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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 8 mai 2024

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 52 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021 par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis, puis, à huis clos, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant des peuples autochtones.

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, je voudrais rappeler à tous les sénateurs et aux autres participants à la réunion, les mesures préventives importantes suivantes.

Pour éviter des effets Larsen perturbateurs et potentiellement dangereux risquant de causer des blessures au cours de la réunion, nous rappelons à tous ceux qui participent en personne d’éloigner les oreillettes de tous les micros en tout temps.

Comme indiqué dans le Communiqué de la Présidente adressé à tous les sénateurs le lundi 29 avril, les mesures suivantes ont été prises pour éviter les effets Larsen. Toutes les oreillettes ont été remplacées par un modèle qui réduit considérablement la probabilité d’effets Larsen. Les nouvelles oreillettes sont noires, alors que les anciennes étaient grises. Veuillez n’utiliser que l’oreillette noire approuvée.

Par défaut, toutes les oreillettes inutilisées seront débranchées au début de la réunion. Lorsque vous ne l’utilisez pas, placez votre oreillette face contre l’autocollant qui se trouve devant vous sur la table, là où cela est indiqué. Veuillez consulter les directives de prévention des larsens sur la carte qui se trouve sur la table. Veuillez vous asseoir de manière à élargir la distance entre les micros. Les participants doivent brancher leur oreillette uniquement sur la console directement devant eux. Ces mesures ont été mises en place pour éviter d’avoir à interrompre nos travaux et pour la santé et la sécurité de tous les participants, y compris celles des interprètes. Je vous remercie tous de votre coopération.

Avant de commencer, je tiens à rappeler que le territoire sur lequel nous nous réunissons est le territoire traditionnel, ancestral, et non cédé de la nation algonquine anishinaabe et qu’il est aujourd’hui le foyer de nombreuses autres communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’Île de la Tortue.

Je suis le sénateur Brian Francis, Mi’kmaq d’Epekwitk, qui est également connue sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard et je suis le président du Comité sur les peuples autochtones. Je vais maintenant demander aux membres du comité — les sénateurs ici présents — de se présenter en indiquant leur nom et leur province ou territoire.

Le sénateur Arnot : Je m’appelle David Arnot, de la Saskatchewan, territoire du Traité no 6.

La sénatrice Martin : Bonsoir. Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Audette : Michèle Audette, du Québec [mots prononcés en innu-aimun].

[Traduction]

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, Antigonish, Nouvelle-Écosse, Mi’kma’ki.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta, territoire du Traité no 7.

La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l’Ontario.

La sénatrice White : Judy White [mots prononcés en langue autochtone], mieux connues sous le nom de terres ancestrales micmaques de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique, territoire du Traité no 6.

Le sénateur Prosper : Sénateur P. J. Prosper, Nouvelle-Écosse, Mi’kma’ki.

Le président : Aujourd’hui nous allons poursuivre notre nouvelle étude sur la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021 par le Canada et les peuples des Premières Nations, les Inuits et les Métis. Le comité entend des témoins pour parfaire son étude du sujet.

Sur ce, je voudrais présenter nos témoins. De la nation Nishnawbe Aski, nous accueillons Natalie Binguis, directrice de la recherche et des politiques en matière de justice et Michael Sherry, conseiller juridique. Je vous remercie tous les deux d’être parmi nous aujourd’hui.

Je voudrais également signaler que la vice-grande cheffe Anna Betty Achneepineskum était également invitée ce soir, mais n’a pu se joindre à nous en raison de difficultés techniques. Mme Binguis et M. Sherry parleront en son nom.

Nos témoins feront un exposé préliminaire d’environ cinq minutes, qui sera suivi d’une période de questions avec les sénateurs. J’invite maintenant Mme Binguis à faire son exposé.

Natalie Binguis, directrice de la recherche et des politiques en matière de justice (nation Nishnawbe Aski) : Chi meegwetch, monsieur le président. Je vous remercie de nous avoir prévenus que la vice-grande cheffe Anna Betty Achneepineskum ne pourra pas se joindre à nous, dans ce cas, c’est moi qui lirai ses notes d’allocution :

Boozhoo, wachiye et bonsoir. Je m’appelle Anna Betty Achneepineskum, vice-grande cheffe de la nation Nishnawbe Aski, connue également comme la NAN.

Je voudrais commencer par remercier le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones d’avoir invité la NAN à faire un exposé au comité dans le cadre de son étude sur la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021.

Nous déclarons également que le peuple de la NAN est un peuple souverain doté de droits souverains et de droits inhérents étant donné qu’il est le premier peuple sur ses terres. C’est sur cette base que nous envisageons la Déclaration et la Loi.

Les chefs de la NAN appuient la ratification de la Déclaration par le Canada depuis son adoption par l’Assemblée générale des Nations unies en 2007. Ils ont demandé au Canada des mesures actives de mise en œuvre dans leurs territoires. C’est dans cet esprit que la NAN a participé à l’engagement mené par le gouvernement du Canada sur le plan d’action.

La NAN a préparé une réponse très complète au plan d’action du gouvernement. Nous sommes ici pour vous faire part d’informations que nous encourageons vivement le comité à inclure dans son rapport et ses recommandations au gouvernement du Canada.

Natalie Binguis, directrice de la recherche et des politiques en matière de justice, vous parlera du mémoire présenté au comité.

Je vous parle ici ce soir à partir du territoire traditionnel de la Première Nation Fort William à Thunder Bay en Ontario. Je suis fière et honorée de m’adresser à vous tous aujourd’hui. Je viens de la Première Nation de Lac Seul, l’une des communautés membres de la NAN.

La NAN se réjouit de cette invitation à faire un exposé devant le Comité sénatorial permanent sur les peuples autochtones. Notre exposé se concentrera sur les documents soumis avant la présentation de ce soir.

La NAN est formée de 49 communautés des Premières Nations, la plupart signataires du Traité no 9 et de la partie ontarienne du Traité no 5. Le Traité no 9 est unique parmi les traités historiques dans la mesure où il s’agit d’une entente signée par les Premières Nations avec le Canada et l’Ontario. Nos 49 Premières Nations possèdent et contrôlent un vaste territoire contigu dans le nord de l’Ontario. Nos citoyens sont les détenteurs des droits et parlent les langues ojibway, oji-crie et crie, et résident dans les réserves et hors réserve.

Depuis 2010, les chefs de la NAN ont mandaté la NAN pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qu’on appelle aussi la Déclaration. Nos chefs ont compris alors qu’il était important d’avoir accès à des informations sur la Déclaration. Maintenant que nous disposons de cette loi et du plan d’action afférent, l’éducation et le dialogue font partie intégrante de la mise en œuvre de la Déclaration dans les territoires de la NAN. Les chefs de la NAN ont également réclamé le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause, depuis 2010, et cela a été réaffirmé lors de l’engagement de la NAN à la Déclaration en 2022. Pour des raisons de temps, je vais consacrer le reste de ma présentation aux questions.

La NAN soumet au Comité sénatorial permanent sur les peuples autochtones la nécessité d’une étude plus approfondie sur consentement préalable donné librement et en connaissance de cause. Nous avons besoin d’être informés sur tout ce qui va nous affecter. Nous devons être informés afin de pouvoir réfléchir à nos propres processus, protocoles et prises de décisions et quand il s’agit de nos terres, de notre territoire et de nos ressources, le consentement est nécessaire.

L’autodétermination et la protection des terres et des ressources des Premières Nations soulignées dans les articles 26 à 32 sont deux droits fondamentaux de la Déclaration. Le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause est garanti par de nombreuses dispositions de la Déclaration et est au cœur de l’interprétation. La transformation et les conséquences générationnelles, les efforts de l’ensemble du gouvernement et la prise de toutes les mesures nécessaires seront requis pour mettre en œuvre la Déclaration de l’ONU affirmée dans la loi canadienne, ainsi les investissements au-delà du plan d’action 2023-2028 doivent être envisagés dès maintenant.

Jusqu’à présent, selon nous, le Canada n’a pas respecté ses engagements au titre de l’article 19, et dans la situation actuelle, nous estimons que le budget 2021 ne prévoit que des investissements limités.

Le Canada dispose de ressources pour les efforts de l’ensemble du gouvernement, ce que n’a pas la NAN. L’article 39 parle de l’accès à l’assistance technique et financière de la part des États. Nous proposons que cet article soit examiné dans le contexte de la participation à la prise de décision et aux institutions autochtones dans le cadre de la section sur les priorités partagées du plan d’action et suggérons d’étudier plus en détail les numéros 67 à 73.

Pour mettre en œuvre et atteindre les objectifs de la loi et des activités continues de la section 5, à savoir d’aligner les lois fédérales sur la Déclaration, la réforme de la politique législative et des programmes nécessaires exigera que les détenteurs de droits de la NAN fassent entendre leur voix à chaque étape du processus.

La NAN propose également les points 7 à 10 du plan d’action dans le chapitre « Premières Nations » sous le titre « Droits civils et politiques ». Les points 7 à 9 du plan d’action traitent de la Loi sur les Indiens, de la réforme de l’appartenance et de l’autodétermination, sans parler de l’abrogation de la Loi sur les Indiens parce qu’elle ne s’alignera jamais complètement sur la Déclaration, ainsi nous devons en informer nos communautés et nos citoyens de la NAN. Ces conversations essentielles doivent avoir lieu pour les Premières Nations de la NAN au Canada, de nation à nation, puisque chaque communauté aura son propre point de vue dans la prise de décision.

En dernier lieu, pour le point numéro 10 du plan d’action, la NAN a demandé que le service de police soit considéré comme un service essentiel depuis 2010. Un financement limité nous a empêchés d’envisager ces questions très importantes, nous avons donc besoin de continuer à parler avec nos organisations policières et nos communautés de ce problème.

Nous voulons vous dire chi-miigwetch pour votre temps et pour avoir écouté le point de vue de la nation Nishnawbe Aski en vue d’une étude plus approfondie par le Comité sénatorial permanent sur les peuples autochtones de la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie, madame Binguis. Nous allons maintenant donner la parole aux sénateurs pour les questions.

Le sénateur Arnot : Je vous remercie, madame Binguis, de votre exposé.

J’ai une question concernant le maintien de l’ordre. Vous parlez des services de police au sein des nations de la NAN. Vous devez avoir une opinion sur les services de police de Thunder Bay et sur certaines choses qui continuent de ne pas tourner rond depuis déjà un certain temps. Quelles mesures la NAN envisagerait-elle pour établir une relation de confiance entre les communautés de la NAN et les forces de l’ordre de Thunder Bay? Comment pensez-vous que la Déclaration peut contribuer à ce processus? En deuxième lieu, et c’est peut-être encore plus important, quels sont vos plans pour la mise en place de vos propres services de police dans les territoires de la NAN?

Mme Binguis : Je vous remercie de votre question.

La Déclaration ouvre la voie à une conversation fructueuse entre les organisations. Elle nous permet certainement de faire connaître nos points de vue et d’entendre ceux des autres. Nous voyons là l’occasion de réfléchir à la façon dont on peut forger des relations. Nous n’avons pas encore eu l’occasion de réfléchir à la façon dont la Déclaration s’appliquerait à la police de Thunder Bay.

Nous disposons d’un service de police de la nation Nishnawbe Aski qui maintient l’ordre dans 34 de nos 49 communautés et nous disposons de trois autres organisations de services de police. Le service de police de la nation de Lac Seul, les services de police Anishinabek et la police provinciale de l’Ontario (PPO) servent également nos communautés. Selon nous, c’est une conversation que nous devons avoir avec toutes nos organisations policières pour comprendre leur point de vue, car le maintien de l’ordre est une loi essentielle.

Je m’en tiendrai là. Je ne dispose pas ici des informations nécessaires pour vous donner une réponse plus complète. Nos organisations de services de police devraient aussi être associées à la réponse.

Le sénateur Arnot : Je suis satisfait de cette réponse. Je vous remercie.

La sénatrice Boniface : Je vais également parler du volet du maintien de l’ordre puisque vous y avez aussi fait allusion. Est-ce que le service de police Nishnawbe Aski, ou SPNA, fait encore partie de l’entente tripartite? Est-ce exact?

Mme Binguis : L’une des particularités de SPNA est qu’elle s’efforce de se constituer conformément à la loi sur la sécurité communautaire et les services policiers de l’Ontario. Encore une fois, je préférerais qu’ils répondent eux-mêmes à ces questions.

La sénatrice Boniface : J’essayais de poser la question dans le contexte de la manière dont la Déclaration peut vous aider et non de manière particulière à… Je connais très bien votre agence.

Mme Binguis : Parfait.

La sénatrice Boniface : Je pense à la manière dont la Déclaration peut vous aider, et ce que je ne sais pas c’est si la province de l’Ontario a également adopté une approche conforme à la Déclaration. Je pensais à vos processus de négociations. Savez-vous si c’est le cas ou non?

Mme Binguis : Pas à l’heure actuelle. Non. Il n’y a pas de messages disponibles sur cette question. Je ne peux pas répondre, je suis désolée.

La sénatrice Boniface : Non, vous n’avez pas à vous excuser. Nous cherchons des moyens de faire en sorte que la Déclaration profite à Nishnawbe Aski. Je connais très bien les exigences en matière de services de police et de services essentiels qui ont fait l’objet de longues discussions et les moyens par lesquels elle peut contribuer à les faire avancer. Je vous remercie. Je vous remercie de soulever ce point dans ce contexte. C’est important.

Mme Binguis : Je vous remercie, chi-miigwetch.

La sénatrice Sorensen : Je remercie les témoins d’être parmi nous ce soir.

Les Premières Nations du nord de l’Ontario sont régulièrement affectées par des phénomènes météorologiques extrêmes, comme des feux de forêt et des inondations, qui exigent souvent l’évacuation coûteuse de communautés entières. Je sais que, par le passé, le gouvernement fédéral n’a pas été particulièrement prompt à fournir l’aide nécessaire dans l’immédiat. J’ajouterai un deuxième volet. Les communautés autochtones du nord et des régions éloignées, selon ce que vous dites et ce que nous savons, sont bien sûr confrontées à de nombreux problèmes, mais un autre problème est la pénurie de logements et d’autres infrastructures, et la nécessité d’investir pour combler ces lacunes. Pensez-vous que le plan d’action reflète à tout le moins le besoin d’infrastructures physiques et sociales des Premières Nations du nord et une meilleure collaboration pour répondre aux situations d’urgence?

Mme Binguis : C’est une excellente question, merci.

Le plan d’action offre effectivement la possibilité d’œuvrer dans d’autres secteurs que celui de la justice, secteur où je travaille à l’heure actuelle. Nous envisageons ce travail sous l’angle des déterminants sociaux et de la santé. Nous sommes conscients des secteurs et de la manière dont nous devons unir nos efforts pour la coordination et certainement pour la communication. Nous devons réfléchir à la manière dont nous pouvons… j’aime cette expression… nous tenir la main, et donc réfléchir à la manière dont nous pouvons travailler ensemble.

La saison des feux de forêt est toujours une source d’inquiétude. Il est sûr que les répercussions d’El Niño au cours de l’hiver dernier nous y ont fait réfléchir. Nos collègues ici à la NAN s’occupent de la gestion des situations d’urgence et ils pensent aussi au logement et aux infrastructures. Ce sont des conversations que nous devons mener à l’interne aussi, nous le savons.

Mon collègue, Mike Sherry, pourra aussi réfléchir avec nous au plan d’action, s’il peut apporter quelques réponses à ce sujet. Je vous remercie.

Michael Sherry, conseiller juridique, Nation nishnawbe aski : Bien sûr. Je vous remercie, madame Binguis.

Sans vouloir entrer dans les moindres détails, je peux dire qu’il existe de nombreuses dispositions dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones qui traitent des aspects soulevés par la sénatrice, et qu’en règle générale, le gouvernement fédéral devrait faire plus que ce qu’il a fait dans le passé en ce qui a trait aux situations d’urgence et autres situations apparentées.

Cela est lié au problème général que comporte le Plan d’action, à savoir qu’il ne semble pas vraiment transformer la façon dont le gouvernement fédéral est intervenu jusqu’à maintenant. Il décrit en majeure partie les mesures qu’il a prises et qu’il prend pour diverses raisons qui ne sont probablement pas nécessairement reliées à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il s’agit essentiellement d’une liste des mesures qu’il met en œuvre. Je pense que c’est un exemple d’une situation où un plan d’action contient de bonnes mesures progressistes, appuyées par la Nation nishnawbe aski, mais ne va pas jusqu’à proposer des changements transformateurs, comme l’exige la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je pense que ce qu’a décrit la sénatrice est un exemple d’une telle situation.

La sénatrice Martin : Je remercie nos témoins de ce soir.

Je suis entrain de parcourir votre site Web et de regarder la liste des communautés qui font partie de la Nation nishnawbe aski. Je vous ai entendu dire durant vos remarques préliminaires, madame Binguis, que d’autres consultations s’imposent. Je ne peux qu’imaginer à quel point il peut être complexe de mener des consultations, mais le gouvernement a l’obligation de consulter. Pourriez-vous préciser ce que vous entendez lorsque vous dites que d’autres consultations s’imposent? Comment le gouvernement fédéral peut-il s’acquitter de façon sérieuse de son obligation de consulter? Que devrait-il faire? Durant vos remarques préliminaires, vous avez dit que d’autres consultations sont nécessaires.

Mme Binguis : Il est bel et bien possible de poursuivre notre travail. Pour ce faire, nous savons que nous aurons besoin de ressources financières. Malheureusement, les ressources octroyées depuis l’étape de la proposition jusqu’à maintenant sont restreintes, ce qui a également restreint la participation de nos communautés.

La consultation menée avec les chefs de la Nation nishnawbe aski a duré une journée, et nous savons que les conversations qui portent sur les droits des Autochtones ou les droits de la personne prennent du temps, car nous devons réfléchir à ces questions dans le cadre de nos propres façons de procéder et de nos propres processus décisionnels. Nous n’avons pas encore eu l’occasion de faire cela.

En ce qui concerne le dossier lui-même, nous faisons de notre mieux, mais nous sommes un très petit département. Nous savons quelles ressources nous devons mettre à la disposition des membres de nos communautés et comment nous devons les informer et les sensibiliser, afin qu’ils connaissent leurs droits dans le cadre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et de la loi. Nous savons ce que nous devons faire à cet égard. Nous savons que d’autres conversations doivent avoir lieu, mais, malheureusement, les membres de nos communautés nous ont dit qu’ils manquent d’information. Nous savons que nous devons faire comprendre la déclaration des Nations unies, en plus de faire savoir que le Canada a ratifié la loi et qu’il dispose maintenant d’un plan d’action. Ce travail impliquera de mettre à la disposition de nos citoyens de multiples ressources éducatives, et c’est là une priorité pour nous.

La sénatrice Martin : D’accord. C’était ma deuxième question, parce que vous avez dit que l’éducation et le dialogue font partie intégrante de tout le processus. Il y a des lacunes à ce chapitre actuellement. Est-ce une question de financement? Je suppose qu’il existe des sites Web, entre autres, mais que souhaitez-vous de plus ou que devez-vous faire à cet égard?

Mme Binguis : Il faut également que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la documentation et l’information soient traduites dans nos trois langues — l’ojibway, l’oji-cri et le cri — afin qu’il y ait une pleine participation des communautés dans leurs propres langues et selon leurs propres processus de réflexion. Ce n’est pas possible à l’heure actuelle. Les ressources dont nous disposions ne nous ont pas permis d’obtenir cela. C’est l’une des choses que nous devons faire pour pouvoir poursuivre le dialogue avec nos chefs.

Les chefs ont clairement indiqué dans la résolution 10/65 de la Nation nishnawbe aski qu’il faut lancer une campagne d’éducation et de sensibilisation au niveau communautaire. De notre côté, nous avons eu des conversations à Thunder Bay, mais cela ne fait pas partie de ce que nous devons faire, c’est-à-dire commencer à avoir des conversations directement avec les communautés. Nous avons besoin de fonds pour financer les déplacements et tout ce que nous devons mettre en place pour éduquer nos citoyens.

La sénatrice Martin : Merci beaucoup. Vos commentaires sont très utiles.

Le président : En octobre dernier, la cheffe nationale intérimaire de l’APN, Joanna Bernard, et la cheffe régionale pour le Manitoba de l’APN, Cindy Woodhouse, ont exhorté le premier ministre Trudeau et le gouvernement du Canada à présenter des excuses publiques concernant les injustices historiques et systémiques commises au sein du système de services à l’enfance et à la famille des Premières Nations et l’application étroite du principe de Jordan. La Nation nishnawbe aski a appuyé cet appel. Pourriez-vous expliquer au comité pourquoi ces excuses sont nécessaires et ce que le gouvernement fédéral peut faire d’autre pour s’assurer qu’il n’y a pas de discrimination dans le cadre de la prestation de services et la fourniture de produits et de soutiens aux enfants, aux adolescents et aux familles des Premières Nations?

Mme Binguis : Je suis désolée, je ne me suis pas préparée pour répondre à cette question. Je ferai de mon mieux pour y répondre.

Le président : Il n’y a aucune pression. Si vous souhaitez soumettre la réponse par écrit, n’hésitez pas à le faire. Vous pouvez très bien nous la transmettre par écrit.

Mme Binguis : Je vous en suis reconnaissante. Merci. C’est ce que nous allons faire.

Le président : Merci.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à nos témoins, Mme Binguis et M. Sherry.

Si j’ai bien compris, monsieur Sherry, vous avez dit que vous aviez vu dans le Plan d’action des mesures prises dans le passé ou à l’heure actuelle, et qu’il ne comporte rien de vraiment nouveau. Nous avons déjà entendu cela de la part d’autres personnes. Vous avez constaté que le gouvernement n’a pas saisi l’occasion de procéder à des changements transformateurs dans le Plan d’action. J’aimerais en savoir davantage au sujet de ces changements transformateurs.

La Nation nishnawbe aski est située dans un endroit très stratégique en ce qui a trait à l’avenir énergétique vert du Canada. Vos communautés vivent dans la région du Cercle de feu. On trouve là des minéraux critiques.

Est-ce que vous voyez des occasions pour vos communautés et l’ensemble de la Nation nishnawbe aski que vous ne voyiez pas auparavant, avant la mise en application de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones? Voyez‑vous comment, le cas échéant, cette déclaration pourrait vous aider à saisir ces occasions qui pourraient vraiment favoriser votre autonomie gouvernementale et le bien-être économique de vos communautés?

M. Sherry : Si cette question s’adresse à moi, sénatrice, je vous en remercie.

Si l’on examine la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, on constate qu’elle permet des changements transformateurs parce qu’elle comporte tellement de dispositions très positives en ce qui concerne presque tous les programmes et services. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles la Nation nishnawbe aski a investi autant de temps, d’argent et d’énergie à cet égard. Les Premières Nations voient l’énorme potentiel, mais il s’agit d’un travail à long terme.

Il est évident que l’adoption de la loi fédérale en 2021 a été une bonne chose. Nous accordons une grande importance à l’article 5. Nous considérons qu’il s’agit d’une obligation légale du gouvernement fédéral. Je n’ai pas les mots exacts, mais en gros, il est dit que le gouvernement fédéral a l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que les lois, les politiques et les règlements fédéraux sont compatibles avec la déclaration. Ce n’est pas rien. Nous considérons qu’il s’agit d’une obligation fédérale qui, indépendamment du Plan d’action, est justiciable.

Je vais me permettre d’aborder l’aspect juridique, car je suppose que je suis ici pour cela. Il y a seulement deux mois, le 9 février, la Cour suprême du Canada a rendu une décision concernant les services à l’enfance et à la famille. Elle comporte des passages très profonds et positifs au sujet de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Elle dit entre autres que la déclaration a maintenant été incorporée au droit positif du Canada, c’est-à-dire le droit usuel. Elle dit également que la déclaration est un cadre ou une feuille de route pour la réconciliation. C’est un point très important, car les tribunaux affirment depuis 30 ans que la réconciliation est le principal principe qui sous-tend les relations entre les Premières Nations et le Canada.

Nous voyons tout ce que peut apporter la déclaration. La Cour suprême appuie notre nation, ainsi que toutes les Premières Nations, dans la décision qu’elle a rendue pas plus tard qu’il y a deux mois. Les choses peuvent changer, mais à l’heure actuelle, nous constatons une déconnexion à certains égards. Premièrement, le Plan d’action, comme vous l’avez indiqué, sénatrice, contient de bons éléments, mais il contient essentiellement une longue liste de mesures que le gouvernement fédéral applique déjà de toute façon pour toutes sortes de raisons. Il comporte quelques mesures progressistes, mais nous considérons que le Plan d’action est plutôt modeste et qu’il ne propose pas de changements transformateurs.

Par exemple, sans vouloir m’éterniser, le gouvernement fédéral met l’accent sur la consultation et sans doute les accommodements en ce qui concerne les terres et les ressources, et c’est ce qu’il fait depuis au moins deux décennies. C’est la norme. Comme l’a indiqué Mme Binguis, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones stipule clairement dans de nombreuses dispositions que la norme, c’est le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, qui est un droit de veto dans certaines situations. Le Plan d’action ne précise pas cela. Le gouvernement refuse donc d’opérer ce changement transformateur. C’est décevant, mais nous considérons que les changements ne s’opéreront pas du jour au lendemain.

Permettez-moi de citer un autre exemple d’ordre juridique qui met en lumière ce problème. La Loi d’exécution du budget modifie notamment la Loi sur l’évaluation d’impact, en ce qui a trait à l’évaluation environnementale. La Nation nishnawbe aski a rencontré virtuellement des fonctionnaires fédéraux au sujet de l’évaluation d’impact, car nous savions que cette loi allait être modifiée en raison du renvoi à la Cour suprême du Canada il y a deux ou trois ans, et nous les avons exhortés à profiter de l’occasion pour renforcer ou améliorer la Loi sur l’évaluation d’impact en se fondant sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Finalement, ils ne l’ont pas fait. Nous avons examiné les amendements proposés dans le projet de loi omnibus, et nous avons constaté qu’il y a quelques références à l’article 35, mais il n’y a rien qui est vraiment relié à la déclaration. Nous considérons que le gouvernement a raté une occasion importante en ce qui concerne ce projet de loi dont est saisi le Parlement actuellement.

Merci.

La sénatrice Coyle : Merci.

Le sénateur Tannas : Je remercie les témoins de leur présence.

Je voudrais poursuivre dans la même veine, mais peut-être sous un angle différent, en particulier en ce qui a trait au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Pour des raisons évidentes, on sollicitera souvent le consentement de vos communautés au cours des 25 prochaines années, et ma question porte sur la question du consentement donné en connaissance de cause et des ressources. Il faut savoir qui va aider à fournir aux communautés les ressources nécessaires, et pas seulement les ressources financières, et qui va effectuer le travail qui doit être fait, le travail indépendant qui doit être effectué afin que les communautés puissent prendre des décisions fondées non pas sur l’opinion du meilleur vendeur, mais plutôt des consultants qui travaillent spécifiquement pour la nation et qui collaborent avec les promoteurs des projets, quels qu’ils soient.

J’ai deux questions à poser. Premièrement, la Nation nishnawbe aski et les communautés qui en sont membres ont‑elles parlé de la nation comme d’une ressource commune? A‑t‑on pris une décision ou établi une orientation, plutôt que de laisser les 40 communautés se débrouiller seules? A-t-on dit que la nation peut et devrait fournir des services communs et une expertise commune? Deuxièmement, si c’est le cas, où en est la planification de votre côté? Je crains souvent que les communautés attendent pour réagir parce qu’il en a toujours été ainsi.

Depuis que je siège au comité — cela fera bientôt 12 ans —, je constate que certaines des initiatives les plus réussies émanent de la base. Elles viennent des communautés ou des groupes de communautés qui ont dit : « Voilà ce que nous voulons faire » et qui ont défendu cette façon de faire. Je parle de la Commission de la fiscalité des Premières Nations et du Conseil de gestion financière des Premières Nations. Dans un certain nombre de cas, il s’agissait d’une initiative qui partait de la base.

Pouvez-vous nous parler de cela en rapport avec le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause? Il s’agissait certainement de l’élément le plus important pour les législateurs relativement à tout ce qui vise la déclaration. C’est la chose qui doit bien se passer et qui doit être faite correctement pour que les communautés et les industries aient confiance que le processus fonctionnera et qu’il permettra d’obtenir la vérité afin de prendre la bonne décision pour le bien de tous.

Je vais m’arrêter là. Pouvez-vous me dire, premièrement, ce que vous pensez du développement collectif des ressources, et, deuxièmement, quelle planification vous avez entreprise?

Mme Binguis : Je vous remercie, sénateur. Je vais commencer à répondre, puis je vais demander à M. Sherry d’intervenir.

Nous voyons là l’occasion de mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sur le territoire de la Nation nishnawbe aski. Nous avons le mandat de le faire depuis 2010, mais nous n’avons pas les ressources nécessaires. Nous savons que nos 49 Premières Nations devront avoir une conversation au sein de leurs propres communautés en vue de déterminer leurs priorités et ce qu’elles souhaiteraient. Elles sont expertes en la matière, car elles savent ce qui fonctionnera pour elles et de quelles solutions elles ont besoin. Ce sont elles qui doivent établir les besoins et les priorités. Nous considérons que la déclaration procurera des avantages mutuels si des projets sont entrepris dans nos communautés.

Voilà ma réponse. Je vais demander à M. Sherry de dire un mot. Merci.

M. Sherry : Merci, madame Binguis.

Oui, dans certaines situations, la Nation nishnawbe aski peut être une ressource commune. En fait, c’est ce qu’on observe actuellement, même ce soir, c’est-à-dire qu’on constate que la nation a favorisé la participation au processus qui a mené au Plan d’action. Il y a toutefois des limites à cela, car, comme l’a indiqué Mme Binguis, les Premières Nations sont expertes en la matière, certes, mais elles sont aussi les titulaires des droits. La Nation nishnawbe aski est une société, d’un point de vue juridique, et les Premières Nations sont les titulaires des droits issus des traités et d’autres droits tels que les droits constitutionnels.

Lorsqu’il s’agit de participer à un projet et de consentir à un projet d’exploitation des ressources, le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause doit être donné par les Premières Nations concernées. Par exemple, on a mentionné tout à l’heure le Cercle de feu. Dans un tel cas, la nation ne pourrait pas donner son accord. Il appartient aux Premières Nations directement concernées de le donner, mais la nation peut apporter son aide et fournir des informations, particulièrement en ce qui concerne la déclaration. C’est une distinction importante. En fin de compte, ce sont les Premières Nations qui doivent donner leur consentement.

Bien sûr, il serait plus facile pour le gouvernement fédéral d’obtenir le consentement d’une seule organisation, mais ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Compte tenu des droits énoncés dans la déclaration, il appartient à chaque Première Nation de donner son consentement. Ce n’est pas une mince affaire, mais c’est ce qu’il faut faire, et c’est la bonne chose à faire.

Le sénateur Tannas : Je suis tout à fait d’accord, monsieur Sherry. Je ne voulais pas laisser entendre que la Nation nishnawbe aski serait l’entité qui approuve les projets, mais pourquoi vouloir que plus de 40 communautés réinventent la roue et embauchent leurs propres gens aux fins de ce processus? Il doit bien y avoir des aspects communs dont la nation peut mieux s’occuper. C’est la raison d’être de la nation, n’est-ce pas? Elle est là pour contribuer à des choses qui sont mieux effectuées collectivement. Je vais m’arrêter là.

Il y a un autre point sur lequel je voulais juste faire un commentaire. Monsieur Sherry, vous avez dit que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause constitue un droit de veto, et je trouve cela préoccupant. Si nous examinons les comptes rendus du Sénat — on s’est appuyé sur des témoignages pour le prouver —, on constate qu’il a été dit des dizaines de fois que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause n’est pas un droit de veto. Je trouve intéressant d’apprendre que c’est désormais le point de vue, mais cela me préoccupe quelque peu. Je suppose que nous verrons comment les choses vont se passer. Merci.

M. Sherry : J’aimerais répondre brièvement à la question, si je puis me permettre, monsieur le président.

Je ne peux pas parler du témoignage de dizaines de personnes d’il y a plusieurs années, mais le consentement libre, préalable et éclairé signifie ce qu’il dit. C’est le terme utilisé. La Cour suprême a déclaré il y a à peine deux mois qu’il s’agissait désormais du droit positif du Canada.

En ce qui concerne le CLPE, notre nation a travaillé sur ce dossier au nom des Premières Nations, et il est complexe. Il y a également un certain spectre à tout cela. Le CLPE est évidemment pertinent pour les enjeux importants qui ont un effet fondamental sur les droits des Premières Nations. C’est d’ailleurs là que le veto s’applique. À l’autre extrémité du spectre, on retrouve les questions administratives de routine et les éléments qui n’ont pas d’effet fondamental. Il faudrait appliquer un autre processus dans ces cas-là. Cela dit, nous estimons que le CLPE est la norme à appliquer pour les enjeux importants.

Le « veto » ne signifie pas que rien ne se produit. Je pense que nous avons clairement indiqué dans nos documents que les Premières Nations, en vertu des traités, sont en faveur d’un développement mutuellement bénéfique. Cela se concrétisera, mais les Premières Nations doivent être des partenaires à parts égales et consentir aux projets. Cela dit, elles sont favorables au développement si les circonstances s’y prêtent.

Le sénateur Tannas : Absolument. Ce fut un bon échange. Merci, monsieur.

La sénatrice Greenwood : Je remercie les témoins d’être des nôtres ce soir.

Mes collègues ont déjà posé plusieurs des questions que j’avais en tête, alors je vais faire un suivi sur certains sujets. Je comprends ce qu’est le consentement libre, préalable et éclairé. Ma question portera davantage sur la mobilisation.

Vous avez déjà parlé de ce que vous aimeriez voir se produire pour les communautés, comme plus d’éducation pour que les gens puissent prendre de bonnes décisions. S’il y a plus de 40 nations, nous allons devoir penser à 40 processus distincts, car chacune connaît sa communauté d’une façon qui lui est familière. En fin de compte, cette mobilisation permettra de prendre des décisions en connaissance de cause, si je puis dire. J’aimerais que vous nous parliez un peu de certaines de ces stratégies de mobilisation. Vous nous avez déjà parlé d’éducation, et il s’agit d’un élément important. Je suis également consciente du fait que ce type de mobilisation requiert des ressources financières. Je serais intéressée d’entendre plus de détails à ce sujet si vous avez quelque chose à ajouter.

La deuxième partie de la question est la suivante : lorsqu’une décision est prise en lien avec la DNUDPA, qui peut la faire appliquer? Qui fait respecter les décisions et les accords pris? Je sais qu’une grande partie des éléments initiaux de cette initiative visent l’autodétermination et la reconnaissance de cette dernière. Quelles sont les priorités à respecter pour obtenir certains des résultats que vous recherchez pour les membres de la communauté et les familles? Je pense aux enfants et aux familles et à ce qui doit être instauré au niveau structurel ou systémique pour que cela se concrétise. Je présume que le processus de mobilisation contribuera à la concrétisation de ces priorités structurelles. Pourriez-vous nous donner des précisions sur ces éléments? Vous ai-je bien compris?

Mme Binguis : Merci, sénatrice.

En ce qui concerne nos projections et le travail que nous aimerions continuer à faire, vous avez raison de dire que cela va au-delà de l’éducation et des ressources. Nous avons besoin d’avoir des conversations et d’entendre nos communautés et nos citoyens sur ce que cela signifie pour eux. Comme l’a dit M. Sherry, ce sont eux qui détiennent les droits, et nous le comprenons.

Nous pensons souvent — du moins au sein de notre équipe — à des éléments présents tout au long du parcours de vie et à ce à quoi ressemble ce dernier. Les membres de notre communauté pensent toujours à ce dont ils ont besoin, et souvent, ce n’est pas accessible. On peut penser par exemple à une famille qui n’est pas en mesure d’obtenir le traitement dont elle a besoin en raison du processus du Programme des services de santé non assurés. Nous savons que cela a un impact quotidien sur nos membres. L’extinction des incendies et l’équipement de lutte contre les incendies qui n’est pas disponible lorsqu’il est nécessaire font également partie de nos considérations liées à la DNUDPA.

Nous avons besoin de connaître leurs priorités et d’avoir cette discussion avec eux. Il appartient aux 49 communautés de définir ces priorités. Nous pouvons faciliter et coordonner la discussion, puis il leur appartiendra de les déterminer. Nous manquons de ressources cela dit. Notre équipe est petite. Nous avons cinq employés, moi y compris, et nous faisons de notre mieux pour essayer d’utiliser les ressources à notre disposition.

Comme l’a dit M. Sherry, il s’agit d’une discussion très complexe, et nous savons qu’elle pourrait aller dans un sens comme dans l’autre. La DNUDPA est au centre de tout. Je vous ai vu brandir ce petit livre. Il traite de tout : de la santé des gens, de leur éducation et de tout ce qui est important pour eux. Nous aurions besoin de les entendre. Cela nous permettrait de déterminer les prochaines étapes. Nous devons connaître leurs points de vue, puisqu’ils nous indiqueraient la voie à suivre.

Malheureusement, nous sommes limités sans les ressources dont nous avons besoin. Nous faisons ce que nous pouvons. Si nous avons la possibilité d’agir, nous le faisons. Nous avons rassemblé nos informations pour essayer de les rendre disponibles, mais nous aurions encore besoin de mener une analyse continue. Les apports de la communauté et de nos chefs nous éclaireront sur les prochaines étapes à prendre.

Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Sherry?

M. Sherry : Oui, j’aimerais soulever quelques points, madame Binguis.

Tout d’abord, l’analyse continue est en effet un point important. J’ai mentionné la décision de la Cour suprême. Les amendements proposés et l’évaluation d’impact sont liés à la DNUDPA. C’est tout un travail que de rester à l’affût de tout cela. Voilà mon premier point.

Ensuite, vous avez posé une question sur l’application de la loi, sénatrice. De toute évidence, la meilleure façon de faire respecter la DNUDPA et la Loi sur la DNUDPA est de mener des négociations et d’avoir des discussions mutuelles avec le gouvernement fédéral, les tierces parties et la province. Ils n’ont pas de législation sur la DNUDPA. Leur position n’est pas claire. Cela dit, la meilleure façon de procéder est de négocier, de conclure des accords, et cetera.

Dans le pire des cas, les gens se tourneront vers les tribunaux si les choses se dégradent à l’avenir. Il existe une législation fédérale. J’ai déjà indiqué que l’article 5 était justiciable selon nous. Cela signifie qu’il s’agit d’une obligation fédérale qui pourrait faire l’objet de démarches devant les tribunaux. Dans le pire des cas, nous pourrions nous tourner vers les tribunaux, mais ce n’est évidemment pas l’option préférée.

La sénatrice Greenwood : Merci.

Le sénateur Prosper : Je remercie les témoins de leur présence et de leur témoignage.

Je vous suis reconnaissant de nous avoir fait part de vos points de vue. Il semble tout à fait logique d’aborder l’enjeu de la capacité de façon frontale et de permettre à un processus d’émerger et de se dérouler avec les personnes appropriées, les détenteurs de droits, ceux qui peuvent apporter une contribution directe et les membres de la communauté. C’est tout à fait logique.

Voici ce qui m’intrigue vraiment, monsieur Sherry. Vous avez dit que les activités actuelles n’ont rien de nouveau depuis le Plan d’action. On fait essentiellement ce qui a toujours été fait. Corrigez-moi si je me trompe, mais il ne semble pas y avoir quoi que ce soit de nouveau découlant du Plan d’action. Est-ce exact? Est-ce bien ce que j’entends? Aucun ministère fédéral n’a vraiment fait de propositions pour vos communautés et le Plan d’action en dehors des affaires courantes, n’est-ce pas?

M. Sherry : Oui, malheureusement, c’est exact, et de toute évidence, c’est quelque peu préoccupant à divers égards.

Le Plan d’action est censé être établi pour cinq ans. Oui, comme je l’ai dit, on constate qu’il contient de nombreux éléments progressistes et soutenus par les Premières Nations si on l’examine attentivement. Cela dit, dans l’ensemble, il s’agit de choses qui se produisaient déjà de toute façon. Les exemples sont légion. Le projet de loi C-38, qui modifie des éléments de la Loi sur les Indiens liés au statut de membre, a été adopté à la suite d’un litige. Il y a un enjeu de responsabilité. Depuis plusieurs décennies, le Parlement apporte des correctifs aux dispositions liées au statut de membre.

Un autre exemple serait celui de la politique d’ajouts aux réserves, qui fait l’objet d’un processus de réforme. On la mentionne dans le Plan d’action, mais c’est quelque chose qui était déjà en cours. Les autorités fédérales ont réformé cette politique à plusieurs reprises au cours des dernières décennies. Il y a de nombreux exemples de cela. Le Plan d’action est principalement une litanie de mesures qui étaient déjà en cours pour diverses raisons. Nous avons perdu l’occasion de faire quelque chose de transformateur et de différent, et c’est décevant.

Un autre exemple à un niveau plus élevé est l’accent que le gouvernement fédéral met sur la consultation et l’accommodement. Cela est dû au modèle juridique national actuel qui présente de nombreux problèmes et qui a été fortement critiqué par les Premières Nations. La DNUDPA parle de consentement libre, préalable et éclairé, et non pas de consultation et d’accommodement. Or, on refuse d’emprunter cette voie. C’est plutôt décevant, d’autant plus que ce plan d’action est établi pour cinq ans.

Un autre exemple précis lié à la Loi sur l’évaluation d’impact est celui du renvoi d’un cas de l’Alberta à la Cour suprême qui a fondamentalement renversé la Loi sur l’évaluation d’impact il y a deux ou trois ans. Elle a dû être réformée. Compte tenu de la récente décision de la Cour suprême sur les services à l’enfance et à la famille et de la Loi sur la DNUDPA, nous avons dit aux fonctionnaires fédéraux lorsque nous les avons rencontrés virtuellement que nous avions une occasion en or d’intégrer la DNUDPA dans le projet de loi qui affecte directement les terres et les Premières Nations nishnawbe aski. Au lieu de cela, nous avons constaté en examinant le projet de loi lié à la Loi d’exécution du budget omnibus que les changements apportés seraient très limités. Ils répondent aux préoccupations de la Cour suprême, mais ignorent fondamentalement l’occasion de faire quelque chose de transformateur. L’étude d’impact aurait été le véhicule parfait pour avoir un réel consentement libre, préalable et éclairé. Cet enjeu est de compétence fédérale, mais affecte les Premières Nations. C’était une occasion en or. Le Parlement est présentement saisi de la question, mais n’a pas saisi cette occasion.

Bien entendu, le Plan d’action suscite également des inquiétudes. Somme toute, il s’agit d’une litanie de choses que les autorités fédérales avaient l’intention de faire de toute façon.

Le sénateur Prosper : Je vous remercie de votre réponse, monsieur Sherry.

Ce que j’en conclus, c’est que la preuve doit être faite. Voici les initiatives législatives existantes. Il y a un Plan d’action et une loi qui est une obligation légale de mettre en œuvre la DNUDPA. Il n’y a pas de corrélation. Cela soulève en quelque sorte la question suivante : « quelle est l’intention réelle du gouvernement? »

J’aimerais poser une question de suivi. Pouvez-vous me dire si le fédéral a prononcé les mots « Plan d’action » et indiqué sa volonté de travailler sur des initiatives précises conformément à la loi et au Plan d’action? Ceux que vous avez rencontrés ont-ils prononcé ces mots?

Mme Binguis : Merci, sénateur. Je répondrai à la première partie de votre question.

Nous avons reçu une invitation par courriel en février pour participer au rapport d’étape annuel. Malheureusement, nous n’avons pas été en mesure d’y répondre ou d’y participer en raison de nos propres limites au sein de notre équipe. En effet, notre équipe dépend d’un financement annuel basé sur des projets. Nous avons également d’autres dossiers dont nous devons nous occuper. Ce n’est pas parce que nous ne voulons pas le faire, c’est simplement parce que nous ne le pouvons pas. Nous n’avons ni le temps ni les ressources humaines pour cela. Merci.

Voulez-vous poursuivre, monsieur Sherry?

M. Sherry : Nous avons bien sûr été invités à participer au processus qui a mené au Plan d’action, mais il y a des problèmes de financement. Comme l’a indiqué Mme Binguis, nous avons fait de notre mieux. Nous avons organisé une séance de discussion à Thunder Bay. Notre nation a produit un long rapport contenant de nombreuses recommandations qui a été soumis avec nos autres documents, et je vous encourage vivement à le lire. Il s’agit d’un excellent rapport. Nous avons fait de notre mieux pour influencer le processus du Plan d’action. En fin de compte, nous avons été très déçus, parce que le rapport ne fait aucune référence à la Nation nishnawbe aski, même si elle est importante, comme certains sénateurs l’ont souligné. Notre région est vaste et regorge de ressources abondantes. Notre population est importante. Nous avons rédigé ce rapport considérable, mais il n’y a eu aucune référence à la Nation nishnawbe aski, ce qui est décevant.

En matière de suivi, nous avons eu des discussions avec des fonctionnaires, mais comme je l’ai dit, le Plan d’action ne contient rien de transformateur. Il s’agit plutôt d’un modèle de maintien du statu quo. Il est difficile de penser à un paragraphe du Plan d’action qui change tout et qui nous inspire à travailler tous ensemble.

Le sénateur Prosper : Merci.

Le président : Voilà qui met fin au témoignage de nos témoins. Je les remercie d’avoir été des nôtres ce soir. Si vous souhaitez nous envoyer d’autres informations, je vous prierais de les envoyer à notre greffière par courriel d’ici une semaine.

Nous allons maintenant poursuivre la séance à huis clos pour une brève discussion.

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

Le président : Honorables sénateurs, plaît-il au comité d’approuver la demande de budget pour l’édition 2024 de l’événement Voix de jeunes leaders autochtones pour l’exercice se terminant le 31 mars 2025 afin qu’elle soit soumise au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration?

Des voix : Oui.

Le président : Le budget sera maintenant soumis au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration afin qu’il soit étudié par le Sous-comité du budget des dépenses du Sénat et des budgets de comités lors de sa prochaine réunion.

(La séance est levée.)

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