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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 1er mai 2024

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 50 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021 par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis et, à huis clos, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones.

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, je voudrais rappeler à tous les sénateurs et aux autres participants à la réunion les mesures de prévention suivantes.

Pour prévenir les incidents de rétroaction acoustique perturbateurs et potentiellement dangereux, susceptibles de causer des blessures, nous rappelons à tous les participants qui sont ici en personne de garder en tout temps leur oreillette éloignée des microphones.

Comme l’indique le communiqué du Président adressé à tous les sénateurs le lundi 29 avril, les mesures suivantes ont été prises pour contribuer à prévenir les incidents de rétroaction acoustique.

Toutes les oreillettes ont été remplacées par un modèle qui réduit considérablement la probabilité d’un effet Larsen. Les nouvelles oreillettes sont noires, alors que les anciennes étaient grises. Veuillez n’utiliser qu’une oreillette noire approuvée.

Par défaut, toutes les oreillettes inutilisées seront débranchées au début d’une réunion. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer face vers le bas, au milieu de l’autocollant sur la table, tel qu’indiqué sur l’image.

Veuillez consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices sur la prévention des incidents acoustiques.

Veuillez vous asseoir de manière à augmenter la distance entre les microphones.

Les participants doivent uniquement brancher leurs oreillettes sur la console audio située directement devant eux.

Ces mesures sont mises en place pour que nous puissions mener nos activités sans interruption et pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes. Nous vous remercions tous de votre coopération.

J’aimerais commencer par reconnaître que le territoire sur lequel nous nous réunissons est le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinaabe et qu’elle abrite aujourd’hui de nombreux autres peuples métis, inuits et des Premières Nations de toute l’île de la Tortue.

Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis d’Epekwitk, également connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis le président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Je demanderais maintenant aux membres du comité de se présenter.

Le sénateur Arnot : Je suis David Arnot, de la Saskatchewan. Je vis sur le territoire visé par le Traité no 6.

La sénatrice Martin : Bonjour. Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur McNair : Bonjour. John McNair, du Nouveau-Brunswick. Je remplace la sénatrice Hartling, et je suis des territoires non cédés des Mi’kmaqs.

La sénatrice Busson : Bonjour et bienvenue. Je suis Bev Busson, de la Colombie-Britannique, et je remplace Margo Greenwood, qui est également de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta, du territoire visé par le Traité no 7.

La sénatrice White : Judy White, de Terre-Neuve-et-Labrador, de la terre ancestrale des Mi’kmaqs.

[Français]

La sénatrice Audette : Kwe. Michèle Audette, du Québec, Nitassinan.

[Traduction]

La sénatrice Coyle : Bonjour. Je suis heureuse de vous voir tous. Je suis Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, Mi’kma’ki.

Le président : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude pour étudier la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021, aussi connue sous LDNU et LDNUDPA, par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Le comité entend des témoins pour approfondir son sujet à l’étude.

J’aimerais maintenant présenter nos témoins. Du Ralliement national des Métis, nous accueillons Cassidy Caron, présidente, et de l’Association des femmes autochtones du Canada, nous recevons Lisa J. Smith, conseillère de la présidente. Merci à toutes les deux de vous joindre à nous aujourd’hui.

Les témoins feront une déclaration liminaire d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une période de questions et de réponses avec les sénateurs.

J’invite maintenant la présidente Caron à faire son exposé liminaire.

Cassidy Caron, présidente, Ralliement national des Métis : Merci, sénateur Francis. [mots prononcés en langue autochtone]. Bonsoir, tout le monde. Je me joins à vous aujourd’hui en ma qualité de présidente du Ralliement national des Métis, qui a été reconnu comme étant le représentant national et international de la nation des Métis au Canada depuis 1983.

Le Ralliement national des Métis est composé de dirigeants démocratiquement élus au sein des gouvernements provinciaux des Métis qui se trouvent actuellement dans les provinces de la Saskatchewan, de l’Alberta, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique. Depuis 1983, la priorité du Ralliement national des Métis a toujours été et restera les citoyens métis, et nous continuerons de faire avancer les questions d’importance collective au service de la nation métisse, comme l’ont voulu nos fondateurs.

Je tiens à remercier le comité sénatorial de son invitation à discuter de la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je tiens également à souligner que bon nombre d’entre nous se réunissent sur les territoires non cédés des peuples autochtones, et que le siège social du Ralliement national des Métis se trouve sur le territoire algonquin anishinaabe. Nous sommes reconnaissants de la gestion de leurs terres traditionnelles et non cédées sur lesquelles nous travaillons.

Avant de commencer, je tiens à rappeler à tous que le 5 mai de cette semaine est la Journée de la robe rouge. Il s’agit d’une journée de commémoration et d’hommage aux femmes, aux filles et aux personnes 2ELGBTQIA+ autochtones disparues et assassinées. C’est dans cet esprit que j’ai le plaisir de m’adresser à vous tous aujourd’hui pour vous parler des réussites, des défis et des possibilités d’amélioration en ce qui concerne la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones — ou LDNU, comme je l’appellerai.

Le Ralliement national des Métis et nos gouvernements métis ont travaillé avec plusieurs ministères du gouvernement du Canada pour mettre en œuvre diverses mesures du Plan d’action, ou MPA, à la fois dans le chapitre sur les priorités partagées et le chapitre sur les Métis. Ce travail a été effectué sans financement autodéterminé adéquat, et nos représentants ont appris de plusieurs ministères qu’ils ne disposaient pas du financement nécessaire à la mise en œuvre de la LDNU. Il s’agit là d’un obstacle important à la poursuite de la mise en œuvre des obligations du Plan d’action par la nation métisse et le Canada.

En discussion avec les ministères, le Ralliement national des Métis et nos membres dirigeants ont été informés à plusieurs reprises par des fonctionnaires qu’ils n’avaient pas de mandat clair pour entreprendre ce travail. Cette situation est préoccupante et pose un autre problème important pour la mise en œuvre.

L’article 5 de la LDNU prévoit ce qui suit :

Le gouvernement du Canada, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, prend toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration.

La nation métisse a été confrontée à d’importants obstacles structurels en plus du manque d’engagement à comprendre ce que signifient en pratique une consultation et une coopération pleines et entières, conformément à l’article 5 de la LDNU.

Je tiens à ce que notre position soit claire : la consultation et la coopération ne constituent pas un engagement général. Les fonctionnaires ont adopté cette position devant cet honorable comité le 27 février, et le Ralliement national des Métis n’est respectueusement pas d’accord. Toutefois, le Canada et la nation métisse ont réalisé certains progrès dans la mise en œuvre de la LDNU, notamment en ce qui concerne la mesure 10 du Plan d’action pour les Métis et l’élaboration de principes d’élaboration conjointe entre le Canada et la nation métisse. Ces principes garantissent l’existence d’un mécanisme qui permet une compréhension et une approche unifiées et pangouvernementales de la mise en œuvre de l’article 5 de la LDNU, ainsi que le seuil requis pour la consultation et la coopération.

Les principes énoncent comment la nation métisse et le Canada peuvent élaborer conjointement les lois et les politiques de manière équitable, tout en respectant l’obligation du Canada et le droit inhérent des Métis à l’autodétermination. Les principes représentent un outil qui oriente la façon dont les parties travailleront ensemble sur des initiatives conjointes, y compris des projets de loi, des examens législatifs ou périodiques des lois, des règlements et du contenu des politiques, des programmes et des services, ceux qui découlent de la mise en œuvre de la Déclaration de l’ONU en particulier.

La dernière fois que j’ai pris la parole à ce comité, c’était en décembre 2023 pour souligner l’importance de la mesure 19 du Plan d’action. Il est incroyablement décevant de constater que, malheureusement, je ne peux vous fournir aucune mise à jour importante sur la mise en œuvre de cette mesure. Plus de trois mois plus tard, le Canada et la nation métisse ne sont pas plus près d’établir un mécanisme, qui est nécessaire à la mise en œuvre de la DNUDPA et à la progression de la réconciliation. Le Ralliement national des Métis est d’avis que ce mécanisme doit être dirigé par les Autochtones, fondé sur les distinctions et informé par les coutumes et les interprétations juridiques.

Sur ce, je tiens à vous remercier de me recevoir ici aujourd’hui. Je me réjouis de la discussion qui suivra.

Merci.

Le président : Merci, madame la présidente Caron. J’invite maintenant Mme Smith à faire sa déclaration liminaire.

Lisa J. Smith, conseillère de la présidente, Association des femmes autochtones du Canada : Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité et madame la présidente Caron. C’est un plaisir de vous parler aujourd’hui depuis St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador, la terre des Béothuks. Je vais vous expliquer l’importance du Plan d’action pour l’Association des femmes autochtones du Canada, ou AFAC, et pour les personnes que nous servons.

Je parlerai des défis, des réussites, des occasions d’apporter des améliorations et des lacunes.

Le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées traite en partie de l’importance de la DNUDPA pour le respect de l’autodétermination et de l’autonomie des peuples autochtones et la création d’un espace à cet effet; du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones à tous les processus décisionnels qui les concernent; et de l’élimination de la discrimination fondée sur le sexe dans la Loi sur les Indiens, etc.

S’il est mis en œuvre adéquatement, le Plan d’action garantira la sécurité des femmes, des jeunes filles, des personnes bispirituelles, des transgenres et des personnes de diverses identités de genre. Quand je parle des femmes et des personnes de diverses identités de genre autochtones, c’est inclusif.

Quels sont les défis? Tout au long de l’étape de la rédaction du Plan d’action, les rappels persistants de l’AFAC au gouvernement du Canada d’inclure un libellé précis lié aux questions des femmes autochtones ont mis en évidence le défi permanent d’assurer une représentation et une prise en considération suffisantes de leurs préoccupations.

De nombreuses questions cruciales concernant les femmes autochtones n’ont pas encore été précisément abordées dans le Plan d’action. Des obstacles systémiques profondément ancrés ont entravé la participation des organisations de femmes autochtones à l’étape de la rédaction, l’AFAC ayant reçu le projet de plan d’action plus tardivement que les autres organisations autochtones.

La réticence à accepter l’engagement actif des organisations de femmes autochtones perpétue la marginalisation et sape le potentiel d’élaboration de politiques inclusives et exhaustives.

Les délais serrés qu’impose le gouvernement du Canada à l’AFAC remettent souvent en question sa capacité à produire des réponses complètes en temps voulu.

En outre, plusieurs propositions de l’AFAC n’ont pas été incluses dans le Plan d’action final.

Mais quelles sont les réussites? En ce qui concerne le leadership des femmes autochtones, l’inclusion des mesures dans le Plan d’action reconnaît que le leadership et les efforts de défense des intérêts des organisations et des communautés de femmes autochtones représentent une réussite digne de mention — à savoir les mesures 69 et 70.

Le Plan d’action reflète les disparités fondées sur le genre auxquelles sont confrontées les femmes, les filles, les personnes bispirituelles, les transgenres et les personnes de diverses identités de genre autochtones, telles que l’incarcération excessive, la crise des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées, ou FFADA, la violence fondée sur le sexe, la discrimination fondée sur l’appartenance et le racisme systémique dans notre système de soins de santé.

En ce qui concerne les occasions, en investissant dans le renforcement des capacités, les organisations de femmes autochtones peuvent faciliter une plus grande participation des femmes autochtones aux processus de prise de décisions à tous les niveaux.

La mise en place de mécanismes solides dirigés par des Autochtones pour surveiller, évaluer et communiquer les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan d’action constitue une occasion cruciale pour la reddition de comptes et la transparence. L’AFAC souligne l’importance d’établir des repères et des indicateurs clairs afin d’évaluer avec précision l’incidence du Plan d’action.

En accordant la priorité aux mécanismes de reddition de comptes, le Canada peut démontrer son engagement à l’égard d’une mise en œuvre efficace.

L’AFAC estime qu’une section sur les priorités des femmes et des personnes de diverses identités de genre autochtones doit également être incluse. Selon le paragraphe 35(4) de la Loi constitutionnelle de 1982, les hommes et les femmes ont les mêmes droits ancestraux et issus de traités. De nombreuses études menées au Canada révèlent que les femmes autochtones et les personnes de diverses identités de genre sont beaucoup plus désavantagées que leurs homologues masculins et qu’elles méritent une protection particulière.

Quelles sont les lacunes? Bien que le Plan d’action fasse fréquemment référence à une optique d’équité entre les sexes, il n’y a pas suffisamment de solutions sexospécifiques dirigées par des femmes pour relever les défis particuliers auxquels sont confrontées les femmes et les filles autochtones.

Malgré l’adoption de la Loi sur la DNUDPA et la publication du Plan d’action, l’absence de mécanismes législatifs pour faire respecter ses dispositions constitue une lacune importante.

L’AFAC plaide pour l’élaboration d’un cadre juridique solide qui défend les droits des peuples autochtones et tienne les gouvernements responsables de leur mise en œuvre. Par exemple, la création d’un tribunal administratif des droits de la personne des peuples autochtones pourrait fournir un mécanisme permettant aux peuples autochtones d’exercer un recours et de faire face aux violations de leurs droits dans un contexte juridique. Qu’est-ce qu’un droit sans recours?

Le Plan d’action manque de clarté sur la manière dont le succès de la mise en œuvre sera surveillé et évalué, ainsi que sur les indicateurs clés permettant de mesurer les progrès accomplis.

Sans délai clair, il devient difficile de suivre les étapes, de cibler les domaines à améliorer et de garantir la mise en œuvre en temps voulu des initiatives décrites dans le Plan d’action.

Pour réitérer, l’AFAC aimerait voir des références plus précises dans le plan d’action aux femmes, aux filles et aux personnes de diverses entités de genre autochtones en tant que groupe marginalisé fondé sur le genre dont les droits méritent d’être protégés. Merci.

Le président : Merci, madame Smith. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs, en commençant avec le vice-président.

Le sénateur Arnot : Ma première question s’adresse à la présidente Caron. J’ai également une deuxième question pour Mme Smith de l’AFAC.

Madame la présidente, comment envisagez-vous que le Ralliement national des Métis utilise la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pour soutenir les communautés métisses? J’aimerais connaître vos stratégies pour préserver la culture et la langue métisses. Je m’intéresse également à la mesure 19, dont vous avez parlé. J’ai interrogé de nombreux témoins à ce sujet, car je crois qu’elle offre une excellente occasion de mettre en place un mécanisme vraiment efficace, comme nous n’en avons jamais vu auparavant. Si vous pouvez faire des observations à ce sujet, je vous en serais reconnaissant.

Madame Smith, de même, en tant qu’avocate, pensez-vous que la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones peut servir de levier et faire progresser les droits et les intérêts des femmes autochtones, tant au Canada qu’au niveau international? A-t-elle suffisamment de pouvoirs? De quoi avez-vous besoin pour réaliser pleinement les stratégies que l’AFAC veut mettre en œuvre? Troisièmement, si vous en avez l’occasion, j’aimerais que vous fassiez vos observations sur la mesure 19, le mécanisme de règlement des différends, qui serait dirigé par les Autochtones et qui devrait faire l’objet d’une attention particulière parce qu’il offre de nombreuses possibilités. C’est mon observation, mais j’aimerais entendre vos réponses sur ces questions.

Mme Caron : Merci, sénateur Arnot. Je suis ravi de vous voir. De façon générale, la DNUDPA peut être appliquée pour poursuivre le travail des nations métisses dans la revitalisation culturelle et linguistique. Il y a un certain nombre de mesures prévues dans le plan d’action, bien entendu, en lien avec le chapitre concernant les Métis que nous avons jugées prioritaires, mais nous avons également élaboré différentes mesures du plan d’action conjointement avec l’Inuit Tapiriit Kanatami, ou l’ITK, l’Assemblée des Premières Nations et le gouvernement du Canada qui contribueraient au travail de revitalisation et de promotion de la culture et de la langue.

Plus précisément, la mesure du plan d’action concernant le rapatriement des objets culturels est importante dans nos démarches pour revitaliser notre culture et notre langue. Ces objets historiques, traditionnels et importants sur le plan culturel qui ne se trouvent plus dans nos communautés racontent une histoire unique sur notre identité en tant que peuple. Ils racontent une histoire unique sur l’époque où ces objets ont été créés ou utilisés, et nous n’avons pas accès à ces objets à l’heure actuelle.

Le rapatriement et le ramatriement, dont bon nombre des membres de nos communautés parlent, font partie de ce cheminement et font partie de la DNUDPA et du plan d’action.

En ce qui concerne la mesure 19 du plan d’action, j’ai mentionné que je vous avais parlé de son importance en décembre. Malheureusement, le gouvernement du Canada ne s’est pas engagé à poursuivre l’élaboration de ce plan. C’est pendant l’élaboration du plan d’action que le Ralliement national des Métis a participé à des négociations multilatérales avec le Canada, tout en travaillant avec l’ITK, l’APN et de nombreux ministères fédéraux sur la mesure 19 du plan d’action. Le Ralliement national des Métis a collaboré avec l’Inuit Tapiriit Kanatami à l’élaboration d’un document de synthèse qui expose notre point de vue sur le mandat, la compétence et la structure d’une institution autochtone de défense des droits de la personne. Nous serions ravis de remettre ce document à ce comité.

Il y a de nombreux avantages d’avoir un tribunal indépendant des droits de la personne des Autochtones, notamment garantir que les lois sont conformes à la DNUDPA.

Comme Mme Smith l’a mentionné, il n’y a pas de droit sans recours. Il faut ce mécanisme de reddition de comptes. La mesure 19 du plan d’action est essentielle pour veiller à ce que la mise en œuvre complète de la DNUDPA se fasse adéquatement.

Le ministère de la Justice du Canada est responsable de mettre en œuvre cette mesure, et il était entendu qu’une loi serait nécessaire. Donc, outre le chapitre du plan d’action consacré aux Métis, la mesure 19 est une priorité pour le Ralliement national des Métis. Nous espérons qu’un engagement en faveur d’une loi qui établit ce mécanisme sera pris avant 2025.

Pour terminer, je dirais que cela doit être dirigé par les Autochtones. Je suis ravie d’avoir une autre occasion de vous parler de la mesure 19 du plan d’action. Nous pensions que ce serait l’une des premières à être mises en œuvre, mais nous n’avons vu aucun progrès à cet égard, malheureusement.

Le sénateur Arnot : Merci.

Mme Smith : Je vous remercie de ces excellentes questions. En tant qu’avocate, je célèbre la DNUDPA en raison de la partie 5, qui traite de l’harmonisation de l’ensemble des politiques et des mesures législatives. Y parvenir réellement nous permettrait de protéger nos droits en tant que peuples autochtones.

Il y a d’autres facteurs. L’AFAC croit fermement qu’une disposition de non-dérogation à la DNUDPA devrait être incluse dans la loi d’interprétation, par exemple. Il pourrait être pertinent d’inclure la DNUDPA dans notre Constitution afin d’avoir un droit protégé supplémentaire.

Il faut aussi comprendre qu’en ce qui concerne les droits de la personne, la DNUDPA est un minimum, un plancher. En outre, l’AFAC a vraiment poussé pour l’inclusion de références précises à des questions précises pour assurer la faisabilité de l’application de la Loi sur la DNUDPA. Par exemple, nous avons spécifiquement fait référence à la stérilisation forcée. Nous voulons ainsi faciliter l’accès des femmes autochtones à une échographie pour déterminer si elles ont été stérilisées sans leur consentement. Notre objectif est que plus de femmes autochtones accèdent au système de santé, etc.

Je vais vous donner un exemple d’une de nos propositions qui pourrait promouvoir les priorités de l’AFAC, mais que le gouvernement n’a pas acceptée pour son plan d’action.

La mesure 3 se lit comme suit :

Si une loi exige un examen périodique, les ministères responsables mèneront cet examen de manière à assurer la compatibilité de cette loi avec la Déclaration des Nations Unies...

L’AFAC souhaitait ajouter ce qui suit : « ... et en tenant compte d’une analyse comparative entre les sexes adaptée à la culture ».

Sur le plan juridique, nous avons effectué une analyse comparative entre les sexes tenant compte des différences culturelles de la Loi sur la DNUDPA, et nous assurons un suivi constant de la législation au pays. Nous constatons que le paragraphe 35(4) de la Constitution, qui garantit les droits également aux personnes des deux sexes, n’est pas appliqué ici. Par conséquent, nous pensons qu’il s’agit d’une autre façon de réellement protéger la sécurité et les droits de la personne minimaux de nos femmes.

Enfin, dans le Renvoi relatif à la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, 2024 CSC 5, au paragraphe 3, on lit ce qui suit :

Le cadre servant d’assise à cette initiative de réconciliation entamée par le Parlement est la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones...

Je le mentionne, car selon des experts que nous avons consultés, le gouvernement insiste pour dire que c’est une question de réconciliation, et non du plein exercice des droits de la personne par les peuples autochtones. Il y a là un changement de discours qui est parfois nuisible.

J’ai aussi entendu dire, lors de cette même séance de mobilisation, que certaines personnes n’aimaient pas le terme « mise en œuvre ». C’était la première fois que j’entendais cela. Pour eux, cela semble une approche descendante, alors que l’application de la DNUDPA est une approche ascendante. Merci.

La sénatrice Coyle : Je remercie nos deux témoins. J’aimerais d’abord entendre Mme Caron. C’est un plaisir de vous voir. J’aimerais en savoir davantage sur les principes de l’élaboration conjointe dont vous avez parlé. Vous êtes encouragée par les progrès à cet égard, mais j’aimerais avoir plus de détails sur ces principes, si possible, soit sur les fondements de ces principes, la façon dont ils ont été élaborés conjointement — espérons-le — et dont ils seront utilisés.

Mme Caron : Je suis également ravie de vous voir, sénatrice Coyle. Les principes de l’élaboration conjointe font partie des mesures du plan d’action que le Ralliement national des Métis a incluses dans le chapitre portant sur les Métis. À cet égard, nous travaillons actuellement sur ce processus à la table du mécanisme bilatéral permanent, ou MBP, qui a été établi par l’Accord Canada-Nation métisse, en 2017. Essentiellement, les principes de l’élaboration conjointe définissent les modalités de la collaboration entre le Ralliement national des Métis et le gouvernement du Canada. L’expression « élaboration conjointe » est une expression en vogue au sein de l’appareil gouvernemental canadien actuellement. On nous pose souvent la question, même lors de nos comparutions en comité parlementaire, devant les comités sénatoriaux : cette mesure législative, cette politique ou ce programme ont-ils été élaborés en collaboration avec la nation métisse?

Nous avons cherché à déterminer et à définir ce que signifie « élaboration conjointe » pour la nation métisse. Nous avons donc défini cette notion pour nos partenaires gouvernementaux. Au cours des deux ou trois années, nous avons travaillé avec divers ministères pour définir ces principes de l’élaboration conjointe. Je dirai que ce sont effectivement des principes de l’élaboration conjointe. Nous avons dû faire preuve de souplesse à certains égards, et nous aurions souhaité un langage plus fort pour certains éléments de ces principes. Nous avons reçu l’aval de la table du mécanisme bilatéral permanent. Les ministres responsables des domaines prioritaires sur lesquels la table du MBP se concentre actuellement et les dirigeants de la nation métisse ont adopté les principes de l’élaboration conjointe.

Nous en sommes maintenant à l’étape de l’approbation du premier ministre, lors du Sommet Canada-Nation métisse, au printemps. Par la suite, nous chercherons à obtenir du premier ministre une directive du Cabinet pour mettre en œuvre ces principes de l’élaboration conjointe.

Lorsque nous aurons cette directive, le gouvernement ne pourra plus invoquer l’excuse qu’il ignorait la signification d’« élaboration conjointe avec la nation métisse » pour expliquer l’absence d’élaboration conjointe. Cela nous donne une définition claire.

Nous sommes rendus à l’étape de la mise en œuvre des principes de l’élaboration conjointe. Nous avons convenu de les appliquer à certains domaines, dont la santé, à ce moment-ci. L’élaboration de la mesure législative sur la santé des Autochtones — une première en son genre — représentera un essai type pour l’application des principes d’élaboration conjointe.

Voilà où nous en sommes. Lorsque nous aurons reçu l’aval du premier ministre, nous serons ravis de vous transmettre ces principes d’élaboration conjointe également, et nous vous inviterons volontiers à vous faire les champions de ces principes d’élaboration conjointe avec nous.

La sénatrice Coyle : Vous ne pouvez évidemment pas nous les transmettre pour le moment, mais vous le ferez lorsque le premier ministre et vous les aurez approuvés, est-ce bien cela?

Mme Caron : Je vais vérifier auprès de mon équipe s’il est possible de vous transmettre une copie. Ils sont pratiquement à la dernière étape. Comme je l’ai dit, ils ont été approuvés par nos dirigeants à la table du MBP. Je vais demander à mon équipe s’il est possible de vous transmettre la version actuelle, mais nous vous les ferons assurément parvenir après leur approbation par le premier ministre. Nous espérons que ce sera avant la fin de la présente session, donc en mai ou en juin. Vous les aurez très bientôt, sinon immédiatement.

La sénatrice Coyle : Ce serait très utile.

La sénatrice Sorensen : Ma première question s’adresse à Mme Smith. Une des priorités des Premières Nations, dans le plan d’action, est l’éventuelle abolition de la Loi sur les Indiens, une loi qui a eu des répercussions particulièrement négatives sur les femmes autochtones, ce qui a entraîné des problèmes persistants, notamment la règle d’exclusion de la seconde génération.

Selon vous, l’abolition de cette loi serait-elle bénéfique pour les femmes autochtones d’aujourd’hui?

La deuxième partie de la question est la suivante : faudra-t-il remédier aux iniquités restantes dans la Loi sur les Indiens avant d’abolir la loi elle-même?

Mme Smith : Je vous remercie. C’est une excellente question. Le jour où la Loi sur la DNUDPA a reçu la sanction royale, je me suis réjouie. J’ai dit : « Oh, mon Dieu, comment pourrons-nous aller au-delà de la Loi sur les Indiens? », car de toute évidence, elle ne cadre pas avec cela. C’est une loi très coloniale et néfaste. Le Conseil des droits de l’homme a même déclaré qu’il s’agit d’un des instruments les plus racistes au Canada.

Le Parlement est saisi d’un projet de loi, le projet de loi C-38, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription). L’AFAC a organisé une séance de mobilisation avec de nombreuses personnes d’un océan à l’autre. Les commentaires abondaient toujours dans le même sens : ce projet de loi ne va pas assez loin. Vous avez même fait référence à la règle d’exclusion de la seconde génération. Donc, il reste beaucoup de travail à faire.

La Loi sur les Indiens continue de causer du tort, même depuis le projet de loi S-3, parce que dans ce pays, il y a toujours des gens dont la mère a été privée de ses droits par la Loi sur les Indiens et qui, en tant que femme, a été arrachée à sa culture. Donc, nous voyons toujours les préjudices.

C’est une importante discussion. Je suis convaincue que nous pouvons aller au-delà. Nous devons atténuer les craintes de nombreuses communautés, car c’est tout ce que nous savons. Je sais que le Sénat a réalisé une excellente étude sur la Loi sur les Indiens, mais nous devons travailler ensemble pour aller au-delà de cette loi tout en veillant à ce que personne ne soit laissé pour compte.

La sénatrice Sorensen : Madame Caron, je suis ravie de vous voir.

J’aimerais revenir sur la question de la sénatrice Coyle, lorsque vous discutiez des principes de l’élaboration conjointe. On tend maintenant à utiliser et surutiliser « élaboration conjointe », comme pour le mot « consultation », d’ailleurs. J’aimerais vraiment savoir en quoi consiste le processus que vous venez de décrire pour la rédaction de principes d’élaboration conjointe que tous peuvent comprendre. Y a-t-il des travaux semblables en cours pour le mot « consultation », de façon à définir ce qu’est une véritable consultation?

La question est pour vous, madame Caron. J’ignore si Mme Smith a aussi un commentaire à ce sujet.

Mme Caron : Je suis heureuse de vous voir aussi. Je suis triste de ne pas pouvoir être là en personne, mais c’est un plaisir de vous voir virtuellement.

À ma connaissance, il n’y a pas de travaux en cours pour arriver à une compréhension mutuelle de « consultation et coopération ». Je pense que vous avez tous pris connaissance des divergences qui existent entre notre définition de « consultation et coopération » et celle de certains de nos collègues au gouvernement du Canada. J’en ai parlé dans ma déclaration préliminaire.

Arriver à une définition commune serait extrêmement utile, car il y a énormément d’incohérences. Actuellement, le Ralliement national des Métis estime que les termes « consultation et coopération » ont la même signification juridique dans la Loi sur la DNUDPA, étant donné que le Parlement a intégré la norme de la DNUDPA dans le droit canadien.

Pour que le Canada s’acquitte de ses obligations en veillant au respect des normes minimales énoncées dans la DNUDPA, les processus de consultation et de coopération doivent être conçus pour obtenir le consentement préalable, libre et éclairé de la nation métisse. Ils doivent être fondés sur le consentement des parties et non prédéterminés par le Canada, et doivent comprendre les évaluations initiales des répercussions sur la nation métisse et les droits des Métis. La coopération et la consultation doivent promouvoir et respecter les processus de nos gouvernements métis, et être fondées sur les valeurs, la culture, les traditions et le droit métis.

Ce qu’on observe aujourd’hui, c’est un manque total de capacité d’aller au-delà d’un simple engagement général. Voilà où le gouvernement est bloqué. Il affirme nous avoir donné l’occasion de participer dans le cadre de ces séances de consultation générales, mais de notre point de vue, cela n’atteint même pas la norme minimale.

La sénatrice Sorensen : Merci. C’est ce que nous entendons souvent.

La sénatrice Martin : Je remercie nos témoins de ce soir. C’est un plaisir de vous voir, bien que ce soit virtuellement.

Une question m’est venue à l’esprit tandis que j’écoutais les questions de mes collègues, mais j’ai le sentiment que je commence à peine à comprendre la complexité de ce plan d’action, la façon dont il est « mis en œuvre » ou « appliqué », et l’approche descendante par rapport à l’approche ascendante.

Madame Caron, vous venez de parler de l’impossibilité d’aller au-delà d’une consultation générale. Ma question portait sur l’évolution de la situation depuis la publication du plan d’action, il y a près d’un an, et dont la préparation a pris environ deux ans. Il y a 181 mesures. C’est beaucoup.

Si j’ai bien compris, étant donné le grand nombre de groupes et de personnes à entendre, vous avez eu de la difficulté à mener les consultations nécessaires auprès de vos organisations et de votre communauté pour aller de l’avant, de sorte que ces consultations, dans le meilleur des cas, étaient de nature plutôt générale. J’aimerais savoir ce que vous avez fait au sein de vos propres groupes. Je ne peux qu’imaginer ce que c’est que d’essayer de s’occuper de ce plan d’action et de l’ensemble des mesures que vous voulez mettre en œuvre.

Je voudrais d’abord comprendre comment cela s’est passé dans vos groupes respectifs. Quels étaient les défis, notamment les contraintes financières ou les contraintes de temps? Comment cela s’est-il passé pour vos groupes respectifs, pour la Nation métisse et pour l’AFAC?

Mme Caron : Merci, sénatrice Martin. C’est un plaisir de vous voir.

Je tiens d’abord à préciser que l’obstacle des consultations générales auquel nous sommes confrontés n’est pas lié à l’engagement général avec la Nation métisse, mais au Canada. C’est le Canada qui, lorsqu’il veut mener des consultations sur une mesure législative, un programme ou une politique, met en place des processus généraux, et se contente de créer une page Web ou de nous envoyer un courriel disant : « Nation métisse, en tant que nation au sein de cette nation, vous pouvez nous envoyer vos commentaires, si vous le souhaitez, en suivant ce lien Web et en nous envoyant un courriel ».

Ce n’est pas ce qu’on appelle une véritable coopération et une véritable consultation. Selon moi, c’est une consultation de nature générale qui ne satisfait même pas à la norme minimale en matière de coopération et de consultation.

Le plan d’action en soi est complexe. Il contient beaucoup de choses. Cependant, je suis fière du processus que nous avons utilisé pour l’élaboration conjointe du plan d’action dans sa forme actuelle.

Quant à la Nation métisse en particulier, nous avons formé des groupes de travail avec l’ensemble des gouvernements métis — qui sont démocratiquement élus — et leur fonction publique respective, pour définir, ensemble, les priorités de la Nation métisse et le contenu du chapitre consacré aux Métis. Nous avons utilisé nos propres systèmes de gouvernance autonome pour veiller à ce que toutes les mesures du plan d’action visant la Nation métisse soient examinées par les représentants élus, pour veiller à utiliser nos propres processus et obtenir toutes les approbations nécessaires. Malgré les capacités limitées, nous avons respecté notre obligation de consulter notre nation pour veiller à ce que le plan d’action soit réellement représentatif des priorités de la Nation métisse.

Alors que le plan d’action est en voie d’être mis en œuvre, nous sommes toujours confrontés à un certain nombre d’obstacles structurels, notamment le financement. Le Ralliement national des Métis et nos membres dirigeants ont entrepris énormément de travail sans financement autodéterminé adéquat. J’entends par là qu’il y a souvent un peu de financement, mais que l’utilisation des fonds est décidée par le gouvernement du Canada, au lieu que nous décidions nous‑mêmes comment mettre en œuvre les mesures de notre plan d’action. Les fonctionnaires nous disent sans cesse qu’il ne reste plus de fonds dédiés pour la mise en œuvre de la Loi sur la DNUDPA. Nous n’en avons pas vu dans le dernier budget, alors que nous en avions demandé plus. Le financement n’a jamais été suffisant.

Le deuxième obstacle structurel auquel nous sommes confrontés est difficile à surmonter, car le plan d’action élaboré est un document qui a été présenté au Parlement. Il a été déposé au Parlement. Il s’agit de priorités qui sont censées avoir été acceptées par la nation métisse et le gouvernement du Canada. Il nous semble que cela devrait donner au gouvernement du Canada un mandat très clair aux fins de la mise en œuvre des mesures prévues dans ce plan d’action. Cependant, après le dépôt du plan d’action, nous avons eu de multiples discussions avec les ministères — entre le Ralliement national des Métis, nos organisations membres et les représentants du gouvernement du Canada —, et le gouvernement du Canada invoque sans cesse l’absence d’un mandat clair qui lui aurait permis d’entreprendre la mise en œuvre des mesures prévues dans le plan d’action.

Cette excuse est l’une des principales difficultés qui se dressent devant nous en ce moment, même si — comme je l’ai dit — nous pensions que ce document élaboré conjointement, accepté par les deux parties et déposé devant le Parlement fournirait un mandat suffisant pour passer à l’action.

Le troisième obstacle structurel auquel nous nous heurtons est l’absence d’une position établie et définie de concert quant à ce qu’on entend exactement par « consultation et coopération ». Cela demeure problématique.

Voilà les trois obstacles : le financement, l’excuse d’un mandat ou d’un pouvoir pas suffisamment clair pour mettre en œuvre le plan d’action et l’absence d’une position établie conjointement concernant la coopération et la consultation.

Nous demeurons extrêmement déterminés à assurer la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et du plan d’action, parce que nous estimons nous retrouver dans une position et à un moment sans précédent dans notre histoire en pouvant compter sur un outil nous permettant de continuer à faire reconnaître concrètement nos droits dans ce pays. Autrement dit, c’est de l’avenir de ce pays dont il est question. Chacun doit accepter le fait que c’est le futur qui nous attend. Il ne nous reste plus maintenant qu’à faire le nécessaire.

La sénatrice Martin : Merci d’avoir précisé que vous avez rempli votre partie du contrat et que vous êtes prêts, et que c’est le gouvernement qui n’est pas encore capable de mettre en œuvre les mesures que vous attendez. Vous nous avez grandement éclairés en cernant ces trois obstacles.

Madame Smith, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Smith : Je pense que Mme Caron a très bien décrit la situation. J’ajouterais que nous nous heurtons à un problème pour ce qui est de la capacité, c’est-à-dire du point de vue des ressources financières. Nous avons également été confrontés à une forte réticence dans nos efforts pour obtenir un engagement significatif de la part du gouvernement. Comparativement à d’autres organisations autochtones, il y a eu beaucoup de retard dans la présentation d’une ébauche de plan d’action national. Nous avons dû composer avec bien des difficultés.

Je voudrais cependant soulever un autre point. Lorsqu’il est question de la Déclaration des Nations unies, de la réconciliation et de tous ces enjeux — assurément du point de vue relationnel —, nous devons aussi demeurer conscients des modes de fonctionnement du gouvernement. D’après ce que j’ai pu moi‑même observer, il est fréquent que le gouvernement du Canada rédige quelque chose pour nous demander après coup notre avis, sans nécessairement en tenir compte par la suite. De toute évidence, on ne peut pas parler ici d’un processus conjoint d’élaboration.

Il existe des pratiques opérationnelles en ce sens. Je vais vous donner un exemple. Le projet de loi C-61 est...

Le président : Madame Smith, je suis désolé de devoir vous interrompre. Pourrais-je vous demander de conclure? Je m’excuse, mais nous devons nous arrêter à 19 h 35 pile, car nous accueillons ensuite un autre groupe de témoins. N’hésitez pas à envoyer tout complément d’information par écrit à notre greffière dans un délai de sept jours.

Mme Smith : Certainement. J’allais juste souligner que la Loi sur l’eau propre des Premières Nations se prétend conforme à la Déclaration des Nations unies, mais ne fait aucunement état de la responsabilité des femmes autochtones à l’égard de l’eau. Il est courant que l’on se permette ainsi des affirmations sans que celles-ci soient vraiment significatives.

Merci.

Le président : Merci pour ces précisions.

Le temps prévu pour ce premier groupe est écoulé. Je tiens à remercier une nouvelle fois nos témoins d’avoir été des nôtres aujourd’hui. Comme je l’ai mentionné précédemment, si vous avez d’autres observations à nous transmettre, veuillez les faire parvenir par courriel à notre greffière dans les sept jours.

J’aimerais maintenant vous présenter nos prochains témoins. Nous accueillons Mme Marilyn Slett, cheffe et secrétaire‑trésorière de l’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique; et M. John G. Paul, directeur général du Secrétariat du Congrès des chefs des Premières Nations de l’Atlantique. Merci à tous les deux de vous être joints à nous aujourd’hui. Les témoins disposent de cinq minutes chacun pour un exposé liminaire. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs. J’invite la cheffe Slett à nous présenter ses observations préliminaires.

Marilyn Slett, cheffe et secrétaire-trésorière, Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique : Hello. Je suis la secrétaire-trésorier de l’Union des chefs indiens de la Colombie‑Britannique (UBCIC), et la conseillère en chef élue du Conseil tribal des Heiltsuk. Ma communauté est située dans la zone côtière centrale de la Colombie-Britannique. Je vous remercie de m’avoir invitée à comparaître devant vous aujourd’hui au nom de l’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique.

Nous avons retenu quatre priorités dont nous souhaiterions vous entretenir brièvement : la mise en œuvre par les Premières Nations, l’absence de mandats gouvernementaux, les approches pangouvernementales et le financement.

En ce qui concerne le premier sujet, l’UBCIC est une organisation provinciale qui défend les droits, titres et compétences autochtones inhérents des Premières Nations de la Colombie-Britannique. Nous continuons à préconiser la mise en œuvre intégrale de la Déclaration des Nations unies au Canada au moyen d’une approche dirigée par les Premières Nations, fondée sur les distinctions et axée sur le territoire.

Pour que cela puisse se concrétiser, le Canada doit s’asseoir à la table et démontrer son engagement à faire respecter ces normes par l’entremise d’un cadre pangouvernemental, global et coordonné qui reconnaît le droit des Premières Nations à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale

Nous avons fait valoir certaines de nos préoccupations dans ce contexte. Premièrement, un calendrier d’élaboration accéléré n’a pas permis une pleine participation des Premières Nations. Deuxièmement, la capacité de financement est insuffisante pour permettre aux Premières Nations de participer adéquatement. Troisièmement, on déplore un manque de transparence quant à la façon dont les priorités des Premières Nations ont été intégrées au plan d’action. Et, quatrièmement, bon nombre des mesures prévues dans le plan d’action découlent directement d’engagements et d’initiatives déjà existants.

Parlons d’abord de la nécessité d’une approche pangouvernementale. Lors de rencontres précédentes avec le gouvernement fédéral, nous avons mis de l’avant une solution possible à l’effort de mise en œuvre ad hoc et décousu actuel qui fait en sorte que les capacités techniques des Premières Nations sont vite dépassées, ce qui entraîne un engagement insuffisant et une violation de notre droit à un consentement libre, préalable et éclairé. Il est nécessaire de développer conjointement une approche pangouvernementale globale aux fins de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies. Un tel cadre est essentiel à une mise en œuvre efficace de la Déclaration, et devrait guider tous les efforts des ministères fédéraux pour aligner leurs politiques, leurs règlements et leurs pratiques sur cette déclaration.

Nous voulions également aborder la question de l’absence de mandats gouvernementaux. L’UBCIC est membre du Conseil des leaders des Premières Nations. Nous avons conclu un protocole d’entente bilatéral avec le ministre de la Justice pour amorcer l’élaboration d’un plan de travail visant à soutenir la mise en œuvre conjointe du plan d’action. C’est notamment sur cette tribune que nous avons commencé à travailler à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies. Nous remarquons déjà certaines lacunes, y compris des mandats insuffisants du côté du gouvernement du Canada. Nous déplorons ainsi l’absence de l’engagement et du cadre pangouvernemental requis pour obliger l’application des mesures prévues dans le plan d’action conjointement avec les Premières Nations, et déployer les efforts de coordination nécessaires pour s’assurer que les priorités des Premières Nations guident bel et bien la mise en œuvre de ces mesures.

Nous souhaitions aussi traiter du financement, un sujet que les deux témoins précédents ont également abordé. Pour que ce travail soit effectué d’une manière qui améliore véritablement le sort des Premières Nations à court et à long terme, un financement et des ressources en quantité suffisante doivent être fournis directement aux Premières Nations. En l’absence d’un tel financement, on ne peut pas prétendre respecter les normes des droits de la personne prévoyant un consentement libre, préalable et éclairé.

Il est essentiel que le gouvernement du Canada s’engage à financer les efforts de mise en œuvre afin d’agir en véritable partenaire dans le processus de réconciliation.

J’ai trouvé intéressants les commentaires précédents sur le fait que la « réconciliation » est un terme à la mode. J’aimerais vous présenter la perspective de ma propre communauté à cet égard. Nous n’avons pas de mot pour « réconciliation » dans notre langue, le heiltsuk, mais nous avons le terme [le témoin s’exprime en langue autochtone], qui signifie « redresser la situation — remettre les choses en ordre. »

La Déclaration des Nations unies est le cadre de réconciliation qui a été défini par la Commission de vérité et réconciliation. Nous devons bien réfléchir à la manière dont nous comptons mettre à profit cette déclaration pour apporter des changements véritablement significatifs pour les Premières Nations du Canada. Il est de notre responsabilité à tous d’assurer un avenir équitable pour tous.

Merci.

Le président : Merci, cheffe Slett. J’invite maintenant M. Paul à nous présenter ses observations préliminaires.

John G. Paul, directeur général, Secrétariat du Congrès des chefs des Premières Nations de l’Atlantique : Merci, sénateurs, de nous donner l’occasion de présenter nos observations sur la mise en œuvre de la Loi de 2021 sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et sur le plan d’action fédéral déposé en 2023. Le mandat du Secrétariat du Congrès des chefs des Premières Nations de l’Atlantique est axé sur la défense des intérêts liés aux politiques fédérales. Pour ce faire, nous étudions et analysons les politiques fédérales ayant une incidence sur les collectivités des Premières Nations Mi’kmaq, Wolastoqiyik, Passamaquoddy et Innu afin de pouvoir proposer des solutions de rechange tenant compte de notre culture. Nos chefs, nos communautés et nos gens reconnaissent tous la signification et l’importance de la Loi sur la DNUDPA et de tous les éléments de la déclaration pour favoriser notre autodétermination et la mise en œuvre complète de nos droits ancestraux et issus de traités de telle sorte que nous puissions nous épanouir pleinement au Canada au bénéfice de tous nos membres dans toutes nos communautés.

Le plan d’action de 2023 propose pas moins de 111 mesures dans le cadre de ce qui est présenté comme une approche pangouvernementale. Il en ressort toutefois un manque de précision quant aux délais à respecter et aux résultats concrets pouvant être démontrés dans chaque cas, et notamment quant à la façon dont chaque groupe autochtone de chaque région pourra déterminer si un impact véritable ou des changements concrets ont pu se faire sentir. Si les mesures prises ne conduisent pas à des changements fondamentaux dans les communautés locales des Premières Nations et n’ont pas une incidence directe sur les membres de nos différentes communautés, elles ne contribueront aucunement à nos orientations ou à nos objectifs en matière d’autodétermination.

Chacune des actions mises de l’avant doit être examinée aux trois échelons — national, régional et provincial — pour déterminer son niveau d’impact et la mesure dans laquelle les changements apportés sont visibles ou apparents pour les personnes concernées dans nos communautés. Si nos dirigeants ne sont pas à même de constater des changements et des impacts directs dans leur communauté, les mesures prises n’auront que très peu d’effet véritable sur l’atteinte des objectifs globaux.

Aux échelons national, régional et provincial, il convient de cibler des mesures précises pour démontrer clairement que diverses entités du gouvernement fédéral sont bel et bien passées à l’action. L’absence de personnes désignées dans chaque ministère fédéral ne permettra pas d’obtenir le niveau d’attention nécessaire pour déterminer si des mesures sont effectivement prises ou mises en œuvre.

Du côté autochtone, pour assurer une concentration suffisante des efforts, il est essentiel qu’une ou plusieurs personnes jouant un rôle spécifique dans la défense des intérêts soient désignées dans chaque communauté et dans toutes les organisations autochtones concernées par les différentes mesures proposées et mises en œuvre dans le cadre du plan d’action national. On devrait en faire autant aux échelons régional et provincial au sein de chaque gouvernement touché ou chargé d’agir.

Une grande partie des mesures mises de l’avant souffrent d’un manque de ressources financières pouvant permettre d’établir une politique ciblée et de bien cerner les actions requises au chapitre des programmes ou des politiques. Cette insuffisance des ressources aura pour effet de miner l’atteinte de résultats tangibles en même temps que les efforts des gouvernements et des diverses communautés des Premières Nations un peu partout au pays.

Pour assurer un certain niveau de réussite et garantir de véritables améliorations, il est essentiel de prendre ces mesures aux fins de la mise en œuvre de la Loi sur la DNUDPA tout en apportant les changements fondamentaux qui s’imposent au chapitre des règlements, des politiques, des programmes et des services pour tenir compte de ces nouvelles approches et pratiques.

Les Premières Nations et de nombreuses organisations autochtones reconnaissent l’importance de ces changements pour l’autodétermination, mais ont besoin d’un soutien continu et de l’apport de personnes désignées possédant l’expertise voulue pour assurer la mise en œuvre des différentes mesures et évaluer les changements réels qui interviennent d’une année à l’autre.

En ce qui concerne les 13 priorités partagées et le degré de conformité entre nos différentes lois et les mesures prévues aux fins de la mise en œuvre de la DNUDPA , je pense qu’il faudra au moins des décennies pour y parvenir, car cela nécessite des transformations fondamentales dans les valeurs et les approches institutionnelles, ce qui ne va pas sans de nombreuses difficultés et une forte résistance au changement.

Plusieurs des changements requis exigeront eux-mêmes au fil du temps de nombreuses autres modifications progressives qui ne seront pas nécessairement manifestes pour les personnes concernées. Des outils et des méthodes devront être mis au point pour assurer la cohérence du processus et en arriver une compréhension concertée des enjeux. Il sera essentiel que les organismes centraux adaptent leurs pratiques et leurs processus passés et actuels afin de les aligner progressivement dans une volonté de cohérence à l’échelle du gouvernement.

L’efficacité à atteindre le degré de cohérence souhaité avec les Premières Nations en tenant compte de leurs perspectives déclarées d’autodétermination devra être évaluée en fonction des perceptions de chaque communauté quant à la mesure dans laquelle les changements ont fait une différence significative dans leur vie quotidienne.

Il est ressorti de nos consultations auprès des communautés de notre région que les liens entre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la situation locale n’étaient pas évidents pour de nombreux participants. Bien des gens considéraient que les communautés se trouvaient à l’échelon inférieur du mécanisme de contrôle, et beaucoup estimaient qu’il était impossible pour leurs dirigeants locaux d’opérer véritablement la transition entre la situation actuelle et une vision d’autodétermination.

Le plan d’action prévoit certains mécanismes de reddition de comptes par l’entremise du conseil consultatif qui sera mis en place pour conseiller le gouvernement sur les progrès relatifs. Ce processus doit être élargi pour inclure un outil permettant de mesurer les impacts sur les citoyens autochtones dans chacune des provinces. Un cadre de responsabilisation pour les Autochtones et les Premières Nations doit être mis en place aux échelons local, provincial, régional et national. Un processus ascendant de rétroaction est essentiel pour que tous puissent constater les changements mesurables qui ont des répercussions bien concrètes.

L’exclusion relative de certaines provinces et l’absence de législation et de plans d’action provinciaux fondés sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans la région de l’Atlantique pourraient entraver les efforts visant à procéder aux ajustements nécessaires pour que le gouvernement fédéral puisse apporter les changements voulus dans ses domaines de compétence. La coopération des provinces est toutefois requise pour mettre en œuvre des mesures en collaboration avec les partenaires autochtones et des Premières Nations.

Le manque de coopération et de bonne volonté pour mener à terme le plan d’action demeure problématique dans le Canada atlantique, car les provinces ne sont pas toujours disposées à permettre l’évolution continue vers l’autodétermination d’une manière qui fonctionne pour les communautés autochtones et leurs membres. De nombreux Allochtones craignent que les changements aient des conséquences négatives. Pour qu’il y ait des améliorations continues en matière de connaissance mutuelle et de collaboration, des actions inclusives et transparentes doivent être pleinement comprises et soutenues par tous les citoyens.

Merci de nous avoir donné l’occasion de présenter notre mémoire aujourd’hui.

Le président : Merci à vous, monsieur Paul.

Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.

La sénatrice Sorensen : J’ai une question un peu inhabituelle, mais elle me tient à cœur. Je vous la pose à tous les deux en raison de vos intérêts régionaux. Vous représentez tous deux une région.

J’ai le privilège de vivre dans le parc national de Banff. Ma question est la suivante : Le plan d’action demande à Parcs Canada de collaborer avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis pour :

... soutenir la mise en œuvre des systèmes de droit et de gouvernance autochtones grâce à un éventail d’approches de gouvernance, de prise de décisions et de gestion dans des domaines d’intérêt, y compris, mais sans s’y limiter : les avantages économiques et d’emploi; le tourisme; les plans de gestion; les stratégies de protection et de conservation; la création de zones autochtones protégées et conservées; l’accès; l’archéologie; les initiatives de recherche et de restauration.

L’un ou l’autre d’entre vous travaille-t-il directement avec Parcs Canada d’une manière ou d’une autre? Qu’attendez-vous de Parcs Canada?

J’ai vu les fouilles archéologiques près de Louisbourg il y a quelques années. C’était fascinant. Je m’excuse. Je m’éloigne du sujet.

M. Paul : Je ne travaille pas directement avec eux, mais je traite avec des gens qui collaborent avec Parcs Canada pour la mise au point de ces nouvelles approches. Je trouve qu’ils vont plus loin en essayant d’intégrer aux activités du parc les valeurs et les perspectives autochtones. Cela témoigne vraiment de leur détermination à essayer de concrétiser dans ce contexte la DNUDPA, ce qui la rend encore plus réelle pour les gens.

Si Parcs Canada est capable de le faire, pourquoi un autre ministère ne pourrait-il pas y parvenir? C’est ainsi que je vois les choses.

Je sais qu’à l’Île-du-Prince-Édouard, on est même en train de créer un nouveau parc. Je constate qu’il existe peut-être de bonnes synergies et un karma favorable au sein de Parcs Canada pour dénouer certaines de ces questions du fait que ces gens‑là entretiennent des relations de longue date avec nous et comprennent parfaitement l’importance archéologique et historique des choses qui se trouvent dans le parc, ce qui crée le lien fondamental permettant de telles avancées.

Peut-être que cela devrait être la façon normale de faire les choses.

La sénatrice Sorensen : Je vous remercie.

Madame Slett, je viens à vous, mais je veux simplement dire auparavant que je sais qu’ils y travaillent très fort partout au pays et que dans tous les parcs et les sites historiques où je me suis rendue et où l’on mettait cela en pratique, ce sont des enseignements majeurs pour tous les Canadiens et le reste de la planète. C’est ce que je dis à propos de ces sites touristiques : c’est la vérité, on dit la vérité.

Madame Slett, je ne sais pas si vous aimeriez ajouter quelque chose au sujet de la Colombie-Britannique.

Mme Slett : Oui, nous travaillons avec Parcs Canada. Il reste encore beaucoup de travail à faire. Nous travaillons notamment sur des études de faisabilité et des calendriers d’engagements en matière de protection d’ici 2025.

Nous sommes des communautés côtières, et à ce titre, notre histoire est enracinée profondément dans la protection de nos terres depuis très longtemps. Nous travaillons beaucoup sur la planification de l’utilisation des ressources marines et terrestres, et souvent avec Parcs Canada.

C’est assurément une occasion de favoriser la réconciliation, et pour nous, c’est essentiel afin d’assurer la protection des ressources marines dans ces régions.

La sénatrice Sorensen : Je vous sais gré à tous les deux de vos réponses. Merci beaucoup.

Le sénateur Arnot : Je remercie les témoins d’être avec nous.

Monsieur Paul, j’ai deux questions. Votre organisme, le Secrétariat du Congrès des chefs des Premières Nations de l’Atlantique, a beaucoup travaillé sur les initiatives liées aux changements climatiques, à la gestion des pêches et aux revendications politiques. En tant que défenseur des communautés autochtones du Canada atlantique, quels sont les principaux changements de politique prônés par votre organisme aux échelons fédéral et provincial, et correspondent-ils aux buts de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones?

Ensuite, j’aimerais que vous nous parliez un peu de vos initiatives ou vos projets prospectifs qui portent sur les répercussions socioéconomiques, ainsi que de l’utilisation que vous pouvez faire de cette loi pour les faire avancer.

M. Paul : Je pense que ce qui est le plus important, c’est d’élaborer des normes de mesures communes pour tous les éléments. L’une des choses les plus importantes que j’aie apprises en travaillant avec le gouvernement, c’est que les mots ne sont pas précis et que les mots traduits dans différentes langues peuvent prendre différents sens. Les gens vont donc comprendre les choses différemment, et c’est le problème. À moins d’avoir une mesure toujours identique — qu’il s’agisse de pouces ou de centimètres, du système métrique ou d’un autre —, les gens ne comprendront jamais les changements survenus au fil des ans.

Au sujet de la loi, mon gros problème était que c’était tout pour tout le monde. Pourquoi ne pas nous concentrer sur un élément, nous en occuper, puis passer à un autre? Ce serait une façon logique de procéder, mais ils ont rendu tout encore plus flou — des pages et des pages d’éléments flous —, 115 mesures, et le citoyen ordinaire se demande ce que tout cela veut dire. Sans une mesure pour savoir ce qu’il en est, et sans définition, on ne comprendra jamais ce qui se passe.

Au sujet de nos collectivités et de nos priorités — l’autodétermination économique, la langue, la culture, le logement, l’infrastructure, les services de santé —, ce sont des éléments concrets du quotidien pour les gens. Tant qu’il n’y a pas d’améliorations à cet égard, il est très difficile de convaincre quelqu’un, probablement sans abri, que les principes de la déclaration ont un sens. C’est très difficile de le faire.

Le sénateur Arnot : Je vous remercie beaucoup.

Cheffe Slett, comme vous jouez des rôles de premier plan, comment l’Union of British Columbia Indian Chiefs combine-t-elle vos préoccupations environnementales avec la défense des droits des Autochtones, en particulier dans le contexte des changements climatiques et des objectifs de la loi? De même, quels seront, selon vous, les résultats à long terme de la mise en œuvre de la loi, ceux que vous attendez ou espérez?

Mme Slett : Eh bien, la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones devrait permettre d’améliorer les déterminants sociaux des Premières Nations, ce qui comprend la santé, le bien-être, le développement économique et le logement. Toutefois, il y a d’autres éléments qui sont essentiels pour nos communautés, notamment la protection des terres et des ressources, et la collaboration dans les domaines de la santé et de la préparation aux situations d’urgence. Nos communautés sont sur la ligne de front des changements climatiques. Nous en voyons les conséquences au quotidien, car ils menacent les estuaires, ainsi que la souveraineté et la sécurité alimentaires de nos communautés.

En travaillant ensemble, en procédant à une élaboration et une mise en œuvre conjointes des mesures avec le gouvernement, nous pourrions voir des améliorations dans ces domaines.

La sénatrice Coyle : Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’être avec nous. Vos témoignages nous sont très utiles. Ma première question s’adresse à la cheffe Slett. Je veux simplement m’assurer de bien comprendre. Je sais que je peux lire la transcription, mais pour le moment, je ne suis pas certaine d’avoir bien compris. Vous avez parlé des préoccupations que vous aviez au sujet de la mise en œuvre. Si j’ai bien compris, la première concernait le calendrier. Je pense que vous avez dit qu’il était trop serré, mais je n’en suis pas certaine.

Ensuite, je crois que vous avez parlé d’une capacité financière insuffisante pour pouvoir participer et aussi d’un problème de transparence.

Le dernier élément concernait, je pense, le fait que ce qui a été annoncé dans la loi était déjà en cours. C’est donc du vieux vin dans de nouvelles bouteilles. Ai-je bien compris? Pouvez-vous nous en dire plus sur ces éléments?

Mme Slett : Oui, je peux certainement vous en parler.

Je m’inquiétais notamment du fait que l’échéancier accéléré était trop court pour permettre une participation significative, entière et directe des communautés des Premières Nations, et aussi de leur capacité financière insuffisante pour pouvoir le faire. Le financement est un obstacle à la participation dans des situations de ce genre.

Au sujet du manque de transparence et de la façon dont les priorités des Premières Nations ont été intégrées au plan d’action... Les priorités étaient très nombreuses. Comment ont‑elles été intégrées? Quel travail a été fait en amont pour déterminer qu’il s’agissait de priorités? Nous aimerions avoir plus de précisions à ce sujet.

Pour ce qui est du contenu provenant d’engagements et d’initiatives préexistantes, je craignais que ce contenu ait été modelé dans certaines de ces priorités.

Pour vous donner un exemple de financement, la Colombie-Britannique — le gouvernement néo-démocrate ici — a créé un fonds de 200 millions de dollars pour permettre aux Premières Nations de la province de participer à la mise en œuvre de la déclaration. Les Premières Nations peuvent présenter une demande pour les aider dans leur travail. Il existe des exemples que nous pouvons examiner.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie.

J’aimerais poser aussi une question à M. Paul : je pense que vous parliez du conseil consultatif. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

M. Paul : Je pense qu’il doit établir très tôt sur quoi il faut se concentrer et quelles seront les mesures utilisées, et les utiliser pour pouvoir les tester, car on critique tout, tout le temps, soit on n’a pas pris les mesures correctement ou on n’a pas utilisé la bonne information.

J’ai constaté entre autres dernièrement que Statistique Canada publie maintenant le Compte économique des peuples autochtones qui fait état de tout ce que font les peuples et les collectivités autochtones, et il effectue un suivi de cette information. Il s’agit de montants en dollars et de mesures de rendement, et il semble que ce soit un outil intéressant pour tenter de déterminer quelles sont les meilleures données à utiliser pour savoir si les mesures prises ont donné des résultats. On veut tous voir les résultats, mais quand c’est flou et qu’il n’y a pas de données pour les mesurer, c’est comme regarder un chaudron de ragoût et se demander combien de pommes de terre il y a dedans. On ne peut pas le savoir tant qu’on ne les a pas toutes mangées, pour ainsi dire.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup. C’est une bonne comparaison.

C’est intéressant que vous parliez de Statistique Canada. Considérez-vous que les données qu’il recueille actuellement sont à tout le moins un bon point de référence? Ensuite, pourrait‑il y avoir un partenariat avec Statistique Canada pour qu’il recueille et sélectionne les données définies par des groupes comme le vôtre à l’avenir?

M. Paul : Je sais qu’ils ont un groupe consultatif d’experts qui élabore des indicateurs et des indicateurs de données pour tout ce que fait Statistique Canada. Il faut se concentrer sur le plan d’action, mais déterminer par quelle partie il serait préférable de commencer, puis demander aux experts de travailler avec les groupes autochtones pour élaborer des indicateurs précis afin de pouvoir faire un suivi au fil des années. Les ministères présentent chaque année un plan de dépenses, un plan d’activités, au Conseil du Trésor. Mettez l’information dans ce document, et les gens vont le remarquer.

La sénatrice Coyle : C’est très utile.

La sénatrice Busson : J’aimerais poser une question, principalement à la cheffe Slett, si je peux me permettre.

Je suis nouvelle à ce comité, alors je vais vous demander d’être patiente pendant que je vous pose ma question. J’ai remarqué que vous étiez présente lorsque les autres témoins ont présenté leur point de vue. Un des commentaires portait sur une des mesures du plan d’action, l’abrogation de la Loi sur les Indiens.

Comme je viens de la Colombie-Britannique, je sais qu’il y a beaucoup de diversité au sein des nations, en particulier sur la côte Ouest, que la nature qui vous entoure est magnifique, qu’elle est belle et sauvage, mais aussi que les communautés sont très isolées.

Vous avez donc un point de vue unique et j’aimerais avoir votre opinion ou vos impressions sur ce qui suit. On nous a dit que certaines nations sont très favorables à l’abrogation de cette loi, alors que d’autres craignent les répercussions que cela pourrait avoir; je pense que c’est ainsi qu’un de nos témoins l’a dit.

Pourriez-vous nous donner votre opinion sur ce sujet, à partir de votre point de vue unique?

Mme Slett : Je vous remercie de la question. C’est difficile d’y répondre, car nous sommes toutes des nations uniques et différentes ici en Colombie-Britannique. Il y en a plus de 200, et certaines ont une gouvernance bien développée au sein des communautés.

Pour ce qui est de l’abrogation de la Loi sur les Indiens, je ne peux parler que pour ma communauté. Nous faisons beaucoup de travail dans le cadre d’un processus appelé [mot prononcé en langue autochtone], ce qui veut dire « faire marche arrière et repartir du bon pied ». Cela consiste notamment à élaborer un accord d’autodétermination, à collaborer dans le cadre de nos Gvilas — nos lois — et des lois fédérales.

Quand je pense aux conversations que j’ai ici avec des aînés au sein de la communauté, il n’y a pas eu de politiques concernant la Loi sur les Indiens qui ont servi les intérêts des peuples autochtones. Prenons les règles d’appartenance qui ont été mises en place à l’origine pour faire disparaître progressivement les peuples autochtones et les fondre dans la population.

Ce sont des politiques que ma communauté trouve préoccupantes. Nous savons qui sont les Heiltsuks et nous devrions pouvoir les intégrer dans nos communautés. Nous avons de jeunes familles et des jeunes dans notre communauté actuellement qui sont touchés par l’exclusion après la deuxième génération. Ils vivent dans notre communauté, vont à l’école ici et participent à nos potlatchs. Ils font partie de la famille. Ils ne sont pas reconnus comme des Heiltsuks aux termes de la Loi sur les Indiens, mais ils le sont assurément aux termes de nos Gvilas.

Nos communautés ne sont pas toutes rendues à la même place, et il y a tellement de parties de la Loi sur les Indiens qui leur ont causé du tort. C’est ce dont nous voulons nous éloigner.

La sénatrice Busson : Je comprends et je vous remercie beaucoup de votre réponse.

La sénatrice Martin : Je remercie nos témoins d’être avec nous.

Monsieur Paul, dans votre déclaration préliminaire, vous avez qualifié l’effort de mise en œuvre « d’ad hoc et de décousu ». Vous nous avez déjà donné des exemples de ce qui peut être fait. Pouvez-vous nous donner des conseils? Et qu’est-ce qui, selon vous, rend cette approche si ad hoc et décousue?

M. Paul : Le gros problème est lié au fait que l’engagement des ministères fédéraux n’est pas constant. Les gens s’en occupent sur le coin de leur bureau ou en marge de leur travail. Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. À moins d’avoir quelqu’un qui rend des comptes au Conseil du Trésor ou à l’administration centrale, ils ne s’en occupent pas nécessairement. À moins que cette personne soit un directeur général, ou d’un niveau supérieur, l’engagement se perd dans l’appareil ministériel. Si le Conseil du Trésor exigeait qu’une personne fasse rapport dans chaque ministère au sujet du plan d’action, les ministères en tiendraient compte.

Si cela n’est pas intégré aux processus de planification des activités des ministères, ils vont s’en occuper pendant quelques années et l’oublier ensuite. C’est en gros comment cela fonctionne. À moins que cela ne fasse partie intégrante des processus et de la planification financière structurels des ministères et de leurs plans stratégiques et d’activités, ils ne le feront pas. Si personne au sein de l’administration centrale ne leur dit de faire rapport à ce sujet, il ne se passe rien. C’est dans la nature des choses.

Si le message était envoyé que vous êtes la personne — ou qui que ce soit d’autre — à Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, ou à Services aux Autochtones Canada, ou à Pêches et Océans, ou à tout autre ministère, qui est chargée de rendre des comptes chaque année sur ce qui se passe, ce serait plus logique, selon moi, que de donner ce que j’appellerais « 115 commandements » aux ministères, et leur dire de les suivre, sans qu’il y ait de conséquences s’ils ne le font pas.

C’est le vrai problème. À moins que cela demeure une priorité du gouvernement, l’engagement faiblit d’année en année et finit par disparaître de la liste.

Je crains que le plan d’action qui était si important lorsqu’il est devenu loi — et a atteint un sommet — soit maintenant sur une pente descendante. Il a créé de grandes attentes au sein de nos communautés de voir leur sort s’améliorer. Si le plan d’action a atteint un sommet à ce moment, il est maintenant sur une pente descendante et non plus ascendante. C’est pourquoi je ne cesse d’insister pour avoir un cadre basé sur des indicateurs, afin que la personne qui se trouve à Halifax ou à Vancouver puisse lire un rapport et voir concrètement les résultats. C’est très difficile pour les gens de comprendre ces choses et de les situer dans leur contexte personnel. Comme je l’ai dit, il y a eu une ascension rapide, la loi a été créée, et il se pourrait maintenant que les efforts s’évanouissent, en espérant que ce ne soit pas le cas.

La sénatrice Martin : Vous avez mentionné l’administration centrale, et c’est important aussi : qui est ce point central lorsqu’il y a de multiples ministères concernés. Pour coordonner les efforts, il faut que ce soit à l’administration centrale, que ce soit le Conseil du Trésor ou une personne...

M. Paul : Il y a de nombreuses façons de le faire. Au cours des cinq, six ou sept dernières années, le gouvernement a intégré l’analyse comparative entre les sexes de façon uniforme dans les ministères dans toutes les décisions concernant les programmes et les politiques. Pourquoi ne pas avoir quelque chose de semblable pour la Déclaration des Nations unies sur les peuples autochtones? Ce sont les organismes centraux qui s’en sont occupés, alors ils doivent être mis à contribution pour s’occuper de la mise en œuvre et faire en sorte que les ministères rendent des comptes. Si cela ne se trouve pas sur la liste des 20 priorités d’un ministère, il ne s’en occupera pas. Ils voient alors qu’il n’y a pas de ressources allouées pour le faire; c’est un double problème pour eux.

La sénatrice Martin : Ma question s’adresse à la cheffe Slett. La Colombie-Britannique est en pleine mise en œuvre de son plan d’action de la déclaration depuis 2022, soit une année avant le plan fédéral. Selon vous, y aurait-il des éléments dans l’expérience de la Colombie-Britannique qui pourraient guider et aider le gouvernement fédéral?

Mme Slett : Oui, assurément. Il y a notamment le financement. Le gouvernement provincial a créé un fonds de 200 millions de dollars pour aider les communautés et les nations à participer pleinement au processus.

Il y a aussi le fait que la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones bénéficie en Colombie-Britannique de l’appui d’un secrétariat indépendant qui est chargé non seulement de coordonner les efforts de mise en œuvre du gouvernement au sein des ministères provinciaux, mais aussi de sensibiliser les fonctionnaires aux normes de la déclaration et d’assurer la liaison avec les communautés et les organismes des Premières Nations.

Il y a un autre élément important. Le secrétariat est dirigé par un sous-ministre qui supervise tout ce travail et le coordonne avec les autres tables gouvernementales de haut niveau.

Et voici une suggestion inspirée de l’expérience de la Colombie-Britannique : la coordination au sein de chaque ministère du gouvernement fédéral pourrait être assurée par un organe indépendant, co-dirigé ou co-conseillé par les peuples autochtones, pour travailler avec eux et coordonner leurs efforts, afin de veiller à ce que le travail progresse et qu’il n’y ait pas de redondance et que l’on n’alourdisse pas inutilement le fardeau des Premières Nations.

La sénatrice Martin : Je vous remercie beaucoup.

Le président : Le temps prévu avec ces témoins est écoulé. Je tiens à vous remercier tous les deux d’avoir été avec nous aujourd’hui. Si vous souhaitez nous fournir plus d’information, veuillez la faire parvenir par courriel à la greffière. Nous allons maintenant suspendre brièvement la réunion avant de passer à huis clos pour une brève discussion.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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