas été accepté, et que vous n’avez pas vu de résultats. Est-ce exact?
M. St. Pierre : Je vous remercie de cette question.
Nous n’avons encore rien vu de concret à ce sujet. Mais nous avons hâte — encore une fois, en espérant que les choses ne se passeront pas de la même façon que pour la vérité et la réconciliation — d’avoir notre mot à dire. Notre peuple, même avec les centres d’amitié et tout cela, devrait pouvoir être convoqué et participer à l’élaboration de quelque chose. Pourquoi est-ce que les politiques axées sur les distinctions sont constamment élaborées contre nous? Nous sommes tous des Autochtones, quelle que soit la façon d’aborder la question. Il n’y a rien de différent entre les Métis et nos Métis et même par rapport aux Premières Nations non inscrites. Nous devrions participer. Nous verrons si nous y arriverons.
Le vice-président : Merci.
La sénatrice Coyle : Merci à nos invités du Congrès des peuples autochtones et de l’Association nationale des centres d’amitié. Merci pour le travail que vous faites. Je sais qu’il est extrêmement important.
Je veux commencer en revenant au cœur de cette discussion, à savoir cette approche fondée sur les distinctions. Il va vraiment falloir aller au fond des choses. J’aimerais commencer par vous, madame Benning, parce qu’au début de votre intervention, vous avez fourni des statistiques qui, je crois, sont très utiles. Par exemple, vous avez 100 centres d’amitié membres. Je crois qu’il y a 1,8 million d’Autochtones au Canada, et 51 % de cette population vit dans des régions urbaines — des grandes et petites villes, essentiellement, n’est-ce pas? De plus, il s’agit de la population la plus jeune et de celle qui croît le plus rapidement au Canada.
Avez-vous accès aux données projetées sur l’urbanisation d’une population? Nous en sommes maintenant à 51 %. Selon vous, quelle sera la situation au cours des 10 à 25 prochaines années?
Kara Louttit : Selon les projections actuelles, au cours des 10 prochaines années, on s’attend à ce qu’il y ait entre 2,5 et 3,2 millions d’Autochtones.
La sénatrice Coyle : À l’heure actuelle, la population est à 51 % urbaine. Y aura-t-il...
Kara Louttit : À l’heure actuelle, environ 1,3 million de personnes vivent hors réserve. J’imagine donc qu’entre 2,2 et 2,8 millions de personnes vivront à l’extérieur des réserves d’ici 10 ans.
La sénatrice Coyle : Avez-vous constaté une tendance croissante à l’urbanisation?
Kara Louttit : Oui, une croissance constante.
La sénatrice Coyle : Cette proportion de 51 % passera probablement à 60 %. C’est vraiment important parce que nous ne faisons pas que planifier à court terme; nous planifions aussi pour l’avenir. Les chiffres que vous nous avez donnés sont frappants et sont très importants. Nous ne pouvons pas laisser de côté plus de 50 % de la population autochtone au Canada. Aucun membre de la population autochtone du Canada ne devrait être laissé pour compte.
L’inclusion doit aller de soi. La question est de savoir comment y parvenir parce que, d’après ce que je comprends — je me trompe peut-être, et la question sera posée à d’autres personnes ici présentes —, l’approche fondée sur les distinctions est quelque chose que, selon moi, certains groupes se sont battus très fort pour obtenir. Les Inuits ne s’attendent pas à être traités de la même façon que les Premières Nations, et les Métis ne s’attendent pas à être traités de la même façon non plus. En fait, la perception que l’on a d’eux est fondée sur les distinctions, distinctions qui font en sorte que les besoins sont parfois différents.
Y a-t-il moyen — il y a toujours moyen — d’intégrer à la fois une approche fondée sur les distinctions dans le plan d’action de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et une approche connexe qui n’est ni l’une ni l’autre? L’approche connexe repose davantage sur les droits des Autochtones, comme vous le dites. Je ne dis pas que l’approche fondée sur les distinctions ne tient pas compte des droits des Autochtones, mais y a-t-il quelque chose qui pourrait être fait pour tenir compte des besoins de tous les peuples, pour loger tout le monde à la même enseigne?
Kara Louttit : Oui, dans l’un des rapports de l’Association nationale des centres d’amitié, nous avons recommandé qu’une approche fondée sur les distinctions soit élargie au-delà des Premières Nations, des Métis et des Inuits pour inclure d’autres identités qui se recoupent en fonction du sexe, du genre, du lieu de résidence et d’autres identités qui se recoupent, comme l’identité de genre. Cela aidera à combler les écarts par rapport à d’autres distinctions en dehors de l’approche de principe actuelle appliquée à l’égard des Premières Nations, des Métis et des Inuits.
La sénatrice Coyle : Comment cette recommandation a-t-elle été accueillie par les trois organes nationaux élus?
Kara Louttit : Je n’en suis pas sûre. Je dois dire que je n’en suis qu’à ma deuxième semaine au travail.
La sénatrice Coyle : Bravo, c’est impressionnant.
Mme Benning : N’est-ce pas?
Kara Louttit : Cela dit, nous procédons actuellement à une analyse plus approfondie de toutes les organisations des Premières Nations, inuites et métisses, ainsi que des autres organisations autochtones nationales, et des rapports publiés jusqu’à maintenant. Nous allons en faire une analyse de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones par l’Association nationale des centres d’amitié que nous aimerions soumettre et présenter.
Mme Benning : J’aimerais également dire que, même si je n’ai pas recueilli de commentaires de ces dirigeants, je pense qu’il serait très raisonnable de penser qu’ils reconnaissent qu’il y a beaucoup d’Autochtones en milieu urbain, que beaucoup d’entre eux passent entre les mailles du filet et que de nombreuses mesures de soutien différentes doivent être mises en place. Je pense que ces trois dirigeants souscriraient certainement à cette affirmation.
La sénatrice Coyle : Pour approfondir un peu la question, nous n’avons pas encore beaucoup parlé de ce plan d’action à cette table, mais nous avons parlé des Autochtones vivant en milieu urbain à de nombreuses reprises. Lorsque nous posons la question aux dirigeants du Ralliement national des Métis, de l’Inuit Tapiriit Kanatami et de l’Assemblée des Premières Nations, ils nous disent qu’ils sont là pour leurs membres — leur peuple — peu importe où ils vivent.
J’aimerais savoir comment vous travaillez avec eux. À quoi cela ressemble-t-il sur le terrain en réalité? Comme tout le monde essaie de mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, j’imagine qu’il s’exerce une concurrence au sujet des ressources dont ont parlé nos collègues du Congrès des peuples autochtones, mais il doit aussi y avoir une collaboration. J’aimerais savoir à quoi elle ressemble.
Mme Benning : Il y a beaucoup de communautés et de régions où règne une grande collaboration. Je ne voudrais surtout pas parler au nom de ces dirigeants, mais lorsqu’on examine le contexte urbain, il est vraiment important de comprendre que nous ne disons pas que nous voulons enlever quoi que ce soit à l’approche fondée sur les distinctions ou à nos frères et sœurs qui vivent dans leur communauté d’origine. Il s’agit plutôt d’amplifier la voix — et de veiller à ce qu’elle ne soit pas perdue — des gens qui vivent dans les centres urbains et de travailler ensemble pour y arriver. Il y a de nombreuses façons de le faire. Cela se fait dans de nombreuses communautés, mais je pense qu’on pourrait certainement faire mieux dans la plupart d’entre elles.
La sénatrice Coyle : Cela aiderait à réaliser l’objectif dont parlent nos collègues du Congrès des peuples autochtones. Que peut-on faire à ce moment critique pour qu’il n’y ait plus de division des communautés et que tout ce qui est mis en place soit fait de manière à favoriser la collaboration de tous ceux qui visent les mêmes objectifs, à savoir répondre aux besoins des leurs et les représenter?
Mme Benning : Lorsqu’une personne vit en milieu urbain, cela ne veut pas dire qu’elle renie sa communauté d’origine. Bien sûr que non. C’est avant tout une question de transférabilité et de mouvement.
Mme Jack : À titre d’exemple, je suis fière d’être Nuu-chah-nulth. Je viens de la Colombie-Britannique, de Nuu-chah-nulth, qui est la côte Ouest de l’île de Vancouver, et je viens aussi de Yale, qui est dans la vallée du bas Fraser, sur le fleuve Fraser, du côté de ma mère. Je suis vraiment fière de qui je suis et d’où je viens. Lorsque j’ai vu que mon conseil tribal de l’île allait offrir un programme linguistique extraordinaire, j’ai envoyé un courriel aux responsables et j’ai téléphoné à leur bureau pour entrer en contact avec eux et leur demander si je pouvais suivre ce programme, mais malheureusement, parce que je ne réside pas dans la réserve, on me refuse l’accès à ce programme et à ce soutien.
La sénatrice Coyle : La langue est fondamentale.
Mme Jack : Exactement. Ce ne sont là que quelques exemples de la façon dont ces distinctions ont été établies. J’ai dû obtenir la plus grande partie de mon soutien culturel de mon centre d’amitié, et c’est à cet endroit que j’ai pu acquérir un certain sentiment d’appartenance et d’identité culturelle, parce que je n’ai pas grandi là d’où je viens. Malheureusement, c’est la réalité pour beaucoup de jeunes, surtout ceux qui grandissent en famille d’accueil.
La sénatrice Coyle : Mais cela ne vous rend pas moins Autochtone qu’une autre personne.
Mme Jack : Non.
La sénatrice Coyle : Bien sûr. Je comprends. Merci.
M. St. Pierre : Madame la sénatrice Coyle, vous avez parlé des trois organisations nationales élues. Je vous rappelle qu’il y a cinq organisations nationales, dont le Conseil des peuples autochtones et l’Association des femmes autochtones. Bien que le gouvernement fédéral ne nous invite pas à assister à des réunions ou à des funérailles, nous sommes tout de même l’une des cinq organisations nationales.
Vous avez parlé de collaboration et de l’importance de tous à travailler ensemble. J’ai assisté à de nombreuses réunions fédérales-provinciales-territoriales avec le gouvernement. Il y a des réunions auxquelles nous ne sommes pas invités pour la simple raison que ces trois organisations vont dire au ministre : « Si le Congrès des peuples autochtones se présente à cette réunion, nous allons quitter la table ou nous ne viendrons pas. » C’est arrivé à plusieurs reprises.
Nous sommes prêts à travailler avec n’importe qui, n’importe quelle organisation autochtone. Je sais que je n’ai assisté à aucune réunion avec nos sœurs de l’Association nationale des centres d’amitié. Cela pourrait très bien arriver. Mais j’ai eu d’autres rencontres avec d’autres organisations autochtones, et elles sont du même avis. Pourquoi ne pouvons-nous pas tous nous entendre? C’est aussi simple que cela.
Une fois que ces distinctions entrent en vigueur, les représentants de ces organisations disent directement aux ministres, lorsqu’ils se rencontrent : « Si le Congrès des peuples autochtones se présente, nous n’irons pas. Nous allons quitter la réunion. »
Nous sommes prêts à travailler avec n’importe qui parce que c’est l’objectif. Ce n’est pas le Congrès des peuples autochtones en tant que tel qui compte, mais bien notre base. C’est de cette base que nous nous occupons. C’est de cette base que nous voulons nous occuper et veiller à ce qu’elle obtienne les services qui lui reviennent de plein droit. Merci encore, madame la sénatrice.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, chef, de cette précision. Je sais qu’il y a un certain nombre d’organisations nationales, et nous reconnaissons le Congrès des peuples autochtones à ce titre.
M. St. Pierre : Merci.
Le vice-président : Je suis d’accord. Chef adjoint Beaudin, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Beaudin : Oui, merci. Il y a environ sept ans, le gouvernement fédéral a adopté une approche de principe fondée sur les distinctions. Aujourd’hui, nous avons examiné les chiffres. Quel est l’impact de cette approche? Pour vous donner une bonne idée, nous savons, par exemple, que le nombre d’enfants pris en charge dans tout le pays augmente. Nous constatons que le problème de l’itinérance prend de l’ampleur, avec le nombre croissant de gens qui vivent dans la rue, ainsi que les problèmes de toxicomanie, sans parler de la crise du logement qui sévit en ce moment.
L’année où ils ont travaillé fort pour concevoir cette approche de principe — c’était en 2017, je crois — nos prisons étaient occupées à 26 % par des Autochtones. Aujourd’hui, ce chiffre est de 33 %. Il s’agit d’une augmentation de 1 % par année, et la tendance n’est qu’à la hausse, sans parler de l’augmentation massive du nombre de femmes autochtones incarcérées dans les prisons fédérales. C’est l’approche de principe fondée sur les distinctions qui a ce genre d’impact dans nos communautés de l’Île de la Tortue. Merci.
Le vice-président : Merci.
Je tiens à dire que la sénatrice Audette s’est jointe à nous à cette réunion. Elle est membre du comité. Merci, madame la sénatrice Audette.
La sénatrice Sorensen : Merci à tous d’être parmi nous ce soir. Tous les témoins qui ont fait une déclaration préliminaire ont dit, d’une façon ou d’une autre, que les populations avec lesquelles vous travaillez et que vous représentez se sentent laissées de côté. Le comité va se lasser de m’entendre toujours parler de « consultation », mais je suis intriguée par le terme. C’est devenu un genre de mot à la mode; en fait, avouons que c’en est un, surtout lorsque nous parlons de consultation avec les peuples autochtones.
J’aimerais vraiment entendre chacun d’entre vous, et nous allons essayer d’être brefs. Personnellement, j’essaie de comprendre ce qu’est une véritable consultation. Je ne pense pas qu’il y en ait si souvent, et je suppose que je ne sais pas vraiment ce que des consultations sérieuses signifieraient pour vous. Peut-être que chacun d’entre vous pourrait nous dire ce que signifie pour lui une véritable consultation.
M. Beaudin : Merci. À cet égard, pendant des années, le Congrès des peuples autochtones s’est débattu avec la question du terme « consultation » parce qu’il signifie quelque chose de différent pour nous que pour le Canada. Parfois, nous devons créer un bien meilleur cadre pour ce processus et pour ce que nous voulons faire, parce que nous sommes une organisation de la base. C’est ainsi que nous rejoignons notre base. Nous ne parlons pas, par exemple, à des bureaucrates. Nous voulons toucher les gens en première ligne parce que ce sont eux qui savent vraiment ce qui se passe dans nos communautés et ce qui arrive à notre base.
C’est ce dont ils s’occupent tous les jours, alors lorsque nous cherchons à modifier la politique ou à nous y attaquer, c’est très important pour nous. C’est ainsi que je peux résumer les choses brièvement en 30 secondes ou une minute. Merci.
La sénatrice Sorensen : Merci. Qu’en pense le chef St-Pierre?
M. St. Pierre : Dans le cadre de ce que j’appellerais une « véritable consultation », tous les dirigeants — pas seulement les dirigeants nationaux, mais aussi ceux des centres d’amitié — sont assis autour d’une table, et peu importe ce que nous essayons de réaliser, nous sommes là et nous donnons notre avis. Ensuite, nous continuons de travailler jusqu’à ce que nous soyons tous convaincus que la solution adoptée fonctionnera.
Nous ne pouvons pas nous contenter de deux ou trois personnes ou organisations qui disent : « Voici comment cela va fonctionner. Pas de discussion. Vous n’avez pas voix au chapitre, ou vous n’avez que quelques minutes pour donner votre point de vue. » À mon avis, ce serait à peu près la consultation la plus véritable qu’on puisse obtenir. Merci.
Mme Benning : Je vais commencer par dire que nous sommes une organisation nationale, mais en ce qui concerne la consultation, je suppose — personnellement — que cela signifie que la consultation est authentique et que tout le monde s’entend pour en arriver à un résultat final commun. Si ce résultat final est déjà prédéterminé — ce qui est parfois le cas —, il doit être communiqué dès le départ, et tous les intervenants doivent se présenter à la table et travailler en ce sens.
C’est très frustrant de se lancer dans ce que vous considérez être une consultation, quand le résultat final a déjà été prédéterminé. Je pense également qu’il est important, lorsque vous tenez ces consultations, d’inclure la voix des Autochtones vivant en milieu urbain.
La sénatrice Sorensen : J’aime bien le mot « authentique » que vous avez utilisé. Donc, en énonçant dès le départ le résultat final recherché, vous ajoutez de l’authenticité à la consultation à ce moment-là. Merci.
Mme Benning : Oui, parce que même si je ne suis pas d’accord avec vous, c’est le résultat final qui compte, et c’est là où nous devons en arriver au bout du compte, donc peut-être que nous avons intérêt à nous réunir et à y arriver plutôt que de tergiverser à ce sujet.
La sénatrice Sorensen : Bien sûr. Je suis d’accord.
Kara Louttit : J’aimerais également ajouter qu’à ma connaissance, le gouvernement du Canada n’a pas de définition adéquate de ce qu’est une « consultation ». Pour le Canada, la consultation peut signifier l’envoi d’un sondage SurveyMonkey aux communautés autochtones, ou encore un engagement approfondi sur le terrain au sein des communautés.
Le simple fait de pouvoir cocher la case « consultation » au moyen d’un simple sondage n’est pas une façon significative de consulter les peuples autochtones. À ce sujet, je recommanderais certainement au gouvernement du Canada de mettre en place un processus de consultation exécutoire et de définir avec précision différentes formes de consultation.
La sénatrice Sorensen : Peut-on déduire que les consultations seraient dirigées par les Autochtones?
Kara Louttit : Absolument.
La sénatrice Sorensen : Merci. Madame Jack, parlez-nous des jeunes.
Mme Jack : J’adhère à tout ce que mes collègues ont dit. Mon approche s’inspire de l’établissement de relations. C’est ce que signifie pour moi une véritable consultation. Il s’agit de bâtir des relations, et c’est nécessaire pour aller de l’avant parce que les relations permettent la responsabilisation. Il y a de la place pour la transparence. Tout commence vraiment par le renforcement de la confiance, et c’est très important pour la démarche. J’avais autre chose en tête, mais j’ai complètement oublié parce que j’ai commencé à penser à TikTok.
La sénatrice Sorensen : D’accord, dites-le-nous si cette idée vous revient.
Le vice-président : Merci beaucoup. Les sénateurs ont-ils d’autres questions? J’ai une question à poser au Congrès des peuples autochtones et plus particulièrement à son chef et à son chef adjoint. Le Plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dit :
Créer un mécanisme indépendant relatif au suivi, à la surveillance, aux recours ou aux mesures de réparation des droits des autochtones ou des mécanismes dont la fonction serait de permettre aux peuples autochtones d’avoir accès à des procédures justes et équitables pour le règlement des différends et des conflits et de prendre rapidement des décisions à ce sujet, ainsi que de disposer de recours efficaces en cas d’atteinte ou de violation de leurs droits individuels et collectifs.
C’est la mesure 19. Y avez-vous réfléchi? Si vous n’en avez pas eu l’occasion, fort bien, mais voici ma question : est-ce que ce moyen serait un mécanisme dont vous et votre organisation pourriez vous servir pour régler des questions que vous jugez importantes pour ceux que le Congrès des peuples autochtones représente?
M. St. Pierre : Merci, monsieur le président, de votre question.
Honnêtement, pourquoi le gouvernement fédéral met-il sur pied ces comités pour les Autochtones du Canada? Pourquoi ne s’adresse-t-il pas aux organisations nationales pour leur demander de choisir des représentants? Ce n’est pas à lui de dire qui va participer ou non ou d’exclure qui que ce soit.
Il devrait revenir aux collectivités autochtones, aux dirigeants autochtones, aux dirigeants nationaux autochtones de décider qui va participer. Ce serait beaucoup mieux.
C’est comme si le gouvernement fédéral décidait de nous empêcher de boire de l’eau aujourd’hui. C’est une interdiction. Il ne faut pas y contrevenir. Si nous menions les consultations nécessaires pour mettre sur pied ces comités comme il se doit, je crois honnêtement que ce rôle reviendrait aux dirigeants autochtones. Merci.
M. Beaudin : Merci de votre question, monsieur le président. Je voulais aussi souligner l’importance de la recommandation 19. Nous ne croyons pas vraiment que le Canada veuille faire participer le Congrès des peuples autochtones. Nous savons déjà ce qu’il fait depuis environ sept ans, et le processus ne nous inspire pas une grande confiance.
Si le gouvernement nous contactait, nous serions certainement ouverts. Nous n’excluons pas quoi que ce soit, mais, très honnêtement, je ne crois pas beaucoup à ce qu’il fait et je ne sais pas s’il tient à nous faire participer à l’étude de divers dossiers de politique. Voilà où nous en sommes.
Hélas, il faudra une évolution radicale si nous voulons que cette réorientation s’opère au Canada et à l’intérieur du gouvernement. Merci.
Le vice-président : Merci. J’ai une question à poser à l’Association nationale des centres d’amitié.
La Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones a-t-elle eu une influence concrète sur le cadre stratégique de l’Association nationale des centres d’amitié jusqu’à maintenant? Cette loi pourrait-elle avoir un rôle à jouer à l’avenir par rapport à vos politiques et à votre organisation? Quelles difficultés votre organisation doit-elle affronter ou prévoit-elle dans la mise en œuvre de politiques conformes à la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones au sujet des programmes ou du financement, notamment pour les populations autochtones en milieu urbain?
Kara Louttit : Je rappelle d’abord que le Mouvement des centres d’amitié travaille depuis 70 ans avec les communautés autochtones dans les villes pour défendre les droits autochtones. Parmi les nombreux articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA, beaucoup s’appliquent déjà à l’intérieur du Mouvement des centres d’amitié. Par exemple, une grande partie du travail que nous accomplissons à l’Association nationale des centres d’amitié repose sur l’autodétermination des Autochtones. C’est la détermination des communautés autochtones urbaines qui a directement mené à la création de l’Association nationale des centres d’amitié et à celle des centres d’amitié en milieu urbain, afin de mettre en œuvre les programmes, services et mesures de soutien, relever les défis et répondre aux besoins propres aux Autochtones des villes.
Bon nombre des articles de la DNUDPA sont directement liés aux résultats que l’Association nationale des centres d’amitié a déjà obtenus dans de nombreux dossiers sociaux, économiques, judiciaires, sanitaires, récréatifs, culturels et linguistiques. Avez-vous quelque chose à ajouter?
Le vice-président : Pour ma part, rien. Et vous?
Kara Louttit : Absolument. Par exemple, l’enseignement de la langue est l’un des nombreux programmes et services que nous offrons au niveau local. Il y a de nombreux cours de langues autochtones, langues dont nos peuples ont été privés par des injustices systémiques comme le réseau des pensionnats. Les centres d’amitié sont l’un des principaux organismes de rétablissement des langues dans les collectivités urbaines.
Mme Benning : J’ajouterais que nous avons toujours été une organisation — un mouvement — qui mobilise les jeunes, les fait participer aux discussions et les respecte pour ce qu’ils sont. Il s’agit de rassembler des jeunes, comme le disait Mme Jack, de partout en milieu urbain, de les réunir pour offrir des cours de langue, des cours pour les femmes, des cours de tambour ou autre chose. Quelque chose à ajouter, madame Jack?
Mme Jack : Oui. Je vous encourage et je vous rappelle humblement que la DNUDPA n’a rien de nouveau pour nous, Autochtones. Ses principes sont indissociables de nos pratiques qui existent depuis des temps immémoriaux. Nous vivons et respirons selon l’esprit des articles de la DNUDPA parce que cela fait partie de nos pratiques culturelles. Il s’agit simplement de réaffirmer les pratiques autochtones de toutes nos communautés. Cela n’a rien d’exceptionnel — honorer la dignité des autres, mettre en pratique nos traditions spirituelles, honorer nos soins de santé et honorer nos familles, nos collectivités et notre souveraineté alimentaire. Tout cela est profondément ancré dans nos traditions culturelles.
Lorsque j’ai lu la DNUDPA, j’ai eu l’impression que, comme Colomb, ses auteurs découvraient ce qui existait depuis toujours. Ils découvraient l’autodétermination des Autochtones et leurs droits alors que, en réalité, c’est ce que nous vivons et pratiquons depuis des générations.
Ce qui est vraiment important et nécessaire sur le plan des consultations, c’est la prise en compte de ce que la dimension intergénérationnelle représente pour les communautés autochtones. Il faut honorer les aspects intergénérationnels et faire preuve d’humilité dans le concret : humilité dans les relations entre nous, Autochtones, qui prenons soin de nos communautés et qui rendons des comptes à celles-ci, et humilité dans le travail lui-même.
Le vice-président : Merci beaucoup.
La sénatrice Audette : Mon intervention est plutôt une observation qu’une question. Je me trouvais dans le Downtown Eastside il y a deux semaines. J’y ai rencontré des guerriers extraordinaires qui sauvent des vies et qui sont membres du Congrès des peuples autochtones, des centres d’amitié ou d’autres organisations communautaires. Merci de ce que vous faites.
Le week-end dernier, nous étions en compagnie de quelques femmes exceptionnelles qui gardent nos langues vivantes, et l’une d’elles travaille au centre d’amitié de La Tuque. Elle a montré tout le bon travail qui se fait pour la nation. Je m’occupe aussi [difficultés techniques] du centre d’amitié de Québec, le MAMUK.
Il est très important que vous participiez à ce dialogue et à cette consultation pour nous rappeler que le Québec s’est construit sur notre territoire. Sept-Îles a été bâtie sur nos terres. « Réserve » est un nouveau terme — dans les réserves ou hors réserve. Pour ma part, je suis allergique à ce terme alors que [difficultés techniques] est excellent. Il accueille tout le monde et accueille la ville de Québec.
Si nous pouvons trouver de meilleures façons qui, oui, seraient très structurées, comment pouvons-nous nous assurer qu’avec la DNUDPA, nous aurons des dirigeants, des chefs et des conseillers? Nos nations se gouvernent, mais nous avons des gens qui font tellement de choses en dehors du cadre de la Loi sur les Indiens. Comme je ne suis pas visée par un traité, je vais m’abstenir d’en parler. Comment pouvons-nous faire mieux?
Je sais que le gouvernement a une façon de consulter, mais nous avons ici des sénateurs extraordinaires qui veulent changer cela. Peut-être que la réponse est « pas maintenant », mais comment pouvons-nous établir le contact avec ceux que j’ai rencontrés dans le Downtown Eastside, qui y sauvent des vies ou enseignent notre langue? Comment pouvons-nous nous assurer qu’ils sont entendus? Grâce à vous, je comprends la situation, mais c’est toujours la même approche, et je crois que nous pouvons nous y prendre différemment.
Au Sénat, les choses évoluent, je le constate. Il y a aussi des changements à l’autre endroit. L’évolution est lente, mais réelle. Parfois, on dit que vous ne nous représentez pas. Parfois, nous disons que oui, mais vous avez quand même quelque chose que nous n’avons pas. Comment pouvons-nous tirer parti de la situation, l’accepter ou l’améliorer?
Mme Benning : La première chose qui me vient à l’esprit, c’est qu’il y a plus d’une centaine de centres d’amitié dans ces beaux territoires. Vous êtes toujours les bienvenus. Arrêtez-vous et dites bonjour. Fixez un moment pour venir apprendre et participer, et découvrez ce qui se passe au centre de votre région.
Comme vous le dites, la base est essentielle. Il est important que ces voix se fassent entendre au niveau national. En nous assurant d’avoir une place à la table de discussion, nous nous assurons que ces voix sont entendues. Il est vrai que vous ne pouvez pas vous rendre dans les centres d’amitié tout le temps, mais vous êtes les bienvenus, en espérant que ces voix pourront apporter une trame narrative et des données. Peu importe ce dont vous avez besoin, nous sommes en mesure de l’offrir, et nous serions ravis de vous en faire profiter.
J’ignore si Kara Louttit ou Mme Jack ont autre chose à ajouter comme analystes des politiques, mais je les remercie.
Kara Louttit : J’ajouterai que la DNUDPA et le cadre sont vraiment essentiels à l’expérience des Autochtones vivant en milieu urbain, car ils nous fournissent des mécanismes de protection. Les Autochtones en milieu urbain sont victimes de discrimination, de violence, de racisme et de préjugés. Ces mécanismes sont donc nécessaires pour protéger les expériences vécues par les Autochtones des villes.
Mme Jack : Ce mécanisme donne également la possibilité d’exiger des comptes. L’évolution a été lente, mais il est important que nous commencions à aborder ce travail avec des intentions plus nettes, à susciter les bonnes intentions qui nous soutiennent. Lorsque les intentions sont claires, nous accordons plus d’attention au travail. C’est tout à fait nécessaire pour toutes les communautés autochtones en milieu urbain, car nous n’avons pas forcément le temps ni les ressources voulus, de sorte que certains sont laissés pour compte. Malheureusement, dans les villes, cela veut dire que nous perdons des membres de notre communauté.
Nous l’avons vu, nous l’avons vécu. Tous les centres d’amitié sont passés par là. Nous avons vraiment besoin de mesures concrètes, de bonnes intentions et de solides relations si nous voulons nous attaquer à ce problème et nous affranchir de ces cycles générationnels. Merci.
Le vice-président : Le chef St. Pierre ou le chef adjoint Beaudin ont-ils quelque chose à dire des propos et de la question de la sénatrice Audette?
M. St. Pierre : Pas pour le moment. Je vais répondre à la sénatrice Audette par l’entremise de nos responsables des politiques. Nous lui ferons parvenir notre réponse sous peu, lorsque nous nous serons réunis demain après-midi.
Le vice-président : D’accord. Très bien alors.
Les sénateurs ne semblent pas avoir d’autres questions à poser. Chers collègues et témoins, la période prévue pour ce groupe de témoins est maintenant écoulée. Chers témoins, je tiens à vous remercier tous d’avoir comparu. Je remercie mes collègues sénateurs d’avoir participé aux échanges.
Si vous souhaitez présenter d’autres mémoires, veuillez les transmettre à la greffière par courriel. Merci à tous.
Je vais maintenant présenter les prochains témoins. Nous accueillons ce soir la grande cheffe Mandy Gull-Masty, du Grand Conseil des Cris et du gouvernement de la Nation Crie. Et du gouvernement Nisga’a Lisims, nous recevons Charles Morven, secrétaire-trésorier.
Je remercie les témoins de s’être joints à nous ce soir. Chaque témoin aura cinq minutes pour faire un exposé liminaire, après quoi nous entamerons les échanges avec les sénateurs. J’invite maintenant la grande cheffe Gull-Masty à livrer son exposé liminaire.
Mandy Gull-Masty, grande cheffe, Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) et gouvernement de la Nation crie : Bonsoir, distingués membres du comité. C’est un plaisir de vous revoir.
Le Grand conseil des Cris et le gouvernement de la Nation crie défendent ardemment les droits des peuples autochtones depuis les années 1980. Au niveau national, nous avons participé à divers titres aux dispositions concernant les droits ancestraux et issus de traités dans la Constitution canadienne et la Constitution internationale. Nous avons non seulement défendu nos intérêts, mais aussi participé à des groupes de travail.
Notre ancien grand chef, Ted Moses, a été le premier rapporteur spécial autochtone de l’ONU, et nous avons négocié avec le Canada et de nombreux États membres pendant plus de quatre décennies en vue de l’adoption de la DNUDPA.
Pour les Cris, il est d’une importance fondamentale que les droits des Autochtones soient reconnus et confirmés, correctement mis en œuvre et appliqués à l’échelle nationale partout au Canada. En 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies a confirmé les droits fondamentaux, inaliénables et inhérents de tous les êtres humains, comme l’ont convenu tous les États membres de l’ONU, y compris le Canada. Cette déclaration a d’ailleurs inspiré la Charte canadienne des droits et libertés.
Bien que les droits prévus dans ces instruments aient été universellement reconnus, ils ont souvent été refusés aux peuples autochtones du Canada. Les politiques coloniales et d’assimilation, notamment le système des pensionnats indiens, ont profondément nui aux familles et aux communautés autochtones et ont entraîné un traumatisme intergénérationnel dont il faudra des générations pour se remettre. Aujourd’hui, nous découvrons encore des atrocités et des violations des droits de la personne alors que nous continuons de découvrir les tombes anonymes d’enfants autochtones dans les écoles ou à proximité.
Les pensionnats et d’autres politiques coloniales et d’assimilation ont alimenté un cercle vicieux de traumatismes, de pauvreté, de violence et de discrimination systémique qui, à leur tour, ont accru la vulnérabilité, l’exploitation et la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones partout au Canada. Les femmes et les filles autochtones continuent de faire face à un risque disproportionné de traite de personnes, de violence et de pauvreté, ainsi qu’au déni de la protection de la loi et du droit à l’égalité devant la loi. Leur guérison et leur sécurité exigeront une réforme législative et des investissements importants pour améliorer les conditions socioéconomiques sous-jacentes pour elles et leurs familles.
Comme première étape pour corriger ces iniquités inacceptables, le Canada doit veiller à ce que les lois fédérales, provinciales et territoriales soient pleinement harmonisées avec la DNUDPA. Le Grand conseil des Cris et le gouvernement de la Nation crie se réjouissent de l’adoption par le Canada de la DNUDPA et d’un plan d’action national pour promouvoir la mise en œuvre fédérale de la Déclaration des Nations unies. Dans une décision récente, la Cour suprême du Canada a conclu à l’unanimité que la DNUDPA avait été intégrée dans le droit positif du pays. La Cour a souligné que la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones reconnaît que la Déclaration des Nations unies fournit un cadre pour la réconciliation. Il est stipulé à l’article 5 de la loi que :
Le gouvernement du Canada, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, prend toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la déclaration.
Le Canada doit continuer d’adopter une approche pangouvernementale coordonnée pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies. Tous les fonctionnaires et représentants politiques doivent être sensibilisés à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et au plan d’action, et comprendre le rôle et les responsabilités liés à sa mise en œuvre. De plus, comme le prévoit le plan d’action du Canada, le Canada devrait prendre des mesures immédiates pour établir un mécanisme autochtone indépendant chargé de surveiller la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et d’offrir des recours et des solutions aux peuples autochtones lorsque leurs droits individuels et collectifs sont bafoués.
Le Canada termine actuellement son quatrième processus d’examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, et ce mécanisme de surveillance favoriserait également la mise en œuvre par le Canada de bon nombre des recommandations de l’EPU4 concernant les peuples autochtones.
Le Grand conseil des Cris et le gouvernement de la Nation crie sont préoccupés par le fait que les consultations et la coopération du Canada avec les peuples autochtones sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies et les droits des Autochtones semblent se dérouler de plus en plus par l’entremise de grandes organisations nationales. Ces grandes organisations nationales ne sont pas représentatives des circonstances, des besoins, des intérêts et des aspirations uniques de tous les peuples autochtones, et certaines ne s’y identifient pas nécessairement. Nous sommes l’un de ces groupes.
Le Canada doit consulter directement les représentants des détenteurs de droits, comme le Grand conseil des Cris et le gouvernement de la Nation crie, et collaborer avec eux. Cette consultation et cette coopération directes sont conformes à nos relations de nation à nation et à nos traités. En mettant en œuvre la Déclaration des Nations unies, le Canada doit adopter des mesures adéquates pour garantir aux peuples autochtones le droit à la consultation et à la coopération; intégrer des normes acceptées en matière de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause; l’obligation de consulter et les droits affirmés dans la déclaration en ce qui concerne les projets de développement ayant des répercussions sur nos territoires et sur l’environnement.
Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, signifie que nous devons siéger à la table de négociations lorsqu’on prend des décisions qui ont une incidence sur notre peuple et nos terres traditionnelles. Les activités traditionnelles cries de chasse, de pêche et de piégeage, notre spiritualité et notre mode de vie dépendent tous de la terre et des ressources. Sans accès à ces discussions, nous sommes lésés par le dialogue qui est mené.
L’an dernier, nous avons été témoins des incendies de forêt catastrophiques qui ont ravagé nos territoires traditionnels, et nous avons souligné qu’il était urgent que le gouvernement canadien mette en œuvre des mesures visant à réduire et à atténuer les répercussions de la crise climatique sur nos terres et nos activités traditionnelles. Le Canada doit également investir dans des mesures visant à mettre fin au racisme et à la discrimination à l’égard des peuples autochtones dans l’ensemble de la société canadienne. Le Canada a proposé la création d’un tribunal et d’un ombudsman national des Autochtones et des droits de la personne. Ce serait un pas important dans la bonne direction.
Dans leur déclaration préliminaire sur le quatrième processus d’examen périodique universel du Canada, et lors du lancement du plan d’action national de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les fonctionnaires fédéraux ont admis qu’il reste encore beaucoup de travail à faire. Nous sommes d’accord avec cette affirmation. Cela dit, le Grand conseil des Cris et le gouvernement de la Nation crie sont déterminés à collaborer avec le Canada pour appuyer la mise en œuvre de toutes les recommandations, des appels à l’action et des appels à la justice.
Nous voulons nous assurer de respecter nos relations de nation à nation et nos traités. Cependant, nous ne pouvons appuyer le travail que lorsque nous participons au processus de mise en œuvre. Environ 40 ans après la production des ébauches, le Canada a maintenant adopté la Déclaration des Nations unies et ses articles, qui servent de norme minimale pour les droits des Autochtones dans notre pays. Nous devons veiller à ce que la mise en œuvre nationale ne cherche pas à diminuer, à abroger ou à entraver ces droits de quelque façon que ce soit. La Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et le plan d’action sont des points de départ. Un pas vers une meilleure compréhension, collaboration, équité et justice entre les peuples autochtones et non autochtones de ce pays est nécessaire et très bien accueilli. Merci. Meegwetch.
Le vice-président : Merci, grande cheffe Gull-Masty. J’invite maintenant M. Morven à faire sa déclaration préliminaire.
Charles Morven, secrétaire-trésorier, gouvernement Nisga’a Lisims : Merci et bonsoir. Au nom d’Eva Clayton, présidente du gouvernement Nisga’a Lisims, je suis heureux d’avoir l’occasion de m’adresser au comité.
Comme vous le savez, la Nation nisga’a a conclu l’Accord définitif nisga’a — aussi appelé le Traité nisga’a — le 11 mai 2000, et c’est le premier traité moderne de la Colombie-Britannique. Peu de temps après, avec d’autres traités modernes, nous avons formé la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales, que la Nation nisga’a préside aux côtés de nos amis de Nunavut Tunngavik Incorporated, ou NTI. La majorité des groupes des traités modernes forment la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales, qui représente plus de 40 % de la masse terrestre du Canada.
Par conséquent, nous considérons la DNUDPA et la loi du point de vue des traités modernes. Nous mettons l’accent sur ce qui, du point de vue des traités modernes, pourrait être la disposition la plus importante de la déclaration, soit l’article 37. L’article 37 prévoit que les peuples autochtones ont le droit à la reconnaissance, à l’observation et à l’application de nos traités et fait en sorte que rien dans la déclaration ne puisse être interprété de manière à diminuer ou nier les droits des peuples autochtones énoncés dans ces traités.
C’est essentiel. Le droit des peuples autochtones à l’autodétermination est au cœur même de la déclaration. Au Canada, nous reconnaissons depuis longtemps que les traités sont l’expression ultime de l’autodétermination et fournissent à leurs signataires la forme ultime de réconciliation. Les traités modernes énoncent en détail les moyens par lesquels les signataires autochtones peuvent vivre dans la dignité, maintenir et renforcer nos institutions, nos cultures et nos traditions, et poursuivre notre propre développement, conformément à nos propres besoins et aspirations. L’article 37 reconnaît l’importance et la priorité de ces accords protégés par la Constitution. D’autres peuvent parler des répercussions de la Loi sur les droits des peuples autochtones et de la DNUDPA sur les traités historiques.
L’effet de l’article 37 est clair : la reconnaissance, le respect et l’application de nos traités l’emportent sur tous les autres articles de la déclaration. C’est logique sans minimiser l’importance des autres articles. Une grande partie de la déclaration met l’accent sur les droits des peuples autochtones à l’autodétermination, aux terres, aux territoires et aux ressources, aux relations économiques et financières, ainsi qu’à la culture et à la langue, qui sont tous déjà inclus dans les traités.
À mon avis, la question que vous devez vous poser est la suivante : dans quelle mesure le Canada a-t-il réussi à reconnaître, respecter et appliquer les traités? Bien que les droits issus de traités soient déjà reconnus à l’article 35, y compris les droits issus de traités modernes en vertu du paragraphe 35(3) de la Loi constitutionnelle, trop souvent, ces droits ne sont pas respectés par les politiciens dans leurs initiatives législatives, ni par les fonctionnaires dans leurs actions administratives. Les fonctionnaires ont été réticents à faire respecter les droits issus de traités modernes, surtout face à des revendications concurrentes. Ils préfèrent plutôt assimiler nos droits établis et reconnus par la Constitution à des droits qui ont été revendiqués, mais qui n’ont jamais été prouvés ni acceptés. L’article 37 devrait empêcher que cela continue. L’objectif de la DNUDPA n’aurait pas pu être de traiter de la même façon les droits issus de traités établis et les droits revendiqués, mais non prouvés. La tentative de le faire diminue ou avilit inévitablement nos droits issus de traités, ce qui constitue une violation flagrante de l’article 37.
Afin de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que les lois du Canada sont conformes à la déclaration — en vertu de l’article 5 de la loi — le gouvernement doit, lorsqu’il promulgue une loi ou envisage une mesure administrative, déterminer si cela réduirait ou éliminerait les droits issus de traités modernes. Il doit s’assurer que ses décisions législatives sont conformes à ces droits. Toutefois, à bien des égards, le gouvernement continue de ne pas le faire.
Cependant, des mesures positives ont été prises. Par exemple, une initiative proactive importante pour se conformer à l’article 5 est le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois, qui vise à inclure une disposition de non-dérogation. Comme vous le savez, le Sénat a adopté le projet de loi en décembre 2023, et la Chambre des communes en est maintenant saisie. Nous félicitons le Sénat de cette mesure très positive. Nous espérons que la Chambre des communes suivra rapidement vos traces.
Enfin, nous félicitons le gouvernement d’avoir inclus dans le plan d’action national un chapitre distinct pour les partenaires des traités modernes. Nous voyons comme un élément positif l’acceptation de notre demande d’un plan d’action reconnaissant la distinction entre les peuples autochtones visés par des traités et les peuples autochtones qui n’ont pas de droits établis. Cela devrait être une étape utile vers la mise en œuvre rapide, efficace et pleinement financée des traités modernes.
Il est maintenant temps de mettre en œuvre ces engagements afin que la DNUDPA soit un moyen d’améliorer et de ne pas miner la reconnaissance, le respect et l’application de nos traités modernes. J’ai hâte de répondre aux questions des sénateurs. Merci.
Le vice-président : Merci, monsieur. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.
La sénatrice White : Merci à tous les deux pour vos exposés fort instructifs. Ma question s’adresse à la grande cheffe Gull-Masty. J’aime beaucoup votre idée d’un organisme autochtone chargé de faciliter la mise en œuvre. Ce genre d’outil nous permettrait, je pense, de jouer un rôle concret et actif dans la mise en œuvre.
Par curiosité, avez-vous des idées ou des conseils quant à la manière dont cet organisme pourrait être mis en place et quant à sa structure? Je vous pose la question parce que vous avez dit que le gouvernement pense qu’il lui suffit de consulter les organisations nationales. D’après ce que je comprends, nos communautés ne sont pas toujours consultées. Je suis vraiment curieuse d’entendre votre avis à ce sujet.
Mme Gull-Masty : Je vous remercie. Je suis d’accord avec ce qu’a dit mon collègue dans son allocution. L’intégration d’un volet consacré aux traités modernes dans le plan d’action est un énorme progrès. La création de ce mécanisme et la désignation de membres autochtones indépendants issus de diverses structures de gouvernance, comme les traités et les revendications territoriales modernes, permettent vraiment aux diverses nations autochtones du Canada d’avoir une représentation proportionnelle.
Il doit s’agir d’un groupe hybride composé de députés et de représentants du Sénat. Il doit adopter une approche collaborative, mais l’important, à mon avis, c’est de prendre en compte le point de vue des Autochtones qui savent d’expérience ce que c’est que d’être une personne autochtone au Canada, ce qui est très différent.
Je suis désolée de dire que le défi est toujours là. Quand je vais au magasin, je fais l’objet de profilage. Quand je vais à la clinique, je ne suis pas toujours bien traitée. C’est ça, la réalité. Ce processus doit être mis en œuvre dans cette optique. Malheureusement, il faut être né autochtone et vivre avec cette réalité pour savoir ce que cela veut dire. Ce processus doit vraiment être hybride et je souhaite la collaboration des divers ordres de gouvernement présents à cette table.
La sénatrice White : Pour que ce soit clair, je suis ravie de vous entendre utiliser le mot « hybride ». Voulez-vous dire que les représentants gouvernementaux devraient également être des Autochtones, en plus des partenaires autochtones?
Mme Gull-Masty : Non. Quand vous vous lancez dans ce genre de travail, je pense que vous devez être dans une position d’enseignant. Je serais favorable à ce qu’il y ait des non-Autochtones parmi les gens qui participeront à ce processus, parce qu’il y a une composante d’éducation et de partage avec ceux qui peuvent devenir des défenseurs et des alliés dans le suivi de cette mise en œuvre.
Le vice-président : Je vous remercie.
La sénatrice Coyle : Je remercie nos deux témoins de leur présence ici ce soir. Vos observations nous sont très utiles dans notre examen de cet important plan d’action. C’est bien d’avoir une loi en place, mais ce qui sera vraiment important, c’est la façon dont elle sera mise en œuvre.
Nous venons de rencontrer les représentants de l’Association nationale des centres d’amitié et du Congrès des peuples autochtones, qui ont tous deux émis des réserves au sujet de l’approche fondée sur les distinctions. Selon eux, cette approche exclut ou pourrait exclure certaines personnes. J’aimerais savoir ce que vous pensez de l’approche fondée sur les distinctions, la seule qui est décrite dans ce plan d’action. Pourquoi cette approche est-elle importante? L’est-elle vraiment? N’y aurait-il pas moyen de dissiper certaines des préoccupations soulevées par ceux qui se sentent laissés pour compte avec cette approche?
M. Morven : Merci. Je suis content que vous posiez cette question. Dans tout ce processus de mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, nous partageons l’avis de certains centres d’amitié, parce que les traités modernes ont été en quelque sorte exclus de la discussion au début. Ce n’est que récemment que nous avons commencé à inclure certains éléments que j’ai mentionnés tout à l’heure, notamment la Loi d’interprétation, sur laquelle nous travaillons depuis 2007. Nous n’avons jamais participé à la discussion sur la déclaration des Nations unies. Nous n’avons jamais participé à la discussion sur la loi, ni en Colombie-Britannique ni au Canada. Nous savons de quoi parlent les centres d’amitié.
L’une des choses que nous disons, c’est que le gouvernement ne respecte pas toujours nos traités. Nous sommes protégés en vertu du paragraphe 35(3) de la Loi constitutionnelle. Pour vous donner un exemple, la nation Nisga’a est en train de se faire envahir de toutes parts. Au nord et au sud, des gens essaient d’empiéter sur nos terres déjà protégées en vertu de la Loi constitutionnelle. Les gouvernements fédéral et provincial les laissent faire.
Le ministère des Pêches et des Océans est l’un de nos plus gros problèmes parce qu’il autorise une nation à pêcher dans notre rivière et à vendre le poisson et il aide aussi cette nation à gérer la pêche. Nous sommes traités d’une manière complètement différente. Le gouvernement manque totalement de respect à l’égard de la nation Nisga’a quant à la manière dont nous gérons nos pêches et conservons notre poisson, mais il autorise une autre nation à pêcher du poisson et à le vendre à des fins lucratives. C’est tout à fait injuste, mais nous sommes lentement en train de corriger cette disparité.
Mme Gull-Masty : Je vous remercie de cette question, sénatrice Coyle.
Je pense que c’est un problème. La nation crie est l’un des groupes visés par les traités modernes, ou ententes sur les revendications territoriales. Nos droits sont très différents de ceux des nations détentrices de droits issus de traités. Nos interactions avec les divers ordres de gouvernement sont très différentes. Avec tout le respect que je dois aux groupes qui viennent à cette table, je parle au nom des détenteurs de droits. Je pense que les personnes qui servent ces communautés et ces titulaires de droits forment un groupe distinct. Dans la structure crie, nous entretenons des relations avec divers organismes qui servent nos clients, que ce soit au sein de la communauté ou à l’extérieur. Je pense qu’une bonne gouvernance exige que vous consultiez les organisations avec lesquelles vous travaillez. En ce qui concerne la nation crie, nous allons au-delà des attentes afin de nous assurer qu’avant de faire une déclaration, nous consultons des groupes qui sont des experts sur les questions sur lesquelles nous nous prononçons publiquement.
C’est un défi. Quoi qu’il en soit, malgré les efforts déployés pour que tout le monde soit représenté à un certain titre, il y aura toujours quelqu’un qui ne répond pas aux critères. Je comprends que c’est difficile à définir. Je pense toutefois qu’il est important que ce document soit évolutif et sans cesse amélioré. Il est important de préciser cette catégorie, et je crois que ce groupe autochtone de mise en œuvre pourrait vous aider à choisir judicieusement les personnes qui devraient participer aux discussions.
La sénatrice Coyle : Merci à tous les deux.
Grande cheffe, vous avez soulevé un point très important, à savoir que vous représentez des titulaires de droits — et personne ne doit oublier cela ici —, ce qui distingue votre groupe des autres.
Permettez-moi de vous poser une question au sujet de ce que vous avez dit. Si je vous ai bien comprise, vous avez dit qu’il était important de sensibiliser les fonctionnaires à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Est-ce bien ce que vous avez dit? Si c’est bien cela, il s’agit là d’un point vraiment. Je suppose que vous ne parlez pas seulement des fonctionnaires de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada et de Services aux Autochtones Canada. Si c’est bien ce que vous avez dit, pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?
Mme Gull-Masty : Je vous remercie encore une fois de votre question. Il est nécessaire d’adopter une approche pangouvernementale pour sensibiliser les fonctionnaires au plan d’action, à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et aux responsabilités liées à sa mise en œuvre et pour leur offrir également une formation sur les traités et les revendications territoriales modernes. J’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreux sous-ministres et sous-ministres adjoints et de leur raconter l’histoire de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, ou CBJNQ, notre accord moderne sur les revendications territoriales. Nous avons expliqué l’évolution, les relations et les changements. Nous avons essayé de le faire d’une manière dynamique, sans jargon juridique. Nous leur avons raconté comment nous vivons avec cet accord, quels changements nous y avons apportés, comment l’accord a évolué et quel impact il a eu sur notre nation durant ce processus évolutif.
C’est une démarche très importante. Je recommande et j’encourage le Sénat à intégrer des mesures supplémentaires en invitant les Premières Nations à venir raconter leur propre expérience avec leur traité ou leur revendication territoriale moderne. J’ai beaucoup apprécié cette rencontre. C’était une séance publique. De nombreuses personnes y ont assisté. Il est important d’avoir cet échange et ce dialogue, car l’expérience que nous avons en tant que bénéficiaires de la convention est très différente de celle du fonctionnaire qui doit l’interpréter. Il est très important de connaître l’histoire sous-jacente pour pouvoir l’interpréter.
Nous devons approfondir ce travail. Vous pourriez convoquer des personnes très qualifiées capables de vous expliquer tout cela. Je le répète, cet organisme autochtone indépendant pourrait être une excellente ressource pour offrir ce service aux fonctionnaires.
La sénatrice Coyle : Permettez-moi d’aller un peu plus loin. Existe-t-il un chevauchement entre cet organisme et le Conseil national de réconciliation, qui a un rôle à jouer, n’est-ce pas? La réconciliation passe en grande partie par l’éducation de la population canadienne. N’y a-t-il pas un chevauchement ici?
Mme Gull-Masty : Oui. En fait, il ne s’agit pas d’une formation unique applicable à tout le monde. Il doit y avoir un volet interne, par exemple, un apprentissage principal, peut-être par l’entremise du Conseil national de réconciliation. Les groupes qui collaborent étroitement avec les Nations unies — qui formulent des commentaires, défendent des intérêts et proposent des interventions aux divers mécanismes onusiens — sont des groupes intéressants que vous devriez convoquer ici pour leur poser des questions. La nation crie fait partie de ces groupes depuis plus de 40 ans. Nous avons participé et nous avons pu vivre cette expérience pendant une très longue période et nous en avons tiré beaucoup d’enseignements. Les membres de longue date comme Willie Littlechild, et tous les gens engagés auprès des Nations unies, seraient en mesure de vous offrir un point de vue très intéressant et fascinant sur ce processus.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup.
La sénatrice Martin : Je remercie les témoins qui sont venus ce soir.
Monsieur Morven, j’ai quelques questions à vous poser au sujet de ce que vous avez dit au sujet des droits issus de traités modernes. Vous avez tout d’abord dit que les droits issus des traités modernes n’ont pas été respectés ni honorés, et que vous n’avez pas participé aux discussions sur le projet de loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ni en Colombie-Britannique ni avec le gouvernement fédéral. Le plan d’action de mise en œuvre des droits issus des traités modernes fait maintenant l’objet d’un chapitre distinct.
Vous avez expliqué certains défis que vous avez dû relever, mais j’aimerais que vous décriviez les défis auxquels font face les signataires de traités modernes au Canada. Pensez-vous que leurs préoccupations sont prises en compte dans le chapitre qui est maintenant intégré au plan d’action?
M. Morven : Je vous remercie de cette question. Je peux seulement parler de l’expérience des Nisga’as. Depuis l’entrée en vigueur du traité, nous avons eu beaucoup de problèmes, notamment en ce qui concerne les pêches, car c’est là où nous avons été particulièrement lésés par rapport à tout le travail que nous avons accompli — même avant l’entrée en vigueur du traité — pour gérer nos pêches et maintenir nos stocks. Le gouvernement fédéral, par l’entremise de Pêches et Océans, n’a cessé de nous mettre des bâtons dans les roues.
Au début, les choses allaient vraiment bien, mais à l’arrivée de la nouvelle administration dans la partie nord, les problèmes ont commencé. On dirait que ces gens essaient de détruire notre rivière. Quand il y a une pénurie de poissons, ils ferment la pêche sur la rivière Skeena et le fleuve Fraser, mais laissent la rivière Nass ouverte aux pêcheurs sportifs. Nous ne sommes pas traités sur un pied d’égalité, et ils ne sont jamais là quand nous voulons organiser des rencontres avec eux. C’est très difficile de les rencontrer.
Par ailleurs, dans la région, nous n’avons pas été cohérents en ce qui concerne nos accords financiers, qui sont censés être négociés tous les cinq ans. Depuis l’entrée en vigueur du traité, nous en sommes à notre troisième accord financier, mais il a été modifié à maintes reprises.
Il y a eu beaucoup de manquements à cet égard. Certaines nations font des travaux sur nos rivières et nos affluents, mais la province et le gouvernement fédéral ne nous ont jamais consultés à ce sujet. Il n’y a aucune consultation. Nous n’avons pas été consultés sur ce qui se passe dans notre région.
Même au gouvernement provincial, il y a des mesures législatives qui concernent d’autres communautés autochtones; c’est ainsi qu’un accord a été signé avec la nation tahltan, au sujet duquel on ne nous a jamais consultés. Nous sommes bons amis avec les Tahltans, mais il y a des choses dans cet accord qui vont nous toucher si les Tahltans en viennent à prendre une décision, surtout d’ordre économique; cela va toucher la nation nisga’a. Cela leur donne plus de pouvoirs que nous sur notre territoire.
Le gouvernement ne semble pas vouloir nous consulter sur quoi que ce soit qui nous touche. Il donne voix à d’autres nations pour ce qui concerne seulement les Nisga’as et les Tahltans dans notre région. Il permet à d’autres nations de s’immiscer alors qu’elles ne devraient pas. Nous l’apprenons une fois que c’est fait; il y a beaucoup d’accords qui sont signés qui touchent la nation nisga’a et au sujet desquels nous ne sommes jamais consultés.
La sénatrice Martin : Il y a un chapitre distinct dans le plan d’action pour les droits issus de traités modernes. Pensez-vous qu’il sera bien appliqué, ou mis en œuvre, d’après ce que vous avez vécu jusqu’à maintenant?
M. Morven : Il faudra attendre de voir. À l’heure actuelle, je ne suis pas trop confiant, mais il y a des travailleurs qui viennent et qui s’occupent strictement des traités modernes au sein de RCAANC. Nous nous entendons très bien avec eux, c’est très encourageant, mais dans d’autres secteurs du ministère, nous constatons des problèmes.
Un exemple que je donnerais, c’est le changement de politique concernant la négociation des traités, où on a rétabli l’exemption fiscale. Cela s’est fait sans consulter les Nisga’as, qui se sentaient à l’aise avec la fiscalité. Cela a été annoncé publiquement sans nous consulter, ce qui a mis de la pression sur notre gouvernement parce que les gens se sont mis presque aussitôt à appeler pour demander quand ils allaient récupérer leur exemption fiscale.
Le ministère essaie maintenant d’appliquer son changement de politique à la nation nisga’a sur les terres nisga’as, parce que nous avons pris de l’expansion depuis le traité. On autorise l’exemption fiscale seulement dans les anciennes réserves, ce qui nous met dans une situation délicate parce que nous avons des gens à l’extérieur des anciennes réserves qui paieront l’impôt sur le revenu des particuliers, tandis que d’autres à l’intérieur des réserves en seront exemptés. Cela crée de la division, et le ministère n’est pas disposé à la moindre concession avec nous à ce sujet, pas même à faire la moitié du chemin vers nous. Il n’y a pas moyen de le faire plier à moins de commencer à travailler à remettre en application la fiscalité qu’il nous impose.
Il y a beaucoup de choses qui créent beaucoup de problèmes parce qu’on ne nous consulte pas d’abord.
La sénatrice Martin : Toujours ce manque de consultation, qui revient encore et encore.
J’ai une question pour la grande cheffe Gull-Masty. En avril 2023, je crois, vous avez dit craindre que de nombreuses Premières Nations n’aient pas participé suffisamment aux consultations. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette lacune? Le gouvernement a-t-il donné des raisons pour un tel manque de consultation? Estimez-vous que vos gens ont été suffisamment consultés?
Mme Gull-Masty : Très souvent, le problème, est que ces organismes — ces organisations nationales — sont choisis pour la consultation, et les situations complexes des nations comme la mienne ne font pas partie du dialogue parce qu’il y a différents organismes qui représentent les groupes des revendications territoriales modernes au Canada.
Je pense qu’il faut ratisser plus large pour amener une grande diversité de membres aux consultations et au dialogue. Il faut aussi qu’il y ait un mécanisme ouvert, parce que, comme en ont témoigné les groupes qui ont comparu avant moi, il y a, de temps à autre, des positions très valables qui viennent de l’extérieur et qui doivent être présentées. Je respecte le fait d’avoir des fournisseurs de services comme ceux du groupe de témoins précédent. Les services qu’ils rendent ou les préoccupations qu’ils ont reposent souvent sur une connaissance et une compréhension intimes de ce qui se passe en première ligne.
Même si je vois des problèmes avec la consultation, pour moi, le plus difficile, c’est le mécanisme de règlement des différends lui-même. Si vous trouvez qu’on ne vous consulte pas, si vous vous sentez exclus du dialogue, où allez-vous pour déposer une plainte? Je suis très critique du mécanisme qui est en place actuellement. Vous n’avez pas la possibilité de présenter une demande officielle pour faire partie de l’organisme de consultation, si cela se produit.
De toute évidence, il y a quelque chose qui fait défaut. Dans le cadre du plan d’action, je pense qu’il faut y remédier. Le travail qui se fait dans le cours de ce processus exige une reddition de comptes des plus strictes : c’est bien beau d’avoir un mécanisme autochtone en place pour évaluer la mise en œuvre, mais encore faut-il nous mettre au défi, en tant que pays, de montrer à la face du monde ce que le Canada fait avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Je crois que la reddition de comptes est vraiment une volonté d’assumer la responsabilité de vos actes. Il ne s’agit pas seulement de rendre des comptes aux Canadiens; il s’agit pour le Canada d’afficher — sur la scène internationale — ce que vous faites pour les peuples autochtones, non simplement par la seule voix d’un représentant du gouvernement, mais en collaboration avec les peuples autochtones.
Si vous voulez parler du travail que vous faites avec et pour les peuples autochtones, vous ne pouvez pas être le seul messager. Vous devez les avoir à vos côtés comme un allié, un défenseur et un coprésentateur.
La sénatrice Martin : Je pense que ce sont des observations et des recommandations très importantes que le comité devrait examiner. Le mécanisme de règlement des différends sera très important pour assurer une meilleure reddition de comptes. Merci beaucoup de vos observations et de vos recommandations.
Le vice-président : Monsieur Morven, vous vouliez ajouter quelque chose. Allez-y, monsieur.
M. Morven : À titre de précision, en vertu du traité nisga’a, au chapitre des relations financières, la nation nisga’a — après 13 ans — a dû mettre en œuvre un régime fiscal chez elle : nous prélevions l’impôt sur le revenu des particuliers. Nous pouvions en tirer des revenus, comme d’ailleurs de l’impôt foncier après 13 ans. Après huit ans, nous avons mis en œuvre la taxe de vente. Quand cette annonce a été faite, les gens nous ont mis de la pression. La nation se sentait à l’aise avec ce régime, jusqu’à ce qu’on fasse cette annonce en vertu de l’article 87, selon laquelle l’exemption fiscale ne serait pas supprimée pour négocier des traités.
Pour être juste, on nous a dit que ceux qui étaient déjà visés par le traité auraient le choix de revenir à l’exemption fiscale, et on ne nous a pas consultés à ce sujet au préalable. Nos citoyens nous ont aussitôt interpellés, alors nous avons dû prendre la décision, à titre de gouvernement, de revenir à l’exemption fiscale prévue à l’article 37. Nos communautés avaient grandi sous le régime du traité. Le traité ne parle pas de réserves, or voilà que nous devons maintenant nous conformer aux règles qui s’appliquent aux anciennes réserves, et on ne nous permet pas d’en étendre l’application là où nous sommes rendus aujourd’hui.
Il y a des gens dans les communautés — parce que les communautés ont grandi — qui se trouvent au-delà des limites des anciennes réserves : ceux-là seront taxés tandis que les autres ne le seront pas. Nous travaillons actuellement avec le ministère des Finances du Canada pour régler cela. Il y a des dossiers où le Canada ne consulte pas toujours la nation nisga’a avant de prendre des décisions.
La sénatrice Martin : C’est un bon exemple. Merci.
Le vice-président : Merci aux témoins. Nous devrons nous arrêter assez brusquement dans quelques minutes, mais je vais poser une question aux deux témoins, et elle porte sur le règlement des différends parce qu’il est possible qu’il y ait une commission des droits des Autochtones et un tribunal. Nous savons que le conseil national de réconciliation — le projet de loi C-29 — entrera en vigueur, mais il y a autre chose dans ce plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones : la mesure 19. Je vais faire vite, parce que j’ai déjà posé la question à d’autres témoins. Je suis certain qu’il va falloir attendre une réponse écrite parce que nous manquons de temps ici. La mesure 19 propose de :
[c]réer un mécanisme indépendant relatif au suivi, à la surveillance, aux recours ou aux mesures de réparation des droits des Autochtones ou des mécanismes dont la fonction serait de permettre aux peuples autochtones d’avoir accès à des procédures justes et équitables pour le règlement des différends et des conflits et de prendre rapidement des décisions à ce sujet, ainsi que de disposer de recours efficaces en cas d’atteinte ou de violation de leurs droits individuels et collectifs.
Cela pourrait signifier des intrusions sur vos terres. Le texte en dit plus long, mais c’est un mécanisme qui, je dirais, a beaucoup de mordant. Seriez-vous en faveur d’une structure de ce genre pour obtenir quelque chose de plus immédiat dans les cas critiques où des gouvernements et d’autres empiètent sur vos terres et que votre seul recours est peut-être d’intenter un procès qui peut durer une vingtaine d’années?
Je ne sais pas si vous avez quelque chose à dire à ce sujet pour l’instant, mais si vous avez des observations à nous communiquer plus tard par écrit, ce serait bien. Je vois que M. Morven aimerait faire un bref commentaire.
M. Morven : Dans notre traité, nous avons ce mécanisme pour régler les différends avec le gouvernement du Canada et la Colombie-Britannique, et il y a des étapes à franchir si nous ne parvenons pas au moindre règlement, après quoi nous allons devant les tribunaux.
C’est long comme processus, mais nous l’avons utilisé seulement ces quelques dernières années, et il semble être efficace. C’est lent, mais il faut être patient, et parfois nos citoyens ne le sont pas autant que nous, alors ils nous mettent plus de pression. Ils nous demandent pourquoi nous n’amenons pas le gouvernement devant les tribunaux pour certains litiges. Je leur ai dit : « Il y a un processus de règlement des différends. Pour l’instant, nous en sommes à la deuxième étape et nous commençons à gagner du terrain. »
Cela fonctionne pour nous, en effet.
Le vice-président : C’est bon à savoir.
Si vous avez quelque chose à ajouter, veuillez l’envoyer à la greffière par écrit. Je donne enfin à la grande cheffe Gull-Masty l’occasion de nous faire part rapidement de son expérience ou de son observation.
Mme Gull-Masty : Pour avoir intenté de nombreuses poursuites devant les tribunaux, je pense qu’il aurait été très utile d’avoir un organisme de représentation de mes pairs pour préconiser une communication et un dialogue en bonne et due forme avant que le différend n’en arrive à l’étape du recours juridique.
Oui, je serais en faveur. Parfois, un dialogue au sein d’un petit groupe aux attributions claires et nettes peut régler le différend plus rapidement qu’un recours judiciaire. Nous avons un certain nombre d’affaires judiciaires qui s’étirent sur 20 ans, et cela a causé beaucoup de frustrations — comme mon collègue le disait ici — chez des gens qui ont vécu toute leur vie sans jamais voir de règlement. En ce qui concerne ce mécanisme qui est proposé, je vais envoyer quelque chose à la greffière pour appuyer sa création.
Le vice-président : D’accord, merci beaucoup.
Oui, monsieur, une dernière fois, allez-y.
M. Morven : Le règlement des différends relève toujours de l’article 19. C’est l’article de notre traité.
Le vice-président : Merci aux témoins. Vos interventions nous sont très utiles. Je tiens à remercier tous les témoins et les sénateurs d’avoir pris part au débat de ce soir. Merci beaucoup.
Le temps est écoulé pour ce groupe de témoins. Encore une fois, merci. Si vous souhaitez présenter d’autres mémoires, veuillez les transmettre à la greffière par courriel. C’est là-dessus que la réunion prend fin. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)